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Quelle place pour l’avocat dans l’accès au droit des Pensions Militaires d’Invalidité ? Introduction Le contexte de la présente réflexion Un cycle de rencontres autour du droit des Pensions Militaires d’Invalidité (PMI) a été mis en place par le Barreau de Rennes à l’initiative de Monsieur le Bâtonnier Stéphane GARDETTE. Une première rencontre s’est tenue le 20 juin 2013 à la Maison des Combattants de Rennes en partenariat avec l’ARAC (Association Républicaine des Anciens Combattants). Une présentation générale concernant le régime des pensions militaires d’invalidité fut faite par Monsieur Michel DESRUES, ancien directeur de l’ONAC de la Mayenne. Ensuite, le principal sujet abordé fut le double cantonnement du forfait de pension (Conseil d’Etat, MOYA-CAVILLE, Assemblée, 4 juillet 2003, n° 211106, Conseil d’Etat, 25 juin 2008, n° 286910). Une seconde réunion sur l’actualité jurisprudentielle en matière de PMI s’est déroulée à la Maison de l’Avocat de Rennes le 19 décembre 2013. Une troisième réunion s’est tenue le 05 juin 2014 également à la Maison de l’Avocat de Rennes.

Quelle place pour l'avocat dans l'accès au droit des pensions militaires d'invalidité

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Quelle place pour l’avocat dans l’accès au droit des Pensions

Militaires d’Invalidité ?

Introduction

Le contexte de la présente réflexion

Un cycle de rencontres autour du droit des Pensions Militaires d’Invalidité (PMI) a été mis en place par le Barreau de Rennes à l’initiative de Monsieur le Bâtonnier Stéphane GARDETTE. Une première rencontre s’est tenue le 20 juin 2013 à la Maison des Combattants de Rennes en partenariat avec l’ARAC (Association Républicaine des Anciens Combattants). Une présentation générale concernant le régime des pensions militaires d’invalidité fut faite par Monsieur Michel DESRUES, ancien directeur de l’ONAC de la Mayenne. Ensuite, le principal sujet abordé fut le double cantonnement du forfait de pension (Conseil d’Etat, MOYA-CAVILLE, Assemblée, 4 juillet 2003, n° 211106, Conseil d’Etat, 25 juin 2008, n° 286910). Une seconde réunion sur l’actualité jurisprudentielle en matière de PMI s’est déroulée à la Maison de l’Avocat de Rennes le 19 décembre 2013. Une troisième réunion s’est tenue le 05 juin 2014 également à la Maison de l’Avocat de Rennes.

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Elle fut focalisée sur le rapport adressé au président de la République le 18 novembre 2013 par le Comité d’Entente des Grands Invalides de Guerre (CEGIG). Dans ce rapport, intitulé « Blessés pour la France, blessés par la France », le double cantonnement du forfait de pension (expression du Commissaire du Gouvernement CHAUVAUX dans ses conclusions sur l’arrêt MOYA-CAVILLE du 4 juillet 2003 précité) est également décrit et est appelé « réparation BRUGNOT » (Conseil d’Etat, BRUGNOT, 1er juillet 2005, n° 258208). Le travail représenté par ce rapport, rédigé par notre Consœur Véronique de TIENDA-JOUHET, a été considérable. Les annexes, disponibles en ligne (http://pensions-militaires.org/), sont particulièrement intéressantes et permettent à tout avocat souhaitant se familiariser avec la matière de le faire. Suite à ce rapport, qui présente 30 propositions émanant d’organisations de blessés et d’invalides de guerre, le Commissaire en Chef de 2ème classe Gaël DETTWILLER a été désigné le 17 décembre 2013 pour suivre une mission de réflexion autour du droit à réparation des militaires. Dans ce cadre, il est légitime que les avocats du Barreau de Rennes fassent valoir leur position. Le présent document a été élaboré suite aux échanges du 05 juin 2014 entre avocats bretilliens membres du groupe de droit des Pensions Militaires d’Invalidité (PMI). Le groupe rassemble les avocats qui acceptent d’être désignés dans des dossiers relevant de cette matière. Les trois réunions précitées des 20 juin 2013, 19 décembre 2013 et 05 juin 2014, visaient d’ailleurs à permettre aux avocats intervenant en PMI d’aborder ensemble l’actualité juridique dans ce domaine où les commentaires doctrinaux et les formations disponibles ne sont pas toujours fréquents. Les travaux du ministère de la Défense avancent rapidement. Aussi, il est à espérer que la discussion entamée à Rennes soit suivie par d’autres débats au sein de la profession d’avocat afin que cette dernière puisse faire valoir ses attentes.

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Les propositions formulées Les constats du CEGIG sont largement partagés par les avocats intervenants en matière de PMI sur le Barreau de Rennes. Toutefois, les propositions formulées pour pallier les difficultés à surmonter peuvent parfois différer. Lors de la réunion du 05 juin 2014, l’accent a été mis sur 5 points concernant les actions à mettre en place pour améliorer la situation :

- Une information juridique accessible à destination des justiciables (l’avocat permettant de créer un lien entre générations pour favoriser la transmission de l’expérience et de l’information en matière de droit des PMI)

- La valorisation de l’intervention des avocats qui honore ces

derniers dans un domaine où on ne peut guère les suspecter de mercantilisme (ce qui constitue une garantie pour le justiciable)

- L’importance d’un droit des pensions militaires d’invalidité équilibré et humain afin d’éviter le sentiment d’abandon qui frappe parfois ceux qui ont combattu pour la France (l’avocat constituant une ultime ressource car il est l’un des derniers intervenants accessibles)

- Le caractère indispensable de l’accès à des conseils indépendants pour les personnes sollicitant une pension militaire d’invalidité (ce qui implique une prise de position des associations d’anciens combattants quant au marché du droit où évolue l’avocat)

- La nécessité de soutenir l’effort de compétence et d’innovation des avocats, qui interviennent à titre professionnel, ce qui implique un modèle économique pérenne. Cela encouragerait l’adaptation à un système juridique qui évolue aussi vite que la société

Le présent document vise à détailler chacun de ces points.

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1/ Pour une information juridique accessible sur les PMI Ceux qui souhaitent s’informer sur les pensions militaires d’invalidité disposent certes du site http://pensions-militaires.org/ et du blog de l’ARAC 35 (http://www.legavox.fr/blog/arac35/), mais ces sources n’ont pas encore un renom suffisant. On doute que les pages internet concernées ne permettent d’éviter les erreurs procédurales commises par des justiciables isolés. Cette atomisation du public intéressé par les PMI est liée à des difficultés structurelles dans ce champ pour la transmission entre les générations (1.1) dans un contexte où le droit évolue vite (1.2).

1.1/ La difficulté de transmission liée aux ruptures générationnelles Ceux qui ont combattu pour la France méritent notre gratitude et notre respect. Pourtant, ils subissent des difficultés dans l’accès au droit lorsqu’ils souhaitent obtenir réparation pour les blessures ou les pathologies liées à leur engagement. Cette situation n’est pas nouvelle et s’explique par des éléments inhérents à l’évolution historique des conflits dans lesquels notre pays a été impliqué. La loi du 31 mars 1919, qui a établi les bases du droit des Pensions Militaires d’Invalidité, fut évidemment marquée par le contexte de la guerre de 1914-1918. La mobilisation considérable des armées dans un conflit long et sanglant a induit la présence dans la société de l’entre-deux-guerres de millions d’anciens combattants dont beaucoup avaient été blessés, mutilés ou gazés. La guerre de 1939-1945 a généré une première rupture difficile à gérer, notamment pour les associations d’anciens combattants susceptibles d’apporter une information sur le droit des PMI. Le droit à réparation concernait désormais non seulement des vétérans des armées de 1939-1940 mais aussi ceux de la France Libre et de la Résistance ainsi que leurs familles. Cela a représenté une première mutation sociologique forte ainsi qu’une difficulté au plan de l’état d’esprit.

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Le combattant incorporé classiquement pour aller se battre à Verdun en 1916 est dans une optique certes compatible, mais tout de même différente de celle du partisan qui refuse le Service du Travail Obligatoire et prend le maquis en 1943. Les personnes de tous âges qui ont aidé le Bureau des Opérations Aériennes en 1944 et ont, hélas, pu le payer de leur vie, laissent des familles qui ont un droit à réparation. Or, ces personnes n’avaient pas forcément une culture immédiatement commune avec celle des vétérans de la guerre de 1914-1918. Dans le même temps, c’est par la loi du 6 août 1947 que la codification du Code des Pensions Militaires d’Invalidité est intervenue. Cette diversité du monde combattant s’est accentuée avec la guerre d’Indochine, qui fut conduite par des engagés, et où la Légion étrangère (regroupant des soldats de nombreuses nationalités ayant participé au conflit de 1939-1945, y compris pour les puissances de l’Axe) a eu une place importante. La guerre d’Algérie a impliqué une autre rupture majeure, avec la présence massive du contingent dans un conflit visant à maintenir l’autorité de la France sur des territoires où des mouvements aspiraient à l’indépendance. La guerre du Golfe de 1990-1991, les opérations dans les Balkans, au Kosovo, en Afghanistan, en Lybie, au Mali ou en Centre-Afrique représentent un nouveau type de conflits où, à nouveau, les soldats sont des engagés et où il ne s’agit pas de maintenir la continuité de l’autorité de la France sur un territoire. Le recrutement très diversifié de l’armée implique ici un public qui n’a pas le même profil que les vétérans de la guerre d’Algérie, dont l’apport a été essentiel pour vivifier les associations d’anciens combattants et prendre la relève des vétérans de la guerre 1914-1918. On notera que les contrats des soldats, depuis la professionnalisation des armées, sont courts, avec, bien souvent, une durée de huit ans au total. Cela implique une reconversion et le passage à un autre monde professionnel extérieur à l’univers de la défense nationale. Le monde combattant en France est donc multiforme au plan des trajectoires de vie, ce qui ne facilite pas la transmission de l’information dans des structures continues. Les familles des vétérans de 1914-1918 et de 1939-1945, qui ont aussi connu l’évolution de la société, peuvent

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servir de ciment pour faire le lien avec les vétérans des conflits postérieurs à 1990. Au final, la richesse du paysage associatif dans le monde combattant reflète la multiplicité des parcours, ce qui est important pour que chaque ancien combattant puisse se sentir à l’aise dans la structure où il s’implique. Néanmoins, cela rend également difficile la transmission de l’information d’une génération à l’autre.

1.2/ L’impératif d’adaptation à un droit complexe et mouvant Le tableau très sommaire effectué ci-dessus vise à montrer que le point de départ de la réflexion n’est pas l’intérêt de la profession d’avocat qui chercherait constamment de nouveaux marchés mais bien la situation des justiciables par rapport au droit à réparation. En effet, le droit des pensions connaît, depuis le début des années 2000, une évolution rapide. Le double cantonnement du forfait de pension, depuis 2003, est le premier élément de cette évolution. Auparavant, toute personne citée par le Code des Pensions Militaires ne pouvait réclamer la moindre indemnisation selon le droit commun. Désormais, les personnes citées par le Code des Pensions Militaires d’Invalidité peuvent réclamer à la fois les préjudices qui ne sont pas indemnisés par ce Code (préjudice moral, préjudice esthétique, préjudice de douleur, préjudice d’agrément…) mais aussi une indemnisation complémentaire en cas de faute de l’Etat ayant entraîné une blessure ou une pathologie. Force est de constater que nombre de militaires et leurs familles ignorent cette jurisprudence et omettent de solliciter les indemnisations rendues possibles par le double cantonnement. Le rôle des avocats est de rendre cette information disponible, pas seulement auprès de leurs clients particuliers, mais aussi à destination d’un public plus large. Le rapport du CEGIG précité, rédigé par notre Consœur de TIENDA-JOUHET, participe de cette information salutaire, tout comme les articles que le Réveil des Combattants, journal de l’ARAC, a bien voulu faire paraître en octobre 2013 (n° 797, p. 23).

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De la même manière, la question de la motivation des appels est importante. De nombreux greffes n’indiquent pas, lors de la notification des jugements des tribunaux des pensions, que les appels doivent impérativement être motivés pour être recevables. Le justiciable isolé qui rédige seul son appel, s’expose donc à une déclaration d’irrecevabilité. Le concours de l’avocat, qui n’intervient qu’après la saisine de la juridiction, se révèle alors inutile, car le mal est fait. Toute régularisation en dehors du délai de recours, qui est de deux mois, semble impossible. Le Conseil d’Etat (8ème section jugeant seule, 21 octobre 2013, n° 359997) se montre particulièrement sévère sur cette question et la Cour Régionale des Pensions de Rennes suit la même position (arrêt du 7 février 2014, RG n° 11/00031). Un travail important de veille procédurale doit donc être effectué par les avocats, dès lors que les associations sont diverses et se consacrent aussi aux questions mémorielles. Le rôle des avocats paraît essentiel pour donner ces informations cruciales. A titre institutionnel, les associations d’anciens combattants et les Barreaux peuvent également veiller à réclamer une publicité plus grande des arrêts des Cours Régionales des Pensions. C’est là une mesure qui n’est pas forcément coûteuse pour l’Etat en ces temps de contraintes budgétaires. Enfin, il appartient aux associations d’anciens combattants d’être plus présentes sur internet pour donner leur position quant aux questions juridiques, afin d’assurer un lien entre les générations. Le CEGIG l’a fait, comme on l’a vu plus haut et l’ARAC conduit également une action en ce sens. On ne peut que regretter la disparition du journal de l’administration des pensions qui était mis en ligne, Regards sur l’Invalidité (dernier numéro paru en août 2011). Cette publication participait d’un débat équilibré et d’une information plus complète du citoyen, dans le cadre d’une forte évolution de la structuration territoriale des services concernés. Néanmoins, il est possible de se référer aux rapports du Haut Comité d’Evaluation de la Condition Militaire (HCECM) créé par le décret n° 2005-1415 du 17 novembre 2005. Le format de ces documents (souvent plus de 400 pages) est, cependant, moins propice à la communication à destination d’un large public.

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2/ La garantie apportée par les avocats

Malgré l’utilité que pourrait avoir pour les justiciables la consultation préalable d’avocats formés à la matière, bien des administrés ont une vision inadaptée de notre profession du fait de certaines mauvaises habitudes prises par une partie du public (2.1), d’où des confusions ainsi que des attentes démesurées qui finissent par se porter sur l’administration (2.2).

2.1/ La confusion sur le rôle des avocats En application de l’article 8 du décret n° 59-327 du 20 février 1959, l’assistance judiciaire est de droit pour tout justiciable qui la demande en matière de pensions militaires d’invalidité. De 1959 à 2001, l’avocat intervenant dans ce domaine ne bénéficiait d’aucune indemnisation de la part de l’Etat. Cela signifiait que l’avocat n’était pas rétribué ni même indemnisé, à moins que le justiciable n’ait accepté volontairement de le rémunérer, ce qui était rarissime. Le concept de gratuité a profondément marqué ce champ du droit. En effet, ce qui ne coûte rien ne vaut pas toujours grand-chose aux yeux des consommateurs. Car c’est bien une forme de consumérisme qui a été générée par ce système. Le justiciable qui sait que le professionnel du droit censé travailler pour lui ne sera pas rétribué n’a aucune confiance dans la prestation dont il bénéficie. Certes, il peut tenter d’initier un rapport de force en espérant que le Barreau et les juridictions feront pression sur les avocats ainsi requis. Toutefois, en se rendant odieux, les justiciables indisposent rapidement les magistrats et perturbent manifestement le travail des avocats, sans pour autant pouvoir inciter ceux-ci à innover et à se former pour mieux convaincre les juridictions. Au bout de 40 ans, le résultat a été désastreux, d’autant que les justiciables ont pris l’habitude de s’adresser aux associations et aux administrations pour obtenir de l’information gratuite plus facilement. A ces occasions, ils employaient souvent sur le même ton de récrimination qu’ils utilisaient avec les avocats.

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Lorsqu’il a été décidé, en 2001, que le traitement d’un dossier devant le Tribunal des Pensions ou devant la Cour Régionale des Pensions serait indemnisé pour 20 UV (voir, actuellement, le décret n° 2004-1025 du 29 septembre 2004, ayant introduit un point XVI.1 dans l’article 90 du décret 91-1226 du 19 décembre 1991), la matière était déjà durablement déstabilisée. A Rennes, 20 UV représentent moins de 500 € HT. On notera que le traitement d’un dossier prend au moins 60 heures, en comptant la documentation, les recherches, le traitement des entretiens avec le client, le tri des éléments envoyés, les écritures, la préparation des dossiers de plaidoirie et les audiences, sans oublier les déplacements en cas de saisine d’une juridiction hors du ressort de son Barreau. Certains avocats bretons, en effet, sont sollicités par des clients aquitains, champenois ou franciliens, parce que ces justiciables ne trouvent pas de défenseur près de chez eux. L’assistance de l’avocat dans le cadre des expertises (au moins 20 heures de plus en comptant les déplacements), qui est souvent souhaitée par les experts, ne fait qu’alourdir le nombre d’heures à consacrer aux dossiers. On notera que le SMIC horaire est de 9,53 € au 1er janvier 2014. L’avocat en matière de pensions militaires d’invalidité est donc indemnisé en-dessous du SMIC horaire, alors même qu’il doit assumer des charges sociales, ordinales et locatives, tout en faisant des efforts de formation. Sans revalorisation de l’indemnisation, la seule solution, pour rendre les dossiers plus rentables, serait de diminuer de manière drastique le nombre d’heures passées par dossier, ce qui ne serait pas raisonnable. Les justiciables, face à cette situation, peuvent avoir trois attitudes : le consumérisme, la virulence ou la résignation. Concernant la naïveté consumériste, certains imaginent que les avocats sont largement satisfaits des indemnisations qu’ils perçoivent en droit des pensions militaires d’invalidité. Dès lors, ils sollicitent leurs défenseurs pour beaucoup plus encore que le traitement du dossier juridictionnel. On demande aux avocats d’être médecins, psychologues, attachés administratifs d’associations, prestataires de secrétariat voire attachés de presse. On souhaite aussi des consultations gratuites en dehors du cadre du traitement d’un dossier juridictionnel.

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Une telle attitude fantaisiste ne saurait durer longtemps puisque les avocats ne peuvent répondre à perte à autant de sollicitations. Les justiciables peuvent alors penser qu’ils sont en mesure de forcer les avocats à consacrer beaucoup de temps à leur dossier en les menaçant et en les harcelant, dans la continuité des pratiques qui prévalaient lorsque l’intervention des avocats était gratuite. Encore faut-il, pour cela, maîtriser le droit. Critiquer la qualité du concours d’un avocat nécessite de comprendre les règles qui encadrent l’activité de celui-ci. Les récriminations permanentes de certains à l’égard de nombreux avocats, et parfois des magistrats ou des greffes, donnent une image catastrophique des justiciables dans le champ des pensions militaires d’invalidité. Cela réduit d’autant la capacité de ce public à accéder au droit dans de bonnes conditions. On notera qu’en droit des pensions, l’administration est toujours l’adversaire. Lorsque l’on a pris à partie très violemment la juridiction, les services de l’Etat et de nombreux avocats, il devient très difficile, voire peu sérieux, de compter sur l’obtention d’une sanction à l’égard de son défenseur, d’autant que l’on a consacré plus d’énergie à mal se comporter qu’à faire l’effort d’analyser les normes juridiques applicables. Une personne brouillée avec l’ensemble du monde du droit et des institutions est assez mal placée pour acquérir des informations utiles. Reste alors la résignation. Beaucoup renoncent à la voie juridique pour faire valoir leurs droits. C’est l’attitude la moins visible mais la plus fréquente dans le monde des pensions militaires d’invalidité. Elle constitue le résultat logique de décennies d’indemnisation absente ou largement insuffisante des avocats.

2.2/ La fin des illusions sur le rôle de l’administration L’habitude de ne pas recourir aux avocats conduit les justiciables à agir seuls, en contact direct avec l’administration. On notera que le ministère d’avocat n’est obligatoire ni devant les tribunaux des pensions, ni devant les cours régionales des pensions. Encore faut-il être en mesure de se former soi-même pour défendre ses propres droits efficacement.

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Or, les administrés ont la fâcheuse habitude de compter sur les services de l’Etat pour leur fournir une information loyale et efficace. En bref, il est demandé à l’administration de donner de son propre mouvement les informations permettant de contester ses propres décisions. Le Conseil d’Etat, par un arrêt du 04 juin 2014 (n° 354725, 8ème sous-section jugeant seule), a rappelé logiquement que ce n’était pas réaliste. Ainsi, alors qu’une justiciable avait subi une illégalité quant au taux de la pension qu’elle percevait, il lui a été rappelé que « l’administration n’était pas tenue de lui indiquer spontanément l’ensemble des avantages qu’elle pouvait revendiquer en application de la législation des pensions ». Dans ces conditions, il serait sans doute opportun d’entamer un débat avec les justiciables sur les notions de loyauté et de conflit d’intérêts. Autant il est possible d’attendre des avocats le respect de ces principes, du fait des garanties que leur qualité de professionnels du droit apporte, autant il est irréaliste de compter sur des fonctionnaires de l’Etat pour qu’ils se critiquent eux-mêmes. Les justiciables devraient préférer l’intervention d’avocats formés, bénéficiaires d’une assurance professionnelle et soumis à une déontologie. Cela implique de mieux comprendre leur rôle. A cette fin, le développement des conventions d’honoraires doit sans doute être encouragé quand l’avocat n’est pas désigné par le Bâtonnier, y compris lorsque l’avocat accepte d’intervenir au titre de l’aide juridictionnelle. Cela permet d’informer le justiciable sur les limites de l’intervention de l’avocat et sur les conditions minimales à respecter pour que le professionnel du droit puisse tenter de travailler le mieux possible dans les difficiles conditions actuelles.

3/ La ressource que constituent les avocats Si les justiciables demandent parfois beaucoup aux avocats, c’est qu’ils sont envahis par un sentiment d’abandon lié aux spécificités du droit des pensions militaires d’invalidité (3.1). Les associations d’anciens combattants doivent donc se mobiliser tant pour la revalorisation de l’indemnisation au titre de l’aide juridictionnelle que pour l’obtention d’un droit à des consultations juridiques préalables au contentieux des PMI.

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Ces consultations seraient données par des avocats formés et rémunérés (3.2).

3.1/ Le fait personnel du pensionné L’un des éléments les plus marquants du droit des pensions militaires d’invalidité aujourd’hui réside dans la possibilité de reprocher au justiciable son incapacité passée à faire valoir l’illégalité qu’il a subie. L’article L. 108 du Code des Pensions Militaires d’Invalidité dispose : « Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l’expiration de la troisième année qui suit celle de l’entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu’aux arrérages afférents à l’année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures » Quand l’administration a violé la loi ou la constitution lors de l’établissement de la pension, et que cette violation n’est reconnue par les juridictions que de nombreuses années après, le Conseil d’Etat estime que le justiciable ne peut s’en prendre qu’à lui-même. C’était au requérant de contester immédiatement le taux de sa pension, y compris lorsque la jurisprudence a changé depuis et qu’elle était défavorable à l’époque. Ainsi, depuis plusieurs décennies, les indices des pensions militaires d’invalidité étaient plus favorables, à grade équivalent, pour la marine nationale que pour les autres corps. Finalement, le Conseil d’Etat a reconnu qu’il s’agissait-là d’une violation du principe d’égalité (arrêts n° 342709, n° 345788 du 27 mars 2013, rendus par la 4ème sous-section jugeant seule, et n° 341931 du 17 avril 2013, 4ème sous-section jugeant seule). Toutefois, lorsqu’un arrêté de pension a régulièrement été notifié, le Conseil d’Etat a également estimé que l’absence de contestation du taux de pension constituait un fait personnel du pensionné, même si ce dernier avait subi une rupture d’égalité. Or, avant 2013, il n’était pas possible d’alléguer avec succès la violation du principe d’égalité commise.

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Le Conseil d’Etat est clair et ferme sur cette interprétation de l’article L. 108 du Code des Pensions Militaires d’Invalidité (voir l’arrêt n° 363806 du 1er août 2013, 4ème sous-section jugeant seule, et l’arrêt n° 352014 du 18 décembre 2013, 4ème sous-section jugeant seule). Tout ceci ne peut qu’inspirer stupéfaction et sentiment d’injustice chez des soldats qui se sont battus pour leur pays. Alors même que nous vivons dans une période de tensions internationales fortes, une telle position du système institutionnel présente des risques sérieux. Ce type de normes altère la qualité du lien entre l’armée et la nation en donnant une image de dureté et d’impunité à l’administration. Le fatalisme amoral n’est, pourtant, sans doute pas une attitude à favoriser chez les forces armées.

3.2/ La nécessité de consultations juridiques préalables au contentieux

Dans de telles conditions, il est impératif, pour les justiciables, de disposer des bonnes informations le plus tôt possible. Comme on l’a vu plus haut, il n’est pas raisonnable de demander aux administrations de fournir ces informations. Dès lors, soit les associations d’anciens combattants sont en mesure de donner un accès au droit à leurs membres, soit elles veillent à ce que des professionnels du droit soient formés et rémunérés pour permettre cet accès au droit en amont du contentieux. Du fait des mauvaises habitudes prises depuis 1959 avec la gratuité de l’intervention des avocats, certains militaires pensent, néanmoins, qu’il leur sera possible d’obtenir des informations performantes sans rémunérer ceux qui les donnent. C’est là une vision au mieux naïve, au pire fantaisiste. Les professionnels du droit ne sont pas des bénévoles associatifs. Les consultations gratuites qu’ils peuvent donner ont un rôle d’orientation des justiciables et ne visent pas au tarissement du chiffre d’affaire des cabinets. Concernant le droit des pensions, il est à espérer que ces consultations donnent d’ailleurs lieu à un écrit pour veiller à ce que justiciable puisse disposer du temps nécessaire pour assimiler les informations données.

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Si l’on considère que le concours d’un avocat formé constitue une ressource pour le justiciable, il devient, dès lors, impératif de se mobiliser non seulement pour une revalorisation de l’indemnisation au titre de l’aide juridictionnelle, mais aussi pour un accès au droit rétribué en amont de la saisine des juridictions. Des consultations écrites ne sont pas envisageables sans que ceux qui les donnent soient rémunérés pour le temps, l’effort de formation et l’engagement de leur responsabilité qu’ils consacreront à ces questions. Les associations d’anciens combattants doivent donc, elles aussi, intervenir dans le cadre du débat sur la justice au XXIe siècle. Les justiciables qui comptent sur le concours gratuit d’une profession libérale prennent le risque de se marginaliser, puisque la profession libérale en question doit d’efforcer d’avoir des clients qui la paient pour subsister. La clientèle rémunératrice génère un marché du droit sur lequel les avocats ne sont pas les seuls présents. Or, la façon dont ce marché sera structuré à l’avenir va dicter l’évolution de la profession d’avocat. Ceux qui envisagent de disposer d’un accès au droit efficace en matière de pensions militaires d’invalidité sont contraints d’y réfléchir. Bien évidemment, rien n’empêche, aujourd’hui, les justiciables de rémunérer des avocats pour disposer de consultations écrites avant de saisir les juridictions. Néanmoins, une telle pratique ne pourra se généraliser que si une prise de conscience intervient quant à la nécessité d’être avisé des impératifs procéduraux avant même que le contentieux ne commence. Certes, cela nécessite aussi une mutation du système de l’aide juridictionnelle afin de donner un accès à ces consultations pour ceux qui ne seront pas en mesure de les payer par des honoraires libres. On notera que l’Etat ferait ainsi des économies par rapport à la situation actuelle où il indemnise au titre de l’aide juridictionnelle des avocats désignés pour défendre des clients ayant formé des appels irrecevables.

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4/ L’utilité de l’accès à des professionnels indépendants Dans ce contexte, aux yeux de l’administration, il pourrait être tentant de profiter de la marginalisation des avocats du fait de la très insuffisante indemnisation qu’ils perçoivent. Quant aux justiciables, ils pensent parfois qu’une forte concurrence au sein de la profession d’avocat fera baisser les prix (4.1). La réalité est toute autre. L’évolution du marché du droit induit des mutations dans le comportement des acteurs du milieu juridique, y compris les magistrats. Transformer le droit des pensions militaires d’invalidité en secteur perpétuellement non rentable induit la marginalisation définitive de ce champ juridique par rapport aux évolutions en cours (4.2).

4.1/ Le péril d’un marché dysfonctionnel Les justiciables, en matière de PMI, se mobilisent peu pour la revalorisation de l’aide juridictionnelle. En effet, ils imaginent que l’augmentation du nombre d’avocats accentuera la concurrence et qu’ainsi, ils disposeront de prestations accrues malgré la faiblesse des rémunérations. Cette position constitue une erreur économique. Pour bénéficier de meilleurs services dans le cadre d’une concurrence accrue, encore faut-il constituer soi-même une clientèle rémunératrice à terme. L’exercice d’une activité professionnelle à perte peut avoir des effets de diminution immédiate des prix mais jamais sur la longue durée, et certainement pas pour tous les secteurs du marché. La concurrence vise à l’acquisition de position sur les secteurs rentables. Même la stratégie de la vente de prestations à perte a pour objectif la captation de marchés rémunérateurs futurs. Certes, le dumping permet d’éliminer les concurrents actuels incapables de fournir les mêmes prestations au même prix. Néanmoins, une fois ces concurrents éliminés, la concurrence diminue sur les secteurs rentables et les prix peuvent alors augmenter.

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Aujourd’hui, le droit des PMI ne constitue en aucun cas un secteur de marché susceptible d’être organisé sur le fondement de la vente de prestations à perte. Celui qui investit dans le droit des pensions militaires d’invalidité n’a, pour l’instant, aucun profit réel à en attendre. Les justiciables découvrent alors, non sans surprise, que malgré l’augmentation du nombre d’avocats, ceux qui se forment en droit des PMI sont toujours moins nombreux. Dans le même temps, les normes se complexifient. On en vient alors à voir des justiciables demeurant dans un ressort solliciter un avocat exerçant à plus de 500 voir 1000 kilomètres de là… L’administration bénéficie ainsi d’une forme de protection contre la mise en cause contentieuse efficace des décisions qu’elle émet. A terme, toutefois, cela induit la prévalence de modes de régulation qui ne sont plus juridiques. L’administration, en étant beaucoup plus puissante, se retrouve aussi en première ligne face à des demandes croissantes. Lorsqu’elle déçoit, les militaires sont envahis par une forme de mécontentement passif qui peut affecter les capacités opérationnelles des armées. En s’ancrant dans une telle approche, les autorités militaires réduisent leur vivier de recrutement à ce que Christophe GUILLUY appelle la France périphérique (Flammarion, Paris, 2014), c’est-à-dire le monde qui se sent perpétuellement en marge par rapport au système dominant tout en se pensant moralement plus légitime que ce dernier. L’administration de la Défense valorise l’esprit de dévouement des troupes, ce qui est bien naturel. Lorsque les militaires comparent ces discours sur le sens du sacrifice que l’on attend d’eux, et les blocages qu’ils subissent quant à leur indemnisation, ils peuvent être envahis par l’idée que le système qui leur est imposé ne respecte pas lui-même les valeurs qu’il prône. Les autorités militaires n’ignorent absolument pas la difficulté que cela induit au quotidien. Le 8ème rapport du HCECM sur l’administration militaire, file:///C:/Users/Thierry/Downloads/HCECM_8_eme_rapport_2014.pdf, fait état du ressenti souvent négatif des membres des armées à l’égard des services qui encadrent les activités de défense (pp. 63 à 75).

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Le fait que les administrations soient contraintes de mélanger les genres et de donner des conseils aux justiciables contre elles-mêmes n’arrange rien. La raréfaction des professionnels du droit susceptibles d’intervenir n’est, finalement, pas forcément une bonne nouvelle pour l’Etat. On notera que le Barreau de Rennes est l’un des seuls en France où des réunions relatives aux pensions militaires d’invalidité sont organisées. La présence de professionnels indépendants susceptibles de donner en temps utile des informations performantes aux justiciables est donc, dès lors, conforme à l’intérêt de l’administration. Encore faut-il que des professionnels indépendants, qui n’exercent pas à titre bénévole, puissent être intéressés par la matière.

4.2/ Les PMI à la marge du marché du droit Or, le monde des pensions militaires d’invalidité est marqué par deux éléments qui le handicapent dans son rapport au marché du droit. D’abord, l’assistance juridique de droit, c’est-à-dire l’éligibilité à l’aide juridictionnelle pour tous ceux qui en font la demande, pose question. Les avocats qui voudraient se spécialiser en droit des pensions militaires d’invalidité sont dans une dépendance quasi-exclusive à l’égard des indemnisations allouées par l’Etat. Pour bâtir un rapport qui soit le plus indépendant possible à l’égard des pouvoirs publics, ce n’est pas idéal. Ensuite, et du fait de la modicité de l’indemnisation des avocats en matière d’aide juridictionnelle, ce champ n’attire que peu d’avocats qui s’investissent par dévouement et par respect pour les militaires plus que par intérêt financier. A l’opposé, le conseil en droit du travail ou en droit de l’immobilier suscite des vocations de la part de consultants qui ne sont même pas encadrés par un ordre professionnel. Le secteur des PMI, quant à lui, s’est transformé en désert complet concernant les tentatives d’irruption sur le marché du droit. Dans un sens, c’est heureux, car il serait désastreux que les justiciables soient exposés en matière de pensions aux mêmes risques que ceux qui se font duper dans le domaine de la consommation et des affaires familiales, par exemple.

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Parallèlement, ce désintérêt de tous les professionnels qui veulent se partager le marché du droit pose aussi problème. Les acteurs qui concurrencent les avocats sur les secteurs les plus rentables n’entendent pas intervenir concernant la défense de ceux qui se sont battus pour nous. Un jour ou l’autre, les associations d’anciens combattants devront d’exprimer sur le marché du droit et l’attitude des intervenants qui veulent se le partager sans contribuer aux charges qu’assument les avocats en matière d’accès au droit des militaires. A défaut, il faudrait s’en remettre uniquement à la revalorisation des indemnités versées par l’Etat. Au-delà du contexte budgétaire actuel, on peut s’inquiéter du rôle de l’administration à cet égard, alors même qu’elle est une partie en droit des PMI.

5/ Pour l’innovation et l’adaptation Tant qu’à aborder des sujets sensibles, il convient de remarquer aussi qu’au vu des difficultés de financement de l’aide juridictionnelle, accorder celle-ci à des personnes qui peuvent avoir des revenus plus que décents paraît surprenant (5.1). Inviter les personnes qui le peuvent à acquitter des honoraires libres permettrait de mieux équilibrer l’ensemble du secteur des PMI (5.2).

5.1/ Vers la fin de l’aide juridictionnelle de droit ? Le fait d’accorder l’aide juridictionnelle à tous sans considération du revenu pose problème. Plus haut, il a été vu que la réduction du revenu des avocats à des sources de financement étatiques peut paraître étonnante, même si l’intervention des Barreaux permet un contrôle quant à la préservation de l’indépendance des conseils désignés. En outre, au plan de la justice sociale, le choix d’un accès automatique de tous à l’aide juridictionnelle pose question.

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L’intérêt d’une profession libérale et indépendante est de permettre une émulation entre professionnels. Seuls les honoraires libres et le libre choix par les clients des professionnels les plus présents et réputés dans le champ concerné permettent cette émulation. Le partage, sous l’égide du Bâtonnier, des missions au titre de l’aide juridictionnelle est, bien évidemment, indispensable. Toutefois, le volume contentieux modéré du droit des pensions induit, en cas de distribution égalitaire, une allocation d’un nombre de dossiers assez faible par avocat, notamment lorsque les Barreaux sont de taille importante. Bien évidemment, il est légitime que le partage des dossiers soit égalitaire dès lors que des obligations de formation ont été respectées, car il n’appartient pas à un Bâtonnier de favoriser les uns ou les autres. Toutefois, ce faible nombre de dossiers géré par chaque avocat induit une pratique moindre ainsi qu’un alourdissement des obligations de recherche par dossier. Le développement d’une clientèle qui règlerait des honoraires libres permettrait d’éviter cet écueil en favorisant des efforts de visibilité de la part des avocats, ce qui induirait un investissement au plan de la formation et de la communication plus étalé dans le temps.

5.2/ Pour l’incitation de l’innovation La possibilité d’honoraires libres aurait, ainsi, un effet salutaire sur le droit des PMI en le transformant en champ authentiquement concurrentiel. Pour le coup, les avocats qui seraient rétribués décemment auraient l’occasion de se former plus et d’innover en matière stratégique dans un droit mouvant. On notera aussi que les économies générées pour l’Etat permettraient de financer au moins en partie l’indemnisation des consultations écrites préalables au contentieux qu’il conviendrait de développer. Néanmoins, les habitudes prises durant la longue période d’absence d’indemnisation ou d’indemnisation insuffisante des avocats vont se heurter à cette approche. La tentation pourrait être de prétendre que tout va bien et que les avocats se satisfont de cette situation.

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Dans le même temps, la mutation du marché du droit implique un danger grave pour l’administration, si elle était tentée par ce choix de la facilité. En effet, il serait absurde de prétendre qu’il n’y a aucune demande en matière de conseils en régulation organisationnelle (ce qui est parfois appelé compliance en très mauvais franglais), et cela dans tous les domaines du droit. Les avocats ont des atouts à faire valoir pour s’intégrer à cette dynamique. Si cela advenait, le monde des PMI sera encore plus marginalisé et l’administration se trouvera toujours plus seule face à des justiciables oscillant entre résignation et insatisfaction sourde. Désormais, il appartiendra aux Barreaux, mais aussi aux associations d’anciens combattants, de contribuer à convaincre les autorités militaires et l’Etat. L’approfondissement de la fracture entre un droit en mutation et la matière des pensions militaires d’invalidité serait nocif. Œuvrons pour que le législateur et le pouvoir réglementaire en prennent conscience. En bref, le présent document préconise les solutions suivantes : 1/ La diffusion publique sur internet d’informations juridiques accrues, et notamment des arrêts des Cours régionales des Pensions 2/ Une meilleure information des justiciables sur le rôle des avocats, notamment en encourageant les conventions d’honoraires lorsque les avocats ne sont pas désignés par le Bâtonnier 3/ Des consultations gratuites préalables et écrites pour les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle, ces consultations devant être indemnisées décemment pour ceux qui les donneraient 4/ L’interpellation de tous ceux qui souhaitent intervenir sur le marché du droit pour concurrencer les avocats sans se préoccuper de l’accès au droit en matière de pensions militaires d’invalidité 5/ La fin de l’aide juridictionnelle de droit en matière de pensions militaires d’invalidité

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Concernant le débat sur la création d’une éventuelle mention de spécialisation en matière de pensions militaires d’invalidité, il sera abordé lors de réunions ultérieures relatives à l’expertise et à la relation nouvelle entre PMI et indemnisation du préjudice corporel.

Le Groupe des Avocats au Barreau de Rennes Intervenant en matière de Pensions Militaires d’Invalidité

Synthèse rédigée par Maître Thierry POULICHOT

Le 10 octobre 2014