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Gastroentérologie Clinique et Biologique (2008) 32, 721—726 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com MISE AU POINT Ascite réfractaire : place de la transplantation hépatique Liver transplantation of refractory ascites F. Durand Inserm U773, pôle des maladies de l’appareil digestif, centre de recherche biomédicale Bichat—Beaujon (CRB3), unité de réanimation hépatodigestive, service d’hépatologie, hôpital Beaujon, université Denis-Diderot Paris-7, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, France Disponible sur Internet le 10 juillet 2008 Indications de transplantation hépatique Concepts généraux La transplantation hépatique reste généralement le seul traitement radical de la cirrhose décompensée. En effet, la survenue des complications correspondant à la décompen- sation de la cirrhose (ascite, œdèmes, hémorragie digestive entre autres complications) s’accompagne d’une nette dimi- nution de l’espérance de vie, par rapport aux sujets dont la cirrhose reste compensée. Au stade de cirrhose décompen- sée, les traitements médicaux, dans la plupart des cas, n’ont plus qu’une efficacité limitée [1]. La transplantation permet de corriger l’insuffisance hépatique en même temps que l’hypertension portale. Par conséquent, la transplantation conduit à la régression des complications de la cirrhose. Quelle que soit la gravité de la cirrhose sous-jacente, la transplantation peut également être proposée comme trai- tement du carcinome hépatocellulaire (CHC), à condition que le nombre et la taille des nodules soient limités. Bien qu’il s’agisse d’une intervention chirurgicale com- plexe, réalisée chez des sujets ayant une maladie chronique terminale et souvent associée à des comorbidités, la trans- plantation hépatique apporte d’excellents résultats, tant en termes d’espérance de vie que de qualité de vie. Pour la plu- Adresse e-mail : [email protected]. part des indications, le taux de survie à un an se situe entre 80 et 90 %. La principale limite de la transplantation est le nombre restreint de donneurs d’organes. Le nombre d’organes pou- vant être transplantés est largement inférieur au nombre de malades qui pourraient tirer un bénéfice de la transplan- tation. Par conséquent, la transplantation n’est envisagée que chez les patients qui, a priori, en tireront le bénéfice le plus élevé. En pratique, il est généralement admis que la transplantation doit être réservée aux malades dont on estime que l’espérance de vie un an après la transplanta- tion sera supérieure à 50 %. La nécessité d’un traitement immunosuppresseur à vie, les effets secondaires des immu- nosuppresseurs, ainsi que la possible récidive de la maladie initiale sur le greffon (en particulier l’hépatite C) consti- tuent d’autres facteurs limitants. Indications de transplantation chez les malades cirrhotiques Chez les malades cirrhotiques, une transplantation peut être envisagée lorsqu’il existe une décompensation, lorsqu’il existe un CHC ou lorsqu’il existe à la fois une décompen- sation de la cirrhose et un CHC [2]. Les principales complications de la cirrhose décompensée qui justifient une transplantation sont l’insuffisance hépa- tique sévère, l’ascite réfractaire, les infections du liquide d’ascite, des épisodes répétés d’encéphalopathie (sans fac- 0399-8320/$ — see front matter © 2008 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.gcb.2008.05.007

Ascite réfractaire : place de la transplantation hépatique

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Gastroentérologie Clinique et Biologique (2008) 32, 721—726

Disponib le en l igne sur www.sc iencedi rec t .com

MISE AU POINT

Ascite réfractaire : place de la transplantationhépatique

Liver transplantation of refractory ascites

F. Durand

Inserm U773, pôle des maladies de l’appareil digestif, centre de recherche biomédicaleBichat—Beaujon (CRB3), unité de réanimation hépatodigestive, service d’hépatologie,hôpital Beaujon, université Denis-Diderot Paris-7, 100, boulevard du Général-Leclerc,92110 Clichy, France

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Disponible sur Internet le 1

Indications de transplantation hépatique

Concepts généraux

La transplantation hépatique reste généralement le seultraitement radical de la cirrhose décompensée. En effet, lasurvenue des complications correspondant à la décompen-sation de la cirrhose (ascite, œdèmes, hémorragie digestiveentre autres complications) s’accompagne d’une nette dimi-nution de l’espérance de vie, par rapport aux sujets dont lacirrhose reste compensée. Au stade de cirrhose décompen-sée, les traitements médicaux, dans la plupart des cas, n’ontplus qu’une efficacité limitée [1]. La transplantation permetde corriger l’insuffisance hépatique en même temps quel’hypertension portale. Par conséquent, la transplantationconduit à la régression des complications de la cirrhose.

Quelle que soit la gravité de la cirrhose sous-jacente, latransplantation peut également être proposée comme trai-tement du carcinome hépatocellulaire (CHC), à conditionque le nombre et la taille des nodules soient limités.

Bien qu’il s’agisse d’une intervention chirurgicale com-

plexe, réalisée chez des sujets ayant une maladie chroniqueterminale et souvent associée à des comorbidités, la trans-plantation hépatique apporte d’excellents résultats, tant entermes d’espérance de vie que de qualité de vie. Pour la plu-

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art des indications, le taux de survie à un an se situe entre0 et 90 %.

La principale limite de la transplantation est le nombreestreint de donneurs d’organes. Le nombre d’organes pou-ant être transplantés est largement inférieur au nombree malades qui pourraient tirer un bénéfice de la transplan-ation. Par conséquent, la transplantation n’est envisagéeue chez les patients qui, a priori, en tireront le bénéficee plus élevé. En pratique, il est généralement admis quea transplantation doit être réservée aux malades dont onstime que l’espérance de vie un an après la transplanta-ion sera supérieure à 50 %. La nécessité d’un traitementmmunosuppresseur à vie, les effets secondaires des immu-osuppresseurs, ainsi que la possible récidive de la maladienitiale sur le greffon (en particulier l’hépatite C) consti-uent d’autres facteurs limitants.

ndications de transplantation chez lesalades cirrhotiques

hez les malades cirrhotiques, une transplantation peut êtrenvisagée lorsqu’il existe une décompensation, lorsqu’ilxiste un CHC ou lorsqu’il existe à la fois une décompen-

ation de la cirrhose et un CHC [2].

Les principales complications de la cirrhose décompenséeui justifient une transplantation sont l’insuffisance hépa-ique sévère, l’ascite réfractaire, les infections du liquide’ascite, des épisodes répétés d’encéphalopathie (sans fac-

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eur déclenchant clairement identifié), l’encéphalopathiehronique, des épisodes répétés d’hémorragies digestivesecondaires à l’hypertension portale ou un syndrome hépa-orénal.

Le CHC représente également une indication de trans-lantation lorsqu’il existe un nodule unique de moins de 5 cme diamètre ou deux ou trois nodules chacun ayant un dia-ètre inférieur à 3 cm. Ces limites définies empiriquement

orrespondent aux critères de Milan [3] qui ont été vali-és par de nombreuses études [4—6]. Chez les malades quiépondent aux critères de Milan, le taux de récidive du CHCprès la transplantation se situe aux alentours de 10 %. Plusécemment, un élargissement de ces critères de sélection àes malades ayant des tumeurs un peu plus volumineusesété proposé (critères UCSF) avec des résultats compa-

ables en termes de récidive tumorale [7]. Il est importante rappeler que chez les malades dont la tumeur excèdees critères de Milan et/ou les critères de l’UCSF, le taux deécidive augmente rapidement.

Lorsque la cirrhose est compensée, la chimioembolisa-ion intra-artérielle, la radiofréquence percutanée et laésection chirurgicale sont des alternatives possibles à laransplantation. Toutefois, la transplantation apporte leseilleurs résultats à long terme [8]. Chez les malades qui

nt un CHC et une cirrhose décompensée, la transplantationst la seule alternative. Les autres options sont en principeontre-indiquées.

Quelle que soit la sévérité de l’insuffisance hépatiquet indépendamment du CHC, une transplantation doitgalement être envisagée lorsqu’il existe un syndromeépatopulmonaire ou une hypertension portopulmonaireébutante.

ritères d’attribution des donneurs etriorités

n France, depuis le milieu des années 1980 et jusqu’en007, les donneurs ont été attribués à des centres de trans-lantation hépatique selon des critères administratifs etéographiques. Chaque centre de transplantation était prio-itaire pour les sites de prélèvements d’organes de la mêmeone géographique. Au sein de chaque centre, l’attributiones donneurs aux receveurs était essentiellement basée sura durée d’attente. Toutefois, il a été clairement établi quee risque de décès en liste d’attente est imparfaitement cor-élé à la durée d’attente [9]. Certains malades se dégradentapidement et ont une espérance de vie faible à court termen l’absence de transplantation. Chez d’autres malades,u contraire, la progression est plus lente et le risque deécès est faible avec un traitement médical bien conduit.es malades, même s’ils sont inscrits en liste d’attenteepuis plus de six mois ne justifient pas nécessairement’attribution d’un greffon en priorité. Ces données ont clai-ement mis en évidence la nécessité d’utiliser des critèresutres que la durée d’attente pour l’attribution des don-

eurs.

Plusieurs études ont montré que le score MELD, basé sures valeurs objectives de la créatinine, de la bilirubine et de’INR est un marqueur pronostique robuste chez les cirrho-iques [10]. Plus le score MELD est élevé, plus l’espérance

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F. Durand

e vie en l’absence de transplantation est faible. Le scoreELD présente plusieurs avantages par rapport au score dehild-Pugh. Ce score repose sur des variables objectives.haque variable est pondérée en fonction de son influenceropre sur le pronostic. Enfin, il s’agit d’un score continu quiermet de classer plus précisément chaque malade au sein’une population. Ce score a été adopté aux États-Unis àartir de 2002 comme critère d’attribution des donneurs enransplantation hépatique [11]. Il a également été adopté enrance à partir de 2007. Les malades dont le score MELD este plus élevé sont prioritaires par rapport aux malades donte score MELD est le plus faible. En outre, on considère que laransplantation n’apporte pas de bénéfice de survie tant quee score MELD est inférieur à 11 points. Chez ces malades, laransplantation n’est pas justifiée [12]. Elle peut d’ailleursomporter, à court terme, un risque supérieur à celuie traitement médical. Les malades qui ont une cirrhoseompensée et un CHC (donc un score MELD faible) recoiventes points supplémentaires correspondant au risque évolu-if du CHC et leur permettant d’accéder à la transplantationans des délais acceptables. Au total, l’accès à la transplan-ation dépend des valeurs de la bilirubine, de la créatininet de l’INR, ainsi que de la présence d’un CHC.

lace de la transplantation chez lesirrhotiques ayant une ascite réfractaire

’apparition d’une ascite réfractaire chez les malades cir-hotiques est associée à une diminution significative de’espérance de vie. Ainsi, avec un traitement médical,’espérance de vie est de l’ordre de 50 et 30 % à un et deuxns, respectivement [13].

Les différentes options thérapeutiques sont les paracen-èses associées à une expansion volémique, le transjugularntrahepatic portosystemic shunt (TIPS) et la transplanta-ion hépatique [14,15]. L’intérêt du TIPS par rapport auxaracentèses reste controversé. Des études contrôlées ontémontré un bénéfice du TIPS en termes de survie [13,16].outefois, deux autres études n’ont pas permis de retrou-er ce bénéfice [17,18]. Trois méta-analyses de ces essaisontrôlés ont démontré la supériorité du TIPS pour contrôler’ascite, mais sans amélioration significative de l’espérancee vie [19—21]. Une dernière méta-analyse prenant enompte les données individuelles suggère que le TIPS amé-iore la survie en l’absence de transplantation [22]. La survieoyenne des malades recevant un TIPS et qui n’étaient pas

ransplantés était de 63 % à un an et 49 % à deux ans. Auotal, le TIPS permet un contrôle plus efficace de l’asciteéfractaire. Il améliore possiblement l’espérance de vie.outefois, la mortalité reste proche de 50 % à deux ans.n outre, le TIPS s’accompagne d’une encéphalopathie dans0 à 50 % des cas [14].

La transplantation, bien qu’elle soit plus contraignante,ffre des avantages notables par rapport aux paracentèsest au TIPS. L’ascite réfractaire n’est pas un facteur de risque

e mortalité après la transplantation. La survie des maladesransplantés pour une ascite réfractaire est donc équiva-ente à celle des cirrhotiques transplantés pour d’autresomplications (de l’ordre de 80 % à un an et 70 % à trois ans)23]. Ces résultats sont évidemment supérieurs à ceux qui
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Ascite réfractaire place de la transplantation hépatique

Tableau 1 Arguments en faveur de la transplantationhépatique plutôt qu’un autre traitement chez un sujetayant cirrhose et une ascite réfractaire.Arguments for liver transplantation rather than another optionin patients with cirrhosis and refractory ascites.

Âge inférieur à 65 ansBonne compliance au traitement médicalInsuffisance hépatique avec un taux de

prothrombine < 50 % et ou une INR > 1,7Score MELD élevé (> 15)Antécédents d’infection du liquide d’asciteAntécédents d’encéphalopathieAbstinence vis-à-vis de l’alcool en cas de cirrhose

alcoolique (plus de six mois)Syndrome hépatorénal associé à l’ascite réfractairea

Ascite pleurale avec une hypoxémie et unereconstitution rapide de l’épanchementa

a Dans ces deux derniers cas, la transplantation doit être réali-

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sée rapidement en raison d’un taux de mortalité élevé à courtterme.

peuvent être attendus avec un traitement médical. La trans-plantation doit donc être considérée comme le traitementde référence de l’ascite réfractaire. Toutefois, indépendam-ment du manque de donneurs et de la durée d’attente, latransplantation est limitée par des contre-indications parmilesquelles des comorbidités constituant un risque opéra-toire majeur, des antécédents néoplasiques ou l’absenced’abstinence vis-à-vis de l’alcool.

L’ascite réfractaire est parfois associée à une autrecomplication grave de la cirrhose : le syndrome hépatorénal.Le syndrome hépatorénal survient habituellement chez despatients qui ont, en plus de l’ascite réfractaire, une insuf-fisance hépatique sévère. Le pronostic est particulièrementmauvais à court terme, même si la majorité des maladespeuvent tirer un bénéfice transitoire de la terlipressine [24].En cas de syndrome hépatorénal, une transplantation doitêtre envisagée aussi rapidement que possible.

L’ascite pleurale (hydrothorax hépatique) peut égale-ment représenter une menace vitale à court terme si elle estvolumineuse, s’accompagne d’une hypoxémie marquée et sereproduit rapidement après les ponctions évacuatrices. Dansces circonstances, la transplantation doit être envisagée àcourt terme.

Les arguments en faveur d’une transplantation plutôtqu’un autre traitement chez les malades ayant une asciteréfractaire sont résumés dans le Tableau 1.

Accès à la transplantation pour lescirrhotiques ayant une ascite réfractaire

En accord avec les règles actuelles d’attribution des don-neurs, les malades qui ont une ascite réfractaire et dont

le score MELD est élevé (supérieur à 20), ont des chancesd’accès à la transplantation raisonnables dans un délai demoins de six mois. Le risque de décès en liste d’attenteest limité. Toutefois, l’ascite réfractaire en elle-mêmen’est pas prise en compte dans le score MELD (alors

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u’elle est prise en compte dans le score de Child-Pugh)25].

La majorité des malades qui ont une ascite réfractairent également une augmentation de l’INR et/ou une aug-entation de la bilirubinémie et/ou une augmentation de

a créatinine qui font que le score MELD est élevé.Il existe, toutefois, un sous-groupe de candidats à la

ransplantation qui ont une cirrhose, une ascite réfractairet un score MELD bas (< 20) en raison d’une bilirubinémieasse, d’une créatininémie basse et d’un INR élevé. Il até montré que parmi les candidats à la transplantationont le score MELD est inférieur à 20, l’ascite réfractairet l’hyponatrémie (< 135 mmol/L) sont des facteurs prédic-ifs indépendants de mortalité [26]. En d’autres termes,es patients cirrhotiques dont le score MELD est inférieur

20, mais qui ont une ascite réfractaire et une hypona-rémie ont un risque élevé de décès précoce en l’absencee transplantation. Le risque de décès est d’autant plusmportant que l’hyponatrémie est profonde. Ainsi, chez lesalades qui ont à la fois un score MELD inférieur à 20, une

scite réfractaire et une hyponatrémie, le taux de morta-ité en liste d’attente de transplantation est de 40 % [26].l apparaît clairement que le score MELD est peu adaptéour estimer le risque de décès précoce dans ce groupe deatients.

Une version alternative du score MELD, le score MELD-Na,été proposée récemment dans le but d’améliorer la valeurronostique du score MELD, en particulier chez les patientsui ont une ascite réfractaire [27]. En plus de la bilirubine,e l’INR et de la créatinine, le score MELD-Na incorpore laaleur de la natrémie. Plusieurs études ont montré que laatrémie a une valeur pronostique indépendante chez lesirrhotiques [28,29]. L’ascite elle-même n’a pas été prisen compte dans le score MELD-Na car son interprétationeut être subjective. Toutefois, il existe une forte cor-élation entre l’existence d’une ascite et l’hyponatrémie.nviron 90 % des cirrhotiques qui ont une natrémie inférieure130 mmol/L ont également une ascite [27]. La valeur pré-ictive du score MELD-Na est sensiblement supérieure à celleu score MELD. En particulier, le score MELD-Na permet,robablement, de mieux classer les malades qui ont unescite réfractaire malgré des fonctions hépatiques et rénalesonservées.

Toutefois, chez les cirrhotiques, d’importantes fluctua-ions de la natrémie peuvent être observées. En particulier,a natrémie diminue en cas de traitement diurétique, ceui limite l’objectivité de cette variable. Les agents aqua-étiques qui sont en cours de développement ont un effetnverse en augmentant significativement la natrémie. Pourette raison (entre autres), le score MELD-Na n’a pas étédopté comme référence aux États-Unis (ni dans les autresays occidentaux) pour l’attribution des donneurs. Les avan-ages et inconvénients du score MELD-Na sont résumés danse Tableau 2.

En pratique, le risque de décès précoce chez les cir-hotiques qui ont une ascite réfractaire et des fonctionsépatiques préservées est globalement sous-estimé par le

core MELD. Dans un système d’attribution des greffons baséeulement sur le score MELD, l’accès de ces malades à laransplantation est probablement insuffisant. Dans l’étatctuel des règles d’attribution, ces malades doivent êtreérés au cas par cas.
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Tableau 2 Avantages et inconvénients du score MELD-Na par rapport au score MELD.Advantages and limitations of the score MELD-Na compared toMELD score.

AvantagesValeur pronostique un peu plus élevée que celle duscore MELDScore pronostique plus efficace chez les malades quiont une ascite réfractaire et un score MELD inférieurà 20

InconvénientsFluctuations de la natrémie en l’absence de touttraitementVariations significatives de la natrémie chez lesmalades recevant des diurétiques

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dloTlImgreffon, alors que le degré de fibrose est encore modéré

L’hyponatrémie n’est pas constante chez les maladesqui ont une ascite réfractaire

rise en charge de l’ascite réfractaire dans’attente de la transplantation hépatique

orsque les patients sont en attente de transplantation, lesodalités de la prise en charge dépendent de la durée pré-

isible de l’attente.Si l’on estime que la durée d’attente sera brève (moins

e trois mois), les ponctions évacuatrices itératives consti-uent la meilleure option. Il est impératif de préservert/ou d’optimiser la fonction rénale pendant la période’attente. Les paracentèses d’un volume supérieur à 2 Loivent donc être associées à une expansion volémique soitar des colloïdes de synthèse, soit par de l’albumine. En’absence d’infection du liquide d’ascite, il n’est pas certainue l’albumine est supérieure aux colloïdes de synthèse.ous les facteurs pouvant contribuer à une détérioratione la fonction rénale doivent être évités. Il s’agit, en par-iculier, de l’utilisation excessive de diurétiques (qui, si’ascite est réfractaire, n’ont par définition pas d’intérêt)t de la restriction hydrique. L’hyponatrémie associée à’ascite réfractaire est généralement bien tolérée, mêmei la natrémie se situe entre 130 et 135 mmol/L. À l’inverse,a restriction hydrique destinée à corriger l’hyponatrémie’accompagne généralement d’une dégradation de la fonc-ion rénale.

Si l’on estime que la durée d’attente sera prolongée,n TIPS peut être envisagé comme préparation à la trans-lantation. En plus du contrôle de l’ascite, les bénéficesttendus sont la réduction de la pression portale (pouvantimiter les pertes sanguines lors de la transplantation) et’amélioration de l’état nutritionnel. Toutefois, le TIPS peutvoir des inconvénients parmi lesquels l’apparition d’unencéphalopathie ou encore l’implantation de la prothèseoit au-dessus de l’abouchement des veines hépatiques,oit dans le tronc porte. Une implantation non optimaleisque d’occasionner des difficultés techniques lors de laransplantation [30]. Il n’est pas clairement établi que le

IPS réduit les pertes sanguines lors de la transplantation,i qu’il réduit les difficultés techniques [31]. En outre,e TIPS ne peut être envisagé que si les fonctions hépa-iques sont relativement préservées. En cas d’insuffisance

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F. Durand

épatique sévère, le TIPS risque de contribuer à uneégradation encore plus importante des fonctions hépa-iques. Au total, le TIPS doit être considéré comme unelternative à la transplantation plutôt qu’un traitement’attente.

La mise en place d’un shunt péritonéojugulaire chirurgi-al a également été proposée comme traitement d’attentevec comme objectifs de contrôler l’ascite, d’améliorer’état nutritionnel et d’améliorer la fonction rénale [32].outefois, les dérivations péritonéojugulaires comportent leisque de thrombose jugulaire, d’infection, de coagulationntravasculaire disséminée et, surtout, de péritonite encap-ulante.

Chez les patients qui ont une hernie ombilicale volu-ineuse, des soins locaux doivent être apportés afine prévenir ou de limiter les zones d’érosion cutanée33].

mpact de l’ascite réfractaire sur les suitese la transplantation

’existence d’une ascite réfractaire n’a pas d’impact délé-ère sur les résultats à long terme de la transplantation.es patients pour lesquels l’indication de la transplan-ation est une ascite réfractaire en tirent un bénéficeomparable à celui des malades qui n’avaient pas d’asciteéfractaire. Toutefois, l’ascite réfractaire est souvent asso-iée à une dénutrition et à une amyotrophie. La morbiditéostopératoire précoce (insuffisance rénale, infections bac-ériennes, difficultés de sevrage ventilatoire) est donclus élevée même si le risque n’a pas été clairementesuré.

scite réfractaire après la transplantationépatique

ne ascite d’abondance variable est habituelle dans lesuites précoces de la transplantation. Elle régresse le plusouvent dans un délai de deux à trois semaines. Chez cer-ains patients, l’ascite persiste plus de trois mois après laransplantation. L’existence d’une ascite réfractaire avanta transplantation majore le risque d’ascite persistanteprès la transplantation [34]. En cas d’ascite persistante, unraitement diurétique peut être justifié. Dans la plupart desas, l’évolution est favorable avec une régression complètee l’ascite.

Certains malades développent une ascite réfractaire àistance de la transplantation hépatique. L’ascite peut êtreiée à une complication technique avec un obstacle etu une thrombose des veines hépatiques du greffon [35].outefois, la principale cause d’ascite réfractaire aprèsa transplantation est la récidive de l’hépatite C [36].l est important de noter que l’ascite apparaît fréquem-ent avant qu’une cirrhose se soit reconstituée sur le

F2 ou F3) [37]. Chez les malades infectés par le VHC, laurvenue d’une ascite réfractaire après la transplantationst de mauvais pronostic. Une retransplantation doit êtrenvisagée.

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Ascite réfractaire place de la transplantation hépatique

Conclusions

Chez les cirrhotiques qui ont une ascite réfractaire, la trans-plantation hépatique est l’option thérapeutique qui apporteles meilleurs résultats en termes d’espérance de vie et dequalité de vie à long terme. Le score MELD est un bon mar-queur prédictif de mortalité après un TIPS. À l’inverse, lescore MELD est mal corrélé à la mortalité après une trans-plantation. En d’autres termes, les malades dont le scoreMELD est élevé on un risque de décès élevé après un TIPSalors que les chances de succès de la transplantation res-tent bonnes (sauf pour des valeurs extrêmes du score MELD :entre 35 et 40 points). La transplantation reste donc lemeilleur traitement de l’ascite réfractaire, le bénéfice dela transplantation par rapport au TIPS étant le plus impor-tant pour les malades dont le score MELD est le plus élevé.Toutefois, seule une minorité des malades ont accès à latransplantation car des contre-indications parmi lesquellesl’âge avancé, les comorbidités graves ou les antécédentsde cancer sont fréquentes. En outre, lorsque l’indication detransplantation est finalement retenue, le manque de don-neurs fait que la durée d’attente peut être de plusieurs mois.Le traitement de référence pendant la période d’attenteest représenté par les paracentèses itératives suivies d’uneexpansion volémique. Il n’est pas certain que le TIPS apporteun bénéfice sauf, peut-être dans un sous-groupe de maladespour lesquels la durée d’attente peut être longue (plus desix mois).

Les cirrhotiques qui ont une ascite réfractaire et unscore MELD élevé ont accès à la transplantation hépatiquedans des délais acceptables. Cependant, une minorité demalades ont une ascite réfractaire et un score MELD bas.Certains de ces malades sont à haut risque de décès pré-coce en l’absence de transplantation. Toutefois, leur accèsà la transplantation est plus difficile. Dans ce sous-groupe, lescore MELD-Na pourrait être plus efficace que le score MELDpour évaluer le pronostic. D’autres marqueurs pronostiquesdevraient être évalués à l’avenir.

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