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Marqueurs biologiques dans le cancer du sein La pratique clinique fait appel à : – un marqueur prévalent : le carbohydrate 15-3 ou CA 15-3 ; – un marqueur secondaire : l’antigène carcinoembryonnaire ou ACE. D’autres marqueurs peu fréquemment étudiés et utilisés sont : – un antigène tissulaire polypeptidique (TPA) ; – un mucine like carcinoma associated antigen (MCA) ; – des carbohydrates 549 et/27-29. Un nouveau marqueur évalué et validé doit faire l’objet d’une recommandation – ECD, HER2 en 2007. Bilan et recommandations des marqueurs biologiques La prise en charge biologique des cancers du sein a fait l’objet de plusieurs textes de recommandations : Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes), Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC), National Academy of Clinical Biochemistry (NACB), American Society of Clinical Oncology (ASCO), en dépit desquelles les pratiques restent diverses. Nous présentons globalement ces recommandations en cas de variabilité entre les différentes sources. Celles-ci seront notées. Carbohydrate 15-3 Le CA 15-3 est une glycoprotéine appartenant à la famille des mucines 1 qui joue un rôle au niveau de l’adhésion cellulaire et de l’immunomodulation. Bilan et recommandations pour l’utilisation des marqueurs tumoraux sériques dans le cadre des cancers du sein en 2007 P.-M. Martin

Cancer du sein || Bilan et recommandations pour l’utilisation des marqueurs tumoraux sériques dans le cadre des cancers du sein en 2007

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Marqueurs biologiques dans le cancer du seinLa pratique clinique fait appel à :– un marqueur prévalent : le carbohydrate 15-3 ou CA 15-3 ;– un marqueur secondaire : l’antigène carcinoembryonnaire ou ACE.

D’autres marqueurs peu fréquemment étudiés et utilisés sont :– un antigène tissulaire polypeptidique (TPA) ;– un mucine like carcinoma associated antigen (MCA) ;– des carbohydrates 549 et/27-29.

Un nouveau marqueur évalué et validé doit faire l’objet d’une recommandation– ECD, HER2 en 2007.

Bilan et recommandations des marqueurs biologiquesLa prise en charge biologique des cancers du sein a fait l’objet de plusieurs textes derecommandations : Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé(Anaes), Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC),National Academy of Clinical Biochemistry (NACB), American Society of ClinicalOncology (ASCO), en dépit desquelles les pratiques restent diverses.

Nous présentons globalement ces recommandations en cas de variabilité entreles différentes sources. Celles-ci seront notées.

Carbohydrate 15-3

Le CA 15-3 est une glycoprotéine appartenant à la famille des mucines 1 qui joueun rôle au niveau de l’adhésion cellulaire et de l’immunomodulation.

Bilan et recommandations pour l’utilisation des marqueurs tumorauxsériques dans le cadre des cancers du seinen 2007

P.-M. Martin

La valeur seuil la plus souvent admise est de 30 kU/L. Certains auteurs ont pro-posé des seuils compris entre 25 et 35 kU/L. Ce seuil est atteint et dépassé dans 5 %(2 à 7) de la population saine sans pathologie tumorale. La grossesse peut majorerce pourcentage de dépassement des valeurs seuils jusqu’à 10 %.

La demi-vie du CA 15-3 est de 8 à 10 j. Il n’y a pas de différence selon le sexe.Le CA 15-3 n’est spécifique ni de cancer ni des pathologies mammaires, et peut

donc être augmenté dans différentes pathologies cancéreuses (adénocarcinomes),en particulier de l’ovaire, du foie, des appareils respiratoire et digestif, ou bénignes ;gynécologiques, pulmonaires et surtout pathologies digestives inflammatoires (dansles pathologies bénignes, il n’est qu’exceptionnellement supérieur à 50 kU/L).

Le CA 15-3 a une sensibilité dans le diagnostic du cancer du sein de 13 à 65 %selon les études, et une spécificité qui varie selon les études de 87 à 100 %.

Plusieurs études ont montré qu’il était lié au stade de la maladie. Plus le stade estavancé, plus le CA 15-3 est augmenté. Un taux initialement élevé de CA 15-3 estplus souvent rencontré dans les formes évoluées que dans les formes localisées.

Le CA 15-3 n’est pas corrélé au type histologique.

Règles pratiques et limites d’utilisation actuelle

Tout marqueur doit être analysé et évalué en fonction de l’intérêt qu’il peut présenter sur

le plan clinique pour :

– le dépistage : la sensibilité doit être appréciée pour des petites masses tumorales àun stade préclinique de la maladie où un traitement curateur est encore possible ;

– le diagnostic : l’efficacité diagnostique dépend de sa sensibilité et de sa spécificitévis-à-vis d’autres localisations tumorales et des pathologies bénignes ;

– la valeur pronostique nécessite une bonne corrélation entre le taux du marqueuret la survie des patients ;

– la réponse thérapeutique : nécessite une bonne corrélation entre taux de mar-queurs sériques et masse tumorale ;

– la surveillance et la détection des récidives : le taux de marqueur tumoral circulantdoit être corrélé à l’évolution de la tumeur et les dosages répétés seront utiles à ladétection précoce des récidives.

Standardisation et contrôles de qualité

La mesure des marqueurs tumoraux plasmatiques utilise dans la majorité des casdes techniques immuno-analytiques dont la spécificité et la sensibilité analytiquessont liées aux caractéristiques des anticorps utilisés. C’est pour cette raison quel’utilisation de trousses de dosage d’origines différentes pour un même paramètrene pourra qu’apporter un biais et notamment dans le suivi du traitement où lerésultat n’a de valeur qu’en comparaison avec la mesure précédente établie avec lamême technique.

198 Cancer du sein

Ceci pose le problème actuel :– de la calibration et de l’étalonnage standard des trousses de dosages, quel que soit

leur constructeur, permettant ainsi des techniques équivalentes calibrées (cf.consensus international 1995 pour PSA. L’équivalent n’existe pas pour les autresmarqueurs) ;

– de la mise en route d’un processus de surveillance des réactifs (GBEA).

Bilans et recommandations 2007

Dépistage

Un dépistage biologique ne peut se faire que si le marqueur permet de détecter lamaladie à un stade curable chez les sujets asymptomatiques. Ce n’est pas le cas duCA 15-3, qui n’est élevé que dans 30 % des cas au moment du diagnostic, dans 9 %des stades I et dans 19 % des stades II. Il en va de même pour l’ACE. Ils ne peuventdonc en aucun cas être utilisés dans le cadre du dépistage.

Diagnostic

Concernant le CA15-3 :– la sensibilité du CA 15-3 étant trop faible, le diagnostic du cancer du sein n’est pas

biologique. Le CA 15-3 n’est pas un élément diagnostique à lui seul ;– le CA 15-3 ne présente pas d’intérêt dans le diagnostic et le suivi des carcinomes

in situ ;– le CA 15-3, par contre, est plus informatif dans le cas du suivi de carcinomes inva-

sifs ou métastasés ;– le taux de CA 15-3 avant tout traitement constitue une valeur de référence indis-

pensable si l’on souhaite réaliser un suivi ultérieur (accord d’experts) : la détec-tion d’une évolution biologique est en effet plus précoce si l’on se réfère à la valeurbasale de chaque patient qu’au seuil issu d’une statistique de groupe ;

– le taux initial de CA 15-3 est un facteur pronostique reconnu dont l’indépendancen’est pas formellement prouvée : le risque de métastase ultérieure est de 67 % chezles patientes présentant un taux initial supérieur à 30 kU/L, 83 % pour un tauxsupérieur à 40 kU/L et 91 % pour un taux supérieur à 50 kU/L ;

– une valeur initiale supérieure à 50 kU/L doit donc faire rechercher activement, etavant toute décision thérapeutique, une éventuelle dissémination pouvant fairecontre-indiquer une mastectomie ;

– dans le cadre du diagnostic de métastase d’adénocarcinome d’origine inconnue,le CA 15-3 est susceptible d’orienter le diagnostic, donc le choix thérapeutique.

Suivi du traitement

Le CA 15-3 est recommandé pour le suivi de la chimiothérapie. Dans le cas d’uneaugmentation significative du taux sur deux dosages consécutifs, on peut penserque le traitement n’est pas efficace et proposer une autre thérapeutique. Cependant,

Bilan et recommandations 2007 199

nous rappelons d’une part que les critères définissant une différence significativeentre deux taux ne sont pas clairement établis et que, d’autre part, la non-normali-sation des différents tests ne l’est pas non plus.

Le dosage est le plus souvent effectué par technique immunométrique, par tech-nique sandwich, avec anticorps monoclonaux mais les différentes sociétés mettantà disposition le dosage CA 15-3 sur leur automate font appel à des anticorps mono-clonaux différents, sans standardisation entre elles. Ceci entraîne pour certainspatients une variation importante des résultats qui rend indispensable le suivi dechaque patient dans le même laboratoire.

Dépistage des récidives

La sensibilité est variable selon le site métastatique. Elle est plus importante pour leslocalisations hépatiques et les épanchements pleuraux, moindre pour les métastasesosseuses et pulmonaires, voire médiocre pour les métastases cérébrales. La sensibi-lité varie également en fonction du stade de la tumeur primitive (présence ou nonde récepteurs de l’estradiol dans la tumeur). La sensibilité du CA 15-3 est supérieurechez les patientes RH+.– Recommandations de l’Anaes :

- Aucun examen complémentaire n’est recommandé pour le dépistage des méta-stases à distance chez les patientes asymptomatique.

- Chez une femme asymptomatique, le suivi se fait par l’examen clinique et lamammographie. Le protocole est le même quel que soit le type histologique etle caractère invasif ou in situ de la lésion initiale.

– Recommandations de la FNCLCC :- Une valeur élevée du CA 15-3 (> 40) lors d’une récidive locorégionale doit

orienter vers l’existence de métastases et les faire rechercher si la prise encharge peut en être modifiée.

- La concentration du CA 15-3 lors du diagnostic de métastase ne semble pasêtre un élément pronostique de réponse au traitement.

- Son dosage pendant le suivi du traitement des métastases constitue une aide àl’évaluation de l’efficacité thérapeutique qui ne doit pas remplacer l’examenclinique.

- Problèmes soulevés dans les recommandations de la FNCLCC :a- Pour le diagnostic précoce des métastases, l’efficacité des marqueurs tumo-

raux et en particulier du CA 15-3 est reconnue et permet une avance sur lediagnostic.

b- Cependant, le bénéfice pour les patients du traitement précoce en termes dedélai d’apparition des signes cliniques et de survie globale n’est pas prouvé.

c- Enfin, le bénéfice du traitement précoce des métastases doit être évalué dansle cadre d’une étude prospective, même si celle-ci semble difficile à réaliser.

En ce qui concerne les autres marqueurs utilisables, si le taux CA 15-3 est initia-lement élevé, il n’y pas lieu de doser d’autres marqueurs en routine. En revanche,lorsque le CA 15-3 est normal, pour pouvoir apprécier l’efficacité ultérieure du trai-

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tement, il est intéressant de s’appuyer sur d’autres marqueurs comme l’ACE, etbeaucoup plus rarement le TPA ou le TPS.

Les autres marqueurs en cours d’évaluation n’ont pas encore montré une utilitésupérieure. Leur dosage n’est pas recommandé actuellement.

Recommandations 2007Une seule exception peut être retenue dans un cadre clinique précis, à savoir : ledosage sérique du domaine extra cellulaire de HER2 pour l’indication et la sur-veillance d’une thérapeutique ciblée à savoir le traitement par herceptine.L’indication pouvant être posée pour des patientes métastatiques dont le statut d’ex-pression/amplification HER2 de la tumeur primitive est impossible.

Le groupe de Hayes et Henderson en 2001 (9) démontre la signification péjora-tive d’un sous-groupe de patients surexprimant HER2 mais dont on peut détecterdans le sérum la présence du domaine extracellulaire (ECD) de HER2. Cette formecirculante du ECD/HER2 ou S HER2 peut être due au relargage après protéolyse pardes métalloprotéases spécifiques. Ce clivage du domaine extracellulaire a pourconséquence la libération et l’activation du domaine intracellulaire. Ce clivage estbloqué entre autres par l’anticorps « herceptine » empêchant l’activation dudomaine intracellulaire. L’ensemble de ces raisons associé à un mauvais pronosticavec l’activation de HER2 et la facilité de détermination de ces paramétriquessériques devrait prendre une place précise dans l’évaluation des patientes.

Une étude récente du Southwest Oncology Group Study (Clin Vol 10 n° 175670) met en évidence, dans les tumeurs du sein évoluées RO_ positives proposéespour une thérapeutique par tamoxifène, l’intérêt d’évaluations biologiques pourprédire l’évolution clinique et la sensibilité au TAM serait une prise en compte del’expression de HER2 (pouvant être associé à une amplification) et de l’expressionde HER1. Si l’expression HER1/HER2 est élevée, des voies de phosphorisation durécepteur RE sont activées rendant la réponse au TAM faible et transitoire. Ces voiesalternatives d’échappement thérapeutiques peuvent faire envisager l’utilisation dethérapeutiques ciblées anti-HER2 HER1 pour restaurer la sensibilité au TAM. Cecia été démontré dans des modèles in vivo et sur le plan clinique dans plusieurs étudesnon randomisées et par l’étude du Southwest Oncology Group Study.

Références1. Anaes (2004) Dépistage du cancer du sein en médecine générale. Paris : Anaes 2. Bast RC, Ravdin P, Hayes DF et al. (2001) 2000 updade ofrecommendations

for the use of tumor markers in breast and colorectal cancer: clinical practiceguidelines of the American Society of Clinical Oncology. J Clin Oncol 19:1865-78

Bilan et recommandations 2007 201

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4. Duffy M, Esteva F, Harbeck N et al. (2006) National Academy of clinical bio-chemistry guidelines for the use of tumor markers in breast cancer.www.nacb.org.

5. Ebeling FG, Stieber P, Untch M et al. (2002) Serum CEA and CA 15-3 as pro-gnostic factors in primary breast cancer. Br J Cancer 22: 1217-22

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7. Ravanel N, Brand FX, Pasquier D, Mousseau M, Gauchez AS (2005) Cerb-B2ou HER-2 : marqueur d’intérêt dans la prise en charge du cancer du sein ?Immuno-analyse et biologie spécialisée 20: 92-5

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