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François Salaün

Affiche de Théophile Alexandre Steinlen pour La Traite des Blanches dans Le Journal,

du 17 mars au 13 juin 1900. Lithographie en couleur (60 x 80 cm).

Résumé : Auteur prolifique de la fin du xixe siècle, Jean-Louis Dubut de Laforest écrit une quantité impressionnante de romans et contes entre 1880 et 1902, totalisant quelque quatre-vingts ouvrages. Sa démarche se situe dans le droit fil du naturalisme, tel que le définit Émile Zola, auquel  il  apporte  une  dimension  populaire  et  résolument  satirique. L’influence  naturaliste  transparaît  chez  lui  de  diverses  manières,  en particulier  dans  l’ambition  extra-littéraire  qu’il  attribue  à  l’écriture romanesque. Sa manière d’envisager la prostitution dans son œuvre est exemplaire de ce phénomène.

Mots clés : Dubut de Laforest, naturalisme, roman, prostitution.

Abstract: As a prolific author from the end of  the XIXth century, Jean-Louis Dubut de Laforest wrote an impressive of  number of  novels and short stories between 1880 and 1902, reaching some eighty volumes. The  trend  in  which  his  approach  can  be  situated  is  Naturalism,  as defined by Emile Zola,  to which Debut de Laforest  adds  a popular and  resolutely  satirical  dimension.  The  naturalistic  influence  can  be perceived in different aspects, particularly in the extraliterary ambition with  which  he  invests  novelistic  writing.  The  way  prostitution  is represented in his novels illustrates perfectly this phenomenon.

Key words: Dubut de Laforest, Naturalism, novel, prostitution.

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Dialectique de la représentation :l’ambition naturaliste chez Dubut de Laforest,

à travers l’exemple de la prostitution

  Comme le montre l’étude sur le réalisme de Guy Larroux1, l’esthétique naturaliste  s’inscrit  dans  une  longue  tradition  de  représentation  du réel  qui  commence  dès  l’Antiquité  avec  la  mimèsis  aristotélicienne. Le naturalisme se distingue par une démarche et des objectifs qui lui sont propres : avec le recours à la science et à l’analyse, il ne s’agit pas simplement d’offrir au lecteur une image de la réalité, mais plutôt de mettre au jour le « mécanisme des faits2 », selon la formule de Zola dans Le Roman expérimental. Ainsi, en écrivant L’Assommoir, l’auteur montre, à travers le destin de Gervaise, les effets du « milieu de rude misère et de besogne3 » des ouvriers.  De cette  façon,  le naturalisme  institue un mouvement dialectique entre la réalité et sa représentation : le roman délivre certes un reflet de son environnement, mais les analyses qu’il induit aboutissent à son immersion dans  la  réalité  elle-même. Pour René-Pierre Colin,  le  ro-man naturaliste est finalement « une véritable tentative pour dépasser le champ littéraire, atteindre l’extra-littéraire4 ». L’ambition naturaliste donne au roman une finalité qui va au-delà de l’unique littérature et se situe dans la réalité que l’œuvre représente et qu’elle tend à faire évo-luer. La création perd alors son autonomie et sa profonde singularité et devient pour son auteur le moyen d’inscrire son action dans la société elle-même, à l’instar de toute autre initiative citoyenne. Quand Zola fait dire à Clotilde dans Le docteur Pascal : « La nécessité affreuse de montrer les plaies n’avait d’autre excuse que l’espoir de les fermer5 », il souligne à  quel  point  le  roman permet  à  l’auteur d’échapper  à  la  solitude de son œuvre. Non seulement le naturalisme renouvelle profondément la manière d’écrire le roman, mais il est fort aussi du sens que son ambi-tion donne à l’écriture : celle-ci trouve sa réalisation, précisément, en intervenant sur la réalité représentée.  Le  dessein  est  considérable  ;  son  accomplissement  impossible  à mesurer,  voire  indicible.  Il  imprègne  pourtant  l’œuvre  de Dubut  de Laforest  qui  le  prolonge  et  l’accentue  en  le  plaçant  au  centre  de  sa démarche.  Il  en  résulte  une  narration  profondément  satirique  par 

laquelle  l’auteur  entend  «  flageller  le  vice6  »,  selon  son  expression, et  lutter contre  les  injustices et  les  turpitudes contemporaines en  les dénonçant au moyen de ses créations.  Peu connu aujourd’hui, Dubut de Laforest appartient à la génération des « petits naturalistes », tels que les qualifie le critique Brunetière, non sans une certaine fatuité. Avec Maupassant, Descaves ou Bonnetain, il offre dans ses nombreux romans et contes écrits de 1880 à 1902 un prolongement au mouvement initié par Émile Zola.  Pour  montrer  de  quelle  manière  son  esthétique  littéraire  met  en œuvre une dialectique de la représentation dans le droit fil de la doctrine naturalisme, nous proposons d’analyser comment elle fait intervenir le sujet  de  la  prostitution.  Ce  dernier  est  en  effet  emblématique  de  la démarche de ce romancier qui écrit à un moment où les amours vénales font  l’objet de vifs débats  idéologiques. D’un côté,  les tenants d’une réglementation  de  la  prostitution  défendent  l’organisation  existante, fondée sur un réseau de maisons closes et une obligation d’inscription des prostituées en préfecture, et de l’autre les abolitionnistes dénoncent son inefficacité et critiquent ses fondements qui portent atteinte à la morale et aux droits de l’homme.

Les maisons de tolérance

  Si  la  décision  de  créer  les  maisons  de  tolérance  appartient  au Consulat,  Alain  Corbin  montre  que  les  fondements  théoriques  du « système français » de régulation de la prostitution sont formulés par Alexis-Jean-Baptiste Parent-Duchâtelet, auteur de nombreux ouvrages sur  le  sujet,  en  particulier  d’une  étude  en  1836  sur  la  prostitution parisienne7. Avec les autres défenseurs de la politique réglementariste du xixe siècle, Parent-Duchâtelet se réfère à la pensée de Saint-Augustin qui décrit la prostitution comme un mal nécessaire : 

       Supprime  les prostituées,  les passions bouleverseront  le monde ; donne-leur le rang de femmes honnêtes, l’infamie et le déshonneur flétriront l’univers.8

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  La  prostitution  apparaît  donc  comme  un  moyen  de  réguler  les passions.  Mais  le  système  théorisé  par  Parent-Duchâtelet  s’appuie aussi  sur  une  représentation  très  négative.  La  prostituée  type  est décrite  comme  un  être  paresseux,  instable,  gourmand,  bavard...  elle constitue une menace à  l’ordre  social  et  familial, d’autant qu’elle  est souvent associée à l’obsession des maladies vénériennes. Le projet est donc de la confiner dans des endroits fermés, situés de préférence dans des quartiers réservés, afin d’endiguer le mal. Au centre du « système français  »  sont  donc  instituées  les  maisons  closes,  ou  maisons  de tolérance, c’est-à-dire tolérées par l’administration.  Elles sont évoquées dès les premières œuvres de Dubut de Laforest, mais c’est dans L’Homme de joie en 1889 qu’elles deviennent constitutives de  l’intrigue  romanesque. Avec  ce  roman,  on  pénètre  véritablement dans leurs murs en découvrant l’exemple de la maison Clarisse. Quinze femmes environ participent à son fonctionnement : une douzaine de prostituées,  une  tenancière,  Clarisse,  assistée  d’une  sous-maîtresse, Séraphine,  et  aidée  par  une  « pourvoyeuse »,  Noémie  Lemercier, laquelle cherche à recruter de nouvelles pensionnaires. Dès le premier chapitre,  la maison Clarisse  est  reliée  au  comportement  criminel  de l’homme  de  joie,  Giacomo  Trabelli :  c’est  dans  ce  lieu  qu’il  décide son premier meurtre, lequel est accompli avec un couteau dérobé à la tenancière. Mais elle est surtout  la source des principaux revenus du personnage malfaisant puisqu’il reçoit près de la moitié de ses recettes qui se comptent en dizaines de milliers de francs. La maison est non seulement associée au meurtre dont elle est la cause puisque c’est pour éviter  qu’on  sache  qu’il  en  retire  des  profits  que Giacomo  Trabelli assassine le capitaine Sudreau, mais elle alimente également ses crimes en fournissant à l’assassin l’essentiel de ses ressources, de même que son arme.   Sa présence dès  le premier  chapitre montre  comment elle génère en quelque sorte l’homme de joie. Elle réapparaît à plusieurs reprises, en  particulier  à  la  toute  fin  de  l’histoire,  lorsque  les  personnages 

découvrent  l’autel  érigé  par  Séraphine  en  l’honneur  de  Giacomo Trabelli  qu’elle  adore. Cette distribution du  lieu  au début  et  à  la fin crée un effet de boucle qui souligne la clôture réelle d’un endroit que le roman condamne en le situant à l’origine de tous les crimes.  Bien des éléments de L’Homme de joie se retrouvent dans Les Derniers Scandales de Paris, en particulier une maison de tolérance située rue de la Victoire : le 7 bis. Celle-ci est un des principaux lieux des épisodes originaux des Derniers Scandales de Paris. Elle apparaît dès le troisième chapitre  du  premier  livre  où  l’héroïne  Cloé  de  Haut-Brion  y  est enfermée et l’intrigue y reviendra à bien des reprises par la suite. Parmi tous les scandales que l’auteur entend dénoncer, le fonctionnement des maisons de tolérance est mis en question. Dans  le prolongement de L’Homme de joie, il en précise l’organisation, le caractère de ses clients, et accentue sa critique du sort  réservé aux pensionnaires et de  leurs conditions  de  vie ;  elle  prend  même  un  tour  démonstratif   avec  le suicide d’Euloge Tillancourt.  Au  7  bis,  la  tenancière  s’appelle  Elvire  Martignac ;  Adélaïde  est la  sous-maîtresse.  Le  caractère  donné  à  la  tenancière  montre  que la  condamnation  de  l’auteur  ne  porte  pas  sur  cette  catégorie  de personnages liés à l’univers de la prostitution. Elvire Martignac incarne même un aspect de la condition féminine de son temps. En effet, avant d’être à la tête d’une maison de tolérance, elle a été séduite par le baron Tiburce Géraud  qui  l’a  abandonnée  avec  son  enfant.  La misère  qui en a résulté l’a conduite à se prostituer, puis à devenir tenancière. Les pensionnaires sous son autorité sont bien traitées, comme le montre cet extrait du cinquième livre, Madame Don Juan :

Mme Martignac  semblait  heureuse  de  l’amitié  si  franchement,  si naïvement exprimée par ces  jeunes  recluses ;  et pourtant, qu’avait-elle  fait  de  plus  que  les  autres  directrices  pour  ses  pensionnaires, la maîtresse  de  la  rue  de  la Victoire ?  Son  établissement  était  régi de  la  même  manière  que  les  établissements  analogues ;  les  filles subissaient le même esclavage : on les enchaînait comme partout, avec 

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d’inextricables dettes, dont le hasard seul, sous la forme d’un client généreux  pouvait  les  affranchir !...  Alors  pourquoi  Mme  Martignac était-elle universellement aimée, quand ses pareilles ne recueillaient que de la haine ? C’est que Mme Martignac avait toujours une parole de bonté sur les lèvres, et comme un rayon de soleil et d’amour dans les yeux.9

  En dépit de la bienveillance de la tenancière, le sort des prostituées est assimilé à celui d’esclaves dont les chaînes prennent la forme de dettes impossibles à rembourser. Et la honte qu’en éprouve Elvire Martignac la conduira un peu plus loin à céder l’établissement à Olympe de Sainte-Radegonde. Cette analyse rejoint la lutte de Joséphine Butler qui entend mettre sur le même plan la traite des blanches et celle des noirs. Dès le chapitre 2 de La Vierge du trottoir, l’héroïne est vendue trois mille francs à la tenancière qui  l’enferme dans sa maison par une reconnaissance de  dettes  signée  en blanc. Cloé  de Haut-Brion devient  alors Berthe Vernier.  La  maison  close  est  en  dehors  du  monde,  elle  constitue un  univers  hermétique  avec  ses  propres  règles,  comme  le  souligne le  changement  de  nom  auquel  sont  contraintes  les  pensionnaires. L’héroïne ne parviendra  à  s’échapper qu’en  se déguisant  en homme pour éviter qu’on la reconnaisse. Pseudonymes, déguisements et faux documents montrent que la maison de tolérance, plus que tout autre, est un lieu où règnent l’hypocrisie et la duplicité.  Mais la violence de l’enfermement qui prive les jeunes femmes de leur liberté apparaît surtout avec le personnage d’Euloge Tillancourt, pensionnaire contre son gré, qui intervient dans l’intrigue du Tartufe-paillard. Originaire de Normandie, elle a été recrutée par Désiré Buvard, alias La Poule, et appartient au groupe des pensionnaires du 7 bis. Mais elle refuse de se prostituer et supplie Olympe de Sainte-Radegonde de l’autoriser à partir :

       La Normande  eût  attendri  un  tigre  avec  ses  supplications  et  ses larmes, et la gueuse n’eut aucune pitié. […]

      Olympe s’impatienta :       – Assez ! Je vous  l’ai déjà dit :  je n’aime pas  les  jérémiades ! Filez 

dans votre chambre ; lavez-vous les yeux, mettez du rouge, beaucoup de rouge sur votre gueule de pierrot, et descendez au salon retrouver vos camarades... C’est ce que vous avez de mieux à faire !

      – Rien à espérer, Madame ?      – Rien !      – La liberté, au nom de Dieu ?      – Tant que vous serez débitrice de la maison, jamais !       Euloge quitta, chancelante, le cabinet de la proxénète, mais, arrivée 

au  tournant  de  l’escalier,  prise  d’un  coup  de  folie,  elle  gravissait, éperdue, les deux étages qui menaient à sa chambre.

       Quelques minutes  plus  tard,  on  entendit  un  bruit  de  persiennes claquant contre les murailles, puis, le bruit mat d’un corps, s’écrasant sur le trottoir...

       Alors, une clameur monta de la rue, et la maison s’emplit d’un grand tumulte.

      La sous-maîtresse se précipitait dans le cabinet directorial :      – Madame ! un malheur ! Un grand malheur !      – Que se passe-t-il ? demanda la vieille gueuse.       – La  Normande  s’est  jetée  par  la  fenêtre !...  on  vient  de  me  le 

rapporter !10

  Le motif   du  suicide  est  récurrent  chez Dubut de Laforest.  Il  est souvent  l’expression  extrême  d’une  injustice,  comme  celle  dont  est victime  l’écrivain  Jules  Fabrédan  dans  Le Cornac,  et  représente  un bouleversement  de  tout  l’univers  romanesque.  Il  est  utilisé  ici  pour dénoncer le principal travers de la politique réglementariste qui prive les individus de liberté.  Le  destin  d’Euloge  Tillancourt  montre  aussi  un  des  aspects  du fonctionnement  des maisons  de  tolérance  qui  s’appuie  sur  un  réseau de rabatteurs de « marchandise toute fraîche11 ». La jeune femme a été recrutée  contre  son  gré  par Désiré  Buvard  ;  c’est  dans  le  chapitre  4 du  Caissier du tripot  qu’il  apparaît  comme  « racoleur  pour  maisons 

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de  tolérance12 » :  ancien  comédien,  il  fait  passer  dans  les  journaux  de province des annonces pour des emplois de domestiques dans la capitale. Il vient accueillir  les candidates à  la gare pour  les  introduire dans des maisons closes où elles se  retrouvent prisonnières de  leurs dettes. Un peu plus haut dans la série, Olympe de Sainte-Radegonde fait passer des offres d’emploi de professeurs de langue avec la même intention, et dans La Traite des blanches, Ovide Trimardon procède exactement de la même manière que Désiré Buvard pour alimenter son commerce.  Si  l’auteur  présente  les  tenancières  de  façon  nuancée,  les « pourvoyeurs  de  maisons  closes »  se  distinguent  par  leur  cynisme et  leur  cruauté,  à  l’image de Lischen de  Stenberg  qui  n’hésite  pas  à fomenter  le  viol  collectif   de  l’ouvrière  Raymonde  Parigot  dans Les Marchands de femmes.  C’est  principalement  envers  les  trafiquants  de « marchandise toute fraîche » que se porte la condamnation de l’auteur. L’analyse  de  leur  distribution  dans  les  différentes  intrigues  selon  le modèle du schéma actanciel de Greimas13 les place toujours parmi les opposants aux personnages héroïques ; voilà bien une autre manière de les caractériser de façon négative.   Le réquisitoire qui s’exprime à travers une fiction et des personnages chez Dubut de Laforest n’est pas pour autant sans nuances.  Il  a été observé  que  les  personnages  de  tenancières  et  de  sous-maîtresses pouvaient être positifs, à l’instar d’Elvire Martignac dans Les Derniers Scandales de Paris  ou d’Angéla dans La Traite des blanches  qui  alerte  la princesse  de  Mabran-Parisis  afin  de  libérer  les  sœurs  Lamiral.  Par ailleurs, le premier chapitre de Ces Dames au salon et à la mer présente un dialogue entre Horace Dejoux et la sous-maîtresse Adélaïde qui décrit les conditions de vie des pensionnaires exemptes de toute maltraitance. Mais surtout,  la fin du Bandit amoureux souligne de quelle manière  la maison de tolérance peut constituer un refuge contre  la misère avec l’exemple du destin d’Agathe Sorbier, alias Agathe-la-Goule :

       La Goule eut bientôt dépensé  l’argent qui se trouvait sur elle, à  l’heure de  la débâcle ;  elle n’osait  chercher des  leçons, par  crainte de  la police, ni 

s’aventurer dans les marchés galants des Folies-Bergère, du Casino, du Mou-lin-Rouge et de l’Olympia ; elle fit le trottoir, raccrocha des hommes qui la volèrent et la battirent... Le pain manquait... Elle mendia, et l’habitude l’en-hardit jusqu’à implorer un secours de la maison souillée par elle, et, désor-mais, purifiée.

      Que devenir ?       Au bout de quelques jours, il ne lui restait rien du louis d’or de Paul, et on 

allait l’expulser de sa mansarde...       Elle désespérait de Dieu et du diable, quand, tout à coup, se mirant dans 

une glace éraillée, elle rugit :      – Avec des lèvres comme ça, on ne meurt pas de faim !       Le soir même, Mlle Sorbier écrivait à Désiré La Poule, un de ses amants de 

passage, et entrait au « 7 bis », rue de la Victoire. Mme de Sainte-Radegonde et Mlle Adélaïde lui donnèrent des linges fins, 

de longs bas de soie, un magnifique peignoir orange ; et, comme on lui cher-chait un nom de guerre, La Plaçade entra :

      – Tiens, La Goule !      Olympe sourit :      – Mais, oui !... C’est ça !... Belles lèvres... La Goule !...       Dans Les Derniers Scandales de Paris, il y avait, tout de même, des éclairs de 

justice, et rien ne semblait plus légitime que de boucler Agathe-la-Goule en cette maison publique d’où s’échappa l’honorable Vierge du Trottoir.14

  Si l’entrée au 7 bis sauve Agathe de la misère, elle constitue aussi, de par son enfermement et sa soumission au règlement, un châtiment qui s’apparente à un emprisonnement et qui punit l’usurpatrice de ses crimes. La maison de tolérance joue aussi un rôle expiatoire à la fin du Cornac où le baron de Keulsbergh y enferme son épouse pour la punir, après avoir découvert qu’elle le trompait avec une femme.

Échelle sociale des personnages de prostituées

  À aucune occasion Dubut de Laforest ne prend parti ouvertement pour les réglementaristes ou les abolitionnistes, mais en caractérisant de façon singulière les personnages de prostituées, il crée une image du commerce sexuel qui amène à considérer l’ensemble de la question avec 

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un point de vue abolitionniste. Cela apparaît aussi à travers de nombreux exemples  où  il  dénonce  les  excès  de  la  politique  réglementariste. Toutefois,  son  approche  ne  se  limite  pas  à  alimenter  un  débat  lié  à l’actualité de son temps, les nombreux exemples développés dans ses romans élargissent la question de la prostitution à des problématiques sociales plus vastes et préfigurent  les  évolutions que connaîtront  les siècles suivants.  Comme l’explique Alain Corbin, le développement de la prostitution est tel dans les dernières années du xixe siècle qu’il dessine toute une échelle sociale parmi  les  jeunes femmes qui  la pratiquent, parallèle à l’échelle sociale de leurs clients. Au plus bas niveau se situe la « pierreuse » ou « fille à soldat », puis ce sont les « insoumises » et « filles en carte » qui racolent sur le trottoir, les pensionnaires des maisons de tolérance et, au plus haut niveau, les comédiennes et les « grandes horizontales », entretenues  par  de  riches  bourgeois  ou  aristocrates.  Les  romans  de Dubut de Laforest  témoignent de cette hiérarchie en présentant des exemples à chacun des différents échelons.   La  prostitution  la  plus  commune  est  celle  qui  s’exerce  sur  les trottoirs. Les jeunes femmes qui la pratiquent se répartissent en deux groupes : les « filles en cartes », c’est-à-dire enregistrées à la préfecture, comme  les  y  incitent  les différents  règlements,  et  les  « insoumises », non enregistrées, qui sont les plus nombreuses au moment où Dubut de Laforest écrit ses romans. Ainsi, lorsque La Vrille effectue sa première passe dans La Traite des blanches, elle veille à « trimarder » dans une rue où elle est sûre de ne pas rencontrer la police. Parmi les « filles en carte », Pélagie Beaulardon, qui intervient dans Les Petites Rastas, est devenue institutrice après son expérience de la prostitution. Elle est même sur le point de se marier avec son employeur : l’immensément riche Santiago Farabinas,  mais  quand  il  découvre  qu’elle  a  été  enregistrée  comme prostituée, il décide de rompre le projet de mariage.  Le risque d’enfermement est tel pour les « insoumises » que toute rafle policière provoque des mouvements de panique, comme dans 

La Vierge du trottoir où les jeunes femmes se précipitent dans brasserie du Bol d’Or quand  elles  voient  arriver des  agents de  la police des mœurs : 

      Une grande clameur envahissait la brasserie du Bol d’Or.       Des  filles,  affolées,  les  unes  en  cheveux,  les  autres  en  chapeau 

déplumé,  entraient  précipitamment  avec  des  allures  de  bêtes  qu’on traque, et c’étaient des bousculades, des hurlements, des vociférations, un tumulte de parapluies, de bottines et de jupes :

      – La rafle !...      – Acré ! monsieur Jules ! (la brigade des mœurs !)      – Mon homme !... Où est mon homme ?      – Ah ! voilà mon grand chéri !      – Ah ! te voilà, Nib-de-Nib !      – Ah ! te voilà, Foie-de-Veau !      – Ne me lâche pas, mon amour !      – Défends-moi, mon trésor ?      – Acré ! Les Julots ! Les Julots ! (Les agents des mœurs !)       Et les fugitives se serraient autour de leurs hommes, les embrassaient, 

lorsque  parmi  les  dernières  apparurent  Cloé  de  Haut-Brion  et  la Môme-Réséda.15

  Le mouvement de panique est révélateur de  la violence des rafles policières et surtout de l’emprisonnement que risquent les « insoumises ». Il suggère aussi le rôle protecteur des « leurs hommes », les souteneurs. Bien  que  leur  activité  s’apparente  à  une  forme  de  proxénétisme, les  romans de Dubut de Laforest ne  les présentent pas  comme des personnages  négatifs,  violents,  abusant  de  la  crédulité  des  jeunes femmes qui tombent entre leurs bras, contrairement aux « marchands de femmes » et autres « pourvoyeurs de maisons closes ». Ce sera aussi le cas dans La Traite des blanches où  il n’entre aucune contrainte dans la relation entre La Vrille et Le Môme-Goupin ; le souteneur apparaît davantage  comme  un  « amant  de  cœur »  que  comme  un  proxénète. Sa  représentation  n’est  cependant  pas  univoque :  dans  Les Derniers

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Scandales de Paris, le vicomte de La Plaçade oblige sa nouvelle maîtresse, Cloé de Haut-Brion, alias Lilas, à des relations sexuelles contre son gré en usant de chantage affectif.  Nous avons examiné plus haut avec l’exemple du 7 bis la situation des pensionnaires des maisons de  tolérance. Mais  les prostituées  les plus importantes dans l’univers de Dubut de Laforest se situent plutôt au sommet de l’échelle sociale qui vient d’être présentée ; elles seules occupent parfois un rôle essentiel dans les intrigues romanesques. Ce sont surtout les comédiennes et, parfois, les « grandes horizontales ». Dans son ouvrage consacré aux actrices en France au xixe siècle, Anne Martin-Fugier décrit avec précision  leur situation depuis  le Consulat jusqu’à la IIIe République, et elle confirme que, tout au long du siècle, leur métier est lié à l’exercice de la prostitution :

       Une comédienne devait recourir à la galanterie pour avoir un train de  vie  convenable.  Et  d’abord  pour  exercer  son  métier.  Certains journalistes  dénoncent  la  pratique  de  cachets  fictifs  qui  mènent fatalement  les  jeunes  femmes  désireuses  de  jouer  au  théâtre  à  tirer leurs revenus de leurs charmes.16

  Et plus loin : « C’est surtout pour payer les costumes et les bijoux qu’elle portait sur scène qu’une comédienne avait besoin des ressources de la galanterie.17 »  Anne  Martin-Fugier  explique  le  phénomène  essentiellement  par l’insuffisance  des  rémunérations  offertes  aux  actrices,  en  particulier aux débutantes,  contraintes  de  jouer  gratuitement pour  accéder  à  la scène. Ses recherches étayent ce constat avec de nombreux exemples puisés dans la réalité et dans des œuvres romanesques écrites à cette époque. Force est de constater que la plupart des comédiennes dans l’univers  de Dubut  de  Laforest  exercent  un  commerce  vénal,  d’une manière ou d’une autre. C’est d’abord le cas de Jeanne Herbelin dans L’Homme de joie qui consent à devenir la maîtresse de Giacomo Trabelli à la condition qu’il lui verse autant d’argent que son amant précédent, 

le baron Alexandre Kichleff, soit une pension annuelle de cent vingt mille  francs. Cela n’empêche pas  l’auteur de souligner  le  talent de  la comédienne qui triomphe dans Le Supplice d’un homme au théâtre de la Comédie-Parisienne. Son  lecteur découvre aussi  les destins de Marie Quinsac dans La Femme d’affaires, de Germaine des Berges dans Angéla Bouchaud, ou encore les activités fort lucratives de Blanche Latour dans Les Derniers Scandales de Paris. À son sujet, il insiste sur la fortune qu’elle parvient à amasser peu à peu en tirant profit de son « michet » et de ses « michetons », comme cela apparaît dans Le Dernier Gigolo où elle reçoit successivement ses différents amants pris de jalousie après qu’Achille Artaban s’est vanté auprès d’eux d’avoir des relations avec elle sans que l’argent intervienne :

Mlle  Latour,  dès  que  le  quatrième  micheton  se  fut  éloigné,  alla chercher dans un petit secrétaire japonais comme le reste du mobilier, un calepin de cuir de Russie, à fermoir d’or, l’ouvrit à la colonne des recettes et inscrivit :

              15 janvier 1894          De J. V.      ....     200 francs          De A. M.     ....     150 -          De H. N.     ....      (mémoire)          De E. D.     ....     200 francs          De M. Edgard   ....   7.000 -                           -------------          Total       ....    7.550 francs

       La  tenue  des  livres  en  règle,  l’actrice  passa  dans  sa  chambre  à coucher et  se fit habiller par  Jenny. C’était bon pour des michetons comme Jules, Albert, Henri et Étienne (voire même pour le Dernier Gigolo qui ne détestait pas le « débraillé »), un peignoir de satin rose, les babouches de velours noir et la chevelure orageuse, mais pour M. Edgard,  président  de  la Chambre  des  notaires,  administrateur  de  la Caisse d’Épargne, adjoint au maire de son arrondissement, et officier 

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de la Légion d’honneur, il fallait plus que le décorum, et M. Edgard, exact comme une horloge, allait venir dîner.18

  Avec l’exemple de Blanche Latour, les comédiennes n’apparaissent pas  comme  des  victimes,  des  êtres  souffrants  au  même  titre  que les  autres  prostituées.  Au  contraire,  l’actrice  se  distingue  par  son intelligence, une « roublardise ordinaire18 » qui l’enrichit. Elle constitue comme une revanche sur la misère des autres personnages se livrant à la prostitution.  Enfin, au sommet de la hiérarchie se situe la « grande horizontale », maîtresse exclusive d’un homme particulièrement riche. C’est le cas de Christiane de Marbeuf  dans le roman qui porte son nom ; elle vit dans un appartement rue de Rome, rénové et remeublé « selon les désirs de sa jeune maîtresse 20 » par Saturnin Clouard, entrepreneur architecte, qui la comble de « bijoux, de billets bleus, de fleurs, de titres de rentes, de cadeaux de toutes sortes...21 »  Elle établit ainsi une petite fortune qui va lui permettre de se venger de  l’infâme  trahison  de  son  cousin  Gontran  au  début  du  roman. La Grande Horizontale est aussi  le  titre du  troisième  livre des Derniers Scandales de Paris où elle prend les traits de Cloé de Haut-Brion devenue la maîtresse du banquier  Jacques Le Goëz ;  la plus grande partie de ses activités consiste à venir en aide à des personnages déshérités et à briller lors de soirées mondaines.  Comme le montre cette galerie sommaire des principaux personnages de prostituées,  les  romans de Dubut de Laforest décrivent un vaste panorama de  la situation des prostituées de son époque. Il n’est pas sans nuances puisque cela va de  la privation de  liberté  imposée  aux pensionnaires des maisons de tolérance, jusqu’aux fastes des « grandes horizontales ». L’auteur souligne cependant  le caractère exceptionnel de ces dernières et insiste davantage sur la misère qui entoure la plupart des « filles en carte » et autres « insoumises ».

La représentation des prostituées

  Mais  les  romans  de Dubut  de  Laforest  ne  se  limitent  pas  à  une description,  certes  exhaustive,  de  l’échelle  sociale  de  la  prostitution. En  attribuant  à  la  plupart  des  personnages  une histoire  personnelle qui  explique  leur  destin,  il  envisage  en  creux  les  principales  causes du  développement  de  la  prostitution  à  la  fin  du  xixe  siècle,  tel  que le décrit Alain Corbin22. De plus,  la narration  romanesque a ceci de remarquable  qu’elle  offre  la  possibilité  d’associer  aux  personnages des  sentiments  particuliers ;  elle  permet  ainsi  d’envisager  comment la  prostitution  est  éprouvée  par  celles  qui  l’incarnent.  En  usant des  artifices  de  la  création  littéraire, Dubut  de Laforest  tend  à  faire évoluer la représentation de la figure de la prostituée chez son lecteur, ce  qui  ancre  son œuvre  dans  le  débat  de  son  époque,  opposant  les  abolitionnistes aux réglementaristes, et au-delà, témoigne d’une analyse particulièrement  lucide du phénomène qui trouvera, tout au  long du xxe siècle et aujourd’hui encore, des prolongements dans notre manière de considérer les amours vénales.  À  plusieurs  reprises,  l’auteur  fait  exprimer  à  ses  personnages  les circonstances qui  les ont  conduits  au  commerce  sexuel. C’est  le  cas dès La Bonne à tout faire où Ravida Brizol,  ancienne connaissance de l’héroïne, Félicie Chevrier, témoigne de son histoire à la servante de la famille Vaussanges quand elle la rencontre dans les rues enneigées de la capitale :

      Déjà, elle entamait le récit de sa lamentable odyssée.       – À Bordeaux...      – Fais vite, interrompit la bonne, je suis pressée, et il neige !...        La neige  tombait,  les  couvrant  toutes deux de fleurs  et  d’étoiles. 

La nature  insouciante métamorphose  souvent  ainsi  les guenilles des pauvrettes en robes de princesses, à la splendeur des floraisons du ciel. 

      – Voici, dit Ravida, c’est bien simple...      – Vite !... Vite !... 

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       – Si  tu  me  coupes  toujours !...  À  Bordeaux,  mon  patron  m’a engrossée...

      – Ton patron, M. Célestin, le riche fabricant de cierges ?       – Oui... Il m’a prise vierge...      – P’sss’...       – Je t’assure !... Je ne savais pas ce que c’était... Je me serais méfiée, 

autrement... Quand j’ai été grosse, il m’a flanquée à la porte...      – Sans un sou !      – Avec soixante-quinze francs...      – C’est peu !...       – J’ai accouché d’un bébé gentil... gentil tout plein... Je n’avais pas 

de  lait ou mon lait ne valait rien... Toujours est-il que mon bébé est mort... Ça m’a donné un coup !... Oh !... Alors, j’ai fait la noce... 

      – À Bordeaux ?       – À Bordeaux... À Paris...      – Conte-moi Paris... Retournons...       – En  commençant,  très  bien...  Dans  les  environs  des  gares,  j’ai 

gagné  de  la  monnaie  et  j’ai  loué  un  appartement,  rue  de  Naples... J’avais beaucoup de petits amis, des Bordelais, surtout à l’époque du Grand Prix : ils s’étaient donné mon adresse et venaient les uns après les  autres...  des Parisiens  aussi... Mon nom de  guerre  a  été dans  les journaux...  Les Bordelais m’avaient  surnommée :  « Quinconces, »  et les journalistes trouvaient cela très drôle...23

  La destinée de Ravida Brizol donne le sentiment d’une chute, d’un effondrement. Cette impression est accentuée par l’image préalable des deux jeunes femmes sous la neige dont les flocons sur leurs vêtements sont comparés à des fleurs et  à des étoiles. Elles prennent  ainsi des allures de princesses, tandis que Ravida décrit ensuite son expérience de la prostitution comme l’aboutissement d’une dégringolade qui part de la grossesse provoquée par le patron fabricant de cierges, coupable, comme  beaucoup  d’autres  dans  les  romans  de  Dubut  de  Laforest, d’abandonner la femme qui attend son enfant. Le personnage de Ravida Brizol donne par ailleurs une clé à l’interprétation du roman puisqu’à 

l’origine de sa déchéance se situe le droit de cuissage exercé par son ancien employeur, situation que connaît également Félicie Chevrier, la « bonne à tout faire », avec son employeur Théodore Vaussanges, haut fonctionnaire au ministère des Finances. Ainsi, le triomphe de la bonne et la ruine de la famille bourgeoise peuvent être interprétés comme une revanche, le rétablissement d’un équilibre rompu par la détresse de son ancienne amie.  Dans  la série des Derniers Scandales de Paris,  la  tenancière du 7 bis, Elvire Delarue est contrainte d’expliquer son parcours à son fils quand il découvre son activité qui lui était inconnue. Il présente de nombreuses similitudes avec celui de Ravida Brizol :

       – J’avais dix-huit ans... J’étais une sage et laborieuse ouvrière dans un magasin de mode, à Senlis, dans l’Oise... Certain jour, un homme m’a  entraînée,  sous un prétexte menteur,  en  la  chambre d’un grand hôtel,  et  là...  là...  il m’a  saisie...  attachée...  et  violée... Ensuite,  il m’a demandé  pardon...  m’a  juré  le  mariage,  et,  libre,  je  suis  revenue, croyant à ses serments... J’étais enceinte... L’homme a disparu, et j’ai frappé inutilement à la porte de sa maison... Chassée par mes parents – d’honnêtes  et  humbles  commerçants  de  la  ville  – je  suis  venue  à Paris...  là,  je voulais travailler... Une vie de misère a commencé, plus dure,  au  lendemain  de  mes  couches...  J’ai  rencontré  une  mauvaise femme ; Madame Olympe de Sainte-Radegonde, qui m’a trompée... et j’ai vendu mon corps, parce que tu mourais de faim...24

  L’élément  déclencheur,  commun  aux  deux  personnages,  est l’abandon d’un séducteur qui les prive de ressources ; elles n’ont alors d’autre moyen de gagner de l’argent que de vendre leur corps.   La  prostitution  est  présentée  comme  l’issue  d’un  effondrement, l’aboutissement d’une chute que l’on retrouve aussi bien chez Cloé de Haut-Brion quand elle devient Lilas dans Les Derniers Scandales de Paris que chez Agathe Sorbier qui finit par s’enfermer entre les murs du 7 bis pour échapper à la détresse.

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  À quelques reprises, les prostituées décrivent ce qu’elles éprouvent dans leur activité. Le suicide d’Euloge Tillancourt a montré combien la situation des pensionnaires de maisons closes pouvait être intolérable. Mais c’est dans Le Gaga que se situe l’exemple le plus significatif  dans la lettre de La Goulue en réponse à la sollicitation de la comtesse de Mauval qui souhaite connaître ses secrets de séduction.

       Nous sommes les horizontales et les agenouillées. Les agenouillées ! Chacune d’entre nous a son nom de guerre, qui est presque toujours une flétrissure. – Moi, on me nomme « La Goulue »... Les agenouillées !... Oh !  comprenez-vous  tout  ce qu’il  y  a d’injurieux,  de flétrissant,  de cynique, dans cette épithète ?...25

  Quand elle envisage sa situation, La Goulue la présente comme une profonde humiliation avec la métaphore de la posture de soumission. Sa répétition dans des phrases de type exclamatif  marque la violence qu’elle en ressent et la honte qu’elle en éprouve. Elle suggère une perte d’autonomie et un complet asservissement aux désirs du client qui sont envisagés un peu plus loin :

       L’homme est obligé d’être respectueux avec sa femme ; et l’homme a toujours en lui – entendez-moi bien – une bête qui gronde. Votre naïveté et  votre  pudeur  le  charment,  tant  que  durent  ces moments  si  courts appelés bizarrement « lune de miel », alors que tout y est force, puissance et flamme : c’est le « mois de soleil et de vinaigre » qu’il faudrait dire...

       Plus tard, le mari, après quelques années de ménage, bien avant qu’il soit vieillard, le mari a des désirs qu’il n’ose pas soupirer à votre oreille chaste, et il vient chez nous, à cause de notre impudeur.

       La  bête  gronde ;  elle  hurle.  Pour  l’apaiser,  nous  lui  vendons  les ivresses de la sensualité, des ivresses inconnues, car nous sommes des inventeurs, madame, des inventeurs qui inventent toujours.26

  Pour  La  Goulue,  le  désir  masculin  est  la  cause  principale  du développement de la prostitution. En lui associant la métaphore de la 

« bête qui gronde », elle le prive de dimension sentimentale et le définit comme une expression de brutalité. Il perd toute forme de délicatesse en prenant les chemins de la vénalité. La métaphore qui se prolonge avec l’emploi du verbe « hurler » en fait au contraire une marque de violence concrétisant un débordement émotionnel que ses clients ne semblent pas en mesure de contrôler.  Le sentiment de honte décrit par La Goulue apparaît de différentes manières  dans  la  suite  de  l’œuvre  où  il  est  présenté  comme  une flétrissure :  dans  Les Petites Rastas,  l’expérience  de  la  prostitution empêche Pélagie Beaulardon de se marier avec Santiago Farabinas. Et il est partagé par l’ensemble des personnages : dans Les Derniers Scandales de Paris, il conduit l’héroïne Cloé de Haut-Brion à cacher son passage au  7  bis  aussi  bien  à  la mère  de  son  fiancé  qu’à  son  amie Annette Loizet.  La  caractérisation  des  prostituées  dans  l’univers  de  Dubut  de Laforest participe à la création d’un faisceau de significations incarné par  les  personnages  de  prostituées  qui  explique  dans  une  large mesure leur si grande présence dans son œuvre. Chez La Goulue, par exemple,  le  commerce  sexuel  est un  signe de honte, d’humiliation. Plus largement, il est le symptôme d’une déchéance dans la société. Or,  une  grande  partie  de  l’œuvre,  en  particulier  les  romans  écrits dans  la  seconde  partie  des  années  1880,  développe  le motif   de  la déchéance avec les destins du comte de Mauval dans Le Gaga, de la famille Vaussanges dans La Bonne à tout faire ou de Gontran de Torcy dans Mademoiselle de Marbeuf. Par ailleurs, comme le remarque Simone de Beauvoir :

       La  femme  légitime,  opprimée  en  tant  que  femme  mariée,  est respectée en tant que personne humaine ; ce respect commence à faire sérieusement échec à l’oppression. Tandis que la prostituée n’a pas les droits d’une personne, en elle se résument toutes les figures à la fois de l’esclavage féminin.27

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  L’extrême  faiblesse  des  prostituées  et  leur  soumission  aux  désirs masculins  amènent  à  les  considérer  comme  une  métonymie  de  la condition féminine, thème qui occupe une position centrale dans toute l’œuvre, comme le montre un article récent28. Enfin, à la prostituée sont associés les thèmes de l’adultère, omniprésent dans les premiers romans, et de l’argent, prépondérant à partir de La Femme d’affaires en 1890. Dès lors la question qui se pose dans la création de l’univers romanesque de Dubut de Laforest  est  celle d’une alternative :  l’omniprésence de la prostitution est-elle le reflet des principaux motifs qui caractérisent l’ensemble de  l’œuvre ? ou bien,  l’œuvre  est-elle dans  son  ensemble un  développement  du  réseau  sémantique  lié  aux  personnages  de prostituées ?  En dépit du sentiment de honte qui les entoure, elles occupent dans les  différentes  intrigues  une  position  qui  les  range  plutôt  parmi  les adjuvants des figures héroïques, selon le modèle de Greimas. Et c’est principalement avec ce procédé que l’auteur tend à faire évoluer leur représentation. Dans La Femme d’affaires, Blanche d’Ermont joue le rôle d’ange  gardien  d’un  aristocrate  désargenté,  le  comte  des Ombraies. Au début du roman elle rachète, pour les lui restituer, les meubles qui viennent d’être saisis dans son appartement. Il les retrouve ainsi chez lui accompagné d’un pli de la jeune femme :

       Tous les meubles étaient à leur place, et sur le petit bureau Louis XIV il prit une  lettre,  la décacheta ; deux billets de mille francs s’en échappèrent.

       « Mont Cricri âdorêt, pardone-moi ! mé, ça me faizé tro de pêne de te savoire san mobilié. J’ai tout rachté. Les voilà ! Inutile de lé ranvoyer. J’ai déménagé, et l’anciène concierge ne donnera pas l’adraisse de celle qui tème, qui t’âdore, et voudrait veiller sur ta vi, mont doux et gran seigneur, – veiller, comme un hange gardien. Marie-toi, Cricri, et sois heureux !

      Blanche »29

  L’orthographe défectueuse est une manière de souligner les origines modestes de l’héroïne ; la naïveté de certaines formules ainsi que l’idée de pureté associée à son prénom insistent quant à elles sur sa générosité et  sa  simplicité,  alors que  tout  l’univers du  roman  se  caractérise par le cynisme et l’égoïsme afférents au monde de l’argent. Bien d’autres exemples  confirment  la  valeur  positive  associée  de  cette  façon  aux personnages de prostituées : La Goulue apporte tout son soutien à la comtesse de Mauval dans Le Gaga ; dans Les Derniers Scandales de Paris, la pensionnaire Léa vient en aide à Cloé de Haut-Brion pour qu’elle s’enfuie du 7 bis et elle la protège lors de son passage à la prison de Saint-Lazare ; et c’est encore  le cas de Marina Paskoff  qui permet à Mademoiselle de Marbeuf  d’échapper à sa détresse dans le roman qui porte son nom.  L’auteur use d’autres procédés pour améliorer l’image des prostituées. Dans  « Les  Parents  de  l’horizontale  »,  il  insiste  sur  la  dignité  du personnage principal qui s’oppose à la veulerie de ses parents paysans. À  plusieurs  reprises  également,  certaines  prostituées  expriment  les sentiments  amoureux  qu’elles  éprouvent,  tel  le  personnage  de  La Mésange dans Messidor, qui joue aussi le rôle de protectrice de l’héroïne, opposée à l’horrible criminel Étienne Daupier. Enfin, dans Morphine, Thérèse de Roselmont et Luce Molday éveillent  les rares sentiments généreux de Raymond Pontaillac qui se reproche de les avoir initiées à la drogue qui le détruit.  Ainsi,  les  prostituées  apparaissent  dans  l’œuvre  de  Dubut  de Laforest  comme des personnages paradoxaux :  elles  incarnent  à  la fois une forme de déchéance et de honte, mais elles sont aussi les plus nombreuses à venir en aide aux héros quand ils se trouvent dans une situation difficile. Par  cette distribution originale dans  les  intrigues romanesques, l’auteur incite son lecteur à considérer les personnages de prostituées avec une certaine bienveillance, à voir en elles avant tout  les  victimes  d’une  réalité  sociale,  de  la  condition  féminine  et de  désirs  masculins  incontrôlés.  Il  semble  ainsi  très  proche  des 

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thèses  abolitionnistes  qui  ne  cherchent  pas  à  endiguer  le mal  que représenterait la prostitution par le biais d’une réglementation sévère, mais qui entend au contraire protéger les jeunes femmes des mauvais traitements et des atteintes à la liberté imposées par les règlements les concernant.

*

  Le  recueil  des Documents humains  présente  un  texte  intitulé  « La police et les filles » où Dubut de Laforest fait part de ses critiques sur la  police  des mœurs,  à  l’instar  d’Yves Guyot,  farouche opposant  au réglementarisme. Il cite l’exemple des « violences odieuses commises autrefois sur la personne de Mlle Rousseil », interpellée brutalement par un  agent des mœurs  en 1876, pour demander  à  ce que  les policiers soient vêtus d’un uniforme permettant de les identifier et les obligeant à  davantage  de  réserve.  La  fin  du  texte  élargit  la  question  de  la prostitution  en  la  reliant  cette  fois  à  celle  du  travail  féminin. Ainsi, l’écrivain trouve une origine au développement de la prostitution dans les nombreuses discriminations subies par les femmes dans la société de  son  temps. Avec Alphonse Karr,  il propose  simplement d’ouvrir aux femmes certains métiers réservés aux hommes pour faire reculer leur misère  et  leur  donner  d’autres  possibilités  de  ressources  que  le commerce de leur corps. Le texte s’achève sur l’ambition que l’auteur donne  à  son  écriture, même  si  c’est  pour  remettre  en  question  son efficience :

       Et,  au milieu  de  la  réalité  brutale  et  vivante,  – après  avoir  vu  la misère de Paris et  la misère de Londres, plus effrayante encore, –  je m’interroge et  je me demande si  elles n’auront pas enfin  leur utilité sainte, ces  feuilles de papier que nous noircissons, à  tour de bras et à triple tour de cerveau, plus vite ou plus lentement, selon les forces vitales, selon les facultés propres au labeur.32

  Dans  ses  écrits,  l’auteur  cherche  donc  une  « utilité  sainte ».  En soulignant pour  les dénoncer  les  injustices et autres  infamies de son temps, il crée le concept d’un « roman social », expression qui apparaît dans La Traite des blanches, c’est-à-dire qui se donne une finalité dans l’environnement de son écriture. Le cas de la prostitution est exemplaire de  cette  démarche ;  il  en montre  les  différentes  facettes de manière quasi  exhaustive,  scientifique  pourrait-on  dire  aujourd’hui,  et  insiste sur les douleurs qui lui sont liées pour inciter à mettre en œuvre des solutions qui se situent dans le domaine politique.   Le  sujet  de  la  prostitution  caractérise  l’univers  romanesque  de Dubut de Laforest  qui  s’inscrit  dans un débat  social  et  rejoint dans une large mesure le combat des abolitionnistes, en particulier dans La Traite des blanches où il cite le congrès international organisé à Londres en 1899, sans pour autant se réclamer de cette tendance, ce qui évite à sa démarche de sembler partisane. Il montre que  la question de  la prostitution est liée à celle de la condition féminine, par une relation de métonymie, comme le soulignera plus tard Simone de Beauvoir, mais aussi par une relation de conséquence de l’exposition des femmes aux phénomènes de misère, en raison d’un accès à  l’emploi plus difficile et de salaires plus limités. En insistant sur ces nombreuses injustices, il représente les prostituées avant tout comme des victimes. Cette re-présentation contribue au triomphe de l’abolitionnisme en France au xxe  siècle en  fournissant un autre argument que  l’attachement à une moralité  religieuse. De  cette manière,  son œuvre  trouve  une finalité qui dépasse le cadre de la littérature et elle rejoint l’ambition du projet naturaliste.

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Notes

1.     LARROUX, Guy. Le Réalisme : éléments de critique, d’histoire et de poé-tique, Paris, Nathan université, 1995.

2.     ZOLA, Émile. Le Roman expérimental. Paris : Garnier-Flammarion, 2006. p. 55.

3.    ZOLA, Émile. L’Assommoir Préface4.     COLIN, René-Pierre. Zola renégats et alliés : la République naturaliste. 

Lyon : Presses universitaires de Lyon, 1988.5.   ZOLA, Émile. Le Docteur Pascal. Paris : Le livre de poche, 2004. p. 306 6.     Les Derniers Scandales de Paris.  Livre  IV. Le Dernier Gigolo.  Paris  : 

Fayard, 1898-1900, p. 127.7.    PARENT-DUCHÂTELET, Alexandre-Jean-Baptiste. De la prosti-

tution dans la ville de Paris, considérée sous le rapport de l’hygiène publique, de la morale et de l’administration. Paris : J.-B. Baillière, 1836.

8.    De Ordine, lib. II, cap.IV §12. Cité dans CORBIN, Alain. Les Filles de noce : misère sexuelle et prostitution au xixe siècle. Paris : Flammarion, 1982. p. 14.

9.    Les Derniers Scandales de Paris.  Livre V. Madame Don Juan. Op. cit., 1898-1900, p. 129

10.  Les Derniers Scandales de Paris. Livre VIII. Le Tartufe-paillard. Op. cit., p. 122-123.

11.  Les Derniers Scandales de Paris. Livre VI. Le Caissier du tripot. Op. cit., p. 72.

12. Ibid., p. 74.13.  GREIMAS, Algirdas Julien. Sémantique structurale : recherche et méthode. 

Paris : Larousse, 1966. Voir en particulier p. 172-191.14.  Les Derniers Scandales de Paris. Livre XIV. Le Bandit amoureux. Op. cit.,

p. 142.

15.  Les Derniers Scandales de Paris. Livre I. La Vierge du trottoir. Op. cit., p. 104.

16.  MARTIN-FUGIER, Anne. Comédiennes, les actrices en France au xixe siècle, Paris : éditions du Seuil, 2001, p. 319.

17.  Ibid., p. 319-320.18.  Les Derniers Scandales de Paris. Livre IV. Le Dernier Gigolo. Op. cit., p. 

37-38.19. Ibid.20. Mademoiselle de Marbeuf. Paris : Dentu, 1888, p. 151.21. Ibid., p. 154.22.  CORBIN, Alain. Les Filles de noce : Misère sexuelle et prostitution 

au xixe siècle. Paris : Flammarion, 1982.23. La Bonne à tout faire. Paris : Dentu, 1886, p. 108.24.  Les Derniers Scandales de Paris. Livre VI. Le Caissier du tripot. Op. cit.

p. 21-22.25. Le Gaga. [1885]. Milan : Cisalpino, 2008, p. 123.26. Ibid. p. 122.27.  BEAUVOIR, Simone de. Le Deuxième Sexe [1949]. Livre II. Paris : 

Gallimard, 1976, p. 425.28.  SALAÜN, François.  « La  femme dans  les  romans de  Jean-Louis 

Dubut de Laforest ». L’Ull Crític numéro 15-16, 2012, Université de Lleida. 55-72

29. La Femme d’affaires. Paris : Dentu, 1890, p. 65-66.30. Contes à la lune. Paris : Dentu, 1889,  p. 55-6631. GUYOT, Yves. La Prostitution. Paris : G. Charpentier, 1882.32. Documents humains. Paris : Dentu, 1888. p. 87.

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