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Réflexions ethnoarchéologiques sur le fassoi de Cabras: une embarcation préhistorique sarde?

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Tharros Felix / 5

La collana di studi “Tharros Felix”, istituita dall’Università degli Studi di Sassari-Dipartimento di Storia, Scienze dell’Uomo e della Formazione e dal Consorzio Uno per gli studi universitari della sede gemmata di Oristano, prende il nome dalla iscrizione presente sullo scafo di una nave oneraria graffita su una parete della stanza 7 della Domus Tiberiana: Tharros felix et tu (V. Väänänen, Graffiti del Palatino. ii. Domus Tiberiana, a cura di P. Castrén, H. Lilius, Helsinki 1970, pp. 109-10, n. 2). La collana ospita mono-grafie e contributi miscellanei sui beni culturali e, in particolare, sul patrimonio culturale sommerso mediterraneo.

Comitato scientificoAzedine Beschaouch (unesco-Paris), Piero Alfredo Gianfrotta (Università della Tuscia), Julián González (Universidad de Sevilla), Olivier Jehasse (Université de Corte), Attilio Mastino (Università degli Studi di Sassari), Marc Mayer (Universitat de Barcelona), Jean-Paul Morel (Université d’Aix-en-Provence-Marseille) Xavier Nieto (Universitat de Murcia), Pier Giorgio Spanu (Università degli Studi di Sassari), Gustau Vivar Lombarte (casc- Centre d’Arqueologia Subaquàtica de Catalunya)

Direttore della collanaRaimondo Zucca (Università di Sassari)

Per il servizio di cambio dei volumi della Collana:Consorzio Uno per gli Studi universitari

Chiostro del Carmine, Via Carmine, 09170 OristanoFax: 0783 778006; e-mail: [email protected]

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Università degli Studi di Sassari

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Tharros Felix 5A cura di Attilio Mastino,

Pier Giorgio Spanu, Raimondo Zucca

Carocci editore

C

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1a edizione, dicembre 2013 © copyright 2013 by Carocci editore S.p.A., Roma

Realizzazione editoriale: Fregi e Majuscole, Torino

Finito di stampare nel dicembre 2013da Litografia Varo (Pisa)

isbn 978-88-430-7159-3

Riproduzione vietata ai sensi di legge(art. 171 della legge 22 aprile 1941, n. 633)

Senza regolare autorizzazione,è vietato riprodurre questo volume

anche parzialmente e con qualsiasi mezzo,compresa la fotocopia, anche per uso interno

o didattico.

In copertina: monere con le doppie vele nere spiegate che insegue un’altra nave. Frammento di cratere attico a figure nere da Corinto (Αρχαιολογικό Μουσείο Αρχαίας Κορίνθου inv. 9026368 C72.38). Cfr. E. Spathari, Sailing Through Time: The Ship in Greek Art, Athens 1995, p. 95, fig. 104; S. Medas, Gli occhi e l’anima propria delle bar-che: religiosità e credenze popolari tra antichità e tradizione, in E. Acquaro, A. Filippi, S.  Medas (a cura di), La devozione dei naviganti. Il culto di Afrodite ericina nel Mediterraneo, Atti del convegno di Erice, 27-28 novembre 2009, Lugano 2010, p. 14, fig. 2; Classical Art Research Centre and The Beazley Archive 9026368, Corinth, Archaeological Museum, C72.38, http://www.beazley.ox.ac.uk/XDB/ASP/recordDe-tails.asp?id=AF11A6EE-8544-4E69-A10DAB1BA7AA031C5 (foto Raimondo Zucca, agosto 2012; rielaborazione Luciana Tocco).

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Réflexions ethnoarchéologiques sur le fassoi de Cabras:

une embarcation préhistorique sarde?de Giuseppa Lopez*

RésuméLes données ethnographiques constituent une source importante pour l’étude des premières embarcations et leurs techniques de construction. Pour la Sar-daigne on ne dispose d’aucune documentation matérielle ou iconographique des premières formes d’embarcations préhistoriques. Le fassoi de Cabras cepen-dant constitue une importante documentation ethnographique.Cet article décrit le fassoi, ses techniques de construction et son milieu de naviga-tion, à la lumière des principes et des méthodes de construction navale. On discute une possible analogie archéologique avec les nacelles nuragiques en bronze.L’étude nous a mené à envisager que le fassoi soit un descendant lointain des pre-mières embarcations néolithiques sardes et qu’il y eut en Sardaigne une tradition native de construction navale. Les fassois pourraient trouver une analogie icono-graphique avec les nacelles nuragiques cordiformes, mais ceux-ci représentaient plus probablement un prototype navale en bois pour la navigation maritime.Mots-clefs ethnographie navale, archéologie des eaux intérieures, fassone, embarcation préhistorique, Méditerranée

SummaryThe ethnographic data constitute an important source for the study of the ear-liest boats and their construction techniques. In Sardinia, the study of prehis-toric navigation is not supported by any archaeological or iconographic evidence. The Cabras’s fassoi is an important ethnographic source and can contribute to develop such a research.The present article describes the fassoi, its construction methods and navigation environment, taking into account the naval construction principles. A possible archaeological analogy with the nuragic bronze boat models is discussed.The study carried out suggests that the fassoi is a descendant of the earliest Neo-lithic Sardinian boats, linked to a local naval construction tradition. An icono-graphic analogy can be found between the fassoi and the nuragic cordiforme bronze boat models, although the latter would more probably represent a wooden sea boat.Keywords naval ethnography, inland water archaeology, fassone, prehistoric boats, nuragic boats models, Mediterranean

* Assegnista di ricerca, Dipartimento di Storia, Scienze dell’Uomo e della Forma-zione, Università degli Studi di Sassari.

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1Avant propos

La documentation archéologique directe relative aux premières formes de navigation est très rare, et quant à la documentation iconographique, elle est pauvre, difficile à lire, ou renvoie à des phases récentes de la préhi-stoire (Guerrero Ayuso, 2009 p. 344). Les données deviennent plus riches à l’Âge du Bronze qui voit le développement des premières marines.

On ne dispose pour la Sardaigne d’aucune documentation matérielle ou iconographique d’embarcations pour la période néolithique1. On peut déduire toutefois, grâce à des sources indirectes, l’importance socio-éco-nomique que revêtait les embarcations au sein de la population sarde qui considérait la mer et l’eau douce comme deux ressources fondamentales (Lopez, 2013, p. 70).

En l’absence d’autre documentation l’ethnographie nous permet de nous interroger sur l’origine de l’embarcation, sur les techniques anciennes de construction, leur développement et leur fonctionnement. Les analo-gies ethnographiques sont d’une grande aide car elles suggèrent l’identi-fication et la fonction de certains éléments récupérés de la documentation archéologique dont on ne connaît peu ou rien à travers les sources écrites2.

Les données ethnographiques sont en mesure d’offrir une aide non négligeable pour l’étude des premières embarcations à avoir parcouru les eaux sardes et leurs techniques de construction.

Un témoignage ethnographique de premier plan a été conservé pour la Sardaigne et concerne le fassoi des étangs de Cabras3. Le fassoi est un petit radeau pour les lagunes et les étangs, construit avec des bottes de joncs reliées ensemble qui représente un exemple, méditerranéen et insu-laire, d’un conservatoire de technique de construction, au même titre que la papyrella, cette embarcation primitive de Corfù qui était encore uti-lisée il y a peu de temps pour de petites navigations maritimes pour la pêche en face à la cote mais aussi dans les étangs (Tzalas, 1995, p. 449; Tzamtzis, 1990). Nous voudrions nous livrer ici à l’étude de ce témoignage moderne et à l’analyse fonctionnelle de ce type d’embarcation afin de per-

1. Certains protomés tauromorphes présents dans des hypogées sépulcrales de l’île pourraient, à mon avis, être interprétés comme des représentations de vraies embarcations sur la base d’une comparaison avec l’iconographie égéenne (Lopez, 2012, p. 95; 2013, pp. 138-52).

2. A ce propos voir McGrail (2001, p. 297); cfr. aussi Pomey (2001, p. 615) et Pomey, Riet (2005, pp. 149-54).

3. Santa Giusta, Riola, Barattili, Cabras, les étangs de Oristano, où est utilisée le fassoi. Absent dans toutes les autres parties de la Sardaigne, cfr. Delitala (1983, p. 230).

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mettre la comparaison entre le fassoi et la documentation archéologique représentée par les nacelles nuragiques en bronze. Cela pour pouvoir éva-luer au mieux les analogies et les différences de ces embarcations sardes et ainsi se prononcer sur la possibilité ou non que les fassois soient les lointains descendants d’embarcations anciennes destinées à la navigation dans les eaux intérieures4.

2Les embarcations primitives

et la documentation ethnographique

Les moyens de transport sur l’eau se divisent en trois groupes principaux (Rieth, 1998, p. 54) en fonction du type de flottaison qu’ils adoptent: simples flotteurs, radeaux de troncs ou de bottes de joncs, et bateaux. Ces embar-cations se rencontrent aussi bien en milieu maritime que fluvial, et s’avèrent avoir été utilisés à toutes les époques et en diverses zones géographiques suivant un phénomène de convergence. Ces moyens de navigation demandent une réalisation en deux étapes, une première phase où le projet, motivé par un motif d’utilité communautaire est conceptualisé puis une phase de matérialisation du projet. Ces embarcations sont fortement mar-quées de l’empreinte de la société et du milieu naturel qui les a vu naître: elles sont des produits fortement déterminés par la matière première à dis-position et par les techniques de construction en vigueur localement.

Le flotteur se résume à une seule caractéristique technique, celle d’assurer la flottaison par sa densité inférieure à celle de l’eau. Le radeau fait appel pour garantir sa flottabilité aux propriétés de flottaison de ses différents éléments individuels et est un type d’embarcation plus stable que la précédente par sa plus grande dimension (ibid.). Les radeaux ne disposent pas d’une forme hydrodynamique, possèdent une résistance à l’eau très minime et n’ont aucune résistance au roulis, ce qui a pour consé-quence un risque majeur de retournement en cas de navigation sur des eaux agitées. Leur forme plate sans calaison les exposent particulière-ment aux courants et les rend adaptés pour la navigation en eaux basses et fermées. La différence fonctionnelle majeure du radeau avec le flot-teur est qu’il est en mesure de transporter plusieurs personnes en plus

4. Cet article reprend et développe un’étude réalisée par l’auteur dans le cadre de sa thèse de doctorat Navires et navigations en “mare Sardum” de l’Âge du Bronze aux guerres puniques sous la direction du professeur P. Pomey à l’Université de Provence, Aix-Mar-seille i (Lopez, 2009). Il a depuis été mis à jour et publié (Lopez, 2013) par le Diparti-mento di Storia dell’Università degli Studi di Sassari grâce à l’aide généreuse des profes-seurs A. Mastino et R. Zucca que je tiens ici à remercier.

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d’un chargement matériel. Les bateaux, «dont la flottabilité résulte de la réalisation, par transformation, […] d’un volume creux et étanche» (ivi, p. 61), à ce groupe appartiennent les embarcations monoxyles, réa-lisées par l’évidage d’un tronc.

L’archéologie ne nous a restitué aucune documentation directe sur les premières embarcations maritimes, du fait, soit de la détérioration natu-relle de la matière première qui les constituaient, soit de la difficulté à reconnaître les éléments composant la structure de l’embarcation (à la dif-férence des monoxyles facilement identifiables). La documentation archéo-logique des radeaux de faisceaux de joncs est inexistante, la documentation iconographique nous offre des données rares et difficiles à lire. A Malte dans le graffiti (Woolner, 1957, pp. 60-7; Basch, 1987, p. 395) du temple appartenant à la culture de Hal Tarxien datés de 3100-1500 av. J.-C. repré-sentant des navires complexes avec une proue et une poupe bien distinctes (Lopez, 2012, p. 213; 2013, p. 145, note 330), Guerrero Ayuso y voie dans quelques-uns «barcas de juncos y balsas» (Guerrero Ayuso, 2009, p. 346). La tradition littéraire, antique, bien que postérieure, pallie à ce manque en mentionnant l’utilisation fréquente de certaines d’entre elles et nous permet de nous faire une idée. Ainsi Pline l’Ancien considère le radeau comme le premier type d’embarcation de l’histoire de la navigation mais la réalité des premiers pas de la navigation, semble avoir été plurielle, à en juger par les différents modèles archaïques coexistants mentionnés par les sources: les pirogues monoxyles, les flotteurs d’outres ou de pots, les embar-cations construites sur une structure légère et recouverte de peaux5.

En l’absence d’autre documentation, les données ethnographiques nous aident en effet à trouver des réponses aux multiples questions: comment obtenir une forme particulière de la proue/poupe? Comment lever et tenir les flancs? Quel processus de construction a été utilisé?6 Quelle était son utilisation? Ces sources peuvent fournir un modèle interprétatif. La com-paraison des données appartenant à des sources et à des périodes différentes peut mener à de fructueuses hypothèses de travail (Lopez, 2013) .

Par exemple, c’est la comparaison avec la source ethnographique qui a permis de reconnaître un système d’assemblage par ligatures pour l’épave archaïque de Bonne-Porté (vi siècle av. J.-C.; cfr. Pomey, Rieth, 2005, p. 85; 1981, p. 236). Un autre exemple très connu est l’étude des différentes tech-niques anciennes d’assemblage des bateaux cousus, qui a été aidé par l’ob-servation de bateaux cousus encore produits et utilisés (Chittick, 1980). C’est la comparaison ethnographique qui a aidé à l’interprétation de cer-

5. Pour les sources anciennes cfr. Janni (1996); cfr. aussi Basch (1987).6. On doive à P. Pomey les réflezions sur les principes et méthodes de construction

(Pomey, Rieth, 2005; Pomey, 1988).

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tains des objets en vannerie comme les nasses du site de Noyen-sur-Seine datant du Mésolithique. Ces objets sont fabriqués selon la technique des nasses à poissons encore en usage au début du xxème siècle dans la région (Mordant, Mordant, 1989, p. 44). La même typologie de hameçon en os documentée archéologiquement pour les communautés préhistoriques était utilisée par les pécheurs qui utilisaient les fassois des étangs de Cabras: un roseau de pêche, dont l’hameçon était constitué d’une épine d’acacia horrida, appelé localement spia e Christu (épine de Christe).

3Le milieu lagunaire et le contexte archéologique des fassois

En Sardaigne les plus grandes accumulations de sable se trouvent sur les côtes occidentales exposées aux vents d’ouest. Leur présence (Pecorini, 1983) est liée à de nombreux facteurs: l’apport sableux des cours d’eaux, les cou-rants marins, la morphologie et l’évolution paléographique des côtes. Les accumulations sableuses littorales peuvent constituer des véritables barrages entre la mer et les cours d’eau. Ainsi se forment des collectes d’eau, plus ou moins saumâtre à l’embouchure des petites vallées ou des grands étangs à la limite entre la côte et la plaine. C’est justement aux deux extrémités de la plaine la plus importante de Sardaigne, celle de Campidano, que se trouvent les étangs les plus importants, ceux d’Oristano et ceux de Cagliari.

La complexité géomorphologique du golfe d’Oristano, sur lequel s’ouvraient les ports anciens de Tharros, Othoca et Neapolis (Spanu, Zucca, 2009), est bien connue. C’est le golfe où se jette le fleuve Tirso, avec un riche système lagunaire composé de la lagune de Mare’e Pontis (appelée “Stagno di Cabras”), des étangs de Mistras et de Mardini, de la lagune de Marceddì et de Santa Giusta. En particulier, l’étang de Cabras est un grand bassin presque lacustre qui se développe sur près de 10 km et dont les eaux ont une profondeur actuelle qui varient entre 1 et 2,7 m au maximum. Il ne communique pas directement avec la mer mais le fait par l’intermé-diaire de l’étang de Mardini, et il recueille en grande partie les eaux de la région de Monteferru.

Sur l’étang de Mistras devait s’ouvrir dans l’antiquité le port de Tharros. L’étang de Marceddì et celui de San Giovanni représentent des paléo-val-lées wurmiennes envahies par la mer et colmatées dans la partie la plus proche de la mer. Dans l’antiquité, le Neapolitanus portus leur faisait face (Zucca, 2005, p. 178). L’étang de Santa Giusta était déjà barré par un cordon dunaire au iième millénaire av. J.-C., comme en témoigne la pré-sence du village nuragique de Sant’Elia (Bronze Final) sur la rive gauche du Canale de Pesaria. Sur l’étang de Santa Giusta, s’ouvrait le port d’Othoca (ivi, p. 181). À l’arrière de ce complexe système lagunaire et fluvial se trou-

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vait le Monte Arci avec ses riches gisements d’obsidienne qui ont connu une intense exploitation de la part des communautés humaines surtout durant le Néolithique et, à proximité, l’aire minière de Guspini.

La documentation archéologique provenant de cette aire souligne l’importance que celle-ci assumait dans les échanges aussi bien avec l’inté-rieur des terres, à travers une navigation lagunaire et fluviale, qu’avec l’ex-térieur sur les routes maritimes7. L’actuel système lagunaire et fluvial, la distribution (Sebis, 1998) des établissements nuragiques, à mon avis (Lopez, 2013, p. 76) met en évidence le rôle que ceux-ci doivent avoir joué comme voie d’échanges de marchandises, d’idées et d’hommes.

Des points d’abordages à l’intérieur peuvent donc avoir été utilisés et exploités en complément d’un système de points d’atterrissage déve-loppé le long de la côte, comme la localisation des nuraghes dans leur fonction de contrôle de la mer semble l’attester. Cela aurait donné vie, de cette manière, à une complexe système d’exploitation des voies d’eau pour la circulation des matières premières, qui réclamait la construction d’embarcations particulières.

4Les fassois: un témoignage ethnographique important

A ce complexe fluvio-lagunaire devait donc répondre l’élaboration de moyens précis de navigation pouvant répondre aux exigences du milieu. Ce dernier rend nécessaire le recours à des embarcations conçues pour glisser sur les eaux intérieures d’un lit fluvial ou d’un étang, et construites avec le matériel le plus facile à trouver sur place, tel que les joncs.

La réelle nature des embarcations utilisées par les habitants néoli-thiques de cette zone nous demeure inconnue en l’absence de découvertes archéologiques. L’étude des fassois (Schweizer, 1973; Delitala, 1983; Manca Cossu, 1990) et des autres embarcations traditionnelles peut nous faire apporter des hypothèses de travail.

Parmi les différents types d’embarcations spécifiques à la tradition locale, en dehors des bateaux en bois à fond plat, on trouve dans les étangs d’Oristano quelques modèles particuliers de radeaux construits avec des bottes de roseaux. Certains ont disparu et d’autres sont toujours en usage. Parmi les types aujourd’hui disparus, il y avait la naccarra, utilisée pour les déplacements et qui était longue de 15 m et large de 3 m environ (Manca Cossu, 1990, p. 59). Elle était construite en bottes de roseaux tenus ensemble par une corde faite de joncs tressés et récoltés le long des rives de l’étang. De même la sattéra (ibid.), semblable à la précédente, qui consis-

7. Interprétation personnelle, basée sur l’étude des différentes sources.

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tait en un simple radeau sans flanc faite en bottes de joncs de roseaux et qui était utilisé pour une technique de pêche particulière (Manca Cossu, 1990, p. 80)8. Grâce à sa grande dimension elle avait une plus grande sta-bilité de flottaison transversale et permettait, outre la pêche, le transport de personnes et de choses. Mais elle ne pouvait naviguer seulement que en eaux calmes et avec peu de fonds.

A côté de ces radeaux de roseaux, il y a aussi des embarcations9 en bois à fond plat dites schifu10 et bracca praa (barque plate) de dimensions plus petites.

Une embarcation singulière, spécifiques aux pêcheurs, est le fassoi (fig. 1) car sa forme rappelle celle des maquettes de petites barques aussi bien en terre cuite qu’en bronze propre à la culture nuragique. Elle semble avoir été conçue et construite pour répondre à des exigences restées inchan-gées pendant des millénaires.

figura 1Is fassoi. Dessin schématique (de Schweizer, 1973, p. 260)

fassõi

sa puncia

su maseddu

su scrammu

sa piada

sa scrommera

8. Un type de pêche exécuté avec un filet plongé dans l’eau. À l’intérieur d’un canal, on choisissait un point où on rangeait un mur de roseaux. Une extrémité du filet était liée à la sattéra. Celle-ci était tirée par environ vingt hommes, dix de chaque côté: de cette façon on fermait la zone submergée et les poissons sautaient à l’intérieur de la sattéra.

9. Un bateau en bois avait une durée d’environ 10-15 ans. Sa construction était confiée à des charpentiers qui exerçaient la profession presque par dynastie. On pourvoyait chaque année à la réparation et au calfatage des bateaux (Manca Cossu, 1990, p. 135).

10. À ce propos voir Schweizer (1973, pp. 196-8) et Manca Cossu (1990, p. 59, fig. 61; mesures: 7,80 × 2 m).

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Le fassoi11 est construit avec un jonc palustre, dit feu (Scirpus lacustris). Le fassoi est long d’à peu près 4 m, sa largeur maximale est de 0,90 m au niveau des dames de nage et va en se resserrant vers une extrémité – la proue – incurvée vers le haut. Le fond est plat. L’épaisseur du fond est d’à peu près 30 cm, la hauteur des flancs de 25 cm. Le cale-pieds et le banc sont également construits en jonc palustre, par conséquent en matériel “mou”. Il peut transporter jusqu’à deux personnes, en plus des instruments pour la pêche12, mais est incapable d’emporter les filets.

Son existence est historiquement attestée à partir du xviième siècle. Dans un document présent dans l’Archivio di Stato di Cagliari et daté du 12 décembre 1616 on trouve la première mention des fassois13. D. Levi a interprété comme fassois les dessins tracés avec des charbons sur les parois de l’hypogée-sanctuaire de San Salvatore de Cabras (début du ivème siècle ap. J.-C.), associés à des représentations de navires (Levi, 1949, pp. 22-7, fig. 8, n. 12). Ils représenteraient ainsi l’évidence la plus ancienne.

Deux types de fassois étaient en usages jusqu’aux années 1940: un type avec les bords et un plus simple, le fassoi plat14, semblable à la naccarra, avec des flancs très bas ou sans bords, formés d’une petite botte de joncs.

Les moyens de propulsion utilisés pour toutes les embarcations étaient les rames en bois, d’environ 3 m pour les embarcations en bois et 2 m pour les fassois. Mais la particularité des fassois est de pouvoir être propulsés aussi bien par des rames qu’avec une perche. L’avantage des fassois, par rapport à la naccarra et à la sattéra, est qu’il s’agit d’une embarcation sûre même lorsque l’eau de l’étang est agitée.

Les fassois étaient périssables à cause de la nature de leurs matériaux. Trois ou quatre étaient nécessaires pour chaque année de pêche, et sa structure ne pouvait être réutilisée. Les pêcheurs eux-mêmes se char-geaient de leur construction. Le long des rives de l’étang ou à proximité des maisons, on voyait de nombreux bottes de jonc ( feu) destinés au

11. Voir Schweizer (1973, pp. 258-70); cfr. aussi Manca Cossu (1990, pp. 59-65).12. La technique de pêche pratiquée était celle avec la palangre, dit su paramittu, avec

sa fruscia ou su pettini, un type de harpon. Une autre technique était pratiquée avec le roseau qui jouait le rôle d’une sorte de canne à pêche. Ici, le pêcheur, su lenzaius, portait sur le fassoi une centaine de roseaux qui était positionnés verticalement sur le fond de l’étang. Cette technique, plus ancienne, est tombée en désuétude au début du xxème siècle.

13. Archivio di Stato, Cagliari Cartella 88, 166 archivio demaniale. Cartelle 1315, 1317. Deposito del comune di Cabras, cartelle A e B.

14. Schweizer (1973, pp. 279-88); Delitala (1983, pp. 229-34); Riccardi (1986, pp. 41-6) est le modèle de Santa Giusta. Il n’est plus utilisé à partir des années 1940. «Si differenziava per il fondo piatto, la quasi totale assenza di sponde, la mancanza di sedili e scalmi, dato che l’unico rematore manovrava in piedi e servendosi di una lunga asta, anziché di remi» (Delitala, 1983, p. 232).

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séchage. Cependant ces bottes pouvaient être destinés à d’autres usages domestiques, comme discuté ci-dessous. De ce fait, ceux qui pourraient été retrouvés dans d’éventuelles stratigraphies archéologiques ne sont pas facilement reconnaissables comme éléments liés à l’usage nautique. Le jonc palustre était récolté seulement et uniquement en été, vers le mois d’août. En effet s’il était récolté avant qu’il soit bien mûr et sec, il avait une durée d’usage moindre et pourrissait bien plus tôt. Après chaque utilisation, le fassoi doit sécher verticalement, action fondamen-tale, pour en diminuer le poids et améliorer sa flottabilité. Une embar-cation faites de joncs s’imprègne lentement d’eau jusqu’à perdre la flot-tabilité.

4.1. Méthode de construction

Le fassoi était construit près de la maison du pêcheur ou sur les rives de l’étang (Schweizer, 1973, pp. 258-72; Manca Cossu, 1990, pp. 135-8). Le fond était construit en premier, en installant de petites bottes de jonc avec la partie la plus grosse tournée vers la proue (figg. 2 et 3). On dis-posait quatre câbles à environ un mètre de distance l’un de l’autre et on plaçait dessus la botte de jonc. Après avoir liée la botte aux quatre points touchant aux câbles, une botte épaisse d’à peu près 30-35 cm se formait. Après deux autres bottes étaient préparées, celles latérales qui étaient de mêmes dimensions et épaisseur que celle centrale et elles étaient liées à la première par une corde de chanvre. On liait au faisceau central quatre cordes. Les bottes latérales étaient liées à celle centrale avec la corde. La corde passait simultanément dans les trois bottes, procédant de la poupe et continuant jusqu’à la proue. Des cordes plus courtes pouvaient être utilisées qui étaient nouées au fur et à mesure.

Le fond ainsi préparé, la proue était recourbée en mettant sous cette dernière un socle de 40-45 cm de hauteur. Ainsi, la cambrure se formait sous l’effet de la pression et une grosse pierre appuyée sur le fond main-tenait la forme.

Pour former et maintenir le fond, une trentaine de morceaux de roseaux fins d’à peu près 50 cm de longueur et du diamètre d’un doigt que l’on appelait is puncias étaient enfoncés sur les côtés du fond jusqu’à rejoindre la botte centrale. Ces roseaux (is puncias) permettaient au fassoi de main-tenir sa cambrure même après l’achèvement de la construction. Seul un petit morceau de ces roseaux restait dehors. Is puncias ont le rôle, comme élément transversal, de renforcer la structure du fond, en plus que de tenir l’arnachement. Enfin, deux cannes étaient fixées dans la partie externe des bottes latérales et on y accrochait des petites bottes de joncs, d’à peu près

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12 cm. On formaient ainsi les côtés et les bottes étaient liés au fond avec une corde peu tendue, sachant que le jonc mouillé augmentait de volume. Deux ou trois autres bottes se superposent à la première botte latérale.

Les dames de nage étaient faites avec n’importe quel morceau de bois, de figuier ou d’olivier, que l’on enfonçait dans le flanc du fassoi. Leur dis-tance de la poupe était à peu près de 30 cm. Le soutènement et la dame de nage étaient liés avec une corde entre la première et la seconde botte de joncs.

Le cale-pieds pour le rameur était constitué par deux morceaux de bois positionnés entre le fond et les côtés à proximité de la poupe. On ramait avec les épaules à la proue alors que l’usage de la perche se faisait transversalement avec les épaules à la poupe. Le banc était fait lui aussi de joncs liés avec une corde. La corde utilisée était de chanvre, comme

figura 2Phases de construction d’un fassoi; première partie (de Manca Cossu, 1990, p. 137)

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nous l’avons déjà dit, mais, précédemment à l’introduction du chanvre, devait être faite avec des joncs récoltés dans la zone. Ceux-ci étaient étendus au soleil afin qu’ils sèchent après avoir été ramollis. Chaque jonc était cassé en quatre ou huit parties, dans le sens de la longueur, et, en maintenant unie une de leurs extrémités, on procédait ensuite au tressage de deux ou trois fils et ainsi confectionnait-on la corde. La durée de ce type de corde végétale était d’environ un an.

Ces éléments de is puncias étaient posés après que le fond ait été pré-paré et, donc, que les dimensions et la forme de l’embarcation aient été données. Le cale-pieds, en roseaux, et le siège, en joncs, ont seulement une fonction pratique et aucun rôle structurale, aussi étaient-ils introduits en dernier lieu. La fonction de ces flancs était avant tout de maintenir les dames de nage et de ne pas laisser passer l’eau.

figura 3Phases de construction d’un fassoi; seconde partie (de Manca Cossu, 1990, p. 138).

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4.2. Analyse fonctionnelle

Le fassoi appartient à la catégorie des radeaux. Il représente un exemple caractéristique d’un radeau évolué associé à une technique «colligative»15, et destiné à une fonction de pêche et non à un transport de charges. Il «peut être considéré comme une forme sommaire, voire primitive mais bien réelle, d’architecture» navale (Rieth, 1998, p. 57).

Le fassoi représente un ensemble cohérent étroitement lié à son contexte d’utilisation. Le milieu a eu un rôle déterminant dans sa concep-tion et sa construction. Sa forme, sa structure, ses dimensions, son grée-ment sont étroitement liées à sa fonction, et à son contexte d’utilisation. Sa structure architecturale et fonctionnelle ne peut se comprendre qu’en relations avec le milieu des lagunes et des étangs.

La structure légère et la hauteur des flancs, peu au-dessus de la ligne de flottaison (max 30 cm +/-), en sont une conséquence. D’un point de vue technique, une proue aussi restreinte associée à une poupe plus large implique une faible résistance à l’eau, alors que la poupe confère une plus grande stabilité dans le cas d’une propulsion à la perche. Le milieu de navigation avec les multiples chenaux et la variation de la hauteur et du régime des eaux, sans points d’accostage certains et un accès difficile, détermine l’adoption d’une coque avec fond plat.

Les eaux basses, la nécessité de se mouvoir entre les canaux sans mouillage sûr, amènent à associer à un moyen de navigation aussi léger que le fassoi l’usage de la perche ou de la rame, voir des deux ensembles.

La technique utilisé avec la perche dans le fassoi est la “perche en res-tant”: l’homme est en pied, à la poupe, il ne bouge pas et fait glisser la perche entre ses mains. La perche touche le sol submergé, imprimant une force propulsive légère mais avec un optimum effet directionnel, et se révèle notamment très efficace pour les phases d’éloignement de la rive. Elle n’est pas difficile à manœuvrer, le seul risque est de se déséquilibrer en plantant trop la perche sur le fond. L’utilisation de la rame donne une force propulsive plus grande mais nécessite un aménagement technique particulier (dame de nage, encoche, tolet, estrope). Soi la rame que la perche ont des effets directionnels suffisants et par conséquence l’emploi d’un système directionnel autonome n’est pas nécessaire.

La méthode d’assemblage est celle par ligatures végétales, c’est-à-dire une des techniques les plus anciennes. La même méthode d’assemblage se rencontre aussi dans la construction de la couverture des petites cabanes de roseaux appelées baracchedas de castiu qui se dressent sur l’étang. L’usage

15. C’est à dire «à l’union effective de corps flottants naturels» (Rieth, 1998, p. 58).

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des ligatures est liée soit à la disponibilité naturelle de la matière première et à sa facilité d’approvisionnement, soit à la simplicité des outils néces-saires à sa réalisation. De simples instruments et un niveau technique élé-mentaire sont suffisants pour sa construction. Les joncs doivent constituer depuis toujours une solution naturelle pour la navigation dans les eaux intérieures, grâce à la facilité de repérage de la matière première et au niveau technologique élémentaire demandé pour la taille et l’assemblage.

La forme du fassoi est générée par une action volontaire et non par la forme naturelle du jonc. Le fassoi présente trois bottes identiques qui constituent le fond, lesquels sont attachés à la proue alors que la poupe, plate et tronc, est ouverte. Les bottes sont recourbées ensemble pour amé-liorer l’hydrodynamisme. La “coque” est asymétrique et inégale en hau-teur. Dans cette asymétrie on peut lire l’effort des constructeurs de rendre le radeau plus adapte aux problèmes de navigation. Un tel fait pourrait représenter un héritage provenant d’embarcations marines, vu que la navi-gation interne n’exige pas un profil aussi hydrodynamique, comme nous l’enseigne la documentation ethnographique de la Méditerranée orientale (Basch, 1987). Par ailleurs, la différenciation entre la poupe et la proue met en évidence un développement technique notable lié aux embarca-tions maritimes qui s’est vu transposé dans une embarcation lagunaire.

5Considérations ethnographiques

On suppose que les embarcations primitives furent de simples radeaux flot-tants constitués de troncs d’arbres liés entre eux ou de bottes de branches ou de joncs. Elles étaient des moyens de transport dans lesquels la flottabi-lité naturelle était assurée par divers éléments dotés d’une densité plus faible que celle de l’eau et liés entre eux (Rieth, 1998, p. 54). L’ethnographie démontre que le radeau de bottes liées ensemble constitue le moyen de transport utilisé par les populations primitives puisqu’il nécessite un enga-gement technologique limité dans sa phase de construction; en particulier, les radeaux faits de troncs ont en plus une fonction de transport par rap-port à un radeau naturel ou un radeau de bottes de joncs. Il s’agit de moyens de transport dont les éléments constitutifs nécessitent, entre eux, des assem-blages. Les capacités techniques d’un radeau de joncs assemblées permettent les traversées de bras de mer (Tzalas, 1995, p. 454). Cependant un radeau construit avec des bottes de roseaux présente un inconvénient16 considé-rable: il s’imprègne d’eau par manque d’imperméabilité.

16. À ce propos voir Medas (1993, p. 139); cfr. aussi Tzalas (1995) et Tzamtzis (1990).

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Peut-on envisager que le fassoi soit un descendant lointain des pre-mières embarcations néolithiques sardes?

La présence de cette construction navale “primitive” laisse penser qu’il a pu y avoir dans l’île une tradition native de construction navale. Les matériaux pour sa construction étaient présents dans le milieu naturel et la capacité technique de construction était maîtrisée par l’homme pri-mitif. La comparaison entre les données archéologiques indirectes et la documentation ethnographique démontre au moins la présence et la per-sistance de contacts maritimes depuis le Néolithique mais cela n’implique pas qu’ils furent utilisés pour de telles embarcations. L’hypothèse géné-ralement acceptée est que les premiers marins utilisaient des embarcations faites de roseaux. À mon avis l’utilisation des monoxyles doit avoir eu un poids majeur. La documentation ethnographique nous informe de l’usage continue des monoxyles en de nombreuses régions géographiques. Ceux-ci sont bien documentés archéologiquement (Lopez, 2013, pp. 51-6) à partir du Mésolithique et la documentation iconographique est abon-dante. La capacité de maîtriser la fabrication d’une barque creusée dans un seul tronc a été démontré. Le niveau technique, la méthode par brû-lage et celle par taille étaient connues par les sociétés néolithiques. Les capacités techniques de navigation du monoxyle sont aussi supérieures de celles d’un radeau (ivi, p. 63).

Les deux expéditions d’archéologie expérimentale de Monoxylon i et ii l’ont démontré: les capacités technique supérieures, la bonne stabi-lité, le port en lourd important (douze hommes et 100 kg de charge, pro-vision d’eau, charge de blé et capacité pour d’autre charge), la propulsion par pagaie (Tichý, 2000, pp. 259-60), mais aussi la possibilité de l’utilisa-tion de la voile. On a parcouru plus de 300 km à travers les iles de la Mer Égée et plus de 700 km par cabotage dans la Méditerranée occidentale.

6Une analogie archéologique:

les nacelles nuragiques cordiformes

La civilisation nuragique a produit un grand nombre de nacelles en bronze et en terre cuite, que peuvent être considérées (Lopez, 2012; 2013) de repro-ductions fidèles de bateaux. Un type de nacelle se détache des autres pour sa forme, définie comme cordiforme par Anna Depalmas (2005). Au sujet de ces petits bronzes naviformes à coque cordiforme, on peut émettre l’hypo-thèse que la fonctionnalité de l’objet primait dans sa réalisation sur la fidélité au prototype reproduit. En effet, une embarcation d’une telle morphologie ne pouvait outrepasser les lois de la flottabilité (Lopez, 2013, pp. 120-1) et l’enchâssement de la protomé paraît bien explicable par la nécessité d’inté-

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grer un élément de préhension pour une éventuelle lanterne. En épurant les modèles en bronze à coque cordiforme de l’interprétation artistique et de leurs exigences fonctionnelles auxquelles ils devaient probablement beau-coup, a été supposé (Depalmas, 2005, pp. 214-7) qu’ils renvoyaient aux radeaux de faisceaux de roseaux utilisés dans la navigation intérieure.

Il est bien possible que la civilisation nuragique aille élaboré locale-ment un type relativement simple de radeau ou bateau réservé à la navi-gation tranquille sur des étendues d’eaux intérieures, comme il arrive sou-vent dans d’autres sociétés qui réservaient également les embarcations plus simples à un usage quotidien. Ce type de bateau pourrait trouver une documentation iconographique dans certains modèles naviformes en terre cuite17. Mais a mon avis, le type cordiforme représentait plus pro-bablement un prototype naval en bois pour la navigation maritime (Lopez, 2013, pp. 120-1).

7Conclusion

Un dense réseau d’échanges comme celui attesté pour la Sardaigne à partir du Néolithique nécessitait des embarcations répondant à des exigences pré-cises. Il est peu probable que les embarcations de roseaux comme les fassois puissent permettre des traversées maritimes importantes et répondre a ces exigences. Le fassoi est un type de radeau avec une architecture primitive, non adapte à la navigation maritime. Mais il évoque (ivi, p. 84) les radeaux primitifs en faisceaux de joncs. Cette catégorie d’embarcations exalte une longue tradition de construction navale et, par un phénomène répandu de convergence, est commune à toutes les civilisations antiques. En dépit du passage des millénaires, elle a survécu jusqu’à nos jours en s’ancrant dans les coutumes, traditions ou en répondant aux conditions locales.

Les fassois, embarcations en bottes de joncs, en seraient un exemple pour la navigation interne.

Notre connaissance des bateaux pour la navigation intérieure ancienne en Sardaigne est complètement lacunaire. Toutefois, la confrontation ethnographique peut permettre d’envisager la persistance et l’évolution des formes et de mieux comprendre la continuité des techniques adop-tées par le pêcheur au cours du temps.

Il est possible que telles embarcations puissent nous aider à mieux comprendre le développement des navires en milieu local.

17. Riche et fondamental pour ce sujet, la documentation offerte par les modèles de barquettes en terre cuite de la fouille du nuraghe Su Mulinu de Villanovafranca et exposés au musée de Villanovafranca (Cagliari).

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Indice

Presentazione 5

Parte primaAfrica antiqua

La bazina: genèse et évolution d’une forme architecturale libyque 13de Mounir Fantar

Céramique antique du Sahel intérieur (vème-ier siècle av. J.-C.): le cas d’As s’ada et de Henchir El-Jayyasch près d’El-Jem 25de Imed Ben Jerbania

Parte secondaSardinia antiqua

Réflexions ethnoarchéologiques sur le fassoi de Cabras: une embarcation préhistorique sarde? 47de Giuseppa Lopez

Contributo alla ricostruzione dei prototipi navali nuragici attraverso una nuova metodologia di analisi 65di Giuseppa Lopez

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indice

590

L’insediamento del Bronzo Finale e della Prima Età del Ferro di Sant’Elia (Santa Giusta, or) 85di Alice Meloni e Massimiliano Secci

Il bronzetto “fenicio” di Othoca 135di Emerenziana Usai, Alice Meloni e Raimondo Zucca

Una matrice di punta di lancia dal Sinis settentrionale 145di Barbara Panico

Riflessioni sulla statuaria di Monte Prama 155di Paolo Bernardini

Monte Prama (Cabras, or). Storia della ricerca archeologi-ca e degli studi 199di Raimondo Zucca

Una faretrina nuragica da Olbia 287di Paola Mancini

I segni numerali e di scrittura in Sardegna tra l’Età del Bron-zo e il i Ferro 297di Giovanni Ugas

ΓΡΑΜΜΑΤΑ ΕΝ ΤΩΙ ΝΗΣΩΙ ΣΑΡΔΟΙ 383di Raimondo Zucca

Portus Tarrensis qui porta est civitatis Aristanni 433di Paolo Orrù, Emanuela Solinas, Pier Giorgio Spanu, Raimon-do Zucca

Il relitto di Spargi Sud (arcipelago della Maddalena) 459di Roberta De Marzo

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indice

591

Sobre la posible presencia de una embarcación, cynbus Por-tensis, de la virgo Vestalis maxima Flavia Publicia en Porto Torres 471de Marc Mayer i Olivé

Un nuovo miliario della via a Karalibus Turrem del gover-natore Marcus Vlpius Victor 481di Marilena Sechi

Sulle edicole plumbee con raffigurazione di Venere Anadio-mene della Sardegna 493di Giulia Baratta

Parte terzaMare Sardum e mare Balearicum fra Bisanzio e Islam

L’arcontato d’Arborea tra Islam ed eredità bizantina 515di Pier Giorgio Spanu, Piero Fois, Renato Zanella e Raimondo Zucca

Sellos bizantinos de Menorca. Un arconte mallorquín para las Baleares en el siglo viii 537de Joan C. de Nicolás Mascaró, Bernat Moll Mercadal

Parte quartaAbstracts delle ricerche della Scuola di specializzazione

in Beni archeologici di Sassari-Oristano (Archeologia subacquea e dei paesaggi costieri)

Abstracts 585

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