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Gastroentérologie Clinique et Biologique (2008) 32, 425—429 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com LETTRES À LA RÉDACTION Amylose péritonéale et gastrique Peritoneal and gastric amyloidosis Introduction L’amylose est caractérisée par le dépôt sous une forme fibrillaire d’un matériel protéique insoluble [1,2]. La substance amyloïde peut se déposer en des sites où elle n’a aucune conséquence clinique ou atteindre n’importe quel organe où elle entraînera des modifications physio- pathologiques sévères [1]. L’atteinte digestive au cours de l’amylose est fréquente. La localisation gastrique est habituelle, en revanche, une atteinte péritonéale reste exceptionnelle. À ce propos nous en rapportons un cas. Observation M.O.S, âgé de 79 ans avait consulté pour des douleurs abdominales associées à des vomissements, une alternance diarrhée—constipation, une augmentation du volume abdo- minal et une altération de l’état général. L’examen physique trouvait une ascite de moyenne abondance. La ponction d’ascite montrait un liquide exsudatif (albumine = 32 g/l), riche en cellules avec une prédominance lymphocytaire (450 éléments blancs par millimètre cube avec 60 % de lym- phocytes). La culture ainsi que la recherche de cellules néoplasiques étaient négatives. À la biologie, il existait un syndrome inflammatoire, une hypoalbuminémie à 25 g/l et une hypergammaglobulimémie à 37,5 g/l. La fibroscopie œsogastroduodénale montrait une formation ulcérobour- geonnante fundique avec un aspect congestif et nodulaire de l’antre. L’examen histologique des biopsies avait conclu à un dépôt d’une substance amyloïde avec un infiltrat lymphoplasmocytaire contenant des éléments lymphoïdes de type B exprimant une immunoglobuline monoclonale de type IgM Lambda. Dans le cadre du bilan d’extension de l’amylose, le patient a eu une coloscopie avec biopsies étagées, un bilan rénal et des examens otorhinolaryngolo- gique et ophtalmologique qui étaient normaux. Concernant le bilan étiologique de l’amylose, l’immunoélectrophorèse des protéines montrait un pic monoclonal à IgM, la recherche d’une protéinurie de Bence-Jones était négative, la biop- sie médullaire était normale. La cœlioscopie montrait des granulations riziformes au niveau du péritoine pariétal et des séreuses gastrique et hépatique avec une agglutination des anses iléales en gros gâteaux. Des biopsies au niveau des granulations étaient réalisées, révélant une localisation péritonéale de l’amylose (dépôt d’une substance amyloïde confirmé par le rouge Congo) associée à un infiltrat lympho- plasmocytaire. Le patient était sorti contre avis médical. Discussion L’atteinte du tube digestif au cours de l’amylose est fré- quente [2,3], elle s’observe dans 70 à 100 % des cas, mais elle est rarement symptomatique, car elle est souvent mas- quée par les signes d’autres localisations plus bruyantes [3]. La localisation gastrique est fréquente [2,3], en revanche, l’atteinte péritonéale reste rare, en effet, quelques cas seulement sont publiés dans la littérature, dont la moitié est associée à un myélome [3]. Le dépôt de la substance amy- loïde peut se faire au niveau du mésentère, de l’épiploon ou des ganglions abdominaux [3,4]. Les signes fonctionnels sont rares. Il peut s’agir de nausées-vomissements ou de douleurs abdominales. Une ascite ou une masse abdominale peuvent être retrouvées à l’examen physique, mais celle- ci est souvent mise en évidence par la tomodensitométrie abdominale qui montre le plus souvent une masse calcifiée [1,4,5]. La laparotomie exploratrice montre habituellement des adénopathies abdominales avec une masse ou une indu- ration du mésentère [1,3], en revanche, les granulations riziformes retrouvées chez notre patient n’ont jamais été décrites. La constatation de telles granulations a fait évo- quer une tuberculose, mais ce diagnostic était redressé par l’examen anatomopathologique qui avait conclu à une amylose péritonéale. Un infiltrat lymphoplasmocytaire est associé à l’atteinte péritonéale dans la plupart des cas publiés [1]. Le diagnostic différentiel entre un lymphome et un infiltrat lymphoplasmocytaire de nature réactionnelle peut être difficile [1], ce qui rend la distinction entre amy- lose primaire et amylose associée à une dysprotéinémie, en l’occurrence un lymphome, épineuse, ce qui était le cas dans notre observation. Conclusion L’amylose est une affection multisystémique. L’atteinte du tube digestif est fréquente. La localisation gastrique est lar- 0399-8320/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Amylose péritonéale et gastrique

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Page 1: Amylose péritonéale et gastrique

Gastroentérologie Clinique et Biologique (2008) 32, 425—429

Disponib le en l igne sur www.sc iencedi rec t .com

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LETTRES À LA RÉDACTION

Amylose péritonéale et gastrique

Peritoneal and gastric amyloidosis

Introduction

L’amylose est caractérisée par le dépôt sous une formefibrillaire d’un matériel protéique insoluble [1,2]. Lasubstance amyloïde peut se déposer en des sites où ellen’a aucune conséquence clinique ou atteindre n’importequel organe où elle entraînera des modifications physio-pathologiques sévères [1]. L’atteinte digestive au coursde l’amylose est fréquente. La localisation gastrique esthabituelle, en revanche, une atteinte péritonéale resteexceptionnelle. À ce propos nous en rapportons un cas.

Observation

M.O.S, âgé de 79 ans avait consulté pour des douleursabdominales associées à des vomissements, une alternancediarrhée—constipation, une augmentation du volume abdo-minal et une altération de l’état général. L’examen physiquetrouvait une ascite de moyenne abondance. La ponctiond’ascite montrait un liquide exsudatif (albumine = 32 g/l),riche en cellules avec une prédominance lymphocytaire (450éléments blancs par millimètre cube avec 60 % de lym-phocytes). La culture ainsi que la recherche de cellulesnéoplasiques étaient négatives. À la biologie, il existaitun syndrome inflammatoire, une hypoalbuminémie à 25 g/let une hypergammaglobulimémie à 37,5 g/l. La fibroscopieœsogastroduodénale montrait une formation ulcérobour-geonnante fundique avec un aspect congestif et nodulairede l’antre. L’examen histologique des biopsies avait concluà un dépôt d’une substance amyloïde avec un infiltratlymphoplasmocytaire contenant des éléments lymphoïdesde type B exprimant une immunoglobuline monoclonale detype IgM Lambda. Dans le cadre du bilan d’extension del’amylose, le patient a eu une coloscopie avec biopsiesétagées, un bilan rénal et des examens otorhinolaryngolo-

gique et ophtalmologique qui étaient normaux. Concernantle bilan étiologique de l’amylose, l’immunoélectrophorèsedes protéines montrait un pic monoclonal à IgM, la recherched’une protéinurie de Bence-Jones était négative, la biop-sie médullaire était normale. La cœlioscopie montrait des

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ranulations riziformes au niveau du péritoine pariétal etes séreuses gastrique et hépatique avec une agglutinationes anses iléales en gros gâteaux. Des biopsies au niveaues granulations étaient réalisées, révélant une localisationéritonéale de l’amylose (dépôt d’une substance amyloïdeonfirmé par le rouge Congo) associée à un infiltrat lympho-lasmocytaire. Le patient était sorti contre avis médical.

iscussion

’atteinte du tube digestif au cours de l’amylose est fré-uente [2,3], elle s’observe dans 70 à 100 % des cas, maislle est rarement symptomatique, car elle est souvent mas-uée par les signes d’autres localisations plus bruyantes [3].a localisation gastrique est fréquente [2,3], en revanche,’atteinte péritonéale reste rare, en effet, quelques caseulement sont publiés dans la littérature, dont la moitié estssociée à un myélome [3]. Le dépôt de la substance amy-oïde peut se faire au niveau du mésentère, de l’épiploonu des ganglions abdominaux [3,4]. Les signes fonctionnelsont rares. Il peut s’agir de nausées-vomissements ou deouleurs abdominales. Une ascite ou une masse abdominaleeuvent être retrouvées à l’examen physique, mais celle-i est souvent mise en évidence par la tomodensitométriebdominale qui montre le plus souvent une masse calcifiée1,4,5]. La laparotomie exploratrice montre habituellementes adénopathies abdominales avec une masse ou une indu-ation du mésentère [1,3], en revanche, les granulationsiziformes retrouvées chez notre patient n’ont jamais étéécrites. La constatation de telles granulations a fait évo-uer une tuberculose, mais ce diagnostic était redresséar l’examen anatomopathologique qui avait conclu à unemylose péritonéale. Un infiltrat lymphoplasmocytaire estssocié à l’atteinte péritonéale dans la plupart des casubliés [1]. Le diagnostic différentiel entre un lymphomet un infiltrat lymphoplasmocytaire de nature réactionnelleeut être difficile [1], ce qui rend la distinction entre amy-ose primaire et amylose associée à une dysprotéinémie, en’occurrence un lymphome, épineuse, ce qui était le casans notre observation.

onclusion

’amylose est une affection multisystémique. L’atteinte duube digestif est fréquente. La localisation gastrique est lar-

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éférences

1] Krishnan J, Chu WS, Elrod JP, Frizzera G. Tumoral presentation ofamyloidosis (amyloidomas) in soft tissues. A report of 14 cases.Am J Clin Pathol 1993;100:135—44.

2] James DG, Zuckerman GR, Sayuk GS, Wang HL, Prakash C.Clinical recognition of Al type amyloidosis of the luminal gas-trointestinal tract. Clin Gastroenterol Hepatol 2007;5:582—8.

3] Mohan V, Kemp JA, Lewine HE, Rabin M, Goldstein ML,Farraye FA. Diffuse mesenteric amyloidosis. Dig Dis Sci1997;42:1079—82.

4] Horger M, Vogel M, Brodoefel H, Schimmel H, Claussen C. Omen-tal and peritoneal involvement in systemic amyloidosis: CT withpathologic correlation. AJR Am J Roentgenol 2006;186:1193—5.

5] Pickhardt PJ, Bhalla S. Unusual nonneoplastic peritonealand subperitoneal conditions: CT findings. Radiographics2005;25:719—30.

A. Kchaou-Ouakaa ∗

H. ElloumiN. Belhadj

D. GargouriM. RomaniA. Kochlef

A. KilaniJ. Kharrat

A. GhorbelService de gastroentérologie, hôpital Habib-Thameur,

8, rue Ali-Ben-Ayed-Montfleury, Tunis, Tunisie

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected]

(A. Kchaou-Ouakaa).

Disponible sur Internet le 18 mars 2008

oi: 10.1016/j.gcb.2007.07.002

holécystite hémorragique aiguë sévère secon-aire à une amylose vésiculaire

evere acute haemorrhagic cholecystitis due tomyloidosis of the gallbladder

ntroduction

’amylose est une maladie systémique rare mais gravevec des atteintes viscérales variées. Elle est caractéri-ée par un dépôt de chaînes polypeptidiques dérivées de

rotéines sériques définissant plusieurs types d’amylose.l s’agit des protéines AA (dérivés du précurseur sériqueAA) responsables des amyloses secondaires dues à unealadie chronique inflammatoire et des protéines AL

issues de chaînes légères d’immunoglobulines) respon-

cuamm

Lettres à la rédaction

ables de l’amylose primitive dans le cadre de myélomes,e gammapathies monoclonales bénignes ou de syndromesymphoprolifératifs à IgM monoclonales. Les autres causes’amylose sont plus rares : �2-microglobuline des hémo-ialysés, transthyrétine des neuropathies et cardiopathiesamiliales, amyloses séniles. L’examen anatomopatholo-ique est essentiel pour le diagnostic et le traitement. Ilepose sur les caractéristiques tinctoriales et l’identificationu type par immunohistochimie. Les atteintes digestivesont fréquentes, essentiellement hépatospléniques et intes-inales, mais la localisation à la vésicule biliaire estxceptionnelle.

as clinique

n homme de 42 ans était hospitalisé pour douleurse l’hypocondre droit avec vomissements et fièvre. Sesntécédents étaient une spondylarthrite ankylosante B27ositive multicompliquée et une polyarthrite rhumatoïdeéropositive, résistante à la corticothérapie, à la ciclospo-ine, au méthotrexate, à l’Imurel, traitée par anti-TNF�.es maladies inflammatoires s’étaient compliquées d’unemylose digestive, rénale et cardiaque. L’atteinte diges-ive, révélatrice, s’était traduite cinq ans auparavantar une perforation du grêle sur amylose iléale massive.’insuffisance rénale d’origine mixte, amyloïde et toxiqueà la ciclosporine), a abouti au stade d’insuffisance rénalehronique terminale dialysée. L’amylose cardiaque était autade d’épaississement du septum interventriculaire sansnsuffisance cardiaque. L’examen physique retrouvait uneasse douloureuse de l’hypocondre droit. Le bilan san-

uin était le suivant : leucocytes 14 000 par millimètreube, protéine C-réactive supérieure à 100 mg/L, plaquettes10 000 par millimètre cube, hémoglobine 9 g/L mixte,nflammatoire et rénale. Le bilan hépatique était le sui-ant : ALAT 5 UI/L (normale < 37 UI/L), ASAT 8 UI/L (normale37 UI/L), �GT 98 UI/L (normale < 43 UI/L), phosphataseslcalines 187 UI/L (normale < 121 UI/L), bilirubine totale7 �mol/L, bilirubine conjuguée 7 �mol/L. L’amylase était

54 UI/L. Le taux de prothrombine fluctuait entre 57t 95 %. L’échographie visualisait une vésicule alithiasiqueparois épaissies et infiltrées avec un hématome intra-

uminal et une hépatosplénomégalie hétérogène. Devantne modification du bilan pancréatique (amylase et lipase

deux fois la limite supérieure de la normale), uneomodensitométrie montrait un hématome endovésicu-aire (Fig. 1) et un aspect de pancréatite œdémateusevec de nombreux pseudokystes pancréatiques (Fig. 2).e patient était traité par antibiothérapie intraveineuset cholécystostomie percutanée par un drain 12F. Devanta persistance du syndrome septique, la poursuite de’altération du bilan pancréatique (amylase et lipase àinq fois la limite supérieure de la normale) et dea choléstase biologique (phosphatases alcalines à sixois la limite supérieure de la normale), une cholécys-ectomie était réalisée par laparotomie, l’état général

ontre-indiquant la cœlioscopie. L’exploration montraitne grosse vésicule biliaire à paroi inflammatoire avecbcès périvésiculaire, contenant un énorme hématomeais pas de calcul. La cholangiographie n’était technique-ent pas faisable. L’examen anatomopathologique montrait