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Immuno-analyse et biologie spécialisée (2011) 26, 35—40 CAS CLINIQUE Aspect inhabituel du sérum chez un nouveau-né révélant une hyperchylomicronémie à l’origine d’une pancréatite aiguë Unusual aspect of the serum at a newborn child revealing a hyperchylomicronemia at the origin of an acute pancreatitis F. Desroys du Roure a,, M. Leterrier a , C. Le Boterff a , K. Bach-Ngohou b , D. Masson b , P. Benlian c , M. Barth d a Laboratoire de biologie, centre hospitalier départemental (CHD), Les Oudairies, 85925 La-Roche-sur-Yon cedex 9, France b Laboratoire de biochimie spécialisée, centre hospitalier universitaire (CHU), 9, quai Moncousu, 44093 Nantes cedex 1, France c Laboratoire de biochimie B, hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France d Service de pédiatrie, centre hospitalier universitaire (CHU) d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 9, France Rec ¸u le 27 octobre 2010 ; accepté le 1 er ecembre 2010 Disponible sur Internet le 17 janvier 2011 KEYWORDS Familial chylomicronemia; Hypertriglyceridemia; Lipoprotein lipase deficency; Type I hyperlipopro- teinemia; Apolipoprotein CII Summary Familial chylomicronemia syndrome is a rare disorder of lipoprotein metabolism due to familial lipoprotein lipase, apolipoprotein C-II or apolipoprotein A5 deficiency. We report a rare case of familial chylomicronemia in a three-month-old boy with massive hypertriglyceri- demia and clinical signs of acute pancreatitis. Genetic study of the patient revealed compound heterozygosity for a common lipoprotein lipase gene mutation (Gly188Glu) and a null-allele mutation (Gly209delG). The newborn was started on a low fat diet with medium chain triglyce- ride and advised a regular follow-up. We review the biochemical, clinical and genetic features of chylomicronemia syndrome. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. MOTS CLÉS Hyperchylomicroné- mie familiale ; Hypertriglycéridémie ; Résumé L’hyperchylomicronémie familiale est un trouble rare du métabolisme lipoprotéique due à un déficit soit en lipoprotéine lipase soit en un de ses activateurs (apolipoprotéine CII ou apolipoprotéine A5). Nous rapportons ici le cas d’un nouveau-né de trois mois avec hyper- triglycéridémie importante et signes cliniques de pancréatite aiguë. L’étude génétique met en évidence une hétérozygotie composite avec une mutation relativement fréquente de la lipoprotéine lipase (Gly188Glu) et une mutation causale d’un allèle nul (Gly209delG). Un régime Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Desroys du Roure). 0923-2532/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.immbio.2010.12.004

Aspect inhabituel du sérum chez un nouveau-né révélant une hyperchylomicronémie à l’origine d’une pancréatite aiguë

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Immuno-analyse et biologie spécialisée (2011) 26, 35—40

CAS CLINIQUE

Aspect inhabituel du sérum chez un nouveau-nérévélant une hyperchylomicronémie à l’origined’une pancréatite aiguëUnusual aspect of the serum at a newborn child revealing ahyperchylomicronemia at the origin of an acute pancreatitis

F. Desroys du Rourea,∗, M. Leterriera, C. Le Boterff a,K. Bach-Ngohoub, D. Massonb, P. Benlianc, M. Barthd

a Laboratoire de biologie, centre hospitalier départemental (CHD), Les Oudairies, 85925 La-Roche-sur-Yon cedex 9, Franceb Laboratoire de biochimie spécialisée, centre hospitalier universitaire (CHU), 9, quai Moncousu, 44093 Nantes cedex 1, Francec Laboratoire de biochimie B, hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, Franced Service de pédiatrie, centre hospitalier universitaire (CHU) d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 9, France

Recu le 27 octobre 2010 ; accepté le 1er decembre 2010Disponible sur Internet le 17 janvier 2011

KEYWORDSFamilialchylomicronemia;Hypertriglyceridemia;Lipoprotein lipasedeficency;Type I hyperlipopro-teinemia;Apolipoprotein CII

Summary Familial chylomicronemia syndrome is a rare disorder of lipoprotein metabolism dueto familial lipoprotein lipase, apolipoprotein C-II or apolipoprotein A5 deficiency. We report arare case of familial chylomicronemia in a three-month-old boy with massive hypertriglyceri-demia and clinical signs of acute pancreatitis. Genetic study of the patient revealed compoundheterozygosity for a common lipoprotein lipase gene mutation (Gly188Glu) and a null-allelemutation (Gly209delG). The newborn was started on a low fat diet with medium chain triglyce-ride and advised a regular follow-up. We review the biochemical, clinical and genetic featuresof chylomicronemia syndrome.© 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

MOTS CLÉSHyperchylomicroné-mie familiale ;Hypertriglycéridémie ;

Résumé L’hyperchylomicronémie familiale est un trouble rare du métabolisme lipoprotéiquedue à un déficit soit en lipoprotéine lipase soit en un de ses activateurs (apolipoprotéine CIIou apolipoprotéine A5). Nous rapportons ici le cas d’un nouveau-né de trois mois avec hyper-triglycéridémie importante et signes cliniques de pancréatite aiguë. L’étude génétique meten évidence une hétérozygotie composite avec une mutation relativement fréquente de lalipoprotéine lipase (Gly188Glu) et une mutation causale d’un allèle nul (Gly209delG). Un régime

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (F. Desroys du Roure).

0923-2532/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.immbio.2010.12.004

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36 F. Desroys du Roure et al.

Déficit enlipoprotéine lipase ;Hyperlipoprotéinémiede type I ;Apolipoprotéine CII

pauvre en graisses à base de triglycérides à chaînes moyennes et une surveillance régulière ontété mis en place avec succès. Nous présentons également une revue de littérature concernantles aspects biochimiques, cliniques et génétiques des hyperchylomicronémies.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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ntroduction

’hyperlipoprotéinémie de type I (hyperchylomicronémie)st une pathologie très rare, d’origine familiale avec uneransmission autosomique récessive. Sa prévalence estiméen France est de l’ordre de 1/106 pour la forme homozygote14]. Elle peut être plus élevée (1/5000) dans certaines sub-opulations comme les Canadiens francais (effet fondateur)12]. Elle est due à une mutation du gène codant pour la lipo-rotéine lipase (LPL) ou plus rarement de ses activateurs :’apolipoprotéine CII et l’apolipoprotéine A5.

Nous rapportons dans notre observation un cas’hyperchylomicronémie chez un nouveau-né de troisois révélé par une pancréatite aiguë.

bservation

’enfant E.G., nouveau-né de trois mois, second enfant’un couple non consanguin, est admis en pédiatrieour douleurs abdominales, fièvre et pleurs persistants.ne étiologie infectieuse est suspectée en première

ntention et un premier bilan biologique est réalisé :umération formule sanguine, protéine C-réactive (CRP),émocultures. L’examen clinique est sans particularité,’échographie abdominale est normale et ne retrouve pas’hépatosplénomégalie.

L’aspect particulièrement lactescent du sérum, détectéors du dosage de la CRP, nous conduit à réaliser un bilanipidique et pancréatique, avec les résultats indiqués danse Tableau 1. Le diagnostic de pancréatite aiguë secondaire

une anomalie du métabolisme lipidique est alors évoqué.

’interrogatoire révèle une notion d’hypercholestérolémiehez les grands-parents paternels et les arrière-grands-arents maternels.

Le lipidogramme est réalisé au laboratoire de biochimiepécialisée du CHU de Nantes sur Hydragel Lipo-Lp(a) (Sebia)t montre la présence exclusive de chylomicrons avec VLDL

Tableau 1 Bilan biologique initial.

Aspect très lactescent du sérum, avec surnageant crémeux (après

Cholestérol 4,2 mM/L (1,63 g/Triglycérides 13,89 mM/L (12,15Cholesterol HDL 0,19 mM/L (0,07 gApolipoprotéine A1 0,7 g/LApolipoprotéine B 0,27 g/LLipasémie 1196 UI/L

Figure 1 Lipidogramme.

ormaux (Fig. 1) suggérant une hyperlipoprotéinémie deype I.

Le caractère familial de l’hyperchylomicronémie seraonfirmé par le laboratoire de référence pour le diagnos-ic des maladies rares de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris,ui effectue :

les dosages de l’activité lipoprotéine lipase : le pré-lèvement sanguin est réalisé, chez les deux parents,15 minutes après injection intraveineuse d’héparine ;en parallèle, sont mesurées l’activité lipasique totale,l’activité lipasique hépatique et celle de la lipoprotéinelipase (Tableau 2) ;l’étude génétique : le gène de la LPL a fait l’objetd’une exploration du promoteur proximal, de la séquencecodante et des régions péri-exoniques par séquencagesur produit PCR de l’ADN leucocytaire ; les résultatsmontrent, chez l’enfant, une double hétérozygotie pourdeux mutations de l’exon 5 du gène codant pour la LPL

repos à 4 ◦C)

L) (N : 3,1—5,2 mM/L)g/L) (N : 0,4—1,7 mM/L)

/L) (N : 0,9—2,2 mM/L)(N : 1,15—2,0 g/L)(N : 0,55—1,2 g/L)(N < 60 UI/L)

avec la présence d’une mutation Gly188Glu d’originepaternelle (mutation entraînant une substitution surun résidu hautement conservé du site catalytique del’enzyme), relativement fréquente en Europe (40 % desindividus avec un déficit en LPL) et d’une mutation

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Hyperchylomicronémie et pancréatite aiguë chez un nouveau-né 37

Tableau 2 Activités lipasiques plasmatiques post-héparine.

Père Mère

Activité lipasique totale (N : 80—350 UI/mL) 75 18Activité lipasique hépatique (N : 40—200 UI/mL) 45 11Activité lipoprotéine lipase (LPL)(N : 35—150 UI/mL) 30 10

Conclusion Activité LPL modérémentabaissée

Activités lipasiques globalementabaissées.Possible dégradation partielle del’enzyme postérieure au prélèvement

1 UI/mL : 1 pmole d’acide gras libéré/ml de plasma/min.

d’origine maternelle Gly209delG causale d’un allèlenul (délétion d’un nucléotide au niveau du résidu Gly209 décalant le cadre de lecture et générant un codonstop prématuré en position 224) ;

• l’étude est complétée par le génotypage del’apolipoprotéine E, par séquencage de l’exon 4 surproduit PCR de l’ADN leucocytaire, qui montre laprésence d’un variant E2 rapporté comme renforcantl’hypertriglycéridémie, ainsi que la présence d’un variantmineur apolipoprotéine E1 (Gly127Asp), hérité du père,inconstamment associé à l’hypertriglycéridémie (Fig. 2).

Une fois le diagnostic posé, après un repos digestif de24 heures, l’alimentation est reprise, initialement avec unlait « premier âge », puis un lait écrémé enrichi en dextrine-maltose et, enfin, un aliment thérapeutique en poudre àbase de protéines laitières (Monogen®, laboratoires Nutri-cia) qui apporte 90 % de l’apport lipidique sous forme de

triglycérides à chaîne moyenne (TCM). Sur le plan clinique, iln’y a pas de xanthome cutané ; le fond d’œil ne retrouve pasde lipémie rétinienne ; la fonction pancréatique revient pro-gressivement à la normale. À l’âge de six mois, le régime estrelativement bien toléré, le taux de triglycérides est stabi-

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Lait écrémé enrichidextrine maltose

Lait 1er âge

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Figure 3 Évolution de la lipas

Figure 2 Étude familiale.

isé à environ 5 mmol/L (Fig. 3). L’enfant pèse 7,1 kg, mesure8 cm et présente un examen clinique sans particularité.

10-août20-mai6-mai

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émie et des triglycérides.

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iscussion

es graisses alimentaires absorbées par l’intestin sont trans-ortées sous forme de triglycérides (TG) par de grosses lipo-rotéines, les chylomicrons, formées au niveau des entéro-ytes exclusivement en période post-prandiale (et donc nor-alement absents du sérum après 12 heures de jeûne). Dans

a circulation générale, l’apolipoprotéine CII, présente danses chylomicrons, active une enzyme, la lipoprotéine lipaseLPL), qui dégrade les triglycérides en glycérol et acides grasibres, qui seront captés par les cellules pour leurs besoinsnergétiques. Les remnants de chylomicrons seront ensuiteaptés par le foie après reconnaissance par les récepteurse l’apolipoprotéine B et de l’apolipoprotéine E.

Un déficit d’activité de la LPL entraîne un défaut’épuration et une accumulation des chylomicrons ceui induit une hypertriglycéridémie massive (jusqu’à 10 à00 fois la normale).

Les signes cliniques apparaissent surtout chez l’enfant,ans 80 % des cas avant l’âge de 20 ans. L’âge de survenueépendrait du nombre de tissus touchés par le déficit enPL, certaines formes variantes ne présentent que certainsissus déficitaires et leur mode d’expression est plus tardiveue la forme classique [6].

Les symptômes ne sont retrouvés que chez les homo-ygotes ou les doubles hétérozygotes. On observe uneomnolence et des douleurs abdominales récurrentes, post-randiales (majorées par les repas riches en graisses), uneanthomatose éruptive, punctiforme, blanc-jaunâtre, nonouloureuse et non prurigineuse épargnant la face (à par-ir de 22,5 mmol/L de triglycérides), une lipémie rétinienneisible au fond d’œil (à partir de 45 mmol/L de triglycérides)ans troubles de la vue associés, une possible hépatos-lénomégalie, plus rarement une dyspnée, un déficit deroissance, des troubles neuropsychiatriques [18].

Il existe surtout un risque potentiellement mortel deancréatite aiguë, très variable selon les individus. Le méca-isme probable est la production de grandes quantités’acides gras libres dans les capillaires pancréatiques, àartir de la lipolyse des triglycérides des chylomicrons extra-asés sous l’effet d’une activation inappropriée de la lipaseancréatique, à l’origine d’altérations vasculaires et dehénomènes ischémiques. Il y aurait également une actionoxique directe sur les membranes des cellules acinairesancréatiques.

Initialement considérée comme non athérogène, il a tou-efois été mis en évidence une athérosclérose précoce chezuatre patients porteurs de déficit en LPL [5], certainsariants de la LPL (Asp9Asn et Gly188Glu) seraient associés

un risque significativement accru de maladies cardio-asculaires, alors que le variant S447X (Ser447Stop) seraitardioprotecteur [16].

Les hétérozygotes apparentés sont indemnes maisrésentent toutefois une susceptibilité accrue aux hyper-ipidémies mixtes (type IIb) associées à une baisse de HDLholestérol, favorisant l’apparition d’accidents cardiovascu-aires après 50 ans.

Sur le plan biologique, à jeun, le sérum est trouble ou lelus souvent lactescent. Après décantation de 24 heures à4 ◦C, un surnageant crémeux apparaît avec un sous-nageantlair (test de crémage positif). Le lipidogramme met en évi-

F. Desroys du Roure et al.

ence une augmentation isolée des chylomicrons sans VLDL.es triglycérides sont augmentés (supérieurs à 10 g/L soit1,4 mmol/L à jeun). Le cholestérol est normal ou peu aug-enté avec un HDL cholestérol effondré de même que le

DL cholestérol.Le diagnostic est authentifié par la mesure de l’activité

lasmatique de la LPL, généralement retrouvée à moinse 20 % de la normale chez les homozygotes (50 % chezes hétérozygotes). Le prélèvement sanguin est effectuéprès injection isocoagulante d’héparine (60—100 UI/kg). Enffet, l’héparine se lie à la LPL provoquant ainsi la disso-iation de sa liaison avec les protéoglycanes de la surfacees cellules endothéliales et sa libération dans le plasma11].

La mise en évidence des rares déficits en apolipopro-éine CII se fait soit par mesure directe de la concentrationlasmatique de l’apolipoprotéine CII (une concentration à0 % de la normale est suffisante pour une activité cor-ecte de la LPL), soit indirectement par la correctionu test de l’activité LPL post-héparine après adjonction’apolipoprotéine CII in vitro.

Le diagnostic génétique permet d’identifier la causevec certitude et d’affirmer le caractère permanent de’hyperchylomicronémie et la nécessité d’un régime hypoli-idique à vie.

Les mutations en cause peuvent toucher soit le gèneodant pour la LPL soit, plus rarement, les gènes codant poures activateurs : l’apolipoprotéine CII et l’apolipoprotéine5.

Plus de 200 mutations du gène codant pour la LPL ont étéécrites. Ce gène est localisé sur le bras court du chromo-ome 8 (8p22), il comprend dix exons codant pour 448 acidesminés [10,17]. La plupart des mutations mises en évidenceortent sur les exons 5 et 6. L’exon 5 code pour une zoneomprenant le site actif de la LPL et une partie de son sitee fixation des triglycérides (résidus 157—160 et 187—196).’exon 6 code pour une zone structurelle comportant deuxonts disulfures (Cys278-Cys283 et Cys264-Cys275) ainsi queeux clusters qui pourraient servir de sites de liaisons à’héparine [27].

Les mutations les plus fréquentes (70 %) sont des muta-ions faux sens, mais il existe également des mutations nonens, des délétions, des insertions, des mutations affectant’épissage, ainsi que des mutations de la région 5’ qui codeour un peptide séquence signal [8,23,24].

Seule la mutation S447X aurait un effet bénéfique sur lerofil lipidique et un effet cardioprotecteur.

Les mutations peuvent également porter sur les activa-eurs de la LPL :

l’apolipoprotéine CII est un cofacteur de la LPL ; plusd’une dizaine de mutations du gène APOC2, localisé sur lebras long du chromosome 19 (19q13.2), ont été décrites,notamment des mutations faux-sens siégeant dans l’exon3 qui code les acides aminés 55 à 78 correspondant au sited’activation de la LPL ; les sujets atteints présentent des

symptômes similaires mais généralement à un âge plusavancé [1,7,8] ;l’apolipoprotéine A5, de découverte plus récente et dontle gène APOA5 est localisé sur le bras long du chromo-some 11, favorise l’activité de la lipoprotéine lipase,
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Hyperchylomicronémie et pancréatite aiguë chez un nouvea

directement ou indirectement, en facilitant la forma-tion des complexes lipolytiques à la surface endothéliale[19—22] ;

• récemment, des études ont montré qu’une protéinede l’endothélium cellulaire du cœur, du muscle et dutissu adipeux, la GPI-HBP1 (glycosylphosphatidylinositol-anchored HDL binding protein), serait essentielle dans leprocessus de lipolyse des lipoprotéines riches en triglycé-rides, et aurait un rôle de stabilisateur de la LPL [26] ;chez l’homme, certaines mutations du gène codant pourla GBI-HBP1 aboutiraient ainsi à la perte de sa capacité deliaison à la LPL et aux chylomicrons, entraînant une chutede l’activité plasmatique LPL post-héparine [3,4,13] ;

• des mutations non sens du gène codant pour le lipase-maturation factor-1 (LMF1), impliqué dans l’expressionde la LPL, ont été identifiées à l’état homozygote chezdes patients présentant des hypertriglycéridémies sévères[9].

Il est nécessaire également d’analyser le polymorphismegénétique de l’apolipoprotéine E qui peut moduler le risqued’hypertriglycéridémie et le risque athérogène. Le variantE4 est décrit comme un facteur de risque cardiovascu-laire alors que le variant E2 est décrit comme renforcantl’hypertriglycéridémie [15], et ce, d’autant plus s’il estassocié au variant ApoA5 S19W (présent dans 10 % de la popu-lation) [21].

Il existe également des cas extrêmement raresd’hyperchylomicronémies avec déficience de la LPLd’origine auto-immune par production d’anticorps anti LPL[2].

En fait, les hypertriglycéridémies sont plus générale-ment acquises ou secondaires : prise d’alcools ou d’agentspharmacologiques (bêta-bloquants, antirétroviraux inhibi-teurs de protéases, estrogènes, diurétiques thiazidiques,glucocorticoïdes, Zoloft®, isotrétinoïne) ou lors de certainespathologies (diabète, hypothyroïdie, insuffisance rénale,lupus systémique, atrésie biliaire congénitale). Ces causesdevront être contrôlées lors de l’évolution d’une hyperchy-lomicronémie familiale.

Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de traitement médi-camenteux ou de traitement curatif. Un régime pauvre engraisses (inférieur à 10 % de la ration calorique, soit moins de20 g/j) avec introduction de triglycérides à chaîne moyenne(qui ne passent pas par la voie des chylomicrons) devraêtre maintenu durant toute la vie du patient afin d’éviterl’accumulation de triglycérides et le risque de pancréatite.

Au stade de pancréatite aiguë, des tentativesd’utilisation de plasmaphérèses, de thérapeutiquesantioxydantes ou d’oméga-3 à fortes doses dans le régimeont été réalisées mais leur intérêt reste controversé.

Des essais de thérapie génique à titre expérimental, por-tant sur la mutation S447X, sont en cours [25].

Le conseil génétique et le dépistage sont réalisés dans lesfamilles à risque d’homozygotie (consanguinité, cas identifiédans la famille).

Conclusion

Le diagnostic d’hyperchylomicronémie familiale, de par safaible fréquence, n’est pas toujours envisagé devant un syn-

[

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rome abdominal aigu de l’enfant ou du sujet jeune quieut évoquer une cause infectieuse. Un examen attentife l’aspect du sérum, ou la mesure systématique d’indicesériques, suffit pourtant à orienter le biologiste qui pourransuite compléter le bilan, et éviter ainsi une errance diag-ostique et un retard de prise en charge.

onflit d’intérêt

ucun.

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