La radioconservation au Musée de la Bohême centrale, à Roztoky

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Lu radioconser pation aa Masée de da Bohême centrade,

à Roztoky

J. Urban

Né en 1918 ; diplômé de l’Institut de technologie chimique de Prague en 1946, docteur 2s technolo- gie en 1949 ; docteur 2s sciences en 1966. A travaillé de 1956 à 1980 àl’Institut de recherche nucléaire de Rei, où il s’est intCressi particulièrement àla radio- chimie et à l’application des rayonnements ioni- sants pour la conservation.

P. Justa

Ni. en 1955 ; diplômé de l’Institut de technologie chimique de Prague en 1981 ; travaille au Musée de la Bohême centrale ; s’intéresse particulièrement aux techniques de conservation des œuvres d’art fondées sur l’irradiation par les rayonnements gamma et les processus de polymérisation.

Autant l’opinion publique, dans les pays industriels est sensibilisée àla menace qui pèse sur l’existence de certaines espèces animales et végétales, autant la présence d’insectes qui représentent un danger croissant pour les objets historiques en bois, cuir, tissu, papier et autres maté- riaux faisant partie des collections de musées semble passer inaperçue. De 50 à 60% des objets abrités au Musée de la Bohême centrale, àRoztoky, sont infestés de vrillettes et autres parasites. On ne dis- pose malheureusement pas de données statistiques suffisantes concernant les autres régions de notre pays ou I’étran- ger, mais il est à craindre que la situation ne soit guère différente ailleurs.

Inconvénients des méthodes cZassìques de traitement

La lutte contre les insectes prend deux formes : la protection préventive des objets menacés et leur traitement par des procédés chimiques. Dans le contexte actuel, les deux méthodes ont leurs limi- tes et c’est en les combinant que l’on obtient les meilleurs résultats.

La protection préventive nécessite de vastes locaux d’entreposage. A mesure que les collections augmentent, les réser- ves, souvent mal adaptées àl’entreposage de ce type d’objets, sont de plus en plus encombrées, ce qui multiplie les risques d’infestation et de dégradation des objets historiques. I1 est donc indispensable de recourir à des moyens efficaces d’extermi- nation des parasites. Jusqu’à présent, on utilisait surtout des produits chimiques. Le traitement aux insecticides liquides (par enduction, trempage ou pulvérisa- tion) est facile à appliquer du point de vue technique, mais son efficacité est limitée, car le produit ne pénètre pas jusqu’aux couches profondes de la matière. Le gaz (acide cyanhydrique, phosphure d’hydrogène ou oxyde d’éthy- lène) est plus actif parce qu’il est admi- nistré à plus haute pression. Toutefois,

son emploi nécessite une chambre de pression et peut se heurter à l’opposition des autorités sanitaires, car les musées et les ateliers de conservation se trouvent habituellement dans des zones peuplées et les règlements sanitaires exigent des cheminées d’aération d’au moins trente mètres pour les fumigations requises. Or, il arrive souvent que cette condition ne puisse pas être remplie, pour des raisons d’esthétique ou d’urbanisme. La fumiga- tion de l’ensemble de la réserve ne donne pas non plus de résultats satisfaisants, car elle ne permet d’obtenir ni la concentra- tion ni la pression nécessaires.

Avantages des rayonnements

Le défaut de tous les procédés chimiques connus est qu’ils n’agissent pas suffisam- ment en profondeur. I1 n’en est pas de même avec les rayonnements ionisants, qui ont d’autant plus d’efficacité que les rayonnements gamma de l’isotope radioactif du cobalt (60 Co) sont assez pénétrants pour traverser les objets les plus volumineux (jusqu’à un mètre de diamètre) et exterminer ainsi tous les insectes qui les infestent. Une dose de 250 à 500 Gy suffit pour débarrasser l’objet irradié des vrillettes, àtous les Sta-

des de leur vie. Ce traitement ne laisse dans l’objet aucun résidu nocifou dange- reux pour sa santé future et n’altère en rien le bois, la polychromie, la peinture à l’huile ou la détrempe, les enduits ou les colles, la paille, le tissu, le cuir, le papier ou le parchemin. Une dose de 500 Gy est peu de chose si l’on tient compte de la fai- ble sensibilité des matières non biologi- ques aux rayonnements et, le cas échéant, elle peut être administrée jusqu’à vingt fois sans endommager l’objet.

Le principal avantage de cette méthode est qu’on peut rassembler un grand nom- bre d’objets dans la chambre d’irradia- tion et les traiter tous en même temps (fig. 41).

En revanche, l’irradiation ne protège

166 J. Urban et P. J u t a

pas l’objet d’une nouvelle infestation. I1 faut donc, immédiatement après le trai- tement, revêtir sa surface d’une couche d’insecticide à action durable, suscepti- ble de prévenir l’éclosion des œufs fraî- chement pondus et l’infestation par les champignons ou les moisissures. I1 est intéressant de noter que les objets peu- vent être irradiés même lorsqu’ils se trou- vent dans des boîtes de bois ou de métal, ce qui élimine pratiquement tout risque de dommage en cours de transport.

Une autre application possible des rayonnements ionisants, à savoir pour provoquer la polymérisation dans les pro- cédés de pétrification, n’est pas abordée ici, car elle ne se prête pas au traitement des objets en série. La radiopétrifica- tion en est encore au stade de I’expéri- mentation, le problème étant la dispo- nibilité des monomères indispensables sur le marché et la diversité des maté- riaux à pétrifier. Cette méthode néces- site une approche adaptée àchaque cas et ne peut pas encore être appliquée cou- ramment.

Descrz3tìon du procédé

entre 1976 et 1980, une installation de radioconservation a été mise en place au Musée de la Bohême centrale, à Roztoky, en coopération ,avec l’Institut de recher- che nucléaire de Be;. Cette installation, utilisée exclusivement pour le traitement des collections d’objets historiques, se trouve dans les sous-sols de l’ancienne brasserie du château et comprend cinq salles d’une supeficie totale de 120 m2. Les objets lourds ou volumineux sont transportés sur des chariots à quatre roues. La chambre d’irradiation mesure 4,5 m x 4 , 5 m x 3 , 6 m (fig. 42). Les murs, qui avaient à l’origine un m d’épaisseur, ont été renforcés par une couche de béton de 20 cm pour augmen- ter la protection et un plafond de 125 cm en béton armé lourd a été construit.

Les quatre autres salles sont les suivan- tes : la salle de commande, la salle d’en- treposage, la salle de manipulation et le laboratoire de conservation chimique, qui est équipé d’un important dispositif

d’échappement d’air afin de permettre la manipulation des substances nocives. La porte de la chambre d’irradiation (fig. 43), qui est en fonte et a 15 cm d’épais- seur, s’ouvre et se ferme électriquement. La protection ainsi obtenue permet de tri- pler l’action initiale de la source de cobalt (66 TBq). Celle-ci se trouve sous le plan- cher de la chambre, dans un conteneur de transport KI2 10 000 en plomb et en acier inoxydable. La source et un obturateur de protection sont hissés en position pour l’irradiation, au moyen de câbles et de poulies actionnés depuis la salle de commande.

La sécurité du personnel est assurée par des systèmes de blocage et de signalisa- tion électriques et mécaniques. I1 est impossible d’ouvrir la porte de la cham- bre tant que la source est en position d’irradiation, et s’il y a quelqu’un dans la chambre et que la porte n’est pas fermée, la source ne peut pas être mise en position d’irradiation. Les produits radiolytiques de l’air (ozone et oxydes d’azote) s’échappent par deux ventilateurs, qui renouvellent entièrement l’air de la chambre en l’espace de 33 ou de 11 minutes, selon que la porte est ouverte ou fermée. Le coefficient de sécurité de cette méthode d’évacuation est de 10, si bien que l’on peut pénétrer sans risque dans la chambre dès la fin de l’opération.

Ce dispositif de sécurité est doublé d’un système de signalisation lumineuse qui informe l’opérateur de tout ce qui se passe dans la chambre d’irradiation. Ce système comprend les signaux lumineux placés à l’intérieur de la chambre et au- dessus de la porte blindée et ceux du tableau de commande, qui fournissent des indications sur la position de la source et le fonctionnement des ventilateurs, et donnent le feu vert pour la fermeture et l’ouverture de la porte de la chambre. L’élévation et l’abaissement de la source de cobalt peuvent être observés sur l’écran de télévision situé au-dessus de tableau de commande. La position de repos dans le conteneur est aussi signalée par le dispositif qui mesure l’activité ambiante dans la chambre : un radiomè- tre relié au tableau de commande. Le système de sécurité à clef unique, qui exclut la possibilité d’une irradiation accidentelle, est complété par un méca- nisme qui permet, en appuyant sur des

41 Objets en bois prêts à être traités par irradiation.

La radioconservation au Musée de la Bohême

boutons placés à l’intérieur de la cham- bre, de faire en sorte que la source réintè- gre immédiatement le conteneur et d’ouvrir la porte blindée.

Avantages d’une ìnstaZZatìon de radioconservation

Etant donné que l’installation du musée de Roztoky est sans doute la seule de ce type que possède une institution cultu- relle, il n’est pas inutile d’en signaler les avantages et de souligner la simplicité de son fonctionnement. Un musée n’est pas un lieu très approprié pour abriter une chambre d’irradiation, et il en a été tenu compte dans la conception technique de l’installation. Tout d’abord, le choix du sous-sol a évité la construction d’épais murs de protection, et le caractère histori- que du château Roztoky a ainsi pu être préservé. Par ailleurs, le problème géné- ralement délicat du rechargement de la source de cobalt 60 a été résolu d’une manière très simple. Le conteneur KI2 10.000, qui est transportable, est détaché

centrale, à Roztoky

du reste de l’installation et amené à 1’Ins- titut de recherche nucléaire de Rei , pro- che de Roztoky. Le remplissage se fait dans un bassin spécial sous 2,5 m d’eau. L’ensemble de l’opération - enlève- ment transport, remplissage et remise en place - prend trois jours.

Le déplacement de la source pour la mettre en position d’irradiation et la ramener à son point de départ est réalisé manuellement et grâce à un dispositif mécanique non électrique. Cela permet d’interrompre à tout moment I’irradia- tion, même en cas de coupure de courant. Le retour de la source dans le conteneur est d’une importance capitale pour la sécurité des opérateurs. I1 est signalé de plusieurs manières et peut aussi être véri- fié visuellement sur l’écran de contrôle d’une caméra de télévision. Un cylindre en tôle de duralumin, qui est actionné à distance depuis la salle de commande, empêche que l’ouverture du conteneur ne soit bloquée pendant l’irradiation par un éclat de bois, un petit animal, etc. En cas d’incendie, ce retour s’effectue égale-

42 Plan de la chambre d’irradiation.

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ment en toute sécurité : le détecteur d’incendie déclenche automatiquement le circuit électrique de recours mentionné plus haut, et la source se trouve ainsi ren- voyée automatiquement dans le con- teneur.

L’installation de radioconservation du Musée de la Bohême centrale fonctionne depuis 1982. Elle permet de traiter 1.850 objets de dimensions moyennes par an.

La radioconservation est un procédé révolutionnaire de restauration dans un domaine où les méthodes de travail ten- dent à rester figées. I1 a donc fallu vaincre la propension au conservatisme de nos restaurateurs pour qu’ils l’acceptent et commencent à apprécier sa grande effica- cité, son innocuité et l’économie de temps qu’elle permet de réaliser.

L’installation qui a été mise en service à Roztoky répond à toutes les exigences de la restauration, même dans une insti- tution aussi e conservatrice D qu’un musée.

[Traduit de l’anglais]

BRIOUES 43 Entrée de la chambre d’irradiation et dispositifs de commande.

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