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Traitement systemique du carcinome hepatocellulaire
L. Costes1, M. Ducreux2, V. Boige2
1 Service d’hepatogastro-enterologie, hopital de Bicetre, F-94270 Le-Kremlin-Bicetre, France2 Departement de medecine, institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, F-94805 Villejuif, France
Correspondance : boige@igr.fr
Resume : Le benefice observe avec
les traitements systemiques cyto-
toxiques reste marginal dans le
carcinome hepatocellulaire (CHC)
non resecable ou metastatique.
Avec l’arrivee des therapies ciblees,
nous assistons actuellement a un
regain d’interet pour le developpe-
ment des traitements systemiques
du CHC. Pour la premiere fois, les
resultats recents d’une etude de
phase III comparant le sorafenib a
un placebo ont montre un benefice
significatif en termes de survie
globale chez les patients ayant un
CHC avance. L’identification de
facteurs predictifs et la recherche
de nouvelles molecules restent des
enjeux majeurs dans cette maladie
de mauvais pronostic.
Mots cles : Carcinome hepatocellu-
laire – Cirrhose – Chimiotherapie –
Therapies ciblees
Systemic treatment
of hepatocellular carcinoma
Abstract: Systemic cytotoxic treat-
ments provide marginal benefit in
unresectable or metastatic HCC.
With the arrival of molecularly tar-
geted agents, there has been rene-
wed interest in developing novel
systemic treatments for HCC. For
the first time, results of a phase III
randomized, placebo-controlled
trial were recently presented in
which sorafenib demonstrated
improved survival in patients with
advanced HCC. Therefore, sorafe-
nib is now the new standard for the
first-line treatment of advanced
HCC. The identification of predictive
factors and the search for new
molecules remainmajor challenges
for this poor prognostic disease.
Keywords: Hepatocellular carci-
noma – Cirrhosis – Chemotherapy –
Targeted therapies
Introduction
Le carcinomehepatocellulaire (CHC)
est le cancer dont l’augmentation de
l’incidence est la plus elevee dans le
monde. Son incidence a double
depuis20ans, et onestime aenviron
700 000 lenombrede cas annuelsde
par le monde [13]. Dans les pays
occidentaux, le CHC se developpe
danspresde90 %descassurun foie
cirrhotique. L’incidence annuelle du
CHC chez les malades cirrhotiques
est de 3 a 7 % quelle que soit
l’etiologie de la cirrhose. Environ un
tiers des patients peuvent beneficier
d’un traitement potentiellement
curatif (resection chirurgicale, trans-
plantation hepatique, traitement
percutane). Dans le domaine du
traitement palliatif, jusqu’en 2007,
seule la chimio-embolisation ame-
liore de maniere significative la sur-
vie de patients tres selectionnes,
ayant une bonne fonction hepatique
et une maladie paucinodulaire sans
atteinte vasculaire portale (benefice
global de la chimio-embolisation
critiquable en terme de survie [9]).
Malgre ces traitements, la survie
globale a cinq ans des malades
ayant un CHC ne depasse pas 5 %.
Une majorite de patients non eligi-
bles pour un traitement a visee
curative ou une chimio-embolisa-
tion est donc candidate a un traite-
ment systemique. Le choix des
therapeutiques necessite une eva-
luation rigoureuse de la gravite
respective de la cirrhose et du CHC
qui influencent autant l’un que
l’autre le pronostic vital.
Le traitement systemique du
CHC, quasi inexistant jusqu’a main-
tenant, est actuellement en pleine
evolution depuis l’arrivee des the-
rapies ciblees qui ont deja notable-
ment modifie la prise en charge
therapeutique de plusieurs patholo-
gies tumorales.
Traitementsnon cytotoxiques
L’interferon a forte dose semble,
d’apres les resultats de deux etu-
des, avoir une certaine efficacite
antitumorale au prix d’une toxicite
importante aux doses utilisees
(50 millions d’unites trois fois par
semaine) qui sont le plus souvent
inutilisables chez les malades ayant
une cirrhose [14]. Une etude rando-
misee comparant un traitement a la
dose de trois millions d’unites trois
fois par semaine versus une abs-
tention therapeutique n’a pas mon-
tre de benefice significatif [17].
L’hormonotherapie par anti-
androgenes ou anti-estrogenes a
ete testee du fait de la presence de
recepteurs hormonaux sur les
hepatocytes tumoraux. Malgre des
resultats initiaux suggerant une
efficacite du tamoxifene, plusieurs
etudes randomisees [2] a grands
effectifs ont montre l’absence de
benefice en termes de survie, qu’il
s’agisse d’un traitement par anti-
estrogenes ou d’un traitement
par anti-androgenes. Les resultats
sont egalement negatifs en ce
qui concerne les analogues de la
somatostatine [3].
L’interferon et l’hormonothe-
rapie n’ont donc plus leur place a
l’heure actuelle dans l’arsenal the-
rapeutique du CHC.
Les cancers digestifsOncologie (2008) 10: 191–196© Springer 2008DOI 10.1007/s10269-008-0835-1
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Chimiotherapies cytotoxiques
Le CHC est une tumeur reputee peu
chimiosensible. De plus, l’utilisation
des agents cytotoxiques est limitee
par l’insuffisance hepatique et
l’hypertension portale, associees a
la cirrhose, avec pour consequence
une diminution du metabolisme et
de l’excretion de certains cytotoxi-
ques pouvant majorer leur toxicite,
une aggravation de la thrombope-
nie et un risque accru de decom-
pensation de la cirrhose.
Monotherapies
Les molecules les plus anciennes
(adriamycine, epi-adriamycine, eto-
poside, cisplatine) ont fait l’objet de
nombreuses etudes de phase II, le
plus souvent critiquables d’un point
de vue methodologique, avec des
criteres d’evaluation de l’efficacite
antitumorale bases sur la mesure
de l’hepatomegalie ou la decrois-
sance du taux d’alphafœtoproteine.
L’adriamycine, molecule la plus
evaluee, donne un taux de reponse
enmonotherapie compris entre 0 et
34 %. Sur un total de 644 patients
inclus dans 13 etudes publiees, le
taux de reponse objectif est de 19 %
[6].
Peu d’etudes de phase III,
comparant la CT systemique a des
soins de confort, sont disponibles
dans le domaine du CHC. La princi-
pale a compare l’adriamycine aux
soins de supports chez 106 patients
[15]. La mediane de survie etait
significativement superieure dans
le bras adriamycine (10,6 semaines
pour le groupe versus 7,5 semai-
nes ; p = 0,04), au prix de 25 % de
deces toxiques (sepsis ou de defail-
lance cardiaque). Plus recemment,
une etude de phase III incluant
466 patients dont 48 % avec cir-
rhose a compare l’adriamycine au
nalotrexed [11]. Le taux de reponse
etait tres faible dans les deux bras
(4 % pour l’adriamycine versus
1,4 %). La survie globale etait signi-
ficativement plus longue dans le
bras adriamycine (31 versus
20,7 semaines ; p = 0,006), avec
cependant un grand nombre de
patients sortis de l’essai dans le
bras nalotrexed en raison d’une
toxicite. On peut donc douter du
reel benefice de l’adriamycine face
a un traitement potentiellement
plus deletere qu’un placebo.
Les cytotoxiques plus recents
ont fait l’objet de nombreuses etu-
des de phase II avec une methodo-
logie plus rigoureuse. Les taxanes
et l’irinotecan sont peu efficaces,
avec une surtoxicite en cas de
perturbations des tests hepatiques,
qui necessite des adaptations poso-
logiques [5,25]. En ce qui concerne
les antimetabolites, des resultats
preliminaires encourageants ont
ete rapportes avec la capecitabine,
prodogue orale du 5-FU : 10,1 mois
de mediane de survie dans une
serie de 37 patients traites par
capecitabine [22]. Une etude de
phase II, testant la gemcitabine
hebdomadaire, realisee chez
28 malades, a montre un taux de
reponse de 18 %, avec une toxicite
essentiellement hematologique
[30]. Malheureusement, ces resul-
tats n’ont pas ete confirmes par une
phase II ulterieure [12].
Cytotoxiques en association
Denombreux essais de polychimio-
therapies ont ete publies incluant
dans la plupart des cas un sel de
platine, un antimetabolique et une
anthracycline.
Dans une premiere etude [16],
l’association 5-fluorouracine-adria-
mycine-interferon et cisplatine
(PIAF) a montre en phase II une
certaine efficacite ayant permis
d’operer secondairement neuf
patients dont quatre etaient en
remission complete histologique.
Dans une etude de phase III, le
PIAF a ete compare a une mono-
chimiotherapie par doxorubicine
[31]. La population de l’essai etait
cependant differente des popula-
tions habituelles des pays occiden-
taux avec un taux de cirrhose de
moins de 50 % et un taux d’hepatite
virale B de 80 %. Le taux de reponse
etait de 10,5 % dans le groupe
doxorubicine versus 20,9 % dans
le groupe PIAF (p = 0,058), sans qu’il
y ait de difference significative en
termes de survie globale (6,8 versus
8,7 mois). Les effets secondaires
etaient significativement plus
importants dans le groupe PIAF
(neutropenie 82 versus 63 %,
thrombopenie 57 versus 24 % et
hypokaliemie 7 versus 0 %). Les
seuls facteurs pronostiques et
predictifs etaient des parametres
lies a la fonction hepatique (taux
d’albumine, de bilirubine, score de
Child-Pugh). On peut donc se poser
la question de l’interet d’une strati-
fication des futurs essais selon ces
facteurs.
Une alternative moins toxique
est l’association 5-fluorouracile et
oxaliplatine [8]. Le taux de reponse
relative etait dans une serie de
31 patients de 29 % au prix d’une
toxicite peu importante (pas de
toxicite de grade 4, un patient avec
une diarrhee de grade 3 et un autre
avec une thrombopenie degrade 3).
Ces donnees non publiees n’ont pas
ete confirmees par d’autres etudes.
L’interet de l’oxaliplatine par
rapport au cisplatine est l’absence
de toxicite renale et de necessite
d’hyperhydratation pouvant entraı-
ner une decompensation ascitique.
L’association gemcitabine et
oxaliplatine est une association
synergique in vitro. Une premiere
etude a suggere l’efficacite et la
bonne tolerance de l’association
de gemcitabine 1 000 mg/m2 en
perfusion de 100minutes a j1 suivie
d’oxaliplatine 100 mg/m2 en perfu-
sion de deux heures a j2 tous les
14 jours [27]. Une etude de phase II
recemment publiee confirme ces
donnees, avec un taux de reponse
objective de 18 %, une survie sans
progression de 6,3 mois et une
survie globale de 11,5 mois [19].
La toxicite de grade 3 ou 4 etait
principalement hematologique.
A noter que le taux de reponse
etait significativement different
en fonction de l’etiologie de la
cirrhose : 0 % de reponse dans le
groupe cirrhose alcoolique versus
29 % pour les etiologies non alcoo-
liques, ce qui permettrait pour la
premiere fois d’identifier un sous-
groupe de patients beneficiant
davantage de la chimiotherapie
systemique. Ces resultats meritent
toutefois confirmation.
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L’essai FFCD 2003-03 a teste en
phase II l’association capacitabine-
oxaliplatine chez 50 patients. Mal-
gre un taux de reponse de 10 %, le
taux de controle de la maladie etait
obtenu chez 72 % des patients avec
une survie globale de 9,3 mois [4].
Au total, les donnees de plu-
sieurs grands essais, recemment
publiees, montrent que l’adria-
mycine nepeut plus etre consideree
comme un standard therapeutique
dans le traitement palliatif du CHC.
Les resultats de l’association gem-
citabine-oxaliplatine sont pro-
metteurs, meme si le benefice
potentiel en termes de survie n’a
pas ete confirme par une etude de
phase III, comparant cette chimio-
therapie a des soins de confort. Les
essais consacres a l’evaluation des
cytotoxiques doivent etre poursui-
vis chez des patients en bon etat
general avec une fonction hepa-
tique peu ou pas alteree. Afin
d’identifier les sous-groupes qui
pourraient beneficier d’une chimio-
therapie systemique, une stratifica-
tion en fonction de l’etiologie de
l’hepatopathie, d’une part, et de
l’existence ou non d’une cirrhose
sous-jacente, d’autre part, sera
necessaire dans ces futurs essais.
Therapies ciblees
Depuis quelques annees, les thera-
pies ciblees sont a l’etude dans le
traitement du CHC. On distinguera
les inhibiteurs de l’EGFR (recepteur
du facteur de croissance epider-
mique humain) et les anti-angioge-
niques.
Inhibiteurs de l’EGFR
Il existe une surexpression d’EGFR
dans lamajorite des CHC et, notam-
ment, dans les lesions precancereu-
ses et les CHC peu differencies. Le
blocage d’EGFR entraıne la non-
activation des kinases associees au
recepteur, une inhibition de la crois-
sance cellulaire, une induction de
l’apoptose, une diminution des
metalloproteinases de la matrice
extracellulaire et une diminution
de la vascularisation.
L’erlotinib, inhibiteur specifique
du recepteur de la tyrosine kinase
(EGFR-HER1), administre par voie
orale, a ete teste a la dose de150mg
par jour dans deux essais de phase
II. Le premier a inclus 38 patients
dont 47 %pretraites. Il amontre une
survie sans progression a six mois
de 32 % et une mediane de survie
globale de 13 mois malgre un taux
de reponse objective de 9 % [23]. Le
second, en premiere ligne de traite-
ment, a inclus 40 patients [29].
L’objectif principal etait la survie
sans progression a 16 semaines
qui etait de 43 % (10,8 mois de
survie globale).
Le cetuximab est un anticorps
monoclonal chimerique qui se lie
specifiquement au domaine extra-
cellulaire de l’EGFR. Il est compose
de la region Fv d’un anticorpsmurin
anti-EGFR et des regions constantes
IgG1 humaines (chaınes lourdes et
kappa). Les resultats d’une etude de
phase II presentes a l’ASCO 2006,
incluant 30 patients traites a la dose
de 400 mg/m2 a j1 puis 250 mg/m2
chaque semaine, sont decevants,
car aucun cas de reponse objective
n’a ete observe, et seulement 17 %
de stabilisation a six semaines [33].
La survie sans recidive n’etait que
de 41 jours et la survie globale de
5,2 mois. Les resultats de l’asso-
ciation gemox-cetuximabne sugge-
rent pas de gain d’efficacite par
rapport au GEMOX seul [28].
Une autre etude a teste en
phase II l’efficacite du lapatinib
[24], qui est un double inhibiteur
oral de tyrosine kinase EGFR et
HER2/neu. Les premiers resultats
sur 17 des 30 patients inclus mon-
trent deux cas de reponse objective,
mais une survie sans progression
de 2,3 mois et une survie globale de
6,2 mois.
Anti-angiogeniques
Le VEGF (facteur de croissance de
l’endothelium vasculaire) semble
jouer un role majeur dans l’angio-
genese tumorale du CHC qui est
une tumeur le plus souvent hyper-
vascularisee. Il existe en effet une
surexpression du VEGF presente a
la fois dans le foie tumoral ainsi que
dans le foie cirrhotique adjacent.
L’expression tumorale du VEGF
mesuree en RT-PCR est correlee au
taux plasmatique du VEGF ainsi
qu’au stade de la tumeur. De plus,
la densite desmicrovaisseaux intra-
tumoraux ainsi que le taux plasma-
tique de VEGF semblent etre des
facteurs predictifs de recidive des
CHC operes. Sur un plan experi-
mental, l’inhibition du VEGF dans
les modeles animaux via le blocage
des recepteurs KDR/Flk-1 permet
d’inhiber la croissance tumorale du
CHC. Cememe effet est reproduit in
vivo par certains inhibiteurs de
l’enzyme de conversion, qui inhi-
bent la croissance tumorale du CHC
et la neovascularisation via la sup-
pression du VEGF.
Les resultats de deux essais de
phase II testant l’efficacite du beva-
cizumab ont ete rapportes sous
forme d’abstract [21,26]. Des repon-
ses objectives et des stabilisations
prolongees ont ete observees a la
dose de 5 et 10 mg/kg administree
par voie intraveineuse tous les
14 jours. Plusieurs cas d’hemor-
ragie digestive par rupture de vari-
ces œsophagiennes ont ete
constates dans les deux etudes
faisant suspecter un role deletere
du traitement dans cette popula-
tion, toutefois, a risque en raison
d’une thrombose portale frequente.
Une etude de phase II associant
le bevacizumab au schema GEMOX
a ete publiee en 2006 [32]. Sur un
total de 30 patients evaluables, le
taux de reponse objective etait de
20 % et le taux de stabilisation de
27 %. Le taux de survie sans pro-
gression a six mois etait de 48 % et
la survie globale de 9,6 mois. Le
bevacizumab est donc un traitement
prometteur et bien tolere, a condi-
tion d’evaluer au prealable l’exis-
tence et le grade des varices
œsophagiennes en cas de cirrhose
(et de les traiter par betabloquants
ou ligature).
L’association du bevacizumab
(10 mg/kg) a l’erlotinib (150 mg
par jour per os) est prometteuse
sur la base de resultats d’une
etude de phase II. Sur un effectif
de 27 malades evaluables, il a ete
observe une reponse complete,
cinq reponses objectives et neuf
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stabilisations d’une duree supe-
rieure a 16 semaines.
Le sorafenib est la molecule anti-
angiogenique en developpement le
plus avancee. Il s’agit d’un inhibiteur
oral de plusieurs kinases bloquant
a la fois la voie de signalisation
Raf-MEK-ERK, le VEGFR2 et 3 et le
PDGFR (recepteur du facteur de
croissance derive des plaquettes).
Une etude multicentrique de phase
II a inclus 137 patients dont 72 %
avec une cirrhose Child-Pugh A,
traites a la dose de 400 mg matin et
soir [10]. L’objectif principal etait le
taux de reponse radiologique selon
les criteres RECIST, qui etait seule-
mentde2,2 %.Unestabilisationde la
maladie pendant aumoins 16 semai-
nes a ete observee chez 36 % des
patients. La survie sans progression
etait de 5,5 mois et la survie globale
de 9,2 mois. Les principaux effets
secondaires rencontres etaient cuta-
nes et digestifs : syndrome main-
pied (30 % dont 5 de grade 3), rash
cutane (17 % dont 0,7 de grade 3),
asthenie (30 % dont 10 de grade 3),
alopecie (10 %) et diarrhee (43 %
dont 8 % de grade 3). Le probleme
souleve par les resultats de cette
etudeest celui ducriterede jugement
de l’efficacite des therapies ciblees.
En effet, les criteres RECIST parais-
sent peu adaptes en ce qui
concerne ce type de molecules
davantage cytostatiques que cytoto-
xiques, qui peuvent provoquer des
necroses tumorales importantes
sans diminution, voire, parfois, une
discrete augmentation du volume
tumorale. De ce point de vue, la
situation est comparable a celle de
l’imatinib (GLIVEC) dans les GIST.
Un autre aspect important de
cette etude est la recherche de
facteur predictif de reponse en
fonction du mecanisme d’action du
sorafenib et des caracteristiques de
la tumeur : l’intensite de l’immuno-
marquage dep-ERK sur les biopsies
de foie tumoral etait correlee de
maniere significative a une aug-
mentation du taux de survie sans
progression.
Cette etude a ete rapidement
suivie d’une etude de phase III [18]
comparant le sorafenib a un pla-
cebo dans une population de
602 patients (essai SHARP). Les
resultats recemment presentes au
Congres de l’ASCO2007 ontmontre
pour la premiere fois un allonge-
ment significatif de la survie globale
(mediane : 10,7 versus 7,9 mois)
et de la survie sans progression
(5,5 versus 2,8 mois) chez les mala-
des traites par sorafenib. Les effets
secondaires ont ete peu importants
(8 % de diarrhee de grade 3/4 et 8 %
de syndrome main-pied). Seuls
2,3 % des patients ont eu une
reponse partielle radiologique.
Quatre-vingt-quinze pour cent
des patients avaient un score de
Child-Pugh A, ce qui implique une
restriction de l’utilisation de ce
traitement a cette categorie de
patients (le sorafenib a obtenu une
AMM europeenne).
Les resultats d’une etude de
phase II randomisee, comparant
doxorubicine versus l’association
doxorubicine-sorafenib, confirment
l’efficacite du sorafenib (13,7 mois
de survie mediane contre 6,5 mois
dans le bras doxorubicine seule,
p = 0,0049) [1].
Le sunitinib est un autre inhibi-
teur oral de plusieurs kinases : il
inhibe les recepteurs du facteur de
croissance plaquettaire (PDGFR
alfa et PDGFR beta), les recepteurs
du VEGF (VEGFR1, VEGFR2 et
VEGFR3) et le recepteur du facteur
de cellule souche (KIT). Deux etudes
presentees a l’ASCO en 2007 ont
montre des resultats encoura-
geants, avec un taux de necrose
tumorale d’environ 50 % et une
toxicite acceptable si les doses de
sunitinib sont diminuees a 37,5mg/j
au lieu de 50 mg/j [7,34].
Au total, l’ensemble de ces
donnees recentes et preliminaires
suggere l’efficacite de plusieurs
therapies ciblees dans le CHC,
avec un profil de toxicite tout a fait
favorable. Cette classe de medica-
ments pose le probleme de l’eva-
luation de leur efficacite. A ce titre,
les criteres RECIST semblent peu
adaptes, d’autant que les nodules
de CHC sont souvent difficilement
mesurables, surtout lorsqu’il s’agit
Tableau 1. Resume des essais randomises dans le traitement systemique du carcinome hepatocellulaire
Essai Reference Schema Patients SG (mois)
Lai et al., 1988 [15] Doxorubicine 60 10,6
Soins de support 46 7,5 (p = 0,04)Lai et al., 1993 [14] IFN alpha-2a 35 14,5
Placebo 36 7,5 (p = 0,047)Barbare et al., 2005 [2] Tamoxifene 210 4,0
Placebo 210 4,8 (p = 0,25)Yeo et al., 2005 [31] Doxorubicine 94 6,8
PIAF 94 8,7 (p = 0,83)Gish et al., 2006 [11] Nalotrexed 445 4,9
Adriamycine 7,2 (p = 0,0068)Llovet et al., 2007 [18] Sorafenib 299 10,7
Placebo 303 7,9 (p = 0,00058)Abou-Alfa et al., 2007 [1] Sorafenib-doxorubicine 47 13,7
Placebo-doxorubicine 49 6,5 (p = 0,0049)Becker et al., 2007 [3] Somatostatine 60 4,7
Placebo 59 5,3 (p = NS)
SG : survie globale mediane ; PIAF : cisplatine-interferon-adriamycine et 5-fluorouracine ; IFN : interferon ; NS : non significatif.
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de lesions infiltratives ou diffuses.
Dans les differentes etudes, le pour-
centage de reponse objective est
tres faible alors que le taux de
reponse mineure ou de maladie
stable est bien plus eleve. Dans le
cas des anti-angiogeniques comme
le sorafenib, un score evaluant le
volume de la necrose, ainsi que la
quantification de la vascularisation
intratumorale, permettrait proba-
blement de mieux evaluer la
reponse a ces traitements. Quoi
qu’il en soit, les criteres de juge-
ment habituels des essais a venir
devront donc etre adaptes a ces
nouvelles molecules.
Conclusion
Il n’existe actuellement aucune chi-
miotherapie cytotoxique standard
dans le traitement palliatif du CHC.
Dans le but d’identifier quels sous-
groupes de patients pourraient
beneficier de la chimiotherapie sys-
temique, les essais doivent etre
poursuivis sur de grands effectifs
de patients en stratifiant les resul-
tats sur l’existence ou non d’une
cirrhose d’une part, et sur la gravite
et la cause de la cirrhose d’autre
part. Un des schemas les plus
prometteurs est probablement le
GEMOX qui sera teste prochaine-
ment seul versus en association
avec le sorafenib dans le cadre
d’une etudedephase II randomisee,
nationale, francaise.
Les therapies ciblees viennent
enfin enrichir l’arsenal therapeu-
tique du CHC, avec le sorafenib
comme premier standard en situa-
tion palliative. L’evaluation de ces
nouvelles molecules va nous ame-
ner a modifier les criteres d’effi-
cacite habituellement utilises dans
les essais de phase II. Dans le CHC,
la tendance actuelle est de rempla-
cer le taux de reponse objective
selon les criteres RECIST comme
objectif principal par le taux de
survie sans progression a six mois.
Pour le traitement adjuvant du
CHC, il n’y a pas de recommanda-
tion, et des essais randomises sont
necessaires pour evaluer le bene-
fice des nouvelles molecules.
Un enjeu majeur est l’identifi-
cation de facteurs predictifs d’effi-
cacite adaptes au mecanisme
d’action du medicament et au
comportement biologique de la
tumeur, afin de selectionner
les patients qui beneficient du
traitement.
La prise en charge du CHC est
donc en pleine evolution. Le but des
futurs traitements systemiques sera
non seulement d’augmenter la sur-
vie des patients ayant un CHC non
accessible a un traitement curatif,
mais egalement d’ameliorer l’effi-
cacite des traitements locoregio-
naux et de diminuer le taux de
recidive chez les malades operes.
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