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Anne Geiser et Carine Raemy tournelle Les monnaies de Guy de Prangins (1375-1394) et leur circulation 1 Dès le début du Xi e siècle, les évêques de Lausanne entretiennent un atelier monétaire actif 2 . Le privilège de frappe, reçu du roi de Bourgogne Rodolphe iii (993-1032) en 1011 lors de la cession du comté de Vaud, élève l’évêque de Lausanne, déjà chef spirituel du diocèse, au statut de seigneur temporel. Dans le dernier tiers du XiV e siècle, le monnayage de l’évêché de Lausanne se transforme. En effet, depuis son origine, il se démarque peu ou prou de celui de ses voisins du bassin lémanique. A l’exception des monnaies signées par Henri de Lenzbourg (1039-1051/56), les deniers lausannois au temple carolingien reproduisent de manière plus ou moins fidèle le type adopté par Louis le Pieux (814-840) à la légende HLVDOVViCVS 3 . Dès la fin du Xii e siècle, les évêques qui se succèdent à Lausanne ont immobilisé ce type sur leurs pièces, tout en substituant l’inscription SEDES LAVSANE à la légende origi- nale. Celle-ci, désignant le siège épiscopal et non l’un de ses légats, devient alors la formule usuelle diffusée par le biais des monnaies. Pendant plus de trois siècles, le monnayage des évêques de Lausanne comprend des deniers et des oboles anonymes jusqu’à la date «butoir» de 1375. Guy de Prangins introduit alors une nouvelle valeur, le demi-gros et signe ses émissions. Que s’est-il passé? Un évènement décisif a-t-il provoqué ce changement ou s’agit- il d’une imitation d’émissions voisines visant à intégrer davantage les mon- naies lausannoises dans le paysage économique régional ou international? La situation politico-économique au XIV e siècle à Lausanne 4 A l’instar de l’Europe, dont l’économie paralysée exige des manipulations 33 1. Nous remercions les conservateurs des collections publiques qui ont contribué à cette étude en recherchant dans leurs fonds les pièces de Guy de Prangins: Anne-Francine Auberson, Fribourg, Service archéologique (SAEF); Matteo Campagnolo, Genève, Musée d’Art et d’Histoire, Cabinet de Numismatique (MAH-CdN); Yves Muhlemann, Coire, Musée Réthique; Hortensia von Roten, Zurich, Musée National Suisse (SLM); Daniel Schmutz, Berne, Bernisches Historisches Museum (BHM); Michael Matzke, Bâle, Historisches Museum; Benedikt Zäch, Winterthur, Cabinet de Numismatique (CdN). 2. La datation des premières monnaies de l’Evêché est débattue par C. MARtiN, «Problèmes numismatiques du Bassin du Léman aux Xi e -Xii e siècles», dans: Nummus et Historia, Warszawa, 1985, pp. 83-89; C. MARtiN, «Les premières frappes des évêques de Lausanne (début Xi e siècle)», BACM 1, 1988, pp. 2-9 et GEiSER 2007, pp. 78-85. 3. La première représentation médiévale du temple tétrastyle sur deux degrés, entouré de la légende XPiStiANA RELiGiO, apparaît sur le monnayage de Charlemagne entre 812 et 814. Pour le monnayage de Henri de Lenzbourg, voir GEiSER 2007, pp. 78-85. 4. AERNY 1991, pp. 51-56; MOREROD 2000, pp. 366-368, 427, 440, 467, 483, 496-497, 501-502, 507, et ANDENMAttEN 2005, pp. 248-257.

et Raemy Tournelle C., "Les monnaies de Guy de Prangins (1375-13949 et leur circulation", Bulletin des amis du Musée monétaire cantonal, 22, 2009, p. 33-53

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Anne Geiser et Carine Raemy tournelle

Les monnaies de Guy de Prangins (1375-1394) et leur circulation1

Dès le début du Xie siècle, les évêques de Lausanne entretiennent un ateliermonétaire actif2. Le privilège de frappe, reçu du roi de Bourgogne Rodolphe iii(993-1032) en 1011 lors de la cession du comté de Vaud, élève l’évêque deLausanne, déjà chef spirituel du diocèse, au statut de seigneur temporel.

Dans le dernier tiers du XiVe siècle, le monnayage de l’évêché de Lausannese transforme. En effet, depuis son origine, il se démarque peu ou prou decelui de ses voisins du bassin lémanique. A l’exception des monnaies signéespar Henri de Lenzbourg (1039-1051/56), les deniers lausannois au templecarolingien reproduisent de manière plus ou moins fidèle le type adopté parLouis le Pieux (814-840) à la légende HLVDOVViCVS3. Dès la fin du Xiie siècle,les évêques qui se succèdent à Lausanne ont immobilisé ce type sur leurspièces, tout en substituant l’inscription SEDES LAVSANE à la légende origi-nale. Celle-ci, désignant le siège épiscopal et non l’un de ses légats, devientalors la formule usuelle diffusée par le biais des monnaies. Pendant plus detrois siècles, le monnayage des évêques de Lausanne comprend des denierset des oboles anonymes jusqu’à la date «butoir» de 1375. Guy de Pranginsintroduit alors une nouvelle valeur, le demi-gros et signe ses émissions. Ques’est-il passé? Un évènement décisif a-t-il provoqué ce changement ou s’agit-il d’une imitation d’émissions voisines visant à intégrer davantage les mon-naies lausannoises dans le paysage économique régional ou international?

La situation politico-économique au XIVe siècle à Lausanne4

A l’instar de l’Europe, dont l’économie paralysée exige des manipulations

33

1. Nous remercions les conservateurs des collections publiques qui ont contribué à cette étudeen recherchant dans leurs fonds les pièces de Guy de Prangins: Anne-Francine Auberson,Fribourg, Service archéologique (SAEF); Matteo Campagnolo, Genève, Musée d’Art etd’Histoire, Cabinet de Numismatique (MAH-CdN); Yves Muhlemann, Coire, Musée Réthique;Hortensia von Roten, Zurich, Musée National Suisse (SLM); Daniel Schmutz, Berne,Bernisches Historisches Museum (BHM); Michael Matzke, Bâle, Historisches Museum;Benedikt Zäch, Winterthur, Cabinet de Numismatique (CdN).

2. La datation des premières monnaies de l’Evêché est débattue par C. MARtiN, «Problèmesnumismatiques du Bassin du Léman aux Xie-Xiie siècles», dans: Nummus et Historia,Warszawa, 1985, pp. 83-89; C. MARtiN, «Les premières frappes des évêques de Lausanne(début Xie siècle)», BACM 1, 1988, pp. 2-9 et GEiSER 2007, pp. 78-85.

3. La première représentation médiévale du temple tétrastyle sur deux degrés, entouré de lalégende XPiStiANA RELiGiO, apparaît sur le monnayage de Charlemagne entre 812 et 814.Pour le monnayage de Henri de Lenzbourg, voir GEiSER 2007, pp. 78-85.

4. AERNY 1991, pp. 51-56; MOREROD 2000, pp. 366-368, 427, 440, 467, 483, 496-497, 501-502,507, et ANDENMAttEN 2005, pp. 248-257.

monétaires5, l’évêché de Lausanne se trouve confronté aux mêmes nécessités.

D’un point de vue politique, maints conflits et accords entre l’évêché et lesbarons de Vaud, la Maison de Savoie, ainsi que les habitants de Lausannerythment l’histoire régionale. En 1344, le baron de Vaud Louis ii (1302-1349)obtient la moitié du temporel de l’évêché. Dès lors, un seul bailli représentel’autorité des deux princes. En 1356, le comte de Savoie Amédée Vi (1343-1383) acquiert de l’empereur Charles iV (1355-1378) la juridiction d’appels, luiconcédant ainsi le droit de défaire et de revoir les jugements prononcés parles autorités ecclésiastiques sur ses terres. L’évêque de Lausanne Aimon deCossonay (1355-1375), qui ne peut s’opposer à la décision impériale, se voitimposer un juge savoyard à Lausanne. En 1359, Amédée Vi rachète le Paysde Vaud à Catherine, fille héritière de Louis ii. Ce territoire acquis pour lacoquette somme de 160’000 florins souligne non seulement une ambitiond’expansion territoriale, mais surtout le désir d’en tirer un profit politique etéconomique. L’empereur, en confirmant en 1365 au comte le vicariat impérialsur l’ensemble des cités et diocèses sis sur le comté, lui accorde ainsi ungrand pouvoir juridique et administratif. En outre, le nouveau statut d’Amédée Vilui donne le droit d’exiger de l’évêque de Lausanne l’hommage et le sermentde fidélité. Ce droit contrebalance le serment de vassal que le comte doit prêterà l’évêque depuis plus d’un siècle.

A la suite du refus catégorique d’Aimon de Cossonay de se plier à cette nou-velle règle, l’empereur annule la charge de vicariat confiée à Amédée Vi. Enréaction aux ingérences politiques du comte de Savoie, l’évêque et les habi-tants de Lausanne publient en 1368 le Plaict Général6. Ce document regroupeles franchises et les coutumes lausannoises qui devaient permettre, théori-quement au moins, à l’évêque et à la ville de Lausanne de vivre en «bonneentente» avec le comte de Savoie. D’un point de vue économique, les reve-nus épiscopaux de Lausanne s’avèrent très inférieurs à ceux des évêchés voi-sins de Bâle et de Sion7. Les dotations de la Savoie en Pays de Vaud n’ontpas fait l’objet d’une étude permettant leur comparaison avec celles de l’évê-ché. Les conflits incessants qui opposent l’évêché à la Savoie s’enracinentnéanmoins de toute évidence dans une problématique de profits fiscaux. C’estsans doute aussi le profit qui conduit l’évêque à réformer sa monnaie tout enl’adaptant au paysage monétaire contemporain. Pour couvrir ses dépenses, ilne peut que remplacer les ressources fiscales qui lui font défaut par des res-sources monétaires: la dévaluation tient lieu d’impôt par l’allègement du titre

5. Crises démographiques dues à la Grande Peste et à la famine; pillages et conflits politiquesparalysent l’économie.

6. Les sujets de l’évêque peuvent dès lors revendiquer un droit de regard sur la monnaie afin deprotéger leurs intérêts économiques et commerciaux.

7. MOREROD 2000, pp. 469-470.

34

des espèces, tout en leur conférant un cours nominal supérieur à leur valeurmarchande (création d’une pièce dont la valeur est plus importante que celledu métal qu’elle contient).

Le monnayage de Guy de Prangins8

Guy de Prangins, attesté comme prévôt du chapitre cathédral de Lausanne en1361, est parallèlement conseiller et délégué du comte Amédée Vi de Savoie.Au fait de l’administration et des besoins du diocèse dès son accession ausiège épiscopal de Lausanne en 1375, il décide d’abandonner la vieille struc-ture carolingienne basée uniquement sur le denier. il se distingue ainsi de sesprédécesseurs par la frappe de monnaies signées et d’une valeur supérieure.En parallèle du denier et de la maille (demi-denier), il crée ainsi le demi-groslausannois dont la valeur équivaut à 6 deniers (sesen).

Cette réforme du système monétaire débute à Lausanne, un siècle après queles puissances voisines ont adopté des espèces plus fortes d’or et d’argent;elle répond aux besoins monétaires d’alors. L’absence de valeur supérieureau denier favorise la circulation des monnaies d’or et d’argent émises par lesrégions circonvoisines. Celles-ci sont employées pour les échanges impor-tants, alors que les deniers et mailles de l’évêché ne servent qu’aux échangesde moindre envergure9. Ainsi, les monnaies savoyardes, italiennes et fran-çaises en circulation dans le diocèse portent préjudice au monnayage lausan-nois et engendrent une diminution des revenus épiscopaux. L’évêque tentealors de réajuster son numéraire d’argent. Sa réforme en apparence timiden’introduit que des demi-gros et non des gros. Elle relève toutefois d’unegrande habileté, permettant une adaptation du monnayage de l’évêché auxcirculations d’alors, tout en tenant compte de moyens insuffisants, faiblesse derevenus et pénurie de métal blanc, par la dévaluation du titre d’argent fin10.

Les nouvelles espèces de Guy de Prangins11

La monnaie médiévale se caractérise par son titre (calculé sur un alliagepréliminaire, l’argent-le-Roi à 23/24 de fin à 0.958 en 12 deniers de 24grains), son poids (déterminé par un nombre de pièces taillées au marc detroyes de

35

8. MOREL-FAtiO 1869, pp. 1-17; A. WiLDERMANN, «Guy de Prangins», dans: http://www.hls-dhs-

dss.ch et Helvetia sacra i/4, 1988, pp. 131-132.

9. Les monnaies d’or sont des florins de Florence, puis du Rhin, des francs et des écus deFrance. Les florins et écus de Savoie apparaissent sous Amédée Vii en 1383.

10. Les espèces d’or ne font leur apparition qu’en 1396, sous l’épiscopat de son successeur,Guillaume de Menthonay. D’autres valeurs d’argent sont créées également au gré des diffé-rentes circonstances.

11. Les collections publiques consultées sont celles de Lausanne (7 demi-gros, 1 denier et 10mailles), de Genève (4 gros et 1 denier); de Zurich (2 gros); de Berne (2 gros et 1 maille);Winterthur possède un gros publié dans MOREL-FAtiO 1869 et le Service archéologique deFribourg également 1 gros, publié dans AUBERSON 2008. Voir infra, catalogue. Les collections

244.75 g) et son cours (valeur marchande imposée). La monnaie de compteépiscopale se base sur la livre lausannoise, divisée en 20 sols ou 240 deniers.

Pour l’émission de sa monnaie, Guy de Prangins fait appel le 3 octobre 1375,à Pierre de Manfrez ou Manfred, un maître flamand. Ce dernier doit tailler 120demi-gros au marc, au titre de 7 deniers argent-le-Roi, 306 deniers au titre de3 deniers et 3 grains et 436 mailles au titre de 2 deniers12. Le marc de troyespesant 244.75 g, le poids théorique des demi-gros, deniers et mailles est doncrespectivement de 2.03 g, 0.79 g et 0.56 g. Le tableau suivant met en évi-dence les disparités importantes entre les exigences pondérales notifiéesdans l’ordonnance du 3 octobre 1375 et le poids réel des monnaies del’échantillon étudié. A ce propos, Fournial note à juste titre: «Les exemplairesconservés dans les médailliers offrent des poids différents, généralement infé-rieurs. Les instruments de pesage étant peu sensibles, l’administration exi-geait seulement que dans un marc on taillât le nombre de pièces indiqué parles ordonnances et non qu’elles eussent toutes un poids rigoureusementégal»13.

étrangères n’ont à ce stade pas été consultées. Le Cabinet des Médailles de Paris, le Cabinetde numismatique de Lyon et le Musée d’Annecy conservent également quelques productionsde cet évêque. Voir à ce propos MOREL-FAtiO 1869, p. 2.

12. La convention entre l’évêque et son maître de monnaie se trouve aux Archives cantonales deFribourg, 1ère collection des lois, n° 75, fol. 21. Elle est entièrement retranscrite dans MOREL-FAtiO 1869, pp. 12-17. Pour le titre des espèces d’argent, voir FOURNiAL 1970, pp. 21-23 etBOMPAiRE-DUMAS 2000, p. 568.

13. FOURNiAL 1970, p. 24.

14. MOREL-FAtiO 1869, p. 8 et DOLiVO 1961, p. 16.31, mentionnent 2 autres deniers qui ont proba-blement été mélangés dans les collections. Ceux-ci pesaient respectivement 0.79 g et 0.80 g,correspondant ainsi aux exigences de l’ordonnance.

36

Espèces

Sesen oudemi-gros

Denier

Maille ouobole

Titre

(ordonnance

3.10.1375)

7 d.

3 d. 3 gr.

2 d.

Cours

(deniers)

6d. (½ sou)

1 d.

½ d.

Poids

théorique

2.03 g

0.79 g

0.56 g

Poids réel

(limites)

2.04-1.68 g

0.62-0.79 g14

0.68-0.33 g

Poids

réel

moyen

1.82 g

0.62 g

0.54 g

Ecart

0.21 g

0.17 g

0.02 g

Références

DOLiVO 1961,p. 16.30

DOLiVO 1961,p. 16.31

DOLiVO 1961,p. 16.32

Fig. 1: tableau récapitulatif des variations pondérales des monnaies émises sous l’épiscopat deGuy de Prangins (d.: deniers; gr.: grains; g: grammes).

Cependant, le même auteur mentionne une limite légale tolérée, estimée à0.10 g, entre le poids théorique et le poids réel15. Dans le tableau ci-dessus,les écarts pondéraux relevés sur les demi-gros et les deniers dépassent ladifférence autorisée. Le frai ou la corrosion ne peuvent en être les causesuniques. L’affaiblissement de la monnaie s’effectue sur le denier et comme ledemi-gros en est le sextuple, le titre dévalué du premier influe sur le titre dusecond. Par ailleurs, Morel-Fatio précise que les deniers fabriqués parP. Manfred pèsent 0.80 g au maximum au sortir des coins, alors que ceux deson prédécesseur dépassent 1 g pour la plupart. il paraît peu probable quel’évêque ait voulu produire des espèces plus légères, mais d’un titre élevé. Eneffet, il n’en aurait tiré aucun bénéfice. Pour effectuer une véritable ruptureavec le monnayage de son prédécesseur, l’évêque aurait dû augmenter lepoids d’argent fin dans ses demi-gros, améliorant ainsi leur titre. Le demi-grosétant un multiple du denier, il était alors nécessaire de renforcer le titre de cedernier. Un texte d’A. Ruchat nous fournit une information capitale sur la muta-tion exigée par Guy de Prangins: il «[…] affaibli encore sa monnaie de la pro-portion de 7 à 6 ou de 14 à 12. il donna à ferme à un flamand nommé Manfred,sous diverses conditions, entre autres qu’il donnerait 4 Fl. 10 d Laus pour unmarc d’argent le roi»16.

En parallèle, une ordonnance monétaire de Fribourg datant du 11 novembre1375, soit un mois après le début de la frappe, nous informe que les Petit etGrand Conseils de Fribourg interdisent aux habitants d’accepter la nouvellemonnaie émise par l’évêque de Lausanne. Les fraudeurs encourent une peineassociant une amende de 60 sols et le bannissement pour une durée d’unmois, peine surenchérie à 30 livres et à une année de bannissement pourceux qui, malgré l’ordonnance, feraient du commerce avec cette monnaiedécriée17. Ainsi l’affaiblissement simultané du titre et du poids dévalue la mon-naie de Guy de Prangins dès sa création ou presque.

toutefois, il est important de rappeler que le titre du denier lausannois diminuedéjà de 1275 à 1316, passant de 0.36 g à 0.27 g d’argent fin et de 0.30 g à0.26 g de 1356 à 1375. De ce fait, Lausanne, bien que plus épargnée que sesvoisins européens déchirés par des crises successives, subit également desmutations monétaires18.

37

15. FOURNiAL 1970, p. 29.

16. A. RUCHAt, Essai historique sur les monnoyes du Canton de Berne, et en particulier sur celles

des Anciens Evêques de Lausanne, ca. 1770, p. 43. (MMC, ms).

17. JORDAN 1959, p. 10.

18. FOURNiAL 1970, pp. 29-30.

Quinze ans plus tard, le 3 novembre 1390, une autre ordonnance de Fribourgreconnaît légales, par nécessité pour la ville, certaines pièces milanaises ditesambrosaines. Leur cours est estimé à 10 deniers lausannois. Quiconquerefuse de les accepter pour cette valeur encourt une amende de 40 sols.Selon toute logique, il s’agit des gros de Gian Galeazzo Visconti alors seigneurde Milan19. Cette ordonnance témoigne de la constante circulation d’espècesétrangères dans le diocèse et d’une dévaluation du cours, comme dans leroyaume de France qui, depuis 1385, entame à nouveau un lent affaiblissementde la monnaie. Ces monnaies de valeur intrinsèque amoindrie prouvent nonseulement le retour à une pénurie métallique, mais annoncent également lalente et inéluctable dégradation de toutes les unités monétaires en Europejusqu’à la fin de l’Ancien Régime20.

Dans le diocèse, les nouvelles monnaies affaiblies de Guy de Pranginsconservent la même valeur de compte et donc le même pouvoir d’achat quecelles, de meilleur aloi, de son prédécesseur. Aussi, les deniers et demi-grosà valeur quasi fiduciaire servent à acquérir à bon prix des florins et des écusd’or, ainsi que des grosses valeurs d’argent, dans le dessein de les revendreailleurs en faisant des bénéfices. De plus, les billonneurs pèsent et fondent lamonnaie la plus lourde et revendent l’argent fin aux ateliers épiscopaux. De cefait, «la mauvaise monnaie chasse la bonne» et continue à circuler jusqu’aujour de son décri et de son retrait de la circulation.

Ce n’est pas un cas isolé, puisqu’en France, des lettres aux baillis datant deseptembre 1375 rappellent que «plusieurs fois a été […] défendue par touslieux du royaume l’exportation du billon d’or et d’argent et l’importation des

Espèces

Fort blanc oudenier fort

Demi-gros

Fort noir

Bianchetto

Titres

1375: 3 d.

1384: 7 d.1391: 6 d. 12 gr.

1384: 3 d.1390/91: 2 d. 16 gr.

1384: 2 d. 18 gr.1390/91: 2 d. 12 gr.

Poids

0.85 g

2.10-1.85 g

0.98 g

0.80-0.63 g

Références

BiAGGi 1993, p. 143.77;SiMONEtti 1967, p. 79.17

BiAGGi 1993, p. 163.91;SiMONEtti 1967, p. 92.5

BiAGGi 1993, p. 164.93;SiMONEtti 1967, p. 93.7

BiAGGi 1993, p. 166.95;SiMONEtti 1967, p. 94.9

Savoie, Comté, Amédée VI (1343-1383)

Savoie, Comté, Amédée VII (1383-1391)

Fig. 2: tableau des valeurs monétaires savoyardes équivalentes à cellesde Lausanne.

38

19. CNi 1914, p. 88.4-5.

20. MORARD 1969, p. 25.

monnaies étrangères»21. La comparaison des espèces monétaires del’évêque avec celles de la Savoie, plus nombreuses, révèle la volonté épisco-pale de se calquer sur le cours de cette puissance rivale, malgré l’inégalité desmoyens financiers (fig. 2). Les titres mentionnés dans les ordonnances sonten effet très proches, voire supérieurs à Lausanne (fig. 1). Dès 1375, Amédée Viordonne l’émission de deniers forts blancs au titre de 3 deniers et au moisd’octobre de cette même année, Guy de Prangins frappe des deniers au titrede 3 deniers et 3 grains22. toutefois, les pièces épiscopales pèsent 0.05 g demoins que les espèces comtales. La comparaison est similaire pour les demi-gros. Cependant, le type d’Amédée Vii, frappé dès 1384, dévoile un poidssupérieur et un redressement du titre à 7 deniers, suivi d’un affaiblissement en1391 à 6 deniers et 12 grains23. Certains exemplaires de Guy de Prangins cor-respondant au poids fixé dans l’ordonnance, l’hypothèse d’un renforcementpériodique de sa monnaie n’est pas dénuée de sens. Peut-être a-t-il perçuassez de bénéfices suite à ses premières mutations pour permettre un retouren force pendant une courte période, vers 1384 par exemple? Le cours du flo-rin en Pays de Vaud nous apprend qu’il se maintient à 14 sols lausannoisentre 1383 et 1386 pour augmenter régulièrement les années suivantes24.Cela sous-entend une stabilisation de la monnaie locale pendant cettepériode. Cette question nécessiterait des recherches plus approfondies pourune publication future, mais d’un point de vue politique ou monétaire, il est cer-tain que l’évêque de Lausanne a sans cesse tenté de contrecarrer les ambi-tions du comte de Savoie en conservant son pouvoir et son autonomie.

Une typologie lausannoise novatrice

Hormis les modifications de titre et de poids, le monnayage de Guy dePrangins interpelle par sa typologie particulière. L’abandon du type anonymeau temple, même s’il fait quelques réapparitions chez ses successeurs, marqueune volonté de s’affranchir de la tradition monétaire lausannoise. La«réforme» de Guy de Prangins s’articule autour de trois innovations:

1. Le demi-gros arbore un évêque trônant de face. Ce personnage, employésur le monnayage milanais depuis la Première République (1250-1310),représente Saint-Ambroise, évêque de Milan de 374 à 397. Considérécomme l’un des Pères de l’Eglise latine, il est une figure emblématiquegrâce à ses œuvres, en particulier ses hymnes à l’origine du chant liturgique en Occident. Sur les monnaies, il est souvent représenté vêtu en évêque,tenant la crosse pastorale de sa main gauche. il porte les trois doigts de lamain droite dressés en signe de bénédiction ou brandit un fouet, avec

39

21. FOURNiAL 1970, p. 120.

22. BiAGGi 1993, p. 143.77; SiMONEtti 1967, p. 79.17 et DOLiVO 1961, p. 16.31.

23. BiAGGi 1993, p. 163.91; SiMONEtti 1967, p. 92.5.

24. MORARD 1969, p. 27.

lequel il aurait chassé hors d’italie les Ariens, alors considérés commemembres d’une secte hérétique. En 1375, l’évêque de Lausanne adopte lareprésentation de l’évêque bénissant et non celle au fouet, omniprésentesur les monnayages contemporains des seigneurs de Milan: Galeazzo ii,Barnabò et Gian Galeazzo Visconti. Quelles peuvent être les raisons de cechoix typologique? Morel-Fatio l’explique de deux façons25. La premièrerépond à une volonté d’imiter un type étranger déjà en circulation dans lediocèse, bénéficiant ainsi de son accréditation auprès de la population. Letype est en effet plus «parlant» que la légende pour une population à fortpourcentage d’illettrés. La seconde raison de ce choix serait la nature reli-gieuse du type, parfaitement adaptée à un monnayage épiscopal. il estimportant de préciser que si le type de l’évêque bénissant coiffé de la mitren’apparaît sur le monnayage lausannois qu’au dernier tiers du XiVe siècle,il est par contre déjà employé sous cette forme sur les sceaux épiscopauxlausannois depuis la fin du Xiie siècle26. Au XiVe siècle, il est remplacé parle type de la Vierge à l’enfant. En tous les cas, Guy de Prangins a adoptéce type après réflexion, probablement pour distinguer son monnayage decelui anonyme de ses prédécesseurs qui, de surcroît, était imité parAmédée Vi de Savoie27.

2. La légende GUiDO EPS LAVSAN[E] montre son intention de signer sesmonnaies, affirmant ainsi ses droits comtaux régaliens face au pouvoircroissant de la Savoie.

3. L’évêque renforce son message en y ajoutant ses armoiries. Elles figurentà l’avers du demi-gros, sis aux pieds de l’évêque assis et au début de lalégende du revers. Sur ses deniers et mailles, l’aigle surmonte égalementle temple à 5 colonnes. Ces espèces de valeurs inférieures reprennentainsi le type au temple à la légende SEDES LAVSANE, mais avec la diffé-rence majeure de la signature héraldique28. L’écu de l’évêque arbore uneaigle similaire à celle des Cossonay, probablement de gueules sur champd’or29. En Suisse, cet animal est fréquemment utilisé sur les armoiries eten Savoie, il l’est encore sur les monnaies d’Amédée V (1282-1323) et deLouis ii de Savoie (1302-1349). Cette figure héraldique, souvent associéeau Saint-Empire romain germanique depuis la fin du Xiie siècle, met ainsien valeur des positions politiques. Ce n’est peut-être pas un hasard si Guy

40

25. MOREL-FAtiO 1869, p. 4.

26. GALBREAtH 1930, pp. 4-5.

27. BiAGGi 1993, p. 146.80.

28. Le plus ancien sceau épiscopal lausannois connu arborant des armoiries revient à Girard deVuippens et date de 1307. GALBREAtH 1930, p. 6.

29. Les Prangins descendent de Guillaume, fils cadet de Jean ier, sire de Cossonay et dePrangins en 1235. La branche légitime de la famille s’est éteinte à la mort de l’évêque en1394. Voir D.L. GALBREAtH, Armorial vaudois, Genève, 1977, t. 2, p. 560.

de Prangins, dont la famille a rendu hommage à l’empereur en 1284,arbore une aigle sur ses monnaies. En effet, l’évêque doit sans cesse seréférer à l’empereur pour les questions territoriales et juridiques qui l’oppo-sent à la Maison de Savoie.

Pourquoi si peu d’exemplaires?

L’épiscopat de Guy de Prangins a duré près de vingt ans et pourtant, il n’alaissé qu’un nombre restreint de monnaies30. Ainsi, subsistent environ vingtdemi-gros, une centaine de deniers (parmi lesquels quatre exemplaires pro-venant des collections examinées et le solde, du trésor de Massingyaujourd’hui dispersé) et environ dix mailles.

a. Les monnaies de Guy de Prangins en circulation au XIVe siècle et leur

conservation dans les collections publiques consultées

41

30. C’est ce qu’indique notre enquête menée auprès des conservateurs des collections publiquessuisses consultées. Voir infra, catalogue.

31. Berne, Bernisches Historisches Museum; Fribourg, Service archéologique; Genève, Muséed’Art et d’Histoire, Cabinet de numismatique; Lausanne, Musée monétaire cantonal; Zurich,Musée National Suisse.

Grandson

(VD), église

Saint-Jean-

Baptiste

Lausanne

(VD),

Montblesson,

avant 1898

Payerne

(VD),

abbatiale

Saint-

Saphorin

(VD), église

Vevey (VD),

église

Saint-Martin

demi-gros

1

denier

1

maille

1

1

2

4

total

dans la

trouvaille

24

ind.

60?

500?

650?

collection

publique31

Lausanne

(MMC 39798)

Lausanne

(MMC 248/19731)

Lausanne

(MMC 32792)

Lausanne

(SS 412, 516)

Lausanne

(VM90/728;VM89/415;VM90/755;VM90/762;VM90/779)

références

RAEMY

tOURNELLE

2007,p. 92.2

inédite

MARtiN 1966,pp. 221-236

inédites

inédites

diocèse de Lausanne

a. trésor

aucun trésor répertorié

b. trouvailles isolées

Morat (FR),

Kreuzgasse 11

Massingy,

près de

Rumilly

(France,

Haute-

Savoie),

tombe de

l’ancien

cimetière

(TPQ 1394)

Meillerie

(France,

Haute-

Savoie),

août 1864

(TPQ XIVe

ou XVe s.)

Genève (GE),

église de la

Madeleine,

1899

Environs de

Genève

demi-gros

1

?

3

14(Lausanne 8;Berne 2;Genève 1;Winterthur 1;Zurich 2 ex.)

denier

± 100

?

1

2(Lausanne 1;Genève 1 ex.)

maille

?

2(Lausanne 1;Berne 1 ex.)

total

dans la

trouvaille

21

rouleau de200 deniers (GP et comte Pierre deGenevois)

4’000-5’000piècesdont680 deLausanne

collection

publique

Fribourg

(SAEF 7102)

dispersé

Lausanne,

Genève,

Annecy ind.

Genève

(MAH-CdN14078-14080)

collectionBlavignac?

références

AUBERSON

2008, p. 199

RABUt 1855,p. 64

GRUAZ 1916

BLAViGNAC

1849, p. 88et pl. n° 5

hors du diocèse de Lausanne

a. trésors

b. trouvailles isolées

42

c. sans provenance connue

Total 19 < 200 10

Fig. 3: tableau des monnaies répertoriées dans les collections publiques consultées et trou-vailles.

Onze monnaies proviennent de trouvailles isolées recueillies dans le terri-toire de l’ancien diocèse de Lausanne. Douze sont issues de Cabinets quiconservent traditionnellement les trouvailles du diocèse (Lausanne,Berne). La majorité des autres pièces provient de l’ancien territoire del’évêché de Genève ou du comté de Savoie. C’est dans ces régions,situées au sud et sud-ouest de l’évêché de Lausanne qu’ont été décou-verts les seuls trésors renfermant des pièces de Guy de Prangins(Meillerie-espèces et nombre indéterminés; Massingy-deniers, nombreinférieur aux 200 pièces du lot).

Ces quelques trouvailles ne permettent pas de tirer des conclusions défi-nitives sur la circulation des monnaies de Guy de Prangins. il est toutefoispossible d’observer une tendance en direction de Genève et de la Savoiehors des terres épiscopales, peut-être révélatrice (loi de Gresham) de lareconnaissance des demi-gros et des deniers du prélat lausannois dansces régions.

L’examen de ce corpus indique aussi que très peu de monnaies de Guy dePrangins sont conservées dans les collections, contrairement aux émis-sions de ses prédécesseurs. Morel-Fatio explique la rareté de ces émis-sions dans les trouvailles soit par leur faible production, soit par leurdécri32. La première hypothèse résulterait de la forte production monétairedu prédécesseur de Guy de Prangins, Aimon de Cossonay, motivant ainsides frappes plus réduites et la seconde, de l’affaiblissement en titre desespèces lausannoises. Comment résoudre ces questions? La progressionde la recherche permet aujourd’hui de proposer une estimation de l’am-pleur d’un monnayage.

b. Identification de l’ampleur des émissions monétaires de Guy de

Prangins

Les chercheurs admettent en effet, bien qu’aucune étude n’ait encore tentéd’analyser l’influence des métaux utilisés dans la frappe, qu’un coin permetde produire entre 10’000 et 40’000 monnaies33. Dans certains cas, laconfrontation entre les séries monétaires et les sources écrites connuesoffre à l’historien des pistes sérieuses. Par exemple, les comptes d’ateliersanglais de la fin du Xiiie siècle mentionnent une production moyenne de15’000 à 20’000 exemplaires par coin de revers et davantage par coind’avers (30’000 à 40’000)34. Ces méthodes peuvent-elles éclairer l’ampleur

43

32. MOREL-FAtiO 1869, pp. 10-11.

33. F. DE CALLAtAÿ, G. DEPEYROt, L. ViLLARONGA, L’argent monnayé d’Alexandre le Grand à

Auguste, Bruxelles, 1993, pp. 9-11, qui cite les études traitant de monnaies médiévales.

34. Le coin de droit ou trousseau étant fermement tenu dans l’enclume se brise un peu moins viteque celui de revers, le coin mobile. B.H.i.H. StEWARt, «Medieval Die-output: two calculations

des émissions de l’évêché de Lausanne? Peut-être, mais encore faudrait-il connaître ou estimer le nombre de coins utilisés pour répondre à cettequestion35. Cela reste à étudier. Dans l’état actuel de la recherche, avec untrès petit nombre de monnaies à disposition, nous pouvons établir à titreindicatif que sur les dix demi-gros qu’il a été possible d’examiner, deuxrevers semblent issus du même coin. On aurait, en conséquence, 10 coinsde droit pour 9 de revers. D’après la moyenne de 15’000 à 20’000 exem-plaires par coins de revers, il est donc possible d’estimer une frappe d’aumoins 150’000/200’000 demi-gros à Lausanne à la fin du XiVe siècle. S’ilconviendra d’adapter cette estimation à la suite de l’examen d’autrespièces connues, elle nous donne déjà une petite idée de l’importance de laproduction monétaire de Guy de Prangins36.

Le mot de la fin…

Guy de Prangins accède au siège épiscopal au fait de la situation politique etéconomique du diocèse. Ses mutations monétaires, ainsi que ses modifica-tions typologiques, répondent à une nécessité: défendre ses droits comtaux,dont fait partie la régale de la monnaie, en confirmant la légitimité de sonpouvoir face à la puissance grandissante de la Savoie. Depuis plus d’unsiècle, l’évêché de Lausanne se bat pour conserver ses possessions terri-toriales. En 1286 déjà, Louis i de Vaud prend le titre de Seigneur de Vaud,dévoilant ainsi ses prétentions souveraines sur la région avoisinant Lausanne.Le rachat de l’apanage en 1359 par Amédée Vi de Savoie n’arrange pas leprélat qui se retrouve alors enclavé à Lausanne. La région est appelée Paysde Vaud et Moudon devient sa capitale. Les monnaies des comtes affluent surle territoire diocésain, parmi lesquelles les imitations des pièces lausannoises.Une inondation du marché qui appauvrit de la sorte les revenus du princeévêque. La réaction de Guy de Prangins ne se fait pas attendre et l’ordon-nance du 3 octobre 1375 est rédigée…

44

for English Mints in the Fourteenth Century», NC 3, 1963, pp. 97-106, et id. «Secondthoughts on Medieval Die-Output», NC 4, 1964, pp. 293-303. Ateliers étudiés: Newcastle,Bristol, York, au début du XiVe siècle. Voir aussi P. SPUFFORD, «Die-output», Numismatic cir-

cular, april 1964, p. 79, qui note un montant de 2’500 à 5’000 exemplaires pour Bruges auXVe siècle. M.R. ALLEN, «the Provision and Use of Short Cross Class V Dies», British

Numismatic Journal 59, 1989, p. 60, parvient à fixer une moyenne de ca. 20’000 exemplairespar coin de revers pour les pennies d’Edouard i des ateliers de Londres, Canterbury etShrewsbury.

35. Notamment, J.W. MüLLER, «Estimation du nombre originel de coins», dans: C. CARCASSONNE,t. HACkENS (éds.), Statistique et numismatique, Strasbourg, 1981, pp. 157-172.

36. Soit un équivalent de 1’350’000 ou 1’800’000 deniers en 20 ans. Une étude analogue devraitêtre menée sur les mailles de Guy de Prangins et les monnaies attribuées à Aimon deCossonay, afin de pouvoir comparer et préciser l’ampleur de ces productions. Elle est en l’étatimpossible à mener pour le denier de Guy de Prangins, dont ne subsiste à ce jour qu’un seulexemplaire.

Catalogue des monnaies

ELGP 1.a – Nos 1-16 – Demi-gros ou six deniers, sesen, sextus

(MoREL-FATIo 1869, 1, pl. 1)

Av.: GViDO.EN-S LAVSAN entre deux grènetis; évêque assis de face, bénis-sant de la main droite et tenant de la gauche une crosse. A ses pieds unécusson à l’aigle, armes des Prangins.

Rv.: (aigle) Sit : NOME : DNi : BNDiCtV : entre deux grènetis; croixpattée dans un double quadrilobe, dont les angles sont décorés defeuilles à l’intérieur et de fleurs à 5 pétales à l’extérieur.

Références: MOREL-FAtiO 1869, 1; DOLiVO 1961, 30a. Equivalents: HMZ 2006, 1-488.

Métrologie: poids moyen de 16 exemplaires examinés: 1.82 g.diamètre moyen de 16 exemplaires examinés: 21-22 mm.

Trouvailles connues: Lausanne (VD), Montblesson, avant 1898 (Lausanne, MMC

248/19731); Genève (GE), église de la Madeleine, 1899 (Genève,

MAH-CdN 14078-14080); Morat (FR), kreuzgasse 11, 1995 (Fribourg,SAEF 7102).

Musée de Lausanne37: (7 ex.: 9 dans les registres Gruaz, 2 manquent38). Les nos 245-247 sontdes dons d’A. Blanchet (fils de R. Blanchet).

Collections publiques suisses consultées: Bâle (-); Berne (2 ex.); Coire (-); Fribourg (1 ex.);Genève (4 ex.); Zurich (2 ex.).

45

37. Les pièces de notre catalogue qui ne sont pas des trouvailles récentes figurent dans:R. BLANCHEt, Catalogue de la collection des monnaies de l’évêché de Lausanne, telle qu’elle

est arrangée au Musée cantonal, catalogue manuscrit, 1854, nos 412 et 414-416 (4 demi-gros), n° 413 (1 denier ou 1 maille). J. GRUAZ, Brouillon abrégé des monnaies suisses. IIIème

cahier. Suite de l’Evêché de Lausanne, catalogue manuscrit non daté (mais avant 1898),nos 245-255 et J. GRUAZ, Médaillier cantonal vaudois, 12. Répertoire des monnaies. Evêché

de Lausanne, catalogue manuscrit, avant le 29 août 1898, inventaires nos 245/19728-

255/19738.

38. 246/19729 et 253/19736. Ces pièces manquaient déjà à l’époque de Colin Martin car ellesn’ont pas fait l’objet d’un report de sa nouvelle numérotation et elles n’étaient pas présenteslors de l’inventaire avant notre déménagement. S’agirait-il d’un mélange avec des pièces ana-logues d’autres évêques, restituées depuis, car MOREL-FAtiO 1869, p. 2, ne mentionne que 7variétés du demi-gros? Dans l’état actuel des récolements de collections du Musée, nous nepouvons pas en dire plus.

Gros illustrés:

Tête de l’évêque dépourvue de larges boucles de cheveux (MoREL-FATIo

1869, p. 7)

Tête de l’évêque pourvue de larges boucles de cheveux

1.

AR; 1.93 g; 23.5-23.0 mm; 180° (rv. coin identique àn° 2).

Lausanne, MMC 250/19733.

2.

AR; 2.04 g; 23.1-22.5 mm; 150° (rv. coin identique àn° 1).Lausanne, MMC 251/19734.

3.

AR; 1.96 g; 22.2-21.4 mm; 300°.Lausanne, MMC 248/19731 (Lausanne, VD,Montblesson, avant 1898).

4.

AR; 1.94 g; 22.4 mm; 15°.Zurich, SLM, EA 3519 (dépôt EidgenössischesArchiv).

46

5.

AR; 1.90 g; 21.8-21.4 mm; 350°.Lausanne, MMC 245/19728 (don A. Blanchet).

Mots de la légende séparés par deux quintefeuilles (MoREL-FATIo 1869, p. 7)

6.

AR; 1.86 g; 22.3 mm; 330°.Berne, BHM, S 9355.

7.

AR; 1.81 g; 22.3-21.6 mm; 360°.

Lausanne, MMC 249/19732.

8.

AR; 1.79 g; 22.4 mm; 240°.Berne, BHM, S 9356. Blatter 1924 (ex. Bachofen, ex. Morel-Fatio).

9.

AR; 1.75 g; 22.3-21.3 mm; 150°.Lausanne, MMC 247/19730 (don A. Blanchet).

47

10.

AR; 1.68 g; 22.0-21.8 mm; 150°.Lausanne, MMC 252/19735.

Gros non illustrés:

11.AR; 1.93 g; 12.5-11.9 mm; 270°.Genève MAH-CdN 14079 (Genève (GE), près de l’église de la Madeleine?, 1899).

12.AR; 1.85 g; 13.2-12.3 mm; 360°.

Genève, MAH-CdN 14080 (Genève (GE), près de l’église de la Madeleine?, 1899).

13.

AR; 1.85 g; 21.9-20.6 mm; 260°. Morat (FR), SAEF 7102.

14.AR; 1.84 g; 12.3-11.8 mm; 180°. Genève, MAH-CdN 38573 (ancienne collection Révillod, XiXe s.?).

MOREL-FAtiO 1869, p. 7, variante «avec un fer de flèche au revers après le mot DNi».

15.AR; 1.82 g; 23 mm; 180°.

Zurich, SLM, AG 389 (Antiquarische Gesellschaft Zürich).

16.AR; 1.68 g; 13-11.6 mm; 360°.Genève, MAH-CdN 14078 (Genève (GE), près du temple de la Madeleine, 1899).

48

ELGP 1.b – Demi-gros ou six deniers, sesen, sextus au T oncial au lieu

du T ordinaire et EPS au lieu de ENS

ELGP 2 – Denier

(MoREL-FATIo 1869, 2, pl. 1)

Av.: GViDO.EP-S LAVSAN entre deux grènetis; évêque assis de face, bénis-sant de la main droite et tenant de la gauche une crosse. A ses pieds unécusson à l’aigle, armes des Prangins.

Rv.: (aigle) Sit : NOME : DNi : BNDiCtV : («t» oncial) entre deux grènetis;croix pattée dans un double quadrilobe, dont les angles sont décorés defeuilles à l’intérieur et de fleurs à 5 pétales à l’extérieur.

Références: MOREL-FAtiO 1869, 2; DOLiVO 1961, 30b. Equivalents: HMZ 2006, -.

Métrologie: 1.92 g d’après MOREL-FAtiO 1869, 2. Poids moyen de ca. 2 g d’après DOLiVO 1961,30b.

Provenance: de l’ancienne collection Lohner de thoune.

Musée de Lausanne: (-).

Collections publiques suisses consultées: Bâle (-); Berne (-); Coire (-); Fribourg (-); Genève (-); Zurich. (-); Winterthur (1 exemplaire d’aprèsMOREL-FAtiO 1869, 2).

1.

AR; 1.92 g; -; -. Winterthur, CdN (ex. imhoof-Blumer).

49

(MoREL-FATIo 1869, 3, pl. 1)

Av.: (aigle) SEDES LAVSANE entre deux grènetis; temple à cinq colonnes sur-monté de l’aigle de Prangins; au-dessous, un annelet entre deux besants.

Rv.: + CiVitAS EQ’StRi entre deux grènetis; croix cantonnée au 1er d’un anneletet au 4e d’une pointe barbelée.

Références: MOREL-FAtiO 1869, 3; DOLiVO 1961, 31. Equivalents: HMZ 2006, 1-489.

Métrologie: 0.62 g.

Provenance: Vevey (VD), église Saint-Martin (1990).

Musée de Lausanne: (2 ex., 1 manque).

Collections publiques suisses consultées: Bâle (-); Berne (-); Coire (-); Fribourg (-); Genève

(1 ex. manque); Zurich (-).

ELGP 3 – Nos 1-10 – obole ou maille

1.

0.62 g; 17.0-16.1 mm; 220°.Lausanne, MMC, VM 90/728 (Vevey (VD), église Saint-Martin, 1990).

(MoREL-FATIo 1869, 4, pl. 1)

Av.: (aigle) SEDES LAVSANE entre deux grènetis; temple à cinq colonnes surmontéde l’aigle de Prangins; au-dessous, un annelet entre deux besants.

Rv.: + CiVitAS EQ’StRi entre deux grènetis; croix cantonnée au 1er d’un annelet etau 4e d’une pointe barbelée.

Références: MOREL-FAtiO 1869, 4; DOLiVO 1961, 32. Equivalents: HMZ 2006, 1-490.

Métrologie: 0.45 g.

Provenances: Saint-Saphorin (VD), église; Vevey (VD), église Saint-Martin; Payerne (VD),abbatiale; Grandson (VD), église Saint-Jean-Baptiste.

Musée de Lausanne: (9 ex.).

Collections publiques suisses consultées: Bâle (-); Berne (1 ex.); Coire (-); Fribourg (-);Genève (-); Zurich (-).

50

1.

AR; 0.68 g; 12.9-12.4 mm; 10°.Lausanne, MMC, VM 90/762 (Vevey (VD), église Saint-Martin, 1990).

2.

AR; 0.65 g; 13.5 mm; 240°. Berne, BHM, S 9357.

51

3.

AR; 0.56 g; 12.8-11.9 mm; 330°.Lausanne, MMC, VM 89/415 (Vevey (VD), église Saint-Martin, 1989).

4.

AR; 0.59 g; 13.0-11.8 mm; 35°.Lausanne, MMC, VM 90/779 (Vevey (VD), église Saint-Martin, 1990).

5.

AR; 0.48 g; 12.9-11.5 mm; 345°.Lausanne, MMC, VM 90/755 (Vevey (VD), église Saint-Martin, 1990).

6.

AR; 0.43 g; 12.5-11.9 mm; 285°.Lausanne, MMC 32792 (Payerne (VD), abbatiale).

MARtiN 1966, pp. 221-236.

Abréviations et bibliographie:

SOREt 1841: F. SOREt, «Lettre à M. F. de Saulcy sur quelques monnoies du Moyen-Age, trouvéesaux environs de Genève», RN 1841, pp. 394-419.BLAViGNAC 1849: J.-D. BLAViGNAC, Notice descriptive sur les monnaies trouvées dans le trésor de

Feygères, [Genève], 1849, pp. 85-94.BLANCHEt 1854: R. BLANCHEt, Mémoire sur les monnaies des pays voisins du Léman, Lausanne,1854.RABUt 1855: F. RABUt, «Découverte de monnaies», Bulletin de l’Association florimontane

d’Annecy et Revue savoisienne 1, 1855, séance du 5 janvier 1855, p. 64.

7.

AR; 0.39 g; 12.1-11.3 mm; 30°.

Lausanne, MMC, 516 (Saint-Saphorin (VD), église).

8.

AR; 0.38 g; 13.0-11.5 mm; 345°.Lausanne, MMC, 412 (Saint-Saphorin (VD), église).

9.

AR; 0.34 g; 12.7-11.3 mm; 225°.

Lausanne, MMC 39798 (Grandson (VD), église Saint-Jean-Baptiste).

10.

AR; 0.45 g; 12.9-12.0 mm; 45°.

Lausanne, MMC, 255/19738.

52

MOREL-FAtiO 1869: A. MOREL-FAtiO, «Histoire monétaire de Lausanne (fragment): Guy dePrangins (1375-1394)», [Bruxelles], 1869, 17 p. (tiré à part de la Revue belge de Numismatique

et de Sigillographie 2, 1870, pp. 252-268).MOREL-FAtiO 1881: A. MOREL-FAtiO, «Histoire monétaire de Lausanne (fragment): Aimon deCossonay (1355-1375)», MDR 35, 1881, pp. 243-251.GNECCHi 1884: F. et E. GNECCHi, Le monete di Milano da Carlo Magno a Vittorio Emanuele II,

Milano, 1884.CNi 1914: Corpus Nummorum Italicorum, vol. 5, Lombardia (Milano), Roma, 1914.GRUAZ 1916: J. GRUAZ, «trouvailles monétaires. 1. Le trésor de Meillerie», RSN 20, 1916,pp. 264-259.GALBREAtH 1930: D.L. GALBREAtH, Les sceaux des évêques de Lausanne, 1115-1536, Bâle, 1930,28 p. (tiré à part des Archives Héraldiques Suisses 43, 1929).JORDAN 1959: J. JORDAN, «Ordonnances monétaires de Fribourg», RSN 40, 1959, pp. 10-21.DOLiVO 1961: D. DOLiVO, Les monnaies de l’Evêché de Lausanne, Berne, 1961 (Catalogue desmonnaies suisses 2).MARtiN 1966: C. MARtiN, «Les monnaies trouvées à Payerne», dans: P. LADNER et al., L’Abbatiale

de Payeme, Lausanne, 1966, pp. 221-236 (BHV 39).SiMONEtti 1967: L. SiMONEtti, Monete italiane medioevali e moderne, vol. i, Casa Savoia, parte i,Da Oddone-Conte (1056) a Carlo Emanuele, I Duca (1630), Firenze, 1967.MORARD 1969: N. MORARD, Monnaies de Fribourg, Fribourg, 1969, pp. 18-27.FOURNiAL 1970: E. FOURNiAL, Histoire monétaire de l’Occident médiéval, Paris, 1970.MORARD 1975: N. MORARD, «Contribution à l’histoire monétaire du Pays de Vaud et de la Savoie:la «bonne» et la «mauvaise» monnaie de Guillaume de Challant (1408-1420)», Revue historique

vaudoise 83, 1975, pp. 103-133.SANtSCHi 1975: C. SANtSCHi, Les évêques de Lausanne et leurs historiens des origines au XVIIIe

siècle, Lausanne, 1975 (MDR. Série 3, 11).MARtiN 1977: C. MARtiN, «inventaire des monnaies trouvées au cours des fouilles de la Madeleine(Genève)», dans: C. BONNEt, Les premiers édifices chrétiens de la Madeleine à Genève, Genève,1977, pp. 195-197 (Mémoires et documents publiés par la Société d’histoire et d’archéologie deGenève. Série in-4, 8).ANEX-CABANiS 1978: D. ANEX-CABANiS, La vie économique à Lausanne au Moyen Age, Lausanne,1978 (BHV 62).LAUSANNE 1982: J.C. BiAUDEt (dir.), Histoire de Lausanne, toulouse/Lausanne, 1982.MiLANO 1983: E.A. ARSLAN (dir.), La Zecca e le monete di Milano, Milano, 1983.AERNY 1991: F. AERNY, L’Evêché de Lausanne (VIe siècle – 1536), Yens s./ Morges, 1991.BiAGGi 1993: E. BiAGGi, Otto secoli delle monete sabaude, torino, 1993, vol. 1.DAY 1994: J. DAY, Monnaies et marchés au Moyen Age, Paris, 1994.BOMPAiRE-DUMAS 2000: M. BOMPAiRE, F. DUMAS, Numismatique médiévale, turnhout, 2000.MOREROD 2000: J.-D. MOREROD, Genèse d’une principauté épiscopale: la politique des évêques

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