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Ateliers d'anthropologie 40 (2014) Représentations et mesures du corps humain en Mésoamérique ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Brigitte Faugère Montrer ou cacher le corps humain Quelques réflexions sur la conception du corps et ses représentations dans les hautes terres du Mexique préhispanique au Préclassique et au Classique ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Brigitte Faugère, « Montrer ou cacher le corps humain », Ateliers d'anthropologie [En ligne], 40 | 2014, mis en ligne le 03 juillet 2014, consulté le 03 juillet 2014. URL : http://ateliers.revues.org/9622 ; DOI : 10.4000/ateliers.9622 Éditeur : LESC (Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative) http://ateliers.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://ateliers.revues.org/9622 Document généré automatiquement le 03 juillet 2014. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'édition papier. Tous droits réservés

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Ateliers d'anthropologie40  (2014)Représentations et mesures du corps humain en Mésoamérique

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Brigitte Faugère

Montrer ou cacher le corps humainQuelques réflexions sur la conception du corpset ses représentations dans les hautes terres duMexique préhispanique au Préclassique et auClassique................................................................................................................................................................................................................................................................................................

AvertissementLe contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive del'éditeur.Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sousréserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue,l'auteur et la référence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législationen vigueur en France.

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Référence électroniqueBrigitte Faugère, « Montrer ou cacher le corps humain », Ateliers d'anthropologie [En ligne], 40 | 2014, mis en lignele 03 juillet 2014, consulté le 03 juillet 2014. URL : http://ateliers.revues.org/9622 ; DOI : 10.4000/ateliers.9622

Éditeur : LESC (Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative)http://ateliers.revues.orghttp://www.revues.org

Document accessible en ligne sur :http://ateliers.revues.org/9622Document généré automatiquement le 03 juillet 2014. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'éditionpapier.Tous droits réservés

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Brigitte Faugère

Montrer ou cacher le corps humainQuelques réflexions sur la conception du corps et ses représentationsdans les hautes terres du Mexique préhispanique au Préclassique et auClassique

1 En Mésoamérique, les archéologues sont confrontés à l’existence d’une quantité quasiinépuisable de représentations anthropomorphes de toutes les époques dont les significationsrestent difficiles à établir1. Il est vrai que la conception de la personne humaine, la perceptiondu corps humain et la recherche des significations possibles de sa représentation à l’époquepréhispanique constituent des thèmes d’étude pour lesquels l’archéologie seule peut se révélerimpuissante. Une étude approfondie de ces artefacts pour tenter d’approcher leur significationdans le cadre des sociétés préhispaniques qui les ont produites ne saurait, en effet, reposerexclusivement sur des classifications typologiques ou des analyses stylistiques, qui peuventfournir des données chronologiques et culturelles mais n’offrent que peu d’accès à unecompréhension de la signification des objets ou même de leur fonction. En revanche, les textesdu début de l’époque coloniale et les études anthropologiques ont donné lieu à de multiplesinterprétations sur la perception mésoaméricaine du corps humain2. En ce sens, ce thème ouvredonc de belles perspectives de dialogue entre archéologues et anthropologues.

2 À l’époque préhispanique, ces productions matérielles ont servi dans de multiplescirconstances de la vie domestique et rituelle des Mésoaméricains. Selon les époques et lescultures, le corps humain est nu ou vêtu, l’accent peut être mis sur la qualité du travail etles détails de représentation de certaines parties anatomiques, ou sur la parure. On représenteaussi le corps dans tous ses états : vivant, semi-décharné, laissant apparaître des parties dusquelette et des organes, ou mort  : entier ou sous la forme de fragments isolés (membres,pieds, mains, têtes, organes…). Il est bien évident que l’étendue de la signification de cesreprésentations anthropomorphes est très vaste, même si, dans une approche d’historien del’art, un objet anthropomorphe complet est simplement interprété comme une productionmatérielle reproduisant — à différentes échelles, en double ou triple dimension — desindividus vivants, des ancêtres, des morts ou encore des entités divines et leurs multiplesavatars.

3 Dans cet article, nous tenterons d’effectuer un premier pas dans une démarche qui vise àdépasser une analyse formelle pour approcher le point de vue des sociétés mésoaméricaines.Nous nous demanderons en quoi la conception de la personne humaine peut être retranscritedans les représentations anthropomorphes, en nous appuyant sur des pièces archéologiquesprovenant de contextes chronologiques et culturels distincts des hautes terres du Mexique, maistoutefois suffisamment proches pour pouvoir être interrogées dans les mêmes termes. Pour cefaire, nous partons du postulat défendu par certains historiens des religions, parmi lesquelsAlfredo López Austin et Miguel León Portilla, selon qui certains aspects de l’idéologie despeuples que les Espagnols ont rencontrés au moment de la Conquête sont très profondémentancrés dans l’histoire et que certains domaines de la mentalité des anciens Mésoaméricainspeuvent être abordés par le prisme d’une analyse raisonnée des sources ethno-historiques del’époque de la Conquête et du XVIe siècle, y compris pour des périodes reculées de l’histoire decette aire culturelle comme la période préclassique remontant bien avant le début de notre ère.

4 Notre démarche reposera sur un examen de ce qui est montré et de ce qui est caché dans uneapproche globale, c’est-à-dire que nous nous pencherons sur ce qui est figuré avant tout dansle corps humain et, au contraire, sur ce qui est seulement ébauché, voire non représenté ouencore caché par des vêtements ou des éléments de parure, en nous appuyant sur des exemplesappartenant aux périodes préclassique et classique du haut plateau central et de l’occident duMexique pour lesquelles nous disposons de suffisamment de représentations anthropomorphesbien documentées.

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5 Le socle de cette étude sera principalement, comme cela a déjà été mentionné, les apportscombinés de l’ethnohistoire et de l’ethnographie interprétés notamment par A.  LópezAustin, qui permettent d’approcher la conception du corps des derniers groupes de l’époquepréhispanique, en particulier des Mexica. Après avoir examiné le corps dans son ensemble,nous nous intéresserons à certains segments corporels qui nous semblent particulièrementsignificatifs, comme le visage ; puis à ce qui est caché ou au contraire montré du corps par lebiais de la parure ou de décorations et de traitements de la peau ; enfin, nous nous pencheronssur ce que les artisans ont voulu montrer de l’intérieur du corps. Nous verrons en quoi lareprésentation de l’enveloppe corporelle peut servir en réalité à transcrire ou à refléter certainescomposantes logées à l’intérieur du corps. Ces approches successives ont donc pour objectifde mettre en évidence que les conventions suivies pour figurer, ou pas, les différents segmentscorporels des représentations anthropomorphes préhispaniques correspondent à un langagecohérent et hautement significatif de la nature du corps et de sa perception, qui structure lapensée mésoaméricaine encore parfois jusqu’à aujourd’hui.

La conception du corps et sa représentation

La conception de la personne chez les Mexica6 Notre étude repose sur le principe que les représentations anthropomorphes reflètent, de toutes

sortes de manières, la conception de la personne humaine et que cette conception peut êtreapprochée grâce aux bribes de connaissance dont nous disposons, notamment de la penséenahua. À propos de la définition de la personne humaine, Miguel León Portilla mentionnele fait que l’expression in ixtli in yóllotl « visage/cœur » revient à de multiples reprises dansles textes. Selon lui, cependant, les termes de « visage » et de « cœur » ne doivent pas êtrepris dans leur sens anatomique, mais métaphoriquement comme ce qui enlève à l’hommeson caractère anonyme. Pour les anciens Mexicains, le visage est la manifestation d’unepersonnalité acquise par l’éducation et se rapporte à la nature intime et particulière de l’homme,en particulier en ce qui le sépare du monde animal et végétal. Selon le même auteur, le secondterme, yóllotl « cœur », fait allusion à l’aspect dynamique du moi. In ixtli in yóllotl constituedonc un redoublement sémantique signifiant « une personnalité bien définie ayant des traitsspécifiques (visage) et un élan dynamique (cœur)  ». Dans la pensée nahuatl, «  cœur  » et« visage » représentent ainsi deux idées fondamentales relatives à l’être humain : il possèdeune physionomie intérieure et une source d’énergie et c’est cette association qui définit lapersonne, la personnalité (León Portilla, 1985 : 167).

7 López Austin souligne, pour sa part, la relation entre macrocosme et microcosme, laphysiologie humaine étant liée aux processus généraux de l’univers. La perception du corps àl’époque préhispanique doit ainsi être considérée selon plusieurs perspectives (López Austin,1980 et 1997) :

• le corps humain est un microcosme avec des séries de correspondances qui reflètentl’univers, ses différentes strates étagées entre l’inframonde, la surface terrestre et lesniveaux célestes. Les organes eux-mêmes, comme les différentes parties du corps,sont liés à ces correspondances. Le tonalli, placé au sommet de la tête, est associé auciel, le cœur à la terre et le foie à l’inframonde (fig.  1). Cette conception du corpspermet de rapprocher la pensée mexica de l’ontologie analogiste de Descola  : « Unedes caractéristiques de la pensée analogique est de décliner à l’envie la thématique descorrespondances entre le macrocosme, l’univers, et le microcosme, la personne humainevue comme un monde en miniature » (Descola, 2010 : 174). Le même auteur souligneque « même si la figuration analogiste est parfois d’un saisissant réalisme, elle ne visepas tant à reproduire avec fidélité un modèle naturel objectivement donné qu’à restituerla trame des affinités au sein de laquelle des entités réelles ou imaginaires se trouventinsérées et acquièrent de ce fait une qualité d’agent » (ibid. : 165.) ;

• l’existence de forces animiques : il s’agit de substances vitales contenues dans le corpsimpulsant les processus qui donnent vie et mouvement à l’organisme et permettentla réalisation des fonctions psychiques. Il existe un «  noyau  » animique fixe, lié

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principalement au jour de la naissance, qui assigne un individu à une classe donnée(physique, sociale…) et des ensembles d’éléments hétérogènes qui personnalisent à leurtour chaque individu. Certaines essences sont stables dans le corps, alors que d’autressont en transit, constituant ainsi une mosaïque intérieure, hétérogène et changeante,pour chaque personne. Certains êtres humains partageaient ainsi des «  charges  »intérieures, ce qui pouvait se refléter par des similarités dans leur apparence, dans leurcomportement, dans leur appartenance sociale. D’autres charges étaient responsables deleurs particularités et de leur évolution dans le temps. Si les forces animiques majeuressont localisées dans le tonalli, le cœur et le foie, d’autres parties du corps, comme lecou, les épaules et les coudes, la taille et l’aine, les genoux, les mollets et les chevillessont des centres mineurs (fig. 1) ;

• le jeu des oppositions complémentaires  : López Austin explique clairement que lesêtres étaient perçus comme composés, d’une part, d’une matière de densité pesante etperceptible par les sens, et d’une autre imperceptible à l’être humain dans des conditionsnormales. Les êtres humains combinent les deux matières et appartiennent à la surfacede la terre, alors que les divinités sont légères, imperceptibles et circulent dans lesstrates célestes supérieures ou dans celles du monde inférieur. La particularité des êtresterrestres provenait de leur composante intangible, leur matière subtile non seulementsemblable à celle des dieux, mais d’origine divine (López Austin, 1997 : 25). La matièrelégère et invisible, contenue à l’intérieur du corps, était conçue comme la combinaisonde deux types de forces : l’une lumineuse, chaude et sèche ; l’autre sombre, froide ethumide. L’être humain, comme le cosmos, est formé de ces deux types de matières ;

• le substrat chamanique, qui peut notamment être perçu au travers de la nature de certainscomposants du corps, qui sont eux-mêmes considérés comme indépendants les uns desautres. Le corps est en effet composé d’entités indépendantes qui peuvent agir par elles-mêmes. Comme les autres composantes du corps humain, le tonalli est indépendant ducorps qui le porte, mais il est en même temps le porteur des prédéterminations liéesà son jour de naissance. M.-N. Chamoux (1989) signale que, chez les Nahuas actuelsde la région de Huauchinango, Puebla, le tonalli représente la part non humaine del’homme, celle qui prolonge le monde des humains. C’est un être physique qui résidedans l’individu et la force, le rang, la personnalité de ce dernier dépendent de l’espèce deson tonalli. Cette face non humaine de chaque personne peut se révéler par des processusde transformations nocturnes, l’individu se transformant en son nahualli, qui peut êtreun animal — les plus prestigieux et forts étant les jaguars, pumas ou vautours —, maispeut également se matérialiser dans des éléments de la nature très divers, comme lespierres ou le feu.

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FIG. 1 – Les centres de forces vitales selon López Austin (1980)

Dessin S. Eliès (CNRS, UMR 8096)

Cette conception de la personne est associée à un sentiment très marqué de fragilité de lavie terrestre de l’homme. La mort peut advenir à tout moment, la vie sur terre étant conçuecomme un épisode temporaire et également comme une sorte d’illusion (López Austin, 1997).Pourtant, dans la pensée nahuatl, « la personnalité humaine est perfectible, elle est douée d’unlibre arbitre et elle peut par sa volonté et ses efforts parvenir au dépassement de soi… Lapersonnalité humaine est source de création. Cette idée est confirmée par les idéaux éducatifs,esthétiques, éthiques » (León Portilla, 1985 : 181).

8 Sans pouvoir entrer dans les mêmes détails, une étude récente de Roberto Martínez González(2012) tente de dresser une première approche de la conception du corps des P’urhépecha, dontles ancêtres préhispaniques, installés dans les hautes terres du Michoacán, ont été les voisinset les rivaux des Mexica3. Cette étude montre notamment un certain nombre de convergencesavec la conception mexica du corps et souligne, en particulier, l’importance de la tête quiexprime « le statut des personnes, leurs fonctions […] ; c’est la partie la plus visible du corpset la voir signifie accéder à la condition actuelle de l’essence de l’être » (ibid. : 177), mais

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aussi des pieds et de la peau. Les articulations (épaules, hanches et aines, chevilles et coudes),sièges de forces animiques chez les Mexica, figurent également parmi les mentions les plusfréquentes dans les lexiques p’urhé, fait qui met en évidence des similitudes au moins dansl’importance hiérarchique des segments corporels dans les deux cultures.

9 Comment cette conception de la personne humaine a-t-elle pu se traduire dans lesreprésentations du corps humain  ? Retrouve-t-on dans ce que les artisans ont choisi dereprésenter, ou au contraire de schématiser, de déformer, de gommer ou de cacher, des indicesque l’objet anthropomorphe transcrit cette conception particulière du corps ?

Les figurations anthropomorphes du Préclassique et du Classiquedans les hautes terres du centre du Mexique

10 Les artisans du haut plateau central mexicain ont produit au cours du temps toutes sortesde figurations humaines. Ces objets ont été fabriqués dans des matières premières qui sesont conservées au cours des âges (pierre, céramique, coquille, os principalement), mais ilne faut pas oublier qu’à l’époque préhispanique une part importante de ces représentationsétait également réalisée dans des matériaux qui résistent mal au temps : argile crue, bois etsurtout toute une gamme de matières organiques (végétaux souples, comme les joncs ou lepapier d’écorce ; feuilles ; pâtes ou résines végétales aptes à être modelées comme le copalet le caoutchouc ; préparations à partir de céréales ou de graminées comestibles, telles que lemaïs ou l’amarante…). On peut peut-être voir ici une distinction importante entre les objetsqui sont parvenus jusqu’à nous, qui devaient être pérennes, au moins un certain temps, etles objets périssables qui étaient le plus souvent des reproductions destinées à être détruitesimmédiatement après le rite, brûlées, voire consommées au cours des fêtes religieuses, commede nombreuses descriptions de l’époque de la conquête en témoignent.

11 Bien que nous envisagions une étude diachronique, nous devons limiter le corpus à unensemble cohérent et nous nous appuierons ici sur les représentations anthropomorphes duPréclassique (du haut plateau central et du centre-nord du Mexique datées approximativemententre 800  av.  J.-C. et le début de notre ère) et du Classique (principalement Teotihuacan,entre le début de notre ère et 600 apr. J.-C.). La période préclassique est caractérisée par laproduction de très nombreuses figurines anthropomorphes de terre cuite qui constituent doncun large corpus, assez bien documenté sur le plan des contextes4. Les fonctions de ces objetsdevaient être multiples. Trouvées en majorité fragmentées dans des contextes domestiques,plusieurs hypothèses existent sur leurs possibles fonctions. Parmi ces dernières, citons cellesqui concernent les manipulations rituelles effectuées par des femmes, les curations, peut-être pour éviter les phénomènes de contagion quand l’essence du mal d’un patient peut setransmettre à ceux qui le touchent, et les rites au moment de l’accouchement (Marcus, 1998 ;Joyce, 2009). Mais il y avait aussi des représentations destinées à être vues, peut-être pourorner les autels domestiques et probablement aussi certaines à but funéraire. La découvertedans plusieurs régions de Mésoamérique (Oaxaca, zone olmèque, zone maya notamment)de groupes de figurines composant des scènes constitue un autre aspect intéressant (Marcus,2009 ; Drucker et al., 1959). En zone maya, ces regroupements peuvent faire partie de cachesou de sépultures et pourraient exprimer une volonté de recréer symboliquement le cosmos et,dans le cas d’un contexte funéraire, de « donner vie », selon l’expression de C.-F. Baudez(1999  : 21), c’est-à-dire d’assurer au défunt la vie éternelle, ou bien encore de servir deréférents visuels pour narrer des événements mythiques (McVicker, 2012). Un tel ensemblede figurines a été récemment découvert en contexte funéraire dans le centre-nord du Mexiqueet permet la reconstitution d’une scène regroupant différents protagonistes dans la cultureChupícuaro pour l’intervalle 400-100 av. J.-C. (phase Chupícuaro récent). La scène regroupehuit personnages féminins, dont un, sans coiffe et aux yeux simplement fendus, est en positiondominante et fait face aux autres protagonistes (fig. 2). Ces derniers, qui se distinguent par desyeux à double perforation et des coiffes élaborées, sont disposés en rayon autour d’un récipientminiature orienté vers le personnage principal. Il est clair qu’il existe entre le personnageprincipal et les autres des différences de statut. Il est à noter que le dépôt de regroupements defigurines en contexte funéraire n’est pas nouveau et a été documenté depuis longtemps pour

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la culture Chupícuaro, les différentes représentations miniatures se trouvant alors rassembléesdans des récipients en céramique (Estrada Balmori, 1949 ; Porter, 1969). Dans le cas décritprécédemment, nous estimons que l’association de personnages féminins, mais aux statutsdifférenciés, recréait peut-être en miniature une cérémonie ou un mythe mettant en scène unpersonnage qui assiste à une scène rituelle collective ou l’anime. Il n’est pas impossible queles figurines retrouvées en contexte domestique, utilisées cette fois isolément, aient égalementrenvoyé, pars pro toto, à la même signification (McVicker, 2012).FIG. 2 – Reconstitution de l’offrande datant de la phase Chupícuaro récent (San Cayetano,Guanajuato)

Relevé B. Faugère, dessin S. Eliès (CNRS, UMR 8096)

12 La fin de la tradition Chupícuaro correspond globalement sur le plan chronologique à lamontée en puissance de Teotihuacan. Dans la région de Chupícuaro, comme dans la capitaledu haut plateau central, de nombreuses figurines anthropomorphes sont encore produites,mais on observe des évolutions au cours de la séquence chronologique, avec la multiplicationdes représentations habillées pendant les phases les plus tardives. Parallèlement, le corpusarchéologique s’élargit incorporant désormais les figures en pierre de plus grande tailleet les représentations anthropomorphes sur les fresques. La multiplication des supports àpartir de cette période pose de nouveaux problèmes à résoudre, concernant notamment lesfonctions de ces représentations clairement de plus en plus diversifiées. Les conventions dereprésentations évoluent et deviennent plus variées, montrant de forts contrastes dans les choixfaits par les producteurs, certaines étant figées et chargées de symboles, alors que d’autressont plus réalistes. Un des intérêts à comparer ces représentations est de mettre en évidence

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les différences entre les figurines et productions animées, évoluant dans des environnementsdonnés et réalisant des actions déterminées, à celles qui sont figées et isolées et de nousinterroger sur la nature et la portée de ces évolutions.

13 Les exemples choisis dans ces deux ensembles seront donc utilisés pour discerner les partiesdu corps humain montrées, voire mises en valeur, de celles qui sont au contraire minorées oucachées, et tenter de saisir en quoi une conception particulière du corps peut se traduire dansle langage iconographique.

Des pieds à la tête : le corps montré ou occulté

Corps nu/corps vêtu14 Une première observation générale permet de constater que, dans les hautes terres du Mexique,

la façon de représenter l’être humain évolue au fil du temps : le plus souvent figuré nu ousuffisamment peu vêtu pour qu’on perçoive son corps entier au cours du Préclassique, il vaprogressivement se couvrir de vêtements et de parures à partir de l’époque classique. Cetteévolution est à l’évidence particulièrement notable au sein des corpus de figurines de terrecuite dont l’abondance à Chupícuaro, comme à Teotihuacan, permet de mesurer le phénomène.Parallèlement se multiplient les représentations en pierre et, bien entendu, les peinturesmurales à Teotihuacan, parfois dans des dimensions monumentales. Les archéologues etles historiens de l’art ont tendance à expliquer ces évolutions par l’apparition de structurespolitiques de type « étatique » et de systèmes religieux qui se construisent, se complexifient etse formalisent (Pasztory, 2005). Pourtant, comme cela a été mentionné auparavant, subsistentà Teotihuacan des figurations anthropomorphes naturalistes, qui semblent occupées à desactivités de la vie quotidienne et qui, dans ce cas, portent un simple pagne.

15 Le corps nu reste ainsi l’une des caractéristiques les plus marquantes des corpusiconographiques préclassiques. Les abondantes figurines de terre cuite nues du haut plateaucentral et du centre nord du Mexique sont essentiellement féminines (fig. 3), et seulementexceptionnellement masculines (fig.  4a et  b). Joyce Marcus a émis l’hypothèse que cesfigures de terre cuite pouvaient être habillées à l’aide de vêtements miniatures en textile(Marcus, 1998), ce qui, en tout état de cause, n’a pas empêché les artisans de représenterle corps avec les détails anatomiques nécessaires à leur identification sexuelle. À la mêmeépoque, les hommes sont majoritairement représentés habillés, portant au moins un cache-sexesemblable au maxtlatl aztèque. À l’époque classique, les anthropomorphes complètement nussont absents. On ne peut effectivement pas considérer que certaines figurines de terre cuite,précisément celles qui esquissent un mouvement, soient représentées nues et nous estimonsqu’elles devaient porter des vêtements de textile ou de papier. Leur corps est, en effet, sischématique, composé de simples boudins d’argile grossièrement modelés et assemblés, qu’ilne fournit en réalité qu’une armature grossière destinée à supporter un visage, lui-même moulé.Les figurations réalistes des fresques du Tlalocan, qui semblent toutes masculines, portentelles-mêmes systématiquement un cache-sexe, ce qui confirme que la nudité complète n’étaitplus de mise dans la capitale du haut plateau central.

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FIG. 3 – Femmes nues. Région du lac de Cuitzeo

Clichés S. Oboukhoff (CNRS, USR 3225)

FIG. 4 – Hommes nus, culture Chupícuaro

a) Collection Projet Chupícuarob) Groupe provenant du site de Cerro de la Cruz, Querétaroa) Cliché B. Faugère ; b) Dessin S. Eliès (CNRS, UMR 8096)

16 Quand le corps est caché par des vêtements, il s’agit donc de celui d’individus masculins auPréclassique, d’individus masculins et féminins au Classique. Dès le Préclassique moyen, desfigurines de Tlatilco montrent, en effet, des hommes arborant des vêtements complexes et desmasques (fig. 5a et b) qui renvoient vraisemblablement à leurs fonctions sociale et rituelle. Lesmasques couvrent la totalité ou une partie du visage et sont censés permettre à l’individu deprésenter, ou d’acquérir, une nouvelle personnalité. Il est cependant parfois difficile d’affirmerà partir des objets archéologiques que certains personnages portent des masques, donc qu’ilsparticipent à des performances où ils vont incarner un être différent, ou bien qu’ils sont entrain de se transformer dans des processus chamaniques (fig. 5a).

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FIG. 5 – Exemples de figurines masculines habillées provenant du site de Tlatilco

Dessins S. Eliès (CNRS, UMR 8096)

17 À la fin du Préclassique, les figurines, toujours majoritairement féminines, mais cette fois-ci au moins partiellement habillées, vont se généraliser avec une importance croissante dessignes de prestige. Dans la région de Chupícuaro, les femmes comme les hommes cachentdésormais le bas de leur corps par des jupes ou des cache-sexe (fig. 6).

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FIG. 6 – Figurine Purua avec jupe (phase Mixtlan : 100 av. J.-C. -250 apr. J.-C.)

Cliché S. Oboukhoff (CNRS, USR 3225)

18 À Teotihuacan, la plupart des anthropomorphes arborent des vêtements complets, jupe etblouse ou quexquemitl, et des coiffes variées. Ceux qui sont le moins vêtus, des hommes avecun simple cache-sexe ou dont le corps très grossièrement modelé est asexué et devait, commecela a été dit précédemment, être couvert de costumes en matériaux périssables, s’inscriventdans des groupes au sein desquels ils participent à des activités dans des environnementsdonnés. Les fresques de Tepantitla (dites du Tlalocan) en sont un exemple frappant  : àl’intérieur et autour de la montagne d’abondance, les différents personnages nagent, jouent,dansent et se livrent à certaines activités rituelles, comme le jeu de balle. Il est inutile derevenir ici sur les différentes interprétations qui ont été données de cette scène (par exemplePasztory, 1976 ; López Austin, 1994 ; Baudez, 2012) ; il nous importe, en revanche, de mettreen contraste les participants à des scènes collectives au caractère narratif, dont le corps est aumoins partiellement montré, alors que se multiplient en parallèle les représentations habillées,dont les plus monumentales sont à l’évidence destinées à être exposées par elles-mêmes etoù le costume va imposer une nouvelle lecture, cette fois plus clairement de type analogique.Parmi les figurines de terre cuite aussi, certaines pièces représentent une figure féminine à têteconique et cheveux en bandes horizontales ponctuées de ce que K. Taube interprète commeétant des lignes de grains de maïs et d’autres de grandes coiffes semblables à la barbe du maïs5.Le même auteur suggère que ces figures seraient peut-être une forme ancienne de la divinitéChicomecoatl ou de la Xilonen aztèques (Taube, 2009). D’autres encore, qui représentent unejeune femme portant des oiseaux quetzal et des fleurs dans sa coiffe, pourraient correspondreà une forme ancienne de Xochiquetzal (ibid., 2009). Ces interprétations issues de Teotihuacanrenvoient à l’identification et à la fonction de ces représentations anthropomorphes qui restent

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des aspects très controversés (cf. notamment Headrick, 2007). Néanmoins, le fait de couvrirle corps de costumes et d’ornements de prestige, de signes distinctifs du costume associés àcertaines fonctions sociales ou rituelles renvoie à la nécessité de création d’images visiblespar elles-mêmes, composées d’un assemblage de concepts.

19 L’art officiel transcrit dans les fresques comme dans la sculpture monumentale s’éloigneen effet nettement de la figure humaine réaliste (Pasztory, 2005). Dans les processions, lesprêtres ou les guerriers sont hiératiques, leur corps caché par de lourds costumes et bijoux. Lessymboles peuvent être assemblés sur un support anthropomorphe géométrisé, comme dans lecas de l’entité divine nommée Grande Déesse (fig. 7), dont les seules parties du corps visiblesrestent une bouche découvrant les dents et des mains partiellement humaines, pourvues delongues griffes recourbées. Par l’accumulation de symboles, ces représentations nous semblentd’une lecture complexe, mais elles ne font que traduire, cette fois-ci clairement, un mode depensée analogiste.FIG. 7 – Fresque de Teotihuacan : la Grande Déesse

Dessin S. Eliès (CNRS, UMR 8096)

La tête et le visage20 Dans son ensemble, le soin apporté à la représentation de la tête et du visage dans les

productions précolombiennes est particulièrement notable, et plus encore pour les productionsde terre cuite du Préclassique. À Chupícuaro, un soin extrême est apporté à la tête et àla coiffure, alors que le corps est souvent laissé schématique, en particulier les membresinférieurs et supérieurs qui ne sont la plupart du temps que simplement ébauchés.

21 Au sein d’un même type (fig. 8), il existe une grande variété pour la représentation des cheveuxet des coiffes ; on croit reconnaître les multiples manières de se coiffer (qui ont dû exister),frange ou raie au milieu, mèches pendant sur les épaules ou coupées au niveau des oreilles etune grande variété de coiffes, bandeaux et turbans. Les visages sont finement modelés maisinexpressifs, de forme ovale avec des joues pleines ou triangulaires. De grands yeux fendussont placés de façon oblique dans le visage, et parfois même très oblique. Réalisés en relief, parl’application d’une pastille d’argile qui est ensuite imprimée ou perforée, les yeux peuvent êtresimplement fendus, présenter un centre par un plissement de la pâte ou une double perforation

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(Faugère, sous-presse). Les modèles de plus grande taille ont les yeux en losange ou de formerhomboïde, dits « en diamant », dont la forme, à l’instar de conventions iconographiques duMexique central, pourrait faire référence aux quatre côtés de la terre (cf. fig. 13). La bouche,charnue et parfois entrouverte, est formée grâce à la même technique, une pastille poinçonnée.Exceptionnellement, les bouches peuvent être ouvertes et laisser voir les dents, notammentdans certains exemplaires de figurines pleines de grande taille (au-dessus de 18 cm, cf. fig. 13)et dans les statuettes creuses. Ces façons de représenter les yeux et la bouche sont dans laplupart des cas contemporaines, ce qui indique que ces conventions devaient désigner desfonctions ou des états de la personne différents. C’est en tout cas ce que semble démontrerl’offrande des huit figurines regroupées en scène précédemment citée.FIG.  8 – Exemples de traitement du visage pour les types Munguia (600-400 av.  J.-C.) etChupícuaro (400-100 av. J.-C.) Tableau de la classification typologique des figurines du ProjetChupícuaro

B. Faugère, dessins D. Salarzar

22 L’importance donnée au visage par rapport au corps à cette période reculée de l’histoire dela Mésoamérique peut-elle être rapprochée de la place que les Mexica attachaient au visage ?Chez ces derniers comme chez les P’urhépecha, en effet, le visage est la partie du corps parlaquelle s’expriment les vertus de l’individu, mais c’est là aussi que surgit la force vitalede l’haleine. C’est la partie la plus noble du corps, peut-être aussi parce que le tonalli, liéau soleil et à la chaleur, est placé au sommet de la tête. Le visage est aussi le reflet de lapersonnalité attachée au jour de naissance et de la position sociale de l’individu. Les yeuxoccupent également une place importante, selon López Austin citant un texte nahuatl : « lapupille est notre flambeau, lumière, clarté, avec laquelle on vit » et aussi « elle illumine, elleillumine les gens, elle enflamme, elle dirige » (1997). La bouche, quant à elle, est le lieude l’haleine, du souffle vital ; c’est aussi bien entendu l’orifice qui permet de s’alimenter etl’un des points de circulation entre intérieur et extérieur du corps. Si la façon d’arranger lachevelure peut avoir une signification sur la position ou le statut de l’individu, comme chez lesMexica et les P’urhépecha, les ornements de tête sont évidemment aussi essentiels. R. MartínezGonzález souligne qu’ils suivaient à l’époque de la Conquête des codes bien établis dans les

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formes adoptées et dans l’utilisation de certaines matières premières, comme certains types devégétaux, de cuirs, de textiles, de plumes ou d’éléments métalliques (2012 : 171).

23 À Teotihuacan, le soin porté aux visages des figurines de terre cuite s’atténue. La très grandeuniformité dans les conventions de représentation des visages est sans doute liée à l’emploimassif des moules qui reproduisent à l’infini des visages triangulaires au front large bordés degrandes boucles d’oreilles circulaires. En revanche, les coiffes sont variées et contribuent, aumême titre que les vêtements, à indiquer le statut du personnage figuré. Sur tous les types desupports, figurine en terre cuite, en pierre ou fresque, la parure et le vêtement deviennent, à laplace du visage, le langage employé pour qualifier la personne représentée.

Le corps et la parure24 Au Préclassique, où prédominent les corps représentés nus, toutes les figurines de terre

cuite montrent des éléments de parure caractéristiques sur le torse et les membres. ÀChupícuaro, la parure se compose d’éléments comptés  : outre les boucles d’oreilles, ontrouve systématiquement un collier, un ou deux bracelets et, pour les hommes uniquement,des ornements portés au niveau des jambes (fig.  4b et  9). Selon les époques, les collierscouvrent entièrement le cou de plusieurs rangs serrés, ont une forme arrondie ou en V, dansce dernier cas avec en général un pendentif central (cf. fig. 3). Les colliers de forme arrondie,probablement les plus courants dans le type Chupícuaro (400-100 av. J.-C.), sont très variés ; ilspeuvent aller d’un simple cordon avec un pendentif central simple ou double, être composésde perles successives, parfois entrelacées, ou encore de perles et de pendeloques.

25 Les bracelets sont portés dans la plupart des cas sur les deux bras et semblent couvrir enrangs serrés l’ensemble de l’avant-bras. Un ornement particulier est constitué d’un élémentqui semble matelassé porté sur le bras gauche (fig. 9b). Ces attributs ont été interprétés commedes protections pour la pratique du jeu de balle (Oliveros, 1972), ce qui reste à démontrer enl’absence de terrain de jeu de balle local à cette époque.

26 Enfin, certaines représentations masculines portent une bande au niveau d’un ou des deuxgenoux, qui pourrait consister en un élément de costume lié à une fonction particulière.De même, certains montrent une pastille sur le pied (fig. 9b), indiquant peut-être une sortede sandale ou bien un signe distinctif soulignant l’importance de ce segment corporel,particulièrement marqué chez les P’urhépecha de l’époque de la Conquête (MartínezGonzález, 2012).FIG. 9 – Éléments de parure portés par des figurines Chupícuaro

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Cliché B. Faugère

27 Les figurines sans vêtements de Teotihuacan ne portent, en revanche, pas de parure corporelle,ce qui contribue à appuyer l’idée qu’elles devaient, au moment de leur utilisation, avoir le corpsrecouvert d’habits en matériaux périssables. L’utilisation d’éléments indépendants assembléssur un support anthropomorphe est d’ailleurs documentée dans les offrandes de la pyramidede la Lune, une statuette de pierre verte ayant notamment été trouvée accompagnée d’un lourdcollier de perles indépendant, également en pierre verte (Sugiyama et López Luján, 2006). Lamise en association d’objets dans un cadre rituel renvoie une fois de plus à la relation entre letout et la partie, déjà évoquée pour les groupes de figurines, qui permet à certains objets isolésde porter une valeur symbolique connue dans le cadre d’interactions. Quant aux figurines ouautres représentations habillées, la parure fait partie intégrante du costume, les lourds collierspouvant descendre jusqu’à la taille et les bracelets recouvrir une partie des bras. Il est clair quele prestige, mais aussi l’essence même des personnages figurés, s’affirme alors essentiellementpar le vêtement et les bijoux.

La peau, les peintures et les tatouages, les scarifications28 Les peintures corporelles, les tatouages et les scarifications que les Mésoaméricains avaient

l’habitude de porter sont évidemment très significatifs de la conception du corps, en particuliersi l’on observe leurs emplacements qui désignent de façon particulière telle ou telle partieanatomique. Même si nous ne ferons ici qu’effleurer un sujet très vaste, qui demanderait uneétude approfondie, l’emplacement, les couleurs et les motifs utilisés constituent un langagesubtil où se mêlent des conventions stylistiques et des aspects liés au corps et au statut dela personne. Par définition, ces observations ne peuvent être réalisées que sur les objetsreprésentant des corps nus ou partiellement nu, sauf évidemment en ce qui concerne le visage.Une autre difficulté est liée au fait que la plupart des figurines anthropomorphes préclassiquesont été peintes post-coction et que les pigments utilisés n’apparaissent dans le meilleur descas que sous forme de trace dans les parties en creux. Quelques exemples suffisamment bienconservés illustrent cependant une focalisation sur les yeux, un centre sensoriel important, etsur le crâne, en particulier dans sa partie centrale où est censé se trouver le tonalli (fig. 10).Il est à noter d’ailleurs que la popularité de la coiffure en bandeau avec la raie au milieu metl’accent sur cette même partie du crâne et qu’elle est parfois très accentuée, donnant à la têteune forme de cœur, et/ou peinte (cf. fig. 8).

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FIG. 10 – Figurine Chupícuaro avec traces de peinture

Cliché S. Oboukhoff (CNRS, USR 3225)

Concernant le corps, nous ne nous appuierons ici que sur les exemples de représentationsanthropomorphes peintes pré-coction, sur les pastilles posées sur le corps qui pourraientreprésenter des déformations de la peau obtenues par scarification et sur l’emplacement decertaines incisions.

29 Les statuettes creuses Chupícuaro sont connues pour leur surface polie recouverte de richesdécors polychromes géométriques. Ces décors couvrent systématiquement le torse, le haut descuisses et des hanches (fig. 11), parfois les épaules et les bras comme dans le cas de la statuetteexposée au Pavillon des Sessions du musée du Louvre. Ces décors sont composés de carrés,assez souvent emboîtés à différentes échelles, et de lignes ondulées pour ce qui concerne lescuisses et les hanches. On considère fréquemment que le décor apposé sur cette partie du corpspourrait figurer un vêtement, alors que le vêtement caractéristique pour les femmes est la jupeet non la culotte. En revanche, l’emplacement de ces décors correspond bien à celui des forcesanimiques majeures et mineures (cf. fig. 1), notamment le centre du torse où se trouve un descentres majeurs, le cœur (yóllotl) associé à la force vitale et à la surface de la terre, et la têteavec la fente frontale siège du tonalli.

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FIG. 11 – Statuette creuse Chupícuaro

Cliché S. Oboukhoff (CNRS, USR 3225)

30 La mise en valeur des épaules se matérialise par des motifs peints ou par l’application de finespastilles d’argile disposées à espace régulier notamment sur les figurines de terre cuite. Cespastilles d’épaule, fréquentes dans l’occident du Mexique, pourraient évoquer de possiblesscarifications et souligner un rôle particulier de ce segment corporel.

31 Enfin, d’autres figurines présentent des incisions aux articulations et en particulier dans le basdu ventre et en haut des cuisses (fig. 12) qui pourraient avoir correspondu dans la vie réelle àdes scarifications ou à des peintures corporelles et viseraient peut-être également à rehaussercette partie du corps, siège de certaines forces animiques (cf. fig. 1).

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FIG. 12 – Corps figurines Purua

Dessin F. Bagot (CEMCA)

Extérieur et intérieur du corps32 Nous souhaitons évoquer ici ce que l’enveloppe corporelle est censée couvrir ou cacher. Si

la peau est considérée comme recouvrant un ensemble hétérogène de composants individuels,certains de ces composants peuvent être parfois représentés sur quelques objets, comme dansle cas du fameux Mictlantecuhtli partiellement décharné, localisé dans les fouilles du TemploMayor de Tenochtitlan, qui montre le foie, un centre animique majeur associé à l’inframonde,pendant depuis la cage thoracique. Pour ce qui concerne les productions plus anciennesdu Préclassique et du Classique, les exemples semblent moins parlants, mais on note toutde même un intérêt à indiquer certains orifices, lieux de communication entre intérieur et

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extérieur du corps. En revanche, on ne peut évoquer le corps au Préclassique sans mentionnerl’omniprésence de l’état gravide, au point que la supériorité numérique des figurines fémininespourrait s’expliquer par la nécessité de représenter la femme enceinte. Montrer la femmeenceinte, c’est exhiber une enveloppe corporelle déformée par un contenu, le fœtus considérécomme un futur humain. Enfin, nous aborderons ici le cas des fameuses figurines dites hostde Teotihuacan qui sont creuses et qui comportent une ou plusieurs ouvertures permettant devoir ce qu’il y a à l’intérieur du corps.

Les orifices33 La représentation des orifices qui permettent un passage entre l’extérieur et l’intérieur du corps

nous semble très significative de la conception du corps à l’époque préhispanique. Notons dès àprésent qu’en dehors de la fente pubienne pour les femmes, les orifices de la partie inférieure ducorps, et en particulier l’anus, ne sont jamais représentés, ce qui correspond vraisemblablementà une notion dégradante attachée à ces parties du corps. En revanche, le nombril, orifice ferméau moment de la naissance et considéré dans la philosophie des anciens Mexicains commele centre de la dignité de l’individu, est systématiquement figuré par une perforation plus oumoins profonde. Sur le visage, les orifices sont liés aux sens et sont considérés par LópezAustin (1980) comme des points par lesquels peuvent filtrer les forces animiques contenuesà l’intérieur du corps. Ces points de circulation sont clairement représentés, les oreilles sontsystématiquement soulignées par des ornements, les yeux et la bouche soigneusement modeléset les narines apparaissent dans la plupart des cas comme de fines perforations sous le nez.Le fait que certains de ces orifices soient parfois figurés de manière peu réaliste, commepar une double perforation (fig. 12), pourrait indiquer qu’ils reflètent une réalité intérieuredifférente de ce que le regard autorise. Par ailleurs, la bouche, assez fréquemment représentéeentrouverte, peut laisser voir des dents acérées (fig. 13), ce qui renvoie à la fonction dévoratrice— bien connue dans les conventions iconographiques du Mexique central comme chez certainsgroupes actuels — des entités divines ou des êtres surnaturels à connotation terrestre.FIG. 13 – Tête de figurine de type Chupícuaro (400-100 av. J.-C.) montrant une bouche avecdes dents pointues

Cliché B. Faugère

Le corps gravide : l’enfant dans la mère34 La forte proportion de représentations féminines dans les figurines de terre cuite préclassiques

peut s’expliquer, selon nous, par la volonté de représenter l’état gravide (fig.  14). Lefait que certaines femmes sont également accompagnées d’enfants en bas âge montre lespréoccupations liées à la grossesse, à l’accouchement et aux premiers mois de la vie. Pourla plupart des auteurs6, la fréquence du thème de la maternité renvoie à la fonction des

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miniatures anthropomorphes de terre cuite, à leurs possibles usages curatifs particulièrementutiles lors de cette période de grande vulnérabilité pour la mère et l’enfant, avec une fortemortalité. Cependant, nous souhaiterions proposer ici une autre interprétation. López Austin(1980) souligne que la figure de la mère suprême, la terre, était aussi un symbole de mort,l’accouchement étant assimilé au moment de l’agonie. Représenter la femme gravide revientà évoquer l’idée de cycle de vie, celle de la naissance d’un nouvel être qui va prendre le relaisdes vies antérieures.FIG. 14 – Femme enceinte, culture Chupícuaro

Cliché S. Oboukhoff (CNRS, USR 3225)

35 La présence d’un enfant dans le ventre déformé de la mère pourrait en effet constituer uneclef interprétative essentielle. Le même auteur (López Austin, 1997) souligne que, dans lescroyances, de mauvaises expériences faites par la future mère pouvaient causer préjudice àl’enfant à naître. Plus que de protection liée aux conséquences médicales de l’accouchement,il s’agirait alors de protéger l’enfant à naître dans son intégrité d’être humain. En effet, lanaissance de l’individu est le moment où celui-ci se charge des essences divines qui vont lecaractériser et déterminer une partie de son destin. Ce qui est montré dans ces figurines, ceserait alors l’enfant caché dans le ventre de sa mère, un nouvel être qu’il faut protéger car ilperpétue les cycles de la vie.

Montrer l’intérieur du corps : les figurines gigognes dites « Host » deTeotihuacan

36 Certaines figurines appartenant à la culture de Teotihuacan ont la particularité de présenterune ouverture, sur le thorax et sur les membres, dégageant une trappe qui permet de voir àl’intérieur du corps. Bien que peu nombreuses, ces pièces sont extrêmement intéressantes,car elles montrent une enveloppe corporelle habitée par des entités autonomes qui sontreprésentées sous la forme de personnages entiers, richement vêtus. Dans l’exemplaire illustré

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figure 15, le revers de la trappe aménagée dans le thorax est décoré d’une figure féminine dontla coiffe, les vêtements et les bijoux dénotent un statut particulièrement prestigieux.FIG. 15 – Figurine « host » de Teotihuacan

Dessin S. Eliès (CNRS, UMR 8096)

37 Un autre exemple fameux a été localisé en zone maya dans le dépôt 69 du site de Becan(Ball, 1974) : il comportait, pour sa part, des figurines et d’autres artefacts miniatures dansl’ensemble du corps creux, c’est-à-dire dans la tête, le thorax et les quatre membres. Notonsd’emblée que, dans un cas comme dans l’autre, le corps contenant, assis, est véritablementreprésenté comme une enveloppe  : il est nu et asexué, sans pieds ni mains, et son visagen’apparaît que comme une face au masque absent et aux yeux vides. La figurine de Becancontient dix figurines, six rondelles de coquillage, quatre bivalves et un récipient doubleminiature. Dans la tête ont été placées deux figurines, la plus grande de l’ensemble représentantle dieu de l’orage, dont la coiffure pourrait évoquer le glyphe de la montagne orné d’unmiroir (Bonnafoux et al., 2011), tandis que la seconde, un personnage de pied portant unoiseau dans sa coiffe et exhibant un miroir en pectoral, était placée à l’arrière de la tête. Àl’intérieur du thorax, la figurine adopte une forme de tête du même dieu de l’orage, maisémergeant d’une gueule de jaguar emplumé. Plus bas, au niveau de l’abdomen, une tête derapace nocturne surplombant une rondache croisée de javelines, qui est elle-même ornée d’uneétoile et d’un motif central de main, appartiendrait au complexe guerre-sacrifice (Bonnafouxet al., 2011). Deux porteurs de miroirs, de face, dont la coiffe est, cette fois-ci, rectangulaire, seretrouvent dans les membres supérieurs ; ils sont accompagnés de deux personnages casquésde profil. Dans les membres inférieurs à côté de figures de profil portant des heaumes àmentonnières étaient déposés les artefacts miniatures. Du point de vue de leur répartition, il estparticulièrement notable que les figurines de la tête et du thorax se distinguent des autres parleur importance et que celles des membres fonctionnent systématiquement par paires. Ces êtresminiatures supérieurs qui habitent à l’intérieur du corps peuvent-ils être considérés comme la

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manifestation dans le système de pensée analogique, où la personne humaine est perçue commeun monde miniature, des charges hétérogènes qui se logent à l’intérieur de son corps ? Commele soulignent très justement Bonnafoux et al. (2011), parmi les dix personnages contenus dansla figurine de Becan, les plus richement ornés étaient précisément placés dans la tête et auniveau du cœur et du foie, les centres animiques majeurs. La figure dominante du dieu del’orage et celle du personnage à coiffe d’oiseau, placées dans la tête, pourraient faire référenceau concept de l’« air » et être associées au tonalli. La figure de ce même dieu de l’orage, maiscette fois émergeant d’une gueule de jaguar, placée au niveau du cœur, serait liée au conceptde yóllotl, le monde central du Tlalocan et de l’eau. Tandis que la dernière figurine, liée aucomplexe guerre-sacrifice, serait la matérialisation de l’ihíyotl, logé dans le foie. Par ailleurs,les deux figures de l’abdomen pourraient également se référer à la composition de la matièrelégère et invisible contenue à l’intérieur du corps, conçue comme la combinaison d’une forcesombre, froide et humide, représentée dans ce cas par la figure du dieu de l’orage, et d’uneforce lumineuse, chaude et sèche, incarnée par l’oiseau guerrier. Dans cette interprétation, lesfigurines déposées à l’intérieur de cette enveloppe corporelle seraient bien la représentation desforces animiques, elles-mêmes renvoyant à la constitution même des strates du cosmos (LópezAustin, 1980 : 398). Ces êtres physiques contenus dans l’enveloppe humaine pourraient figurerainsi les entités indépendantes qui constituent, telle une mosaïque, l’essence de la personnehumaine.

*

* *

38 Dans cette étude, nous avons tenté d’explorer en quoi ce qui est montré ou occulté dans lesreprésentations anthropomorphes précolombiennes des hautes terres du Mexique central auPréclassique et au Classique semble faire écho à la conception du corps et de la personnetelle qu’elle est souvent décrite dans les sources textuelles et les études anthropologiques.Cette conception se manifeste de façon différente selon les époques, suivant qu’il s’agit desociétés villageoises ou étatiques, ou encore selon la fonction de l’objet anthropomorpheet notamment s’il est destiné à incorporer des scènes narratives ou bien à être vu par lui-même. Néanmoins elle persiste comme un élément structurant de la manière de penser. AuPréclassique, l’emphase est portée sur une figuration plus « individualisée » qui représentel’humain ou des entités surnaturelles de façon assez réaliste ; l’investissement est porté surtoutsur le visage, la coiffure et la coiffe, les bijoux, mais aussi sur les organes sensoriels etsemble-t-il sur certaines parties du corps où se concentrent, selon López Austin, les forcesanimiques (thorax, cou, articulations). Les ornements ne sont pas distribués au hasard maisplacés de façon préférentielle près ou sur des centres animiques, comme s’ils en constituaientdes prolongations. L’idée même du cycle de la vie est transcrite par la représentation dela femme enceinte. Ces objets, probablement destinés à participer à des scènes collectives,pouvaient ensuite être utilisés pars pro toto de façon isolée. Au Classique, les figurines sontdésormais majoritairement habillées et produites dans un cadre plus standardisé. L’individuest représenté, cette fois clairement, au service des rituels de l’appareil d’État. Les entitésdivines de l’art officiel s’éloignent souvent de l’anthropomorphisme pour adopter un langageconceptuel et symbolique, alors que des scènes de groupe montrent des activités humaines,dans le cadre de rituels. L’expression apparemment figurative du Préclassique est en quelquesorte conceptualisée dans des images plus abstraites au Classique, en particulier quand il s’agitde représenter des êtres surnaturels. Les éléments du costume et de la parure composent alorsun langage explicite qui vient se substituer à celui contenu dans la simple représentation ducorps. Enfin, les figurines gigognes montrent, là aussi de façon explicite, que l’être humain esthabité par des forces indépendantes. L’enveloppe corporelle recouvre, au Classique commeau Préclassique, une mosaïque de composantes différentes qui peuvent s’exprimer ou circulerpar les orifices : le souffle et la perception des bruits et des odeurs notamment. Quant auxyeux, ils pourraient bien révéler l’essence même de l’être, comme cela apparaît clairementpour les représentations aux yeux en forme de rhomboïde et aux bouches dentées. Ces quelques

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éléments dénotent que le corps, des pieds à la tête, tel qu’il est montré ou occulté, mais aussice qui est montré de l’intérieur du corps dans les pièces archéologiques, transcrit une manièreparticulière des Mésoaméricains de penser l’humain.

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Sugiyama, Saburo et López Luján, Leonardo2006 Simbolismo y función de los entierros dedicatorios de la Pirámide de la Luna en Teotihuacán,in L. López Luján, D. Carrasco et L. Cué (éd.), Arqueología e Historia del Centro de México (Mexico,Instituto Nacional de Antropologia e Historia) : 131-151.

Taube, Karl2009 La religión en Teotihuacán, in Teotihuacan cuidad de los disoses (Mexico, Instituto Nacional deAntropologia e Historia) : 47-51.

Notes

1 Je remercie sincèrement Danièle Dehouve ainsi que les deux évaluateurs de la version préliminairepour leurs remarques constructives qui ont permis d’améliorer le texte et leurs précieuses orientationsbibliographiques dans le domaine de l’anthropologie.2 BRODA et al., 2001 ; CHAMOUX, 1989, 2011 ; GALINIER, 1990 ; LÓPEZ AUSTIN, 1980 ; MARTÍNEZGONZÁLEZ, 2012 ; ROBICHAUX, 2008 ; SANDSTROM, 2009.3 La proximité géographique du corpus étudié rend des comparaisons possibles et intéressantes.4 L’étude du corpus de représentations miniatures en terre cuite du Projet Chupicuaro est, en effet,actuellement en cours.

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5 Malheureusement, le manque de contexte de ces pièces ne permet pas de déterminer si elles étaientdestinées à intégrer des groupes dans des scènes ou bien si elles étaient montrées isolées.6 Entre autres HALPERIN et al., 2009 ; JOYCE, 2009 ; MARCUS, 1998, 2009.

Pour citer cet article

Référence électronique

Brigitte Faugère, « Montrer ou cacher le corps humain », Ateliers d'anthropologie [Enligne], 40 | 2014, mis en ligne le 03 juillet 2014, consulté le 03 juillet 2014. URL : http://ateliers.revues.org/9622 ; DOI : 10.4000/ateliers.9622

À propos de l’auteur

Brigitte FaugèreProfesseure, ArchAm–UMR8096, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/[email protected]

Droits d’auteur

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Résumés

 Les conventions utilisées pour représenter le corps à l’époque préhispanique traduisent unemanière particulière de penser la personne humaine. Dans cet article, nous tentons, par uneapproche qui s’appuie sur que nous connaissons de la conception du corps à l’époque dela conquête espagnole à partir d’études ethnohistoriques et ethnographiques, d’examiner lessignifications possibles de sa représentation. Cette étude s’articule sur l’observation de ce quiest montré du corps ou, au contraire, sur ce qui est caché, au cours de deux époques différentesdes hautes terres du Mexique central : le Préclassique et le Classique. Après avoir examinéle corps dans son ensemble, seront envisagés certains segments corporels particulièrementsignificatifs, puis ce qui est caché ou au contraire montré du corps par le biais de la parure ou dedécorations et de traitements de la peau, ou encore ce que l’on a voulu montrer de l’intérieur ducorps. Ces approches successives ont pour objectif de mettre en évidence que les conventionssuivies pour figurer, ou pas, les différents segments et éléments corporels correspondent à unlangage cohérent, significatif de la nature du corps et de sa perception, qui structure la penséemésoaméricaine encore parfois jusqu’à nos jours.

Showing or Hiding the Human Body: A Few Reflections onConceptions of the Body and its Representations in the MexicanHighlands from the Pre-Hispanic Period to the Preclassic and ClassicPeriodsConventions used to represent the body in the Pre-Hispanic period convey a particular wayof conceiving of the human individual. In this article, using an approach based on what weknow from ethnohistorical and ethnographic studies about the conception of the body at thetime of the Spanish conquest, I attempt to examine the possible meanings of its representation.This study hinges on the observation of what is shown of the body or, conversely, on whatis hidden, during two different periods in the highlands of central Mexico: the Preclassic andClassic periods. After examining the body as a whole, a few particularly significant bodyparts will be considered, as well as that which is hidden or conversely shown of the body bymeans of jewellery or skin decorations and treatments, or even what one wanted to show ofthe inside of the body. The aim of these successive approaches is to show that the conventionsfollowed to represent or not represent different body parts and elements correspond to a

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coherent language, significant of the nature of the body and its perception, that sometimes stillstructures Mesoamerican thought to this day.

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Mots-clés :  Classique mésoaméricain, corps humain, figurines, iconographie,perception de la personne, Préclassique mésoaméricain, représentationsanthropomorphes préhispaniquesKeywords :  central Mexico, Chupicuaro, Classic Mesoamerica, figurines, humanbody, iconography, Mesoamerica, north-central Mexico, perception of theindividual, Preclassic Mesoamerica, Pre-Hispanic anthropomorphic representations,TeotihuacanGéographique :  Mésoamérique, Mexique central, centre-nord du Mexique,Chupicuaro, Teotihuacan