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Réflexivité et production de savoirs. Retour sur une situation d’enquête en milieu populaire urbain Sylvie AYIMPAM Paru in Amoukou, Ibrahim, Wautelet, Jean-Marie (éds), Croisement des savoirs villageois et universitaires. Enjeux pour le développement. Louvain-la-neuve, Presses Universitaires de Louvain, pp.143-165. Je voudrais partager ici l’expérience d’une enquête ethnographique que j’ai conduite dans les milieux populaires de la ville de Kinshasa au Congo (RDC). Cette recherche, bien qu’éloignée sur le plan géographique de celle conduite sur le croisement des savoirs (universitaires et paysans) ayant eu lieu dans la région d’Aguié au Niger entre 2003 et 2007, a posé de manière comparable le problème du « croisement des savoirs » qui s’effectue dans l’interaction quotidienne du chercheur et de l’informateur. En effet, pour ma recherche qui s’est déroulée dans un contexte urbain plutôt que rural, j’ai choisi d’utiliser la méthode ethnographique qui permet de connaître le point de vue des acteurs locaux et d’en rendre compte. En effet, la méthode ethnographique est particulièrement appropriée à la production de connaissances qui associe enquêteurs et enquêtés dans un contexte de forte coupure cognitive ou culturelle entre les deux groupes (Olivier de Sardan, 1995b). Par ce choix, j’ai marqué, à l’instar du projet de recherche d’Aguié, une volonté de me démarquer d’un savoir universitaire exclusif des autres types de savoirs, mais surtout celle de donner la parole aux acteurs locaux. C’est bien cette volonté de donner la parole aux “gens d’en bas”, d’inverser le regard pour mettre à jour les systèmes de représentations et les savoirs populaires 1 , qui motiva le choix de cette méthode de recherche. Ainsi, dans une recherche ethnographique, comme dans une recherche sur le croisement des savoirs, la rencontre entre les chercheurs et le “peuple” et leurs interactions sont complexes. La relation d’enquête qui s’établit alors et qui n’est pas sans conséquence sur la production des connaissances, mérite donc d’être explicitée. Depuis quelques temps, la vigilance méthodologique s’est focalisée sur la réflexivité, amenant le chercheur à adopter une posture critique vis-à-vis de son propre dispositif d’enquête. L’attention s’est portée sur ce qui se 1 L’enquête qualitative s’avère aussi utile que nécessaire pour arriver à une connaissance fine des catégories de pensée et des normes de comportements locaux (Olivier de Sardan, 1995b).

Réflexivité et production de savoirs. Retour sur une situation d'enquête en milieu populaire urbain

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Réflexivité et production de savoirs. Retour sur une situation d’enquête en milieu populaire urbain

Sylvie AYIMPAM

Paru in Amoukou, Ibrahim, Wautelet, Jean-Marie (éds), Croisement des savoirs villageois et universitaires. Enjeux pour le développement. Louvain-la-neuve, Presses Universitaires de Louvain, pp.143-165.

Je voudrais partager ici l’expérience d’une enquête ethnographique que j’ai conduite dans les milieux populaires de la ville de Kinshasa au Congo (RDC). Cette recherche, bien qu’éloignée sur le plan géographique de celle conduite sur le croisement des savoirs (universitaires et paysans) ayant eu lieu dans la région d’Aguié au Niger entre 2003 et 2007, a posé de manière comparable le problème du « croisement des savoirs » qui s’effectue dans l’interaction quotidienne du chercheur et de l’informateur. En effet, pour ma recherche qui s’est déroulée dans un contexte urbain plutôt que rural, j’ai choisi d’utiliser la méthode ethnographique qui permet de connaître le point de vue des acteurs locaux et d’en rendre compte. En effet, la méthode ethnographique est particulièrement appropriée à la production de connaissances qui associe enquêteurs et enquêtés dans un contexte de forte coupure cognitive ou culturelle entre les deux groupes (Olivier de Sardan, 1995b). Par ce choix, j’ai marqué, à l’instar du projet de recherche d’Aguié, une volonté de me démarquer d’un savoir universitaire exclusif des autres types de savoirs, mais surtout celle de donner la parole aux acteurs locaux. C’est bien cette volonté de donner la parole aux “gens d’en bas”, d’inverser le regard pour mettre à jour les systèmes de représentations et les savoirs populaires1, qui motiva le choix de cette méthode de recherche. Ainsi, dans une recherche ethnographique, comme dans une recherche sur le croisement des savoirs, la rencontre entre les chercheurs et le “peuple” et leurs interactions sont complexes. La relation d’enquête qui s’établit alors et qui n’est pas sans conséquence sur la production des connaissances, mérite donc d’être explicitée. Depuis quelques temps, la vigilance méthodologique s’est focalisée sur la réflexivité, amenant le chercheur à adopter une posture critique vis-à-vis de son propre dispositif d’enquête. L’attention s’est portée sur ce qui se 1 L’enquête qualitative s’avère aussi utile que nécessaire pour arriver à une connaissance fine des catégories de pensée et des normes de comportements locaux (Olivier de Sardan, 1995b).

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passait lors des activités de recherche sur le terrain, mettant ainsi sur la sellette la rationalité du dispositif d’enquête, en la réinterrogeant du point de vue méthodologique — en particulier la pratique de l’observation participante qui est au cœur du dispositif — et la légitimité du chercheur à rapporter le discours des gens au nom d’un savoir savant. Sachant que les conditions d’insertion et d’intégration sociale de l’ethnographe forment toujours en soi une aventure singulière, l’enchaînement des situations d’interlocution et d’interaction entre un ethnographe et ses hôtes sont toujours difficile à reproduire (Berger, 2004 : 102-105). Par ailleurs, les difficultés de la pratique de l’observation participante, inhérentes à la complexité des interactions en situation d’enquête, sont d’autant plus exacerbées que le chercheur travaille en ville. La réflexivité permet alors une plus grande précision et finesse d’analyse, car elle intègre la question de l’intelligibilité du dispositif d’enquête à celle de l’intelligibilité des activités étudiées (Ibid.). Je voudrais, à travers cet exercice réflexif, rendre compte de quelques problèmes méthodologiques et déontologiques qu’ont soulevé les conditions de réalisation de mon travail de terrain et la production des données. Tout en essayant d’éviter de tomber dans un exercice d’autoflagellation ou dans les pièges d’une dérive narcissique (Ghasarian, 2002), j’axerai cette contribution autour des difficultés rencontrées sur le terrain et des choix méthodologiques que j’ai dû opérer. Je présenterai donc brièvement la ville de Kinshasa et son contexte de crise, avant de m’appesantir sur les difficultés que j’ai éprouvées à circonscrire le champ des observations empiriques dans l’espace géographique. J’aborderai ensuite la question des difficultés particulières que pose l’approche empathique dans un contexte urbain, où la complexité des situations sociales, la diversité des modes de vie, complexifient davantage la relation d’enquête. Il y sera également question des problèmes déontologiques liés à mon implication sur le terrain. Enfin, je terminerai par la nécessité de l’exercice réflexif qui, comme l’indiquent Aunger (2004) et Leservoisier (2005), peut être à la fois une procédure d’objectivation de la recherche et une condition de production de connaissances.

1. S’engager sur un terrain urbain en “crise” Les recherches ethnographiques à Kinshasa sont assez récentes.2 Sa voisine et jumelle Brazzaville en revanche, fut l’objet des travaux pionniers de Georges Balandier dès les années cinquante. Ces deux villes

2 On pourrait citer les différents travaux de R. Devisch, par exemple (1995, 1998), de G. Mianda (1996), de F. De Boeck, (2000, 2005, 2006), de T. Trefon (2004).

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d’Afrique centrale, qui sont les capitales les plus proches au monde, sont situées face-à-face, de part et autre du fleuve Congo. Mais contrairement à Brazzaville, qui est une ville moyenne, Kinshasa, est une mégapole, une ville immense, tentaculaire et cosmopolite. Cette ville, qui a fait l’objet d’un urbanisme dirigiste jusqu’à la fin de l’époque coloniale a connu une croissance extraordinaire et incontrôlée depuis l’indépendance en 1960. En effet, la volonté d’aménager la ville n’a pas résisté à la formidable poussée urbaine, car la population de Kinshasa a été alimentée par un exode rural sans précédent. (Pain, 1984) Elle est aujourd’hui la deuxième ville la plus peuplée d’Afrique noire, après Lagos : elle compte environ 7 millions d’habitants. La dynamique de la croissance de Kinshasa révèle en tous points les symptômes de la crise de l’urbanisation. Mais la crise à Kinshasa, ne concerne pas que son processus d’urbanisation. La ville vit depuis plusieurs décennies,3 une crise aiguë et multiforme, à la fois socio-économique, politique, et culturelle, qui en fait par excellence, un de ces terrains “transformés” ou “en transformation” par la “crise”. Si la crise n’est pas propre au contexte kinois, et que partout ailleurs dans le continent, les populations développent des mécanismes pour s’adapter aux contraintes politiques et économiques, la longévité et la profondeur de la crise à Kinshasa en fait un cas particulier, si l’on considère la nécessité dans laquelle, depuis plus de trente ans, sont placées les populations de repousser chaque jour davantage les frontières du possible. Les implications multiples des différents conflits politiques et problèmes économiques ces dernières années sur la vie des habitants, ont provoqué des tensions sociales intenses à Kinshasa et ont lézardé les institutions sociales. Le désordre et l’anomie semblent s’y installer, et la ville paraît, à maints égards comme à la fois non gouvernée et ingouvernable. Pour pallier à la situation sinistrée léguée par l’Etat postcolonial en faillite4 et maintenant déliquescent, les populations inventent de nouvelles formes d’organisation sociale. Elles essaient de répondre aux nouvelles reconfigurations des normes sociales avec une inventivité dynamique qui paraît également exceptionnelle. Une inventivité qui est au cœur de leurs pratiques et de leurs constructions mentales (Trefon, 2004 :14-17). On peut ainsi comprendre que la ville de Kinshasa, par ce contexte de “crise” qui entraîne des mutations profondes, s’avère un terrain particulièrement propice pour des

3 Inaugurée par les mesures de zaïrianisation en 1973, la crise s’est particulièrement radicalisée à partir de 1990. 4 Malgré la déliquescence et la faillite qui semblent caractériser l’Etat, cet Etat continue néanmoins à être omniprésent, car les acteurs étatiques ou ceux qui se présentent comme tel, continuent à dominer les relations sociales et à influencer la manière dont les stratégies sont élaborées et mises en œuvre sur le terrain. (Trefon, 2004).

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chercheurs désireux d’observer et appréhender les phénomènes du changement social et culturel. Mais en même temps, ce contexte rend difficile la pratique ethnographique, car la recherche se déploie dans un univers où le marchandage est toujours présent 5. Un des phénomènes les plus troublants des mutations de ce que d’aucun appellent la “multicrise” à Kinshasa, est la recrudescence des accusations en sorcellerie. Mais comme on le verra plus loin, mon intérêt pour cette question de la sorcellerie, qui ne faisait pourtant pas partie de mes préoccupations initiales, a rendu difficile la négociation de ma place en tant que chercheur, car elle a particulièrement complexifié la relation d’enquête. Mais revenons aux dimensions de la ville et aux choix que j’ai dû opérer pour y réaliser mes enquêtes. Même si c’est la ville de Kinshasa qui est le cadre ethnographique de ma recherche — mon “terrain” pour ainsi dire (Gupta & Ferguson, 1997) —, ses dimensions, le fait qu’elle ait une population très nombreuse et diverse, expliquent pourquoi elle ne pouvait pas être prise dans sa totalité pour mener mes enquêtes. En effet, les difficultés méthodologiques « qui tiennent aux dimensions et à la complexité de la ville sont probablement suffisantes pour expliquer le fait qu’un nombre limité d’anthropologues se soient risqués à prendre la ville dans sa totalité et, dans ce cas, il s’agissait en général de villes de petite ou de moyenne importance» (Werner, 1991 : 27). Mais si la dimension de la ville de Kinshasa et le nombre de ses habitants peuvent suffire à expliquer pourquoi j’ai opté pour une ethnographie « dans la ville » plutôt qu’une ethnographie « de la ville »,6 ils ne suffisent pas à expliquer le choix des sites d’enquête.

2. Choisir des sites d’enquête L’une des difficultés majeures que j’ai éprouvée pour démarrer ma recherche de terrain, est due au fait que je n’avais pas préalablement choisi les sites d’enquête. Il me semblait difficile de le faire avant d’aller sur terrain, étant donné que je voulais travailler sur l’économie informelle urbaine, sur les réseaux sociaux qui s’y déploient ainsi que les formes de sociabilité qui y sont associées. Or, ces activités économiques 5 Les difficultés de mener des recherches dans le contexte du Congo/Kinshasa, ont également été soulignées récemment par Pierre Petit et Théodore Trefon (2006). Le pays offre un contexte qui semble cumuler en apparence tous les obstacles à la conduite des recherches de terrain pouvant répondre aux canons méthodologiques de différentes disciplines. 6 La recherche anthropologique en ville en simplifiant à l’excès pourrait être schématisée en Anthropologie « de la ville » et Anthropologie « dans la ville », répondant respectivement à une approche holiste et une approche interactionniste (Hayot, 2002 ; Werner, 1991 ; Althabe : 1984).

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informelles, les petits métiers, les petites activités marchandes et de production, se développent pratiquement dans toute la ville. Par ailleurs, je ne disposais que de 12 mois pour la recherche de terrain et de ressources financières limitées. Il était donc important d’opérer des choix judicieux. Comme beaucoup d’ethnographes en situation urbaine avant moi, j’ai ressenti au début le besoin de ne pas disperser mes enquêtes. En effet, comme on a pu le constater, « le plus souvent, l’objet de l’anthropologie urbaine reste localisé dans un espace restreint (un quartier, un “block”, voire un coin de rue), considéré par l’observateur comme un lieu privilégié d’interactions sociales qui constituent en dernière analyse le véritable objet de recherche». (Werner, 1991 : 28) Mais quel endroit choisir lorsque le phénomène que l’on veut étudier semble se situer partout dans la ville ? En me rendant sur le terrain, j’espérais opérer ce choix sur place, en m’appuyant sur un réseau d’associations et des groupements de base appuyé par une Organisation Non Gouvernementale locale, dont le champ d’intervention couvrait pratiquement toute la ville de Kinshasa. Mais les réalités sur le terrain furent différentes de mes prévisions. En effet, lorsque je me rendis à Kinshasa en janvier 2004, cette ONG ne bénéficiait plus de financement extérieur. Par conséquent, elle poursuivait avec difficultés ses activités d’appui, et avait perdu de son influence auprès de ces groupements de base. Je fis des tentatives pour aborder quelques uns de ces groupements par moi-même et les intéresser à ma recherche, mais ces tentatives furent décevantes ou infructueuses. Après plusieurs tergiversations, je décidais un peu par hasard de commencer les enquêtes au Marché central de Kinshasa. Les hésitations, les tergiversations et les choix effectués devant les difficultés, font que cette recherche de terrain est beaucoup plus le fruit de bricolages, de tâtonnements, et réajustements au fur et à mesure, que le résultat d’une méthode systématique et bien planifiée. Cela semble pourtant être une des particularités de l’enquête ethnographique. Il est clair qu’un chercheur a besoin d’un savoir-faire socioanthropologique, c’est-à-dire de la vigilance méthodologique, du savoir-faire issu de la pratique, de la conscience des enjeux et des biais, pour que sa démarche d’enquête puisse conduire à des résultats reflétant des réalités empiriques plutôt que ses propres présupposés. Tout le problème est que d’une part, la pratique ethnographique mobilise et incorpore compétence et formation, et que d’autre part, cette compétence relève d’un savoir-faire, et cette formation y est de l’ordre de l’apprentissage. Ce qui implique que l’enquête de terrain ne peut

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s’apprendre dans un manuel, puisqu’il n’y a pas de procédures formalisables qu’il suffirait de respecter comme dans les démarches d’enquête quantitative. C’est pour cela que les manuels d’ethnographie ont généralement un caractère très insatisfaisant. L’enquête de terrain qui procède souvent par à coups et intuition, par improvisation et par bricolage, est une affaire d’apprentissage dans le sens où un apprenti apprend tout d’abord en pratiquant. Il faut par exemple avoir conduit des entretiens avec un guide préfabriqué de questions, pour se rendre compte à quel point les interlocuteurs peuvent être inhibés par un cadre trop étroit ou trop directif. De même, il faut avoir improvisé avec maladresse pour devenir petit à petit capable d’improviser avec habileté ou il faut avoir perdu beaucoup de temps sur le terrain pour se rendre compte que ces temps morts étaient nécessaires, etc. (Olivier de Sardan, 1995a :73-75) Avant de démarrer les enquêtes, le temps occupé à chercher par où commencer et le hasard qui détermina le choix du premier site d’enquête, tout cela me déstabilisa quelque peu. La décision d’effectuer des enquêtes au Marché central de Kinshasa et dans le quartier Madimba proche de ce marché, s’est cristallisée peu à peu au cours d’une de ces matinées occupées à me demander où j’allais conduire mes enquêtes. Une conversation à mon lieu de résidence avec quelques commerçantes qui y entreposaient leurs marchandises, a été le déclic. Alors, je me rendis compte que résidant à proximité du plus grand marché de la ville, j’avais l’avantage de pouvoir côtoyer quotidiennement les commerçants et de connaître personnellement certains d’entre eux. Plus tard, en suivant quelques commerçants résidant au quartier Mikondo, je décidai d’en faire un second site d’enquête. Finalement, les enquêtes ont été conduites dans deux quartiers de Kinshasa ainsi que dans leurs marchés respectifs, quartiers qui présentent des contrastes marqués tant sur les plans historique, spatial que socio-économique. Madimba est un quartier ancien et central, un quartier commercial, dense, très aggloméré, tandis que Mikondo est un quartier récent, très peu aggloméré, excentrique, situé dans la périphérie Est à environ 17 km du centre ville. Cette démarche d’enquête dans deux quartiers contrastés de la ville, démarche construite progressivement à l’épreuve du terrain, a été affinée ensuite grâce à des lectures7 sur des études qui ont utilisé une démarche semblable dans des contextes proches8. Bien plus, entre les deux séjours 7 faites entre le premier et le second séjour de terrain. 8 Il s’agit des enquêtes de R. Vuarin (1991) à Bamako sur les systèmes d’entraide populaire en milieu urbain, menées dans les quartiers Bozola (le plus ancien quartier et central) et Jumenzana (l’un des plus récents et périphérique). Vuarin

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de terrain, une étude plus approfondie des travaux en géographie urbaine réalisés sur Kinshasa, m’a permis de me rendre compte de l’enjeu du choix des quartiers, car ce choix ne serait pas sans conséquence sur les résultats de la recherche.

3. Travailler en milieu populaire

Les quartiers populaires Comme beaucoup de villes d’origine coloniale, Kinshasa a une ségrégation sociospatiale, héritée de la colonisation entre une ville européenne, qui regroupe, le centre ville, les quartiers industriels (ou ce qu’il en reste encore) et les quartiers résidentiels, et une ville africaine, qui regroupe les quartiers populaires, appelées aussi cités. Bien évidemment, je voulais conduire mes enquêtes dans les quartiers populaires. L’illusion que j’avais au départ à propos des activités économiques informelles se répartissant sur l’ensemble de la ville, ne se vérifiait qu’en partie. En réalité le dynamisme de ces activités est déterminé par leur emplacement géographique. Marc Pain (1979, vol.2) a classifié les pôles urbains d’activités à Kinshasa, en montrant que les marchés étaient parmi les éléments clés de polarisation de l’espace et de structuration des activités urbaines. René de Maximy (1987) a montré que chaque marché générait son encerclement et avait son aire d’influence, bien connu des commerçants et artisans, qui cherchent à y obtenir des emplacements pour leurs boutiques, échoppes et ateliers. Ce qui contribue à durcir le tissu urbain autour de ces équipements. Or Kinshasa, oppose une ville ancienne, la ville coloniale, équipée d’infrastructures, quoiqu’en état de dégradation avancé, à une ville récente, les extensions post coloniales,9 posant des problèmes d’équipements et d’infrastructure. Travailler au Marché central de Kinshasa et au quartier Madimba, qui tous deux se situent à proximité du Centre des Affaires, c’est travailler dans le pôle d’activités le plus important de la ville. Mikondo et son marché, sont loin d’approcher l’effervescence des activités économiques

s’était lui-même inspiré de la démarche de J.-M. Gibbal (1974) ayant conduit des enquêtes sur la citadinité à Abidjan, dans deux quartiers voisins géographiquement mais contrastant par le mode d’habitat, (récent et moderne pour Marcory, ancien et de type traditionnel pour Nouveau Koumassi). 9 Le terme “extension” indique qu’il s’agit bien de l’extension des cités existantes qui croissent en auréoles périphériques, puis en quartiers “excentriques” fixés sur un axe routier et cernant la ville. Cette ville récente, formée des quartiers d’autoconstruction, s’est développée, à quelques exceptions près, de manière incontrôlée en s’adaptant le plus étroitement possible aux facteurs favorables, naturels ou créés du site : villages, carrefours, contact entre deux collines, routes, hôpital, ancienne ferme, mission, etc. (de Maximy, 1984).

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que l’on observe au Marché central et à Madimba. Les deux quartiers, Madimba et Mikondo, illustrent les contrastes que l’on observe à Kinshasa de manière générale, entre les quartiers populaires de la ville ancienne, et les quartiers populaires de la ville récente. Le cœur des quartiers populaires à Kinshasa se trouve bien sûr dans la ville ancienne. Ce centre se situe entre les Anciennes cités et les Nouvelles cités ; entre les communes de Kinshasa, de Kasa-Vubu et de Kalamu. C’est un espace solidement structuré, par où passent les principaux axes routiers de la ville,10 où se trouvent les marchés les plus importants de la ville, qui rayonnent sur l’ensemble des quartiers environnants. Ces cités forment un pôle dont l’aire d’influence touche l’ensemble de la ville. Cet espace a des fonctions de liaisons et de loisirs très marqués11 (Pain, 1984 : 239). Dans ces quartiers, la vie sociale est forte dans la journée, le voisinage déborde aux maisons proches, aux ateliers, aux boutiques et aux bars peu distants. La vie active, c’est-à-dire la vie professionnelle, fait partie de la vie du quartier, car il n’y a pas de rupture entre les lieux de résidence et les lieux d’emplois, dont beaucoup relèvent de l’économie informelle, ce qui indique leur symbiose étroite à la vie du quartier. En outre, la lutte pour la survie n’y a pas, le caractère précaire qu’on trouve dans les quartiers mal intégrés et excentriques. Les gens y ont le désir et le temps de l’exercice socioculturel de la rencontre, des loisirs et de la convivialité. Ce qui fait que, les déboires et les incertitudes de la vie quotidienne y prennent une certaine relativité (De Maximy, 1984 : 292-294). Par contre, les quartiers populaires des extensions postcoloniales, qui sont souvent excentriques, sont peu animés ; il y a ruptures entre lieux de résidence et lieux d’emplois. La vie sociale n’est pas aussi forte que dans les cités de la ville ancienne, et les journées ne sont pas aussi animées. Les activités de loisirs sont très peu développées et les activités de la “débrouille” y ont un aspect beaucoup plus précaire qu’ailleurs. Cependant, même les quartiers populaires de la ville ancienne, présentent entre eux une diversité sur laquelle je ne voudrais pas insister ici12.

10 Cet espace bénéficie d’un réseau routier particulièrement dense par rapport au reste des quartiers populaires de la ville. 11 C’est là où on trouve la “cité d’ambiance” Matonge, les bars les plus prestigieux de la ville, où se situe le carrefour le plus important de la ville : le rond point de la “victoire”, où se situe la “cité sportive” près des grands stades, où l’on trouve les équipements sportifs les plus importants, etc. 12 La diversité que l’on observe dans la ville ancienne en ce qui concerne les quartiers populaires, est due au fait que la colonisation a pu générer des cités, différentes selon les époques, correspondant à une étape particulière de la croissance de la ville. Ces cités ont correspondu à chaque époque à des “besoins”

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Comme on peut le voir, les différences entre quartiers populaires, ne touchent pas seulement l’aspect morphologique. La mauvaise intégration en termes d’équipements et d’infrastructures, concernant particulièrement les marchés et la densité des axes routiers, influe sur le dynamisme des activités économiques. Elle touche véritablement la vie des quartiers, mieux, la « manière de vivre » dont l’économie informelle et les pratiques de sociabilité sont des aspects importants. Travailler dans les quartiers populaires à Kinshasa, implique des choix qui tiennent compte de la diversité de ces quartiers. Ce choix ne peut être neutre, car il pose le problème du rapport du site ou des sites d’enquête choisis aux ensembles plus vastes. « Comment concilier alors la particularité d’une observation participante, nécessitant l’implantation du chercheur dans ou plusieurs sites habités et relativement circonscrits, et l’exigence de coller au plus près aux ramifications et connections intégrant ces sites à des ensembles plus vastes, mais impossibles à parcourir à l’échelle des rencontres humaines ? » (Berger, 2004 : 110)

De l’intérêt pour le monde populaire aux problèmes d’une démarche populiste En circonscrivant mon travail sur l’économie informelle urbaine, dans une problématique d’économie populaire, je me positionnais clairement pour une approche qui met en exergue non pas les caractéristiques technico-économiques des activités, mais la condition socio-économique et la position sociale des acteurs (de Villers, 1992). En fait, je voulais consacrer cette recherche à ceux et celles que différents auteurs appellent les oubliés du développement, le peuple, les gens d’en bas, le monde populaire, les dominés, les couches populaires, les pauvres, les marginalisés, les exclus du développement, etc. En esquissant une problématique de ce genre, le chercheur se met en rapport avec le peuple, rapport qui évoque une sorte de populisme. Jean-Pierre Olivier de Sardan qui a analysé dans ses travaux le populisme des chercheurs, indique que le terme populisme est non seulement polysémique13, mais il est également généralement lourdement connoté de manière négative et stigmatisante. Mais on peut l’entendre ici au sens le plus sociologique du terme « comme un certain type de rapport social (idéologique, moral,

ou impératifs sociologiques, à dominantes économiques ou politiques changeantes, des techniques de construction différente, des modes différents (de Maximy, 1984) 13 Le terme populisme est également utilisé pour désigner un mouvement “populaire” tel que les partis populistes de l’Europe centrale pendant la période de l’entre-deux-guerres ou le populisme paysan américain du début du vingtième siècle. Ce terme peut évoquer aussi l’attitude d’un dirigeant politique charismatique (Olivier de Sardan, 1995b).

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scientifique, politique) que des intellectuels nouent au moins symboliquement avec le “peuple”. Ce rapport peut générer chez ces intellectuels de la connaissance comme de l’action, et parfois les deux simultanément ou alternativement ». (1995b : 98-99). Mon entreprise de recherche, dans la mesure où elle a choisi de se pencher sur les pratiques des gens “d’en bas”, du “peuple”, des couches populaires, se situe dans une approche populiste. Une inclinaison pour ce type de problématique peut naître de diverses manières et pour diverses raisons. Il est courant, et tel a été mon cas, qu’une volonté de prendre le contre-pied des discours dominants, d’inverser le regard, de renverser les perspectives, soit à la base de cette démarche. Il y a sans doute dans le populisme une attitude sympathisante des intellectuels envers le peuple, qu’ils “découvrent” et en font une “cause” scientifique, sociale, morale, face à un système qui méprise, oublie, exploite, le peuple, que le système soit caractérisé comme politique, économique, culturel, ou tout à la fois. La rencontre entre sciences sociales et pratiques de développement semble être un lieu propice de développement d’attitudes populistes (ibid.). Le populisme des intellectuels ne va pas sans ambivalences et soulève certaines questions. Il ne s’agit pas seulement de la question de la légitimité du chercheur ou de l’intellectuel à parler pour le peuple, à agir pour ou avec le peuple, et des modalités selon lesquelles il peut parler pour le peuple, catégorie à laquelle il n’est pas censé appartenir par culture. La question est aussi de ne pas tomber dans le piège de peindre les savoirs populaires selon les couleurs de ses propres désirs lorsqu’il rend compte des gisements cognitifs populaires souvent oubliés par la culture dominante, de ne pas tomber dans une exaltation du monde populaire ou paysan, assorti de stéréotypes naïfs ou d’illusions militantes, etc. Le défi consiste donc véritablement pour le chercheur qui veut réhabiliter le peuple, parler pour le peuple, à ne pas l’idéaliser (populisme idéologique) et/ou à ne pas le mépriser (misérabilisme). (Ibidem) Ces deux pièges ont été analysés de manière remarquable dans un ouvrage dont le titre est parlant, Le savant et le populaire (Grignon et Passeron, 1989). Ainsi que j’en ai fait l’expérience, dans la recherche de terrain comme dans la recherche documentaire, le chercheur qui travaille sur des problématiques populistes navigue entre ces deux écueils. Sur terrain, je me suis parfois surprise en relisant mes carnets de note à épingler des descriptions exaltant les réalités que j’observais. Cette attitude a été renforcée, je crois, par la lecture des travaux de certains auteurs envers

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lesquels je n’ai pas eu quelques fois une attitude suffisamment critique par rapport aux stéréotypes que pouvaient contenir leurs travaux14. Une vigilance permanente est nécessaire pour en être conscient chaque fois qu’on y tombe, et mieux gérer ces biais. Cette vigilance, j’essaie de la garder dans l’écriture de la thèse, car si j’essaie de ne pas tomber dans une écriture laudative concernant les stratégies observées d’adaptation face aux contraintes de la vie quotidienne, je suis également consciente que l’écriture de la thèse peut être influencée par la lecture de certains travaux récents sur Kinshasa qui ont certains penchants misérabilistes et apocalyptiques, et qui décrivent la ville comme le lieu d’une misère ou d’un chaos absolu (Davis, 2006 ; Ewenzor, 2002). Le défi à relever pour le chercheur est de pratiquer un populisme scientifique, qui « correspond à la mise à jour de systèmes de représentations, de rationalités, de logiques, de productions symboliques, de savoirs propres au peuple, c’est-à-dire aux cultures “oubliées” ou “dominées” ». Le populisme scientifique peut donc, sous contrôle méthodologique, ouvrir la porte à de nouveaux champs de connaissance, en partant du postulat heuristique selon lequel, les représentations et les pratiques des “pauvres” méritent de l’attention de la part des sciences sociales. C’est cet aspect du populisme scientifique qu’Olivier de Sardan appelle populisme méthodologique, qui est une démarche qui peut s’avérer très féconde (Olivier de Sardan, 1995b : 104).

4. La démarche empathique du chercheur autochtone

Le chercheur autochtone La distance entre le chercheur et ses interlocuteurs, peut se manifester dans les domaines les plus divers, tels que la couleur de la peau, les codes de politesse, le niveau de scolarisation, le régime alimentaire, les références culturelles, la langue, etc. (Gibbal et al, 1981) Si mon appartenance au terrain m’en a facilité l’accès, à cause notamment de l’usage de la langue locale, et d’une certaine connaissance préalable de la ville et de certains de ses us et coutumes, l’appréhension des phénomènes étudiés n’en a pas pour autant été facilitée. Comme l’a montré Fatoumata 14 Le chercheur qui travaille sur des problématiques populistes peut, s’il n’y prend garde, tomber dans un populisme idéologique fait de stéréotypes qui ne sont pas exempts d’un parfum de nostalgie, des stéréotypes qui valorisent ou défendent le peuple, des stéréotypes qui en exaltant les vertus du peuple, touchent parfois à la caricature en exaltant les vertus du peuple (politiques, cognitives, morales, culturelles) et prennent l’allure des véritables incantations, qui peuvent finir par devenir irritants. Ces stéréotypes peuvent également s’inverser en valeur et déboucher sur un mode aussi bien laudatif que dépréciatif. (Olivier de Sardan, 1995b)

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Ouattara (2004), le degré d’appartenance à une société est une question relative, car le lien d’appartenance à une société, n’induit pas que le chercheur en partage toutes les croyances et les valeurs, ou qu’il adhère nécessairement au sens commun des enquêtés qui lui reste néanmoins familier. Elle a également montré que le chercheur qui travaille dans sa société d’origine est dans une position où il cumule à la fois proximité culturelle et distance sociale15. Il est donc concerné par deux conditions méthodologiques qui consistent à éviter à la fois les risques inhérents à la familiarité ou à la proximité (rupture épistémologique), mais aussi les risques inhérents à la distance (les pièges conjugués du misérabilisme et du populisme) (Olivier de Sardan, 1989 ; Ouattara, 2004). Mon appartenance au terrain ne m’a pas non plus épargné la méfiance et la suspicion qu’aurait pu susciter la présence de n’importe quelle personne étrangère à mes interlocuteurs.

Négocier sa place L’observation participante a donc été au centre de mon dispositif d’enquête. Elle a consisté à partir d’un effort d’empathie, à tisser des relations suivies avec les acteurs locaux. J’ai ainsi choisi de m’insérer de manière quotidienne et prolongée dans les milieux et cadres de vie des gens avec lesquels j’ai travaillé, afin de mieux comprendre et rendre compte des réalités observées. Comme cela a été montré par ailleurs, la démarche qualitative implique, de la part du chercheur un engagement personnel avec ses hôtes, c’est-à-dire ceux qui l’accueillent et sur qui il va travailler. C’est pourquoi cette relation doit faire l’objet d’une explicitation (Gibbal et al, 1981 : 17). Les relations de départ dans les deux sites d’enquête ne furent pas établies de la même manière. Les premiers contacts au quartier Madimba furent d’autant plus faciles que c’était mon quartier de résidence. Ceux qui ne me connaissaient pas personnellement, connaissaient au moins ma famille qui est l’une des plus anciennes du quartier, et par ce biais les interlocuteurs quoique parfois étonnés que je m’intéresse à la “vie du quartier” pour ma recherche, me recevaient sans trop de problèmes. Mais au quartier Mikondo j’étais avant tout une inconnue. J’ai utilisé trois moyens pour entrer dans l’enquête à Mikondo. Pour commencer, les premiers entretiens que je fis à Mikondo, portaient sur les activités de quelques commerçants avec lesquels je travaillais déjà au Marché central. Je voulais les observer en dehors de la sphère 15 Elle a montré que l’altérité comme l’implication du chercheur, ont tous deux des avantages et des inconvénients, car l’étonnement induit par la distance culturelle entraîne autant de revers que les risques de biais de l’“enclicage” induit par la proximité culturelle du chercheur à son terrain (Ouattara, 2004 : 650).

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professionnelle, dans leur vie de famille et de quartier, mais aussi entrer en contact avec leurs réseaux de relations. Ensuite, lorsque j’ai décidé de faire de Mikondo mon deuxième site d’enquête, j’entrepris de rencontrer les responsables de l’Administration locale pour obtenir une autorisation de recherche, mais également pour m’entretenir avec eux. Ces derniers qui étaient enchantés que je m’intéresse à Mikondo pour ma recherche, m’octroyèrent cette autorisation qui me facilita l’accès à certains informateurs réticents. De même, les entretiens qu’ils m’accordèrent me permirent d’avoir une idée générale sur la vie du quartier et de cibler assez rapidement les interlocuteurs vers lesquels je devais m’orienter pour obtenir certaines informations. Enfin, je fis appel pour m’aider dans les enquêtes, au frère et à la sœur d’une amie, dont la famille réside à Mikondo depuis quelques années. Ils me furent d’un grand secours grâce à leurs activités professionnelles et à la bonne connaissance qu’ils avaient du quartier. En effet, la jeune fille est institutrice et animatrice sociale dans un mouvement des jeunes à la paroisse catholique, tandis que le jeune homme travaille comme coiffeur, dans un salon de coiffure mixte, très fréquenté, situé sur l’axe routier principal et à proximité du marché et de la paroisse, qui polarisent les activités sociales du quartier. Ce salon de coiffure est devenu pour moi l’un des meilleurs postes d’observation de la vie du quartier.

La complexité des interactions au quotidien Les relations au quotidien avec les enquêtés ne furent pas toujours faciles. S’insérer dans le cadre de vie des gens de manière prolongée, essayer de s’intégrer dans leurs vies, pour observer et tenter de comprendre ce qu’ils font au quotidien, a suscité de leur part divers sentiments à mon égard : de la curiosité, de la méfiance, de la réticence, de la suspicion, de la sympathie, etc. Mais ces divers sentiments étaient souvent mélangés provoquant des attitudes assez ambivalentes. Ce n’est pas le lieu d’évoquer ici la diversité des situations vécues dans les différents milieux d’enquête. J’aimerais simplement illustrer mon propos par l’exemple de mon insertion dans certains groupes de commerçants au Marché central. La démarche que j’adoptais pour étudier les réseaux de relations des enquêtés était de suivre le cours quotidien de leurs activités afin d’accéder aux relations sociales qu’ils entretenaient et déployaient au quotidien, et pouvoir en retracer les réseaux d’interaction et observer les formes de sociabilité. Les commerçants que j’ai fréquentés au quotidien, acceptaient différemment ma présence, chacun en fonction de sa perception de l’intérêt de mon enquête. Certains me demandaient pourquoi je m’efforçais de me “déguiser” en commerçante, au lieu simplement de poser des questions et m’en aller « comme font tous les étudiants ». Il était clair que la plupart des informateurs n’avaient jamais

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fait l’expérience de l’ethnographie. D’ailleurs, cette méconnaissance des conditions de l’enquête ethnographique a été source de plusieurs malentendus avec les enquêtés. Je fus maintes fois soupçonnée d’être une sorte d’espionne ; certains d’entre eux, très méfiants, pensaient même que je devais être une personne malveillante, cherchant à leur nuire ou à capter des informations pour les utiliser contre eux. La coopération avec mes interlocuteurs s’est compliquée davantage lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la question de la sorcellerie. Il faut dire que le contexte contemporain de réinvention constante du vécu urbain à Kinshasa, est façonné autant par les espaces “enchanteurs” du fondamentalisme chrétien que par les formes délirantes et obsessionnelles de production des discours et pratiques relatifs à la sorcellerie. Les deux étant, bien sûr, intimement mêlés (De Boeck, 2000, 2005). Au cours des enquêtes, la récurrence du discours sur (et des allusions à) la sorcellerie chez mes interlocuteurs, quel que soit le sujet abordé, m’a amenée petit à petit à m’intéresser de près à cette question qui ne faisait pas partie de mes préoccupations initiales. Cette irruption dans mon thème de recherche ne pouvait pas me laisser insensible. Alors, j’ai suivi cette piste suggérée par les informateurs eux-mêmes, avec d’autant moins d’hésitation que la recrudescence des accusations en sorcellerie, s’avérait être une des manifestations les plus troublantes des mutations de la crise à Kinshasa. Alors que je recueillais les avis de mes interlocuteurs sur la prégnance et la résurgence des croyances et pratiques magico-religieuses dans les milieux d’affaires, particulièrement au Marché central, ainsi que sur leur instrumentalisation en vue de la réussite dans les affaires, on me désigna un certain nombre d’informatrices, qui étaient bien placées, me disait-on, pour m’éclairer sur le sujet, en raison de leur âge et de leur ancienneté dans le commerce au Marché central. Une femme âgée d’une soixantaine d’années, me raconta quelques épopées de commerçantes célèbres dans les annales du marché, qui auraient eu leur richesse produite par des génies en échange de quoi, elles auraient sacrifié des proches, avant de mourir finalement elles mêmes. Elle me dit en conclusion que seule la catégorie des commerçantes très riches recouraient à des forces occultes pour réussir dans leurs affaires, alors que les autres ne recouraient qu’à la prière. Quand je lui fit remarquer que même les « petites » commerçantes du marché étaient versées dans ces pratiques occultes, elle perçut cette objection comme une mise en doute de sa parole et elle manifesta sa contrariété. Elle me fit comprendre que je n’avais pas à douter des ses propos sur un sujet que je ne maîtrisais pas. Elle me dit aussi que si je croyais tout connaître, je ferai mieux de ne pas poser de questions aux gens. Je me trouvais placée dans la position inconfortable d’une initiée, qui ne devait pas exercer de contrôle sur l’échange dialogique ou sur le

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contenu du discours qu’on lui livrait. Comme l’indique Gérard Althabe (1990), sur le terrain le chercheur doit réintroduire une distance à chaque rencontre, sinon il risque de perdre son autonomie dans sa rencontre avec les sujets et se voir imposer par ses interlocuteurs des réponses que seule une démarche d’investigation peut fournir. J’ai eu par la suite, beaucoup de mal à mener des entretiens avec cette catégorie d’informatrices. Plus tard, alors que j’étais en train d’étudier le cas d’un conflit opposant une jeune commerçante à son ancienne patronne, une riche commerçante, qu’elle accusait de sorcellerie et désignait comme responsable de sa maladie et de tous ses malheurs, j’ai voulu confronter le récit de la jeune commerçante que j’avais déjà recueilli à celui de son ancienne patronne. Mais la jeune commerçante, ainsi que le pasteur de son église, qui était par ailleurs l’auteur du diagnostic, m’interdirent d’aller m’entretenir avec cette riche commerçante, sous prétexte, que je courais le risque de me voir jeter un mauvais sort moi aussi. J’ai tenté de leur expliquer le bien fondé méthodologique du recoupement des informations, mais en vain. Je ne cédais pas à leurs pressions et entrepris des démarches pour rencontrer cette dame. Elle n’était pas facile d’accès, car elle voyageait beaucoup, mais elle accepta de m’accorder quelques entretiens. Je fus alors taxée par d’autres commerçantes de “pactiser” avec l’ennemi. Bien plus, comme les prédictions des malheurs qui devraient s’abattre sur moi au contact de cette femme, ne se réalisaient pas, c’est moi-même qui fus finalement soupçonnée d’être une personne malveillante. En fait, l’éternelle question sorcière, transformée dans ses expressions urbaines actuelles par la persistante dureté de la vie, structure de manière prégnante à Kinshasa les liens sociaux et la vie quotidienne. Ainsi, la hantise des représailles sorcières déclenche de plus en plus, une “chasse” quotidienne aux maléfices et aux sorciers, dans une sorte de paranoïa généralisée (Ayimpam, 2007). Peu de relations sociales échappent à cette méfiance réciproque et à cette suspicion mutuelle et les liens que j’ai essayé d’établir dans le cadre de mes recherches avec certaine catégorie d’interlocuteurs en ont été aussi affectés.

Travailler “hors piste” Dans un exposé lors d’un colloque consacré à l’actualité de la démarche réflexive en anthropologie, Anne Doquet (2007) faisait part de son expérience de recherche sur un terrain où la population, très habituée aux investigations ethnologiques, avait fini par tracer des “sentiers” convenus pour les chercheurs16. Pour pouvoir travailler hors de ces “sentiers” ou ces “pistes”, elle a dû abandonner son matériel d’enquête afin d’atténuer 16 Les informateurs dans ce cas essayaient de contrôler le déroulement de l’entretien en évacuant tout sujet en dehors du terrain discursif qu’ils maîtrisent, et qui seul est censé intéresser l’ethnologue.

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son statut d’ethnographe. Cette solution est celle que j’ai dû finalement adopter moi-même lors mon enquête de terrain, en me rendant compte des réponses convenues, stéréotypées et formelles que je recevais lors des entretiens. En effet, les informations les plus précieuses, je les ai reçues en situations d’interlocution où je n’avais pas mon matériel d’enquête, à des moments les plus inattendus et au détour des conversations les plus anodines. Mais, dès que je prenais rendez-vous à l’avance et que je revenais avec magnétophone, carnet de notes et stylos, les entretiens redevenaient conventionnels et stéréotypés. Le caractère solennel que mes interlocuteurs donnaient aux entretiens fixés à l’avance, la réserve et le sérieux apparent qu’ils affectaient en présence du magnétophone, du carnet des notes et du stylo, les réponses formelles et convenues qui en sortaient, le caractère artificiel voire factice de ces entretiens ont fini par devenir lassants. Cette situation m’a désespérée, jusqu’au jour où j’ai décidé d’abandonner mon matériel d’enquête. En fait, ce matériel crispait certains de mes interlocuteurs et était devenu un obstacle à la communication qui rappelait constamment mon statut de chercheur malgré mes efforts d’empathie. J’ai donc pris le risque de travailler sans matériel et de glisser dans une sorte de “clandestinité”. Mes interlocuteurs n’en oubliaient pas pour autant que je faisais une enquête. Mais j’ai fini par comprendre que pour eux, je ne “faisais des enquêtes” que quand j’avais mon matériel d’enquête, et que beaucoup d’entre eux se méfiaient de l’usage qui pouvait être fait de leurs paroles enregistrées17. En l’absence de ce matériel, je n’étais pas supposée “faire des enquêtes”, aussi mes interlocuteurs se sentaient en confiance et étaient beaucoup plus détendus. L’abandon du matériel d’enquête m’a permis de nouer des relations plus amicales et plus approfondies dans le cadre desquelles, certains de mes interlocuteurs ont commencé vraiment à se « lâcher » et à me faire des confidences à propos de leurs stratégies professionnelles ou de leurs vies privées. J’ai finalement fait mon enquête sans enregistrer les conversations, même les plus intéressantes qui survenaient bien entendu aux moments où je m’y attendais le moins. Je ne les retranscrivais qu’a posteriori. J’avais conscience qu’en travaillant d’une manière aussi peu recommandée, je prenais le risque de perdre ou de transformer les informations. Mais cette posture s’est avérée nécessaire afin de pouvoir recueillir des bons matériaux, dans un environnement social ou règne la suspicion et la méfiance.

17 En fait le terme “enquête” suscite de la méfiance, étant généralement assimilé à l’enquête policière.

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Marchander, séduire, trahir… ? Méthode et déontologie Les relations d’affinité que j’ai alors nouées, en atténuant mon statut d’ethnographe, sont celles qui me posent des problèmes déontologiques liés à l’implication. Car elles me posent la question de l’arbitrage que je dois opérer entre les informations qui vont figurer dans ma thèse et celles qui n’y figureront pas. Jusqu’où devrais-je aller dans l’écriture, pour dévoiler les stratégies et propos des personnes recueillies dans un contexte de confiance et d’amitié ? Mes interlocuteurs ne risquent-ils pas de se sentir trahis ? L’enquête ethnographique en milieu urbain africain, comme ailleurs, se déploie difficilement dans une « stratégie » où le marchandage est toujours présent. Pour espérer avoir des résultats fiables, l’enquête doit parfois se trouver une raison d’être et donner une contrepartie. L’information qui en résulte est le fruit du marché réalisé. Le chercheur adopte quelques-fois des conduites de séduction (Gibbal, et al.,1985 : 17-18), ainsi pour faire accepter ma présence quotidienne dans les milieux commerçants au Marché central, j’acceptais volontiers de rendre certains services que l’on me demandait m’impliquant ainsi dans leurs activités quotidiennes. Avec certaines commerçantes, j’ai souvent joué la « fille de course » : chargée de faire des commissions, d’effectuer certains achats, de récupérer certaines créances, d’aider à rédiger du courrier, de négocier des échéances de dettes et même d’aller négocier lorsqu’il y avait un contentieux avec les services administratifs du marché, etc. Si ces divers petits services ont aidé à l’établissement des relations de confiance, ou tout au moins de coopération, et à faire accepter ma présence quotidienne, ils furent aussi une arme à double tranchant18. En effet, cette forme d’implication m’a créé des problèmes parce que je devenais une source de rivalité entre les commerçants, les uns m’accusant de rendre beaucoup plus service aux autres, d’être beaucoup plus attachée aux uns qu’aux autres. De même, lorsque je disais que je ne pouvais pas rendre un service demandé parce que j’avais autre chose à faire, les relations devenaient tendues et la coopération compliquée. Je me suis montrée discrète sur le fait que je résidais en Belgique, sachant tous les fantasmes que cela pouvait générer chez mes interlocuteurs, ainsi que la surenchère que cela pouvait entraîner dans le marchandage et la coopération. Je n’en parlais pas a priori. Mais je ne le niais pas non plus lorsque certains de mes interlocuteurs étaient au courant, ou me le demandaient. Pour éviter de faire l’objet de nombreuses sollicitations

18 Jean Copans (1998) indique que si l’anthropologue s’ouvre sur terrain dans un échange qui l’engage dans des rôles réels ou imaginaires, le plus souvent construits sur mesure, les effets de ces derniers sont souvent imprévisibles.

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financières, j’essayais de m’habiller le plus simplement et le plus sobrement possible. Je savais qu’une certaine façon de s’habiller ou de se parer, pourrait être interprétée comme un indicateur d’aisance financière. Je rappelais aussi gentiment que j’étais une étudiante, que je ne travaillais pas. J’indiquais simplement que mon travail se faisait dans le cadre d’une formation universitaire, sans nécessairement préciser qu’il se faisait dans le cadre d’une thèse de doctorat. J’adoptais également la même posture, lorsque je me rendais dans les bureaux de l’Administration pour obtenir une autorisation de recherche ou pour demander certaines informations. Etant du cru, je savais les problèmes que mon enquête pouvaient encourir si je ne me montrais pas discrète sur ces questions. Tout de même, les divers services rendus ont eu l’avantage de m’aider à m’insérer pour observer de l’intérieur, même si lorsque je les rendais je devais toujours faire des efforts pour garder mon autonomie et ma distance de chercheur, et essayer du mieux possible de ne pas entrer dans les conflits antérieurs ou subséquents à ma présence. Je me rendais alors compte combien il m’était difficile en tant que chercheur de pouvoir construire mon autonomie tout en restant dans la perspective d’une réponse aux demandes des enquêtés.

5. La réflexivité au service de la production de savoirs L’exercice réflexif oblige à repenser la question de l’implication du chercheur dans son objet d’étude et du regard porté par le chercheur sur la société qu’il étudie. Il oblige à une révision constante des pratiques de recherche. Sans être une fin en soi, le retour réflexif peut être à la fois un instrument d’investigation, un moyen de recoupement des données recueillies, mais aussi une étape nécessaire qui permet l’ouverture de nouvelles pistes de recherche (Leservoisier et Vidal, 2007). Le regard réflexif oblige à prendre en compte dans les études en milieux urbains contemporains, où la crise a des multiples déterminants aussi bien au niveau local qu’au niveau international, aussi bien au niveau politique, qu’économique, et socioculturels, non seulement les situations et les pratiques dont les villes sont le théâtre, mais aussi le contexte global dans lequel les sociétés évoluent aujourd’hui, et qui influe sur le vécu urbain quotidien. Le chercheur peut ainsi mieux rendre compte du « réel des autres » en se préoccupant de la connexion entre divers épaisseurs de ce réel reconstruit (Olivier de Sardan, 1989). Resituer les observations et les entretiens dans leur contexte, devient alors une des conditions préalables à leur analyse (Petit et Trefon, 2006: 9-11) lorsqu’on travaille sur un terrain particulièrement difficile comme le mien.

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En définitive, il faudrait peut être dire que « lorsqu’on s’intéresse aux activités d’autrui, on a affaire à des gens dotés de stratégies existentielles intégrant activement la présence de l’observateur et réagissant au dispositif d’enquête auquel celui-ci désire les soumettre. Le chercheur doit par conséquent prendre activement en compte non seulement la conduite de ces gens là, mais aussi la sienne propre, et les perturbations que cette interaction induit dans la forme et le contenu même des activités de chacun, en transformant leurs potentialités en actualités. »19. Mais comme l’indique Gérard Althabe (1990), le chercheur est un des acteurs du jeu social dont il s’est donné pour tâche de mettre en évidence la cohérence et de décrire les règles. En être conscient, permet de traiter l’enquête elle-même comme un terrain d’investigation ; car la manière dont le chercheur est “produit” en acteur, les transformations dont sa position est le cadre, les relations dans lesquelles il est impliqué, font partie de l’univers social étudié et sont élaborées par le mode de communication dont il construit les termes. C’est pour cela qu’il doit donner au déroulement de l’enquête une organisation permettant une autoréflexion permanente. Bibliographie ALTHABE, Gérard (1990) 'Ethnologie du contemporain et enquête de

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19 Devereux cité par Berger (2004 : 102)

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