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L’Encéphale (2012) 38, 58—63 D i spo nible en ligne sur www.sciencedirect.com j o ur nal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP THÉRAPEUTIQUE Revue des cas d’allongements du QTC et de torsades de pointe chez des patients traités par méthadone Review of cases of prolonged QTC and wave burst arrhythmia in patients treated with methadone X. Laqueille a,, S. Richa b , H. Kerbage b , C. Scart-Gres c , M.-P. Berleur d a Service d’addictologie, centre hospitalier Sainte-Anne, université Paris-Descartes, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14, France b Département de psychiatrie, faculté de médecine de Saint-Joseph, Beyrouth, Liban c 92380 Garches, France d AGEPS, pharmacie centrale de l’Assistance publique—Hôpitaux de Paris (AP—HP), Paris, France Rec ¸u le 11 mai 2010 ; accepté le 13 ecembre 2010 Disponible sur Internet le 25 mai 2011 MOTS CLÉS Méthadone ; Décès ; Torsade de pointes ; QTc Résumé Lors des traitements par méthadone, la littérature internationale rapporte depuis 2001 des cas de syncopes, de torsades de pointe par allongement de l’espace QT à l’ECG et de morts par arrêt cardiaque. Une vingtaine d’études montrent des allongements du QT lors de prises de méthadone. Sur le plan physio-pathologique, les opiacés, dont la méthadone, entraînent un blocage des canaux potassiques du gène HERG K+P qui ralentirait la repolarisa- tion et la synchronisation atrioventriculaire cardiaque et induirait une arythmie ventriculaire. Ces accidents semblent survenir dans les cas suivants : (1) les pathologies cardiaques brady- cardisantes, les QT congénitaux longs, les cardiomyopathies liées au sida, les hypokaliémies et hypomagnésémies ; (2) les traitements concomitants allongeant le QT ; (3) les doses élevées de méthadone avec un probable effet dose-dépendant sur le QT ; (4) les traitements ralentissant le catabolisme de la méthadone. Si un ECG systématique n’apparaît pas justifié, il doit être effectué dans les situations à risque ou lors des augmentations significatives des posologies. © L’Encéphale, Paris, 2011. KEYWORDS Methadone; Death; Wave burst arrhythmia; QTc Summary Introduction. For the past 40 years, methadone has been known to be an efficient treatment of substitution. Its use allowed a significant reduction in the mortality related to opioid addic- tion. Since 2001, many articles have reported some cases of syncope, wave burst arrhythmia, ventricular tachycardia due to prolonged QT interval and sudden death secondary to cardiac arrest, with a risk of prolongation of the QT interval above 440 ms (men) and 460 ms (women). Many explorations have helped in understanding the physiopathology by showing that opioids, Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (X. Laqueille). 0013-7006/$ see front matter © L’Encéphale, Paris, 2011. doi:10.1016/j.encep.2011.02.005

Revue des cas d’allongements du QTC et de torsades de pointe chez des patients traités par méthadone

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HÉRAPEUTIQUE

evue des cas d’allongements du QTC et de torsadese pointe chez des patients traités par méthadoneeview of cases of prolonged QTC and wave burst arrhythmia in patientsreated with methadone

. Laqueillea,∗, S. Richab, H. Kerbageb, C. Scart-Gresc, M.-P. Berleurd

Service d’addictologie, centre hospitalier Sainte-Anne, université Paris-Descartes, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14, FranceDépartement de psychiatrie, faculté de médecine de Saint-Joseph, Beyrouth, Liban92380 Garches, FranceAGEPS, pharmacie centrale de l’Assistance publique—Hôpitaux de Paris (AP—HP), Paris, France

ecu le 11 mai 2010 ; accepté le 13 decembre 2010isponible sur Internet le 25 mai 2011

MOTS CLÉSMéthadone ;Décès ;Torsade de pointes ;QTc

Résumé Lors des traitements par méthadone, la littérature internationale rapporte depuis2001 des cas de syncopes, de torsades de pointe par allongement de l’espace QT à l’ECG etde morts par arrêt cardiaque. Une vingtaine d’études montrent des allongements du QT lorsde prises de méthadone. Sur le plan physio-pathologique, les opiacés, dont la méthadone,entraînent un blocage des canaux potassiques du gène HERG K+P qui ralentirait la repolarisa-tion et la synchronisation atrioventriculaire cardiaque et induirait une arythmie ventriculaire.Ces accidents semblent survenir dans les cas suivants : (1) les pathologies cardiaques brady-cardisantes, les QT congénitaux longs, les cardiomyopathies liées au sida, les hypokaliémies ethypomagnésémies ; (2) les traitements concomitants allongeant le QT ; (3) les doses élevées deméthadone avec un probable effet dose-dépendant sur le QT ; (4) les traitements ralentissantle catabolisme de la méthadone. Si un ECG systématique n’apparaît pas justifié, il doit êtreeffectué dans les situations à risque ou lors des augmentations significatives des posologies.© L’Encéphale, Paris, 2011.

Summary

KEYWORDSMethadone;Death;Wave burstarrhythmia;QTc

Introduction. — For the past 40 years, methadone has been known to be an efficient treatmentof substitution. Its use allowed a significant reduction in the mortality related to opioid addic-tion. Since 2001, many articles have reported some cases of syncope, wave burst arrhythmia,ventricular tachycardia due to prolonged QT interval and sudden death secondary to cardiacarrest, with a risk of prolongation of the QT interval above 440 ms (men) and 460 ms (women).Many explorations have helped in understanding the physiopathology by showing that opioids,

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (X. Laqueille).

013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2011.oi:10.1016/j.encep.2011.02.005

Allongements du QTc et torsades de pointe chez des patients traités par méthadone 59

including methadone, cause a blockage of the potassium channels of the gene HERG K+P. Thisevent could slow the repolarisation and the atrioventricular cardiac synchronization and couldinduce ventricular arrhythmia.Literature findings. — Nearly 20 studies showed a prolonged QT interval secondary to metha-done in patients exhibiting the following features: (1) patients with cardiac pathologies, notablybradycardia, congenital long QT interval, myocardial pathologies related to AIDS and electrolytedisturbances; (2) patients receiving concomitant treatment with substances known to prolongQT interval, such as psychoactive stimulants, narcoleptics, tricyclic antidepressants, antiar-rhythmic agents, macrolids, quinolones, non diuretic hypokalemiants and certain corticoids;(3) patients receiving treatments that inhibit methadone’s metabolism, particularly those thatact on the cytochrome P450 3A4 such as SSRI, antifungal agents, some macrolids and someretroviral agents. Many recent studies, while evaluating the dose-dependent effect of metha-done on the QT prolongation, showed a tendency to a prolonged QT when using higher doses ofmethadone.Conclusion. — Screening for these risk factors should be carried out before prescribing metha-done. EKG should not be systematically performed unless the conditions described above arepresent or if a higher dose of methadone is needed.© L’Encéphale, Paris, 2011.

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La méthadone est proposée comme traitement substi-tutif des toxicomanies opiacées depuis près de 40 ans. Lalittérature internationale rapporte depuis 2001 des cas desyncopes, de torsades de pointe par allongement de l’espaceQT à l’électrocardiogramme et des morts par arrêt car-diaque. Une vingtaine d’études montrent des allongementsdu QT lors de prises de méthadone.

Cas cliniques, études prospectives etrétrospectives

En 2002 et 2003, aux États-Unis, Krantz et al. [17,18] rap-portent la survenue de torsades de pointe chez 17 patientstraités par des doses élevées de méthadone (moyenne397 mg/j). Chez six d’entre eux, l’incident survient lorsd’une augmentation de dose, pour l’un après adjonctionde nelfinavir. Quatorze patients ont des facteurs de risquecomme une hypokaliémie ou un traitement associé allon-geant le QT.

Les Annales de médecine interne publient en 2003 deuxlettres à l’éditeur. L’une de Sala et al. [35] concernequatre patients VIH, traités par méthadone à des doses de275 à 500 mg/j, qui présentent des syncopes et des épi-sodes de torsades de pointe, et un allongement de QT à590 millisecondes (ms) en moyenne. Ils ont d’autres facteursde risque, hypokaliémies, médicaments arythmogènes asso-ciés et possibles atteintes myocardiques et neuropathiquesautonomes dues au VIH [7]. L’autre de Mokwe et al. [28] estl’observation d’une femme de 41 ans avec des torsades depointe et un allongement du QTc à 550 ms pour une dose deméthadone inconnue car de trafic.

En 2002, Bittar et al. [3] publient en Suisse l’observationd’un homme de 39 ans présentant une torsade de pointesous méthadone. Épileptique, porteur d’une hépatite C

et du VIH, traité par acide valproïque, abacavir, lamivu-dine et zidovudine, il consomme, en quantité importante,benzodiazépines, alcool et cannabis et prend 115 mg/jde méthadone. Du fait de vomissements persistants,

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a méthadone est administrée par voie rectale, avec,5 minutes après, une bradycardie puis une tachycardieentriculaire, une fibrillation ventriculaire, et un QTc à80 ms. Il n’a pas de trouble hydro-électrolytique, enarticulier d’hypokaliémie. L’intervalle QTc se réduit à’arrêt de la méthadone et s’allonge à 520 ms lors de saéintroduction.

En 2003, Vodoz et al. [39] décrivent un cas d’arrêt car-iocirculatoire avec torsades de pointe chez un patient de5 ans traité par 200 mg/j de méthadone. Deux cas, décritsar De Bels et al. [6] en 2003, montrent des torsades deointe et des QT à 688 et 736 ms pour des concentrationslasmatiques de méthadone au-dessus du seuil thérapeu-ique. Dans les deux cas, d’autres facteurs de risque sontrésents, une hypokaliémie pour l’un et des traces deocaïne dans les urines pour l’autre. Walker et al. [40]écrivent en 2003 trois cas de torsades de pointe pour desoses de méthadone de 650 à 880 mg/j en plusieurs prises àisée antalgique. Tous trois ont des traitements allongeante QT ou interagissant avec le métabolisme de la méthadone,’un a une hypokaliémie.

Le système suisse de pharmacovigilance notifie dans laettre aux professionnels de santé du 15 janvier 2004 [36],ept cas de torsades de pointe, dont six avec augmentationu QT, et 14 cas d’allongement du QT sans torsade de pointe,hez des patients en traitement de substitution par métha-one. Les doses journalières de méthadone sont comprisesntre 40 et 1400 mg avec une médiane à 130 mg/j. Les QTcesurés sont de 480 à 720 ms, la moyenne à 566 ms. Parmi

es 11 cas symptomatiques, principalement des syncopes,inq ont une imputabilité jugée probable, dont un avecechallenge positif et six cas une imputabilité jugée pos-ible. Pour la plupart, un ou plusieurs facteurs de risque sontetrouvés, un QT long congénital, un bloc atrioventriculairet une bradycardie, un trouble électrolytique, hypokaliémieu hypomagnésémie, une séropositivité VIH et/ou une hépa-

ite virale. Quelques cas d’interactions médicamenteusesont envisagés avec des antidépresseurs, des antibiotiques,es antifongiques ou des inhibiteurs de la protéase entre

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utres. La prise de cocaïne, connue pour prolonger le QT,st également suspectée dans deux situations.

Certaines de ces observations figurent peut-être dansa série publiée par Piguet et al. [32] en 2004 qui rap-ortent dix cas d’allongement du QT sous méthadone oralen Suisse entre 2000 et 2002 avec des doses allant de 14 à60 mg/j. Dans cette série, trois patients présentent uneorsade de pointe, deux une tachycardie ventriculaire et un,n bigéminisme. Chez les quatre derniers patients asymp-omatiques, un ECG, fait pour un autre motif, met envidence l’allongement du QT. Chez neuf d’entre eux, ilxiste des associations médicamenteuses inhibitrices duYP3A4 ou réputées pour allonger le QT. Certains patientsssocient plusieurs de ces traitements. Dans certains cas,’allongement du QT régresse lors de la diminution de laose de méthadone ou l’arrêt du traitement associé sus-ect. Pour six d’entre eux la méthadone est remplacée pare la morphine orale avec normalisation de l’intervalle QT.

En 2004, Indik [14] rapporte le cas d’une femme de8 ans traitée par aspirine, insuline, fluoxétine et qui auadruplé sa dose quotidienne de méthadone, de 30 mg à20 mg/j. Au deuxième jour, elle présente un malaise, avec

l’ECG un intervalle QT à 640 ms et des torsades de pointe.près réduction des doses de méthadone, l’intervalle QTst à 480 ms. Decerf et al. [7] en 2004 décrivent un arrêtardiaque chez un patient traité par 130 mg/j de métha-one, fluoxétine, trazodone et olanzapine et qui a pris de laocaïne quelques heures auparavant. L’ECG montre un QTc

576 ms. L’arrêt de la méthadone réduit le QTc à 485 ms,a réintroduction entraîne un nouvel allongement à 581 ms.lmehmi et al. [1] présentent en août 2004 un cas de tor-ades de pointe chez un homme prenant 700 mg/j. À sondmission, l’ECG montre un QTc égal à 549 ms et il présentene hypokaliémie à 2,4 mEq/L. Le QTc revient à des valeursormales (413 ms) en sept jours.

Une étude prospective par Krantz et al. [19] évalue80 patients sous méthadone, en début de traitement et

six semaines. L’évaluation ECG comprend une mesure dea dispersion du QT. Il n’est pas rapporté de torsades deointe. La méthadone augmente modérément l’intervalleTc et la dispersion du QT. Les auteurs concluent que l’effete la méthadone sur l’allongement du QT apparaît moindreue celui des médicaments antiarythmiques connus pourrovoquer des torsades de pointe. Trois autres études pros-ectives récentes avec suivi à deux semaines et à douzeois ne mettent pas en évidence des torsades de pointe

t concluent que la prise chronique de méthadone orale’augmente pas le risque de survenue de torsades de pointealgré l’allongement du QTc, sauf en cas de facteurs de

isque associés [5,11,27]Wedam et al. [41], en 2007 analysent, dans une étude

andomisée en double aveugle chez 165 patients toxico-anes, les effets sur l’allongement du QT de la méthadone,u lévométhadyl et de la buprénorphine. Ils analysentes ECG de base puis toutes les quatre semaines, durant7 semaines. Les groupes sous lévométhadyl et méthadonent plus de risques que le groupe buprénorphine, de présen-er un QTc supérieur à 470 ms pour les hommes et à 490 ms

our les femmes.

Fanoe et al. [9], dans une étude publiée en 2007,ontrent qu’aucun des 43 patients héroïnomanes de la villee Copenhague recevant de faibles doses de buprénorphine

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X. Laqueille et al.

e présente d’allongement du QT au delà de 0,440 secondes,es auteurs ne pouvant exclure la possibilité d’un allonge-ent du QT avec des doses plus élevées.Anchersen et al. [2] publient en 2009 une étude sur

00 sujets sous traitement de substitution. Parmi lesatients sous méthadone, 4,8 % ont un QTc supérieur à00 ms et 29 % un QTc supérieur à 450 ms. Le QTc de tous ceuxous buprénorphine est inférieur à 450 ms. Les sujets au QTcupérieur à 500 ms ont tous une dose quotidienne de métha-one supérieure ou égale à 120 mg. À partir des registres’état, ils calculent que la mortalité maximale attribuable

un intervalle QTc prolongé est de 0,06 par 100 années-atient.

valuation de l’effet dose-dépendant

rantz et al. [17,18] concluent à un effet dose-dépendant dea méthadone sur l’allongement du QT avec nuance. Sur leurérie de 17 patients, avec une dose moyenne de 397 mg/j,ls trouvent, par une analyse en régression linéaire, une cor-élation modeste entre la dose de méthadone et la valeur de’intervalle QTc (p = 0,03). Martell et al. [26] dans une étuderospective de 132 patients avec une surveillance ECG pen-ant les deux premiers mois et des doses de 30 à 150 mg/j,ontrent à deux mois un allongement de l’intervalle QTce 10,8 ms en moyenne (p < 0,0001) sans torsades de pointe,articulièrement pour les fortes doses (110 à 150 mg/j). Kor-ick et al. [16] sur une série de 47 patients cancéreux traitésour douleur chronique par de la méthadone en intravei-eux à en moyenne 17,8 ± 20,6 mg/h, montrent une relationuasi linéaire entre le QTc et le log de la dose de métha-one (p < 0,0001) suggérant un plus fort risque de torsadese pointe avec les plus fortes doses. Dans une série de2 patients recevant des doses de 500 à 1400 mg/j (moyennee 812 mg/j), Leavitt et al. [21,22] trouvent cependant unTc moyen de 435 ms.

Maremmani et al. [25] en 2005 présentent les résul-ats d’une série de 83 patients toxicomanes traités paréthadone à une dose stable de 10 à 600 mg/j. Aucun nerend une co-médication, n’a de désordre électrolytiqueu d’altération de l’état nutritionnel. Ils se soumettentégulièrement aux contrôles urinaires vérifiant l’absencee toxiques et à un examen d’ECG par holter. Seuls deuxommes ont un QTc supérieur à 500 ms asymptomatique etn patient, aux antécédents d’arythmie cocaïnique, un QTcormal à 369 ms. Si l’on considère le QTdf, calculé en faisanta différence pour chaque individu entre le QTc et les valeursormales standardisées, 69 sujets, soit 83,1 %, ont un allon-ement du QT. Mais dans cette série aucune corrélation n’estetrouvée entre le QTc et les doses de méthadone (r = 0,14,on significatif). La limite principale de cette étude est’absence de méthadonémies. Une publication, de Hubert al. [13], trouve une légère corrélation non significativentre les valeurs de méthadonémies au pic ou résiduelles et’intervalle QTc.

En 2006, une étude rétrospective de Ehret et al. [8]ompare 167 toxicomanes sous méthadone à un groupe

émoin sans méthadone. Parmi les patients sous métha-one, 16,2 % ont une augmentation du QTc versus 0 %hez les témoins. Six patients seulement (3,6 %) ont uneorsade de pointe. L’intervalle QTc est faiblement mais

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Allongements du QTc et torsades de pointe chez des patient

significativement associé à la dose quotidienne de métha-done (p = 0,01). La dose journalière minimale de méthadonepour un QTc de 0,50 secondes ou plus est de seulement 30 mgpar jour. La dose de méthadone des patients avec torsadede pointe varie de 40 à 200 mg/j. Rarement une torsade depointe a été observée lors de la prise de doses inférieures à70 mg/j (un cas sur les six torsades de pointe notées).

Fanoe et al. [9] publient en 2007 une étude sur la surve-nue de syncopes et d’allongements de QT chez 393 patientstraités par méthadone pour dépendance à l’héroïne àCopenhague. Ils trouvent une association significative entrele QTc et la dose de méthadone dans les deux sexes. Dansune publication de 2008 sur la prévalence d’un QT long chezdes patients sous traitement de substitution par méthadone.Fonseca et al. [10] montrent que 9,2 % des patients pré-sentent un QT de plus que 440 ms, que ces patients sontplus âgés et prennent une dose quotidienne plus élevée. Enrevanche, il n’y a pas de différence entre les concentrationsplasmatiques des énantiomères R et S de la méthadone.

En 2008, Pimentel et al. [33] rapportent le cas d’unepatiente de 40 ans, sous méthadone, dont la posologie estaugmentée à 135 mg/j et qui se présente aux urgencesavec des torsades de pointe symptomatiques. Le QTc estsignificativement raccourci à l’arrêt de la méthadone.L’évaluation cardiologique ne retrouve aucune autre caused’arythmie. La dose quotidienne de méthadone est défi-nitivement réduite. En 2007, Peles et al. [31] publientles résultats d’une étude transversale de 138 patients soustraitement par méthadone à des doses de 40 à 290 mg/javec ECG et méthadonémie à 24 heures. Les doses et lestaux sériques de méthadone ne sont pas corrélés avec leQTc. Trois patients ont un QTc supérieur à 500 ms, dontdeux décèdent à deux ans. Dix-neuf autres ont des QTcentre 450 et 499 ms, sans problème cardiaque. Les auteursconcluent que le traitement de maintenance par métha-done est généralement sans risque cardiaque, mais entraînedes risques d’allongement du QTc possibles pour des dosesélevées, supérieures à 120 mg/j.

Données électrophysiologiques

Sur le plan électrophysiologique, les explorations évaluantde fortes concentrations de méthadone sur les culturesde cellules cardiaques humaines [22], montrent qu’ellesdiminuent le flux potassique et réduisent les courants derepolarisation de moitié. Elles auraient aussi un effet, bienque moindre, sur le courant calcique et donc sur la contrac-tilité myocardique.

D’autres études expérimentales ont démontré que laméthadone augmente la réponse sympathique et augmentela période réfractaire fonctionnelle. La méthadone diminuele seuil de dépolarisation et augmente la durée du potentield’action dans le faisceau de Purkinje. Ces facteurs entraî-neraient une prolongation du QT ou du QTc [24].

Divers opioïdes dont la méthadone et le l- alpha-acétyl-méthadol, dérivé de la méthadone, entraînent le blocage

des canaux potassiques [15] du gène HERG K+. La méthadonepourrait donc ralentir la repolarisation et la synchronisationatrioventriculaire cardiaque en bloquant le courant potas-sique et induire par ce biais une arythmie ventriculaire [37].

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ités par méthadone 61

Cependant, cet effet n’est pas aussi clairement mis envidence pour la méthadone que pour le l- alpha-acétyl-éthadol. En effet, l’extrapolation, à partir d’études in

itro, d’une concentration clinique de méthadone in vivo partir de laquelle un allongement du QT serait induit, nerend pas en compte le rôle extensif des protéines de trans-ort de la méthadone dans le plasma humain, et surestimeonc le potentiel in vivo de la méthadone à allonger le QT34].

De même, les résultats des recherches de laboratoire sures cultures cellulaires, surtout animales, n’ont pas néces-airement la même signification clinique in vivo, car cesecherches utilisent de la drogue pure à des concentrationsrès élevées, et ne prennent pas en compte les idiosyncra-ies du métabolisme et de la fonction cardiaque chez lesumains.

es facteurs de risque

a survenue de torsades de pointe est souvent multifacto-ielle. En 2003, Zeltser et al. [42] analysent la survenue deorsades de pointe chez 249 patients qui recoivent un médi-ament connu prolonger l’intervalle QT. Ils trouvent que touses patients ont un facteur de risque supplémentaire et que1 % ont deux facteurs ou plus.

es interactions médicamenteusesharmacodynamiques

ertains traitements allongent le QT et peuvent induirees torsades de pointe. Ce sont classiquement leseuroleptiques, les antidépresseurs tricycliques, les anti-rythmiques, les macrolides, les quinolones, l’halofantrine,a pentamidine, les antihistaminiques. Les médicamentsypokaliémiants, les corticoïdes, les laxatifs et les bêta-loquants, les inhibiteurs calciques bradycardisants, lesnticholinestérasiques sont susceptibles d’allonger le QT.es psychotropes souvent prescrits avec la méthadone sonténéralement associés à plusieurs facteurs lors des tor-ades de pointe [30]. Les psychostimulants, en particuliera cocaïne [36], sont des facteurs de risque.

es interactions médicamenteusesharmacocinétiques

a méthadone est métabolisée au niveau hépatique princi-alement par l’iso-enzyme CYP 3A4 du cytochrome P 450,on inhibition entraîne une élévation importante des tauxlasmatiques de la méthadone. Le CYP2D6, le CYP2B6, leYP2C19, CYP1A2, et le CYP2C9 permettraient une modu-

ation et sont une alternative au métabolisme lorsque’isoenzyme CYP3A4 est inhibée. Parmi les antidépresseursRS, la fluvoxamine inhibe le CY3A4, la fluoxétine, laaroxétine et la sertraline inhibent plutôt le CYP 2D6,

t moins fortement le CYP3A4. Les autres inhibiteurs duYP3A4 sont les antifongiques, les macrolides, des antiré-roviraux, l’amiodarone, le diltiazem, le vérapamil et laiprofloxacine.

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es autres facteurs de risque d’allongement du QT

es facteurs de risque non spécifiques peuvent s’ajouter àa méthadone : un bloc auriculoventriculaire, un QT longongénital, une bradycardie, des perturbations électro-ytiques (hypokaliémie, hypomagnésémie, hypocalcémie),ne acidose, une hypothyroïdie, des perturbations hormo-ales, particulièrement chez la femme lors de la grossesse ete post-partum jusqu’à 40 semaines, une mauvaise nutrition.

Des cardiomyopathies VIH sont également discutées. Villat al. [38] ont mis en évidence dans une étude cas-témoinne atteinte du système nerveux autonome influencant’allongement du QT chez les patients toxicomanes VIHositifs et une corrélation nette entre l’allongement de’intervalle QTc et l’atteinte du système nerveux autonome.ucchini et al. [23] relèvent un allongement du QTc chez lesatients VIH nettement supérieur à la population générale.’hypothèse physiopathologique de ce syndrome de QT longcquis lié à l’infection VIH est, selon lui, une dégénéres-ence fibreuse du système de conduction [12].

iscussion - Conclusion

’allongement de l’intervalle QTc et la survenue de torsadese pointe chez les patients sous traitement de substitu-ion par méthadone sont discutés. Pour Pani [30], en 2009,’allongement du QT ne concerne que 2 à 4 % des patientsous méthadone avec une mortalité extrêmement faible.et allongement dépend de plusieurs facteurs. La plupartes études tendent à montrer un risque plus important aveces doses de méthadone supérieures à 120 mg/j. Pour cer-ains auteurs, dont Pacini et al. [29] en 2009, il n’y a pas dease assez étayée pour définir un plafond posologique, maises traitements multiples demandent une surveillance. Lestudes rapportées montrent en effet que ce risque existeour des doses faibles. L’absence de méthadonémie, du faite sa grande variabilité interpersonnelle, affaiblit toutefoises résultats.

Krantz et al. [20], en 2009, recommandent, outre unenformation et la recherche d’antécédents de troubles duythme, la pratique d’EEG pour les doses supérieures ougales à 100 mg pro die avant le traitement, à un mois,ous les ans et lors de toute syncope, une discussionénéfice—risque pour des QTc entre 450 et 500 ms et uneéduction de doses voire un arrêt du traitement pour lesTc supérieurs ou égaux à 500 ms. Cette position a amenéne série de réaction dans des lettres à l’éditeur [4] pourappeler à la fois la faible mortalité liée à ce traitement etes importants bénéfices thérapeutiques qui ne doivent pasriver de méthadone des sujets au risque vital élevé du faite leur addiction.

L’ensemble des travaux permet de tirer quelques conclu-ions qui insistent sur la fréquence de co-facteurs de risque.l convient donc d’être vigilant dans les situations suivantes :

les posologies élevées de méthadone ou un accroissementde la posologie ;

les pathologies cardiaques bradycardisantes, un QT longcongénital, une atteinte myocardique VIH ;

les troubles électrolytiques tels qu’une hypokaliémie,une hypomagnésémie ou toute autre situation pouvant

X. Laqueille et al.

entraîner de tels désordres : vomissements, diarrhées,malnutrition, traitements diurétiques ;

les interactions avec des médicaments ou drogues psy-chostimulants susceptibles d’allonger le QT, notammentla cocaïne ;les interactions avec des inhibiteurs du CYP3A4, en parti-culier les antidépresseurs sérotoninergiques.

Ces facteurs doivent être systématiquement recherchés.orsque le risque paraît augmenté, l’électrocardiogrammeoit être effectué avant l’introduction de la méthadone ouors de l’augmentation des doses. L’alternative à la métha-one chez les patients ayant un haut risque de torsade deointe pourrait être la buprénorphine, qui ne donnerait pas,elon certaines études, d’allongement du QT, même si cela

encore besoin d’être confirmé. Toutes ces précautions neoivent pas freiner la prescription de méthadone à dosesdéquates pour obtenir l’effet thérapeutique attendu.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

M. Berleur, pharmacien à l’APHP, titulaire de l’AMM de laéthadone.

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