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Rene Serreau-HEGEL-et-L'HEGELIANISME-qsj-1029-puf-Paris-1968

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« QUE SAIS-JE ? » LE POINT DES CONNAISSANCES ACTUELLES

N° 1029 - ­

HEGEL ET

L'HÉGÉLIANISME par

René SERREAU Pro,'esseur 11Onoraire de Pl1üosophie

au Lycée .fansan-d,-SailLy

TROISIÈME ÉDITION

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS

~968) UATRlÈME ~l1LLE~ VfNGT-Q

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DÉPOT LÉGAL 1re édition 4e trimestre 1962 3e 2° - 1968

TOUS DROITS de traduction, de reproduction etd'adaptation

réservés pour tous pays

© 1962, Presses Universitaires de France

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INTRODUCTION

1. Avant-propos. - On a dit de Hegel qu'il est l'Aristote i2lr des temps modernes. Sa doctrine est en effet le syst~me le plus complet et sans doute le plus profond qu'un philosophe ait jamais conçu. Elle embrasse tous les domaines du savoir et recons truit par sa dialectique les aspects les plus divers de l'expérience humaine, ne voulant laisser subsister aucun résidu mystérieux, aucune intériorité cachée, aucune trans­cendance inintelligible.

L'hégélianisme est de ce fait une philosophie d'un abord difficile. Il n'en a pas moins exercé une influence considérable au xrxe siècle et, après une longue éclipse, est revenu aujour­d'hui au premier plan cn s'associant à des courants parfois fort opposés de la pensée contemporaine.

Nous ne pouvons prétcndre fairc connaître toute la doctrine de Hegel, ni même résu::ner so=airement scs œuvres. Ce que nous voulons, c'cst mcttre en lumière aussi nettement que possible les thèmes les plus essentiels qui la caractérisent et expliquent l'influence qu'elle a exercée et exeree encore aujourd'hui. Considérant l'hégélianisme comme une philo­sophie toujours vivante, nous laisserons de côté lc dévelop­pement historique de la pensée de Hegel pour nous attacher à présenter ses enseignements dans l'ordre même où leur in­fluence s'est excrcée. Rcnversant ainsi la chronologie de ses œuvres, nous commencerons par l'étude du système tel qu'il est exposé dans la Logique et dans l'Encyclopédie par~e &le c'est le seul aspcct de son œuvre qu'on ait connu au sièc e àêi'i'iiCrct'qu'i~aemeure aujourd'hui encore - nous le pensons - la base la plus sûrement établie. Nous parlerons seulemcnt dans le dernier chapitre de la Phénoménologie, parcc que cc livrc, la première grande œuvre de Hegel, est devenu aujourd'hui l'œuvre hégélienne par excellence, celle qui répond le mieux aux courants les plus suivis de la pensée contemnoraine. Eutre ces deux narties extrêmes nous accor­derons ;}ne place assez longue à l~ philosophie de la religion et à la doctrine politique de Hegel: c'est en effet sur ces deux

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6 HEGEL ET L'uF;cELlAN /S.H E

ordres de problèmes que s'est produite la scission de l'Ecole hégélienne; de là sont issus des courants de pensée fort divergents qui font qu'on voit dans l'hégélianisme tantôt l'inter~tatio~.!ayl~~()i2nde d.U christlaDisme, tantôt le pIUSsûr fonaement <le l'humanisme at1ée - tantôt la source du pangermanisme, tantôt la racine du marxisme. Nous commencerons par une étude des antécédents de l'hégélia­nisme, non pas seulement pour situer Hegel dans l'histoire des doctrines, mais aussi et surtout pour Inieux le faire coml'rendre en le rattachant et en l'opposant à la fois à des philosophes plus connus en raison de leur abord plus facile. C'est en effet en montrant ce qu'il retient et rejette de la doctrine des

( grands penseurs anciens et modernes qu'on est le Inieux à même de saisir les fondements de son système qui se dégagent ainsi nettement, comme par des retouches successives, des grandes philosophies qui l'ont précédé.

Notre travail repose avant tout sur une étude directe des œuvres de Hegel dans le texte allemand et c'est d'après cc texte que nous donnons nos références.

2. La biographie. - Fils d'un fonctionnaire des Finances, Georg Wilhelm Friedrich Hegel naquit à Stuttgart, le 2'1"aoftt "T'7'71l':"""Tr ht ses preInJheS' études au lycée de sa ville natale, puis entra en 1788 au séminaire protestant de Tübingen où il eut pour condisciples et amis le poète H~dglin et Schelling, dont il devait être d'abord le disciple. Bien qu admis aü'X"gTades de magister en philosophie ct de « candidat» en théologie, il renonça à se faire pasteur et occupa pendant sept ans des emplois de précepteur à Berne, de 1793 à 1796, puis à Francfort, de 1797 à 1800. Il consacra alors les loisirs dont il disposait à parfaire sa culture dans tous les domaines et à écrire divers opuscules, dont une Vie de Jésus, qui ne furent publiés qu'après sa mort. ---- -- '-' ­

L'héritage qu'il recueillit après la mort de son père en 1799, lui permit de quitter son précer,torat et de se consacrer entière­ment à ses travaux personnel~. Il se rendit à Iéna, où Sshlàli.ng

' enseignait depuis 1796,.y ~ub~ so~ pr~_~: ouvrage, Diffé­-1 ­ \rence des !.lstè,!!es de Flchte et aCSc1iellmf( en JUllletl"801 et . soutint le mois 8mvant sa thèse d' « liabilitation », D!u!rJ!itis 1pl~tarum. conç~e ~ans r.è~!.rrdera«-plîy~ique ~cula!ive»

alorsàlâ II!oqe. TI put ainsi commencer son premler cours eomme privat-docent en octobre 1801 et fut nommé en 1805

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l.'V'f}WDUCTION '1

professeur « extraordinaire », c'est-à-dire non titulaire, avec un traitement des pins modiques.

Dans ses cours, qu'il remanie d'une nnnée à j'autre, Hegel met au point de mieux en mieux sa doctrine personnelle et s'éloigne de plus en plus de SéeIling. La rupture de.... ient

'Z _ }jdéfinitive quand paraît son_~~mi..!<Œan~.ouvra,<);c.la Phéno­ménologie de l'esPIit qu'il achève en octobre 1806, au momllnt de la bataille d'Iéna. Les troubles causés par la guerre lui ôtant alors tout espoir d'être titularisé dans son Université où il était d'ailleurs fort mal payé, Hegel, à bout de ressources, renonce à sa chaire et accepte l'emploi de rédacteur en chef de la Gazette de Bamberg qu'il OCCUpll de mars 1807 à novem­bre 1808. C'est alors que son ami J'!,iJùhammer, devenu inspectenr général de l'Enseigncment en Bavière, le fait nommer directeur et professeur de propédeutique philosophique du Lycée de Nuremberg. Il exerça ces fonctions de 1808 à 1816. C'est durant son séjour à Nuremberg qu'il se maria (en 1811) avec la fille d'un « patricien Il de la ville qui lui donna deux fils,

J - J'fet qu'il publia sou J!!1,ygge..k-pJ~Unp-g.rt~La scie'.!Ç!l.É.!!./a 1<!I5~ (1812-1816). La notoriété que lui valut ce livre devait lui assurer une nomination en titre dans une Université. Il l'obtint d'abord en 1816 à Heidelberg où il acheva la mise au

lt - '1 p~int de s~n syst~me en le_r~su~~_nt d~ns L'En~yclo~diedes1s~':!J!Ce~p!!'llosophlqltes (1817). TI est---enrm nomme il 1 Umver­(sité de Berlin où il occupe la chaire que la mort de ~e

1laissait vacante deplùs quatre ans. Il y commence ses cours en octobre 1818 et y exerce jusqu'à sa mort, déployant ur.e activité considérable, non seulement comme professeur (il fait dix heures de cours par semaine), mais comme chargé de multiples missiollô, présidant des jurys d'examens, pronon­çant des discours, rédigeant des rapports officiels (il fut même un an recteur). Il ne s'accorde de repos que pendant les vacall­

'J ces où il entreprend parfois de longs voyages, le dernier à P~is

~en 1827. ~l est maintenant à l'apogée de sa carrière. Il a plu.s de cent auditeurs à ses cours et groupe de nombreux disciples, dont certains sont des hommes d'âge mûr déjà célèbres. Protégé par le ministre ~ns~in et le directeur de l'Ensei­gnement supérieur s~ze, il i!eut pendant quelque temps régenter les chaires de philosoplùe des facultés prussiennes. Mais il est loin d'avoir joué le rôle de « plùlosophe d'Etat Il qu'on lui a si souvent attribué. S'il était souteI@_parJ::J.~u­c~<l...tie prurienne, issue des réformes de ~n, il était fort

"1.. suspect à a' Cour et les vieux conservateurs n'avaient pas été 5" - plus satisfaits que lèsliDeriîüXJ)ârsa Philosophie dit droit,

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8 HEGEL ET L'IItcf:LIANISME

, son dernier grand ouvrage qu'il publia en 1821. Il est j3él dangereux par l'~lilise luthérienne après 1827 et rAëïiilémie deBerIin lui ferme ses portes.

Hegel fut un,'e des dernières vietimes de l'ép~émie de choléra)1 qui sévit _~ant l'été et l'automne de 1831.11 fut emporté enquelqUes heures quatre jours après avoir repris ses cours, le 14 novembre 1831. Le recteur Marheineke (qui était pasteur et professeur de théologre) et son ami''liirster furent seuls autorisés à prononce'r des discours sur sa iOiiihe.

Un passeport français, rédigé en 1800, nous décrit le physi­que de Hegel en ces termes : Il Agé de 30 ans, taille 5 pieds, 2 pouces [= environ 1.67 ml, cheveux et sourcils bruns, yeux gris, nez moyen. bouche moyenne, menton rond, front médio­cre, visage ovale. )) Ses disciples eux-mêmes reconnaissent qu'il n'avait rien de séduisant, ni d'imposant avec, comme le dit Hotho, « sa face blême, aux traits mous, pendants et comme engourdis », sa tenue négligée sur sa chaire, où il s'affalait d'un air las, la tête baissée, sa parole toujours hésitante, sans cesse interrompue par des toussotements, sa voix sourde, son fort accent souabe. Il n'aimait pas qu'on le questionne en dehors de son cours sur des points de sa doctrine : il ne répond ait que par dcs gestes vagues ou rP.nvoyait à ses livres. n préférait souvent à dcs entretiens savants la compagnie de bourgeois sans culture avec qui il aimait jouer au whist.

' \ En r()v~n('he,.l!..Q.~aitdes nuits.,~ntières à préparer ses c~urs

) ou à... éS!:Ï!"e ses liv;'e~T1a~a une 'Iïüiïj)eà hmle. 'De son vivant-negel n'avait publié que les quatre grands

ouvrages que nous avons cités et divers opuscules ou articles de revues. Après sa mort ses amis et disciples préparèrent une édition complète de ses œuvres, rassemblant non seulement les textes qu'il avait publiés. mais tout ce qu'il laissait en manus­crit, en particulier Il:!. notes dont jL~,~~~l!-pou-Lses«ours. En dehors de la Phénomeno1Ogw, sorte d'introduction au système, Hegel n'avait en effet développé à fond dans ses livres que la Logique et la Philosophie du droit. L'ensemble du système était résumé dans l'Encyclopédie, mais d'une façon très inégale: si l'on y trouvait un abrégé substantiel de la Logique et de la Philosophie de la Natllre, les autres branches du système y étaient condensées d'une façon beaucoup trop

\sommaire. Hegel avait-l~ement déveJQEpé jans ses cours ~ j!hilosopme de l'histqlre, i'estnétique, la philOsophk deJa)Ire!igi~n et !'~de la philoso"phie : à toutes ces disciplines 1'l!;ncyclopeiHe ne consacrait que quelques pages. On n1 tro_u­vait p~s les ~entaires détaillés et lCls, exen!l!les J!!!!'~s_<I!!els

Hegel éë'rairCissaifâëVarifsèsé1èVëSlës furmules abstraites de

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9 INTRODUCTION

l'Enryclopédie. Les éditeurs des œuvres complètes entreprirent donc de reconsti~uer..Jliê..si fidèlement que possible lësTèçons de I!egel. Ils utilisèrent pourcm ses' propr~s manuscrits, qui 1 n'étaient d'ailleurs rédigés qu'en partie et encombrés de nombreuses notes marginales. Ils utilisèrent leurs ~ ge Î. CQurL.llL!;elles d~_étudiants les plus attentifs qu'ils purent recueillir. "TOUS ces documents qui se complétaient et se rectifiaient les uns les autres permirent, confrontés avec les notes de Hegel, de recon§.!!!uer l'es~1illeL®_llQn enseiK;J.~!:Uent jlMd ­-·C'est ainsi que Gans édita la Philosophie de l'histoire (que K.JW.l!.egel rééditaë'iisuite) et ajouta des compléments à la Philosophie du droit. Hotbo publia l'Esthétique, Marheineke la Philosophie de la reTigron, K. L. Michelet l'Histoire deÎa philosophie. L'Enryclopédie fut ennchie d""additions (Zusiitze), souvent fort longues, qui furent rédigées pour la Logique par vQ.!1J~ing, pour la Philosophie de la nature par K. L. Mi­chelet, pour la Philosophie de l'esprit par ~ann.RoseDkranz Piiliiia la Propédeutique, c'est-à-dire le cours élémentaire fait , à Nüremberg. L'édition complète des Œuvres de Hegel, ainsi) mise au point, corn rit en tout 18 volumes qUl~arurent

àBerrrnâë llr32rI845. C'est son texteque- reproduit l'édition dite du Jubilé dë-"Glockner (Stuttgart, 1927 sq.).

Il restait à puii'ITërëTes lettres, ce dont se chargea Karl ~eI en 1887, d~vers écrits de je'E}esses qui furent publié;pir ~lat (en 1893) et par Nolil (en 1907), et enfin le Cours d'Iéna, rattaché à l'édition criiiqüe de ~n et J. HôffiiïèiS­ter(Leipzig), commencée en 1905. ,..-- ­- On n'a pendant longtemps connu Hegel f~n FrancèJIue par la traduction que Vera a donnée de l'EncyclOjiédiê(avec les additions) de 1859TI869. La plupart des autres œuvres de Hegel n'ont été traduites en français que depuis 1938 : nous les signalons dans la bibliographie à la fin de ce volume.

Les livres de Hegel sont d'une lecture très difficile en raison de la lourdeur de son style, d'une syntaxe souvent confuse et de l'jlxtrêml: tensio!!..~e sa pensée qui adhère toujours très étroitement à la langueallêmande dont elle exploite abon­damment les ressources. Les œuvres les plus accessibles à un débutant sont l'Esthétique, la Philosophie de l'histoire et l'Histoire de la philosophie qui résument toutes trois dans leurs premi~:resJl~ges les grandes-lfgnes du système. -----­

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CHAPITRE PREMIER

LES ANTÉCÉDENTS DE L'HÉGÉLIANISME ET LES PRINCIPES DIRECTEURS DU SYSTÈME

Les historiens de la philosophie ont souvent présenté les doctrines qu'ils exposent comme une simple succession d'opinions divergentes qu'ils se plaisent à opposer radicalement les unes aux autres, ce qui tend à justifier une conclusion sceptique. Hegel combat vivement cette attitude dans ses Leçons sur l'histoire de la philosophie. L'idée direc­trice qui le guide q~n~JI parc~.!! <:.la .galerie des MFos de la pensée », ~'est_~~}es_~y~!_èE!.~""Jili:il

e~ose doivent être considérés comme les étapes 8,uccessiyes d'un se~ême dével~ëïiî : celui de la pen~~e_qui progresse dlalcc­tip1em~nt au cours des âg!~:La -dernIère phifo­sophie, la sienne propre, est le résultat de ce déve­loppement : ell~Mt_~n contenir tous les~d~s ) ~ans un_6.y'stèEle final, <fHiilltif, qui ~ absoJ; e en quelque sorte dans une synthèse supérieure. C'était reconnaître que sa propre doctrine était conditionnée historiquement et qu'on ne peut vrai­m~t ~i~nla <.;omR!"endt:.e_~'enlacorrIro:iïfiiïîtav~e

ses antécédents.-. .

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12 HEGEL ET l:I1ÉGÉLIANlS}\1E

I. - Hegel et;~ Hegel est toujours rangé et se place lui-même à

côté de Fichte et de Schelling dans le groupe des postkantienr C'est dir~ sa philosophie s'est développée comme celles de Fichte et de Schelling en partant des enseignements d;"kant : il faut donc remonter d'abord au criticisme kaiiÏien si l'on veut connaître les antécédents les plus immédiats du système hégélien. Une opposition fondamentale nous étonne cependant quand on compare ces doctrines. Le criticisme kantien aboutit en effet à

. une solution-agnOSfique,-pü plutôt relativiste, d';; ·,., pJ:Qblème de la connaissance : sur le terrain ~c

l'absolu on ne peut rien démontrer; on~'-'p'~ut

~~~dopter des croyances. Or les doctrines post­kantiennes représentent au contraire un dogD!.a­

z. tism~lu~~~.ar encor~_<n!è ceux gue.I&,a.at avait re~~s ; elles ?nt édifié les s~stèmes métaI?hysiques les plus hard~e l~en~ee hum';lme aIt conçus\I jusqu'alors. Et cependantelles sont loin de marquer un retour en arrière. Elles supposent le ~tisme

tout en le dépassant : elles en conservent, en les intégrant dans leur système, les acquisitions qu'elles

jôugent valables; elles évitent de ret()mber dans les lerrements du « dogmatisme vermoulu )J.

J>our comprendre cette évolution ou, si l'on veut, ce retournement, il faut se rappeler certains points essentiels de la doctrine de K..!!1t. On sait qu'il distingue dans l'esprit:

10 La sensibilité (Sinnlichkeit) qui reçoit à travers les formes de l'espace et du temps les sensations dues à l'action sur nous de réalités indépendantes de notre esprit: les choses en soi (ou noumènes) que Kant déclare inconnaissables;

20 L'entendement (Verstand) qui synthétise les

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LES ANTl!;CEDENTS DE UHÉGl!;LIANISME 13

matériaux de l'intuition sensible par l'usage des catégories (exemple : l'idée de cause) liées aux principes de l'entendement pur (exemple: principe de causalité) ;

30 La raison (Vernunft), faculté de synthèse suprême qui, en s'appuyant sur les principes de l'entendement, construit des idées transcendantales, c'est-à-dire dépassant le cadre de l'expérience pour atteindre l'absolu (exemple : Dieu, la cause pre­mière).

Nous verrons que ~~ conserve cette distinc- Cl tion entrljl l'entendeme!';9 et ~ mais en lui ~

donnant un sens-ffès différent. Pour ~~, en . effet, si l'entendement se cantonne dans le monde -1 d~s Iiliénomè~es, il peut par son activité desyn­thèse constituer une science valable; mais la raison

Il échoueri':_-1~!!j~urs dans son. effort pour constiiïire 1 u~i...~9ue. PotirHegiIau contrauele savoir

de l'entendement n'est qu'line forme inférieure de la connaissance: celle du savant qui n'est pas philo- 1 sophe ou encore celle des anciennes métaphysiques.nLa raison au contraire, comme il la comprend,JIII n~Sdonne accès à la co_nnaissancc_È .e!us haute, nQ!!.~L_per-!!!.~.1.. d~.~u~vraiment l'absolu.

Si la raison échoue d'après ~t, c'est parce qu'elle veut utiliser les catégories et les principes

Il au-delà de toute expérience possible, si bien qu'ici la forme mentale fonctionne dans le "ide, tandis que

~ dan~monde des p!J.énomènes elle s~tpligue ~e

"!:~re sensI:E>Ië!lu'eITerend inte~ib e. Et c~q~

prouve que les catégories et les pnncipes ne valent qUe'p~urlêsj)lieÏioriièÏÏcs,c~est quê--;quandla raison vellt s'appuyer SUl" eux p~ur s'élever à u~~s­s~_....!llétaphysigue, elle se perd dans des para­logismes (c'est-à-dire des sophismes inconscients) ou aboutit à des antinomies, c'est-à-dire à des solutions

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14 HEGEL ET VIlJf.GF:LlANIS,.\Œ

contradictoires pouvant invoquer des arguments d'égale force.

Mais ces al'guments prouvent-ils vraiment que l'ahsolu est inconnaissable? Suffit·il d'un« analyse critique de nos facultés de connaître pour~ha~à

la raison l!!....I.Q.!U:éde l'absolu? Ne faudrai~~

~nné!hr~ e~ve!Q.~~~ I..'esSenQ'~ intim.e d~s choses,

fl ç'est.à-dire aV7~ir ~ésolu le_prohlèl:r!..e~~taphy's~que,

lJOur pouvoir ~ta@ir_~ue;É_â!jcomm_e ill'est, l'esprit humam ne peut s en faire aUClme conceptIOn vala@e ? - Comme le dit Hegel, « un examen de la

'2.. . co~sance ne pe~~t se [airé autrement qu'en\1 connaissant... Vouloir connaître avant de connaître

est aussi· absurde que ce sagëCofi~~n scolas­tique : Apprendre à nager avant de s'aventurer dans l'eau» (Encyclopédie, § 10).

Pour &g~ les paralogismes dont parle Kant ne sont pas dus à l'impuissance de la raison: Ils prouveJ?-t seulement que les IIlétaE?xsiciensslogma­ti~s raisonnaient sur des notions maf fi.xées. Par exemple, les paralogismes fondés sur l'idée de l'âme conçue comme une suhstance simple résultent du fait que l'on opère sur des idées inadéquates, l'âme n'étant pas une identité simple, abstraite, mais une identité active, concrète, qui se différencie elle-même (Enc., § 48, AdJ,).

Quant aux antinomies, elles ne se trouvent pas seulement dans les quatre « ohjets cosmologiques » dont parle Kant; on les trouve dans toutes les idées et dans toutës1es choses, et c'est là ce qui constitue le moment dialectique de la pensée logique et permet Je raccordement entre la logjque et l'ontologie. pom. :Ilz;~ en effet la contradiction est dans l'être même; « toutes les choses sont en elles-mêmes

} contradictoires ». La pensée suivant l'entendement i.W,e les divers aspects des choses; sa formule est:

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LES ANTÉCE:DENTS DR L'li ÉGÉLIANISME 15

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c'est ou. ccci ou cela. La p~!1sée. swvant la raison '\ sai~t_~~ contraire les choses d~ns leur totalitr\ J c'est-à-dire d'un point de vue supérieur qui domine les différences auxquelles s'arrête l'entendement. ,. Elle comprend ainsi vraiment le réel "'n le concevaHt ,...-..( .......$-­cQ..m..~~ouvantêtre à la'[O[SCëc7'et cela. Par exem- - lf"-..p4.­

pIe, « une chose se meut non pas pal'ce qu'elle est /,.. 1, , 'Ul­

à un moment ici ct à un Hutrc moment là, mais .. r-~ -'. seulement parce qu'elle est à un seul et même fP'-t:-~.J?..­

!!1..9,ro~nt ici 1<t non ici, parce qu'elle est et n'est pas à la fois à J.~ même place » (Scien.:c de la logique, éd. Lasson, II, p. 58-60).

II. - La dialectique hégélienne

\ Ainsi donc, ce que l'entendement sépare ct, ~ oppose, la ral~son l'unit dans-u:n:ê totalité concrète.}

Elle résou""fles contraires cn une synthèse supé­rieure; elle ramène les différences à l'identi té. Mais cette identité n'est pas une identité abst;;ite /4

qui serait vide de contenu : c'est un':.-identité '3 concrèJe qui contient, pose et développe enelle­nrêÏiÏe ses différenciations intérieurcs. Telle est l'essence de la dialectiqu.e telle que Hegel l'a comprise. L'objet de pensée qu'on envisige y est d'abord considéré sous s~.!Laspect Je plus immétiiut, 11

. puis par un brusque retournement (Umschlqgen),<D il apparaît sous un autre aspect qui contredit le 1

premier; enfin il est saisi comme étant l'i~é

concrète de ces aspects opposés. Tout progresseiitt dans les choses comme dans l'esprit par des ContradictioDS .-9..ui se résolvent chaque fois en

lsyntIïeses, d.:Qù surgissen1__de Douvelles contra­\ dictions. Ce mouvement dialectique est un déveJi IOlJPelnent (Entwickclung) qui fait passer rl'tr » d'un etat relatIVement pauvre et ahstrait à un état

1

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16 HEGEL ET L'HP;(;]~U.ANISME

"" plus riche et plus concret." Chaque idée a en elle­même sa propre négation qui la fait se convertir en une autre idée qui se nie elle aussi; il se révèle alors que ces dli.uX idé.e.s..-ne- &!lnt que l~s moments d'une troisièm~ idée qui contient les deux premières eE- les élevant à une u.:!li~ _supérieure. Ainsi se ~

réalise le progrèsaiaLeëtique dont fc véhicule est !k'jS - ce que ~~ appelle le négatif. Le négatif c'est

l'antithèse d'où naît la contradiction qui Er néggriD.ll.!1.e la négation est_ supprimée en s'absorb_ant dans une tota1Tïe---p1Us haute. C'est ce mouvement ~

~ialectigue qu'on exprimed'ordinaire par la fameuse A 1triade: thèse, antithèse, synthèse. En fait ces termes,

\ util!Jés p~~Kant et par Fichte, soÏitfiès ~!Ement

1 emp oyés par1rcgeI : il use le plus volontiers de vewescomme umschlagen (se retourner) et surtout'2

, auf~eben qui veut dire à la fois sUpp'rime~, Ç!!]Y<1!ver _ J et elever.

La doctrine hégélienne est donc par excellence une philosophie du concret. Cela peut paraître para­doxal,· car ses livres, ('l'une lecture très difficile, se présentent, suivant le mot de Victor Cousin,

( comme « une masse compacte et serrée d'abstrac­tions ». Mais il ne s'agit pas pour Hegel du concret

4. ( au sens vulgaire, c'est-à-dire de la donnée -=é­diate de la connaissance sensible. II faut prendre

'L~ le -El0t concret ~ans son sens étymologique : èon­{3 cretum, ilHoncrescere, désignant ce qui s~U37

p~deveIoppement deI'ensemble de ses J.larties, ~

comme le végétar-qûi pousse. Autren:îëÏit ·d1i le 1~t c'~st po~ Hegcll~ t!!!;tlité ~onstryj.te ~c­

)

Il 1nquement a partIr de ses moments. Et ces ~!?eE:ts

doive!?-t <!:-aliôrd être ab~"l!.f!Lts·, c'eEt-à·direuétachés, extraits des données immédiates ëOtifuses-: Cest là1ë rôl~réalabkde~'~nMment qui. reste es~, bien que subalterné: CJl~ ïilfait défaut

~(" ~Jr--. J -=­

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LES ANTtCSDENTS DE L'HSGSLIANISME 17

tout reste indéterminé, c'est-A·dire confondu ®ne� la nébulosité de l'intuition ou du sentiment.�

Le travail- de fa penséCI~ique comprend ainsi� d'après Hegel trois moments 10 e m2!Pent abstrait,� celui de l'entenckment qui iso e les déterminations;� 2° Le moment ro rement dialecti ue celui de la� raison négatwe, ou s1!!"@~~diction . 30 Le� moment s~atif, celui de la raison positive où� l'on s'élève Ala synthèse (Enc., § 79). Ce~~e

l'umt,é est dit spéculatif parce que€cillicelfu.!'y ~ .. -:1 t:1�

rêCOiinaît d~_~bjets comme dans un !l!P'oir~-4

(en latin speculum) (1). ~~ 1�

III.� - Hegel et les postkantiens� (~hté et S~elling)

Mais ce term.,e d'unité et ses corrélatifs: identitél�et WJlliJ.é, ont -un sens encore plus fondâine"ii'ftù. Ils êâ'raêtérisent en effet les conceptions de l'absolu par lesquelles les pos!kantiens s'opposent ~U8 J:\ radicalement AKant. Ils peiinetîë:tiï également, une . fois précisés, dCsituer Hegel par rapport aux autres postkantiens et parra'pport aux doctrines t~.~

métaphysiques antérieures. ~ ~f.b-6~__

(Kint: a reconnu que nous ne comprenons vrai· ~

m~s choses qu'en les unifiant par l'activité� ,,,yt.. -" synthétique de notre entendement. Sa propre aoc- J'jJ.,u... . trine est cependant loin de satisfaire pleinement A" cette exigence d'unification: elle aboutit en effet

b--bsous plusieurs de ses aspects A poser un dualisme irréductible. Sans doute elle semble apporter une solution unitaire a!!...probl~me âé la connaissance -P~'HJ..

en dOnnant raison à la fois à l'empirisme, puisqu'elle

(1) ~l1hllQ!9~esie Sl!éc.Hlal;~Le mot mélap.hl1­sique lUieffs~-a;-car1 TIilt penser à la. ~yslqüë-aePenIen­dement • de l' re cartésienne, systématisée par Wolf.

n. SI':KRF.AU� 2

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18 HEGEL ET L'HÉGÉLIANISME

-f rec~aît que la matière du savoir~e~t des s~n8, et au ratwnahsme, pUIsque l'e-;;tt (IOit-lmposer .!la

z. forme à cette matière pour a rendre -mtelligible. Mais elle n'obtient cette conciliatIon qu'en affIrmant ici la dualité de la matière et de la forme. A ce dualisme se superpose celui du phénomène, objet d'une science certaine, et de la chose en soi mconnais­

. sable. Sans doute Kant pense que nous pouvons \ ~1 'att~~_<!!~_.~~!__ ~h~~l~. __~,!p_ri!.~~~s~_l~' dans l'action

morale: Mais il retombe alors dans un autre dua­llsiiie: celui de la raison théorique, incapable d'arri ­ver à ses fins, et de la raison pratique qui se satisfait pleinement dans~ l'accomplissement du devoir. 1­

Dualisme qu'aggravent encore les postulats de cette~

même raison pratique (existence de Dieu et immor­"'fpd(i:- talité de l'âme) .q.ui, e.njU~tifi~nt une m~ta~h~que1

( de l~ !ranscen~anc~,_opposent ~u mon e ~)é un~

au-=aelà surnaturel. .k<- ,t."'?,~ "';./."""'v~ .fo--',...~ ,-~

-~est contre ce dual1sme qu'ont réagi d'aDord les .. deuxpremIers-grands postkantiens : F~te et l'CA- - ..,~ (Sc1Llling : ils ont vo1!!~ établir une conception6/.-.. t; vraunent unifiée du mondè:--mchte faIt de la chose

/ 1 en soi un abSolu suTiJiêtif, le moi pur, qui se pose lui-même en s'opposant un non-moi, c'est-à-dire en se donnant une limite qui rend possible les consciences individuelles et ouvre un champ d'ac­tion à l'existence morale. A cet idéalisme subjectif Schelling oppose un idéalisme objectif: il ramène tout r un absolu neutre dominant l'opposition du

rl moi et du non-moi, l~té indifférenciée du 'Isu..hjectif et de l'objectif qu'il crOIt saisir immé­

diatement par l'intuition intellectuelle. C'est à cette philosophie de l'identité que He~l

s'est d'abord rallié dans__so~_premier ouvrage : Difft-rJm.çfL.tkLsxstèmt!...~ de. Fiz!ii~-et ,4è_~ng

(juillet 1801). Mais il s'en est dégagé peu à peu dans

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LES ANTÉCÉDENTS DE L'HEGÉLIANISME 19

ses cours d'Iéna et a rompu définitivement avec la pensée de S~eUjng en 1806, !I!!!lnd il eut .. mi~ .!U point la ~hénoménologie de l~e~erit. Dans la préface de cet ouvrage il r~~Ue cet abs@L de S~elfuitg

qui surgi!J?~~qu~mel!..t.,~~m!!1e «. tiré d'un coup de{pistolet ll; il n~ y'oit gue~ la n~t où t~-.!e8

_ vaches ~ont noires ll. Et il précise sa propre doctrine: -l'absolu"doit être considéré moins comme substance

que comme s~t; il faut y voir non une entité A ( mystérieuse dont on ne sait comment déduire le

monde réel, mais une totalité vivante comprenant toutes ses déterminations comme des moments de

~ s..@. aevëlOppement (Phénoménologie, Vorrede, 1-3 )' et II:l). .

IV. - Hegel et Spinoza

~~ appelait la philosophie de l'identité de Schelling un « spinozisme kantien ll. En l'adoptant, il S'ètait rallié en fait à la d7;étrine de l'immanence de SPÏI}0-f' à ce ~v XlXt 7tiXv (un et tout) que son aIDI ô!derlin lui présentait déjà à Tübingen comme la vi'rité suprême. Si le refus de toute transcendance apparente toujours H.m.l à ~pinoza

une opposition n'en apparaît pas moins dîBie moment où il s'est séparé de Schelling. Il rejette alors implicitement le spinozisme en t'ant que philo­sophie de la substance; il le rejette en tant que métaphysique de l'entendement et en tant que doctrine (onAée. sur l~ m~thode mathém~t!~~ )'\ nuonvieE!_qu'a~ ~~~aine de l~antité pure. S'il reste fidèle au principe -del'Immanence, il ne peut admettre que les attributs et les modes soient simplement dans la substance; ils doivent en être déduits comme ses différenciations nécessaires. Cjl qui manque au~o~~e de ...êP~a c'est l~~e-

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20 HEGEL ET L'HSGSLIANI8ME

loppement dialectiq~ qui domine'\[~rs hég~e~)

§pin,..2!.a dit bien que toute détermmat~onest une 1?A"'7J" - _négation; mais il ignore la ;rsatîon dé la néggjion

qui ~~Ja so~rce du pro~s an81'être comme dans la pensée. L'absolu de Sp.i~a est un réceptacle

~ infini qui contient simplement ses déterminations( finies et a en fait les caractères d'une chose; l'absolu de H~~, sujet plutôt que sUbstance, est un pro­Ulr cessus, un progrès, un.devenir ; il se manifeste comme uDëléve~oppemënt, tiIie"éi&I~.tion (le mot allemand

, EntuiièEelungales deux sens). Pour Sp'inoza l'absolu esfSimuftanément étendue et pensée;pour Hegel il est successivement matière et eSRrit. Ce que 'SPûa explique par un paraUélisme, qui fait de l'âme l'idée d'un corps, résulte pour &~ d'une évolution: la Nature, extériorisation de l'Idée absolue, s'élève par degrés du mécanisme à la vie, et le 'p!~ès de ~a

vie atteint son terme ultime dans la pensée de l'homm~où-l'Esprit absoru finit par prendre 'coîi8ëieE:cë de lui-même. Pour Sp'moza tout S'en­

-1 chaine nécessairement dans l'univers suivant un[déterminisme purement mééaniste et la finalité n'est qu'une illusion. ~g~ associe au contraire

'2 la finalité au déterminisme; pour lui, la détermi­( nation est en même temps destination (1) : la~e

/ évolue dialectiquement pour faire apparaître l'~rit.

V. - Les antécédents de la dialectique hégélienne

Si la conception de rfirnmanence chez.~H"Ç,gel est très différente de cell~ e!!!0za et plus encore peut-être de celle qu'on trouve chez Plotin et dans 1'~.J0le d'Alexandrie, ~ dia~n-revanche

,,-, \

.~

(1) C'est Je double ~(>ils du mol J~!la.

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LES ANTEceDENTS DE L'HeGeLIANISME 21

revêt chez lui tous les aspects sous lesquels elle s'était présentée jusqu'alors.

1. Platon. - C'est d'abord la dialectique comme procéd%dé pensée. Dans ce sens, commun à Platon et à Kant, c'est l'art de découvrir des contra­di~J;lsdans un o*t de pensée et d'essâyer de l~ ré~o!!.dre ou de montrer qu'elles sont inso­lubles. Cette méthode avait déjà été utilisée par Zé.E.0~, <J.'Elée et surtout par les sophistes grecs. Ces sophistes, H,:~g~ les considère comme de très grands philosophes, parce qu'avec eux apparaît!l'âge de la. réflexion su!dt!_~!ive où l'absolu se pose comme sUJet.

2. !Y.r.'!!!ilite. - Mais pour ~~g~l la dialectique n'est pas seulement la loi de la pe~sée : elle est aussi et d'abord la l.Qi de l'Etre. Son plus lointain précurseur est ici Htr.~çJj.te qui a le premier enseigné que l'être et le néant s'identifient dans l~r,

que tout es.~ èJÎ .!D-0uve~ent, tou~ha.n-g~ut

s'écouIel7t~v'r~-p&f.l.Le monde et la société humainej\ " ne progressen~epar des oppositions, des conflits; /J, />VtA-'

~a ,gger!..e est incessante; elle est vartout et en~re cL.. f

tout. La philosophie ~géJjenne est, elle aussi, une n~4- 'l

PJiflosophie du deve'lir qui fait de la contradiction lasource de toùf mouvement et de toute vie. Mais le devenir pour !!.e~l n'est pas seUlement une évolution dans ~ temps; il est aussi et d'abord un dévt{IQppe~eEt (intemporel) 5~~ ~~f ;

~P.3. ~oclUB et J. Bgl!!.-me. - La dialectique peut enfin avoir un sens mystique. On en trouve déjà un

t1 rJ J9- l..-' '-·L

exemple dans J'Antiquité chez P~s, le dernier "1.. ~ •

grand représentant de l'Ecole n~;DW9nicienne : -//~ /"'sI:; <.

partant de l'Unité absolue et ineffable, il développe tout en triades dont chacune révèle une des faces

--:7

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l

22 HEGEL ET L'IIEGP:LIANI5ME

de la cause première et surintelligible. Mais c'est surtout le fameux théosophe Jakob Bœhme,~le

philosophus teutonicus," qui semble. avorr iiil'Juenëé Heg~. On trouve déjà chez ~e des thèmes hégéliens, par exemple, l'idée d'un h~_tre parfait qui pose et s'oppose à l'intérieur de lui-~~me_~onTbl'ff­1propre contraire pour, en surmontant ses contra­dictions, s'épanouir dans une claire consc~_ence_de soi et absorber toutes les désharmonies dans une synthèse har~~!!ieuse. ~g~ s'est mis à son ~cole

en s'appliquant à donner un sens dialectique à des dogmes chrétiens"' com~~.JaITrinité. ~

VI. - !!eg~ et Aristote

De tous les grands penseurs anciens celui qlÙ s'apparente le mieux à &~ c'est peut-être Aris­tote. Sans doute !ri!n,ot,!; fait assez peu de cas de ce qu'il appelle la dialectique où il ne "9it --p!':u.ne écol~ 4~LYJ'Jü§e~!~pces, sinon de sophismes. Loin de déduire comme Hegel les catégories les unes des autres, il les présente comme des genres de l'être incommunicables entre eux. Mais la logique d'~s­We est de prime abord ontologique comme celle de ~cl : les lois de la ensée sont. our lui.les lois

. ge l'etre. _Heg~l se rec ame vo ontlers d' IS!.2.te:J\c'est, par exemple, une longue citation de sa

( Métaphysique qui termine l'Encyclopédie. Il est son égal par l'étendue de ses connaissances et l'a~pleur__~e s~n systè~~ _gt.!i_~mbrSJ,sse tDusJes dOl!!-llin~~d~.!'avoir~--Ils ont mérité tous deux, par

( la profondeur de leurs vues, d'être appelés « les

1)< 'Î J professeurs des professeurs ». On pourrait parler ~

.~ d'une ~etd'une gauche aristotélicie.n.nes comme 1 on par e, nous le veflOns, d'une droite et d'une • ga.,!1che hégéliennes. Si en effet .Gt~e a pur?~

cJ.,..

l 'Grf'jr­

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1

\ LES ANTP;CJ5;VENTS DE L'HEGELIANISME 23

prêt~~ l'armatur~ C!~_S~!!-.!lystème au th.2mi~e,)~

doctnne officielle de l'Eglise, il a pu aussi, dès J l'Antiquité avec Straton, et maintes fois depuis la Renaissance être inVOCiiié en faveur d'une conç,eption. II 1.. nat'~te du monde (ne serait-ce que parce qu'ilJ/ eim"ût1'idée d'une création du monde et l'immor­talité personnelle de l'âme).

Ce qui rapproche le plus Hege] d'~We c'est d'abord sa conception de l~iversel réalisé dans l'individuel : le particulier (das Besondere) c'est

.>- l~essence qui se particularise en se déterminant t

(Enc., § 24). C'est surtout sa conception ëIUdéve· loppement de l'être: au rapport aristotélicien de la pu~ce et de .r-~te correspond chez Hssel le rapport de l'en soi (An sich) et du pour SOL rFür

Il - sich). L'être en soi c'est la virtualité qui n 'est pas encore sortie de son unité intérieure (par exemple.

Z- le germe d'une plante) ; pour soi l~ê~e est réalisé comme existence particulière distincte (exemple la plante qui pousse). Mais comme le pour soi est, à son achèvement, l'en soi développé, il est en fin de compte en soi et pour soi, ce qui complète la triade dialectique. Cette tmit' de l'eQ soi et du 0 r soi Jt"JI c'est le concret. Le eveloppement de l'être est ainsi A une c(mç,r#!i.l.m,-.-!!~.E!9grès de l'abstrait. ~n~oi)

au concret (pour, soi). C'est en même temps une médiation, c'est-à-dire un passage par des moments) L

slf&cessifs qui se contredisent, se nient, se réfutent les uns les autres (cf. Leçons sur l'histoire de la philo­sophie, éd. Hoff.II!~er, l, p. 101 sq., et p. 139 sq.).

Un autre point de contact important avec ArisWe, ~'est l'a.çcord que H.~e) veut établir entre ~~et~r.ù~4 reconnait que la ~

p ~sop'e doit son déveloP-Eeme!l!. aU_~~~!!Q.ë8

e~erim:mtaJdes'a ~'~~eS~·,~oeunl'·_~_~J1de~e~kiTce

pour pomt e epart. on ro e est e donner ..jte

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24 HEGEL ET L'HEGELIANISME

contenu emp-iri~e (d'abord_ subi passivementL la ~d~I!!.-1.!éces~ité(c'est-à-dire de l'enchaÎI1e­ment logique), la forme de l'a priori qui représente la liberté de la pensée (Enc., § 12) (1). La philo­sophie spéculative peut donc accepter la fameuse formule : nihil est in intellectu uod non rius rit \

,..-( i~ (ri~n n'e§Ldans l" ect qui n'ait~té J <Z- auparavant dans les sens). MaIS e e peut la rectifier

et ïâ compléter m'feui que ne le faisait ~ibniz

avec son !!isi ips!J.... in.!elleetus (si~_n~t ~llëët

lui-même) ; ellë peut fa retourner entIèrement en disant : nihil est in sensu quod nonfuerit in intelk,etu (il n'y a rïeïldans~s qui n'ait d'abord été dans l'intellect). Ce quiSigmrlëque1e~a Raison, est l~ première du monde et quet:"oute expérIence, CQl!!;me tout sentiment, n'a de contenu valableIf q~'autant qU'lI émane de la pëÏJ.séë (Ene.,g 8).

VII. - Le panlogisme Heg~ et les cartésiens

!!eg~ représente donc la pensée rationaliste; ill

l

l'incarne même sous sa forme la plus radicale, le lHpanlogisme, en f' nt de la Raison la bst nce

.JIU mëïiië'"' e 1 DIvers. ans un c apltre essentiel de son Introduction à la philosophie, ~t a montré nettement le progrès que réalise la doctrine hégé­lienne par rapport aux formes antérieures du ratio­nalisme. La forme la plus ancienne est l'apriorisme de Platon: la pensée n'y est pas vraiment créatrice desid~~ car d'une p~rt,le ~~nd~inte~~le .n'y est en faIt qu'une copIe epuree dU mon e sensible

(1) La p~e est libre quand elle n'est 1'81 asservie à une donnée extérleure,mats se meut d'clle-même ell posant IlltérfeurelPent S~J

propres détennlnafions.

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lES ANTEcEDENTS DE L'HEGELIANISME 25

et la théorie de la réminiscence suppose que l'âme,) 1 avant son incarnation, n'a connu les idées qu'en, les voyant en quelque sorte, par une intuition ana­logue à l'intuition sensible. U~ha5e plus élevée du rationalis~~!!~ç~que~t appelle l'onto- \ L logi~me, rep.!é.~~!-l!.~§.!1!tout par D~.!SJ.rtes : la pensée y atteint l'être en saisissant intuitivement des l évidences premières : le Cogito, les fondements des \ mathématiques, !'idé~.dJL ])ieJl env~pant.. ~on

existen~Jar~en! ontologique). Cette métaphy- 1

sique de l'entendement, s'inspirant de la méthode ma!.Mm~tique, est systématisée d'une façon plus . panaite dans deux directions opposées par Spi!l0.!,ll 1 et par~z, mais il y manque toujours la média-

J{ tion entre l~oncept de l'absoWetIJJL!"éalitleii!Pi­riqUe::;)Ne se contentant pas d'une ièléè « qui se ~

porte elle-même », c'est-à-dire implique d'elle-même 1.5 son objet, son fondement substantiel, le~ame

cherche une idée qui se meut d'elle-même, c est- - Ile ., qUI produise toutes les autres idées par la nécessité

; du développement diale~tiqu~.!l!YIuLes! iI!!manent. ~

~ Ce_t aut!!--'!!.t!!!v~_'!'!!.'.!.L ~e l'Idée permet d'éliminer '\ ::::::::. la transcendance de l'absolu~ qui avait dominé '>

toutes les formes antérieures du rati<!~~sme, y ,<~.JcOïiij)i:lS1ecrîtlClsme ~~ien avec sa cho_se~i Y"~

inc~_aissable (1). Le monde des phénomènes n'est "..,..::- ­[ rien d'autre chez ~~l que le développement de l'Etre dans toute la plénitude de son contenu

(C concret. Le panlogisme aboutit ainsi à une doctrine qüt,";i elle- &t apritriste par sa méthode, est~.

riste par son contenu effec,tif. Comme le dit _ re(

(1) Il en est de même de la doctrine de SpJDRp : la substance avec lesJttrlbu1s Infipls elUlllmhœlnftnl (dont creux-seulement nous IOrit connus) s'oppose 51 radicalement aux modes finis consUtuant le monde réel que ~el a pu dire que son p8J1tbéjsQle était plutôt up aco~mls~ qu'unatMlsme, .

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26 HEGEL ET L'H~G~LIANISME

~

A Weber,rl'absolu hé élien « n'~~e_ ~I.L.!Ïe.n.J.u)\

c1i08êsfily est tout entier. E~ ~eme, . n exc~de

1- en rien lacapacité intellectuelle de l'homme >l. e.

VIII. - Spiritualisme et matérialisme

~f Si la philosophie hégélienne s~ ainsi ~o­J!psition de l'em .. e et du rationalisme, elle sur­

monte également celle es octrrnes spiritualistes ~

1et matérialistes qui~rtageaient Ie~ esprits au . )1XVIIIe siè~le. Dans les universités on enseignait le

spiritnalisme wolfien qui systématisait la doctrine de L~z. c'ëSi en étudiant Wolf que ~gel

s'est initié très jeune à la philo.~9..PJ'ie et c'est sans doute parce ::t'il commençait à le_dépasser qu~il

fut mal noté e phiJôsoplûê âu séminaire de Tühin­~, ~lIeSt· certain qu'en paroles au moins &~.!­

d'tou'ours rendu hommage au spiritualisme uis u'ilJI parle sans cesse e leu et appe e s nt eist) ,l'Idée, principe suprême de sa doctrine. Mais....il

-- f n' st as du tout sûr l'il ait ar' del 'èc~

essentle es u SfIrltualisme j l'existence d'U!!.- ieu personnel et l'Immortalité personnelle de l'âme (dont Kant faisait des postulats de la raison pra­tique). ~qui est certain c'est qu'à côté de ~t,

de SRin~a et des Aufkliirer plus ou moins w.2!.fiens, ~~l a connu de bonne heure les matérialistes

l)t c&Aa t" (~~s dont la doctrine a prévalu en fait au - XVIIIe siècle, en dehors des Universités. Il rejette

bien entendu le système d'un d'HQlb~h qui n'est, comme les doctrines spiritualistes qu'une méta­physique de l'entendement. Cependant, comme l'atteste Victor Cousin : « Il ne dissimulait pas sa sympathie pour les philosophes du XVIIIe siècle, même pour ceux qui avaient le plus co~a~a

cJ!.use du christianisme ~Lht~osophie

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'" LES ANTEcEDENTS DE VHÉCf;LIANISME 27 ;; C=:=:=='. __

f~- .. ~

sJ~iri~ualis~ Nous verrons comment, tout en T _ ~1:téVe1OpJ5ant en fait une conception ~ux;alis~ _r>-~

du monde, il a su garder un sens aux notIOns res ~ -:-; plus vénérées de la(~nsée spiritualist~ et a pu )~J­

soutenir que « l'esprit esf1a vérité existante de la ~

matière qui est que la matière même n'a pas de vérité» (Enc., § 389) (1).

Il

-/ 1/ li A"~ '-Si"" (1..' "'"...l.'I t;

... t 0 cJJ'-oJ..-,--A /~ (r fr) .;,. 4. -"'" ~--...J>o /

~,----r~-v- f ~

Page 31: Rene Serreau-HEGEL-et-L'HEGELIANISME-qsj-1029-puf-Paris-1968

CHAPITRE II

LES THÈMES ESSENTIELS DU SYSTÈME HÉGÉLIEN

J. - L'idéalisme hégélien

..fug~ qualifie sa doctrine d'idéalisme et c'est toujours sous cette étiquette qu'elle est cataloguée par les historiens de la philosophie. Mais ce mo.t d'idéalisme est vague et même très éq:uivoque. Il faut bien saisir dans quel sens il est pris par Heg~.

Il faut tout d'abord écarter l'acception la plus~~

(. ~"> \ courant&.Jlu...m.ot, celle qui revient à opposer sans ~"&5J cesseJ:Idéalbau réel~e qui doit être à ce qui est,

~g~ com at cette philosophie du devoir être telle qu'on la trouve dans la doctrine de Fll:!!!e, dans laquelle l'idéal n'est jamais atteint, plus encore telle qu'elle s'exprime d'une façon confuse chez ~RoIjla!!!iq'!,es : par exemple la Sehnsucht (nos­talgie) de N..oy..IDis, l'ironie de lù'édéric Sch1eg~.

- De telles doctrines impliquent Pinsatis1âëtion _ devant la réalité et font aspirer à un dépasseD,lent,r~ ] ~ vers des lointains brumeux. Certes l'homme

r8e sent d'a!?ord jeté dans un_ m.onde éttanger,Jtr1ïo8t~, o[""ll se~ent perduT!fai8'1le rôle de la philo­

Ilop..!lle n'est J)as de détourner l'homme du monae

A

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---- ,�

LES TH~MES DU SYST~ME HtGtLIEN 29�

,/3� réel; elle doit l'amener à se réconcilier avec lui en� d-,'couvrant en.lui""'Cë<jUre;tJ~'~gène à 1~PJi.t.

iii Quand l'e!!.mit cOI!lprend le monde ep. se re_c~~s.

lit ~ant en lUi, ~ent chez SOl. Au lieu de se sentir� per~~~<!~~~~nde.l'esprit en le comprenant et� en lui donnant un sens revient à soi, enrichi de tout� cë qu'il s'est ainsi asslïïïIIé.Comprendie le~l~

de la p . osophie : il faut que tout soit reconnu� rationrJel, « idéel », c'est-à-dire adéTlatement� ~nnaissable par la raison, de même nature que� ses idées (cf. Science de la logique, éd. ~n, l,� p. 145).

:::=s Il faut donc aussi éliminer le sens qu'on donne k,C"o""'''''au mot idéalisme quand on l'applique au criticisme r

~tien, qualifié d'icYJJ,lisme transcendantal. Cela ~~.~I{ ~eut . dire que p~ur .K8J}t nous n~ connaissons

liJamaIS que des ldées et plus géneralement des ~"""ër-phénomènes conditionnés par notre stru.cture m.en­tale qui transcende les matériaux de l'intuition sensible; la réalit~ofonde...·des choses'" nous iïhas:e, la cMseerï soi eStmconn:aissable.--.=-Pour n~, au contraire, il n'y a pas de chose en soi,i!s ®=réalité kdépendante<îe la"'-p~.!~e.Tais cela ne veut pas dire qu'il n'existe que des êtres pensants co.mme l'enSeigne. Berkeley qu'on qualifie le ~lusll

souvent d~i.d.~~listeE~rs lJl:l.4:l._ sa doctrine n est 1� ~~~itualis~~ im~a!érialis~e). !!.ë~~ll.e

comme superficielle (ofiêrJlàClîlwh) cette forme� d'idéalisme pour laquelle les choses sensibles ne� seraient qu'un monde subjectif, un monde de la� conscience. Qu'on lise pour s'en convaincre ce� passage de ses Leçons d'esthétiques:�

cc Le plumage multicolore des oiseaux brille, même s'il n'est� vu par personne; leur chant retentit, même si personne ne� l'entend; cctte caetée qui ne fleurit qu'nne nuit et ces forêts�

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30 HEGEL ET L'HÉGÉLIANISME

tropicales où s'entrelacent les végétations les plus belles et les plus luxuriantes, dégageant les parfums les plus suaves, tout cela dépérit et tombe en pourriture sans que personne en ait joui. » 1-<

.",. f'"J. T':::--n

- II. - VIdée etQe concept ... .Y l ':-' • 1

-~ ;; Clr-f- !l Le sens que Hegel donne au mot idéalisme c'est'

celui qui fait de l'Idée l'absolu, le principe suprême. ~ue faut-il enten~~_pifïà? On sait que pour

('1'3: aton'l'wee-est l'essence suprasensible, le type général auquel participent les êtres particuliers dans le monde sensible. Mais l'idée de Platon est

\ transcendante et sa doctrine e~!:..!!ualiste pü'is""qu'elle 1oppose radicalement le monde inteIIigible a!!..!!!onde 1. s~J:!.sible. ~g!!ianisme est au contraire une .1'hi­VV(J - IJ l~sophie de l'~mmanence : l'~u c'est le sujet

ft universel i corn rend tout, dont toutes les ch ses J' ne sont que e éve oppement dialectique. Ce sujet

universel c'est ce qu'il appelle Idée ou ~pt

( 1j!.egrJ:ff). Le mot concept est le plus expressif par son etymologie même. Concept, de concipere, (comme Begriff, de begreifen) veut dire c~

comprend, c'est-à-dire prend ensemble (1). Le concept c'est la co.mE.réhe~sjo1Jbl)mitlersel qui comprend ses détermmatlons dans un aéveloppe­ment dialectique; c'est en ce sens ce qui est llh§o­l~~et (Enc., § 164). Quant à l'idée, au sens precis, c'est pour He~l la réalisation adéquate

1] du concept, « l'unité absolue du co~t et de ~ l'obiillivité » et ainsi « le vrai en soi et pour soi»

(Enc., § 213). L'idée c'est d'abord la vie, l'âme, puis l'idée du vrai et du bien dans la connaissance et l'action, enf~'elleatteinl'dans

"tc/.L-L" .-; (1) Il est fAcheux pour cette raison que, suivant l'exemple des (l~ anglais, on ait longtemps traduit Begrift par notion.

îW-­é.J,-If )/J;"':"(;.- ~ t~ ~.~#, piA-. .5e.- of'.,,~ ~ J-'''' ~ ,

~c;tJ4- S:'...-- û,-' .r.-.~,,!_ )

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~"'" (;AÂ..;t s tfj ....~ fJ)tt 't;....-t!ô'­-::;

N.A-- V, ~

LES THÈMES DU SYSTÈME HÉC"P;LIEN 31

la--Eensée ~u p_hilosophe où e~~e pense elle-même, ~

est 1!i"VérIté qui se connaît » (Enc., §§ 574-577). Du point de vue de l'Idée, ~1.2- con~apparaît

comme un moment subordonné; il reste néanmoins le principe de l'idée (Enc., § 213, fin).

III. - La pensée et l'universel

Il

Plus généralement, ce qui est premier l'our He~l

c'~t la pensée, non pas la pensée subJectwe, c'est·à· dire la simple opinion, mais la pensée objectiveWs'identifie à l'universel. C'est d'abord l'universel te qu'il est conçu par l'entendement, c'est-à-dire considéré abstraitement comme une forme vide séparée de son contenu. L'universel vrai, celui de ~

la ra~son, ?'est le concept.. c'est-à·dire la pensée qui se determme, se lOFrêrét~se. se donne un contenu, c'est l'universel ui se articularise (par exemple, l'animal en tant que ma ère). L'idée c'est le

~ c~ept en tant qu'il se ~se, le concept ~i se .rl rëïiîplit de lui-même. Parexemple;-S:I'~Ue\ j~'u.-,f;I"...

concept, e.!!.e se donne sa réalité dans Je corps :) J J~

d'oilla vie.~ Si le~ept et la réalité se séparent, ~ 1 J !><

~st lamort (lHSi.de la phil., éd. lùt~r, Ufe--9-­:-9-1 à 99)~ ( (j.;r!

~ Ua pensée)est pour Hegel à la fQis : Id:- (; ~

11'~ '. 10-,La substance des choses extérieures : dans la nature, «""intelligence péffifié'ê»;"'disllÏt Sch~g,

elle se manifeste par les lois des phénomènes, les genres et les espèces des vivants; 2~ La substance universelle des choses de l'esprit:

I. u Ifans toute intuition humame il y a iIe la pensée; de même I~Rensée~t--!,~én.?-ent universel dans toute re résentation, dans tout souvenir et d'une maïïière ~énérale dans toute activité mentale, dans'

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32 HEGEL E1' L'HEGI!:LIANISME

~ JI toute volition, tout désir, etc. » La p~e ~tJI\donc êtreconsidérée «oomme le véritableprincipe

...-1 universel de toute existence naturelle aussi bien '2- q!!e spirituell~; elle domine e~mbrasse toutes

~es chosëSet est à la base de tout» (Enc., § 24, Addition).

IV. - Divisions du sy&tème

~ Le système hégélien est le développement d'une "~.j~ '" vaste triade dialectique : idée, nature, esprit. Plus '/:--..J'L exactement il étudie l'Idée, autrement dit l'absolu, t1~tca. f...-.... aux trois moments de la méthode d.iaJ~cti~e : ~.~., .. position (thèse), ne.'gation (antithèse), unification "-'<.2< • {!!ynthèse). L'Idé.e. est d'abord l'Idée-llW'e..{2!!4e­'Ul-~ {;:; ment de toute existence naturelle et spirituelle,-/c(::.,..t~ l'équivalent de €le qu'est dans une philos~hie

~~ spiritualiste t!L:eensée divine avant la c_réation du ----:--- (mOnde. Elle est ênsuite l'Id' ext rioriséë""8ortant ~ d'elle-même pour se manifester comme Nature ans

l'esFace èt dans le temps. Elle est enfin l'Idée rentrant en elle-même après c~te aliénation-et d~enue ainsi eSErit réel,pensée conscie~te d'elle­C2J m~e. - D'où es trois grandes divisions du sys­

~t

tème : LOJ{1/!:; Philo~~hie de la nature;-Philosl!l!!!i:~

de l'esprit} egel identifiant Idée et Raison, on peut -1 dire que la ~.1 étudi,§"e in ab~t,racto dans_la Lo~e, est étudi~ dans la PhilosofJie de la

"2. nature en tant qu'elle s~ réalise dans 1 nivers et dans la Philosophie de l'esprit en tant qu'elle se

-.J .!!aIise ~la pensée et l'activité de l'homme.

1. La logique. - La logique commande toute la philosophie hégélienne. Elle doit être considérée comme un système de détermination de la pensée où d~~p~raît l'opposition du subjectif et de l'objectif.

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LES THÈMES DU SYSTÈME HÉGÉLIEN 33

Autrement dit elle se confond avec l'ontologie : les catégories de la pensée sont en même temps les categories de l'être. Si la pensée logique est dialec­~q:u.-il, c'est parce que l'être lUi-même est dialectique. La dialectique idéelle n'est que le reflet de la dialectique réelle : le logicien doit se laisser guider par elle, penser à sa suite (nach-iJiInken). Sans doute la logi~e apparaît comm~ un «J:Qy~med'oIl!Pres » ; mais ces ombres sont les essences pures, dégagées de toute matière sensible, dans le réseau desqueJles est construit tout l'univers. -­-La logique hégélienne comprend trois grandes

parties : la théorie de l'Etre, la théorie de l'Essence et la théorie du Concept.

a) Théorie de l'Etre. - La théorie de l'Etre étudie les catégories les plus simples et les moins déter­minées; celles de l'immédiateté. Elle commence par l~?!ion d'Etre : c'est l'idée la plus abstrll:ite,

( la plus universene,-mais par litiiiêmlLliLclus vide1

Ide contenll.L'être qui n'est ni ceci, ni cela n'est rïeïi ; il équivaut donc au néant. Cette contradiction se résout dansJe devenir.!-passage de l'être au néant et d~~j.ant à l'être. « Le devenir est la première pensee concrète et ar là le remier conce t, tandis que l'être et e néant sont es a stractlOns vides» (Enc., § 88, Addition). Notion capitale par laquelle ~~ rejoint le vieil Héraclite: rien n'e~tl

stable dans l'univers ; tout y est ~ mouvement cOiifiîïuel et, J'absolu n'est rien d'autr~~ ce process~ ininterrom u du - nir (4as A h$ow.te iJJ~ss. y a en toute c 0 e de l'être etdu non-êtrè. Si une fleur n'était que fleur, elle resterait

( fleur éternellement; elle se nie, elle se réfute en se fanant our donner un fruit et des raines.

Toutes les catégories de l'être se evelo..ppent_ à Parîiraud"evenir. Pour simplifierla dialectique --- ' n"". rt:nw:' R. SERREAU ·3

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34. HEGEL ET L'H~GELIANISME

hégélienne, on peut dire que le .deyeJlir ~le

~sag~ d'une qJ,l.alité. à une aut~e.' chaquê h~i!é

determmant une enstence em Ln ue, un aseLn (etre- à . Un être dé~en:r:Yn~ eu ~ant ~'i1; s'op..e0se a~autre est etre our so F sLch sem). - Le mouvement i ectique conâUlt aInSI e la qualité à la quantité: quantité extensive (nombre), giiiûl.eux-i~i!~...oJl ~~. On aboutit a~si à la mesure, quantlte -dont <lepend la qualite. Par exemple suivant son de~é de tempér1mire l'eau restera liquide ou' d~iendra glace ou vapeur.

b) Dialectique de l'infinitude. - C'est à propos de ces catégories que Hegel développe sa célèbre dialectique de l'infinitude, sa conception de l'infini vrai. Il ne faut pas concevoir l'infini comme étant

(la progression d~ fini qui, en avançant, recule s~~s

cesse ses bornes, mais ne rai[ainsi Ç[!l~_.~~~_«!c:l.!!!1er

de nouvelles : ~ès indéfini c'est le__inauvais tYu Jaux) infini. Il faut conceVOir FJ.J.Ï1mi'dIâTec­tlquement comme se réalisant dans le fini et par le fini, où il se manifeste en s'imposant des limites qu'il nie ensuite, cette négation de la négation étant son affirmation. Autrement dit l'infini vrai c'est pour Hegel la totalité des moments de l'être qui se détermine elle-même dans chacune des bornes posées par le devenir universel (1).

c) Théorie de l'essence. - La notion de mesure fait passer de l'être à l'essence. Ce qui se cache sous les aspects changeants de l'existence empirique que sont la glace, l'eau liquide, la vapeur d'eau, c'est l'essence de l'eau conçue comme toujours identique à elle-même. Ce qui tombe sous les sens n'est plus

(1} Le faux infini ~eut être symbolisé par une droite qu'on pro­longe indéfiniment. L infini vrai est symbolisé par un cercle. Autre­ment dit l'absolu circule : l'Infini se manifeste, se donne l'existence, en sc détenninant, en devenant fini.

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LES THÈMES DU SYSTÈME IlitGitLIEN 35

alors qu'apparence (Schein) (1). L'être apparait ainsi comme dédoublé : il se présente sous deux faces qui se réfléchissent l'une dans l'autre. Les termes s'opposent ici par couple: identité et diffé­rence, fondement et conséquence, chose et proprié­tés, force et manifestation, intérieur et extérieur. Tout en s'excluant ces catégories n'en sont pas moins inséparables: elles s'appellent l'une l'autre. Ainsi la chose n'est rien si l'on fait abstraction de ses propriétés qui ont en elle « leur réflexion en soi )l

(Enc., § 125) (2). La force n'est qu'une entité vide si on la sépare de ses manifestations: c'est pourquoi l'explication d'un phénomène par une force est une pure tautologie (Enc., § 136; Logique, éd. Lasson, A II, p. 79-80). L'oppositionOa plus illusoire est cell-v

~ de l'intérieur et de l'extérieur. La réflexion considère J.~lF~ } d'ordiIlaire l'essence coinme n'étant que l'intérieur r;.... ~

des choses. En réalité l'intérieur et l'~eur ont ~S?t-f---­le.!!!-ême contenu. « Tel est rliOmme ext@eUJ'$Plent, ( ~ t-~

c'est-à-dire dans ses actes, tel il est intérieurement; J

(1,~ et si ce n'est qu'in.!~rieur,gnent, c'est:a:ëIiie seule­ment en intentions, en sentiments qu'il est vertueux, moral, etc., et que son eJCtérieur n'y soit pas iden­tique, c'est_~e l'un estaüSSi~~ux et vid~e

l'autre.))JJ. ~donc dire que l'homme n'est nen A* '3d'autre que la série de ses actes. C'est pourquoi ce

qui est' purement ~tèneut est par là aussi tout .. "Lt. J-s extérieur. Ainsi la raison de l'enfant n'est d'abord <Le ~

~ virtualité int~ri_§Jtre; elle ne se réalise )~.~

vraiment que par l'éaüëition en prenant la forme ­

(1) Jouant sur les mots H~el dit que l'essence (Wesen) c'est l'être passé (ge-wesen), mal!M! ûn passé Intemporel; l'être s'y est~( Intériorisé (er-inner/) , comme le souvenir (Er-Innerung).

(2) Il Y a lei passage de l'fue à l'avoir. Les qualités ne sont plus pour elles-mêmes, mals seÜfement êoiiime propriétés de la chpse qui le! a. Ce qui jusmle l'emp}21 du verbe avoir pour marquer le ~lLn'l!"Sl plus. mîîIS1.ëSprlLeD....8.arde le souveiili, l'a Vu";"en­ten u, ete. .

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36 HEGEL ET L'H1tG1tLIANISME

d'une autorité extérieure (volonté de ses parents, enseignement de ses maîtres). Ce que l'enfant n'était d'abord(~'~n~yet par là pour les autres (les adultes), e evient alors aussi(pour soj) (Enc., § 140 et Addition). il faut donc Se-nîefler de la fausse profondeur des intuitions « géniales» qui ne feXPlicitent pas nett~ment, comme de l'hypocrisie

. des bonnes intentions-q!!Î ne se traduisent pas Pilr(des actes. -~ les termes s'opposant par couples dans la sphère de l'essence t~~lementleur synthèse

"tJ~ 4ans la catégorie de la réalité e ective Wirklichkeit): {g Pû-e le phénomène y est conçu comme a ma estation

totale et adéquate de l'essence. La réalité vraie par opposition à la simple possibilité ou à la pure contin­gence c'est l'être nécessaire, la nécessité rationnelle. C'est pourquoi ~~ a pu écrire que ce qui est rationnel est effective!!"ent réel (wirklich) et qt:i'e'"ce

2_" qUt est e ectivementréeresrratî;onn-et (Préface de 18 P. ilos. du droit, p. 14 et nc., 6). Le nécessaire c'est d'abord la substance, puis en un sens plus « vrai» la cause (Ursache) qui se manifeste par ses effets. Mais il y a réciprocité d'action entre les causes et les effets. Cette causalité circulaire qui se manifeste le plus nettement dans les organismes, c'est l'action réciproque (Wechselwirkung).

Avec cette catégorie on quitte la sphère de l'essence où l'être se scindait sous deux aspects pour entrer dans celle du concept, c'est-à-dire de la totalité intelligible qui pose, en les comprenant comme ses moments, ses propres différenciations et manifeste ainsi sa liberté (par opposition à la nécessité qui régnait dans la sphère de l'essence).

]rI d) Théorie du c(]!!:Eept. - Hegel étudie le concept If sous trois aspects :

a) Le concept subjectif qui comprend trois

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LES TH~MES DU SYST~ME HEGELIEN 37

moments : l'universel, le particulier et l'individuel. Le concept c'est l'universel conçu non comme une identité abstraite, une forme pure, mais comme une eensée 1<Jl!:! se concrétise~ se donne .. un contenu en seaétermÎnant en se ariicû1arisa:irt:-l1esi-amsi à Ialiase du jugement (Urte~ qUI est non pas la simple liaison d'un sujet et d'un attribut, mais, comme l'indique l'é~gie du mot Ur-teil, le partage primordial (iUiliiSprüngliche Teilung) du concept qui en sépare le particulier (das Besondere = das Besonderte) (cf. Enc., § 166; Hist. de la philos., p. 98). Le jugement rattache ainsi l'existence des choses à leur essence universelle (exemple Socrate est mortel). Le raisonnement unit ces deux extrêmes par un moyen terme; il établit une médiation entre l'universel et l'individuel au moyen du particulier. Il représente donc l'Universel tel qu'il se RciliMLda~~J~Î!\9ivid_'::lel en se particularisant ou l'individuel tel qu'il est compris dans l'universel par la mlfation dU.-Ea~culie~ raisonnement est le fon ement essentiel de toute vérité : pour Hegel tout est raisonnement, de même que tout est concept (Enc., § 181).

Le concept n'est donc pas quelque chose de pure­ment subjectif: il se réalise dans la totalité concrète qu'il embrasse et est ainsi concept objectif

b) Le concept s'objective sous trois formes : le mécanisme dans lequel les objets sont simplement juxtaposés; le chimisme dans lequel ils s'attirent et se pénètrent mutuellement; la téléologie, c'est-à­dire la finalité organique dans laquelle la fin domine et dirige l'activité des parties.

c) La téléologie prépare l'avènement de l'Idée dans laquelle le concept revient à lui-même P.!!l' fi l'union de la subjectivité et"de l'obJectl~cr. L'Idée)1 est la PIus haute définition de l'absolu. Elle peut

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38 HEGEL F:T L'H~G~LIANISME

être conçue « comme la raison... , comme le sujet­objet, l'unité de l'idéel et du réel, du fini et de l'infini, de l'âme et du corps, comme la possibilité qui a en elle sa réalisation effective, comme ce dont la nature ne peut être comprise que commE: exis­tant, etc. ». « L'Idée c'est la .d,isl1ecti.@e m~me qui éternellement separe et dirférencie l'identique du différent, le subjectif de l'objectif, le fini de l'infini, l'âme du corps et ~ seulement ~t~!_~~le

création éternelle, ~.Qurce ét~rnelle de vie et e~~rit

t~ernel » (Enc., § 214). Si l'Idée paraît contra ic­toire à l'entendement c'est parce qu'elle est essen­tiellement processus et n'existe que par cette dialec­tique immanente qui ramène tous les moments du développement de l'être au sujet absolu qui les « surembrasse_» (übe..rgreift) (Enc., § 215).

« Il y a trois idées, dit &gel dans sa Propédeu­tique (III, § 67) Q.~L'idée de Ta vie ~ 25)L'idée de la connaissance èt du bien ; e~L'idéedé la science et de la vérité même. » L'idée sous sa forme immé­diate c'est la vie où l'âme réalise le concept dans l'organisme. Dans J'idée de la connaissance on cherche le concept qui doit être adéquat à son objet; dans l'idée du bien c'est au contraire le concept qui vient en premier et qui doit être réalisé comme but de l'action. Le _C,2llcept suprême C'~jit

l'I~e absolu~, [unité de la vie et de la connaissance, l'~iversel qu~ se pense et en pensant se ré~.!i~e~ui­D.!tm~. effe~tivem~nt (cf. Propédeutique, §§ 66 à 87 ; Enc., §§ 216 à 244).

2. Philosophie de la Nature. - La Nature est pour &w J'Idée sous la forme de l'altérité (Anders­sein), l'idée qui sort d'elle-même, s'extériorise pour arriver en produisant la vie consciente à rentrer en elle, à s'intérioriser dans la pensée de l'homme.

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LES THÈMES DU SYSTÈME HÉGELIEN 39

Le devenir de la Natu.re est donc ~ aS,cension vers l'Esprit. L'idée se manifeste sans dôutédans ia Naturé, ne serait-ce que par les lois qui la régissent; mais elle n'y est jamais réalisée que d'une façon inadéquate. Cette impuissance de la Nature à rester fidèle au concept impose des bornes à la pensée philosophique qui ne peut ici tout déduire, car elle se heurte aux faits accidentels, à la pure contin· gence. La Nature.doit êt.f~_considérée co~ ~ lP-'jJ sys.~me de deS!..és sortan~ nécessairement les uns) ~",&

dç~ _âutr~s; mais la diatêctique du conceptqui -d-' dirige ce développement reste intérieure à l'Idée' qui réside au fond de la Nature; il ne faut pas y voir une production extérieure réelle comme le veulent les théories transformistes (cf'.:E1!c.., §§ 247 ~ 251). -~ .

Hew;,l s'applique à dégager la dialectique de l'Idée immanente à la Nature en substituant partout aux catégories de l'entendement les rela­tions idéelles de la pensée spéculative (Enc., § 305). Il y distingue trois niveaux d'existence marquant un progrès dans le sens d'une concrétion et d'une individuation tl,lus en plus grande ~e monde Jiu mécanisme ;.~ Le monde de la P~yslCo-chimie; (~Le m<:mde_~rg~nique.

@- Le monde du mécanisme est celui de la matière et du mouvement où les éléments, extérieurs les uns aux autres, n'agissent que par attraction et répul. sion. La forme abstraite de l'extériorité est l'esEace, ,...-1 « entité sensible non perçue par mssens» (unsinnliche Sinnlichkeit) ; celle du d~v~Wr est le temps, « l'être L qui, en tant qu'il est, ~esf pas et ën tant qu'il n'est pas, est )J, « le négatif en soi-même JJ. Ces de~x

abstractions trouvent leur synt!tèse (leur « 1aentité posée )J) dans le lieu et le mouvement dont la matière .J es~Ja~~isatio~.La grliVifiifiOn'èst.~eîenaallce

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40 HEGEL ET I:IIJ1G1J:[,IANISME

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J.I

de la matière à s'intérioriser, une as~ira~o.!!.Jla sub­j~ctlvitê~emouvement des corps celestes manifeste le plus nûttement cette mathématique de la Nature qui est l'aspect le plus élémentaire de la ratio­nalité (Enc., §§ 254 à 271 ; Log., L, p. 253).

La physique, comme la conçoit Hegel, a pour objet tous les aspects proprement qualitatifs du monde matériel (lumière, son, chaleur, électricité), où tout s'individualise dans des corps. Il dégage tous les moments d'opposition et de conciliation par lesquels se manifeste ici la dialectique naturelle. La polarité en est la forme la plus typique. - Le dernier terme des processus physiques est le chi­misme qui permet l'avènement de la vie.

L'idée, qui était enchaînée dans le mécanisme et s'affranchissait de plus en plus dans les processus physico-chimiques, se libère dans le monde organique où le concept se concrétise de plus en plus en pas­sant par les étapes du règne minéral, du règne végétal et du règne animal. L'organisme trouve dans les processus chimiques les conditions de son existence : il doit cependant leur résister sans cesse pour vivre. « Une chose n'est vivante qu'en tant qu'elle renferme en elle la contradiêtion êï est au vrai l! ..façul~è comprendre et~supportèr-en:;oi

la. contradictiJn » (Logique;ea:-J:as~n, rr;p:- 59). :r;e"ëonfIit êontinuel avec des forces extérieures hostiles que l'être vivant doit combattre et sur­monter fait qu'un sentiment d'insécurité, d'angoi~e )1'

est toujo!!!.~Jié à la vie (g;nc'.2-§.§...l62 ~_~98).

"Mais ce n'est pas seulement la puissance de ees forces extérieures, cette « universalité abstraite » qui voue le vivant à la mort: c'est aussi et surtout l'inadéql1ation. .de . 80~ .exis~nce individuelle_ à « l'universalité çoncr~e » que constitue le concept de fespèce à laquelle il appartient. C'est là « sa

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LES TH~MES DU SYST~ME Hf:CÉLIEN 41

maladie originaire et le germe inné de la mort » (Enc., § 375) (1).

La philosophie de la Nature de ~g~l (restée pro­che de celle de Schelli!!g) est la partie la plus discutée du système. ~g~j avait des connaissances scienti­fiques étendues. Il était loin de mépriser l'expé­rience; mais il n'en retenait que les aspects quali­tatifs et en négligeait l'aspect quantitatif, cette armature mathématique qui depuis Galilée et D~~s a dominé de plus en plus 1i" science. Dans sa thèse d' « habilitation JJ, De orbitis plane­tarum, qu'il soutint en 1801, il avait « démontré JJ

qu'entre Jupiter et Mars il ne pouvait y avoir d'autres planètes, l'année même où la découverte de Cérès réfutait sa malencontreuse déduction. Cette mésaventure le rendit plus prudent dans la suite: il atténua de plus en plus ses attaques contre Newton dans les différentes éditions de l'Encyclo­pédie et il conseillait à ses étudiants de ne pas faire de thèses sur des sujets proprement scientifiques.

La Nature n'a de valeur pour .!k~l que dans la mesure où, conditionnant la vie, elle rend possible l'avènement de la conscience et de la pensée. Contrairement à ~t, il n'admirait pas la « mau­vaise infinité JJ du ciel étoilé; il aimait à dire que les étoiles ne sont qu' « une éruption de boutons lumi­neux dans le ciel )J. Bie~~J!J;_erre .!!..e~soit qu'une 1 pla®te.JXdp.~~u~_~d.Q!pé~.~~_ soleir,el~e n'en ~J~J-es!~as moins le « centre m~hysiT.:!e»du mona~,I

éir~êIreestle séjouièlèTIiommê," porteur ~e l'ESPrit. J Et les produits même les plus lOsigmfiants etœs plus aberrants de la pensée sont pour !!.e~l « d'une

(1) Pour ~, • le fini est en lul-même contradictoire et parlà même se supprime. (Enc•• § 81, Addition). Il exclut en e1Yet l'Infini tout en l'impliquant dans la mesure où il ne se suffit pas à lui-même et n'est qu'un moment du développement de l'être.

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42 HEGEL ET L'H~G~LIANISME

valeur infiniment plus haute que le cours régulier des astres ou l'innocence inconsciente de la plante » (Enc., § 248).

3. Philosophie de l'Esprit. - La philosophie de l'esprit est comme le couronnement du système hégélien, car c'est dans l'esprit que l'Idée achève son développement, se co~cf:!ise au maximum et atteint vraiment sa réalite e ective. L'idée logique et la Nature sont lesw'";o~tions de la réalisation de l'esprit qui est ainsi leur vérité. Hegd s'est appliqué à dégager le sens le plus profoi'd et la portée la plus générale de toutes les manifestations de la pensée. Il a créé ainsi toute une philosophie de la culture humaine et posé les bases philosophiques des sciences morales. Il ne s'est pas contenté en effet d'une étude purement psychologique de la vie intérieure (l'esprit subjectif) ; il a voulu étudier l'esprit dans ses productions extérieures, œuvres des sociétés humaines : 1'histoire, le droit, les mœurs (l'esprit objectif) et dans ses manifestations les plus hautes où l'esprit se retrouve vraiment chez lui: l'art, la religion et la philosophie (l'esprit absolu). On réalise ainsi le (c Connais-toi toi-même » des anciens Grecs dans son sens vrai en dégageant l'essence universelle immanente à notre être, ce qui est substantiel en nous (Enc., § 377).

a) L'esprit subjectif. - L'esprit subjectif se présente à différents niveaux qui sont autant de moments nécessaires du développement dialec­tique du concept de l'eElprit. ~ distingue ainsi l'âme (objet de l'anthropologie), la conscience (objet de la phénoménologie) et l'esprit (objet de la psycho­logie proprement dite). L'âme c'est l'esprit en tant qu'il dépend de conditions naturelles physiologiques (race, tempérament, etc.), et même purement physi­

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....

LES THi!:MES DU SYSTi!:ME HEGELIEN 43

ques (climat, par exemple). Hew combat la conception empiriste qui fait de la vie consciente un ensemble de représentations n'ayant entre elles qu'un lien extérieur suivant « les soi·disant lois de la soi·disant association des idées ». La conscience psychologique est une « totalité concrète » de déter­minations dans laquelle chaque partie a sa place en fonction de toutes les autres (Enc., § 398). TI reconnaît que tout ce qui se passe dans l'esprit a son origine dans la sensation et l'état affectif élémentaire (Empfindung), mais rejette l'appel au cœur et au sentiment comme critères du bien moral et de la vérité religieuse. « C'est en effet la pensée qui distingue l'homme de la bête avec la­quelle il a en commun la sensation et l'affectivité élémentaire » (Enc., § 400). La vie psychologique se dégage peu à peu de son asservissement à la nature en s'élevant du sentir (Fühlen) à la cons­cience de soi. Un facteur important du progrès mental est l'habitude qui embrasse tous les degrés de l'activité de l'esprit.

« Elle est l'élément le plus essentiel pour assurer l'existence de toute spiritualité dans le sujet individuel... pour que le contenu religieux, moral, etc., lui appartienne en tant qu'il est ce moi, cette âme, qu'il ne soit pas en lui seulement en soi (en tant que disposition naturelle), ni en tant que sensation ou représentation passagère, ni en tant qu'intériorité abstraite séparée de l'activité et de la réalisation effective, mais que ce contenu soit dans son être. » (Enc., § 410) (1).

La psychologie doit étudier le développement dialectique immanent de l'activité mentale. TI faut que l'esprit révèle sa liberté en arrivant à reconstruire rationnellement par son activité propre

(1) Autrement dit c'est par l'habitude que l'on passe de l'aptitudeà une science à sa possession elJective, de la lecture d'un livre au savoir qu'il contient, des bonnes Intentions aux vertus véritables•

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44 HEGEL ET L'HEGELIANISME

ce qui lui a d'abord été imposé comme donnée immédiate. L'esprit théorique se manifeste en effet d'abord comme connaissance intuitive confuse liée au sentiment. L'intermédiaire entre l'intuition et la pensée conceptuelle est la représentation (Vorstel· lung) qui se présente sous la forme de la mémoire­souvenir (Erinnerung), de l'imagination et de la mémoire verbale (Gediichtnis). Cette forme de la mémoire est la plus importante, car elle est J'instru­ment de la pensée, rend possible toutes les opéra­tions mentales supérieures.

Hew insiste beaucoup sur le rôle capital du langage. Il Pe!.m.et à la pensée irJ.diyidu~lleJ!.e

~joindre immédiatement l'universel. « Les formes de la pensée sont d'abord extériorisées et mises en dépôt dans le langage de l'homme..., ce qu'il fait passer et exprime dans le langage contient d'une façon plus ou moins voilée et confuse ou d'une façon explicite une catégorie Il (Logique, ~d. Lasson, J, p. 9-10 ; cf. Enc., § 459 et Phénom., ~~~on, p. 330). C'est pourquoi ~el invoque souvent des étymologies pour just' 1er sa dialec­tique (1). Et il affirme son mépris pour ce qui est ineffable : le sentiment, l'impression du moment (Enc., § 20).

Passant à l'étude de l'esprit pratique, I!.e~l

montre comment la pensée se détermine en volonté et comment la volonté doit s'élever au-dessus du sentiment pour se baser sur la pensée. Et il s'élève une fois de plus contre la mode de l'appel au cœur qui régnait à l'époque romantique. « La vérité et la rationalité du cœur et de la volonté peuvent se trouver seulement dans l'universalité de l'intclli·

(1) Il Invoque parfois de fausses étymologies: par exemple quandIl rattache meinen (avoir une opinion) à meln (mien) ou wahrnehmen (percevoir) à wahr (vrai).

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LES THÈMES DU SYSTÈME HÉGÉLIEN 4S

gence et non dans la singularité du sentiment en tant que tel. Il (Enc., § 471.) Il fait cependant l'éloge de la passion.

Ce qui en fait la force et la valeur c'est« le fait d'être limitée à une détermination particulière de la volonté dans laquelle se plonge toute la subjectivité de l'individu.•. Mais la passion ne saurait être ni bonne, ni mauvaise en raison de cet aspect formel : cette forme exprime simplement le fait qu'un sujet a placé dans un contenu tout l'intérêt vivant de son esprit, de son talent, de son caractère, de ses goûts. Rien de grand n'a été accompli et ne peut être accompli sans passion. Ce n'est qu'une moralité morte et même trop souvent hypocrite qui entre en guerre contre la forme de la passion en tant que telle.» (Enc., § 474 ; cf. Philos. de l'histoire, éd. Lasson, l, p. 63).

!kg!,! rattache la dialectique des tendances et des besoins à la Philosophie de la Nature (Enc., §§ 359­360) et à la Logique (Science de la Logique, II, p. 59 et Enc., § 204). La tendance (Trieb) n'est rien d'autre que le fait que, d'un seul et même point de vue, une chose est en soi-même et est le manque, le négatif de soi-même. Ce qui veut dire que par la tendance l'être vivant s'affirme en niant son état présent où quelque chose lui manque; d'où son effort pour sortir de cette contradiction pénible (sentie sous forme de besoin) en cherchant à se procurer ce qui lui manque (des aliments, par exemple). Le besoin est ainsi la présence d'une absence.

La dialectique de l'amour est esquissée dans la Philosophie du Droit (addition au § 158) :

« Amour, cela veut dire d'une manière générale la conscience de mon unité avec un autre, si bien que je ne suis pas isolé pour moi, mais que je n'acquiers ma conscience de soi qu'en renonçant à mon être pour soi et en me counaissant comme unité de moi avec l'autre et de l'autre avec moi... Le premier moment dans l'amour c'est que je ne veux plus être pour moi une personne se suffisant à elle-même et que, si je l'étais, je me sentirais défectueux et incomplet. Le second moment

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46 HEGEL ET L'HJ!;GJ!;LIANISME

c'est que je conquiers mon être dans une autre personne, que je gagne en elle la valeur qu'elle de son côté gagne en moi. L'amour est donc la plus énorme de ces contradictions que l'entendement est impuissant à résoudre... li est à la fois la production et la solution de cette contradiction; en tant que solution il est l'union morale des êtres.»

b) L'l1!P1 obi!Clif et l'esprit absolu. - Hegel a consacré à l'étude de l' sprit objectif en dehors des résumés de l'Encyclo­pédie ses Leçon" sur la philosophie de l'histoire et ses Principes de la philosophie du droit. Quant à l'Esprit absolu, il lui a consacré, en dehors des dernières pages de l'Encyclopédie, et des deux derniers chapitres de la Phénoménologie de l'esprit, ses Leçon" sur l'esthétique et sur la Philosophie de la religion. Nous parlerons seulement ici de ses conceptions en morale et de sa Philosophie de l'histoire, renvoyant aux deux chapitres suivants l'étude de la Philosophie de la religion et celle de la Philosophie du droit. Ces deux pièces essentielles du système hégélien méritent en effet une place à part, car elles sont liées à la scission entre la droite et la gauche hégélienne qui s'est manifestée essentiellement sur le plan religieux et sur le plan politique.

c) La morale de Hegel. - La morale proprement dite n'occupe qu'une place assez réduite et en fait fragmentaire dans la philosophie de Hegel. Elle est étroitement liée à ses conceptions juridiques et politiques ainsi qu'à sa psychologie de l'esprit pratique et à sa philosophie de la religion.

La position fondamentale de l'idéalisme hégélien est, nous j'avons déjà vu, opposée à l'idée d'un devoir étre (Sollen). La philosophie, comme il la conçoit, a pour but non pas de définir un idéal de perfection inaccessible, mais de comprendre le réel en le reconstruisant dialectiquement et d'en reconnaître ainsi )a rationalité. Envisagée sous cette perspective, la morale constate plutôt qu'elle ne juge. Comme le dit Eric Weil,« elle est vécue; elle peut et doit être décrite, mais eUe n'est ni à critiquer, ni à construire, ni à refaire ».

Une opposition fondamentale domine la morale

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LES THÈMES DU SYSTÈME HÉGÉLIEN 47

hégélienne : celle de la moralité subjective (Mora­litiit) et de la moralité objective (SitùichkeitJ. La première est la moralité au sens kantien, définie par un critère formel : la validité universelle de

. la maxime d'action, autrement dit l'intention conforme à la loi morale. Mais ce n'est là qu'un fondement abstrait du devoir qui aboutit à un formalisme vide. On n'apprend pas ainsi quels sont effectivement les devoirs et les droits (Philos. du droit, § 135).

r

La vraie moralité c'est, pour Hegel, la moralité objective, celle que l'homme acquiert dans les sociétés qui l'éduquent: la famille, la société civile et surtout l'Etat (Enc., § 513-517). C'est en s'inté· grant consciemment à ce tout co~et_~'estl'orga­nisDle_.l?.2ne~tü de l'Etat lJl!e l'hoII1Il:!-~ attein.!-la ~aie liberté : quand en effet il vit la loi au lieu de la subir, elle cesse d'être pour lui une contrainte pour deveilir ,une forme de libération en l'amenant à dominer son individualité empirique, ses passions aveugles, ses intérêts égoïstes. C'est ainsi que Hegel rejoint à sa façon la notion kantienne de l'autonomie et donne une forme concrète au criterium de l'uni­versalité : la participation à l'esprit collectif.

Sans doute cette doctrine suppose un bon Etat et de bonnes mœurs. Un progrès est ici possible par l'action d'hommes d'élite; mais ils ne réussis­sent que -SI leurs idées'; leurs sentiments et leurs ~té~êts. s'acc_or.dent mieux ave~~on.)<J1:1~s

mstltutlOns eXistantes et re resentent amsl uneJI. fo~~--vra{ede l'um.Y~rsel. lui q~ ~~,. ci

dei"VaIeurs nouvelles n'agit plus sur e pre­mént moral, malS sur e pan Jstonque: ce qui nous amène à parler de la PJûlosopliie de l'histoire.

d) La philosophie de l'histoire. - La philosophie de l'histoire est certainement la partie la plus

~

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48 HEGEL ET L'HÉGÉLIANiSME

connue et, si l'on peut dire, la plus populaire de l'œuvre de Hegel. L'histoire \IDive~lle, comme il la conçoit, n'est pas I%,stoire Qrigmale, celle des premiers narrateurs des événements, ni l'histoire réfléchissante qui veut expliquer les faits et tirer du passé des leçons pratiques: c'est l'histoireJJhilo­

. . sophique qui domine les événements d'un pomt de r~ vue Uliiversel et(intemporel)Pour H~g~ en effet la

RaiSOn est la substance même de l'histoiJ;e. Il.pens.'ë.

JaVêc Anaxagore, que_la raison gouverne le monde \ et que!Ians-Phistoire comme ailleuis_!.t?jit-s'"'ést passé rail0~eI!e~ent. L'mSïoireest le dévelop­pement d'une It!~ immanente dont les w::ands

\ pmonnages histori~~~ne~~e.1e~i!!§..truments -1 "1inconscients; ils sont animés par leurs passions et 1 1réaIi6elltleul's intérêts; (e mais en même t.emps se

(1) tl'ouve reâtlsée une fin :e,lus lointaine, mais dont ils n'avaient pas conSCIenCe et qui n'était pas dans leur intention» (1). Ce qui fait leur puissance c'est

.1 que « leurs propres fms particulières renfel'ment le '(.. contenu subst~ntiel (2) qui est la volonté de J'Esprit

universel li. Ce contenu « est dans l'instinct uni­? &,~ versel, inconscient des hommes. Ils--Y..§ont-p~sés

J""~par une fo<aeiuterne ,. A =tai.., époque' la l' structure de « l'esprit d'un peuple ) se brise parce qu~ëlle s'est ùsée,Vidèe de sa substance. Mais l'lùstoire universelle poursuit sa marche en avant.

~C'est alors que se produisent les grandes cQUisjpnsJ1 entre les institutions établies jusqu'alors et des

posSibilités qui sont opposées à ce système, qui l'ébranlent, mais ont un contenu qui paraît bon et même nécessaire. Ces .'-possilJi.lités deviennent alors historigues. Elles impliquent un fond universel

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LES THÈMES DU SYST~ME HP:GP:LIEN 49

différent de celui qui servait de base jusqu'alors Ala st'iiiêture existante d'un peuple ou d'un Etat. Cet Il universel, 1~lL....grands hQmmes de l'histoire 8'eïl e!!!p'arent,""en font leur fin ~ro'pre~et, en réalisant (1, reurs amblbons, réalIsent en même temps la fin .

1ql!f~nd au conce t le lus élevé d ' .·t. ~

C'est ainsi que se man este a dialectique de fhistoire. Les progrès de l'humanité sont réalisés par des 1 contradictions, des collisions (guerres, coups d'Etat J ou révolutions) aboutissant un état d~ choses pl~rai. Les périodes de bonh!<ur, c'est-A-dire d'harmQnie, d'absence de contradictions, ne sont pasUëS périodes historiques (Philos. de l'hist., éd. Lasson, Introd., pp. 4-5, 13 à 17, 59-60 et 63 à 68, 74 à 76).

Nous ne pouvons analyser tout le contenu, extrêmement riche, de la Philosophie de l'histoire. L'idée directrice qui la domine est que l'histoire universelle est le progrès dans la conscience de la liberté. Ce progrès est marqué d'abord par le passage de l'ancien despotisme oriental, où un seul homme) /1 es_t-.!!È.re, aux Républiques aristocratiques de la ~rèce et de Rome o~ _S~~! quelques individus ,sont ) "2 ~s. « Ce sont seulement les nat1on~ermamques

«I!!i, dans le christianisme, se sont élevées les pre- J. 3 mières à la consClence-aecctte vérité que l'homme en tant qu'homme est libre, que la liherté_cleXesprit constitue sa nature la plus propre. ,>Mais le81nsti­

ions temporellts ne se son~ modelées que peu à peu A l'image de ce principe d'abord purement religieux. Les périodes les plus décisives en ce sens ont été la Réforme (qui fut comme la ~on

a~de) et en dernier la Révolution française. 't. On a vu alors l'homme « prendre pour base sa tête, c'est-à-dire la p.e et construire la réiliJ:é à l'image de celle-Cl ». C~-fu! « un magnifiquëTever

R. SEJUillAU 4

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so HEGEL ET L'HÉGÉLIANISME

e) L'esthétique. - Il faudrait pour être complet parler de l'e&thétique de Hegel. Il est impossible de résumer en quelques lignes cette œuvre maîtresse, d'une lecture d'ailleurs rela­tivement facile, qui vaut peut-être plus encore par la richesse de sa documentation que par son élaboration en système. Nous en indiquerons seulement les idées directrices. Lt' beau c'est l'absolu dGlJ& son uÏ8tence sensible, l'Idée transparaissant dans les limites de l'apparence sensible. Le rôle de l'art c'est d'être « le médiateur, le conciliateur entre la réalité extérieure sensible et périssable et la pensée pure, entre la Nature et la réalité finie d'une part et la liberté infinie de la pensée concep­tuelle d'autre part». Dans l'art le sensible apparaît spiritualisé et le spirituel revêt une apparence sensible. L'élément propre de l'art c'est donc l'apparence (Schein), mais cette apparence esthétique n'est pas une illusion, quelque chose qui serait inférieur au monde des phénomènes (Erscheinungen). L'art fait apparaître le substantiel, l'universel; il dégage la valeur vraie des apparences sensibles, leur donne 0: une réalité plus haute engendrée par l'esprit ».

L'œuvre pédagogique. - Un aspect beaucoup moins connu de la pensée hégélienne est son œuvre pédagogique. Elle consiste en discours et en rapports qu'il a prononcés ou rédigés quand il dirigeait le lycée de Nüremberg. Ils vont li contre-courant des méthodes pédagogiques ct nouvelles» déjà en vogue de son temps (et redevenues ct nouvelles» aujourd'hui). Son principe fondamental est que la pensée doit, comme la volonté, commencer par l'obéissance. Il combat 0: la désastreuse démangeaison de vouloir amener l'élève li nne pensée personnelle ». Si on laisse l'enfant raisonner li sa guise (( il n'entre jamais de discipline et d'ordre dans la pensée, jamais d'enchainement logique dans la connaissance ». Il faut (( extirper ces vues fantaisistes, ces idées, ces réOexions que le jeune âge peut avoir ou fabriquen). Pensant li la propédeutique philosophique, il estime qu'il faut d'abord faire apprendre ce· qui a été élaboré par les plus grands esprits, exercer les jeunes gens li le repenser. Ainsi(( on remplit de pensée, de substance une tête d'abord vide et on Qimine cette originalité naturelle de la pensée, c'est-à-dire la

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LES THÈMES DU SYSTÈME H1tG1!:LIEN 51

contingence, l'arbitraire, la bizarrerie de l'opinion person­nelle H. Il combat de même les méthodes qui veulent qu'on commence par le concret sensible pour s'acheminer vers la pensée. Il faut « commencer tout de suite par l'abstrait lni· même et prendre celui-ci en soi et pour soi ». - Fervent de la culture gréco-latine, il loue l'étude de la grammaire, où il voit l'école du raisonnement.« Elle a en effet pour matière les catégories, c'est-à·dire les propres produits, les propres déter­minations de l'entendement; c'est donc dans la grammaire que l'entendement commence son apprentissage en s'étudiant lui-même. »« L'étude austère de la grammaire se révèle donc comme un des instruments les plus universels et les plu.; nobles de la formation de l'esprit» (Gymnasialreden du 29 septem­bre 1809 et du 14 septembre 1810. Lettre à Ni~!!!"..!!ler

du 23 octobre 1812). Le thème de l'aliénation, dont nous par· lerons plus loin (p. 114), fournit à Hegel un argument original en faveur de la culture classique : en éloignant la pensée de ses moyens d'expression hahituels, l'étude d'une langue ancienne exige de l'esprit un effort d'analyse et de raisonne­ment qui le forme cc à l'image de l'essence universelle de l'esprit ». (Gymn.asialrede du 29 septembre 1809.)

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Ç"L

CHAPITRE III

LE PROBLÈME RELIGIEUX ET LA SCISSION DE L'ÉCOLE HÉGÉLIENNE

Le problème religieux occupe une place de pre­mier plan dans la pensée hégélienne. Il semble même avoir dominé ses premières méditations personnelles, Hegel en effet se destinait d'abord à la carrière ecclésiastique. Il fut pendant cinq ans pensionnaire au séminaire protestant de Tübingen 'et ses eriers titres universitaires fure~~s

Jl~pJô~ e théologie. S'il renonça à être pasteur, ses premiers travaux écrits (1) n'en furent pas moins consacrés au problème religieux.

A la fin du XVIIIe siècle l'orthodoxie luthérienne était attaquée sur deux fronts opposés dans les milieux protestants d'Allemagne : d'un côté par les piétistes qui, voyant dans la religion un élan mystique du cœur, opposaient la flamme vivifiante du sentiment à la lettre desséchante de la théologie; de l'autre par les rationalistes de l'ère des lumières ( Aufldiirung), qui s'efforçaient d'éliminer du chris­tianisme tout ce qui est surnaturel, voyant dans le Christ non pas un Dieu incarné, mais un homme

(1) Les deux plus Importants sont La vit de Jésus et L'tHldL4u christianisme dJm:L ~(l. NONT. les pmm&enJ9U7 sousTetltre: ECrltSl1iêolOgïqUes de jeunesse,

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LA SCISSION DE L'ECOLE IlËGl1'LIENNE 53

supérieur, prêchant une moralité plus haute. Des courants plus hardis encore se faisaient jour dans l'esprit des pensionnaires de Tübingen. On passait volontiers du déisme au panthéisme; on admirait Spinoza. Hegel s'accordait au mieux avec son condisciple Holderlin qui exaltait le naturalisme de la Grèce païenne et invoquait sans cesse le ~v XiX~

7tiiv des philosophies de l'immanence.

1. - Les écrits théologiques de jeunesse

Son émancipation religieuse s'accentua encore apr~s sa sortie du séminaire. Ses premiers écrits sont conçus dans l'esprit du rationalisme kantien. II pense que le but et l'essence de toute religion est de développer la moralité de l'homme et que c'est dans ce sens que s'est orientée la prédication de Jésus. II reconnaît cependant que la religion populaire doit laisser une place au cœur, à l'ima­gination et même aux sens. Des tendances pan­théistiques émergent dans certaines pages où, sous l'influence de Holderlin, il s'enthousiasme pour 1'4~me. Mais un élément"ïllystique s'y associe toujours plus ou moins. Il voit dans le sentiment religieux une forme supérieure de l'amour qu'il interprète déjà dialectiquement. Dans l'amour en effet la thèse et l'antithèse sont à la fois supprimées et conservées sous une forme plus haute. L'UniOnde Dieu et du monde doit être comprise comme un lien vivant. « T.mt vit dans. la di~té ; tous les vivants sont ses enfants. »

Le panthéisme de ces premiers essais s'affirme de nouveau dans son Système de la moralité (System der Sittlichkeit), contemporain du Cours d' Iéna. On y lit, par exemple, que « la conception philo­"sophique du monde et de la nécessité, d'après la­

\ \j

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54 HEGEL ET L'HEGELIANISME

'i~elle toutes les choses sont en Dieu et... aucune llÏ!!dividualité n'existe isolément, est réalisée par~

faitement pour la conscience empirique, en tant que toute manifestation particulière de l'activité_ou

'de la pensée ou de J'être n'a son essence et sa si~­JWkation que dans le Tout Il.

II. - Le cours sur la philosophie de la religion

Mais c'est dans les cours de Berlin sur la philo­sophie de la religion qu'il faut chercher l'exposé définitif des conceptions religieuses de He~.

L'idée qui domine ces leçons c'est que l'ôtjet de la religion est au fond le même que celui de la philosophie; l'Absolu ou Dieu. Le contenu spécula­tif est le même; mais la religion saisit sous une forme sensible et imagée, celle de la représentation ce que la philosophie comprend sous la forme adéquate du concept. L'unité du fini et de l'infini que la philo­sophie pense conceptuellement est sentie, imaginée par la religion. Cependant lhgel combat ici aussi bien le point de vue d'une philosophie du sentiment (par exemple, Jacolli et Schleiermacher) que celui d'une métaphys'Iqüe de l'entendement (les wolfiens et Kant lui-même). Ces deux orientations fuiit de l'infini quelque chose d'abstrait, tandis que la philosophie religieuse de H-rel veut faire voir l'infini dans le fini comme le fini ans l'infini et réconcilier ainsi le sentiment religieux et l'entendement du point de vue de la raison. Sans doute un contenu valable peut résider dans le sentiment, mais d'une façon confuse; rien n'en garantit la vérité. La forme du sentiment n'est que le côté subjectif. Du côté objectif le contenu religieux a d'abord la forme de la représentation. Mais celle-ci n'est pas encore

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LA SCISSION DE L'ECOLE HEGELIENNE 55

vraiment libérée des images sensibles. Seule )a� pensée spéculative dégage ce contenu dans toute� sa pureté.�

Le véritahle rapport du fini et de l'infini est� l'unité indissoluble dans laquelle le fini apparait� comme un moment essentiel de l'infini. Dieu est� « le mouvement vers le fini et par là en tant que� suppression du fini le mouvement en lui-même ».� Dieu pour être Dieu ne peut se passer du fini;� sans le monde il n'est pas Dieu. Il est l'Universel� absolu, la pensée suprême qui se développe en� posant scs déterminations qu'elle ramène à soi.� - H~g~ se défend néanmoins d'être pan~te.

Un panthéisme, au sens littéral, consisterait, d'après� lui, à soutenir que tout est Dieu, y compris les réali­�tés empiriques dans leur extériorité : conceI!!!~

absurde qui n'est représentée dans aucune rel!~n

nr~üne=-F.hllosop]ile.-Les preuves de l'existence de Dieu sont pour�

H~W moins des démonstrations véritables, qu'une� description de l'élévation du moi à Dieu. Il redonne� une valeur à l'argument ontologique en opposant ici� la représentation qui n'implique pas la réalité de� son objet et le concept, notamment le concept absolu� qui renferme l'être comme une de ses détermina­�tions. Le fini est ce qui ne correspond pas à son� concept, là où le concept et l'être sont différents.� Mais quand il s'agit du concept en soi et pour soi,� du concept de Dieu, le concept et l'être sont abso­�lument inséparahles.�

, He~ oppose à la le reli~on absolue Il, qy~urJ) l' t.:t 57 l.ul~e christianisme, les autres religions, dites· ' déterminées ou particulières, qui ne sont que les moments particuliers du développement de la

J c~ence religfeuse. Il distmgue ici : 10 Les religions de la Nature en entendant sous ce nom

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56 HEGEL ET L'HEGELIANISME

J

les religions de l'Orient où la divinité est conçue comme la puissance infinie de la Nature en face de laquelle l'être fini, l'individu se perd dans son néant; 20 Les religions de l'individualité spirituelle dans lesquelles la réalité naturelle n'est qu'une manifestation de l'Esprit-Tels sont : a) Le mono­'lthéism~ucelui de tIslamlqui écra.§.~re

devant le « sublime Il divi~Le polythéisme grec, religion de la bcauté ; c) La religion romaine, culte de l'intérêt national.

III. - Le christianisme chez Hegel

C'est, bien entendu, au christianisme que Hegel consacre le plus long développement. Sa haute valeur vient de l'idée de l'incarnation, l'union du divin et de la nature humaine réalisée dalls' Ta personne du Christ. Alors que Kant séparait la foi \

/( et la science, Hegel veut au contraire les concilier '2 en élevant la foi au niveau de la science. II le fait

en donnant une interprétation .spe<:ulative des dogmes chrétiens. Ainsi dans la Trinité il retrouve les trois moments que la Logique distingue dans le concept: universel, particulier, singulier. D~e

..,.-~e c'est l'universel, la pensée pure dont l'activité est le savoir. Tout savoir supposant un objet à connaître, l'universel divin se particularise, se différencie, devient, d'Idée une, pluralité d'idées:

2._ c'est Dieu le .BIs, engendré perpétuellement par le Père. Enfin Dieu revient à lui-même, reconnaît son objet comme identique à lui et. supprIDïë la différenciation dans l'amour: il est· aror8··Esp~t ou

3 . personnalité absolue. Ou bien encore, suiV3Qt la division ternaire du système hégélien, pieu ,est

"1 ~ d'abord danS!!9n Idée éternelle « comme il . - ~st en <rte1que sorte avant la c~éation du ~ond,e )1

, : 1

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LA SCISSION DE L'"tCOLE ll"tG"tLIENNE 57

(ce qui çoqese?nd ~la ~), puis dans son 2 Etre-Autre comiiië cre"âteurau monde ce qui ,.."l7.

correspond à a. PhiloslP.hie de la nature), enfin comme suppression cIecette antithèse et réconci·

'5 li~~ion de l'EsPEt ~nf.ini avec l'esprit fini (ce qui correspond à Ta Philosophie de l'esprit).

On pourrait citer d'autres exemples. Le péché originel c'est l'état de nature, le stade de l'a~t~'\ que l'homme doit surmonter pour rendre possible l~ réde~ion, la réalisation de son unité ayec Dieu. La communion est le symbole de l'unio mystique de l'esprit individuel avec l'Esprit absolu. Heg~ s'applique à- transposer en langage spé.

c&if ce que la religion courante énonce en termes imagés. Ainsi la création « n'est pas un actus qui aurait été accompli une fois dans le passé; ce qui est dans l'Idée est moment éternel, détermination éternelle de celle-ci ll. Quand on dit que « Dieu est amour ll, il faut savoir que l'aplOur est « la t~- 1" r~nciation et la '\suE~~n (1J1heben) è a différence ll. II n'y a pas de mystères pour la pensée spéculative; ils n'existent que pour la représentation sensible qui voit les choses extérieures les unes aux autres et pour l'entendement qui s'en tient à des déterminations fixées une fois pour toutes, ce qui les empêche de~ s'éleyer au point de .YY&.Jk l'@­manence. S

Cette forme de la représentation propre à la cons­cience religieuse explique le caractère inadéquat des concepts qu'elle forme et l'anthropomorphisme dont ils sont entachés. Le fini et l'infini y sont radio calement opposés. Dieu est projeté « là-haut ll, en ') dehors du monde, dans un au-delà '"'transcendant.j

L'union du fini et de l'infini, qui est dans l'Idée une nécessité intrinsèque, fait figure d'événement historique : l'incarnation ne s'est réali!;>ée l:JU'une

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58 HEGEL ET L'H~GELIANISME

fois en Palestine dans )a personne de Jésus. Enfin )a religion est imposée comme une autorité exté­rieure, ce qui est contraire à la nature d~p.t,

~.,(~J- @re p'ar essence. C'est seulement la p 'osophie ql!i éIè'y~le contenu absolu à la forme de la pensée[ ~t:e, Le concept y détermine lui-même son contenu et lui reste pleinement adéquat, ce qui conditionne sa liberté et sa vérité.

On peut se demander si la philosophie !!§gtlienne maintient vraiment le contenu essentiel de la conscience religieuse du chrétien. Laissons de côté les dogmes et les pratiques du culte, tout ce qui oppose, par exemple, le luthéranisme au catholi­cisme romain. Une chose est ici certaine : He~

étai!..violemment anticatholiCJ!!-e. Victor Cousin a 'di.. 't qu'il voulait, comme lui, un « Conoordatsincère» entre la religion et la philosophie, mais ne jugeait cet accord possible ~e dans le cadre _du~ p~s· ~ tantisme. «Mourrai-je avanCa'àvoir vu tomber

I( tout cela! Il, lui dit-il un jour devant la cathédrale de J Cologne en y voyant vendre des médailles bénites.

Il attaque vivement tout le cérémonial de l'Eglise 'et surtout la direction de conscience qu'il stig..~a­tise comme une mécanisation de l'inte~ence et della_volon:t{TEnc., 9-195):- Il ridiculisait-dans ses cours Te llogme ile_la tran,~!_lUbstap.tiation en des termes tels qu'ils provoquèrent une plainte collec­tive du clergé catholique (1).

Mais que reste-t-il dans l!l doctrine de He~ des fI dogt!l,es communs à toutes les égliseLcJîrltiennes ?

Prenons, par exemple, l'incarnation. L'interpréta­tion qu'il en donne ne revient-elle pas à dire que le

(1) D'après Ch. L, MIchelet, Il déclarait dans son coun que ce dogme faisait de Dle\UlIle_mose. de telle sorte que la divinité serait

~IJ - ~ contenue dans les excréments d'une souris qui aurait mangé une hostie.

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LA SCISSION DE L'~COLE H~GELlENNE 59

christianisme en,seigne sous une forme imagée .~

{Jl!!,_l~'yhilo!-o:e.hie spéculative explique en termes , de~ée, à savoir qne le deveW. uniYerselJl!ltJ l'incarnation continue <d~Dieu que tout penseur écfaiie-~~ de r;garder coiiime un être extérieur au monde?

Il ya plus. On peut se demander ce qui reste vraiment dans la doctrine !!§gt,lienne des deux affirmations fondamentales du spiritualisme; l'exis­

~1- , S-ç­tence d'un Dieu transcendant et personnel et l'immortalité personnelle de l'âme.

IV. - Le problème de Dieu

Pour ce qui concerne le problème de Dieu un point parait bien établi. C'est, comme le dit li._:§.rp­p'olite, que « la philosophie hégélienne est(le refus 'i1ëtoute.l transcenda1Jce, l'essai d'une philosophie'" rigoureuse qui prétend rester dans l'immanence et '­ne pas en sortir. Il n'y a pas d'autre monde, il n'y a pas de chose en soi, il n'y a pas de transcendance... » (Revue intern. de philos., t. VI, 1952). On sait par sa correspondance avec S~h.çJling que .&&!ll avait abandonné très jeune l'idée d'un Dieu personnel. - Cependant les textes de ses cours sont assez équivoques: d'où de grandes divergences dans leur interprétation. Un thomiste, F~nz GI,égoire, a passé en revue les diverses conceptions de Iadivi· nité qu'on a pu attribuer à H~gel : il les ramène à cinq types. Il écarte d'abord celIes qui supposent la transcendance et la personnalité divines. Le Dieu de Hegel ne peut pas être le Dieu du théisme chrétien, c'est-à-dire un esprit conscient posant le monde librement (comme semblent le penser~J"as'

~ et J:!:. J~}el). H.Çgçl déclare en effet ~le ,.-;-; est un moment essentiel dans la vie dc...-rIDfini, (que

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60 HEGEL ET L'II"EGELIANISiHE

« Dieu ne serait ~as Dieu san~ le monde » (1) (Philos. dé la religion, é . ~n, l, p. 1;f6:l48). Dieu ne peut pas non plus être un esprit conscient posant le monde nécessairement (comme le pensaient Gôschel et G~ël). Pour H.!g~l, en effet, la seule cOii8ëience dont il puisse être question à propos de l'Idée absolue est la conscience que nous en avons (Enc., § 381, Addition). Une troisième interpré­tation est celle qU'admet Haepng : l'Esprit absolu serait doué d'une conscience réfléchie, entièrement conditionnée par la conscience que les esprits finis prennent de lui. A quoi l'on peut objecter divers passages des œuvres de He~. On lit, par exemple, dans l'Histoire de la philosophie (l, p. 176) que Il l'essence universelle de l'esprit se particularise e~~~p~!S individuels q1!i prep.ne~t conscience~elle

et de le!!-r identité ave~lle, et telle est la manière dont cetteessence se connaît elle-même et devient vr.aiment. esprit ». Qua~ i!Jlarle d~esPÏit d..u_~de)

(Weltgeist) iLentend par .. là une loi rati~nene

1immanente qui, d'abord inconsciente, finit par prendre conscience d'elle-même dans l'esprit du philosophe. Restent les interprétations strictement panthéistiffi!esQ'Idée absol.!!.~ peut être conçue comme un esprit mconsClent, cc centre réel et tendan­ciel du monde Il : c'est l'interprétation de N. Hart­mann, d~te et sans doute aussi de J~

~l. Mais divers textes nous invitent à penser que l'Idée absoluê')n'est que le .p!Q!o!yp-e idéal des espri~non 8ëUlement de conscience propre, mais d'existence propre, et qu'elle se réalise seE-Iement dans et par les esprits. Autreriïeirtâit '~rit abs~e serait qu'une tendance, une loi

(1) fugsl cite r.~E<.<::!ill.rt qui di~!lit : , Si je q'étais pas, Dieu Ile seriûI pas. •

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LA SCISSION DE L'ÉCOLE HÉGÉLIENNE 61

propre à chaque esprit individuel, encore que sem­blable chez tous, il serait analogue à ce Volksgeist (esprit d'un peuple) dont il est question dans la Philosophie de l'histoire. O~e_ainsi à la dernière interprétation qui fait de~~~l@:;«l'essence ~(),lS.sibl..!?_et !1~~ssaire de l:espnt, ne s'effectuant que sou.STés espèces des ~sprits finis »,. Au,trement dit, JI

(léS esprits particuliers r~J!!!~enL~et~~_~_~el}_~_en Il prenant conSCIence 'elle comme leur idéal et en agIssant confo-IDiément àelle~-soit-sous la forme inadéquate de la vie religieuse, soit sous la forme -1

adéquate de la pensée philosophique. L

Cette dernière interprétation semble être celle que défend ~jhe : le divin ne serait que l'accord d'esprits multiples unis, s'ils sont des sages, dans un semblable savoir d'un même tout. On \ com~rend que de ce Eoint de vue la doctrine Që' i

~~e aff]?..u être, présentée ~ une philo- 1 sopîê radicalement athée ». L'mterprétation la

"'=' pluSëlassique de l'Iïégélianisme en fait un pan­3, théisme qui personnalise l'absolu dans l'espnt de ~ Phomme. C'est, par exemple, ce que l'Histoire de l la philosophie de Janet et Séailles résumait en , (' ces termes : « Il semble que pour lui la conscience /(

it:: que Dieu a de lui-même n'est rien de plus que È!. Z ~

~ conscience _T:le l'homme a de Di~u. C'est dans 'l rh~~~Qie~a conSCIence de soi... » Et comme ; la phase la plus élevée de la pensée philosophique f est le système de .fuge!, il s'en suit cc que~!us

] haute conscience de, Dieu est-!a cons~~ence deJ Hegel. Dieu c'est, He~l ». Des pampIïlétaires avai;;"nt-aejà reprochéà Hegel de son 'Vivant de .~ ~,J

diviniser lui·m~e. C'est ce que le poète H,S~e

(qui fut élève de He el de 1821 à 1823) exprime (, dans ses Confessions~étais jeune et fier écrit-il et

cela flattait mon orgueil d'apprendre de ~s] que

J..I

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HEGEL ET L'H:ftGgLIANISME62

·1 ce n'était pas le bon Dieu qui réside dans le ciel, comme le croyait ma grand-mère, mais ~~~erait

t. moi-même ici sur terre 9...ui étais le bon---nieu~ » Et-l'on cite souvent dans cê- sens les graves paroles que ~eJ Rrononca devant ses élèves d'Iéna, à la fin du semestre d'hiver 1805-1806, quancrrreut conçu les fondements de son système.« UVre J?-ouveile.... ~sdt.if, .~_surgj dans le mg,nde. Il..GllÙlle ~_. u monde ait réussi... à se aisir enfin

\

fi

~ ·comme J:;rit âtaalu... La ea",clenee t soi finie a cessé d etre seulement finie et ainsi, de son côté, la conscience de soi absolue a acquis la réalité qui lui JRanqllait jusqu'alors. » Ce qui voulait dire que~prit absoltil venait deJrendre consci.ence d~~me e~-'être ainsi ré. sé d!!-n8·la~de

lleg~l.

V. - Le problème de l'immortalité

La question est beaucoup plus simple pour ce qui concerne le problème de l'immortalité de l'âme. Hegel affirme seulement l'éternité de l'Idée absolue. Par exemple, dans la Philosophie de la religion~ il écrit que «pour l'immortalité de l'âme, il ne faut pas se représenter qu'élIe devien<Irait seü1ement plus tard (c'est-à-dire après la mort) une réalité; c'est une ~a·

l~té présente. L'esprit est éternel, donc de ce fait d~

présent; elle est donc ~ prêsente:-L'es:f!rit dans sa J.iliêrté n"est pas dans la sphère de la TIïiîItation; e.!! tant qu'esprit pensant, s'élevant au savoir pur, il ~.

l'universel pour objet, c'est-à-dire l'étermté )J. Plus loin il ajoute que « l'homme est éternel par la

l!connaissance, car ce n'est qu'en tant qu'être pen­JI sant ~il n'est pas une âme ammâle mortelle, qu'il

est l' e à l'état pur. La connaissance, la p"ensée,Jfest la racine de sa vie, de son immortalité en tant

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LA SCISSION DE L'ÉCOLE HÉGÉLIENNE 63

que totalité en soi-même ». Pour lui d'ailleurs l'âme n'a pas de réalité distincte de sa relation avec le

t corps. « L'être immat~riel ne se comporte pas à f.. l'égard de l',être matériel comme le particulier à

l'égard du particulier, mais à la manière de l'Uni­versel véritable, lequel « surembrasse » (übergreift) le particulier» (Enc., § 389 et Addition). Il enseigneid'autre part que tout ce~est inadé~_! l'uni­)v~l (autrement dit l'iiiàiViduel) est condamné à" ~'" ) d!§paraltre (Enc., §§ 374 et 375}.\La mort's~J:>Je ') ,I.A (

- donc bien être pour Hegel la fin de toute personna- .-,-r '.J lité conscIëïïte pour l'homme. Quant aux sanctions l ; ~ çV.. d'outre-tombe,\Heine nous rapporte qu'un jour, ..::." :;. comme il faisait aTIüsion devant lui au séjour des " v~

bienheureux dans le ciel, H~g~lle fixa du regard et 0- /a.":- ~

lui dit d'un ton incisif: « Vous voulez donc encore'~ #,.....

toucher un pourboire, pour avoir soigné votre mère:). .~

,. "M' ,-.....--'1maIda e et n aVOir pas empOIsonne onSIeur votre of 1 ,;..

frère. Il Ajoutons que c'est sur ce point qu'il a été t:':"'­le plus attaqu~ de ~on vivant et que sa doctrine a f'ô.-JI "1 a été le plus stIgmatIsée comme dangereuse pour la' ~

foi chrétienne. lb-yi VI. - Caractères du naturalisme hégélien

1 !-a philosophj.e hégélienne"semble donc bien ~):re 1 ..a.-e.- -"-< !

un naturalisme'en ce sens qu'ifïi'y a pas pour ellei U 7 "" d'au-delà, d' « arrière-monde », de transcendance'. ~

divine. Seul le monde présent existe, mais il est . ­dominé intérieurement par une pensée inconsciente, i2~'

un Universel i~ent, l'Idée absolue qui se mani0j Y'­feste dialectiquement dans et par le deve~4(:s êt~es, G tt~

notamment du genre humain. Le naturalisme hégé-' Jr'~

lien n'a pas seulement une substructure idéaliste; il est fortement teinté de 'religiosité.·Cela s'explique sans doute d'abord par le souci qu'avait Hegel de

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HEGEL ET L'HP:GE:LIANISME64

ne pas se compromettre. Il était en effet très sus­pecté sur le plan religieux, dénoncé à la Cour comme

\'f peu chrétien et il fut -YÎvement attaTIé surtout à partir de 1827 par le Journal de rEglise évangélifJ-U6. Mais il voulaitalissi que les croyances traditIOn­nelles se maintieIlIlent dans les milieux populaires qui ne pouvaient accéder à la pensée spéculative.

VII. - La scission de l'École hégélienne

Malgré ces équivoques et ces points litigieux l'unité de l'Ecole hégélienne put se maintenir à peu près du vivant du maître. C'est seulement après sa mort qu'apparut nettement la sépa~J! et bien!-ôtJ~_-x0nflit entre ce qu'on a appel~~ dr,oiti) [email protected] les dissenSIOns commencerent déjà à se manifester à l'intérieur

rde l'Ecole à partir de 1829, c'est-à-dire deux ans \.avant la mort de ~g~. Elles portaient essentiel­lement sur le problème religieux. Ainsi un haut magistrat, Goeschel (1781-1861), publia en 1829 ses

MAphorismes -;;;;-}'ignorance et If!' science absolue II dans leur rapport avec la foi chrétienne où il défen­

dait les doctrines de la personnalité divine et de l'immortalité de l'âme. Par contre Louis Feuerbach (1804-1872), publia en 1830 ses Pensées sur la mort et l'immortalité, où il professait ouvertement le panthéisme et niait l'immortalité de l'âme.

C'est après l'apparition de la Vie de Jésus de Strauss en 1835 que la scission fut o}!Yerteme~~

<fec~ée et qy~l'on commença à parler~

et une~aucG hégélienne, entre lesquelles on situa un centre. Si l'on adopte la classification de Ch. L. Michelet, on a le tableau suivant :

)f.:-@La droi; comprend tous ceux qui veulent ramen;T"raphiJosophie hégélienne au spjritualis~e,

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LA SCISSION DE L'ÉCOLE H1!:GÉLIENNE 6S

c'est-à-dire les théistes affirmant un Dieu personnel et l'immortalité de l'âme. Ce sont les « Vieux hégé­liens ll. L'extrême droite est représentée par GA~chel,

la droite modérée par Gabier, von Henning, ~d­m1Wll et Schaller ; -==- • - - --=;0

2ô)~~veut adopter un juste milieu et déléiJ. e la véritable doctrine de !!.ege.l. Suivant .

Il qu'il penche du côté du t.Mi@leOUducôtédUJO\ 2. panthéisme, on le divise en Centre droit avec J

Rosenkranz et Marheineke et en Centre gauche avec Ch:" L. _Mi~helët et Y!!.!!e ;

~Quant à: ~!fÇhe, groupant les « Jeunes hégéliens », elfe rejette totalement tout ce qui est « représentation Il dans le domaine religieux, pro­fesse ouvertement le. l'anthéis~e et aboutit même à l'athéisme. La gauche proprement dite est repré­sentée par S~s, l'extrême gauche par Feuerb~ch

et ~~x Stirner. Il faut ajouter K. Marx et ~s

(dont nous parlerons dans le chapitre suivant) et réserver une place à part à Bruno B,ID!er qui a évolué ri de l'extrême droite à l'extr~e gauche, en passant

II progressivement du point de vue de Gijsch~l à celui de Feuerbach.

G~r. - Le plus notoire des hégéliens de droite fut G!h!g (1786-1853), qui remplaça H~g~ à l'Université de Berlin en 1834 (quatre ans après sa mort). Il avait été son élève à Iéna à l'époque de la Phénoménologie dont il a donné le premier un

~commentaire assez clair. Iuccentue l'élément]l m"'ysti~e dans la philosophie hégélienne et dénonce le pant éisme comme une erreur.

Les hégéliens de gauche ont fait beaucoup plus parler d'eux.

Strauss. - ~"Ï~s (1808-1894), était assistant de théologie à ' niversité de Tübingen quand

5R. SEIUlEAU

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66 HEGEL ET L'HJtGtLIANISME

il publia en 1835 sa Vie de Jésus qui fit 8can­dale. Il y rejette entièrement tout surnaturel et interprète comme des mythes les récits du Nouveau Testament. Les protestants orthodoxes déclarèrent que sa doctrine était la conséquence logique de l'hégélianisme, ce qu'il reconnut lui·même. D'après lui le point essentiel du système hégélien en matière de théologie est la distinction entre représentation et concept ~~ la religio " GabIer et ~el soute­

" 'Id' b 1 ---.,". d ~nale.nt que ee a so ue evalt s mcarner ans '!!l seur être humam;' eur répond que ce qui dans

.-1 rrr;:fini est un existe dans le fini morcelé en une 'l.- pluralité d'individus et que l'Idée ne sc réaliseque

dans l'ensemble de l'humanité. La tendance natu­raliste et antireligieuse est encore accentuée dans

1" lson second grand ouvrage : La doctrine chrétienne \...(~'\ de la foi dans son développement et en--.8uerre avec ,'a F 0' schnce moderne (1840). Il y enseigne que :Qieu c'est

l'infini qui se per~nifie dans les esprits humains en parvenant à la conscience, et cela de toute éter­nité; avant l'humanité terrestre il ~ a..!ait. sur

lld~autres astres des es rits dans lesquels la <ljYIDité se reflétait. uant à son dernier ouvrage, L'an­cjenne et la nouvelle/oi (72), il est purement mâte· rialiste et n'a plus que de très lointains rapports avec la pensée hégélienne.

Feuerbach. - Ludwig Feuerbach (1804-1872) a l1iÏauss(évolué du panthéisme hégélien au pur matérialisme, et cela plus rapidement que Strauss.

\1 Dès 1839, il déclarait s'être détaché de )a « mystimle rationneHe » de HeW. Son œuvre principale, L'essence du christianisme, parut en 1841. Il Y atta­

-1 que aJ!6$i pien la philosophie spéculative de la reli· .-z. gion ~ la théologie chrétienne. « Ma première

pensée, dit-il, a été Dieu, ma seconde la raison, ma

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, ~ "PU-:- -'1>4 /- 1.1r- --... r,....;.---- ~

~ LA SCISSION DE L':tCOLE HÈGÉLIENNE 67

troisième et dernière l'homme. II La théologie a été éliminée par le rationalisme hégélien, mais celui-ci doit céder la place à la philosop1rie de l'homme : l'anthropologie. Il faut donner aux dogmes chrétiens leur vrai sens : le sens purement humain. Ainsi ~

Trinité se ramène à l'idéal de la famille composée du pke..L.du fi!S ~t. deT~.mere (car(Plij?rèsTùi on aurait J~

dû mettre Marie_à la place du Saint-~p.rit). Les Il formules chrétiennes sont des contre-vérités au sens littéral du mot, c'est-à-dire qu'iISUffii<Iëles retour- ) n~! pour en dégager la vérité humaine. Au lieu de dire: « Dieu est l'amour », «Dieu est miséricordieux ll, il faut dire: « L'amour est divin », « La miséricorde est divine ll. Ce qu'il y a de vrai dans des sacrements comme le baptême et la communion, c'est que se J\ baigner, manger et boire sont choses salutaires, etc. Malgré son orientation, L'essence du christianisme, garde encore un accent hégélien, ne serait-ce que par sa terminologie. Il n'en est plus de même de ses Principes de la philosophie de l'avenir (1843). Feuerbach y déclare que sa transformation de la théologie en anthropologie est encore trop teintée d'esprit religieux et de pensée spéculative, car l'homme y est conçu en tant que porteur de la raison et la réalité sensible et naturelle comme un mode d'existence qui doit être dépassé. La philo­sophie de l'avenir sera purement malérialiste. Elle· dira : mon moi c'est, dans sa totalité, mon corps; ! seule la donnée sensible est réelle; ce n'est pas la raison, mais l'homme en chair et en os qui est la mesure de toutes choses.

Max Stirner. - Venu lui aussi de l'hégélianisme, Max Stimer (1806-1856) (de son vrai nom Kaspar Sclimidt) veut dépasser Feuerbach dans ce-génre d'argumentation. Dans so:Dlivre Vunique et sa

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68 HEGEL ET L'Hf1GP:LIANISME

propriété, publiée en 1844, il déclare que F~ue!~ch

reste religieux même dans ses derniers ouvrages.]! a rejeté l'Esprit absolu de H~ en n'y voyant qu'une abstraction. Pour Stirner i en est de même du concept de l'homme chez F~ach : la seule réalité vraie c'est le moi indl:viduel, ce n'est pas une essence universelle, mais ~lque chose d'Uniq~e'l

La morale altruiste, le « tuisme » prêché par Feuerbach n'est qu'une survivance de l'esprit évan­gnique~

L'individualisme anarchiste de Stimer représente le point d'aboutissement extrême d'une orientation critique qui veut s'éloigner au maximum de l'hégé- ~

lianisme, tout en restant marquée par son influence. Mais ici la tendance deHtructrice ne laisse presque plus rien subsister de la pensée de ~g~ et la mé· thode dialectique y est entièrement abandonnée, comme elle l'avait déjà été de plus en plus par Feuerbach.

Au fond, si l'on veut résumer en gros l'essentiel de ce qui oppose la droite et la gauche hégélienne, il faut partir de la notion fondamentale du système: l'Idée absolue. Pour les hégéliens de droite l'Idée a

_j\nesoin comme support d'un esprit réel, transcendant A 1 et conscient: le Dieu du théisme. Ils reviennent ainsi

au spiritualisme traditionnel. Pour les hégéliens de gauche et surtout d'extrême-gauche, l'Idée n'est au2. ~.

fond qu'une abstraction, puisqu'elle n'existe réel­( lement qu'en s'extériorisant dans ]a Nature : celle-ci se suffit donc à elle-même; elle n'a pas besoin d'une substructure « idéelle ». Et c'est ainsi qu'ils aboutissent au matérialisme et à l'athéisme.

Pour les hég.éliens du centre ces deux tendances Nopposées retombent également dans le foint de 3.5 ~\ vùê -qu"'iIs jugent dépassé "des métap~s.l9..ueS de rJ!j

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LA SCISSION DE L'1!iCOLE HEGELIENNE 69

l'entendement:-Ils essaient de maintenir les posi­tions propres de l'idéalisme en rejetant aussi bien

(l le spiritualisme de la droite que le matérialisme de 2 l'extrême gauche. Telle est, par exemple, l'orien­tation de la pensée de Ch. L. Michelet.

L'hégélien type: ~ L Mi~'àtet. - E.f;îes-Loui~ Mic~elet

(1801-1893) peut em conSI eré comme l'Iiégélien type, comme l'homme qui, au siècle dernier, a incarné l'hégélianisme avec le plus de ferveur et de persévérance. Il n'est peut-être pas le plus pénétrant, ni toujours le plus fidèle des disciples de Hegel (du moins sur le terrain politique); mais c'est certai ­nement lui qui a compris le plus clairement sa doctrine, qui Pa repensée avec le plus de sympathie, qui s'est le plus enthou­siasmé pour le rythme ternaire de la méthode dialectique, cette Il pulsation dans la vie de l'absolu D. C'est lui qui aJ\ défendu Hegel le plus énergiquement, qui sans se lasser a fait son apologie au moment où sa doctrine était attaquée de tous côtés. C'est lui qui a le plus pris au sérieux cette partici]!!!.i,on à ~nel, ce salut métaphysique qQe lIege1 seïiîble promettre à_ceux qui le sUlveq.I':sur la route du savoir absolu. TémOinces deux vers qu'il fit graver sur sa toÏÏîlÎe :

'\ rV3

Sur la teTTe ici-bas il a trouvé le ciel ; jLaissmr-Iui sous la teTTe un repos éternel

Son principal mérite est sans doute d'avoir su maintenirJ jusqu'au bout lc point de vue proprement idéalis'e de la pensée hégélienne contre les déviations aussi bien spiritualistes que m~stes qui prirent le dessus et entrèrent VIOlemment ­ ~

eiïêOnflit après la mort du maître et aussi d'avoir su exprimer 'j clairement sur les points litigieux les plus compromettants ce que Hegel n'avait laissé entendre qu'en termes voilés ou d'une façon équivoque.

Descendant d'émigrés p!'0testants français du XVIIe siècle, r/~

il suivit les cours de ~g.e! àl'Universlté-de Berlin, et devint d~s 1829 le collèR.!!e de son ancien maître en qualité de Il pro­fesseur extraordmaire ». He8!L le -ëhargea fenseiSE-er saJl métaphysique à Vic!!!! Cousin et IïïfCôDfiil'e ucation philo­sopliique lIe sës deux Cils au_ L~e fra~!Üs de Berlin. Ayant ­ tV")vécu très vieux (il moumt dans sa 93e année), il professa pendant deux tiers de siècle. Travailleur inlassable, il diriges jlla Société philosophiqUèlfeBerlin et la revue La Pensée et écrivit de.-11Qmb.!'_ç~x ouvrag~..2u ~es en franÇ.iiii.Qmme en alleI!!!!ud. SuspeëfSur le terrain religieux comme sur le

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HEGEL ET L'HEGELIANISME70

terrain politique (où il se situa très« à gauche»), il se compro­mit souvent par des articles ou des discours; il fut l'objet d'enquêtes policières et même cité en justice. Menacé plusieurs fois de révocation, il_ID!L~endant garder sa chaire à l'Uni­v:ersité de Berlin, mais n eutJamais d'avancemen!~a

toute sa vie « Ilrofesseur extraordinaire ».

json œuvrelïïplus typique estIe Cours sur la personnalité

de Dieu et l'immortalité de l'cime ou la personnalité éternelle de l'esprit, qu'il Cit à l'Université de Berlin en 1840 et publia

' l'année suivante. Michelet pense, comme Hegel, qu'il y a dans le christianisme

une vérité fondamentale à retenir: l'unité de la nature divineN1 -- et de la nature humaine, ce qui est« du côté dë Dieu son incar­~r~ nation, du ffieëlël'homme, sa vie éternelle dans le sein de

,Dieu ». L'éternité n'est en effet rien d'autre que la présence abSOlue de"l'Omversel qui s'expnme dans tous les aspe~ts

changeants du monde. Dieu s'incarne éternellement dans les êtres finis: l'homme ne s'élève à l'éternité que dans la mesure

li oùü paryienJ à exprimer l'essence divin~ par sa ~e~e lttJlt' par ses ~tes. On ne peut attribuer à Dieu une conSClence ) 7

propre: ce n'est que dans l'homme qu'il arrive à la personnalité. On a résumé les thèses de Michelet en disant que pour lui

« Dieu est personnel dans l'homme et l'âme immortelle en Dieu », ce qui revient à dire, ajoutait-on, que Dieu n'est pas personnel et que l'âme n'est pas immortelle. Autrement dit en employant le langage du spiritualisme et let' symboles de la théologie, les hé&éliens du centre (du moins ceux duce centre gauche» où Michelet se situait lui-même), aboutissent en fait aux mêmes conclusions que les hégéliens de gauche. ?ffais ils

'1 maintiennent l~ositions fondamentales de l'idéalismeliége­tThïîïïvec sa dialectique et sa terminologie et on peut se deman­

1der si ce qu'ils enseignent sur le plan religieux n'est pas au) ( fond, exprimée plus clairement, la propre doctrine ésotérique . de Hegel.

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CHAPITRE IV

LE PROBLÈME POLITIQUE (DE HEGEL A MARX)

Hegel s'est toujours beaucoup intéressé aux questions politiques. II vivait à une époque qui fut éminemment «( historique l) et se tint toujours au courant des événements du jour, déclarant que~a]

lecture des-iournaux est une sorte de prière du matin réaliste ». Il a écrIt des essais politiques ins­pues par dës questions d'actualité, notamment La constitution de l'Allemagne, écrite en 1802 et publiée seulement en 1893 par ç. Monat. Il a même dirigé pendant un an et demi un journal: la Gazette de Bamberg (de mai 1807 à novembre 1808). Sa corres­pondance montre qu'il se préoccupait beaucoup de tous les problèmes de l'actualité. Il enseigne d'ail­leurs qu'on ne doit pas séparer la théorie de la pratique. Pour lui en effet la volonté est un mOde) particulier de la pensée: c'est la pensée qui s'exprime dans la réalité : « Ceux qui considèrent la pensée comme une faculté particulière, séparée de la volonté, " conçue elle aussi comme une faculté particulière, et vont jusqu'à considérer la pensée comme nui­sible à la volonté, surtout à la bonne volonté, montrent de prime abord qu'ils ne savent absolu- j

ment rien de la nature de la volonté» (Philos. du droit, § 5).

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72 HEGEL ET L'lIF;GlkLIANISME

I. - La constitution de rAllemagne

Dans son ouvrage sur La constitution de l'Alle­magne, I.!!:~ veut montrer comment l'Allemagne, morcelée en une multitude de petits Etats souve­rains, pourrait refaire son unité,_d~enir vraiment u~t ayant une armée et des finances nationales. On trouve déjà dans cet ouvrage quelques-uns des thèmes politiques qu'il a systématisés dans ses Principes de la philosophie du droit. Ainsi il déclare que ce qui lui importe avant tout c'est de faire des constatations sur le plan de la philosophie de l'histoire et non de bâtir, au nom d'un idéal, des projets de réforme. Il veut amener ses lecteurs à comprendre ce qui est, à se rendre compte que ce qui est n'est pas l'effet du hasard. He~l définit l'Etat une collectivité humaine qui «S'est unie pour la défense en commun de l'ensemble de ses biens JJ.

~j;At n'est pas au service de l'individu, il n'e!,t pas une simple association, mais un, tout organJJue. La politique a une sphère d'action qiri"lui est propre et qui ne doit pas être confondue avec celle de la morale. Dans les conflits entre Etats, chacun croit avoir le bon droit de son côté et « ce n'est que par la force que le droit peut s'affirmer Il. « La question n'est pas de savoir quel droit est le bon, mais lequel doit céder à l'autre. » - Ces vues s'apparentent à celles de Machiavel dont .l!.e~l loue la « froide réflexion Il. Sans doute la morale peut « débiter contre lui ses trivialités : que la fin ne justifie pas les moyens, etc. » Mais cc il ne peut être question ici de choisir les moyens; des membres gangrenés ne peuvent être guéris avec de l'eau de lavande )J.

« Le concept et l'intelligence suscitent contre eux une telle méfiance qu'ils sont tenus de se justifier

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PROBLÈME POLITIQUE (DE HEGEL A MARX) 73

par la force; c'est alors seulement que l'homme se soumet à eux II (La constitution de l'Allemagne, éd. Heller, pp. 13-14, 26 sq., 110 sq., 125, 127, 160).

II. - La Philosophie du Droit

La constitution de l'Allemagne n'est qu'un ou­vrage de circonstances, un de ces écrits de jeunesse qui portent encore la marque de la philosophie de la vie chère à Schelling et aux romantiques. Les vues que He~ y-aerênd sont reprises plus nette­ment et systématisées dans ses Principes de la philosophie du droit (1821), le dernier en date de ses grands ouvrages. Les points essentiels en sont résumés dans l'Encyclopédie (du § 483 au § 552). Dans ces deux exposés la politique est étroitement associée à la morale, à la psychologie de la volonté et à la philosophie de l'histoire.

Dans la préface de la Philosophie du droit, Heg~

nous déclare qu'il ne vise nullement à construire un Etat idéal. « Comeitndre ce gui est. dit-il, voilà la II tâche de la philosop ie, ca~~Ja.IJY~_n. )J L"interprétation rationnelle qu'il va donner, c'est « la réconciliation avec la réalité ». La philosophie n'a pas pour rôle d'enseigner ce qui doit être: « Pour cela d'ailleurs elle vient toujours trop tard. » « En tant que pensée du monde, elle n'apparaît qu'après que la réalité a achevé son processus de formation... Quand la philosophie peint en gris sur gris, une forme de la vie a vieilli et avec cette grisaille elle ne se laisse pas rajeunir, mais seulement reconnai­tre; le hibou de Minerve ne prend son vol qu'à la tombée du crépuscule. »

Le.droit~est dQ._dom,aine ~e l~p!!t ;s~ po~!J.e

dép.arLest la uola!!!iJi.kre, nI>re en tant qu'elle est

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• ..y(..j'" t~-, d _";:c.: fi.)' .. ~ - <;,,--~ b .1 'ê/~ J ~ __ ~-•.,,..-t,r..,....., , ....... ,.

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~ -E> J.->--- ,.......~~ l:'r--, gt.. D'" ~; t 74 HEGEL ET L'HgGgLIANISME

une indétermination qui se détermine elle-même,-1 en tant qu'elle est le moi qui se pose une limite, se donne un contenu tout en restant dans l'identité

- avec soi-même et la généralité. Quand elle n'est ./f que la volonté naturelle, elle ne fait qu'obéir aux

désirs, aux penchants et son domaine est l'arbi­- traire; elle n'est libre alors qu'en soi. Elle est libre

2 /!..our. soi ~ elle se donne pour contenuJiOii1e pa)'tlcW;-r, malS -lë gén.~al; c'est·a:wre quand elle est pensée. . C~st dans le droit que la...x.olontLlihle atteint

son existence immédiate. L'individu en tant~il

11a et _e~erç~ ..!les droits est une persoJ!:!!.e. L1mpéràtif

JI d'ü"'<troit c'est donc: « S~:..p..!:t.:.s.?nne et respecte les autres en tant que personnes. » La personne doit se donner pour agir une « sphère extérieure de sa liberté » : sa propriété. Comme il y a en dehors de moi d'autres personnes, mon droit est limité par le droit des autres. Il en résulte un conflit entre les volontés qui se résout dans le contrat, première ébauche de l'E.:!at : deux volontés s'y unissent en une volonté commune qui en tant que telle devient un droit. Mais un conflit est possible entre la volonté particulière et le droit incarnant la volonté générale.

ill en résulte l'injustice (Unrecht), c'est-à-dire la J\~égation du droit. Ce désaccorër:rend nécessaIrëUÏJ.e réconciliation, u~~ablissement du droit c~a

1~l!.t.iQ.n momentanée par une volonté particulière. La négation de l'injustice c'est la punition (négation de la négation du droit). Hegel rejette les doctrines

1 {qui fondent le droit pénal sur la nécessité de faire un exemple, d'intimider, d'amender, etc. On ravale ainsi la punition au niveau d'un simple moyen. Il

2. {faut y voir une fin en soi, la manifestation par , excellence de la justice. L~unition qu'on inflige

tl~ -- II au coupable c'est son drott, sa ratioÏÎâlité, T~i

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/....;: j --.O,...S: f._t..~, / ( tf...<'-I-vf.0

PROBLtME POL/T/QUE (DE HEGEL A MARX) 75

sQ....us la~elle il I1eut être s~é.""Son acte doit se retourner contre lui. C'est pourquoi !!!?gel défend, comme Kant, la loi du talion et la peine de mort.

~ 'Le droit est le premier degré du développement ~e

l'espnt ~l)jectif. Les deux autres degrés, complé­2 tant la triade, sont la moralité subjective (Mora-J litat) et la moralité objective (Sittlichkeit) dont nous

avons déjà parlé. Alors que le droit strict (droit abstrait) ne considère que l'aspect extérieur de l'acte, le point de vue moral considère son mobile intérieur. Ce qui compte ici c'est le but que se pro­pose (Vorsatz) celui qui accomplit l'acte, l'intention (Absicht) qui l'anime. Celle-ci vise d'abord le bien propre de l'individu, mais en s'élargissant peut avoir en vue le bien de tous. Ainsi nait l'idée du bien en soi et pour soi: il y a ici réconciliation de la volonté particulière subjective avec le concept de la volonté /<l.., qui a en vue le rationnel, l'universel. L~al consiste )"/coLI' <- /;.:, ~

en ce fait que la volonté subjective s~ révol!e contre"V).... ., l'universel~te:ïïte<Ie poser comme un absoIUSa f. i "-L

pmreindividualité _et nie aiiîSi' le l';atio~.-·

Dans la sphère de la moralité subjective, e ien est encore l'universel abstrait qui a besoin d'être .. déterminé. L'identité ~~ncr~te du__pj~lLJlL.deJa - 01.3 ~~onté subjecfiVë est attemte au niveau de la moralité-objective. Le bien devient alors vraiment une réalité effective grâce à la société qui forme les

.consciences, aux-.institutions qui unissent les volon­1/ tés individuelles dans le s~!vice ~mm_un de l'inté.!êt ~ icollectir,-aSSUrant àinsi le triomphuyationnel, ~'univer8el.

~a première réalisatio~de l'esprit social e~Ù!l J'l 1'1 f(J,mille, -aontle rôle essentiel est l'éducation des - enfants, première source de la moralité.

Le second moment de la triade est ici la 't.. Société civile (bürgerliche Gesellschaft). Les per­

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76 HECEL ET L'HECF;LlANISME

J

'~l,.ç­(r~'L

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sonnes s'y associent conformément à leurs intérêts et les associations ainsi créées entrent en relation et souvent en conflit. Ainsi s'établit dans la vie sociale un ordre tout extérieur résultant de l'accord des besoins et de leur limitation réciproque, imposée par une réglementation collective.

Le troisième moment c'est l'Etq.t qui est la réali­sation sociale la plus haute. I!egçJ. le distingue de la société civile à laquelle le ramènent la plupart des théoriciens modernes qui pensent que le rôle de l'Etat est d'assurer la liberté des personnes et la p~ction de leurs biens. La société civile est un J,Q monde individualiste et utilit~gnede Il l'ato­J1misme social ». D'après HegelTEtat n'a pas pour fiïi d'assurer à ses membres lé bien-être matériel et la liberté « abstraite» (c'est-à-dire conçue d'un point de vue individualiste), _1Il~is_,d~ les amener j~

à r~plk..le~vér..itabl~~n~ti§îld'être r"aisô-@tble ~~t deY-lvreaaiiSI~versel et de s'erever amsi à ra liberté « concrète ». C'est seulement dans l'Etat que l'homme accède à la moralité la plus concrète et la plus haute. L'Etat en effet éduquj l'individu, le plie à une discipline collective qui e libère des contingences de sa nature animale et des ratioci­nations stériles; loin de le diminuer, il lui pe.rmetj d'!1..c:.he~~ sa personnalité en s..:...in!égrant Lun orga­m~me mor_al iupéneur qui le faIt progesser dans le sens de l'universel.- - -, ...

&&!à ne considère pas la république comme la meilleure forme de gouvernement: elle met en effet l'individu au premiergn et repose sur une confu­

Jl sion de la société ci e eraer--Etat. Lë meiIlèur régime politique est pour lui la monarchie constitu­tio~lle héré~t~ire. (1 La.-::DCTsoll1!ilitraiJ:E!at

jt~t effectivement réelle qu'en tant qu'eÎÎe est une p~Qnne »,.écrit-il (Philos. du droit, § 279t- Il

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PROBLÈJ'tlE POLITIQUE (DE HEGEL A MARX) 77

ajoutait dans son cours que « cela ne veut pas dire que le monarque puisse agir suivant son bon plaisir; il est au contraire lié au contenu concret des délibérations et, si la constitution est solidement établie, il n'a souvent rien de plus à faire qu'à signer son nom ». Aussi n'est-il pas nécessaire qu'il soit d'une intelligence supérieure. « C'est à tort qu'on exige du monarque des qualités objectives; il a seulement à dire « oui» et à mettre le point sur l'i... Dans une monarchie bien ordonnée le côté

\ o~jectif appartient à la 101 seule; le monarque n'a \qu'à y ajouter l'élément subjectif, le « je veux Il

(Additions aux §§ 279 et 280 de la Philos. du droit). Les « délibérations» dont parle Hegel sont celles

des représentants des groupes professionnels, des corps constitués, de la bureaucratie que le monarque doit consulter. Ils établissent la médiation entre le souverain et le peuple. C'est par eux que l'opinion publique peut s'eirimer dans une certaine mesure (mal définie par Jg~), ce qui assure la synthèse

( du princiF~de la subjectivité et de l'unité subs!,!n­tielle de ~t. .

1J C~est un èvoir pour tous de sauvegarder «l'indi­If(vidualité supstantieIIe J),î'indépendance et la~·

v:;aineté de"P'ËUÏt, fût-ce a~_prix de ses hienset d~e. La guerre est en effet pour ~~ le seul moyen de régler les conflits entre les Etats. Elle a une valeur morale en ce sens qu'elle oblige l'in~yidu

à_"se-sacruï:er-à une caus~!lpéneure et lui l'âit ( éprouver vraiment cette vanité des biens terrestres

dont les prédicateurs parlent tant (Philos. du droit, § 324 et Addition, §§ 325 à 328). Et ici, comme nous l'avons vu, se manifeste la dialectique de l'histoire,

f l'Etat ffilÎ triomphe dans ces « collisio~ étiiI!Lle ptt:: « vrai JJ à chacun des moments de l'évolution historique.

...

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78 HEGEL ET L'HeGeLIANISME

III. - Les conceptions politiques de ~~

(

Les conceptions politiques de Hegel ont été interprétées de façons très divergeïitès:"" Gans, qui a publié la Philosophie du droit en la complétant par des notes de cours, déclare dans sa préface que He~l n'a pas répudié les grands principes de la Révolution française qui l'avaient enthousiasmé dans sa jeunesse et qu'il revendique lui aussi pour le citoyen, tout enclavé qu'il soit dans l'Etat, les droits essentiels de la personne humaine. Mais le plus souvent on souligne le caractère conservateur, pour ne pas dire réactionnaire, de cette œuvre : on voit dans ~egel le philosophe pour qui l'Etat

\\Ïflcarne l' « in vidualité substantielle », le l( m'Vin ) terrestre» devant lequel l'individu doit reconnaître

son néant; on fait de lui le philosophe de la Restaura­tion, l'apologiste de la monarchie prussienne, l'inspi. rateur du culte de la force qui trouve dans la guerre son plein épanouissement.

Une position intermédiaire est défendue par John Dewey et Victor Basch. Pour ce dernier la doctrine hégélienne de l'Etat apparaît dans l'en­semble comme « un compromis entre une philoso­phie de l'autorité et une philosophie de la liberté )J.

Elle tente de trouver « un milieu entre la monarchie absolue et la démocratie extrême, entre l'indivi­dualisme intransigeant et l'étatisme poussé à ses dernières conséquences )J.

Si l'on considère l'attitude pratique de He~l, il est certain qu'au cours de sa vie elle a évolué de la gauche à la droite sur le terrain politique. Il s'enthousiasmait pour la Révolution française lors de ses années de séminaire : on a dit que par un dimanche de printemps de 1791, il était aUé avec Schelling planter un arbre de la liberté aux environs de TüIlingen. Mais il a adopté dans la suite une attitude de plus en plus

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PROBLÈME POLITIQUE (DE HEGEL A MARX) 79

l

conservatrice ; M~~!et le reconnaît et le déplore. On a relevé comme particulièrement déplaisantes ses attaques contre son collègue ~, mis à pied pour avoir exprimé ses tendances démocratiques à la fête de la Wartburg (en octobre 1817). Il reproche aux apôtres de la souveraineté nationale d'être animés par le pur sentiment au lieu de faire appel à la raison et de vouloir ainsi fondre cc l'architectonique rationnelle» de l'Etat

( dans ce qu'il nomme « la marmelade du cœur» (Brei du Her­zens). Cependant ce qu'on a écrit sur le rôle de « philosophe d'Etat» qu'il aurait joué à Berlin semble, comme nous l'avons vu, quelque peu exagéré. Son comportement personnel et ses libres propos, notés par ses amis, montrent d'ailleurs que, même dans la période berlinoise, il conservait un certain attachement aux idées de la Révolution française. Victor Cousin (qui put le voir et lui parler Journellement pendant six mors à Berlin)

jnous dit qu' cc il la considérait... comme le plus grand ~as

gu'eât1'ait le genre humalïillepuis le chrlstiamsme D. On aI

f

dit que tous les ans iICèlelirait l'anmversairë<lëlà prise de la Bastille en buvant une coupe de vin avec des amis. Rosen­kranz nous rapporte qu'un de ses étudiants ayant été eiiijm­sonné pour ses opinions siiIiVëi-sives, il accepta d'accompagner dans une barque, à minuit, ses camarades pour lui dire quelques mots de réconfort sous la fenêtre de sa cellule qui donnait sur la Sprée (cela au risque d'essuyer les coups de feu d'une sentinelle). Et son meilleur ami, Forster, termina le discours qu'il prononça sur sa tombe en s'écriant :« A~chez tOUjourS']ll ~es de servitude et d'obscurantisme: nourn'avons 'pas penre vous, car son esprit sera notre ~dëT»Paroleson ne , peut plus significatives qui exphquent sans doute pourquoi la police interdit tout autre discours. - Si donc on ne peut nier la part de conservatisme qu'on trouve chez Hegel, il faut recounaî-JI ~e~'êll~nde c mmun av 1 - ~nnarisme viôIënt cl un c o~nhauer qui se glorifie d'avoir en 1848 aidé les 1 soldatsà tirer sur ce qu'il appelle « la canaille souveraine». 1

IV. - Droite et gauche hégéliennes en politique

Au fond, comme l'a dit J. L6wenstein, la poli­tique de Hegel est à double lace. D'un côté elle vise à la réconciliation avec la réalité existante qu'elle veut comprendre en l'interprétant rationnellement. Et c'est en ce sens que tout conservateur peut se

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80 HEGEL ET L'H€Gl'tLiANISME

réclamer d'elle. Mais d'un autre côté, le mouvement dialectique qui domine la pensée hégélienne s'oppose à une fixation de ce genre: il justifie l'idée d'un progrès conditionné par des antagonismes qui peu­vent être des conflits entre des classes sociales aussi bien qu'entre des Etats, aboutir à des révo­lutions aussi bien qu'à des guerres. C'est pourquoiAJi nous trouvons untl.droite et une gjuche hégéliennes

~ (sur le plan politique comme sur e plan religieux,

~ h· droite et gauche qui ne coincident <Î!ailleurs pas exactement. Par exemple, Strauss, qui se range nettement à ~uche sur le terrain de la religion, défend (comme chez nous Renan) des idées conser­vatrices qui le font classerTdroite en politique. Dans l'ensemble la droite s'attache surtout à la lettre des conclusiOiï8Pratiques de la Philosophie du droit, alors que la g~e s'appuie essentiellement sur la méthode générale du système.

V. - Hegel et le pangermanisme

C'est surtout la théorie de l'Etat de He~ et son interprétation du devenir historique qUi ont été invoquées à droite et ont fait voir en lui l'inspi­rateur de pangermanistes comme Treitschke et son disciple von Be~~di. Pour 'W.i~ke l'Etat c'est le divin r~ur terre. II n'est pas le serviteur des individus, mais a sa fin en lui-même. Son devoir essentiel c'est d'être fort à l'intérieur pour imposer aux individus une stricte discipline et à l'extérieur pour assurer et agrandir sa puissance, en n'ayant d'autre souci que son intérêt propre. ,\,rJli:t~chke

reprend la formule de ~~er invoquée par !!.e~ : - « L'histoire universelle est le 'u ement dernier. »­

Il est aCl e user de ce point e vue ce que

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PROBLÈME POLITIQUE (DE HEGEL A MARX) 81

H~g~ a écrit sur la guerre et sur la mission des peuples. Chaque moment du développement de l'histoire est lié à un peuple dominateur qui est alors le porteur de « l'esprit du monde» ; les âmes des autres peuples sont sans droit en face de lui. Or après avoir traversé les périodes orientales, grecque et romaine, l'humanité en est maintenant à la période germanique. Et c'est pour Treitschke comme, le semble-t-il, pour Hegel l'Etat prussien qui incarne le mieux l'esprit germanique. Il a, avant tout autre, le devoir d'affirmer sa force, la faiblesse étant « le péché contre le Saint-Esprit de la politique ». Faut.il~ vraiment dans He~un p_récurseur du

pan~mamsmercestCe que pense, par exemple, CI .. (

Ch. dler qui--ae:iiOïiëe8~8Cëtang!e« l'hégélia­nisme diffus<{Ui n'a cessé de remplir le XIXe SIècle

A

allemand », mais ce que conteste ViëtoÏ'~IL11 . est ceriain qu'on ne trouve chez He~ rien de 1

( semblable à ce nationalisme passionnéqui apparaît dans les Discours à la nation allemande de F.Mi!!!e. Loin de se faire l'apôtre de la « guerre de la libé­ration », il fut (on le sait par ses lettres à son ami Niet~er) un__gran~~~..:nirateur de ~p~~n Ji qu'll ap.I)elait « l'âme u monde» (!J, et dont il '~

-13

déplora la cIîut~t_« !riomphe de l~ masse ~me­diocres ». Pour G. Lukâcs, He~l voyait en Napoléon non le général victorieux, mais l'homme qui devait liquider les restes du système féodal en Allemagne. . A. Kojève pense qu'il a~t de Na-t0léon~a- ) blissement d'un « EtatJllliv_~tseI et ôiÏÎogène II

d0E!Ë~nt aurait coïncidé aveCL~-

6R.SERREAU

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82 HEGEL ET L'HSGSLIANISME

~ment de la philo~phie allemande dans le système }hégélien, IWll.q.wm!-~~« la fin de l'histoire D.

Ajoutons <t1e Hegel accorde une~ce de~remier l!lanaà::Ja\ (Franc~ d!!!!... es«i'l.'ai'j~ d~» 'il pILee en revue ans,~noménologÜl S SBpl'it et qu'il souligne le rôle capi " qu'a joué 1!l enseefFanaiÏle dans le développement de l'esprit critique. Citons en! eux falts très significatifs : il mlr-8~S

A {[cieux fils au Lycé ganç~de Berlin (ce que n'aurait pas1ait . Jun adepte du «germawsme pur ») et, comme nous l'apprend

son fils aîné :Kiui.fuw, il comptait parmi ses meilleurs amis des Juifs comme A. Beer, J. Mendelssohn, Gans, ce qui nO\l8

2. . le montre très éloigné de cet antisémitismepassionné des nationalistes allemands qui se manifeste même chez F~te et ~ chez Schopenhauer.

Quoi qu'il en soit. si l'hégélianisme a pu être utilisé par un Treitschke, il a été dans la suite de moins en moins invoqué par le8 nationalistes allemands : ils ont surtout fait appel au ~inism6

(c'est le cas de von Bernhardi) ou à la doctrine /f de Nietzsche. Heg~ est donc loin d'être l'inspirateur

l principal de ~oit9belliciste. En revanche nous '2. trouvonsC[g~uc~une doctrine des plus célèbres que

~ son propre on ateur d~are avoir édifiée sur la )\dialectique hégélienne: c'est le marxisme.

VI. - Hegel et le marxisme

Dans son premier ouvrage, la Critique de la philo­sophie du droit de l!.eS!! (1844), It!~~ souligne l'im­portance capitale, autant historique que philoso­phique, qu'a pour lui la doctrine hégélienne. li y voit la « continuation idéale Il de l'histoire allemande et pense que, dans l'ordre de la pensée, elle ne le cède pas en importance à ce qu'est le capitalisme dans l'ordre des institutions. Dans la Sainte famille (1845), dirigée contre Bruno Bauer, Marx et En~8

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PROBLÈME POLITIQUE (DE HEGEL A MARX) 83

rejettent l'idéalisme spéculatif qui met à la place de l'homme réel la « conscience de soi» ou l'esprit. Ils se. déclarent matérialistes comme Feuerbach, mais reprochent à celui-ci d'être revenu aumat~a­lisme mécaniste du XVIIIe siècle et d'avoir abandonné ce qu'il y a de plus fécond dans la pensée hégélienne: la dialectique. Quand on la comprend bien en effet, la dialectique a un caractère nettement révolution­naire. ~gEis le souligne dans son f.udwig Feuer­bach.

« La véritable importance et le caractère révolutionnaire de la philosophie ~g~enne.•. c'est qu'elle mettait fin une fois pour toutes au caractère définitif de tous les résultats de la pensée et de l'activité humaine. TI n'y a rien de définitif, d'absolu, de sacré devant elle; elle montre la caducité iné­vitable de toutes choses et en toutes choses et rien n'existe pour elle que le processus ininterrompu du devenir, de l'appa­rition et de la destruction, de l'ascension sans fin du stade inférieur au stade supérieur, dont elle n'est elle-même que le reflet dans le cerveau pensant. »

Il faut bien comprendre la fameuse formule: « Tout ce qui est réel est rationnel Il. Cela veut dire que toute réalité est une manifestation temporaire de la Raison, un stade de son développement dialectique. Il ne s'agit pas d'une simple justifi­cation de l'ordre établi. « Appliquée à l'Etat prus­sien d'alors, la thèse de~gclveut dire seulement que cet Etat est rationnel, conforme à la raison, dans la mesure où il est nécessaire et que s'il nous parait cependant mauvais, mais continue néanmoins d'exister bien qu'il soit mauvais, c'est que la mau­vaise qualité du gouvernement t~ouve sa justi­fication et son explication dans la mauvaise qualité correspondante des sujets. Les Prussiens d'alors avaient le gouvernement qu'ils méritaient. Il !bg~l

ajoutait d'ailleurs que « tout ce qui est rationnel est réel », ce qui veut dire que toute manifestation

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84 IIEGEL ET L'II1tGl1LIANISME

véritable de la Raison finit par se traduire d'elle­même tôt ou tard dans la réalité.

Le socialisme scientifique de Marx lié au matéria­lisme dialectique veut résoudre 1;problème fonda­mental que posait l'œuvre de Hegel: la reconciliation élu réel et du rationnel. Pour cda il faut renverser la d~!e~tique hégélienne qui est « sur la tête II et « laIl, :J::.emettre sur pieds ll, afin de « découvrir knoyaur~ -1 rationnel sous l'enveloppe mystique ll. Autrement dit, il faut partir non pas de rraee,- mais dila réalité

11J!latérielle~ L'idée"ne doit pas être un simple objet de contemplation; elle doit être fortement enracinée dans la réalité '~t se traduire dans les faits. cc C'est

(j{,.t..j-­dans l~ pratique (Praxis) que l'homme doit prou­~tf' ver la vérité, c'est-à-dire la réalité et la force de ~ sa pensée ll. « Les philosophes n'ont fait jusqu'alors

qu'interpréter le monde de différentes façons; mais f ,/ maintenant il s'a..git de le transformer. II 1 ."" u. yt.-- {""

H~ <-<- No~s n'avons pas à exposer ici la doctrine de ~

!~b.......-J' Marx et ~~s (1). Signalons seulement qu'elle -r."...,.#--0 s'oppose nettement à celle de &g~ pour ce qui I-~~ M"rjii:;:. concerne la nature et le rôle de l'Etat. HSg~1 lc f; r ­~;;.: distingue de la société civile; Marx au contraire Ji....:· -u:::-- absorbe l'Etat dans la société civîIë et découvre à ~

"~ • l'intérieur de celle-ci les contradictions des classes ,t...

~ Y-r--; sociales qui se substituent à celles des nations ,\ ~A,

r:b-~ dominant la dialectique de l'histoire ~gi.lienne.

?!~~/) L'Etat n'est plus pour Marx la totalité organique y.-rr-- .' dont parle H~el, mais l'instrument de la domina­

tion d'une classe sur une autre, de la bourgeoisie sur le prolétariat, instrument dont le prolétariat devra se servir à son tour, s'il veut supprimer son « aliénation 1). - Les points communs concernent

(1) Un excellent exposé en a été fait par H. LEFEBVRE dans la collection • Que sais-je? t •

•' J.-,I, /.' , f:' "" ~ J -t.,.;:. (...-' vt' '1--) ""' -t. ~ "­--(p,........'""""'>........-. -=- .,..r~i:!..,....., J,J<-\ 0-' tp-.ut (

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rt....L ",:-~_~f..'JI--,J 1/ PROBIJÈME POLITIQUE (DE HEGEL A MARX) 85

surtout la méthode que l\U.!:x oppose au système, Il emploie ici volontiers la terminologie hégélienne. Voici, tiré du chapitre 24 du tome 1 du Capital, un exemple de dialectique appliquée à la vie écono­mique : « La forme d'appropriation capitaliste issue de la forme de production capitaliste et, par consé­quent, la propriété privée capitaliste, est la première négation de la propriété basée sur le travail indi­viduel. Mais la production capitaliste produit sa propre négation avec la nécessité d'un processus de la nature. C'est la négation de la négation. Il Citons encore tout ce qui concerne la prise de conscience (qui joue un rôle très important dans la dialectique de la Phénoménologie h,égtlienne). Le prolétariat ne pourra préparer sa révolution qu'en s'élevant de l'état de c1l1sse en soi à celui de classe pour soi, c'est-à-dire en prenant pleinement conscience de son « aliénation II dans la société capitaliste et de son rôle historique de Il fossoyeur de la bourgeoisie ll.

On voit dans quelle mesure ~ se rattache à l'hégélianisme. Sa doctrine s'oppose certainement à l;Tetire du système de &g~l, bien que, comme l'a montré Mo bpolite, on trouve dans son Cours d'Iéna de 180S-180"b (1 des textes extraordinaires et déjà marxistes sur l'économie ll, notamment un aperçu de la loi de concentration des richesses (1). Marx, nous l'avons vu, se réclame seulement de la mlihode hégélienne et de l'esprit qui s'en dégage. Mais peut-il le faire légitimement ? Peut-on vrai­ment parler d'un matérialisme dialectique ? ~

(1) H!lt!el y montre que la richesse s'accumule de plus en plus. chez UDp'étlt nombre. Et Il aJoute: • Le déchirement de la volont6 moderne, c'est cette séparation profonde entre la richesse et la pauvreté. Toute une masse d'hommes est alors livrée, par lat( nécessité aveugle de la société substituée à la nécessité de la nature,li à un travail de plus en plus mécanique, tandis qu'au contraire la richesse s'accroit. •

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86 HEGEL ET L'H:tG:tLIANI5ME

lui-même n'a guère abordé le problème. Quand il parle de « réalité matérielle » il pense surtout à la réalité économique et, allant, si l'on peut dire, au plus pressé, il oriente surtout sa polémique sur le terrain des luttes sociales et politiques. En~s a voulu apporter une base philosophique ;;llde au matérialisme dialectique en essayant de donner aux lois de la dialectique une valeur expérimentale. Tâche difficile qu'il a abandonnée après y avoir consacré plus de huit années. Dans les fragments qu'on a publiés, il cite la loi de la négation de la négation comme une des lois dialectiques essentielles de l'évolution de la nature. Mais le développement qui suit s'arrête à la transformation de la quantité en qualité, thème inspiré par la Logique de ,&gel (éd. Lasson, l, pp. 383-384). ~e lui-même à recomiû1'insuffisance de ces travaux. Et A. Kojève, bien que proche du marxisme, laisse ente;;d;e ~e

la dialectique n'est valable que sur le terrain de l'histoire, de la pensée et de J'activité humaines, et qu'on ne peut l'appliquer au domaine de la nature. Mais n'est-ce pas renoncer implicitement au principe même du matérialisme dialectique qui suppose évidemment que la dialectique se mani­feste non seulement sur le terrain économique et dans les sociétés humaines, mais d'abord et avant tout dans la réalité matérielle, en commençant par le monde de la physico-chimie, pour passer de là au règne de la vie avant d'aborder les problèmes humains?

Il semble qu'ici au fond la difficulté principale a sa source dans l'emploi du mot matérialisme. Le monde matériel est conçu en effet comme constitué par une multiplicité d'élément. réels extérieurs les uns aux autres et n'ayant entre eux que de. interactions mécaniques. La dialectique ne suppose-t-elle pas un principe universel immanent qui cc surembrasse» les I!hases multiples du développement ~~ c'est-à-êlli'e, qu'on le

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PROBLl:ME POLITIQUE (DE HEGEL A MARX) 87

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CHAPITRE V

L'HÉGÉLIANISME EN EUROPE AU XIXe SIÈCLE (1)

J. - Recul de l'hégélianisme en Allemagne

Les deux derniers tiers du XIXe siècle furent marqués en Allemagne par un recul très net ou du moins par une..!.o~gue écli~s_e <!e la philosophie hég~­lienne. La première cause en fut sans doute la scis­Jsloii.- de l'Ecole, II faut y ajouter vraisemblabl~t

une certaine lassitu.de d.es esprits qui aspiraient à une 'philos1phie plus facile, les ~speÎsant de lateïlsion~~ta e_qu'exige ~~ses assi us a pensée de Hegel.

A La propagande des hégéliens de J;auche l'avait rendue fort compromettante dans le monde uni­versitaire. Aussi les chaires des facultés sont-elles de plus en plus occupées par des disciples de Herbart ou par des philosophes comme H. Lotze qui se font contre_Heg~ Jes C!~~se~s d'un réali~e

if spiritualiste s'inspirant de LeÛ>niz. On lance le fJtZ., "' IDWo'-orareaü (( retour à Ka~t » au nom duquel

O. Liebmann et ~nge développent un néo­kantisme hostile à toute métaphysique et limitant le savoir humain à la science pure. On revient à un empirisme plus ou moins «( critique » avec des néo­positivistes comme E. Laas et les « empiriocri­

(1) Suivant l'exemple des historiens contemporains nous prolon­~eons le XIX" siècle jusqu'à la première guerre mondia!e.

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L'H.€GÉLIANISME AU XIxe SIÈCLE 89

ticistes Il Avenarius et Mach. Après 1850 le maté· rialisme se diffü8e largement dans le monde des

rç(J.JJo savants: seuls y échappent ceux qui veulent s'en -'eDIr à « la foi du charbonnier ». On se plaît Jil

à condamner l'hégélianisme au nom déla sc"leïïCè" J ce quI n'empêClie-pas l'Immense succès que connaît alors un philosophe éminemment « littéraire » : Schopenhauer. On répète à qui mieux mieux ses jugements sur .fu~l : il le_présente _comme un) «charlatan » ~ dans un jargon ini!J.telligible fahAu

t monde «un syll.Qgisme çrigl!llisé » et qui, _soucieux de . garder sa chaire, parle sans cesse d'un Dieu qu'il ne J fOl4l-',,;,

(.,L(~peut loger que « sous le crâne stupide de l'homme ». Cependant si des hégéliens notoires comme Z~ h-.:..--.

s'éloignent de la doctrine du maître, l'Ecole reste c;::::.t.-:;:, représentée jusqu'à la fin du siècle par les quelques fidèles groupés autour de M~et à la Société ~

philosophique de Berlin. Le centenaire de la nais­ ') ? sance de ~gel n'est pas oublié, malgré la guerre, le 27 août 1870. Et bien que pessimiste, le philo­sophe le plus célèbre de la fin du siècle, E. von Hartmann, se réclame de Hegel plus que de SChO~

penha~, en voyant d~égéliani8me« une forme inèOils"ciente de la philo8oplïië--::del'In~Qnscient»

Alors que l'hégélianisme perdait du terrain en (Allem~~ il commençait à être connu et à gagner ae-s--aaeptes dans les autres pays européens. Les deux nations les plus proches,(a Franc]> et'~

furent les premières à subir son-iiiffuence.

II. - L'hégélianisme en France Victor Cousin

Le biographe de H~el, Rosenkra!J.z, reconnaît que, de toutes les nations voisines, la France fut la première à elltrer en contact avec la philosophie

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90 HEGEL ET L'H'tG'tLIANISME

- hégélienne. L'initiative vint ici de Victor Cousin qui dès 1817 fit connaissance avec Hegel à Heidel· berg. Il le revit plus longuement d'octobre 1824 à mai 1825, ses relations avec le proscrit Santa Rosa lui

( ayant valu alors d'être arrêté et retenu six mois à Berlin en résidence surveillée. Durant ces séjours, V. çousin eut l'occasion de parler longuement avec I!.e~l qui le fit instruire sur sa doctrine à Heidelberg par Carové et à Berlin, plus longuement, par Michelet.

Il est certain que Victor Cousin a eu dans sa jeunesse beaucoup d'admiration pour Hegel. La,· correspondance qu'il échangea avec lui éÏÏ fait foi. Témoin ce qu'on lit dans sa lettre du 1er août 1826 : « Je veux me former, He~l, écrit-il, j'ai donc

" ~ besoin tant pour ma cond.liite que pour mes publi­(';,~, é: cations, d'avis austères et je les attends de vous...

::t" Descendez un peu de vos hauteurs et donnez-moi .'lJL'" ---z:.1.la main... Soyez d'autant plus impitoyable que,

<;,~ . déterminé à être utile à mon pays, je me permettrai r- i 1toujours de modifier sur les besoins et l'état tel ~~ . 1<J?el de ce pauvre pays ~es déci~ions ~e. ~es ~aî~res

f- :r-o ? d Allemag!!.e... He~, dites-mOl la vente, pUlS J'en passerai à mon pays ce qu'il en pourra compren­

( dre. » Cependant Cousin avoue qu'en 1817 il ne comprit pas grand'cliôse de Il la terrible Encyclo­p~die » que Carové lui expliquait de son mieux : J r

u Elle résista à tous me.s efforts », dit-il. Et il fut] prof~~.L~ffligU~prend!ede MichëIët-E.e qu--etait effectivement le DieuJiMIren. Il avait pourtant été fortement impressionné par les paroles de He~ qui lui laissaient voir l( le fantôme d'idées grandes et vastes », faisant sur lui (1 l'effet des

·ténèbres visibles de Dante ». Il Tout ne m'était ~as1entièrement inintelligible, ajoute-t-îf, et ce que j en saisissais me donnait un ardent désir d'en connaître davantage. »

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® ~ J;-.~_ t- ,~<-

L'HgGgLIANISME AU XIxe SIP:CLE 91

Il en retint quelques idées au temps héroïque de ses premières leçons dont..les tendances panthéis-) t~!rent~Eendre s~urs en Sorbonne. 1

Devenu un puissant personnage sous Louis-Phi­lippe, il « s'assagit» de plus en plus. L'absolu hégé- y.-tt: ... ___

( lien devint pour lui un objet d'effroi. « Ah! quel) 1-­

Dieu, mes amis, écrit-il, qu'un Dieu sans conscience, ,...~ '-. -­sans intelligence, sans liberté, sans amour! » Et, ~~-,I

quand,Michelet le r.evit à Paris en 1849, il s'entendit)1 ,t qualifier de « fou» I!ar C,pan gui lui ~ : Il N~ NIJ

0!) (( C'est votre l!hilo~QphMUI!!I a_~u la France! » ~ En fait la doctrine hégélienne ÏÏ'a commencé à

être un peu connue en France qu'à partir de 1836, grâce à l'Essai sur la philosophie de Hegel de ~,

puis aux études de A. Ott (1844) et de Prévost (1845). On en a eu connaissance plus préciSë80üs le Second Empire grâce à l'étude et aux traductions de VE! (à partir de 1855). Un large public put s'en faire une idée assez exacte en lisant l'article remar­quablement clair qu'Edmond Schérer publia dans la

C::) Revue des Deux Mondes du 15 février 1862. C'est -s aussi à cette époque que l'hégélianisme fut le PIUS] ~1

~ vivement combattu par les représentants officiels ":l.. dJ'§piri~e : le P. Gratry, Caro et Paul Janet. Oll Trois noms sont toujours associés dans leurs cam­

pagnes, ceux de Taine, de R~n et de V~t, J1--1"""", présentés ~~mme,les tr?is Il hégé~ens Il. Dans ,quel L,..""';)o­

r mesure mentent-ils vraIment ce tItre? +~ É;-'"J.o.- ~'I-;;..

~~~r-:'~ ~ I~-'~s-k.: tA. Y~G:"" L'~~·c.:.... . !!JB.e. - T~ a certainement beaucoup admiré

la philosophie de llig~1. Il déclara l'avoir étudiée pendant une année entière en province et en avoir été enthousiasmé. « De tous les philosophes, écrit-il,

'I\ il n'en est aucun quisôitïiïontéàaesnauteurs) d ,parèillë801i(Ioritle~ie approche de cette prodio<.- pJ.~ "J

J gieusê immensité... Lorsqu'on gravit pour la pre­

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i<; vf [z,-z;, 6...; .::~ <) -'- <.'. ..f' t Co, ....... 7"-:' ~ ~ /;; ~<> ".., ; ", .....

92 HEGEL ET L'HEGELIANISME

mière fois la Logique et l'Encyclopédie, on éprouve la même émotion qu'au sommet d'une granae

.JlImonta~e... Devant-Iësyeux se déroUlent des perspectives infinies; des continents entiers s'éta­

i lent emhrassés d'un coup d'œil; et l'on se croirait l arrivé au sommet de la science et au point de vue du

monde, si, là-bas, sur une table, on n'apercevait unIvolume de V~e posé sur un volume de Condil­1!,Ç » (Les philosophes classiques en France au XIXe siècle, P'p' 132-133). Taine a eu en effet

jtl'amhition de ~~ciliW Heg~ïavec CQ!!@!.ac et (l St~ill, l'idéâIisme aIIemand avec l'empirisme.

j '" _ Mais9fi~nd on ~~amine son œuvre, on constate:1 ..yt; qu'en aIt l'empmsme y occupe toute la place. H f, a 1'\ ~ Pour lui il n'y a<Ie réel que les sensations ou plus

. exactement les phénomènes. Sans doute en analy­sant ces données premières, on en isole les éléments et, en partant de ces extraits des choses que sont les abstraits, on doit pouvoir reconstruire le monde en remplaçant les faits par les idées qui en sont les signes. C'est dans cette reconstruction que Taine pouvait s'inspirer de 11Lég~ianisme. Mais il ne s'est contenté ici que de généralités très vagues. Dans son traité De l'intelligence il n'a fait que dévelop­per systématiquement cet empirisme assoèiation­niste dont &~l avait dénoncé le caractère factice. Alors que Regsl fait du grand homme une incarna­tion de l'IJéè, Taine explique le génie par l'action des causes extérieures d'abord et avant tout physi­ques. Le parallélisme psychophysiologique qu'il professe peut tout au plus se réclamer de Se;Cl.~aiet ne retient rien de cette dialectique que .....!!E.' \lui-même-a su aSSOCIer à~térialisme. Bref, comme le dit justement ~..xo~-:-« on ne peut parler sérieusement d'un hégeIianisme de

( Taine ».

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L'HÉGELIANISME AU XIX- SIÈCLE 93

~J!!D' - L'œuvre de B~nan laisse transparaître plus d'accents hégéliens. Peut-être est-ce parce que sa pensée moins nette, « ondoyante », oscillant du scientisme au dilettantisme, n'a d'à peu près fixe qu'un arrière-fond de panthéisme et d'historisme teintés d'une vague religiosité. Une première for­mation théologique rapproche ces deux esprits : mais ~, protestant, a pu se croire toujours

1 J'I chrétien, tandis que Renan ne pouvait ployer

t

, cette « barre de fer» qu'{;'fie catholicisme. Cepen­dant s'il pense que le Dieu des théOlOgiens n'est qu'une illusion, il n'en est pas moins convaincu ~y. a du divin dans le monde. Dieu est da caté­

gorie de"l'iûeïif». Il est immanent non seulement à l'ensemble de l'univers, mais à chacun des êtres qui le composent. Seulement il ne se connaît pas égale­ment dans tous. Il se connaît mieux chez l'homme que chez l'animal, chez l'homme intelligent que

f chez l'homme ordinaire, chez l'homme de géî:.ie l que chez l'homme simplement intelligent. ~

monde I~'es!'-p--~§ un fait brut, comme le veulent les . ( mate:flalistes ; il a ~n sens, un but final: l'épanouiS-J' \ _ ri'!.

sement de la~ée qui est la valeur supremë. Aiïïsi Dieu n existe pas, malS il devient, il se fait : c'est le Dieu progrès que l'humanité doit 1/ (If, réaliser en travaillant à l'avènement du règIle de '- '3 l'~prit. ~

Il y'a de l'hég~ianisme dans ces idées. Mais tout cela reste vagué chez R!man. Il y_manque le sérieux, l'assurance dogD!.atique, T'effort tendu deladia­lectique hegéIienne qui veut concilier les contraires dans une synthèse plus profonde, alors que Renan se contente le plus souvent de constater les opposi­tions en déclarant impossible une solution unique. Il~boutit_ainsi à ~~ghosti~ism!, ~ un aveU'd'im­ ri,>

( pUl~sance de la raIson ~ne qui s'oppose dêIa

,-'" ,.,.. ......., $-' f1-J.l;:;" .vL-ç~ /~ *~ ~ /

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94 HEGEL ET L'HF;GF;LIANISME

façon la plus radicale aux principes mêmes du panlogisme hégélien.

Vacherot. - Bien moins connu du grand public que R~n et T~e, Vach~ot a surtout exercé son influence dans les milieux universitaires. Paul Janet voit en lui « le vrai représentant de l'idéalisme hégélien Il (ce qui, pense-t-il, n'est pas le cas pour Taine et ~an). Ce qui ~st certain, c'est que Vache­rot montre une connaissance très sérieuse de la doctrine hégélienne. L'esquisse qu'il en donne dans le tome III de son grand ouvrage La métaphysique et la science, est à la fois claire et fidèle dans l'en­

.,~. ~!se.mble. Il ,y fait dire à son m,étaphysicien que cc He~ qw aura eu la îlOlre d'avoir ouvert au

) XIXe sièèle la voie dea vraie meta:e.hy~que Il

(III, p. 142); il lui reproche sewement 'avoir « fait parfois violence à la réalité pour la faire rentrer dans ses formules II (III, p. 151). Cependant Vacherot n'a jamais voulu se reconnaître disciple I\)i.fJ

~ dë ~~; se déclarant hostile au~ panthéismè.,._ comme 'athéisme, il s'est toujours présenté comme ,(:Jj

d '~ d' .. ali Il ,,,11<,1e elenseur un« nouveau splntu sme Il. .

n'en a pas moins été vivement attaqué par les spi- J

ritualistes de son temps pour des raisons trop faciles à comprendre. Sa thèse fondamentale c'est l'opposition de deux aspects irréduc!Ïbles da~

l'essence divine : l'infini et le parfai L'infini est réalisé dans l'univers qui représente le Dieu réel. Mais le parfait est incompatible avec eXistence. Il n'y a pas « d'autre ciel que la "pensée pour abriter l'Etre parfait Il, car « tout être parfait... n'est qu'un idéal chez lequel la perfection exclut la réalité l)

(l, p. XVII et p. LI). Ce qui revient à dire que Dieu est une vérité, mais non un être réel distinct du monde. N'est-ce pas au-fond ce que laissait entendre

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~ ~ b ~-6 kil ;.-. ,..-J,J... AS .JI ï· '1" ,.... J:)..:,...... ~ ~/~ IJ~- -:--#1

fi.4 ha. (,~SJ' /) L'HE:GE:LIANISME AU XIxe SIÈCLE 95 ­

f/~f:~( J .fu~ et avant lui Fichte ? La profession de foi

rL14..,8~iritualiste de Vacherot semble pourtant être bien - sincère :il ne l'a pas adoptée simplement par pru­

dence puisque, :r.év0ID!é et même emprisonné ~n-JI dan.t trois l:l:l.?i~:e011.!'_sesidé~s sl:)~~.ÊecondEmpire, I~

il finit parse rallier à l'extrême droite sous la Ille Ré­publique en ac~t celle-ci de vouloiLdétruj;re en \ France le sentiment religieux 1 J

Les courants antihégéliens en Fl'ance. - Quoi qu'il en soit. si l'hégélianisme a inspil'é chez nous dej.--e&prits éminents /log ~y-L

au XIXe siècle, il a été le plus souvent ~çombat§>dans ~s

- milieux universitaires et dans les cercles acadéllllques. 1 a l'k~r'JL..éteplus encore qu'en Allemagne dénoncé comme un athéisme C)L.o..à peine dégoisé, comme une philosophie qui« eÏiÎevait' au

( monde son auteUl', à la création sa sagesse, à la vie sa raison ~'t---1'

divine et sa fin morale, à l'âme humaine son immOl'talité» ~)..L"~

<Met. dans son Eloge de Schelling). ;--. ~ Da~ l'ensemble les cOUl'ants de pensée qui ont dominé en A'IFrance à la fin du xcce siècle et au début du xxe ont étéJn~!!1ent hostil.!<.L!_!'Mgéli!Uili..me!o,. ou..(l'ont p~emèD.t ët r)~-J.. -simplement ignoré. C'est d'abord lespil'itualisme qui, pOUl' -

dépasse!' Cousin, remontt à Maine de Bil'an et à Leibniz. aY'$& ~/

~ - C'est aussi rep~me au~erTaine et Renan eux-mêmes ~ - ont sacrifié. C'est la tradition~ariéSfeJ:!.ne,mèrë d'une méta­

physique de l'entendement liée à la pensée mathématique à laquelle H~g n'accorde qu'une place très subalterne; de ce

1.( _ point d~ vue on peut, comme Brunschvicg, e!talter le spi­nozisme, mais on rejette la « vérité triangulail'e» de la dialec­

_. ti..<I!le hégélienne. Ce sontliUSsJ:(fe-nGüVëITes influences alle5 , mandes, hostiles à l'hégeIlanisme, comme cli,.lles de S~~n- '.,-u..i~ t-<-. h~r;-pills, de N~etzsche; c'est 5U1'tout un re~~t..s 0­pliii marque peut-etrê'êliez nous qu'en Allemagne, SUl'tout SUI' ~ ;. J le plan moral, et qu'illustre le néo-criticisme de Renouvier. y 9"" 1 • ~

~n. - C'est cependant de cette dernière doctrine, qui fut longtemps très influente dans les milieux universitaires, qu'est issu le système de H~lin qui marque au début du xxe siècle un retour partiel à l'hégw,anisme. C'est en effet suivant le rythme ternaire de la dialectique qu'Hamelin entreprend de recon8truire~le ...!lstème des c~é-

.~ I/..·~f,/~ ~ Jl''''~.......--A ~$~~ -- ~"'" v"J?">,' (ICt:?"-v, .tz~

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~~...,(tA Je---< 5--' ,,- c..... 0'- ~ L~ ~ l::b~ __ I~. 1 .. Ye-~ ( (J<> ~J<- s.-.;t.-----6~ 1.0.­-

96 HEGEL ET L'H1!;GELIANISME

gories ""que Renouvier se contentait de juxtaposer enIês déclarant irréductibles. Mais c'est seulement par sa méthode qu'H~in s'apparente à He~.

Le contenu de sa doctrine est en effet tout différent de celui du système hégélien et rentre dans le cadre

l'Çe~ - d'un~spiriwalisme" véritable, associé au....[e~a.

/'P~"' -lis~e~ Pou; lui, comme pour ~e)nouvier-;: la c~~é.

/ - __ g?~preme est la ïersonnahte"'; et sa dermere f." ~ démarche dialectiquee fait passer de la person­

nalité humaine à la personnalité divine, à l'affir­mation d'un Dieu réel, créateur et Providence.

ldt.-yv- Ainsi 1~.diaIëëtlque8ort ae l'immanentisme dont elle 1. '"" ( est inséparable chez Hegel pour trouver sa source

: ~ p~e~ière et sa fin dernière dans la transcendance .<1 /~ divme.

L::" ?~.P / ~ III. - L'hégélianisme en Russie

C'est dans « les années quarante» que l'hégélia­nisme commença à se diffuser d'une façon très enva­hissante dans les milieux intellectuels de la Russie. Ses porte:parole les plus influents furent Bakou­

1 JI ~e, Biélinski et H~n qui, tous trois, ont ~1:~ . Hegel après l'avoir ~

Bakounine. - Bakounine fut le premier à faire connaîtrëÎa philosophie de Hegel à Moscou. Il en était littéralement transporté, «( Mon moi personnel est tué pour toujours », écrivait-il en 1837 (il avait alors 23 ans)... « ma vie sera désormais la vie de l'absolu». Il avait d'abord accepté toute la doctrine, même sur le terrain politique, pensant que la grande tâche de son époque était «( la réconciliation avec la réalité sous tous ses aspects ). Mais dès 1842 il change de ton: il déclare que la vie véritable n'est pas contemplation, mais action et il s'insurge

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....... ".-.('1 ~~ t- t:-.r-, S

L'HÉGÉLIANISME AU XIXe (sIÈcLE 97

contre le conformisme. C'est alors qu'il découvre� la gauche hégélienne et, se liant à Arnold Ruge,� publie dans les Deutsche Jahrbücher son célèbre� article sur « La réaction en Allemagne D où il tire�

_des principes de l'hé~lianisme une doctrine de� -~l'action~révolutionnilie. Le sens de celle-cl consiste

dans la négation de ce qui est, du présent, au profit de l'avenir qui n'est pas encore. Toute conci· liation n'est qu'une manœuvre pour esquiver la lutte et entraver la dialectique de l'histoire. « TI faut se confier, dit-il, à l'esprit éternel qui ne détruit et ne supprime que parce qu'il est la source créatrice de toute vie. La passion de la destruction est en même temps celle de la création. ) Ce qu'il retient de la dialectique hégélienne c'est le moment du négatif. La mission du révolutionnaire « est dc {détruire et non pas d~cônstruire : ce sont d'autres hommes'll meill~urs _~~...!!.~~ constrwront... D. Et la .

l\plllIOso hie hé élienne vient soutenir ici l'es~irJde ]lakounine. « out ce qui est nature est IOgique

et tout ce qui est logique ou bien se trouve déjà réalisé ou bien devra être réalisé dans le monde naturel, y compris le monde social Il (L'Empire k~to.Germanique, t. III, p. 230).

Bi~. - Le plus grand critique littéraire de� la Russie, Biélinski, fut converti à l'hégélianisme� par BakQ~_l!ine. Ignorant l'allemand, il ne put lire� He~l dans le texte. Il a cependant su dégager et� résumer clairement l'essentiel de sa doctrine dans� des études ~i eurent de nomlireux lecteurs. TI .� a~ d'aborenseigné, comme Heg~, que li. l'affaireJ\� de la raison c'est de comprendr«fIa réalité ,f, ce qui� l'àvait .amené un moment à glorifier le régime� tsariste. Mais il renonça bien vite à une doctrine� « qUïnous enseigne-le conformisme; l-'-acceptaÏÏOn�

.......~ -(.•~'VA-- Ir. l fil , (-.'� H. S lUU!AU .:Y d ,cA, --- -,- ~ ~I/" $. JI"' 7

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1

I:.I/v>\<~ 1tt:ri~ ~ Id~Ju. ..A~j_ ~~II"'y- 1./pl> r--..I .... ~.J._

98 llEGEJJ ET L'HÉGÊLIANIS1HE

de la vie, qui justifie toute sa laideur. toute Ion horreur. qui nous défend de protester et de nous plaindre Il. Il reconnut que « le vrai réel estl'indi­vidu l) ; l'~.mversel concret de ~gcl n'est qu'une abstraction inhumaine, Il un~loch qui dévore

[l'individu » ou qui. « après avoir paradé en lui. le rejette comme une vieille culot,!:e ». Ce qui inspire '? désormais Biélinski c'est l'idéafsocialiste:" Il pense cependant que « Hegel ne s'est trompé que dans les applications, là où il a été infidèle à sa propre méthode ». ?>- ~ ~ VIde. r--' ~ "l..L-~"--'V'-.

~. --- ­~n. - H~n avait pu étudier la philoso­

phie hég@ienne pendant ses années de déportation en Sibérie (1834-1840) et il s'était rallié d'emblée à l'extrême ~\l~he de l'Ecole. A son retour d'exil il prit une p ace de premier plan dans les milieux d~s

hégéliens russes qui, comme lui, demandaient à la philosophie moins une explication du monde que des règles de vie et d'action. Il crut trouver dans l'hégélianisme la justification de sa croyance au prOgrèS politique et"" social. ~ « La philosophie de

.--J &gd2_~it-il, est l'aJgèbre de la révolution; elle ,JI}) ~.~ l'homme d'tïiïe façon extraordin~ire et ne

-- )Ilaisse pas pierre sur..r.ierre de tout le monde chréfiëii, '~e --fOutesÎes t-raaItiOïlsBürannées ». Avcc Heg«4.

1Jtj _lll\Herzen crut aux?uples élus, chargés à tour de 1r~ port~r le evenir de respnt ettl~nsa q~e

f la I!.ussi~.§.!.ait~~elée maintenant à rem~lacer les peupIëBlatins et ger~niques.Mais son hég lianisme ne survécut pas à la grande déception que lui causa l'échec de la Révolution de 1848. Désormais le saint-simonisme devient la base Je ses convictions.

' ~ f?'/I" Il renonce à se faire soutenir par « l'Esprit du Il f.- 'f.;.,... r[monde» de Hegel. I( Ce n'est ~as l'Idée. é_crit·il,

"po. JI c'estnous-mêmes'q!!Lagi.MOïis da 61'histOlre...~u8

y •

,J~ c..~.-; ~ I-:~ -Ç--GA..,. -1 t ":J'L '(t:Lt/l'';'" ~ d .. 6· ?) &1- ~ /j'."" ~ ~ ..-- <;-/....1 ~ )~ Âr- (L)",. <-,

tJ4 t.a- u.::z-r-. .

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.~ (Jpo,--rJ..p.j,....- fp-:-..; ~ {:;: .,-, ~J /;:; ~

=r ").... (7.-~s·""""" r-- /;;: - Jo" é;:)(.1~ /'-"::2v~) L'HftcELlA.'V15ME AU XIXe Sl(;Cl./~ 99

' devons être fiers de ne pas être~il8et des ai~es

d~ns les mains du fatum tissant la toile bano e de [ l'liistoire ". Pour lui maintena l'histoir~

fpas déterminée à l'avance; eD va où on la conduit.

A- TI Y a eu bien_~n-!~ Russie_~, côté de ces penseurs d'avant-garde(~~s hégéliens ORhôdoxe~comme Redkine et Të,hérjne <JUl ont contribué iu~T a fin du SIèclëà diI­~er a dOëtrine (de iiiêrïle que le Polonais Cieszkowskf,"âmi

-'( de Miëhelet). Mais dans ~es milieux révolutionnall'es, la philo.B sORme hégélienne a surtout été étudiée en tant que source du

m-!U"Jrisme. ~e lui-même, qUi voUlait que l'action révolu­tioIïlià1re ~ill: une base théorique solide, recommandait l'étude

~ ~~_.!!!_Log!gUë·a~ H.!2.1 et on a-publié les~ait

Vecntes sur ce sUJet.

IV. - L'hégélianisme en Angleterre

Au début du siècle dernier on s'intéressait fort peu à la philosophie en Angleterre. La tradition ~piriste y avait atteint son point culminant au XVIIIe siècle dans l'œuvre de Hume. Elle aboutis­sait chez cet auteur à un scepticisme qu'on soup­çonnait non sans raison d'être~un matérialisme voilé." L'école écossaise de ~ avaIt engagé la

~ lutte contre la doctrine de Hume : mais ~ap~el

JI au sens commun relevait d'une philosophie un peu trop SOïffiiiilrê. Le grand mouvement philosophique de l'Allemagne était à peu près entièrement ignoré.l On ne connaissait que quelques bribes du k!!!!isme à travers Mme de Staël et Victor Cousin.

Cet état de choses dura jusqu'au milieu du XIXe siècle. C'est seulement après 1850 qu'on commença à s'intéresser d'abord à K.Jmt et à traduire ses œuvres. Et c'est :p.,our mieux connaître Kant qu'on se mit à étudier les postkantiens et ~n aborda enfin Ht:~.~La première étude qui parut sur lui fut Th!!-. seëret of ~egel de l'Ecossais

\ ~. d-. ~ "'J­

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100 HEGEL ET L'HÉG!:LIANI8ME

Stir~, publié en 1865. Ce livre est à l'origine de ltburle mouvement gu'on a aIœelé néo-hégélia­lnisme, mais qu'on aurait aussi lilen pu appelerJ néo-kantisme anglais. Ce qui le caractérise en effet c'est qu'il ne sépare pas Hegel de Kant et, en tant

I\qu'il s~ rattache à l'hégélia_Jli~me, qu'il est conçu ~'dans l'esprit spiritualiste et religieYX de la droite

de l'Ecole.

I!,egel à Oxford. - Ce mouvement se développa d'abord à l'Université d'Oxford. Son principal insti­

Rgateur y fut l'helléniste JJ:1tt, qui admirait surtout J1~1 comme interprète e a pensée antique. C'est

lUt qui aiguilla les étudiants d'Oxford vers l'étude de la philosophie allemande. On vit ainsi pour la

'première fois en Angleterre un fort courant de 1pensée s'éloigner de la tradition empiriste et se r~~ l'orientation de l'idéalisme allemand~'

,;~

j

-' (Greén~- T. H. Green (1836-1882), qui est re­~mme le chef de ce mouvement, est au fOnd plus kantien qu'higilien. Il voit da.!!!.l'idéa­lisme une doctrine qui réintroduit l'esprit d~la

connal8sance et Dieu dans l'univers en refutant à la fois l'empirisme et l'athéisme. Ce qui est proprement hégélien dans sa doctrine c'est l'idée d'un universel c~et qui a pour support la pensée dî~e ~c

~elle notre pensée est en li~ison, si bien que, ~

malgré les limites que lui impose son individuation dans un organisme, l'homme apparait comme le

Il véhicule d'1.m!'J~science éternelle. - - Caird et W. Wallaee ont contribué à la diffusion

de rhégélianisme dans leur pays, le premier par ses commentaires, le second par ses traductions de\ la Logique et de l'Encyclopédie. A Cambridge la philosophie de Heg~ fut enseignée par ~agg!!t

et !!!illie conmÎstous les deux également par leurs

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L'H~G~LIANISME AU XIXe SIÈCLE 101

commentaires et leurs traductions. La doctrine néo-hégélie~ne passa même en Amérique avec :&lm.er et lo§.iah R.oYQ.e, à la grande indignation de W. James. Cependant J. Ro~e établit une sorte

'Ide liaison entre l~~égéliens et les1?ra~matistes en 1 accordant une PIace importante à 1 actIon pratiquej1 eLà l'initiafive IndiVlduene.

Les deux néo-hégéliens anglais les plus célèbres de la fin du XIXe siècle et du début du xxe sont B.!!.2!ey et llosanqu..!t.

- JJradley. - Bradley (1846-J 924), tout en admi· rant Hegel, re~d'être appelé hégélien ou même idéaliste. Il pense en effet que dans sa LoSique He~l ~éfend une con~~ptiQn de l'Abso!!!. qui répond certes à toutes les exigences de la raison, mais qu'il est malheureusement impossible de jus­tifier dans le détail. Il se voit ainsi contraint d'aC-) . ~~_clivage »L...un « divorce» entre la_Réalité et la Pensée, malgré la supériorité qu'il faut re- (,u- 6a.M-\

connaître à la pensée. Tout jugement est la déter- c:: f mination de la réalité par un concept; mais cette k,.",.,) détermination se montre .!;QYjQYië inadé~ate à la réalité. On a pu dire ainsi qu'il y avaIt deux Bradley. On trouve d'un côté le Bradley hégélien <jliIê'onsidère tous ks éléments duréëf comm~ les moments d'une totalité concrète qu'ils ennchissentJ[,à COïï<I1tiOD- de ne pas être considérés isolément. ~~il y a aussi le Bradley qui se réclame de l'expé. -­

nence et qui voit dans le système~des moi indivi· duels5 et des « centres finis» qu'ils constituent « ce{que nous possédons de plus élevé ». ­

~ (josan~-;t)- B~~t (1848-1923) est en un sens plus hégélien que Brndley, car il admet que tout le réel est rationnel. Pour lui, comme pour H~g~l, le vrai c'est la totalité. La pensée humaine

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5

..sr-~r- e.,.,.,...... J '/1tII-.., ù~ f'~ __c

I~ .I->--.-.JL-"'-"LA.;..-- / L.J- 1:::" ~....::...~ v l1.J,.. ~;-.--'- :>

102 HEGEL ET L'HeGEUANISME

A part de~~ donnée immédiate, du_~oncret sensible, ) t.... passe parla réflexion abstraite de l'entendementr et)\

/1-1- L or -3 aboutit à laiOUilltTëOncrète, à «l:uniYersel ~et)1 Il dont notre esprit acquiert une expérience de plus en plus riche~se manifeste aux esprits finis à différents niveaux et c'est pour_Jévéler toutes ses richesses qu'il se disperse en une multitude d'espni8 individuels. Ceux-ci ne valf:nt que par

#Jc> - leur intégration dans le Tout et l~n n'est pas dans le temps, dans un progrès indéfini, mais dans ~ l'intemporel, dans l'éternité. On trouve ainsi chez Bosanquet une tendance au panthéisme qui semble le distinguer des autres néo-hégélien? anglais, plus purement spiritualistes. \

-U L., "...,k d< l v~) rr,..:.tz-~ J -~- -ft?-?~. 6:: --. , -' V L'h"li' P~I,}fV' ~ J)u<-", c'-r~' .- ege anJsme en Italie'

U".Y'~ L'influence de l'hégélianisme s'est manifestée en Italie dès le milieu du XIXe siècle. Deux profes­seurs de Naples contribuèrent les premiers à sa diffusion : Spaventa (1817-1883) et Véra (1813­1885). Ce dernier se fit connaître en France par ses traductions et les études qu'il rédigea dans notre langue. A la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du xxe siècle l'hégélianisme fut représenté par le neveu de Spaventa, B. Crose et par Gentile.

B. Croce. - Le plus grand nom est de beaucoup cefüidë13...-..,Cr.2!2.,e. Il adopte vis-à-vis de !I~~l une position assez éclectique qu'il résume dans un

l't ouvrage publié en 1907 : Ce qui est vivant et ce qui;Â J est mort dans la philosophie de He~. Ce qui fait pour

lui la valeur de l'hégélianis~ c'est avant tout.!!. 1méthode, autrement dit la dialecti..!l!!:.e. La grande

decouverte de .fu~l c'est celle de l'unit~ des contraires. « Toutes les dualités, toutes lei scissions,

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, 'X, "A' ,\ ~ ! ~ 1 (",f:u."..... ~-' ~" E.s0 .:

.~,{, Jf"'....:.- t.-.~e'._b .. s-

L'H.(I;GE:LIANISME AU XIXe SIÈCLE 103

tous les hiatus et, pour ainsi dire, toutes les déchi­rures et blessures dont la réalité est victime du fait de l'entendement abstrait, se comblcnt, sc ferment, se cicatrisent.,. Il La dialectique fait ainsi disparaître une série de_ dualités qui ne sont que detaux) contraires : telles l'opposition de l'apparence et de l'essence, de l'extérieur et de l'intérieur, des accidents et de la substance, dc"la manifestation et de la force, du fini et de l'infini, du sensible et

i.::'0- du suprasensible, de la II!~tière et de l'esprit. Elle f~it s'évanou!z'''la cfïOSëen soi « que l'on appellerait) mieux la vacuité en soi JJ, produit de la pensée pure «qui.pfJl...I!Jlpgur ob~t ~.vide identité d'elle-même ». Hegel est ainsi le vrai fondat!:'ur de l'Lmmgnentisme. En montrant que le négatif est le ressort du déve­

\poppement de l'être,...en identifi!\nt J~~~i~nnel et le J'~réel il a donné un fondement solide à tout l'histo­

risme moderne. - Tels sont pour ~e les aspects féconds de la ~ philosophie hégélienne. Mais il y en a d'autres

qu'il juge fort discutables. Ainsi Croce reproche à Heg~l d'avoir abusé de la forme trt;'dique de la diare'ctique en ne distinguant pas les vrais contraires des concepts simplement distincts, en concevant à la façon de la dialectique des contraires la connexion des de~s. Par exemple, « qui se per­suadera jamais que la religion soit le non-être de l'art et que art et religion sont deux abstractions qui n'ont de vérité que dans la philosophie, synthèse des deux? JJ. ~e dénonce aussi ce qu'a d'équi-

Jj voque l'I~e hégélienne, ce 1:0gos qui, « si on le!Il sépare dè" la natw::e"et de1'e8jmt... se dévoile comme

n'étant autre chose que le fond obscur de l'ancienne métaPhYSiqu.e Il. TI pense ainsi que le duali.sme n'est pas"'> vraimenj;~rmonté .-E.~0)déal~~e de !;Legpl.

( 1.ê-Jp::~J-~ (c~ ~.i;;V ~,J. Y~ ~ J ~ ~..~.." .~~ r ~~ ..

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104 HEGEL ET L'ITÉGtLIANIS,"fE

VI. - L'hégélianisme dans les autres pays européens

L'influence de l'hégélianisme s'exerça au XIXe siè· cIe jusque dans les plus petites nations européennes.

En Hollande l'hégélianisme a été brillamment représenté par BRlland (1854-1922), qui édita et commenta d'une mon originale les œuvres de Hegel dans ses cours et ses livres (publiés entre 1898 et 1911).

La philosophie de Hegel fut connue d'assez bonne heure dans les pays nordiques. Ses princi­paux représentants furent en Suède J. J. Borelius (1823-1908), et en Norvège M. J. Monrad (1816­1897). Au Danemark on doit sign~ d'abord L. Heiberg (1791-1860), connu aussi comme poète, corîf"me critique, qui s'applique surtout à enrichir l'Esthétique de Hegel. Mais le nom le plus illustre est ici celui de SQr.en Kierkegâ:Y'd (1813-1855) qui,

. après avoir subi l'influence e la dialectique hégé­( lienne, eJ;ldciI!1.!!Y des adversaires les ~ésolu8.

Kierkegaard. - Nous n'avons pas ici à étudier l'œuvre de KlerkegaUd- qui est au fond plutôt un écrivain qu'un philosophe - ni à rappeler les épisodes de sa vie qui ont mûri sa réflexion. Il ne nous intéresse qu'en tant qu'il se présente comme l'ami-Hegel, c'est-à-dire a défini ses propres positions en les opposant à celles de Hegel et s'est rendu ainsi inséparable de lui.

Kierkegaard avait été initié à l'hégélianisme par Heiberg. Il avait d'abord été séduit par« la forme sévère» de sa doctzine,

• par son effort pour saisir le concept dans le phénomène, par ~~ son sens de la totalité concrète qui vise à comprendre à la

V. fois l'ess~n~~Jt~.J·uni~ers ëï celle de l'individu. Mais il se 1-..., détache bientôt de Hegel en critiquant d'abord son msto­I:.--tj risme qui, avec le fatalisme qu'il semble impliquer, ne convient

qu'à une« génération sans vigueur et sans décision». Elargis­sant son opposition, il ~proche à Hegel de vouloir tout

{ enfermer ~ns ~n_système qur;s'il est aCliëvé,"neliiISseprus . de place à la liberté, erde vouloir intellectualiser la religion. r~

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L'H:EGÉLTANISME AU XIXe SIÈCLE 105

La croyance qui nc vit que par l'immédiateté dn sentiment est en effet détrnite quand on prétend la justifier par la médiation de la pensée spéculative. Sous couleur d'établir le cara~re

~solu du christianisme, ~ege~ transformë-ên mythes ses fondements historiques et n arrive en fait qu'à le nier en divi·

- nisant l'humain. - PoussaJitplliSIOiïïséscrifiqÜes, I{iër:~S ltegaard s'attaque ensuite à tout le système en tant que tel; il

lui oppose la réalité vécue, l'existence individuelle avec tout ~

~ qu'elle .présen!'C d.'irréductible ~u ~on~e.pt. Contre le s~stème - tJ~­il revendique l'mdependance de 1'mdlVIdu ' et les drOlts de - r J.

-"= la subjectivité.~Il rejette au nom d~la foï'le rationalisme - 1 f~­f (hégélien et s'applique à pousser aussi lom-que possible l'irra­

l tionalisation du christianisme. Il combat surtout cette idée spécifiquement hégélienne que nntérieur et l'extérieur ont le même contenu. Il soutient au contraire que l'intérieur ne peut / 7 ........

jamais ê~ complètement exprimé). Supprimer toute diffé· .vt rence entre l'intérieur et l'extérieur/c'est éliminer l'ineffahle,·-"'» ~-,

l'incommensurli5Ie, c'est éteinihe la flamme de la croyance ' '" _ 74> comme de la passion. J_.:

On peut dire sans doute que Kierkegaard conserve de l'hégé- J}"""':-~

1 lianisme l'idée d'un devenir diiilectiqüê liée à l'idée de la =====­~'J"'7l négativité (celle-ci étant sentie au plus haut point dans le

pêché). Mais la dialectique de Kierkegaard n'admet pas la C:édiatio~eXQlut la synthèse conciliatrice; elle est discontinue,

he dêsauts et de ruptures. Elle reçoit son impulsion d'un principe qui lui est étranger, ~un...Di~ transcendant, et elle n'atteint jamais l'être que partiellement. -­

Comme l'a montré JeM Walll,l'état d'âme de Kierkegaardj est au fond celui que Hegel a décrit dans sa PhériOml'nologie , BOUS le nom de conscJ.ence malheureuse, le « suhiectivis,!11e - Ils pieux» du chrétien dont la ferveur se tend en vain vers un Dieu s1tué dans un au-deTà1ïïaccessihle. Ce n'est que la « mauvwse .) l

iïîfinite»qw hante son-espmEt sa pensée qui se meut dans ~/~

dês oppositiOïïs-ëntre termes abstraits et s'en tient à l'alter- J~

native « ou bien ou bien» ne fait <J}!e revenir au point de vue ka.,...b d~!bâ~é des ..E1étapl!Y.!iqlI~s d0'.ente!1dement, quand elle n ~ pas sans discuter dëVïint la VOlX du cœur. On trouve, il est vraî,âans les écrits de jeunesse de Hegel des positions qui rappellent celles de Kierkegaard. Mais Hegel s'est dépassé lui-même en élaborant son système. Peut-on aamettre une ré~B~n de sa pensée en donnant raison à Kierkegaard?

.~p-.o~~ d--- /,,?-h ~j- U~J')'-- Î""'-' ~-t~_~.

, ~ )::'~ ) ~~­-t.!l 'r ~ -112)dJ~ ;-)7/-.I)~JL A-~ .

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CHAPITRE VI

HEGEL ET LA PENSÉE CONTEMPORAINE

Ce n'est pas sans raison que les historiens contem­porains font commencer le xxe siècle avec la première guerre mondiale. Celle-ci a déterminé en effet une rupture très nette des courants de pensée comme des modes de vie antérieurs et donné une orientation nouvelle aux idées comme aux mœurs. La philosophie n'a pas échappé à ce bouleversement. Des doctrines jusqu'alors domi­nantes ont reculé après 1920 et on a vu s'associer à la naissance de courants nouveaux un regain d'intérêt pour des doctrines qui semblaient être oubliées ou même mortes. Un exemple type en est le néothomisme qui avait pu, déjà avant la guerre, faire front au b!lt~me qui jouissait alors de son plus haut prestige. Ce fut le ca~'p-rès 1920 Pïur l'hégélianisme dont le renouveau fut bien p us é~Jata~t, à tel point que"LavëTIe a pû dire que Heg~ "­

}' « joue un rôle comparable dans la philosophie ~

\ du xxe siècle à celui qu'avait joué Kim..t dans la / dernière partie du XIXe ».

Deux ordres de circonstances ont contribué à ce renouveau: d'une part, dès le début du siècle, la publication d'études faisant connaîtI:!l~e

Hegel, d'autre part et surtout l'orientation « exie­:--0 ~

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,j) ~ : ~f/~ 1 .-rlA--y..~ L.r# /é:-e. ~ r"-~ _~

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HEGEL ET LA PF.'i'VSE-E CONTEMPORAINE 107 r~

tentielle » des philosophies qui eurent le plus de� succès en Allemagne d'abord, puis en France� après 1930.�

I. - Les écrits de jeunesse de Hegel

La publication des Ecrits théologiques de jeunesse� complétée par celle des cours d'Iéna suscita de nom­�breux commentaires, par exemple ceux de Dilthey� et de ~ing en Allemagne, de Je~ali:r"en

. France, qui ont, comme le dit ~te,«renouvelé� l'interprétation de l'hégélianisme jusqu'à faire�( oublier un peu trop le système achevé ).

Ces travaux de jeunesse sont en effet d'un intérêt très grand pour suivre l'évolution de la pensée de fu~l. On le voit encore engagé derrière Schelling dans le mouvement romantique issu duSiUTm und Drang. Il professe alors une philosophie I.J--' N; de la vie associée à un irrationalisme mystiT1e qùi }, '3 font que Jean waliI a pu parler -d'un"1Iege « pré-)

(~ kierkegaardien ». Ce qui domine en effet, dans ces - ~

premiers écrits, c'est un sentiment religieux d.e -­l'amour, conçu comme la forme su~ême de l'être et de la vie, et qui, en tant qu'unité des différents,

( joùe le rMe conciliateur qui reviendra ensuite au concept.

Mais Hegel remanie d'une année à l'autre ces premiers essais et s'applique à rationaliser de plus en plus ce fond romantique et mystique. II se sépare ainsi progressivement de SElîeIIing. La rupture

( devient totale quand il publiéëil1807 la Phénomé­nologie de l'esprit.

II. - La Phénoménologie

Ce qui caractérise la Phénoménologie c'est qu'elle� inaugure le système propre de ~ge! tout en gal"'�

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108 HEGETJ ET L'HÉGELIANISME

dant encore la trace du ~.!!!.antisme de ses premiers travaux. Présentée d'abord comme une introduc­tion, elle devient dans l'Encyclopédie une partie intégrante du système en constituant l~~nd

~omen!-_~~_.j~~eloppementde l'Esprit su~.t~tif,

entre l'Anthropologie et la Psychologie. Heg~ ne put remanier cet ouvrage comme il en avait l'in­tention avant sa mort. Il est donc resté dans sa première rédaction, assez obscure, un peu confuse parfois, mais moins scolastique, plus vivante, plus

Il pleine d'esprit, plus « littéraire» en un mot queil celle des autres œuvres de He~l.

,1 Ces caractères n'étaient pas faits pour déplaire à notre époque où la philosophie est associée plus étroitement que jamais à la littérature et où l'on n'aime pas trop la clarté qu'on suspecte volontiers d'être superficielle. Mais jusqu'alors la Phénomé­nologie a-yait eu ~rè~.peu de lect~urs même en Alle­( m~e. D'éminents commentateursde He~I comme B~d l'avaient un peu trop négligée. En France .on n'en parlait que pour souligner l'gtrêJ:pe diffi­(cuIté de -!on int~rétatioJl-ô'-on la ju~it même intraduisihlë:""C'Cst maintenant au contraire l'ou­vrage de He~ qu'on étudie le plus chez nous, celui qu'on invoque le plus souvent au point d'oublier parfois la Logique et l'Encyclopédie. La raison en est d'abord sans doute que M. Hyppolite en a donné une traduction complète et un commentaireIii intégral, que M. Jean Wah! et M. A. Ko~e lui ont consacré des études très approfondies. Mais surtout cet ouvrage répond à l'orientation existen­tialiste de notre époque. Dans la Logique et l'Ency­clopédie le système hég~en a un caractère nette­

'lment « essentialiste » puisque tout_le rée~~

Je~liqué par le ~évelopp~~ée.La Phéno­méiïOlOgie s'apparente au contraIl'e aux philosophies

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HEGEL ET LA PENS:&E CONTEMPORAINE 109

existentielles par la place qu'elle apporte aux aspects concrets de la vie humaine, à l'évolution historique de la pensée telle qu'elle se manifeste dans les façons de vivre aussi bien que dans les doctrines.

-- La Phénoménologie veut être en effet une histoire de l'esprit humain nous montrant coïïïiiïëïït'laJ( ~ep.ce s'élève des formes les' plus rudimentaires de la connaissance sensible jus<Ifi'au savoir absolu. Ce progrès de la conscience est e prodUIt de iOûte une évolution historique que Hegel nous fait par­courir comme une série de destinées humaines, de((t

Jigureâ dé la co.t.lsciet.l.ce , <mU.n,nt mr la scèn, du !!1.211 e un r~le dont le vrai sens .!1~ ser~~ris

qu'~in par fe pliiT?sophe qui intériorise tout ce devenir dans sa pensee:- unparallélisme est ainsi établi entre les étapes de la conscience individuelle A et celles du développement d~~de». 2­

1 Nous n'avons pas à résumer ici cet ouvragel extrêm~ment touffu et d'une richesse de pensée peut-être sans égale. Nous indiquerons seulement les thèmes essentiels qu'en a retenus la pensée contemporaine et qu'on aime le plus citer, commen­ter et introduire dans des discussions.

Les étapes de la conscience. - La description que donne ~~ des étapes qui marquent l~.

grès de la conscience est devenue classique. Il montre coniinëïïlla consc.ience sensible en croyant 1.

saisir le concret dans la sensation n'y attëint qu'un universel abstrai!, indéte~!fiÎIlé, un « 1ëi. )) o~ uI!-.~~~in:t~!!.~nt », de~...lJI!..ali.~és ~ ne sont ja~ais}es~es. Elle W"p-réhende deSObjets d~s ) la percep!!.on~q!1'~ y introd~es concepts, en faisant des qualités senslliles les propriétés de telle ou telle chose. En s'élevant de là au stade

~-.:.-------_.

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110 HEGEL ET L'llECELIANISilll:;

de l'entendement, elle veut ramener l'essence des phénomènes (~~~t!me de forces <JU:Î: en consti­tue l'intériorité. Mais le monde à l'envers supra· sensible qulest ainsi construit apl!!'9"..a~me

le « règne des loi!! » qui régissent ces forces, c'est·à· dire un produit de l'elltellQ.~t. En soulevant le

rf~ __ IIvoile qui recouvre le réel, en croyant pénétrer le ' dedans des choses, nous n'y trouvons que nous­mêmes.

La dialectique du maître et de l'esclave. - En A ,découvrant ainsi en elle l'être qu'elle avait d'abord

cherché en dehOiSd.'elle, la conscience devientrl consciencèt1e SOL. Cerre-ëi se manifeste d'abord par ie désir qui lui fait acquérir la « certitude de soi »

ren s'opposant à son objet, à « l'a~ en le détrui· 1 sant s'il le faut pour s'assouvir. Un stade plus élevé

f

lest~~~a~0a. lutte pour la recc!"1J-!!f!:Îc§~(J,~ce.

z, C'est iCI que se place la fameuse dialectique du maître et de l'esclave. Pour s'affirmer les consciences de soi s'opposent dans une lutte à mort qui ne s'interrompt qu~fI~and un des adversaires consent à _reconnaître l'~e ~ns être re.cQp..!!!!_par lui. Il se soumet, aevient esclave, parce qu'il préfère la vie à la liberté al~~e celui qui devient son maître n.JL~.!L~ur de li mort. CM.§) tandis quele maître oublie son rôle d'homme et s'avilit dans la jouissance, l'esclav~j!lère par l~ travail: en formant les choses, il se forme lui-même; il s'élève

, par la discipline à l'autonomie. Cette dialectique est un des points de l'hégélia­

nisme que la pensée contemporaine a le mieux retenus. ~ l'avait déjà utilisée pour interpréter du point de vue de sa doctrine, les rapports de la bourgeoisie et du prolétariat. Nietzsche l'avait invoquée aussi dans un esprit assez différent. Les

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UEGEL ET LA PENSÉE CONTEMPORAINE III

./ (tfC't.... ---....

existentialistes d'aujourd'hui aiment à citer la formule de ~el : « La conscience de soi est en soi et pour soi qua~ et parce qu'ell~ est ~~ ) s~i_ pour une autre conscience; c'est-à-dire qu'elle n'est qu'en tant qu'être rect!nnu » (Phén., IV-A). Sartre soutient de même que c'est l'existence d'autrui qui me fait prendre conscience de moi. Quand je r;g,ard~ l'autre, il devient ma chose; 'quand c'est UI qm me regarAe, je perds ma liberté;

Aje deviens l'esclave de l'Autre qui est alors le maître de la situation. Toutes les Opposi1jon.~~~es

d:tl~oi~t de l'~utre se rattachent ainsi plus ou ( moins directement à cette dialectique du maître

et de l'esclave.

La conscience malheureuse. - Passons sur les étapes que figurent le Stoïcien et le Sceptique - chez lesquels à l'opposition de deux consciences se substitue la division à l'intéricur de soi-même­pour arriver au « subjectivisme pieux» qui incarne le moment de la conscience malheureuse. C'est l'état d'âme du chrétien du Moyen Age qui souffrc d'être séparé de la transcendance divine et oppose sans cesse son propre néant à l'essence éternelle et infinie.

On invoque volontiers aujourd'hui ce thème de la conscience malheureuse auquel J~ Wah! a consacré une très intéressante étude~ 'ËTà;gissant cette idée il montre que la conscience malheureuse n'est pas seulement la conscience chrétienne; le malheur dont il s'agit ici est le propre de toute conscience humaine et même, puisque l'~e.

humain••" l'Urnv... 'lui .,.nd .o...ien•• d. ""i, ~

leIllâIliëUr (le la conscience humaine est l'expres­sion d'une déchirure, d'un malheur au sein même , de l'Etre. Ainsi la notion de-laconscience malheu­reuse-occuperait ]a place la plus profonde et la

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112 HEGEL ET L'I1ÉGJ~LTANlSME

plus centrale dans la pensée de Hegel. Elle apparaît partout où il y a un déchirement iiiiérieur, chez le sceptique ancien et l'incroyant du XVIIIe siècle comme chez le chrétien du Moyen Age. La conscience morale comme la conçoit ~t est une conscience

k~;

malheureuse en tant qu'elJeest en lutte contrela ~ \ n~e:/Il en est de même de toute conception dU'

l<k~(.l- monde qui oppose ~u réel un idéal-.9:!!'on n~~ut

jamais atteindre, comme c'est le cas chez Fichte. Telle est encore l'lme melancohque--et brisée du

\ romantique. Pour .~~ le commencement de la philosophie

serait moins l'étonnement que la non-satisfaction et la conscience déchirée. La conscience malheu­reuse est ce stade de division intérieure dont l'es­prit doit triompE:er pour :arrer-VëUJ!)le coïiSëiëïïCe

J\plus heur~use. Pour arnver au bonheur il faut traverser le malheur. Ici encore c'est la négativité qui est le moteur du développement, le véhicule ( du progrès. On peut dire en ce sens que le but de l'hégélianisme aura été de~trio~p!!.er'de toutes les f~auss~s opposition~!lui cré~~t le malh~ delatJ~ JIl conSCience.-

La raison observante et active. - La dialec­tique suivant partout l'histoire, ~gW passe du Moyen Age à la Renaissance. L'homme se libère alors du malheur de la conscience en cessant de se détourner du monde pour se consacrer à l'ob­serv~tion des fai.!~ et_p~f.;r à-l'llêïion:La raison

{ observanteCherche à -dégager le '"&ii'cept dans la nature, mais s'égare parfois dans de fausses sciences comme la physiognomonie et la phrénologie que( ~gcl attaque violemment. La raison active met l'individualité en rapport avec ll!-~l!li!é sociale. Ses attitudes s'incarnent dans des héros de drame

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c

HEGEL ET LA PENSF;E CONTEMPORAINE 113

et de roman. Tel le Faust de ~œÙJe qui représente l'individualisme de la jouissance. Tel encore le Karl Moor des Brigands de S~er qui, poussé par le délire de la présomption, veut embe]]ir le monde par le crime, ou Don Quichotte, le chevalier de la vertu qui, toujours Joyal, essaie en vain de lutter contre « le cours du monde» guidé (d'ailleurs uti­

1lement) par l'intérêt. Heg~ vise ensuite J'idéologie de l'intellectuel pur raisonneur qui remplace l'a$-on

:~ par la pensée et se contente de faire appel à la rauon F législatricE!_~ï, c'est:·à-difeà une morale toùte ~'\ ....L .formelle, vid~de contenll,.~.et7C'estdans le même

[eSprit qu'il dénonce plus loin les belles âmes qui craignent de « souiller la splendeur de leur intério­

1 rité » en s'engageant dans l'action. L'individu doit agir pour s'élever de l'en soi iiiPour soi. Il ne peut savoir ce qu'il est avant de s'être réalisé effective­ment par ses actes (Phén., V·C-a). Idée importante qui se rattache4hns l'Encyclopédie à la dialecti!JYe

( de l'intérieur et de l'extérieur et est devenue un dèSihèmes·principaux aëTëxistentialisme contem­porain.

L'Esprit. - La suite de l'œuvre est consacrée à l'Esprit, c'est-à-dire à tout ce que ~l appelle dans l'Encyclopédie: Esprit objectif: la morale, le droit, l'Etat et la philosophie de l'histoire qui vient ici au premier plan. Il parle longuement du monde antique et de ses cadres sociaux et politiques. La «substance morale » s'y exprime à la fois par la loi humaine ! qui régit la cité et par la loLdivine dont se réclame 1.rla famille: d'où des co~ts qu'illustre l'exemple d'Antig~e. Hegel montre comment le monde chrétien reconnaîiën principe la valeur de l'indivi­

~ dualité, nj~!LJ!Y~ raJ.l~rt direct immédiat Jllav~~ha_qu~ hOQl.me. C~~~ idee chrétienne ~

R. SERREAU - ~ ...~-~...... 8

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114 HEGEL E1' L'HÉGÉLIANISME

~ /'0 !,~'M.'''O

laïcisée/par lesYGtellectuels et ne triomphera que par une lutte, d'aboriCverbale (propagande des li lumières »), ~_aho~~ la Révolution française, marquée par la Terreur, et àTEmpire napOt"éoïïlen. Parmi les figures qui défilent ici il en est plusieurs qui intéressent(1a Franc~ Des formules pittoresques les caractérisen"L-AiïïSifa monarchie absolue et la centralisation de l'Etat sous Lo.w,IL~V sont condi­tionnées par l' « aliénation _~.!!_moi »YJ?8 nobles qui[ d~viennent courtisans et passent de « l'héroïsme du service muet» i«l'héroïsme de la flatterie ». La dépravation de la société du XVIIIe siècle explique

f la « conscience déchirée II du Neveu de Rameau, nouvelle forme de la « conscience malheureuse ".

L'aliénation. - Un thème intéressant, souvent invoqué aujourd'hui, parcourt ces chapitres: celui de l'aliénation. Le soi doit s'aliéner par la culture, c'est-à-diredevenir étranger à son existence naturelle

li;s pour se conformer aux institutions, à la « substance~ ni"orale II de la société~c'est ainsi qu'il s'él~~ àl'~-1~ 'l3 jO

versël et que se forme en lui la persoimalité. Le A langage est une aliénatIOn spirifUeIIe grâce il laquelle l~ensée individuelle retint immMiatement l'uni­verser,-Nous avons vu p. 51) comment ce th&e fO\iXnit à ~g~ un argument en faveur de la culture classique.

Le savoir absolu. - Les derniers chapitres trai­tent__de ce que ~l appelle dans l'Encyclopédie

Q'Esprit abso~c'est-à-dire la religion, l'art et la philosophie. ous avons déjà exposé l'essentiel de ce que Hegel développe ici plus sommairement. Il montre à la fin comment en s'élevant au savoir absolu la hiloso hie intériorise dans l"es rit c~

s"étak~xt riorisé jusqu'alors ans es «f~es âe la

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HEGEL ET LA PENSÉE CONTEMPORAINE 115

conscience» et le devenir histori<J!!e. » L'esprit est t~p..s » disait le Cours d'Iéna. Mai le savou al>s0!:!0 l'élève au-dessus de la temporalité en reconc ant)l \"2P.,.., 5 s~aspects historiques avec une vérité en soi int~m- ~'" $)-­P-Orelle. Cette union n'est toutefois possible que <

t7V.J quand l'histoire de l'esprit du monde est arnvêe àJ\son terme final. D'après A.. Kojke ce stade serait marqué à la fois par l'avènement de « l'Etat Uni-)\ versel et homo~ène» que devait êtrel'Empire nabo- ,1 léonien et par 'achèvement de la philosophie a le- J"\ ~

mande dans le sySteme de Hegel. C'est ce resültat que résumentJ.e8 dernières lignes de la Phénomé­nologie :

« Le but~rahso~pu l'Esprit qui se conn~e

Esprit, a pour voie d'accès le souvenir intériorisant (Er­innenmg) d~prits~iï'il8'sont en eux-mêmes ~

accomplissent l'organisationae~royaume. Leur conser­.JI ( ~~~s la forme de leur exi5tence contingente c'est l'bIs­

~~, sous l'as ect ile leur orgamsa tion conceptuelle, c'est 2 ( la science u savoU" qUI se m es e a nomeno gis).

Les deux réunies - l'Histoire comprise conceptuellement ­/1 t 2. ( forment le souvenir-intériorisant et le calvaire de l'Esprit absolu,

la réalitê effective, la vérité et la certitude de son trône, ce sans quoi il serait l'entité solitaire sans vie. Et c'est seulement

Du calice de ce ~aume des Esprits que monte tiers lui "écume de son infinité » (1)

La Phénoménolo.gie a été très diversement appré­( ciée. Rosenkranz y voyait l'œuvre la plus gL~~le

de ~eI. Michelet reproche 11. ce (c voyage de décou­

( vertes» de n'avoir pas la rigueur systématique des autres grandes œuvres. HaYl!l y voit une cc masca­rade romantique» où fug~ fait défiler cc devant le trône de l'Absolu des figt1!e~storiJIJ!~s déguiséts en faJ!.tôm~p~ycholQ.giques1 et des facultés' ~y-cho-

(1) Vers de ~er, modifiés par~g~.

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116 IiEGEL ET L'Hf!;GtiLIANISME

logiq~s ~portant le masque de personnages histo­rIques ». Quoi qu'il en soit, c'est sans doute, malgré les abstractions qui le hérissent, l'ouvrage philo­

~rs~quile plus vraiment concret qu'on ait jamais '1; écrit, ce ui qui se plonge le:pIus dans l'existëiièe h~~e qu'il envisage sous ses aspects les plus variés. Et c'est, comme nous l'avons dit, ce qui lui

. a valu la place prépondérante et peut-être parfois1trop exclusive qu'il occupe aujourd'hui dans l'œuvre de Heg~.

Sinous considérons l'ensemble de l'œuvre de Heg~ en tenant compte du primat accQfdé aU-iour-) '<f'hui à la Phénoménologie et aux écrits de jeunesse, quelle ear!:. d)nfluence faut-il lui reconnaître dans les doctrines qui sont le plus vivantes aujourd'hui ? Pour simplifier cette étude on peut distinguer les courants de penséc antérieurs à l'existentialisme - ceux qui occupaient encore la première place avant la dernière guerre - et les courants de pensée groupés sous le nom d'existentialisme, c'est-à­dire ceux qui sont les plus agissants, les plus Il à la

- mod~ » depuis 1945, sans pourtant avoir pu éliminer les courants antérieurs.

III. - lJ~gel

et les courants de pensée préexistentialistes

Le marxisme. - Parmi les premiers courants il en est qu'une filiation certaine rattache à l~gf!ia­nisme. C'est le cas du m..wisme dans lequel l'in­fluence hégélienne est devenue plus consciente et s'est en quelque sorte rajeunie. Jean Lacroix a

( pu dire qu'il ne serait pas faux d'appeler ce courant - aujourd'hui(~hégélo-marxisme. C'est sans doute

exact si l'on tient compte e a place plus grande qu'on y accorde aujourd'hui aux thèmes du maître

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~ ~ ~'.,A. A' S;t-Û~~~ 5- -1" o/'P-' ./ ~ .. '..A. ~ La--t:. ~t'l-~ ~ ~~ ~'~c...'<Z'-'>- ~ . 1 .,.. ,- rr ,."' r-I' ,d- _ '1: ..~,..

e..--f~, r .' HEGEL ET LA PENSltE CONTEMPORAINE 117

et de l'esclave et de l'aliénation et, plus générale­ment, à la dialectique. Mais on conteste avec

)1Sartre que îïlaiii'leëîique pUIsse être matérialiste, c'est-à-direÜ'il SOIt possIble de (( donner à la matière le mode de .__~velQP.nementE}lthétique quln'appar­tjent qu'à l'idée» (cf. Matérialisme et Révolution in Temps modernes, juin 1946, pp. 1554 sq.). D'autre part M. Hyppoli.te pense que M~ ne laisse pas assez de place au nég'ltif et professe un optimisme difficilement conciliable avec la dialectique de l'histoire hég~ienne. Marx croit en effet qu'en mettant fin à la lutte des classes l'avènement du

~ commun~me fera disparaître 1!1 contradiction entre C,'$ l'essence---"socialë de l'homme-*"et son existence de

fart: il prévôiïainsi unefin de l'histoire. Au contraire « la dialectique hégélienne maintient toujours au

A (~Jk la médiat.ion la tension de l'opposition». (( Ç'esL4.~~J~Jr~8iqu~ existentiel de l'histoire que ~glll.J!Perçoit Fld.ée,\c'est au contraire dans la

B (suppression de ce tragique historique, dans la récon­ciliation effective ou la synthèse effective que Marx découvre l'équivalent~réel~de l'Idée hégéliennë:-» La source de cette divergence serait (( dans cette

A ( lutte pour la vie et la mort qui est la racine même de l'histoire pour Hegel, tandis que l'exploitation de l'homme par l'homme n'en est qu'une conséquence,

!s (cette conséquence servant au contraire de point de départ à Marx » (Cahiers internationaux de sociologie, 1947, pp. 142-161).

Parmi les courants de pensée qu'aucuneJiliation

1.~'sJ~

'\ ne rattache à l~~lianisme, il en .est qui~opposeni)

à lui radicalement. Tels sont, par exemple, la forme d'idéalisme défendue par Brunschvicg et toutes les formes de spiritualisme issues de Lne de Bi.!-an ou de ~er. Tel est aussi le néothomisme, surtout ~i l'op tiep.t compte du caractère nettement aE.ti.

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19> J~J).1~ f:,,~ ~ ()c>cj:;:·~ ç4... t:fc.Icé.. ..Ji>

118 HEGEL ET L'HP:GP:LIANISME

r~-> eatholique~ de la pensée hégélienne. On peut cepen­dant souligner comme un signe des temps ce fait qu'un prédicateur comme le ~<p'!et n'ait pas

1fhésité à invoquer -&~l dans ses conférences de Notre-Dame.

!}s"rgsl?P. - Le bergsonism{~'o})p~~certainement

à la philosophie hé~enne p~aéfiance à l'égard ~ c<-;v' des concepts et dës constructions dialectiques ainsi ~~,~, que par son appel ~l~~n.s(qui l'apparenterait

/. plutôt à Sche!liP-g ou à S~penhauer). Il ne se) "~.( rapproche de l'hégélianisme qu'en tant qu'il est ~~ une philosophie du deven!!." pour laquelle « la réalité

---: est la mobilité même ».~ ? . /1~JICLt>--., ~ __ !."11.. ~ ~ a.../,/-.:.r.t"'';:./k-­

~L - Une doctrine dont l'influence est aujourd'hui considérable doit retenir notre atten­tion : c'est celle de Husserl. Le mot phénoménowgie, n'a pas le même sens êlîez lui que chez Hegel: il ne s'agit que d'une description des actes delapensée par lesquels on peut atteindre les objets logiques. Ce qu'il y a de commun entre les deux « phénomé­nologies » c'est seulement ce fait qu'elles cherchent dans les phénomènes non pas le contingent, mais les vérités essentielles, qu'elles veulent déterminer non pas l'empirique, mais l'a priori, qu'elles font abstraction du hic et du nunc, tel qu'il est saisi par la psychologie et l'histoire, pour atteinare l'essen­tialité, l'eidos. Cependant, comme l'a montré Gurvitch dans son livre sur les Tendances actuelles ae la philosophie allemande, la philosophie de Husserl repousse toute dialectique, toute déduction cre concepts. Il s'agit pour lui d'atteindre un monde apriorique des essences extratemporelles, irréduc­tibles les unes aux autres, absolument hétérogènes, sans aucune subordination. Et Ç-urvitC?.h souligne

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IlEGEL ET LA PENSF:E CONTEMPORAINE 119 \

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~e la phénoménologie de Husserl apparut comme, of

« un ha~e devant le renOUVëiu hégéllen ». Les n préSuppositions implicItes sur lesquêlIes Husserl /\-L.(,tu<-,

-construit sa théorie de l' « ego transcendantal » \ . s~t au fond celles de l'ancienne métaphysique. J /C~ . L'intuition pure à laquelle il fait appel revient ..à 4ypostasier l'immédiat en excluant toutes les mêdla-] tio.Ps par Ies;:Jelles Hegel explicite dialectiquëïDènt Cll_ qui est im:e: i~~l;>alement da~~ 11?t'!.Î~ion.

Tout en étant opposée al'hégélianisme, la doc· trine de ~rl marque, au même titre que le , renouveau de la pensée hégélienne, u~gain d_e ~

l'influence allemande dans notr~s. C'est enJ~

eflet d'outre Rhin que sont venues les doctrines qui ont le plus inspiré nos philosophes depuis 1930. Après I!!!sserl on peut citer les noms de Max Scheler, de Jaspe.!s et de Heidegg~r.

Max Scheler. - Max Scheler est assez loin de Heg~îau pOlnt de départ de sa pensée qu'il puise chez Husserl ainsi que par la valorisation de l'affec· tivité qui domine dans ses premières œuvres. Il rejoint cependant un aspect important de l'hé~•. lianisme dans sa dernière philosophie, d'insPirat~onjl1ltM

panthéisti e, u'il résume dans son livre sur La IJ situatwn l' omme dans le cosmos. Il y enseigne-que la Deitas s'accom lit dans ]e déroulement tem orel J du processus umverse et que omme est le vem·

1c~ acco~plissement. L'être ahsolu"prend l conSCience de lw·même en l'homme: dans l'acte par lequel l'homme se voit fondé en lui. N'y a-t-il pas là un renouvellement original de la « thé<J­goni~ » ou, si l'on veut, de l' « anthropothéisme » de H~~ ? ~ .... D IV 1 .,.....r"\ - jp.. n-- ,-. ,...... t 'VI!-~ ,,)- (-~

. ous devons nous arrêter plus longuement sur ~

les noms de Jas~s et d~!I~gg~r qui comman-)'./hlv.........

( cP4~ ~Df)

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1

)

120 HEGEL ET L'HJJ:GÉLIANISM$

dent les deux tendances opposées de ce qu'~n

appelle aujourd'hui l'existentialisme. Mais voyqns d'abord ce qui, dans l'œuvre même de fugel, rentre dans la tendance ainsi désignée. ~-

IV. - Hegel et l'existentialisme

Un des représentants les plus qualifiés de l'exis­tentialisme, Merleau-Po~ty, a consacré à cetterl'l~

question un important chapitre de son livre Sens et non-sens (pp. 125 à 139). Il Y montre que le Heg~l auquel.s'oppos.e Kierkegaard e~e

la [m qui « a tout compris sauf sa propre eXIS­tence ». Mais il n'en est pas de même du ~gel

if de la IJ!é!!!!!}énologie m-Q..r..lP-!ésente cc la philoso~ië

/1 milit~nte, ~.~~.{l._t!iomphante », Elle ne cherche pas en effet « à faire entrer l'histoire totale dans les cadres d'une logique préétablie, mais à t:.evivre chaque doctrine, chaque époque». Ce qui y domine c'est donc le thème existentiel de l'histo­

.ricité.' de la tem.po.r..a.l.. ..~·té, Il s'a.g.l.'t d.e savoir comment

jest possible l'exp~:ri~.!!ce mor~le, l'ex{lériencere1i. gieuse, de décriI:LJa 'situation fondamentale de l'hQ!!lllle...J~.n face dM monde, 'entiiCëâ;autrui et de ~omprendre les religio;s, les~orales, les œuvres d'art, les systèmes économiques comme autant de manières pour l'homme defaireJ~ce.i!..1pC-di(fkwtès

[~Ç[email protected].« Il y a donc ~ existentialisme de Hew en ce sens que, pour lui,'I'ho1P~I!~est pas d'emblée une conscie.~~quipossèdedag~J.!!...Qlartét , ~~ proprefL.p~n~ées;/mais une vie qui cherche à se

Al cQ.ll1.Prendre elle-mêI!1e. » A Chaqtwageliistorique il part d'une certitude subjective; il en reconnaît l'erreur à l'épreuve de la vie et modifie sans cesse ~spn proiet jusqu'à ce qu'il atteigïïèî~Qbjêè.

• • -"'. j. ~

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HEGEL ET LA PENSEE CONTEMPORAINE 121

tive et devienne consciemment ce qu'il n'était d'abord que confusément. Ainsi « l'homme se· définit... comme le lieu d'une inquiétude..., par Tc refus de se limiter à l'une -de ses déterminations ». Sa conscience est Il l'acte de s'outre-passer soi­même ». Et elle ne peut a,ccéder à l'universel qu'au prix d'une lutte constante qui apparait notamment dans la dialectique du maître et de l'esclave. C'est à travers le tragique existentiel de ces oppositions que l~stoire révèle l'Universel concret, J'Idée quirles surmonte. Et c'est ici, comme l'a montré --r l\!: Hyppo~te que Heg~l,cesse d'être existentialiste -fi,- c::. en constrwsant son systeme. r

I)s;, ,?J ~

Jas~s. - C'est ce système que Jl!!lP~rs a en. ku.-..b _ vue quand il reprend contre l'hég(lianisme la polé- J S""-~

mique engagée par Kierkegaard. Il reproche. à 1....,jU''':S &g~ de~ouloir enfermeiiaréalité dans un système, ~JJ<k ( ce qu'il juge impossible parce que, d'après lui, l'être est déchiré en deux mondes qui s'opposent; le monde de l'être comme universalité et le monde de l'ê~~~me existence. Il pensel:îe les sciences J'

de l'esprit echappent à l'universaIit2..Erce qu'elles tieMeÏÏty.!ofonaémëïrtal'eXIsténce; en parti ­

.>4<....)culieil'nistoire ne peut atteindre à l'objectivité. Et Jaspers oppose au savoirle risque de la croyance/" If ~~-à l'objectivité la Il tension existentiene ». Contrai- .. rement à Heg~ il pense que -E.0~~...E.'atteindrons ..e-- '7 ..........

h--' ­jamais l'aGQlu qui ne se révèIë à nous qu'en (" ; 5 ffragments fugitifs, par des sortes d'éclairs inter- .

mittents. Notre pensée échoue inévitablement et / ~ C'~~~~ilns c.ët éChec qu'elle s'accomplit.~ Nous .

sentons en effet alors qu'il y a quelque chose qui nous dépasse et c'est dans notre relation avec cette transcendance que nou~ nOQS aff~oQs Cop:1IJl~

~xi.st-eqce,

uAt:U-- v-.-. "/ J..! fZ /'/ L . oL-< ~'. J/'" ~ .v< d- r-- .....5~ c..ù-, e

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122 HEGEL ET L'HP:GP:LIANISME

!Jeidegger. - Comme l'a montré Jean W~,

,Wii"gç,r~st, sur plusieurs points, assez procKede ~gfll. Sans doute il pense qu'il ne peut y avoir une adéquation complète de la pensée et de l'être et

0 que ce-A'est pas_dans la en~~_e rationnelle qu'il1faut chercher nna nt l'unification. Il accorde ~e liien plus grande valeur que egel à l'immédiat et envisage l'être comme révélation et non du point de vue dc l'objectivité. Mais il se rapproche de llig~ par l~~~ do~e au devenir, à la temporalité, à l'histOire. Comme ijilga il reconnait que le devenir se fait par des contradictions et que nous ne pouvons comprendre les choses que par des médiations. Comme lui, il condamne toute opposition entre ~tre et devoir. Le but de Heidegger c'est, comme celui de Hegel, @ nous faire saisir l'unité de toutes eh...,• .r.:;;.1'esl!!!t, leurmtériorité. Pour lui, comme pour Hegel et Spinoza, l~ liberté

]\ eost la nécessité la plus haute. Enfin ~e.idegg~

accorde, comme ~eI, une grande importance au langage: il pense qÜe l'anl!~--!ies mots permettd'atteindre le vrai et appuie souvent son argumeIi.­

\ tation sur des étymologies, utilisant les multiples ressources qt!'offre ici la langue allemande. Et, bien entendu;si l'in!~rprétation de~_~~che es!la bonne," c'est, dans le--cllareaë-,'existentialisme,

-la tendance athée représentée par J;Ieid~gg~rç.qui s'apparente le mieux à l'hégélianisme.

Sartre. - Chez Sartre, qui professe chez nous l'existentialisme athée, on reconnait aussi l'in· fluence de He~l·à côté de celles de Huss~l et de Heideg~r. Elle apparaît d'abord dans des formules 'Iqui sont presque littéralement ca.l!lUées sur celles

J de IÏeW. Ainsi quand il enseigne que l'homml'l ( n'ex1Ste que dans la mesure où il se réalise par ses

.~/,

,,",Ir(;... r.l.M-"- -ut- ~J " • --_;, ~ oGt.1

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HEGEL ET LA PENS~E CONTEMPORAINE 123

l

actes, il ne fait que reprendre la formule de ~g~l : (1 L'homme n'est riel!- d'autre q!!e la série de ses ~s. » Ce qu'il dit du « pour soi» (c'est-à-dire de la conscience ayant pour caractère la tempora­lité) qu' li il est ce qu'il n'est pas et n'est pas ce qu'il est ll, se rattache la définition ~gS"lienne du temps: « L'être qui, en tant qu'il est, n'est pas et, en tant qu'il n'est pas, est. » SlU,tre utilise parfois

Jla terminologie de ~g~ou 1CSrapproclJ.~J.11ents

• 1 qu~ fait entre certams termes. Par exemple il adOpte un de ses jeux de mots : Wesen ist was gewesen ist, l'essence (Wesen) c'est l'être passé (ge-wesen), mais il ne s'agit pas pour lui, comme pour ~g~, d'un passé intemporel (cf. Logique, éd. ~()n, II, p. 3). TI emprunte à ~~l l'oppo­sitio:ll<lel'en soi et du pOUT soi; mais ces mots ~t

chez lui ~ig.ID!ication très différente. L'en soi de 5.!!!!e c'est le mode d'être de l'objet ou de ce qui est devenu tel, le passé Il dépassé », le pOUT soi c'est le mode d'être de la conscience, sans cesse mobile et changeante. Pour ~~ l'être en soi c'est la virtualité qui n'est pas encore passée à l'exis­tence; l'être pour soi c'est ce qui est réalisé comme une existence particulière distincte (qui peut ne pas être consciente). En faisant du pour soi un <cnéant », un « trou d'être », San,re rejoint les formules du jeune Jl!lgel, mais l'opposition qu'il établit entre l'Erre et lé Néant est très différente de~e

{\ ~de point de départ à la Logique hégélienne. Ajoutons que Sartre reprend d'une façon originale certains thèmes de la Phénoménologie de Heg~.

Comme nous l'avons vu, l'opposition du Moi et de l'Autre s'apparente chez lui à celle du Maître et de l'Esclave. Mais surtout on retrouve chez Sartre

-';:·le ~~ h~gélien dE: ~~~~!lcience malheureüSè. «I;a !Lalité humaine, écrit-il, est souffrantë"Jlans~n

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HEGEL ET L'H.tG.tLIANISME124

être, parce gu'elle s~à ~comme perpé­tmllement ~~~!ée par une totalité qu'elle e~ns( pouvoIr1'être," puisque justement elle ne pourrait atteindre l'en soi sans se perdre comme pour soi .

.... Elle est donc par nature. conscience malheureuse, ~ sans dépassement possible'"de l'état de malheur. »

(L'être et le néant, p. 134). Et ce thème est abondam­ment développé dans l'œu~e littéraire d~ Sartre \ dont on a pu dire qu'elle était comme un catalogue des formes que prend concrètement ce malheur de la conscience.

Conclusion

~I Ainsi après avoir été oubliée ou méconnu~en-lb J dant plus --ae-deux tiers de siècle~lïiIosopme

hégélienne connaît depuis une quarantaine d'années'flt.. ­un renouveau qui fait d'elle la doctrine laplus}lfr~7-marquante de la philosophie moderne, l'équivaIëïi.t 1 _.

decequefiïî autrefois-la doctnne d'Aristote. Mais p." ce renouveau s'est produit dans (tes conditions singulières puisqu'il a été suscité par la révélation (l'écrits de jeune~e ~ .!!egel, devenu célèbre,[ n'avait pasJ!1~ dignes (l'être publiés, et par une connaissance plus approfondie de son premier grand ouvrage, la PMl1oménologie, dont il n'était pas pleinement .sat.isfait et qu'il songeait à refaire 1avant sa _mort. Il est curieux de voir queaenos jours on n'étudie souvent le système hégélien que pour mieux interpréter la Phénoménologie et les premiers écrits. Ne serait-il pas plus normal de croire que la pensée de Hegel a vraiment progressé et que ses premières œuvres n'ont de valeur qu'à titre d'essais, ne sont que des ébauches encore fragmentaires des grands ouvrages de sa maturité ? Ce cm ~é<luit aqjourd'htri, il fallt b\ep le qrre, qans

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HEGEL ET LA PENStE CONTEMPORAINE 125

ij c~ premières œuvres, encore tout im2!.égn_ées de romantisme et de vitalisme schellingi~n, c'est la part"de my~tiqu~ qu'eUes renferment, la plaêe qu'elles accordent à l'irrationnel, au côté obscur, des choses. L'existentialisme n'admet-il pas en effet que l'existence se révèle le mieux à nous dans des états émotifs, dans l'angoisse, « la crainte et le tremblement» ? Ne peut-on penser que le~nd

IE:érite de Hegel a été de savoir intégr~ à une rl!i.son éla~e ce qu'il pouvait y avoir de valable dans cetirrationnel qui le séduisait encore dans sa jeunesse? N'est-ce pas aussi et surtout d'avoir su o~niser en système l'immense savoir .qu'i! y'-yait acquis dans tous les domaines et d'avoir ainsi ouvert des voies nouvelles a toutes les sciences de l'homme? Comme le dit Merleau-Ponty, « He~l

est à l'origine de tout ce quI s'est fait de grand en ( philosophie depuis un siècle )). Certes, sa doctrine . laisse subsister des points encore mal élucidés.

Mais cela prouve que son système n'est pas clos, qu'il n'appartient pas à la seule histoire, mais est ~p'hi1os.Q~~ touLours ouverte qui, tout en 1ë8" guidant, laisse un vaste champ de recherche à ceux qui ~a suivent. «( Donner une i~~.P~~e),

H~el, dIt encore. Merleau.~y, c est pren(Jre position sur tous les problèmes P.!!il~s_op~ues,

politiques et religieux de notre siècle. » Et l'on peut dire avec A. KOJève-qiïC CLthistoire ne réfutera)] j~'4%élianisme?mais se c~ntentera de ch..?isir \ entre ses mterprétatlOns opposees ».

~ I%.o

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BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

1. ŒUVRES DE HEGEL TRADUITES EN FRANÇAIS

L'Encyclopédie, traduite par VÉRA sous les titres suivants: LogiqUe (2 vol., 1859 ; :te éa.ëii 1874) ; Philosophie de la nature (3 vol., 1863-1866) ; J(Philosophie de l'esprit (2 vol., 1867-1869).

Leçons sur la philosophie de l'histoire, traduites par GIBELIN (2 vol., Vrin, 1938).

..... - La !lf1énoménologie de resprit, traduite par HYPPOLlTE (2 VO!.,A lèr, 1945),

Principes de la philosophie du droit, trad. par KAAN (Gallimard, 1940). Leçons d'esUlétique, trad. par JANKÉLÉVITCH (4 vol., Aubier, 1945). SCience de la logique, trad, par JANKÉLÉVlTCU (2 VO!., Aubier, 1949). L'Encyclopédie, trad. par GIBELIN (Vrin, 1952). Introduction au:c leçons sur l'histoire de la philosophie, trad. par

GIBELIN (Gallimard, 1954). Leçons sur la philosophie de la religion, trad. par GIBELIN (5 vol.,

Vrin, 1959-1960). Des petits textes ont été traduits :

la Vie de Jésus (1928), - l'Es rit du chr' t" 'ç e t s ' 1 48).

1ft rence e.~ systèmes e ichte et e ScheUing : Foi et sa/lOlr(Vrin, 1952),

Morceaux choisis, par H. LEFÈVRE et GUTERMANN (Gallimard, 1939). Esthétique (Extraits), collection e Les grands textes " Presses Univer­

sitaires de France. Correspondance, trad. par J. CARRÈRE (2 voL, Gallimard, 1963). Propédeutique, trad. par M. de GANDILLAC (Edit. de Minuit, 1963).

PRINCIPAUX OUVRAGES FRANÇAIS A CONSULTER

V. COUSIN, Fragments et souuenirs (1860). J. WlLM, Histoire de la philosophie allemande (1849, ~_,:?!.).

A. VER.A, Introduction d la philosophie de Hegel-<!~),

E. VACHEROT, La métaphysique et la science (1862, t. III), FOUCHER DE CAMIL, Hegel et Schopenhauer (1862). E. SCHÉRER, Hegel et l'hégélianisme (in Mélanges d'histoire reli ­

gieuse, 1864). G. NOËL,' La logique de Hegel (1895, réimprimé en 1933 lVrln]).

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BlBLIOGRAPHIE SOMiHAl1Π127

B. CROCE. Ce qui est vivant et re qui est mort dans la philosophie de Hegel, traduit par BuRIOT et suivi d'une bibliographie hégélienne, 1910.

P. ROQUES, Hegel, sa "ie et ses œuvres (1912). J. WAHL, Le malheur de la conscience dans la philosophie de Hegel

(1929). Numéro spécial de la Revue de métaphysique el de morale (juillet 1931). Numéro spécial de la Revue philosophique (nov. 1931). E. BRÉHIER, Histoire de la philosophie (1932), t. II, fasc. 3,

pp. 734-800. ALAIN, Idées (1939), pp. 203-288. H. NIEL, D€médiatio;r, dans ICI philosophie de Hegel (1945).

"--/J. HYPPOLITB, Genêse el structure de la Phénoménologie de Hegel

(1946). A. KOJÈVE, Introduction à la leclure de Hegel. Leçons sur la Phéno­

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(1948). A. CRESSON et R. SERREAU, Hegel (collection« Philosophes " Presses

Universitaires de -France, 1949; 3' éd. revue, 1961). E. WEIL, Hegel el l'Elal (Vrin, 1950).

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~ HYPPOLITE, Logique el existence. Essai sur la Logique de Hegel'(Prësses Universitaires de France, 1953).

F. GRÉGOIRE, Eludes hégéliennes (Lonvain, 1958). B. TEYSSÈDRE, L'esthétique de Hegel (Presses Universitaires de

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__~:_!::~~I~N, La philosophie politique de Hegel (Plon, 1964),

."11 ~ ------~ _ ,

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)o'l. ( L.~ J.i.LJ~ é....M ~ .P- :If-~ ­1""1 : (;' u.;,pz.l..<>"':-',-.t-. ~~.....4 ~e:; ~ ..,UMWr'--J

f} TABLE DES MATltRES

PAOli!

INTRODUCTION •••••••.••••.••••••••••••..••••••••• 5 . /

CHAPO'RE PREMIER. - Les antécédents de l'hégélianisme /'et lee priDcipee directeurs dn système •..... 11

\ /'m- Les thèmes essentiels du système

hégélien . 28

Le problème religieux et la scission de \\ l'écôle hll:gélienne ............•..•..~

OJ)-~~~)o~l~~~.~~l.i~~.e..~d.e..~~~~.~ ~71............... r}_ L'hégélianisme en Europe au

XlXe siècle...................... 88

(@- Hegel et la pensée contemporaine.... 106

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE.......................... 126 \j. ~ t., E ~~ -;;;- A&I-J)..-.. d lk~ L1 Q~

t..... f)...".-"-.-.-",,,, 5tJic.- i - ~ ~fï"": tJt...L... y..,J~ 1..

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Collection dirigée par Paul Angoulvent

Derniers titt'es pa1-us 1260. Le loie et ses maladies (J.

CAROL! et Y. HECHT). 1261. Les institutions monélalres en

France (M. NETTER). 1262. Les régimes de retraite (J.

FLESCH). 1263. Les maladies parasilaires (H.

GALLIARD). 1264. Le syslème bancaire Irançals

(J.-P. GAULLlER). 1265. Histoire de la langue anglaise

CA. CRÉPIN). 1266. Le Directoire et le Consulat

(A. SOBOUL). 1267. Les quasars (Ph. VERON). 1268. Le droit du Iravall (M. DES­

PAX). 1269. La théologie cathollque (P.

ADNÉS). 1270. Le calcul analogique (J.­

J. GLEITZ). 1271. Hlsloire de la propagande

(.r. ELLUL). 1272. Le Togo (R. CORNEVIN). 1273. L'oxygène (Cl. DUVAL). 1274. La culture de tinsus (J. VERNE

et S. HÉRERT). 1275. Grammaire de l'arabe (G. LE­

COMTE). 1276. Prestidigllallon et illusion­

nisme (J. HLADIK). 1277. La réusslle sociale (A. GI­

RARD). 1278. Grammaire du russe (J. VEY­

RENC). 1279. Les philosophes Irancais d'au­

jourd'hui (P. 1'ROTIGNON). 1280. L'Ancien Teslamenl (Ed. JA­

COR). 1281. Histoire de la langue latine

(J. COLLART). 1282. La cellulose (M. CHÊNE et

N. DRISCH). 1283. La génétique des populations

(E. BINDER). 1284. Le Pérou (O. DOLLFUS). 1285. Palols el dialectes Irançais

(P. GUIRAUD).

1286. La lIUérature grecque chré· tienne (A.-M. MALINGREY).

1287. La musique concrèle (P. SCHAEFFER).

1288. La culture d'organes (M. SI­GOT). •

1289. Le lravall au XIX' siècle (Cl. FOHLEN).

1290. L'arsenic et ses composés (R. UOLIQUE).

1291. L'athéisme (H. ARVON). 1292. Géographie du Japon (J. PEZEU­

MASSAOUAU ). 1293. Les particules é1émenlalres (1'.

KAHAN). 1294. L'énergie solaire (R. PEYTU­

RAUX). 1295. Crises et récessions éoonoml­

ques (M. FLA"ANT ct J. SIN­GER-KEREL).

1296. Les crislaux (R. HOCART\. 1297. L'osclllographe cathodique (R.

RATEAU). 1298. Sociologie des révolulions (A.

DECOUFU~).

1299. Les malades et les médicaments (A. LE GALL et R. BRUN).

1300. Les Isolanls (Cl. Hu RAUX). 1301. Histoire des doctrines pollll­

ques en Allemagne (J. DRoz) 1302. La vie dans l'Egypte ancienne

(Fr. DAUM"S). 1303. L'éleclronlque quantique (D.

LAUNOIS). 130-1. Histoire de la Tchécoslovaquie

(P. BONNOURE). 1305. La médecine agricole (.r. VA­

CHER). . 1306. La dynamique des groupes

(.r. MAISONNEUVE). 1307. L'hygiène des voyages (Fr.

PAGÉS). . 1308. L'Afrique orlenlale (A. BOUR­

DE). 1309. La guerre de Cenl ans (Ph.

CONTA>IlNE). . 1310. Hisloire de la Corée (LI Og~).

1311. Le structuralisme (L PIAGET).

*OlT.

1968-2 - Imp. des Presses Universitaires de France, Vendôme (France) IMPRlMB EN FRANCE

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1

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