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HAL Id: tel-01885962 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01885962 Submitted on 2 Oct 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Contribution de la socialisation organisationnelle au management des forces de vente externes : cas des vendeurs indépendants des entreprises gabonaises Arsène Eyeghe Eboue Dit Aya Ndzang To cite this version: Arsène Eyeghe Eboue Dit Aya Ndzang. Contribution de la socialisation organisationnelle au manage- ment des forces de vente externes: cas des vendeurs indépendants des entreprises gabonaises. Gestion et management. Université Paul Valéry - Montpellier III, 2018. Français. NNT: 2018MON30007. tel-01885962

Contribution de la socialisation organisationnelle au

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HAL Id: tel-01885962https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01885962

Submitted on 2 Oct 2018

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Contribution de la socialisation organisationnelle aumanagement des forces de vente externes : cas desvendeurs indépendants des entreprises gabonaises

Arsène Eyeghe Eboue Dit Aya Ndzang

To cite this version:Arsène Eyeghe Eboue Dit Aya Ndzang. Contribution de la socialisation organisationnelle au manage-ment des forces de vente externes : cas des vendeurs indépendants des entreprises gabonaises. Gestionet management. Université Paul Valéry - Montpellier III, 2018. Français. �NNT : 2018MON30007�.�tel-01885962�

Page 2: Contribution de la socialisation organisationnelle au

1

Délivré par UNIVERSITE PAUL-VALERY

MONTPELLIER III

Préparée au sein de l’école doctorale 60

Et de l’unité de recherche CORHIS

Spécialité : SCIENCES DE GESTION

Présentée par EYEGHE EBOUE DIT AYA NDZANG

ARSENE JEAN DANIEL

Soutenue le 27 juin 2018 devant le jury composé de

Mme Florence NOGUERA, Professeur des Universités,

Université de Montpellier III.

Président du Jury

M. Jean Michel PLANE, Professeur des Universités,

Université de Montpellier III.

Directeur de thèse

M. Hervé NDOUME ESSINGONE, Maitre de

conférences Agrégé CAMES, Institut National des

Science de Gestion (Gabon).

Co-directeur de thèse

M. Christian DEFELIX, Professeur des Universités,

Université de Grenoble.

Rapporteur

Mme Anne LOUBES, Professeur des Universités,

Université de Montpellier.

Rapporteur

CONTRIBUTION DE LA SOCIALISATION

ORGANISATIONNELLE AU MANAGEMENT

DES FORCES DE VENTE EXTERNES : CAS

DES VENDEURS INDEPENDANTS DES

ENTREPRISES GABONAISES

Page 3: Contribution de la socialisation organisationnelle au

2

L’université n’entend donner aucun approbation ni improbation

aux opinions émises dans les thèses : ces opinions doivent être

considérées comme propre à leur auteur.

Page 4: Contribution de la socialisation organisationnelle au

3

RESUME

CONTRIBUTION DE LA SOCIALISATION ORGANISATIONNELLE AU MANAGEMENT DES

FORCES DE VENTE EXTERNES : CAS DES VENDEURS INDEPENDANTS DES ENTREPRISES

GABONAISES

La force de vente est un système humain, et de relations humaines complexes qui se distingue par une activité de gestion spécifique fondée sur le contrôle et la supervision directe des vendeurs dans leurs activités quotidiennes. Pour décrypter ces relations entre les acteurs, nous avons mobilisé le concept de socialisation organisationnelle, à la fois parce qu’il propose une lecture nouvelle de la réalité managériale, mais aussi parce qu’il constitue un modèle d’influence à même de réguler les comportements organisationnels des acteurs. Cette thèse a pour objectif d’éclairer le management des vendeurs indépendants en situation d’intégration, et d’expliquer pourquoi le turnover de ces vendeurs est aussi élevé au cours de cette phase cruciale du processus de socialisation. L’exploitation du potentiel théorique du concept de socialisation pose néanmoins la question de la pertinence d’une telle étude, étant donné que les vendeurs indépendants peuvent se soustraire à toute forme de socialisation, parce qu’ils n’appartiennent pas juridiquement à l’entreprise. Pour cela, nous menons une première étude qui permet de mettre en évidence le caractère aléatoire et naturel de la socialisation dans ces organisations, à travers les interactions. Nous proposons donc de conceptualiser la socialisation du vendeur indépendant, et la considérons comme un processus de construction de la relation managériale. Le modèle d’analyse que nous développons articule le cadre d’analyse interactionniste de la socialisation à travers le processus de construction de sens, la théorie de la régulation sociale, et la théorie du contrat psychologique. Il est testé sur le terrain, à travers une étude qualitative, mobilisant la méthode des cartes cognitives. En s’appuyant sur les représentations mentales des principaux acteurs de la socialisation du vendeur indépendant, nous souhaitons produire des connaissances qui tiennent compte des réalités et des contextes dans lesquels ces forces de vente exercent. Les résultats de notre recherche mettent en évidence la complexité des schèmes étudiés. Ceux-ci révèlent la difficulté à faire converger les intérêts des acteurs dans leur collaboration. Ils révèlent aussi l’existence d’une socialisation partielle due, en partie, au fait que les entreprises évoluent difficilement dans leurs pratiques de gestion ; les connaissances acquises par les nouveaux vendeurs portent essentiellement sur les aspects commerciaux du travail ; les relations entre membres de la force de vente ne sont pas prises en compte dans le processus de socialisation. Finalement, les vendeurs partent parce que les composantes de leurs relations avec l’entreprise ne correspondent pas à leur système de valeurs. Dans ce cas, nous proposons de gérer et de formaliser la socialisation du vendeur indépendant, en prônant un management et un leadership partagé qui permettrait de prendre en compte les intérêts des différents acteurs.

Mots clés : Management des forces de vente, socialisation organisationnelle, vendeur indépendant, intégration, turnover, relation managériale, carte cognitive.

Page 5: Contribution de la socialisation organisationnelle au

4

ABSTRACT

THE CONTRIBUTION OF THE ORGANIZATIONAL SOCIALIZATION TO THE MANAGEMENT OF EXTERNAL SALES TEAMS: CASE OF INDEPENDENT SALES AGENTS IN THE GABONESE

COMPANIES.

Sales force is a human and complex human relations system that is characterized by a specific management activity based on the control and the direct supervision of the sales agents in their daily activities. In order to decrypt these relations between the actors, we have mobilized the concept of organizational socialization, both because it proposes a further reading of the managerial reality, but also because it constitutes a model of influence able to regulate the organizational behaviors of the actors. This thesis aims at enlightening the management of the independent sales agents into labor integration process, and explaining why the turnover of the sales agents is so high during that critical stage of socialization process. The exploiting of the theoretical potential of the concept of socialization nevertheless arises the issue of the relevance of such a study, given the independent sales agents can avoid any kind of socialization, because legally they don’t belong to the company. For that we make a first survey that enables us to point out the random and natural character of the socialization in these organizations through interactions. We propose thus to conceptualize the socialization of the independent salesman, and we consider it as a construction process of the management relation. The analysis model that we develop uses the interactionnist analysis framework of the socialization through the process of building a sense, the theory of the social regulation, and the theory of psychological contract. It has been field-tested through a qualitative research study, mobilizing the method of cognitive cards. On the basis of the mental representations of the main actors of the independent sales agents ‘socialization, we wish to produce skills that take into account realities and the environments in which these sales teams work. The results of our research show clearly the complexity of the schemes studied. These reveal the difficulty of converging the actors ‘interests in their collaboration. They reveal also the existence of a partial socialization due, partly, to the fact that the companies poorly evolve in their management practices. The skills acquired by the new sales agents are based essentially on the commercial aspects of work. The relations between the sales workforces are not taken into account in the socialization process. Finally, the sales agents leave work because the components of their relations with the company do not match with their value system. In that case, we propose to manage and formalize the socialization of the independent sales agent, recommending shared management and leadership that would permit to take into account the interests of the different actors. Key words: Sales force Management, Organizational socialization, Independent sales agent, Integration, Turnover, Managerial relation, Cognitive card.

Page 6: Contribution de la socialisation organisationnelle au

5

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier d’abord chaleureusement mes deux directeurs de thèse, le professeur Jean

Michel PLANE, pour sa confiance et son soutien permanent dans l’évolution de ma thèse ; et le

professeur Hervé NDOUME qui a cru en moi et m’a soutenu par les conseils et les orientations

qu’il à donné à mon travail de recherche. Au-delà de simples remerciements, je souhaite leur

témoigner toute ma reconnaissance et ma fidélité.

Mes remerciements vont aussi directement aux professeurs Anne : LOUBES et Christian

DEFELIX pour l’intérêt qu’ils ont bien voulu accorder à mon travail de recherche en acceptant

d’être rapporteurs dans le jury de soutenance. Je remercie également le professeur Florence

NOGUERA de prendre part au jury de soutenance en qualité de président.

Mes remerciements s’adressent aussi…,

Aux membres du groupe ORHA et du laboratoire Corhis, pour leur soutien et les conseils très

constructifs qu’ils ont bien voulu nous apporter dans le cadre des réunions de recherche, et qui

ont permis de faire évoluer mon travail de recherche. Je tiens particulièrement à remercier le

professeur émérite Alain BRIOLE pour sa bienveillance toutes ces années de dur labeur.

Aux membres du laboratoire Larsig de l’Institut Supérieur de Technologie (I.S.T), pour les

échanges qu’ils ont permis à travers l’organisation du Colloque International de Libreville (CIL).

Je tiens à particulièrement à remercier les initiatives du Docteurs Simon PETER et de toute

l’équipe du Larsig.

A ceux devenus docteurs et/ou en passe de le devenir, je pense particulièrement à ceux qui ont

« pris le train » en même temps que moi, Serge, Michael, Marina, Faviola et les autres : aux uns,

je souhaite une belle carrière dans la recherche ; aux autres, beaucoup de courage dans une

œuvre qui en vaut la peine.

A ma famille, merci à mes frères Jean Flavien (John), Marcellin, Augustin, Etienne, Ghislain,

Alex, Brice pour leur soutien spirituel, financier et matériel dans la mesure de leurs moyens.

Page 7: Contribution de la socialisation organisationnelle au

6

SOMMAIRE

Introduction générale…………………………………………………………………….. 11

Première partie : Cadre théorique et conceptuel de la recherche……………………... 34

Chapitre 1. Etat de l’art sur le management des forces de vente………….…………... 35

Section 1. Le champ de recherche du management des forces de vente ……………..…… 36

Section 2. Les développements récents de la socialisation organisationnelle…………….. 80

Chapitre 2. Analyse de la littérature autour du concept de la socialisation

organisationnelle …………………………………………………………………………..

98

Section 1. Le champ de recherche du management des forces de vente………………….. 100

Section 2. La socialisation organisationnelle : un dispositif du contrôle social………….. 132

Chapitre 3. Cadre conceptuel et analytique de la recherche….………………………... 164

Section 1. La socialisation du vendeur indépendant : un processus de construction de la

relation managériale…………………………………………..…………………………….

165

Section 2. Le modèle de socialisation du vendeur indépendant…………………………… 186

Conclusion première partie………………………………………………………………. 213

Deuxième partie : La socialisation du vendeur indépendant : une construction de la

réalité sociale……………………………………………………………………………….

214

Chapitre 4 : Epistémologie et méthodologie de la recherche…………………………... 215

Section 1 : Positionnement épistémologique de la recherche……………………………… 216

Section 2 : les choix méthodologiques de la recherche…………………………………..... 229

Chapitre 5 : Les résultats de la recherche……………………………………………….. 261

Section 1. L’analyse de la structure des cartes cognitives………………………………… 262

Section 2. L’analyse du contenu des cartes cognitives……………………………............ 287

Section 3. Des cartes cognitives à la socialisation du vendeur indépendant……………… 322

Chapitre 6 : Discussion générale…………………………………………………………. 334

Section 1 : Discussion des résultats………………………………………………………. 335

Section 2 : Discussion sur la gestion de la socialisation du vendeur indépendant……… 353

Conclusion générale………………………………………………………………………. 369

Bibliographie………………………………………………………………………………. 380

Table des matières………………………………………………………………………… 401

Annexes……………………………………………………………………………………. 407

Page 8: Contribution de la socialisation organisationnelle au

7

LISTE DES FIGURES

Figure 1.Modèle de Quivy et Van Campenhoudt (1995) .............................................................. 27

Figure 2. Définition du rôle dans le cadre social ........................................................................... 51

Figure 3. Les formes et statuts de la force de vente ...................................................................... 52

Figure 4. Rubriques courantes dans la mesure de la performance du vendeur / entreprise .......... 64

Figure 5. Conceptualisation de la performance du vendeur .......................................................... 65

Figure 6. Critères d’évaluation de la performance du vendeur ..................................................... 67

Figure 7. Les différentes formes d’emplois en France .................................................................. 91

Figure 8. Modèle général de la socialisation organisationnelle du salarié (Lacaze, 2005) ......... 106

Figure 9.Processus d'attribution de sens lors de l'entrée organisationnelle ................................. 120

Figure 10. Adapté du processus d'ajustement de Reiger et Wrong-Reiger (1991) ..................... 137

Figure 11. Modèle de socialisation des forces de vente .............................................................. 156

Figure 12. La vitesse du processus de socialisation, une fonction de la proaction des nouvelles recrues et des membres de l'organisation (Reichers, 1987) ........................................................ 175

Figure 13. Typologie des relations managériales à travers la littérature en management........... 178

Figure 14. Modèle dynamique d'organisation d'après Weick (1979) .......................................... 193

Figure 15. Modèle d'analyse de la socialisation du vendeur indépendant .................................. 211

Figure 19. Boucle de récursive (David, 1999) ............................................................................ 226

Figure 16. Le processus d’élaboration d'une carte cognitive ...................................................... 239

Figure 17. Illustration des concepts de "sentiers" et de "boucles" .............................................. 250

Figure 18.Exemple de carte cognitive et de matrice correspondante .......................................... 251

Page 9: Contribution de la socialisation organisationnelle au

8

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Une sélection de modèles d’aide à la décision de l force de vente (Aït-Ouyahia, 2001) ....................................................................................................................................................... 42

Tableau 2. Niveau de contrôle en fonction du lieu d’activité et statut du vendeur ....................... 43

Tableau 3. Condensé des leviers de contrôle des forces de vente ................................................. 45

Tableau 4. Condensé d’hypothèses sur les incitatifs financiers (Darmon, 1974, 1977) ............... 59

Tableau 5. Récapitulatif des coûts suscités par le turnover ........................................................... 76

Tableau 6. Les formes de l’opportunisme et les résultats possibles .............................................. 88

Tableau 7. Les stades psychosexuels du développement (Freud) ............................................... 103

Tableau 8. Développement mental et socialisation selon Piaget (1964) ..................................... 104

Tableau 9. Typologie des tactiques de socialisation de Van Maanen et Schein (1979) ............. 116

Tableau 10. Les tactiques de socialisation organisationnelles (Jones, 1986) .............................. 118

Tableau 11. La proactivité des nouvelles recrues ....................................................................... 125

Tableau 12. Les domaines de socialisation (Fischer, 1986) ........................................................ 129

Tableau 13. Types de sources de candidats et expérience pertinente initiales ............................ 154

Tableau 14.Le type idéal d'intégration professionnelle et ses déviations ................................... 170

Tableau 15. Pratiques de socialisation identifiées ....................................................................... 173

Tableau 16. Condensé des différentes composantes de la relation managériale ......................... 180

Tableau 17. Les formes de la confiance (Bornarel, 2007) .......................................................... 182

Tableau 18. Types d'agents de socialisation................................................................................ 188

Tableau 19.Schéma de réponse conditionné (Weick, 1979) ....................................................... 190

Tableau 20. Contrats transactionnels et relationnels selon DE VOS (2002) .............................. 205

Tableau 21. Liste des nouveaux vendeurs interviewés ............................................................... 234

Tableau 22. Liste des vendeurs séniors interviewés ................................................................... 235

Tableau 23. Liste des responsables commerciaux interviewés ................................................... 235

Tableau 24. Les différentes méthodes de collecte des données (adapté de Allard-Poesi et al, 2000, p. 452) ................................................................................................................................ 241

Tableau 25. Méthodes d’établissement des cartes collectives (méthodes d'agrégation) ............. 242

Tableau 26. Méthodes d'établissement des cartes collectives (méthodes globales) .................... 243

Tableau 27. Les différentes techniques de collecte de données dans la littérature ..................... 245

Tableau 28. Arbitrage entre fiabilité et validité de la collecte et du codage des données ........... 255

Tableau 29. Quelques démarches d'analyse comparative de concepts restreints ........................ 258

Tableau 30. Tableau de la structure des cartes collectives à partir des indicateurs généraux et locaux .......................................................................................................................................... 261

Tableau 31. Centralité moyenne des cartes collectives ............................................................... 264

Tableau 32.Importance relative des 20 premières variables selon le nombre de liens directs et indirects ....................................................................................................................................... 267

Tableau 33. Facteurs influencés au moins par quatre autres facteurs ......................................... 268

Tableau 34. Facteurs influençant directement au moins quatre facteurs .................................... 268

Tableau 35. Résultat de l’analyse de regroupement (RC) ........................................................... 269

Tableau 36.Principales caractéristiques du schème des responsables commerciaux suggérés par l'étude de leur carte cognitive ...................................................................................................... 271

Tableau 37. Importance relative des 20 premières variable selon le nombre de liens directs et indirects ....................................................................................................................................... 272

Page 10: Contribution de la socialisation organisationnelle au

9

Tableau 38. Facteurs influencés au moins par quatre autres facteurs ......................................... 273

Tableau 39. Facteurs influençant au moins quatre autres facteurs .............................................. 274

Tableau 40. Les résultats de l'analyse de regroupement (NV) ................................................... 274

Tableau 41. Principales caractéristiques du schème des nouveaux vendeurs suggérés par l'étude de leur carte cognitive ................................................................................................................. 277

Tableau 42. Importance relative des 20 premières variables selon le nombre de liens directs et indirects ....................................................................................................................................... 278

Tableau 43. Facteurs influencés au moins par quatre autres facteurs ......................................... 279

Tableau 44. Facteurs influençant directement au moins quatre autres facteurs .......................... 280

Tableau 45. Résultat de l’analyse de regroupement (VS) ........................................................... 281

Tableau 46. Principales caractéristiques du schème des vendeurs séniors suggérés par l’étude de leur carte cognitive ...................................................................................................................... 284

Tableau 47. Synthèse des résultats de l’analyse de structure des cartes collectives ................... 285

Tableau 48. Récapitulatif des clusters des cartes assemblées ..................................................... 287

Tableau 49. Actions de l'entreprise pour motiver les nouveaux vendeurs .................................. 303

Tableau 50. Croisement des critères de centralité et de domaine de la carte collective des nouveaux vendeurs. ..................................................................................................................... 308

Tableau 51. Croisement des critères de centralité et de domaine de la carte collective des vendeurs séniors. ......................................................................................................................... 309

Tableau 52. Croisement des critères de centralité et de domaine de la carte collective des responsables commerciaux. ......................................................................................................... 309

Tableau 53. Mise en évidence du concept le plus important ...................................................... 310

Tableau 54. Déterminants et conséquence de la motivation du vendeur indépendant. ............... 314

Tableau 55. Antécédents de la maitrise des aspects techniques du travail ................................. 319

Tableau 56. Synthèse de l'analyse de contenu des cartes collectives .......................................... 321

Tableau 57. Synthèse : mise en perspective de la socialisation du vendeur indépendant ........... 331

Tableau 58. Typologie des déterminants du turnover ................................................................. 344

Page 11: Contribution de la socialisation organisationnelle au

10

LISTE DES EXTRAITS DE CARTE

Extrait de carte 1. Boucles présentes dans la carte des responsables commerciaux ................... 271

Extrait de carte 2. Boucles présentes dans la carte cognitive des nouveaux vendeurs ....... 276

Extrait de carte 3. Boucles présentes dans la carte cognitive des vendeurs séniors .................... 283

Extrait de carte 4. Chaine d'argumentation N°1 sur la motivation du vendeur (NV) ................. 315

Extrait de carte 5. Chaine d'argumentation N°2 sur la motivation du vendeur (NV) ................. 316

Extrait de carte 6. Chaine d'argumentation N°3 sur la motivation du vendeur (NV) ................. 316

Extrait de carte 7. Chaine d'argumentation N°4 sur la motivation du vendeur (NV) ................. 317

Extrait de carte 8. Chaine d'argumentation N°1 sur la motivation du vendeur (RC) .................. 317

Extrait de carte 9. Chaine d'argumentation N°2 sur la motivation du vendeur (RC) .................. 318

LISTE DES ANNEXES

Annexe 1. Guide d’entretien des responsables commerciaux………………………….. 408 Annexe 2. Guide d’entretien des nouveaux vendeurs…………………………………… 409 Annexe 3. Guide d’entretien des vendeurs séniors………………………………………. 410 Annexe 4. Les résultats de l’étude préliminaire………………………………………….. 411 Annexe 5. Listes complètes des résultats de l’analyse de regroupement ………………... 423 Annexe 6. Cartes des clusters des responsables commerciaux…………………………… 428 Annexe 7. Cartes des clusters des nouveaux vendeurs…………………………………… 430 Annexe 8. Cartes des clusters des vendeurs séniors……………………………………… 432 Annexe 9. Cartes cognitive collective des nouveaux vendeurs…………………………. 434 Annexe 10. Carte cognitive collective des vendeurs séniors…………………………….. 435 Annexe 11. Carte cognitive collective des responsables commerciaux………………….. 436

LISTE DES ABREVIATION

ACP : Analyse en Composante Principale DRH : Direction des Ressources Humaines GRH : Gestion des Ressources Humaines NV : Nouveau Vendeur RC : Responsable Commercial VS : Vendeur Sénior

Page 12: Contribution de la socialisation organisationnelle au

11

INTRODUCTION GENERALE

Les mutations socio économiques de ces vingt dernières années, avec notamment les

nouveaux défis suscités par la mondialisation et la globalisation des échanges, ont remis au goût

du jour les vertus de la vente1. Pour de nombreux chefs d’entreprises, être compétitif c’est aussi

répondre avec efficacité et mieux que le concurrent aux besoins du consommateur, où qu’il se

trouve. Il s’agit donc pour l’entreprise d’être présente partout où est exprimé un besoin pour ses

produits, et la force de vente demeure dans ce contexte un moyen privilégié pour atteindre le

client et communiquer sur les avantages de son offre. Cependant, pour assurer cette présence sur

le marché, les entreprises doivent mobiliser un nombre important de vendeurs et s’assurer que

ces derniers possèdent les compétences qu’elles recherchent, et que celles-ci sont utilisées dans

leur intérêt, sans que cela n’engendre des coûts jugés excessifs. Pour répondre à ce besoin de

commerciaux, les entreprises font appel à des forces de vente externes, pour disposer des

compétences dont elles ont besoin, et pour en réduire significativement leurs coûts.

La notion de force de vente externe renferme plusieurs réalités. Ainsi, Zeyl et Dayan (2003)

utilisent le terme de force de vente déléguée pour désigner des vendeurs externes à l’entreprise,

par opposition aux vendeurs salariés. Deux catégories de vendeurs composent généralement cette

force de vente : les VRP multicartes et les agents commerciaux. Les VRP multicartes sont des

salariés de plusieurs entreprises, mais ne coûtent en réalité à celles-ci qu’un pourcentage des

ventes réalisées. L’agent commercial est un chef d’entreprise (Moulinier, 2005) qui travaille en

toute indépendance pour le compte de plusieurs entreprises, et est payé à la commission. Il

s’organise à détenir des contrats complémentaires et non concurrentes. Dans le même ordre

d’idées, le terme force de vente externalisées est également utilisé pour désigner des vendeurs

externes. Ces forces de vente, le plus souvent salariées, sont proposées par des prestataires de

vente pour intervenir auprès d’autres entreprise, dans des secteurs variés.

Cette recherche s’intéresse particulièrement au management des vendeurs indépendants

travaillant sous le statut d’agent commercial. Ces vendeurs sont liés à l’entreprise par un contrat

commercial, et leur relation d’emploi est souvent qualifiée d’atypique dans la mesure où elle

s’écarte de la norme qu’est le contrat de travail (Everaere, 1999). La littérature indique que le

développement des emplois atypiques pose le problème du management de cette catégorie

d’employés (Louart, 1993). En effet, la position des vendeurs à l’extérieur des frontières de

1 Selon Ganassali, l’émergence du marketing avait contribué à reléguer la force de vente à une position subalterne…

Page 13: Contribution de la socialisation organisationnelle au

12

l’entreprise, et l’encadrement juridiques de leurs activités rend difficile la gestion et l’orientation

des comportements individuels. Nous croyons qu’en nous appuyant sur les normes sociales, il

est possible d’apporter une autre lecture du management des forces de vente.

A travers cette introduction générale, nous présenterons l’intérêt de conduire une

recherche sur le management des vendeurs indépendants (1), l’intérêt de socialiser les vendeurs

indépendants (2), l’objet de la recherche et la formulation de la problématique (3), la

présentation de la démarche de recherche (4), les choix méthodologiques de la recherche (5) les

apports attendus (6), et la présentation de la thèse (7).

1. L’INTERÊT DE CONDUIRE UNE RECHERCHE SUR LE MANAGEMENT DES

VENDEURS INDEPENDANTS.

A l’origine, le travail de vendeur indépendant est considéré comme une activité libre que des

individus peuvent adopter, soit comme une activité principale (en attendant de trouver un

emploi), soit comme une activité d’appoint, source d’un complément de revenu (Lessassy, 2007,

cité par Tsapi et Gilardi, 2011). Cependant, la mondialisation des échanges et la recherche d’une

plus grande compétitivité pour les entreprises à favorisé le développement d’une forme d’emploi

non salariale dans la vente, à laquelle n’étaient pas préparés plusieurs entreprise.

1.1. Le développement de l’emploi de vendeur indépendant sur le marché

Les politiques d’emplois développées ces dernières années dans le cadre de la flexibilité de

l’emploi (Evéraeré, 1977), ont conduit de nombreuses entreprises à recourir à des ressources

humaines commerciales externes afin de répondre aux contraintes et aux incertitudes que

présente leur environnement immédiat. Face à ces mutations organisationnelles, les modèles de

gestion traditionnels (hiérarchie et marché) présentent des limites et deviennent très vite

inopérants car, dans le même temps, les entreprises utilisant des forces de vente externes veulent

s’assurer que ces ressources humaines œuvrent totalement en faveur de ses intérêts. Les

conséquences de ces inadaptations, sont nombreuses en termes de management. Elles peuvent

aller de la simple démotivation au départ des ressources concernées, soulignant par la même

occasion l’échec de la décision d’externaliser. Face au double enjeu de réduire l’incertitude et les

contraintes économiques d’une part, et de s’assurer de la prise en compte de ses intérêts d’autre

part, il importe d’envisager un modèle de gestion alternatif de ces ressources dont l’intérêt est de

bénéficier des avantages liés à l’externalisation tout en ayant l’assurance que les objectifs

commerciaux de l’entreprise sont pris en compte.

Page 14: Contribution de la socialisation organisationnelle au

13

Dans l’opinion l’utilisation des forces vente externes est diversement appréciée, selon les

contextes. Si, dans les pays anglo-saxons l’emploi de vendeur indépendant est très répandu et

s’adapte parfaitement aux pratiques des entreprises, cette pratique rencontre auprès des managers

français des limites de nature culturelle (Gosse et al, 2001). En effet, la crainte de déléguer et

d’être privé du management des hommes constitue, pour les responsables commerciaux, un frein

à l’externalisation. Selon le Baromètre Outsourcing (2005) publié par Ernst et Young, C’est le

premier critère cité par 23% des entreprises qui ne pratiquent pas l’externalisation, et 16% pour

celles qui la pratiquent. Dans les pays en voie de développement, et en particulier au Gabon qui

constitue notre terrain d’étude, la pratique de l’externalisation est encore au stade embryonnaire.

Les développements récents de la vente directe au consommateur ont favorisé l’émergence des

réseaux de vendeurs indépendants, propulsant ainsi les managers en charge des forces de vente

au cœur d’un système de gestion complexe, dans lequel ils doivent gérer de multiples relations et

piloter directement des réseaux d’agents indépendants. Les entreprises peuvent donc vendre

directement à leurs clients par l’intermédiaire d’une force de vente qu’elle compose et forme aux

produits de l’entreprise, et la force de vente externe devient un modèle d’organisation privilégié

par de nombreux chefs d’entreprises. Dans certains secteurs d’activité comme l’assurance-vie,

elle apparaît même comme une nécessité pour les entreprises qui souhaitent avoir une capacité

de couverture suffisante de leur territoire de vente. Ainsi, le vendeur indépendant est considéré

comme un collaborateur extérieur qui prospecte et négocie des affaires pour le compte d’un tiers.

Il a progressivement pris place dans la chaine de commercialisation de l’entreprise, en cohabitant

avec le vendeur salarié au sein d’une même force de vente, ou en devenant dans certaines

entreprises la principale ressource humaine commerciale. Cependant, si l’utilisation des forces de

vente externes est particulièrement appréciée pour les économies et la flexibilité qu’elle permet

de réaliser, le management de ces vendeurs pose des problèmes d’ordre pratique et juridique, à

l’origine des nombreux dysfonctionnements constatés au sein de ces organisations.

1.2. Les atermoiements de la recherche

Depuis, quelques années, la littérature managériale fait écho des bienfaits de l’utilisation des

forces de vente externalisées, aussi bien sur la réduction des coûts de gestion, que sur la capacité

qu’elle offre à l’entreprise d’étendre son marché et de devenir plus compétitive. Comme le

souligne ces écrits à caractère promotionnels, « quel directeur commercial n’a jamais rêver

d’une force de vente flexible, évolutive et capable de s’attaquer à toutes sortes de marchés

suivant l’évolution de la demande, de la conjoncture et des objectifs de l’entreprise ? Avec une

force de vente externalisée ce rêve est accessible. Pour autant, quand on fait appel à des

commerciaux ‘‘outsource’’ de manière permanente ou ponctuelle, encore faut-il savoir les

Page 15: Contribution de la socialisation organisationnelle au

14

manager, les intégrer à l’équipe de vente et les motiver »2. Cette réflexion montre à suffisance

qu’au delà des aspects stratégiques, la décision d’utiliser des ressources humaines externes à

l’entreprise comporte aussi des enjeux managériaux. Mais la littérature est quasi inexistante dans

ce champ de la recherche, et les managers de vente ne possèdent pas toujours les outils

appropriés pour faire face à l’évolution de leur environnement de travail. Les premiers entretiens

réalisés auprès des vendeurs et des responsables commerciaux permettent de faire un certain

nombre de constats.

Le premier constat concerne la pénurie des vendeurs de qualité sur le marché, et en particulier

la difficulté pour les entreprises à trouver sur le marché des vendeurs indépendants suffisamment

qualifiés. Les informations recueillies dans le cadre de notre étude préliminaire révèlent que la

difficulté repose davantage sur des considérations d’ordre socioculturel, fondées sur les

croyances négatives que les individus développent au sujet du vendeur indépendant, plutôt que

sur des raisons purement économiques. En effet, dans l’imaginaire collectif gabonais, le vendeur

indépendant présente une image de précarité, qui n’attire pas toujours les meilleurs profils à

postuler pour cet emploi. Comme nous l’avons souligné précédemment, le vendeur indépendant

est un prestataire de vente qui vit essentiellement des commissions qu’il perçoit sur les ventes

réalisées, et qui assume les risques de son activité ainsi que les coûts de sa protection sociale.

Ainsi, à défaut d’attirer les meilleurs profils, les entreprises sont dans l’obligation de recruter des

vendeurs dont les profils sont éloignés des standards recherchés, en espérant que ceux-ci finiront

par s’adapter. Ce qui implique des efforts importants en matière de formation, que les entreprises

ne sont toujours pas disposées à fournir, compte tenu de l’orientation stratégique de leurs

activités.

Le deuxième constat concerne la gestion au quotidien des activités des vendeurs. Le cas de

l’agent commercial dont l’activité est parfaitement encadrée par la loi est édifiant. Ce vendeur

exerce pour le compte d’une ou plusieurs entreprises une activité de représentation commerciale

qui l’implique profondément dans la vie des entreprises. Lorsqu’il est employé exclusivement et

de façon permanente pour une marque ou pour une enseigne, il lui est interdit de travailler pour

la concurrence, et accessoirement d’occuper des emplois pouvant nuire, en termes d’image, au

premier emploi. De fait, le vendeur se situe dans une position complexe dans laquelle il fait

l’objet d’un encadrement de plus en plus étroit de l’entreprise qui l’emploi. Juridiquement, il est

considéré comme un indépendant, mais dans la réalité son activité est économiquement

contrainte. D’une part, il est considéré comme un prestataire extérieur, et il entretient avec

l’entreprise des relations d’affaires. D’autres parts, il est considéré comme un employé, ce qui le 2

Page 16: Contribution de la socialisation organisationnelle au

15

situe dans une position de subordination par rapport à l’entreprise. Cette position hybride à des

implications sur le management ; le vendeur étant partagé entre plusieurs rôles, il expérimente

des tensions de rôle qui peuvent engendrer chez lui des frustrations ; celles-ci pouvant à leur

tour se traduire par un faible engagement de sa part, et l’intention de rompre sa collaboration

avec l’entreprise. Selon Commeiras et al (2003), cette position situe le vendeur dans une double

position frontalière, car il est imbriqué dans deux systèmes différents. Autrement dit, le

management des forces vente peine à trouver une voie médiane, entre une supervision très étroite

qui empêcherait le vendeur de jouir pleinement de son statut d’indépendant, et une supervision

très large qui priverait l’entreprise de conserver la direction de sa force de vente, et par

conséquent la maitrise de son marché.

De façon générale, les règles de gestion déployées par les entreprises à l’endroit de ces

vendeurs, sont souvent décalées de la réalité. Comme le souligne d’Iribarne (2003), le

management développé par les entreprises occidentales, notamment françaises s’apparente à un

« compromis mal ajusté » entre d’une part la culture de gestion des entreprises qui s’implantent,

et d’autre part les contraintes socioculturelles propres aux pays d’accueil. La tendance de

certaines entreprises, étant d’imposer leur mode de gestion, en faisant abstraction des réalités

locales.

Le troisième constat concerne les départs, encore très importants, des vendeurs nouvellement

arrivés dans l’entreprise. En effet, selon les informations recueillies dans l’étude préliminaire,

80% des personnes sélectionnés après un recrutement quittent l’entreprise dans les trois mois

qui suivent leur engagement. Cette statistique est particulièrement préoccupante pour

l’entreprise, car elle met en évidence l’extrême volatilité des vendeurs indépendants, et surtout

la difficulté à les maintenir dans cette position au sein des équipes de vente. Dans la littérature, le

turnover des forces de vente est défini comme le taux de départ des vendeurs causé par les

promotions, les démissions, les mises à la retraite ou les licenciements (Darmon, 1994 ; Cron et

De Carlo, 2006). Il concerne aussi bien les départs initiés par les organisations, que ceux décidés

par les vendeurs. Les recherches sur le turnover ont essentiellement porté sur les départs

volontaires des vendeurs salariés, ou à leur intention de quitter l’entreprise (Lucas, 1987 ; Jolson,

Dubinsky et Anderson, 1987 ; Futrel et Parasuraman, 1984 ; Williamson, 1984). Cependant, très

rarement ont été évoqués les départs volontaires des vendeurs indépendants. Le turnover reste

donc un des problèmes majeurs du management des forces de vente (Xardel, 1993), et l’une des

préoccupations des chercheurs a consisté à identifier les facteurs à l’origine afin de maîtriser le

phénomène. En effet, les recherches sur le turnover des vendeurs mettent en évidence les causes

multiples du phénomène, ainsi que ses conséquences (Holtom et al, 2008 ; Lucas et al, 1987 ;

Page 17: Contribution de la socialisation organisationnelle au

16

Jolson et al, 1987). Le turnover des vendeurs est un problème central du management des forces

de vente, mais très peu d’entreprises sont dotées de dispositifs permettant de le gérer. Nous

voulons apporter un éclairage nouveau sur le turnover des vendeurs, et particulièrement celui des

vendeurs indépendants.

Les constats énoncés ci-dessus témoignent des difficultés rencontrées par les managers des

ventes dans la gestion de leurs vendeurs indépendants, et des conséquences en termes de

turnover. Ils révèlent l’existence d’un biais managérial fondé sur une forme d’asymétrie sur les

outils utilisés. Ils mettent surtout en évidence deux préoccupations fondamentales, à savoir :

Comment attirer et retenir des vendeurs indépendants, alors que l’entreprise ne peut leur offrir

d’avantages crédibles en échange de leur fidélité ? Comment orienter les comportements des

vendeurs, alors que l’entreprise n’est pas liée hiérarchiquement à ses vendeurs ?

Pour comprendre ce décalage entre les pratiques de management mises en œuvre par les

entreprises, et la réalité des rapports sociaux au sein des forces de vente, nous proposons de

revenir sur l’entrée dans l’organisation des nouveaux vendeurs, plus connu sous le vocable

anglais « organizational entry » (Louis, 1980 ; Wanous, 1980), et repris en français sous le terme

d’intégration (Perrot, 2001). Pour Lacaze (2005), l’intégration est appréhendée « comme

l’accompagnement du nouveau salarié dans la maitrise des aspects techniques de son emploi et la

compréhension de son rôle s’inscrivant dans l’environnement culturel et social propre à

l’organisation ». Afin d’apporter un éclairage nouveau sur le management des forces de vente,

nous avons choisi le concept de socialisation organisationnelle, un cadre théorique intégratif,

importé de la sociologie, et qui s’applique idéalement aux problématiques liés à l’entrée des

nouvelles recrues dans l’organisation (Lacaze, 2010). Nous croyons qu’il est possible de

renforcer le corpus managérial des forces de vente en introduisant le concept de socialisation.

2. L’INTERÊT DE SOCIALISER LES VENDEURS INDEPENDANTS.

Conduire une recherche sur la socialisation du vendeur indépendant peut susciter des

interrogations, notamment sur la pertinence d’une telle étude dans la mesure où le vendeur

indépendant n’appartient pas juridiquement à l’entreprisse, et qu’il ne peut être astreint à se

socialiser. Afin de justifier le bien fondé de la socialisation du nouveau vendeur, nous proposons

d’abord de définir succinctement le concept, et déclinons notre approche. Ensuite, nous

présentons les avantages qu’implique la socialisation du vendeur en général, et du vendeur

indépendant en particulier. Enfin, nous montrons la nécessité de changer de paradigme dans la

recherche sur le management du vendeur indépendant, étant donné les limites que présentent les

théories qui sont mobilisées dans ce champ de recherche.

Page 18: Contribution de la socialisation organisationnelle au

17

2.1. L’éclairage apporté par la socialisation organisationnelle

Les recherches en management des forces de vente ont peu considéré la dimension sociale ou

relationnelle du management. Pourtant l’inscription de la vente dans la sphère sociale est

manifeste, si l’on tient compte des relations qu’elle suscite, aussi bien à l’intérieur qu’à

l’extérieur de l’entreprise (Brassier, 2008 ; Nothebaert et al, 2008 ; Barth, 2002), et l’intérêt

grandissant que lui accordent certains sociologues (Moeneclaey, 2013). Nous voulons prendre en

compte l’intérêt grandissant qui est accordé aux ressources humaines dans le pilotage de la

performance globale des entreprises (Dietrich et Pigeyre, 2011). Ainsi, de nouveaux concepts

issus de la gestion des ressources humaines s’imposent progressivement comme une alternative,

et participent à la conception de nouveaux modèles de gestion (Dietrich, 2015). Le concept de

compétence introduit dans les années 1980 marque dans ce contexte une rupture importante avec

les concepts traditionnels de poste, performance et qualification. Il ne s’agit plus seulement de

gérer des individus au plan administratif, mais de s’intéresser aussi au savoir-faire que les

salariés vont mobiliser pour faire face à des situations de travail complexes (Gilbert, 2006).

Dans le même ordre d’idées, la socialisation est développée dans les organisations pour

permettre aux individus qui intègrent nouvellement une entreprise, de s’adapter rapidement à

leur nouvel environnement de travail ; et aux entreprises de disposer d’un personnel

immédiatement opérationnel et les fidéliser (Lacaze, 2005). En effet, développée pour expliquer

la réduction de l’incertitude et de l’anxiété qui caractérisent l’entrée de toute nouvelle recrue

dans un nouvel environnement de travail, La socialisation organisationnelle est définie par

Merton (1957)comme « le processus par lequel un individu acquiert les valeurs et les attitudes,

les intérêts, les outils et la connaissance, bref la culture du groupe dans lequel il se trouve ou bien

qu’il cherche à rejoindre ». Il s’agit donc d’un processus d’apprentissage et d’acquisition de

connaissances qui a lieu à chaque fois que les individus passent d’une fonction à une autre, à

l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise (Van Maanen et Schein, 1979). De plus, le concept

de socialisation revêt une dimension gestionnaire, il développe également des comportements et

des attitudes tels que la performance, la satisfaction au travail et l’intention de rester dans

l’organisation (Ashforth et Saks, 1996), et constitue par conséquent un moyen qui permet

d’accroitre l’efficacité de l’organisation (Bargues-Bourlier, 2009).

La socialisation organisationnelle à fait l’objet d’une abondante littérature dans le domaine de

la gestion des ressource humaines, son extension vers d’autres champs de recherches des

sciences de gestion témoigne de sa dimension transversale. Les récents développements du

concept dans le domaine du marketing, notamment la socialisation organisationnelle du client

dans les entreprises de services (Goudarzi et Eiglier, 2006), et la socialisation du fournisseur

Page 19: Contribution de la socialisation organisationnelle au

18

(Machat, 2010) témoignent de l’intérêt du concept dans l’amélioration des relations de

l’entreprise avec ses partenaires, qu’il s’agisse des clients dont l’initiation à la production du

service peut être source de valeur ajoutée, ou des fournisseurs qui par leur parfaite connaissance

des processus d’approvisionnement du distributeur contribuent à la qualité du système de

distribution. Les recherches sur la socialisation entrepreneuriale (Star et Fonda, 2002 ; Bargues-

Bourlier et Bouchard, 2012) soulignent aussi l’intérêt grandissant du concept dans les

problématiques de l’entrepreneuriat. La socialisation organisationnelle peut donc être appliquée à

des domaines de gestion variés et à des personnes de nature et de statut différents, qui sont liées à

l’entreprise par un contrat de travail ou par une simple relation commerciale.

Par ailleurs, la littérature en sciences sociales à souvent considéré la socialisation comme un

mécanisme de reproduction sociale. En effet, l’idée de socialiser des individus repose sur l’espoir

que ceux-ci reproduisent des comportements jugés appropriés et profitables pour le

fonctionnement de la société. C’est dans cet esprit que s’inscrivent les travaux fondateurs de

Schein (1968), lorsqu’il parle d’endoctriner et d’enseigner aux individus ce qui est important

dans une organisation. C’est également dans cette perspective que Van Maanen et Schein (1979)

vont exprimer leur conception de la socialisation organisationnelle, fondée sur l’idée que c’est

l’organisation qui inculque à l’individu des connaissances qui vont lui permettre d’assumer un

rôle dans l’organisation. Le concept de socialisation organisationnelle acquiert ainsi une

dimension gestionnaire, car il assure la pérennité de l’entreprise par la transmission du savoir-

faire de l’entreprise d’une génération à une autre. A cette approche dite fonctionnaliste de la

socialisation, s’oppose une approche interactionniste jugée plus conforme à la réalité sociale

(Dubar, 1995). La socialisation à lieu naturellement à travers les interactions voulus ou non,

entre les membres d’une même organisation, ou pas. Les travaux récents sur la socialisation

organisationnelle indiquent que l’individu n’est pas complètement passif à sa propre socialisation

(Louis, 1980), et que dans une moindre mesure il réagit aux stimuli de son environnement, si non

il prend des initiatives personnelles. L’interaction est donc considérée comme le principal

mécanisme de socialisation, car c’est à travers les actions réciproques (relations et échanges) que

les individus se socialisent. Autrement dit, l’individu impliqué dans une situation de gestion,

avec d’autres acteurs de l’entreprise, se socialise (ou se désocialise) nécessairement. Dans ce

contexte, la question n’est plus de savoir s’il est nécessaire de socialiser le vendeur indépendant,

mais de s’interroger sur les mécanismes, tant organisationnels qu’individuels qui permettraient

d’accompagner l’individu dans sa socialisation.

Page 20: Contribution de la socialisation organisationnelle au

19

2.2. Les avantages liés à la socialisation du vendeur indépendant

La recherche sur la socialisation organisationnelle s’est aussi intéressées au management des

forces de vente. Mais, l’extension du concept à ce champ de recherche n’a pas provoqué une

réelle adhésion de la part des chercheurs (Barksdale et al, 2003), malgré l’engouement suscité

par l’article fondateur de Dubinsky et al (1986). Néanmoins, les préoccupations soulevées par

ces auteurs ont montré l’intérêt de la socialisation dans les organisations de vente. En effet, dans

le souci de préserver leurs parts de marché, les entreprises ont pris conscience de capitaliser leur

savoir-faire commercial et de pérenniser les pratiques qui gagnent par la transmission d’une

culture commerciale forte. Mais, la mise en œuvre d’une telle action se heurte à la spécificité du

travail des vendeurs. Dubinsky et al (1986) soulignent que le travail du vendeur comporte des

particularités qui le distinguent des autres emplois dans l’entreprise, telles que « l’éloignement

physique, psychologique et social du vendeur des autres membres et de l’encadrement ; la

position frontalière du vendeur entre l’entreprise et ses clients ; l’exigence de flexibilité et de

créativité voulue par la nature non routinière du travail ; les rôles multiples assumés par le

vendeur, et qui font converger vers lui des attentes contradictoires ; la persévérance et l’auto-

motivation nécessaires pour vendre ; la supervision systématique des vendeurs par les objectifs

ou les systèmes de rémunération ; et les incertitudes et conflits interpersonnels inhérents aux

situations de vente ». Selon les auteurs, ces spécificités impliquent un besoin de socialisation

spécial pour orienter les comportements du vendeur dans le sens des intérêts de l’entreprise. Ce

besoin est encore plus important en ce qui concerne les vendeurs indépendants, car en l’absence

d’un lien hiérarchique les managers des ventes sont privés d’agir directement sur les

comportements des vendeurs.

En effet, le travail d’un vendeur indépendant consiste à vendre et promouvoir les produits

et/ou services d’une entreprise auprès d’une clientèle avec laquelle il établit un contact direct.

Pour cela, le vendeur exécute toutes les taches liés à la vente et assume des rôles multiples à

l’extérieur comme à l’intérieur de l’entreprise. Cette activité suppose donc des qualités

(physiques, personnelles et techniques), mais également une appropriation par les vendeurs

d’une culture commerciale nécessaire à l’exercice des activités de vente. De façon générale, la

culture commerciale désigne l’ensemble des connaissances, des croyances et des valeurs

partagée par une communauté de personnes. En ce qui nous concerne, il s’agit essentiellement

des connaissances relatives à la pratique de la vente au sein des forces de vente. Dans la

littérature, Jackson, Tax, et Barnes (1994) appréhendent la culture des forces de vente comme

l’une des sous-cultures la plus importante de l’organisation. Ils décrivent cette culture comme

« le modèle intégré des valeurs, des idées, croyances et de la compréhension acquise par les

Page 21: Contribution de la socialisation organisationnelle au

20

vendeurs comme membres de la force de vente ». Autrement dit, la culture renferme l’ensemble

des préoccupations, des attentes et mêmes des aspirations en partage au sein de la force de vente,

et oriente leur fonctionnement. Selon Grant et Bush (1996), la culture commerciale peut être

bonne ou mauvaise, en fonction du management qui est pratiqué dans l’organisation. D’après

Jackstone, Tax, et Barnes (1994), deux caractéristiques essentielles permettent de distinguer un

bon management de la culture commerciale : la force de la culture et la direction de celle-ci. Une

culture commerciale forte est destinée à fournir aux vendeurs des valeurs et des croyances

partagées, et une mission commune. La direction de la culture commerciale, quant à elle, doit

permettre une adéquation de la culture avec les valeurs et croyances des vendeurs. Autrement dit,

les croyances et les valeurs qui composent la culture développée doivent être conformes au

contexte dans le quel la force de vente évolue.

Dans ce contexte, il est important que les nouveaux vendeurs s’approprient les valeurs et les

normes qui forment leur cadre de travail, et cette culture ne peut s’acquérir que par le biais de la

socialisation. Ainsi, à travers la transmission de la culture commerciale, la socialisation

organisationnelle peut constituer un formidable outil de management des vendeurs indépendants.

En effet, bien qu’étant externes à l’entreprise, ces vendeurs sont les représentants d’une

entreprise et par conséquent ses « ambassadeurs » auprès de sa clientèle et de ses partenaires

économiques. Ils sont le plus souvent étrangers aux valeurs de l’entreprise qu’ils représentent, et

l’entreprise en s’appuyant sur la socialisation va transmettre ses valeurs qui seront par la suite

mises en évidence dans le cadre de leurs activités de vente.

2.3. Les limites des théories contractuelles

La tendance des entreprises à externaliser leur force de vente sans qu’il soit envisagé

parallèlement une évolution de la gestion des hommes qui composent cette organisation, pose le

problème de l’encadrement des vendeurs et de façon générale celui du management à mettre en

place face au nouvel agencement interne de l’entreprise (Desreumaux, 1996). Pour cet auteur, il

n’est guère pertinent de modifier les frontières de l’entreprise sans s’interroger sur les

répercussions de ce changement. Le développement des nouvelles formes d’organisation, et la

nécessité pour les entreprises d’avoir un contrôle permanent sur leurs vendeurs indépendants

impliquent une approche différente de la gestion des hommes. La littérature habituellement

mobilisées dans ce contexte est basée sur les théories économiques (TCT ou TA)3. Elles

privilégient la relation contractuelle comme modèle d’explication des relations entre l’entreprise

externalisatrice et le prestataire de vente (Anderson et Schmittlein, 1984).

3 Théorie de coût de transaction et Théorie d’agence

Page 22: Contribution de la socialisation organisationnelle au

21

La recherche en management des forces de vente externalisées est assez récente. Elle est

dominée par les théories économiques néo institutionnelles basée essentiellement sur la relation

contractuelle. Ces théories appréhendent le contrat comme un dispositif de coordination entre

l’entreprise et ses partenaires, et définissent les mécanismes qui permettent de minimiser les

coûts générés par les contrats afin d’optimiser la structure de gestion. Deux théories sont

généralement mobilisées pour expliquer la relation entre l’entreprise externalisatrice et ses

prestataires de vente : la théorie des coûts de transaction et la théorie d’agence (Leroux, 2004).

La théorie des coûts de transaction développée par Williamson (1975, 1985), permet non

seulement d’orienter la décision d’externalisation, mais elle fournit également des solutions sur

la structure de gouvernance la plus à même de gérer une transaction, à savoir la hiérarchie ou le

marché. Pour Williamson (1975), la différence entre le marché et la hiérarchie se situe au niveau

du concept d’autorité qu’incarne cette dernière. Alors que Ghertman (1996) préfère parler de

« structure de gouvernance » en se basant sur la nature du contrat qui lie l’agent à l’entreprise.

Selon cet auteur, le type de contrat passé entre une entreprise et ses vendeurs constitue le moyen

le plus adapté pour mesurer les frontières de la firme, et préciser la position d’un agent par

rapport à l’entreprise qu’il représente. Ainsi, lorsqu’une entreprise décide de constituer une force

de vente, elle a le choix entre une force de vente propre (salarié) et une force de vente

externalisée (agent commerciaux et forces de vente supplétives). Les nombreuses validations

empiriques enregistrées dans ce champ de recherche prouvent que la théorie des coûts de

transaction offre « un cadre théorique intéressant pour analyser ce choix organisationnel »

(Gosse et Sprimont (1999). Cependant, comme le soulignent ces auteurs, ce pouvoir explicatif

est propre « aux attributs » du marché économique américain. Ce qui remet en cause son

caractère universel, et ne permet pas de généraliser son application dans des contextes qui

peuvent être culturellement différents (Hofstède, 1996). En effet, l’auteur oppose la notion de

« marché » privilégiée dans la conception américaine à celle de « pouvoir » dans les

organisations françaises. Il suggère que dans les pays où la culture dominante est la hiérarchie,

l’externalisation des forces de vente peut se heurter à des résistances d’ordre culturel et par

conséquent une gouvernance par le marché serait inappropriée.

La théorie d’agence introduite par Jensen et Meckling (1976) considère les relations entre un

actionnaire et le dirigeant comme une relation d’agence, c'est-à-dire une relation dans laquelle

l’actionnaire (le principal) délègue tout ou partie de son autorité au dirigeant (l’agent) afin que ce

dernier agisse pour ses intérêts. Cette approche, initialement considérée comme une relation

d’autorité va évoluer vers une relation de coopération, et « transformer la relation d’agence

traditionnelle en une double relation d’agence dans laquelle chaque acteur peut être considéré,

Page 23: Contribution de la socialisation organisationnelle au

22

successivement et réciproquement, comme le principal ou l’agent ». Elle stipule surtout que des

individus qui ont des intérêts divergents peuvent coopérer et maximiser leur fonction d’utilité.

Ainsi, les actions susceptibles d’apporter des solutions ne sont plus uniquement dictées par le

principal, elles sont désormais élaborées conjointement par les deux parties afin de favoriser

« les conditions de réalisation et de pérennité de la coopération ». Cette théorie apporte un

éclairage particulier au management des forces de vente externalisées, aussi bien dans son aspect

normatif avec l’utilisation de mécanismes de contrôle basé sur le « monitoring » et les incitations

financières, que dans sa dimension positive plus axée sur l’établissement d’une relation de

coopération. Cependant, comme nous l’avons souligné pour la théorie des coûts de transaction,

la théorie d’agence connait des limites. Elles portent sur sa capacité à expliquer « les formes

organisationnelles réelles » et leur complexité, mais aussi sur son « refus de toute idée selon

laquelle la firme reposerait sur un principe hiérarchique qui représente la base de toute firme

capitaliste ».

De façon générale, les théories contractuelles connaissent des limites de nature conceptuelles,

la rationalité limitée des individus (Simon, 1961), et le caractère incomplet des contrats

entrainent des comportements opportunistes à l’origine de nombreux dysfonctionnement dans les

forces de vente externes. De plus, elles ne permettent pas d’endiguer les comportements déviants

du vendeur.

3. OBJET DE LA RECHERCHE ET FORMULATION DE LA PROBLEMATIQUE.

3.1. Délimitation de l’objet de la recherche

Cette recherche appréhende la socialisation organisationnelle comme un dispositif de contrôle

plus subtil, qui permet à l’entreprise d’orienter les comportements déviants de ses vendeurs

indépendants, dans le sens de ses intérêts. Afin de cerner cet objet, nous avons choisi de nous

intéresser à une période très sensible du processus de socialisation : l’intégration des vendeurs

indépendants. Dans la littérature, les problèmes d’intégration n’ont pas été posés spécifiquement

pour les personnels externes à l’entreprise, car dans le sens commun l’intégration est synonyme

d’un engagement par contrat de travail, considérant à contre coup, ceux qui ne le sont pas

comme des travailleurs non intégrés. Le processus d’intégration reste donc très confiné au rituel

traditionnel de l’accueil, des visites guidées, des programmes de formation et autres processus

réservés uniquement aux nouvelles recrues embauchées comme salariés. Ainsi, les entreprises

exploitant une forces de vente composée de salariés et d’indépendants développent des pratiques

de gestion différenciées consistant à accorder plus d’attention aux vendeurs salariés, et un peu

moins aux vendeurs indépendants. Il y a donc une réticence véritable de la part des responsables

Page 24: Contribution de la socialisation organisationnelle au

23

commerciaux à intégrer convenablement leurs vendeurs indépendants. Les stéréotypes

socioculturels développés dans la gestion de l’employé type qu’est le salarié, influencent

grandement les comportements de gestion. La crainte fondamentale des entreprises est d’investir

sur des individus qui n’appartiennent pas juridiquement à l’entreprise. Ces pratiques de

management ont pour effet de ralentir l’intégration des nouveaux vendeurs, et par conséquent

d’alimenter le turnover. L’intégration des vendeurs indépendants devient donc une

préoccupation pour les organisations de vente, dans la mesure où elle conditionne l’adaptation

des nouveaux vendeurs et par conséquent leur comportement futurs. Selon Simard, « Les

recherches en la matière ont démontré le lien direct entre une intégration bien structurée, la

diminution du turnover… et la réduction du temps pour atteindre le niveau de productivité

requis4 ». Autrement dit, lorsqu’une intégration est bien conduite, elle permet au nouvel employé

de s’adapter rapidement à son travail, et diminue son intention de partir.

3.2. Formulation de la problématique et des questions de recherche

Le management des forces de vente est, en raison de l’éloignement des vendeurs des

structures d’encadrement de l’entreprise, essentiellement basé sur le contrôle des activités des

vendeurs (Darmon, 2012, 1993). Selon l’auteur, il a pour finalité de s’assurer que les vendeurs

accomplissent les activités nécessaires qui permettent d’atteindre les objectifs de l’entreprise.

Mais cette volonté de canaliser les activités des forces de vente peut s’avérer difficile à mettre en

œuvre, surtout lorsque les vendeurs sont des indépendants et qu’il n’existe pas un lien de

subordination avec l’entreprise. D’après Darmon (1993), les vendeurs ont des objectifs différents

de ceux de l’entreprise et « ils décident personnellement du niveau d’efforts qu’ils sont prêts à

fournir et de la façon dont ces efforts vont être alloués aux différentes tâches de vente ».

Autrement dit, ils développent des comportements spécifiques en vue de satisfaire d’abord leurs

propres intérêts, et le rôle du management est de comprendre ces comportements afin de les

influencer dans le sens des intérêts de l’entreprise. Parmi ces comportements, le turnover des

vendeurs indépendants en phase d’intégration apparait comme un dysfonctionnement majeur de

l’appareil commercial, dans la mesure où il engendre des coûts importants, et qu’il est

susceptible de compromettre à long terme la relation de l’entreprise avec ses clients. Aussi, en

l’absence de politiques managériales bien définies, les entreprises ont pris l’habitude de recruter

au-delà de leur besoin afin d’anticiper les départs massifs des vendeurs, de stabiliser leurs

effectifs, et d’assurer convenablement leur présence sur le marché. Ainsi au fil du temps, il s’est

installé dans ces organisations de vente une culture du turnover (Iverson et Deery, 1997) qui

dénote des limites du management tel qu’il est pratiqué.

4 Stéphane Simard.

Page 25: Contribution de la socialisation organisationnelle au

24

Parallèlement, les recherches en comportement organisationnel ont montré que la

socialisation organisationnelle constituait un moyen d’agir sur les comportements et attitudes des

nouvelles recrues, et particulièrement sur le maintien de celles-ci (Allen, 2006). Ashforth et Sack

(1996) indiquent que lorsque la socialisation des nouvelles recrues était structurée, elle favorise

l’apparition des comportements et attitudes telles la satisfaction, la loyauté et l’intention de

rester. Dans le cas contraire, une socialisation moins structurée créait, chez les nouveaux

arrivants, du stress, l’intention de partir, et des tensions de rôle. Il apparait donc judicieux

d’exploiter le potentiel explicatif de ce concept, afin de cerner dans le fonctionnement des forces

de vente, les causes profondes de certains comportements et particulièrement le turnover des

vendeurs indépendants, très important au cours de cette période de transition.

Dans la littérature, la socialisation des forces de vente est souvent perçue comme un moyen de

contrôle social de l’organisation sur l’individu (Campoy et al, 2005). Selon ces auteurs, elle initie

des processus de contrôle informels5 qui permettent aux entreprises de trouver un équilibre dans

leur management, entre un contrôle trop large et un contrôle trop étroit qui peut s’avérer contre-

productif. La socialisation apparait donc comme un dispositif de régulation des ressources

humaines commerciales, au service du contrôle social de l’entreprise. Elle permet de mettre en

œuvre des actions qui visent à obtenir un changement de comportement du vendeur, mais qui

dispenserait l’organisation de s’adapter réciproquement. Comme le souligne Vernazobres (2013),

« le danger est de demander à l’individu de se sur-adapter aux conditions exigeantes, voire

stressantes de son travail ; alors que le stress au travail peut être envisagé comme un symptôme

de l’organisation et non de la personne ». Les travaux récents sur la socialisation

organisationnelle posent de plus en plus la question essentielle de l’adaptation réciproque entre

l’individu et l’organisation. La socialisation n’est pas seulement un mécanisme de reproduction

sociale, qui se limiterait à perpétuer des savoir-faire ou des comportements. Elle peut être

également un mécanisme interactif qui, de fait, produit du changement social. Autrement dit,

envisager la socialisation des forces de vente dans le sens d’un ajustement mutuel entre

l’organisation et ses nouveaux vendeurs serait plus conforme à la réalité.

Dès lors, la problématique de cette recherche concerne l’éclairage nécessaire que la

socialisation organisationnelle peut apporter au management des forces de vente externes. Plus

précisément, nous nous interrogeons sur la valeur ajoutée de la socialisation à l’efficacité du

management du vendeur indépendant, et à améliorer notre compréhension des attitudes et

comportements du vendeur qui entre nouvellement dans l’organisation.

5

Page 26: Contribution de la socialisation organisationnelle au

25

De manière spécifique, nous voulons apporter des réponses à la question de recherche

suivante :

Le concept de socialisation organisationnelle peut-il offrir une clé de décryptage au

management des forces de vente ?

Quatre questions sous-tendent cette question de recherche et permettent de l’inscrire dans une

approche processuelle et relationnelle.

Comment les entreprises s’y prennent-elles pour intégrer leurs vendeurs indépendants ?

Comment les nouveaux vendeurs s’ajustent-ils à leur nouvel environnement de travail? Quelle

est le contenu de la socialisation au cours de cette période d’intégration ? Pourquoi le turnover

des vendeurs indépendant est-il aussi important dans cette phase d’intégration?

3.3. Les objectifs de la recherche

La finalité de cette recherche est d’éclairer le management des vendeurs indépendants en

s’appuyant sur le concept de socialisation organisationnelle. Comme nous l’avons précisé

précédemment, notre intérêt est porté sur l’entrée des nouveaux vendeurs dans l’organisation, et

le management qui est mis en œuvre par les entreprises afin d’expliquer le turnover des

nouveaux vendeurs au cours de cette période cruciale. Pour cela, nous avons développé un

modèle d’analyse qui s’inspire du modèle générale de la socialisation organisationnelle de

l’employé développé par Lacaze (2005). Ce cadre conceptuel a vocation à rendre compte de la

complexité des échanges qui se produisent entre un manager et ses vendeurs au moment où ces

derniers entrent dans l’organisation. Comme le souligne Garreau et Perrot (2012), « l’objet n’est

pas de considérer la socialisation comme le fait que l’individu se fonde dans un moule, mais de

comprendre les mécanismes à l’œuvre lors de l’interaction entre l’individu et l’organisation ».

Ainsi, la socialisation est abordée dans sa dimension interactionniste et de construction de

sens pour analyser les échanges réciproques entre les acteurs, et l’interprétation que ceux-ci font

de la réalité va les guider dans leurs actions. Deux théories sont également mobilisées pour

concevoir notre modèle d’analyse : la théorie de la régulation sociale (Raynaud, 1988) et la

théorie du contrat psychologique (Rousseau, 1989). La théorie de la régulation sociale offre une

approche sociologique de l’échange, et explique comment les acteurs parviennent à élaborer les

règles qui vont régir leur fonctionnement dans ce nouveau contexte de travail. Ces règles

résultent des conflits qui naissent entre les acteurs, et de la négociation qui s’installe pour

résoudre ces conflits. La théorie du contrat psychologique (Rousseau, 1989), analyse la

dimension psychologique de l’échange. Elle met en évidence, à travers la norme de réciprocité,

Page 27: Contribution de la socialisation organisationnelle au

26

les attentes réciproques des acteurs, les obligations qui en découlent ainsi que les conséquences

éventuelles dues à la non-observation des engagements pris. Cependant, une bonne interprétation

de ces théories nécessite que l’on comprenne avant tout la position de l’agent commercial dans

l’organisation.

Le choix de ce terrain d’étude est d’ordre pratique, puisqu’il met en relief l’indépendance du

vendeur et sa position frontalière entre l’entreprise et sa clientèle. En effet, lorsque l’agent

commercial est employé exclusivement pour une marque ou pour une enseigne, le vendeur

assume nécessairement de nouveaux rôles qui vont dans le même temps modifier le contenu des

fonctions d’encadrement. Autrement dit, en l’absence d’un lien de subordination, les acteurs

doivent s’entendre sur la manière de coordonner leurs activités, au risque d’adopter des

comportements opportunistes. La socialisation aurait pour rôle d’inciter les acteurs à adopter des

comportements qui œuvrent dans le sens des intérêts de l’entreprise. Or, comme nous

l’indiquons dans notre étude préliminaire, la socialisation des vendeurs indépendants est

pratiquée de façon aléatoire. Les nouveaux vendeurs apprennent au gré des interactions qui sont

établies avec les personnes déjà en place. Cette observation est partagée par la littérature qui

souligne que les entreprises socialisent leur personnel sans en être toujours conscientes (Lacaze,

2005). Ainsi, une mauvaise interprétation du rôle du vendeur entraine nécessairement une

appréciation erronée du rôle des personnes qui occupent des positions contraires. Une

socialisation pratiquée dans ces conditions ne peut être efficace, car incomplète dans son

processus et dans son contenu.

4. PRESENTATION DE LA DEMARCHE DE RECHERCHE.

Pour apporter des réponses à notre question de recherches, nous avons adopté une démarche

de recherche qui s’inspire du modèle de Quivy et Van Campenhoudt (1995) présenté dans la

figure ci-dessous.

Cette démarche commence par une question à deux volets issue de notre réflexion sur la

capacité de l’entreprise à attirer et retenir des nouveaux vendeurs, et de façon générale à orienter

les comportements de ces derniers (Etape 1). En l’absence d’une littérature spécifique sur le

management des vendeurs indépendants, des entretiens exploratoires avec les acteurs de la force

de vente, et des lectures structurées sur le concept de socialisation organisationnelle, ont permis

de reformuler notre question de départ et de préciser nos questions de recherche (Etape 2). Notre

problématique de recherche s’intéresse à l’éclairage que la socialisation organisationnelle

apporte au management des ressources humaines commerciales, et de façon spécifique à la

gestion du turnover des vendeurs indépendant en phase d’intégration (Etape 3).

Page 28: Contribution de la socialisation organisationnelle au

27

Figure 1.Modèle de Quivy et Van Campenhoudt (1995)

Etape 1 : La question de départ

Etape 2 : L’exploration

Etape 3 : La problématique

Etape 4 : Construction d’un modèle d’analyse

Etape 5 : L’observation

Etape 6 : L’analyse des informations

Les lectures Les entretiens exploratoires

Etape 7 : Les conclusions

Le modèle d’analyse développé dans cette réflexion appréhende la socialisation du vendeur

indépendant comme un processus de construction de la relation managériale, entre le manager

commercial et ses vendeurs indépendants (Etape 4). Le modèle, ainsi que les propositions

théoriques qui le sous-tendent seront testés à partir d’une étude qualitative, sur la base des

représentations des trois principales catégories d’acteurs impliqués dans le processus de

socialisation (Etape 5). L’analyse des données (Etape 6) sera réalisée sur les cartes cognitives

représentant les schèmes des acteurs. Cette analyse permettra de dégager, en termes de

conclusion, un certain nombre de réponses relatives à notre problématique de recherche.

5. LES CHOIX METHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE.

L’étude d’une population spécifique (l’agent commercial), dans une approche élargie de la

socialisation organisationnelle confère à notre recherche un caractère exploratoire. Bien qu’il

existe de nombreux travaux sur la socialisation organisationnelle, très peu ont été consacrés au

management des forces de vente, et encore moins au management des vendeurs indépendants.

Page 29: Contribution de la socialisation organisationnelle au

28

Notre travail de recherche a pour ambition de comprendre les mécanismes sociaux,

psychologiques et organisationnels en vigueur au moment ou les nouveaux vendeurs entrent dans

l’entreprise, et de caractériser les comportements des acteurs. Notre objectif empirique est donc

d’élaborer une connaissance qui soit la plus proche des réalités des acteurs participant au

processus de socialisation. Pour cela, nous avons choisi d’étudier les représentations mentales

des nouveaux vendeurs, et de deux agents socialisateurs à partir de la cartographie cognitive

(responsables commerciaux, et vendeurs séniors).

Cette démarche s’appuie sur une approche épistémologique constructiviste, qui a permis

d’orienter nos choix méthodologiques. Ainsi, pour la construction des cartes cognitives, nous

avons adopté les méthodes à postériori. Le choix des outils de collecte de données, tels que les

entretiens semi structurés, et les traitements ultérieurs des données découlent de ce

positionnement. L’objectif poursuivi est de construire des cartes cognitives collectives

représentant les croyances des principaux acteurs concernés sur la socialisation des vendeurs

indépendants. Ces cartes cognitives sont le résultat d’un processus d’attribution de sens réalisé

par chaque catégorie d’acteur pendant l’entrée des nouveaux vendeurs dans l’organisation. Elles

permettent de visualiser les différents liens possibles entre les variables de la socialisation du

vendeur indépendant et celles du turnover. Pour cela, nous avons adopté une démarche

qualitative qui permet d’approfondir le vécu des principaux acteurs sur la socialisation du

vendeur indépendant.

6. LES APPORTS ATTENDUS DE LA RECHERCHE.

Le management des vendeurs indépendants est un domaine de recherche encore peu exploité

par les chercheurs. Les dysfonctionnements observés dans les relations managers-vendeurs

indépendants dénotent plutôt d'une inconsistance des connaissances disponibles et laisse croire

qu’il existe une " une seule bonne façon de gérer des vendeurs ". Or la diversité des statuts de

vendeur donne aux entreprises la possibilité de choisir l’organisation commerciale qui leur

convient le mieux. Elle rappelle surtout que le métier de vendeur peut être pratiqué

différemment. Ces considérations induisent des approches de management nécessairement

différentes, et dans ce contexte la socialisation organisationnelle offre de nouvelles perspectives.

6.1. Contributions théoriques

La première contribution de cette recherche est celle d’enrichir le corps théorique du

management des forces de vente et particulièrement des vendeurs indépendants. La littérature

dans ce domaine est rare et l’introduction de nouveaux concepts ne peut que nourrir la réflexion.

Page 30: Contribution de la socialisation organisationnelle au

29

Ensuite, l’introduction de la socialisation organisationnelle permet de jeter un éclairage nouveau

sur le management des forces de vente, qui favoriserait l’étude de pratiques de gestion

consensuelles indispensables en l’absence d’un lien hiérarchique. La socialisation est envisagée

comme un modèle d’influence qui permet d’orienter les comportements des vendeurs en général,

en redéfinissant par la même occasion la supervision et le contrôle des hommes dans l’atteinte

des objectifs de l’entreprise. Une telle orientation de la recherche ouvre un large champ de

connaissances, qui pourrait s’appliquer à tous les collaborateurs de l’entreprise dont la relation

est marquée par une distance à la fois organisationnelle et juridique. Enfin, nous présentons la

gestion de la socialisation des vendeurs indépendants comme un levier indispensable à la réussite

de la stratégie d’externalisation. A l’instar des autres domaines de gestion dans lesquels elle est

appliquée (gestion des ressources humaines, marketing ou entrepreneuriat), la socialisation

organisationnelle doit contribuer à l’efficacité de cette nouvelle forme d’organisation.

6.2. Contribution managériale

La contribution de cette étude au management des forces de vente se situe à deux niveaux : la

coordination et le contrôle des activités du vendeur. La coordination du travail des vendeurs

indépendant est une activité sensible pour les managers, dans la mesure où ils sont tentés d’agir

au moyen des instruments traditionnels que sont les réunions, et les directives qui risquent

d’établir un lien de subordination. Or, dans la mesure où le vendeur est quasi-indépendant par

son activité (Darmon, 1993), son indépendance juridique l’éloigne davantage de l’emprise de

l’entreprise. Il est important à ce niveau, que le manager s’appuie sur les relations sociales, les

normes et les valeurs culturelles d’une organisation pour orienter durablement les

comportements des vendeurs dans le sens des intérêts de l’entreprise. Le contrôle est l’essence

même de la fonction commerciale, dans ce sens que l’essentiel du travail des managers consiste

à s’assurer que les vendeurs réalisent les activités qui permettent d’atteindre les objectifs de

l’entreprise. Cependant, pour y parvenir les managers peuvent utiliser un contrôle basé sur les

relations sociales et le management des ressources humaines (recrutement, sélection et

socialisation des vendeurs). C’est un contrôle à priori qui permet de s’assurer que les vendeurs

engagés disposent de qualités requises pour accomplir les taches qui leurs sont confiées.

6.3. Contribution méthodologique

La volonté d’étudier en profondeur la socialisation des vendeurs indépendants, nous conduit à

utiliser les représentations mentales des acteurs, et les cartes cognitives comme un moyen

privilégié pour accéder à la connaissance. La cartographie cognitive a pour objectif d’établir et

d’analyser les cartes cognitives, c'est-à-dire la représentation d’une personne ou d’un groupe de

Page 31: Contribution de la socialisation organisationnelle au

30

personnes concernant un problème particulier (Axelrod, 1976). Dans notre recherche, il s’agit

d’établir des cartes cognitives collectives des différents acteurs (vendeurs et agents

socialisateurs) participant activement à la socialisation des vendeurs indépendants. Cette

méthode parait, de notre point de vue, appropriée à notre recherche, car elle a le mérite de révéler

les pratiques inconscientes mises en œuvre par les acteurs dans le processus de socialisation. Elle

doit permettre aussi de ressortir les causes profondes du turnover des vendeurs indépendants en

phase d’intégration, offrant ainsi des possibilités de le réduire efficacement. Par ailleurs, la

collecte des données auprès d’acteurs différents impliqués à la socialisation du vendeur, permet

de garantir, à travers une triangulation des sources d’information, la viabilité indispensable qui

permet d’accorder aux connaissances produites un caractère scientifique.

7. PRESENTATION DE LA THESE

Notre ambition fondamentale est d’expliquer le management des forces de vente à partir du

concept de socialisation organisationnelle. Pour cela, nous proposons, dans un premier chapitre

de faire un état des lieux du management des forces de vente, aussi bien sur ses aspects

théoriques que sur les travaux empiriques réalisés dans ce domaine de recherche. Nous tenterons

de monter l’insuffisance des recherches dans le cadre spécifique des forces de vente externes, et

la nécessité de doter les managers de vente d’outils appropriés pour la gestion des vendeurs

indépendants.

Nous proposons dans le chapitre 2 une analyse profonde du concept de socialisation

organisationnelle, en présentant ses fondements conceptuels, depuis ses origines dans les

sciences sociales jusqu'à ses applications dans les sciences de gestion. Nous présentons dans une

première section les trois niveaux d’analyse : la socialisation a d’abord été le fait de

l’organisation qui inculque aux nouvelles recrues les connaissances et les comportements qu’elle

souhaite voir ces derniers adoptés (Schein, 1968 ; Van Maanen, 1978). Puis, il s’est avéré que les

nouvelles recrues prenaient une part active à leur propre socialisation (Van Maanen et Schein,

1979 ; Louis, 1980 ; Lacaze), cette approche individuelle a favorisé l’émergence d’un courant

interactionniste (Reichers, 1987 ; Ashforth et Saks, 1997). Nous présentons aussi dans cette

section, les deux principales approches de la socialisation organisationnelle. L’approche par les

processus dont elle a hérité des sciences sociales et qui décrit la socialisation des employés

comme une succession (Feldman, 1976 ; Van Maanen, 1977). L’approche par le contenu définit

les différents domaines de socialisation, c'est-à-dire ce qui est appris et ce qui est transformé au

cours du processus de socialisation » (Fischer, 1986). Enfin, nous évoquons les développements

de la socialisation organisationnelle dans les sciences de gestion, notamment dans le domaine

Page 32: Contribution de la socialisation organisationnelle au

31

des ressources (Campoy et al, 2005) ; dans le domaine du marketing (Goudarzi, 2006 ; Machat,

2010) et la socialisation entrepreneuriale (Starr et Fonda, 2002).

Afin de croiser deux champs de recherche traitant du management des ressources humaines,

le management des forces de vente et la socialisation organisationnelle, nous proposons dans la

deuxième section une autre lecture du management des forces de vente à partir du concept de

socialisation organisationnelle. Notre démarche consiste à considérer la socialisation

organisationnelle comme un dispositif de contrôle social qui peut se substituer ou compléter le

contrôle telle qu’il est pratiqué présentement dans la gestion des vendeurs indépendants.

Dans le chapitre 3 est développé un modèle conceptuel de la socialisation des vendeurs

indépendants. Nous proposons un modèle d’analyse qui permet d’avoir une meilleure

compréhension des échanges entre le manager et son vendeur lors de la phase d’intégration, et

analysons les effets probables de cette relation sur le comportement des vendeurs indépendants.

La revue de la littérature et l’étude préliminaire sur le terrain nous ont permis de retenir comme

cadre d’analyse la socialisation organisationnelle, auquel nous avons associé les théories de la

régulation sociale (Raynaud, 1988) et du contrat psychologique (Rousseau, 1989). Nous

appréhendons la socialisation organisationnelle dans son approche interactionniste et de

construction de sens. Cette approche envisage la socialisation comme un processus d’influence et

de changement mutuel. Nous tentons de montrer que la socialisation agit comme un dispositif de

régulation ou plutôt un phénomène de « l’organizing ».

La méthodologie appliquée à la recherche est présentée au chapitre 4. Elle consacre nos choix

sur les populations à interroger, le mode de collecte d’informations, et la méthode d’analyse de

données. Fondamentalement, nous avons choisi la cartographie cognitive pour comprendre les

logiques de gestion développées par les acteurs à propos de la socialisation des vendeurs

indépendants, et les départs des nouveaux vendeurs au cours de la période d’intégration.

L’échantillon retenu est composé des nouveaux vendeurs, des vendeurs séniors et des

responsables commerciaux. Elle permet d’accéder aux représentations des principaux acteurs de

la socialisation du vendeur indépendant. Elle permet aussi de valider la connaissance produite,

par la triangulation des sources d’information. Nous avons choisi de collecter les données par des

entretiens semi-structurés, privilégiant ainsi les méthodes à postériori (vs à priori), c'est-à-dire

déterminer les concepts et les liens en s’appuyant sur le cadre référentiel du sujet. Cette méthode

a influencé le protocole de codage retenu, ainsi que l’analyse des données.

Le choix de cette démarche méthodologique sous-entend un positionnement épistémologique

clair en amont. En effet, la présentation faite ci-dessus positionne cette recherche dans une

Page 33: Contribution de la socialisation organisationnelle au

32

logique constructiviste. Autrement dit, nous proposons une approche subjectiviste d’élaboration

de la connaissance, basée sur le vécu des acteurs et l’expérience que nous avons

personnellement des situations de gestion étudiées. Ce positionnement est conforté par les

mécanismes propres à la construction des cartes cognitives. En effet, Parades (2009) souligne

qu’en représentant le discours du sujet, le chercheur est engagé dans une construction de sens,

car il en donne une lecture personnelle.

Le chapitre 5 est consacré à l’analyse des résultats. Celle-ci est présentée sous deux aspects.

Une analyse de la structure des cartes cognitives qui consiste à caractériser les cartes étudiées, de

façon à mettre en évidence la manière dont les acteurs organisent leur pensée concernant la

socialisation des nouveaux vendeurs. Une analyse locale du contenu des cartes qui permet de

ressortir les modalités d’actions des différentes catégories d’acteurs, en expliquant le sens des

liens entre les concepts relativement au problème posé.

Ces résultats sont discutés, d’une part, pour établir une cohérence avec les théories et les

méthodologies utilisées dans la recherche. D’autre part, pour valoriser notre recherche, en

évoquant les apports aux plans théorique, méthodologique et managérial. Cette discussion fait

l’objet du chapitre 6.

Page 34: Contribution de la socialisation organisationnelle au

33

Première partie

Cadre théorique et conceptuel de la recherche

Dans l’optique d’élucider le management des nouveaux vendeurs au cours du processus

d’entrée des vendeurs indépendants dans l’organisation et d’expliquer le comportement de ces

derniers au cours de cette phase cruciale nous avons mobilisé le concept de socialisation

organisationnelle, nous cherchons à définir le cadre conceptuel le plus adapté à notre recherche.

Nous réalisons dans le premier chapitre un état des lieux du management des forces de vente,

en le présentant comme un domaine d’étude transversal axé sur une gestion complexe des

ressources humaines en vue d’atteindre des objectifs marketing de l’entreprise. L’objectif visé

dans cette revue de la littérature est de mettre en évidence les insuffisances des approches

théoriques, essentiellement économiques, utilisées dans ce champ de recherche, et la nécessité

d’avoir un nouveau regard qui repose sur les relations sociales. Ensuite, nous proposons un

examen des travaux réalisés aussi bien sur le management des forces de vente en général que sur

le management des forces de vente externes. Enfin, en l’absence d’une littérature appropriée sur

les vendeurs indépendants, nous procédons à une analyse critique des travaux réalisés sur le

management des forces de vente externes et particulièrement des forces de vente externalisées.

Dans un deuxième chapitre, nous présentons le cadre théorique et conceptuel de la

socialisation organisationnelle. Notre objectif est de présenter le concept de socialisation sous

ses dimensions (1) organisationnelles puis (2) individuelles et interactionnistes, ainsi que (3) les

développements du concept dans d’autres domaines de recherche des sciences de gestion.

Ensuite, nous envisageons une nouvelle lecture du management des forces de vente à partir du

concept de socialisation organisationnelle. Nous nous attelons à rapprocher les champs de

recherche du management des forces de vente et de la socialisation organisationnelle. Ceci nous

conduit dans un premier temps à identifier la notion de contrôle comme une base commune aux

deux champs de recherche. Nous proposons de considérer la socialisation des forces de vente

comme un dispositif de régulation des ressources humaines au service du contrôle social de

l’entreprise.

Page 35: Contribution de la socialisation organisationnelle au

34

Dans un troisième chapitre, nous présentons le cadre théorique et conceptuel de la recherche.

La socialisation a lieu tout le long de la carrière d’un individu, mais dans cette recherche nous

nous intéressons à la phase d’intégration des vendeurs indépendants et présentons ses

spécificités. Ensuite, nous déclinons notre modèle d’analyse en appréhendant la socialisation

dans ses aspects interactionnistes et de construction de sens. Cette approche de la socialisation

est précisée par les théories de la régulation sociale et du contrat psychologique. Elle conduit à

considérer la socialisation du vendeur indépendant comme un processus de construction de la

relation managériale.

Page 36: Contribution de la socialisation organisationnelle au

35

CHAPITRE 1. ETAT DE L’ART SUR LE MANAGEMENT DES FORCES DE

VENTE

Le management des forces de vente (désormais FDV) est, en raison de son caractère

transversal entre le marketing et les ressources humaines, un domaine d’études très prisé des

chercheurs. Il s’intéresse particulièrement au vendeur et à son activité dans l’entreprise. Etant

donné la place centrale que le vendeur occupe dans la dynamique commerciale de l’entreprise, le

désir de le connaitre davantage reste une préoccupation des chercheurs dans la mesure où, à

travers sa performance, le vendeur contribue à la performance l’entreprise. Cet intérêt pour le

vendeur est renforcé par la position frontière qu’il occupe entre l’entreprise et sa clientèle, et qui

fait de lui non seulement le principal artisan des succès et des échecs commerciaux (Valrax,

Rives, 2003), mais aussi la principale, si non la seule source de revenu de l’entreprise pour

laquelle il sert d’intermédiaire (Walker, Churchill et Ford, 1979). Mais les recherches réalisées

jusqu’alors sur le vendeur et son management se sont particulièrement intéressées au vendeur

salarié au détriment des vendeurs indépendants qui, pourtant, constituent aujourd’hui l’essentiel

des forces de vente de nombreuses entreprises. Le recours aux vendeurs indépendants pose donc

le problème de leur gestion, du fait que ces vendeurs ne sont pas juridiquement salariés des

entreprises à qui ils apportent leur force de travail. En l’absence d’un lien de subordination, les

responsables commerciaux sont confrontés à deux préoccupations majeures : la difficulté à

orienter les comportements des vendeurs lorsque ceux-ci s’éloignent du positionnement

commercial choisi par l’entreprise ; et la capacité des entreprises à retenir leurs vendeurs, de

façon durable au sein des équipes sont les principaux défis auxquels doit répondre le

management des forces de vente.

Dans une première section, nous analysons les grandes orientations théoriques du

management des forces de vente. Nous montrons d’abord, à travers les philosophies de gestion

qui sont développées dans la littérature, les difficultés à concilier les exigences de contrôle de

l’entreprise avec l’autonomie souhaitée par les vendeurs. Ces difficultés sont encore plus

importantes lorsque l’autonomie est garantie par la loi, dans la mesure où les acteurs sont tentés

de la substituer par leurs propres perceptions des règles de gestion, créant ainsi des

dysfonctionnements dans la conduite des forces de vente.

Dans la seconde section, nous proposons une analyse critique du management des forces de

vente, et notamment des vendeurs externes à l’entreprise. En nous appuyant sur une littérature

basée sur l’externalisation des forces de vente, nous montrons les limites des théories

contractuelles à répondre au besoin de management des forces de vente externes.

Page 37: Contribution de la socialisation organisationnelle au

36

SECTION1 : LE CHAMP DE RECHERCHE DU MANAGMENT DES FORCES DE

VENTE

Dans la littérature, le management des forces de vente appartiendrait à un domaine de

recherche aux contours épistémologiques encore mal définis, et qui regrouperait toutes les

activités liées à la vente (Barth, 2001, 2008). Le management des forces de vente apparait, à

l’instar des autres champs de recherche de la vente, comme une discipline très dépendante qui

emprunte aussi bien dans les sciences de gestion que dans les sciences sociales en général.

Dans cette section, nous présentons dans un premier temps les fondements théoriques du

management des forces de vente, à travers les apports du marketing et de la gestion des

ressources humaines. Nous déclinons l’approche de management privilégiée dans ce champ de

recherche qui nous sert de fil conducteur dans notre revue de la littérature (1). Ensuite, nous

présentons une approche assez récente du management des forces de vente basée sur

l’externalisation des vendeurs. Nous procédons à une analyse critique du modèle de

management, fondé essentiellement sur les théories micro-économiques, et nous mettons en

évidence leurs limites dans le management des vendeurs indépendants (2).

1. Les fondements théoriques et conceptuels du management des forces de vente

Par isomorphisme structurel, le management des forces de vente est, à l’instar des autres

disciplines des sciences de gestion, « constitué sur une problématique de modélisation » de la

performance. Il repose sur le fait que les actions mises en œuvre par l’entreprise vont produire

les résultats escomptés. Le rôle de l’entreprise se résumant à contrôler et à coordonner ses

actions. Nous présentons succinctement cette modélisation du management des forces de vente

à travers ses domaines d’études (1.1), puis les courants théoriques en vigueur dans ce champ de

recherche (1.2), les modèle conceptuels (1.3), enfin la diversité des forces de vente (1.4).

1.1. Le management des forces de vente : un domaine d’étude transversal

La recherche en management des forces de vente peut prendre deux orientations, en fonction

du statut qui est accordé aux ressources humaines. La première, axée sur le marketing, se

préoccupe des relations que l’entreprise désire développer et entretenir avec sa clientèle. La

seconde orientation s’intéresse au comportement du vendeur dans l’organisation. Ces approches

permettent de dégager deux conceptions fondamentales du management des forces de vente. La

première conception s’inscrit dans une logique marketing (1.1.1), alors que la seconde s’inscrit

dans une approche de gestion des ressources humaines (1.1.2).

Page 38: Contribution de la socialisation organisationnelle au

37

1.1.1. L’orientation marketing du management des forces de vente

Le management des forces de vente a été diversement défini dans la littérature. Certains

auteurs comme Spiro, Stanton, et Rich (2003) le définissent comme le management du personnel

de vente, considéré comme une composante du programme de marketing d’une organisation.

Cette définition tient compte de la relation étroite qui existe entre le marketing et la vente, ce qui

a permis à certains auteurs de considérer la force de vente comme une partie intégrale du

marketing, celle qui permet de réaliser le plan marketing en générant des revenus de la vente

(Rosenbloom et Anderson, 1984). De ce point de vue, Le management des ventes est appréhendé

comme une stratégie qui va aider l’organisation à accomplir ses objectifs marketings. Plusieurs

auteurs, essentiellement Américains s’accordent à reconnaitre que les activités de la force de

vente sont nécessairement coordonnées avec la stratégie marketing de l’entreprise (Churchill,

Ford, et Walker, 1990 ; Newton, 1990 ; Stanton, Buskirk, et Spiro, 1995). La littérature

développée sur le sujet s’est intéressée à la nature des relations entre la stratégie marketing et son

application fonctionnelle, et notamment sur la façon dont les responsables commerciaux

traduisent la stratégie marketing en comportements opérationnels (Newton, 1990)6. Selon cet

auteur, les études empiriques réalisées sur le degré d’alignement des objectifs et des activités de

vente sur la stratégie marketing dans les entreprises industrielles montrent qu’il existe souvent

des désaccords entre les responsables marketing et les managers de vente sur l’application

effective de la stratégie marketing (Strahle, Spiro, et Acito, 1996). Pour ces auteurs, il est

important que la stratégie marketing d’une entreprise et les activités de vente soient congruentes,

car une absence de cohésion peut engendrer trois conséquences négatives : (1) la perte de la

position concurrentielle sur le marché, (2) les ressources (capital et humain) sont simplement

gaspillées, (3) les vendeurs qui sont tenus d’exécuter ces directives contradictoires risquent

d’expérimenter l’ambiguïté et la frustration dans leur travail. Dans le même ordre d’idées, Cross

et al (2001) soulignent le rôle très important de la force de vente dans la formulation et

l’exécution de la stratégie marketing. Ils montrent que l’utilisation de certaines activités de la

force de vente, telles que la remontée de l’information vers la hiérarchie, le recrutement et la

formation des vendeurs, et l’obtention de nouveaux segments de marché sont positivement liés à

quatre types de stratégies marketing : la pénétration de marché, le développement des produits, le

développement de marché, et la diversification.

Enfin, Johnson et Marshall (2003), conçoivent le management des ventes comme un ensemble

d’activités et de décisions qu’il faut mettre en œuvre efficacement afin de réaliser le programme

marketing de l’entreprise. Cette mise en œuvre s’apparente à un processus qui peut être articulé 6 Cité dans Strahle, Spiro et Acito (1996)

Page 39: Contribution de la socialisation organisationnelle au

38

en trois étapes. La première étapes concerne la formulation du plan de vente, et consiste à

prendre des décisions concernant l’effort que doivent déployer les vendeurs pour adapter la

stratégie marketing aux exigences de l’environnement. Il s’agit principalement de préciser la

façon dont l’entreprise compte atteindre ses clients potentiels, l’organisation commerciale qu’il

convient de mettre en place pour établir et gérer la relation avec le client, et évaluer la

performance attendue et les moyens pour l’atteindre.

La deuxième étape se réfère à l’application du plan de vente, et implique de motiver,

d’orienter le comportement des vendeurs par la mise en œuvre des politiques et des procédures

qui vont influencer leurs aptitudes (critères de sélection et techniques de recrutement) et leurs

compétences (programmes de formation adaptés) ; il convient aussi de déterminer la supervision

qui permet de soutenir les vendeurs et leur permettre de surmonter les difficultés, sans altérer

leur liberté d’initiative ; il s’agit enfin de décider du système de rémunération et de récompense

qui permet aux vendeurs d’atteindre un niveau élevé de motivation.

La troisième étape concerne l’évaluation et le contrôle du plan de vente. Autrement dit, elle

comprend les moyens qui permettent d’apprécier les efforts des vendeurs, non seulement pour

les encourager, mais aussi pour apprécier l’application du plan de vente par rapport à la stratégie

marketing. Cette logique d’action est conforme au concept de marketing-mix défini par Mc

McCarthy (1960) comme l’ensemble des variables d’action sur lesquelles une entreprise peut

s’appuyer pour agir et se positionner sur son marché. La force de vente est donc considérée

comme une variable d’action qui permet, à l’instar des autres variables (le produit, le prix, la

distribution …), de communiquer sur le produit et de le promouvoir, de réaliser la vente du

produit et de fidéliser la clientèle. Cependant, pour que l’action de la force de vente contribue

aux objectifs définis par l’entreprise, il est nécessaire que le management influence les

comportements des vendeurs dans le sens des intérêts de l’entreprise. Cette influence est fonction

de l’emprise et du contrôle que l’entreprise exerce sur ses vendeurs.

1.1.2. La dimension ressources humaines du management des forces de vente

D’autres auteurs appréhendent le management des forces de vente dans une perspective

ressources humaines. Darmon (1993), présente la force de vente comme une organisation

humaine complexe dans laquelle sont inter reliés des hommes, des structures et des procédures

formant ainsi un système de gestion. L’auteur positionne l’homme au centre de ce système et

souligne par conséquent, l’intérêt de s’intéresser d’abord au vendeur, à ses attentes et aux

conditions dans lesquelles il exerce son activité, dans la mesure où il est le principal acteur de

Page 40: Contribution de la socialisation organisationnelle au

39

l’activité de vente. Dans le même esprit, Rive (2001) appréhende le management des forces de

vente comme une gestion spécifique des ressources humaines commerciale. Selon l’auteur, cette

gestion est partagée, entre la hiérarchie immédiate qui endosse l’essentiel des responsabilités, et

les services fonctionnels des ressources humaines qui tiennent un rôle de conseil interne.

Du point de vue de la gestion des ressources humaines (désormais GRH), le management des

forces de vente a bénéficié de l’intérêt grandissant qui est porté aux ressources humaines dans la

gestion des organisations. La GRH est désormais reconnue comme une partie intégrante des

grandes fonctions de l’entreprise au même titre que le marketing ou la stratégie, et la gestion des

individus ne se limite plus à la simple administration du personnel. Cette approche est marquée

par une évolution des outils conceptuels et des pratiques qui donnent aux ressources humaines

une place prépondérante dans la conception et la mise en œuvre de la performance

organisationnelle. En s’inspirant des grandes problématiques relatives au comportement et

attitudes organisationnels, tels que la performance, la satisfaction au travail, l’implication dans le

travail et dans l’organisation, l’intention de quitter ou de rester, la GRH questionne de façon

particulière le management des forces de vente. Les vendeurs sont présentés comme une

population atypique de l’entreprise, car leurs activités sont déployées essentiellement à

l’extérieur de l’entreprise, ce qui nécessite un suivi différents du reste du personnel de

l’entreprise (Dubinsky et al 1986). Ainsi, un intérêt particulier est accordé au comportement du

vendeur, afin d’identifier ses déterminants individuels et organisationnels (Churchill et al,

1985). L’un des déterminants les plus explorés dans la littérature est probablement celui des

tensions de rôle, et particulièrement les conflits et ambiguïtés de rôle conceptualisé par Khan et

al (1964) dans leur modèle épisodique de rôle. Ces tensions de rôle prennent leur source dans la

position frontalière du vendeur et son rôle d’interface, entre l’entreprise et sa clientèle. On note

également dans ce champ de recherche les études sur le climat éthique des forces de vente et

leurs implications sur la performance du vendeur, la satisfaction au travail, l’engagement

organisationnel, l’intention de quitter (Fournier et al, 2010 ; Babin, Boles et Robin, 2000 ;

Dubinsky et Levy, 1985 ; Dubinsky et al, 1985 ; Lavorata, 2008). Enfin, il faut souligner l’intérêt

des travaux qui s’intéressent à l’influence des risques psychosociaux sur la performance du

vendeur et la satisfaction au travail.

Dans cette approche, une importance particulière est accordée aux aspects humains du

management des forces de vente. Les vendeurs sont des êtres humains qui ont des objectifs et des

valeurs propres, différents de ceux de l’entreprise. Ils éprouvent aussi des besoins et des

émotions aussi bien dans leur vie privée que dans leur travail. On s’intéresse davantage aux

Page 41: Contribution de la socialisation organisationnelle au

40

conditions de travail, au climat interne, au comportement éthique du vendeur, ou encore aux

risques psychosociaux liés au travail du vendeur tels que le stress, ou l’épuisement professionnel.

1.2. Les courants théoriques du management des force de vente

A l’origine, le management des forces de vente est à l’image du management en général,

caractérisé par un ensemble de pratiques, d’expériences et d’intuitions personnelles que les

managers s’emploient à mettre en œuvre pour gérer leur organisation de vente. Bien que ces

pratiques soient essentielles à la littérature des forces de vente, il faut attendre le début des

années 1970 pour que les premières théories et études empiriques soient formalisées dans ce

domaine de recherche (Johnston et Marshall (2003). Il s’en suivra un développement important

de la recherche qui dotera la discipline d’une littérature relativement dense et « sophistiquée »

principalement dans trois directions ou courant de recherche (Darmon, 1993, p.331) : le

comportement du vendeur, les décisions spécifiques prises par les managers, et les pratiques de

management des managers des forces de vente. Selon cet auteur, ces courants n’ont pas retenu la

même attention de la part des chercheurs.

Le premier courant concerne le comportement du vendeur, et tente d’expliquer la performance

du vendeur à partir de divers aspects de son comportement. Il est de loin le plus important, dans

la mesure où la préoccupation des chercheurs étaient d’identifier les caractéristiques du vendeur

qui prédisent le mieux la performance, afin d’élaborer les profils de vendeurs idéaux. Ce courant

est marqué par les travaux de Weitz (1979) qui privilégie une approche contingente de la

performance pour expliquer la performance des forces de vente. En effet, l’auteur met en

évidence trois approches fréquemment utilisées dans l’étude de la performance des forces de

vente : (1) la première approche tente d’établir un lien entre les caractéristiques du vendeur et sa

performance ; (2) la deuxième approche s’intéresse au comportement du vendeur durant les

interactions avec les clients, et tente de montrer l’intérêt des variables situationnelles dans la

détermination de la performance du vendeur ; (3) la troisième approche considère conjointement

les caractéristiques des vendeurs et des consommateurs pour apporter une explication plus

précise de la performance des forces de vente. Toutes ces approches ont tenté de mettre en

évidence les facteurs qui pouvaient expliquer la performance des vendeurs, mais très peu sont

parvenus à des résultats conséquents.

Le deuxième courant concerne les décisions spécifiques prises par les managers, et affectant

la force de vente. Selon Darmon (1993), les managers des forces de vente sont appelés à prendre

des décisions importantes permettant d’améliorer la mesure de certains indicateurs de

Page 42: Contribution de la socialisation organisationnelle au

41

performance. Il s’agit de recherches portant sur les méthodes d’optimisation des décisions, telles

que la taille optimale de la force de vente, la répartition des territoires de vente, les plans

optimaux de rémunération ou le système d’allocation du temps ou des efforts des vendeurs. Les

recherches réalisées dans ce courant font appel aux modèles mathématiques, et tentent

d’identifier les réactions des clients aux actions de la force de vente, plus communément

appelées les fonctions de « réponses-vente ». Selon l’auteur, « le concept de réponse-vente aux

activités d’un vendeur spécifie les ventes résultant de différents niveaux d’activité accomplies

par le vendeur au cours d’une certaine période de temps ». Il existe plusieurs niveaux

d’agrégation des fonctions réponse-vente. Au premier niveau, la fonction réponse-vente client

concerne les réactions potentielles des clients aux activités du vendeur. Dans le cadre d’un

territoire, ces fonctions peuvent être regroupées par type de clients déclinés selon la les tailles

des clients, l’utilisation des produits ou la situation géographique. Elles forment dans ce cas, les

fonctions réponses-vente territoires. Enfin, la fonction réponse-force de vente regroupe

l’ensemble des fonctions de réponse-territoires de toute la force de vente.

Dans une recension des modèles mathématiques de gestion de force de vente, Aït-Ouyahia

(2001) classe les décisions de l’effort de vente en trois grandes catégories : organisation

(structure, dimensionnement et déploiement), allocation et pilotage. Les décisions

d’organisation, L’optimisation de la structure est importante car une force de vente sera plus ou

moins efficace selon qu’elle est organisée par produit, par marché ou par zone géographique7. Le

calcul de la taille optimale de la force de vente est également important pour l’entreprise dans la

mesure où les vendeurs suscitent par leurs activités des coûts, et que ces coûts ont un impact sur

« la réalisation des objectifs de croissance et de profitabilité »8. Le découpage du territoire en

secteurs de vente a aussi un « effet évident sur la couverture du marché par l’entreprise, sur le

moral de l’organisation » et particulièrement sur le moral des vendeurs qui la compose9. Les

décisions d’allocation s’intéressent à la meilleure façon de répartir les ressources (mesurées en

heures, personnes, ou unités monétaires) entre « des entités telles que les produits, les marchés

et les clients », en tenant compte des objectifs stratégiques de l’entreprise. Les décisions relatives

au pilotage des forces de vente concernent le développement des plans de rémunération

optimaux, la motivation et l’évaluation des vendeurs. Selon l’auteur, ces décisions sont difficiles

à modéliser à cause de « l’interdépendance » qui existe nécessairement entre les catégories de

décision, et « l’importance de la composante humaine ».

7 Shapiro, 1979. 8 Lordish, 1976, 1980. 9 Zoltners et Sinha, 1983

Page 43: Contribution de la socialisation organisationnelle au

42

Par ailleurs, Aït-Ouyahia (2001) indique que les modèle d’aide à la décision de gestion de

force de vente ont des traits en commun un certain nombre de caractéristiques que l’auteur à

condensé dans sa propre sélection des modèles d’aide à la décision de force de vente (Cf. tableau

ci-dessous).

Tableau 1. Une sélection de modèles d’aide à la décision de l force de vente (Aït-Ouyahia, 2001)

Type de décision force de vente

« Modèle »/auteurs Variables clés Fonction objective

Contraintes clés Procédures de recherche

Allocation de visites

« Callplan »/Lodish (1976)

Temps de visite par client/ par prospect

Marge à base de fonction réponse-vente diminuée de coûts de déplacement

Temps maximal disponible

Analyse incrémental (progr. Dynamique)

Dimensionnement et allocation de l’effort de vente

« Syntex »/Lodish et al.(1988)

Temps de visite par segment-marché

Marge à base de fonction-réponse diminuée des frais de vente

Nombre maximal de visites ou de « détail »

Analyse incrémental (progr. Dynamique)

Découpe de territoire

« Geoline »/Hess et Samuel (1971)

Proportion d’unité géographique de potentiel affecté à un vendeur

Compacité Equité en potentiel ou charge de travail

Programmation entière

Découpe de territoire

Zoltners et Sinha (1983)

Indicateur binaire d’affectation

Un attribut spécifique (ex. moment d’inertie)

Autres attributs (charge de travail)

Programmation entière

Dimensionnement et découpe de territoire

Beswick et Craven (1977)

Temps de vente par entité

Profit à base de fonction-réponse et compacité

Contraintes de capacité force de vente

Procédure itinéraire

Dimensionnement et organisation

Rangaswany et al. (1990)

Effort de vente par force de vente et par segment

Marge à base de fonction-réponse diminuée des frais de vente

Nombre maximal de visites ou de détail

Programmation non-linéaire ad-hoc

Quotas et plan de bonus optimaux

Darmon (1987) Quotas individuels et paramètre du plan de bonus

Profit dépendant du potentiel non encore réalisé et du plan de bonus

Conditions d’équité (relations linéaire entre quotas et bonus)

Régression multiples et procédures itérative

Formes optimale de plan de rémunération

Basu e al. (0985) Effort de vente et schéma fonctionnel de rémunération

Profit dépendant d’une fonction-réponse stochastique

Niveau minimal d’utilité pour le vendeur

Expression analytique (Lagrangien)

Le troisième courant enfin s’intéresse aux pratiques de management des forces de vente et des

managers, c’est-à-dire à la façon dont les responsables commerciaux orientent les

comportements de leurs collaborateurs pour atteindre les objectifs de leurs entreprises. Les

études dans ce contexte sont essentiellement descriptives, et ne se borne qu’a retranscrire les

actions de gestion mises en œuvre par les managers. Selon Darmon (1993), ce courant parait être

le moins sophistiqué, et le plus répandu.

Page 44: Contribution de la socialisation organisationnelle au

43

1.3. Conceptualisation du management des FDV

Sur le plan conceptuel, la recherche sur le management des forces de vente est marquée par

deux approche qui s’opposent, mais qu’il est nécessaire de rapprocher pour avoir une bonne

compréhension de la discipline, mais aussi des pratiques qui sont mises en œuvre par les

entreprises. La première considère le management comme une activité de contrôle, compte tenu

du fait que les vendeurs exercent leur activité à l’extérieur de l’entreprise, et loin des structures

d’encadrement (1.3.1). La seconde, moins répandue appréhende le management des vendeurs

comme une activité entrepreneuriale qui doit permettre de libérer la créativité du vendeur et lui

donner l’autonomie dont il a besoin pour être performant (1.3.2).

1.3.1. Le management des FDV : une activité de contrôle

La notion de contrôle est essentielle au management des forces de vente, et certains auteurs

ont pu dire qu’elle est l’essence même de la fonction commerciale (Darmon, 1993, p. ), dans la

mesure où « son rôle consiste à s’assurer que les vendeurs accomplissent bien les activités

nécessaires à la réalisation des objectifs de l’entreprise ». Mais la teneur de ce contrôle dépend

du type de vendeur qui compose la force de vente.

En effet, il est possible de distinguer les vendeurs en fonction de leur lieu d’activité (itinérant

ou sédentaire) et en fonction de leur statut (salariés ou non salariés)10. Cette distinction induit des

niveaux de contrôle plus ou moins importants de la force de vente (Cf. Tableau N°2).

Tableau 2. Niveau de contrôle en fonction du lieu d’activité et statut du vendeur

Personnel travaillant dans les locaux de l’entreprise

Personnel salarié mais travaillant « sur les routes »

Personnel non salarié = vendeurs indépendants

Contrôle maxi (+++) Contrôle lacunaire (++) Contrôle délicat (+) 1° comment les contrôle-t-on ?

2° comment améliorer leur contrôle dans l’intérêt de

l’entreprise mandataire ? 3° comment améliorer leur contrôle sans « insatisfaire » ces indépendants ? (4° comment les réintégrer un jour parmi les vendeurs salariés ?)

10 Leroux, Frimousse et Peretti, 2008

Page 45: Contribution de la socialisation organisationnelle au

44

Le personnel travaillant dans les locaux de l’entreprise est qualifié de vendeurs internes (Zeyl

et Dayan, 2003). La sédentarisation du vendeur permet un contrôle maximal de ses activités. Le

personnel salarié mais travaillant « sur les routes » est composée de vendeurs itinérants, c’est-à-

dire des vendeurs qui travaillent essentiellement à l’extérieur de l’entreprise. Ils se déplacent

pour prospecter et négocier, et leur « temps productif » est selon Inizian (1998) celui qui échappe

le plus à l’évaluation immédiate. L’auteur indique que, dans ce cas, les managers de force de

vente ne peuvent exercer de fait qu’un contrôle limité sur les vendeurs dont ils ont la

responsabilité. Darmon (1993, p.17) considère cette catégorie de vendeurs comme des agents

quasi indépendants dont la direction est rendue difficile à cause de l’impossibilité pour les

managers de contrôler directement les activités des vendeurs, et par conséquent leur

performance. Le personnel non salarié enfin, correspond aux vendeurs indépendants qui,

contrairement aux deux précédentes catégories de vendeurs, n’entretiennent pas de relations

hiérarchiques avec les managers de l’entreprise. Ces vendeurs sont externes à l’entreprise, ils

échappent par conséquent au contrôle total de l’entreprise.

De nombreuses approches ont été développées dans la littérature, dévoilant à chaque fois un

aspect particulier du contrôle des forces de vente. Nous citerons la théorie des coûts de

transaction développée par Williamson (1975, 1981) qui suggère que le type de contrôle à

appliquer dans les forces de vente dépend de la difficulté à évaluer la performance du vendeur.

Pour ces auteurs, si la performance est difficile à évaluer, l’entreprise à intérêt à utiliser un

contrôle direct, dans le cas contraire elle peut utiliser un contrôle indirect basé sur le système de

commissions. Nous évoquons aussi l’approche d’Olivier et Anderson (1987) qui proposent deux

logiques opposés du contrôle de la force de vente basés sur les résultats (chiffre d’affaires,

volume de ventes) et les comportements (compétences et activités) du vendeur. Selon ces auteurs

le contrôle basé sur les résultats permet d’évaluer plus intensément les vendeurs à partir des

résultats. Il permet aussi aux vendeurs de disposer d’une plus grande autonomie (faible proximité

d’encadrement) et de les rétribuer avec une rémunération incitative. A l’opposé, le contrôle basé

sur les comportements est caractérisé par un management étroit et repose sur une rémunération

indépendante des résultats (fort pourcentage de salaire fixe). Par la suite, Darmon (2012) définit

le contrôle des forces de vente de façon plus large et l’assimile au pilotage même des forces de

vente. Pour cet auteur, le contrôle se présente comme un ensemble de procédures visant à

surveiller, diriger, motiver, évaluer et rémunérer les vendeurs. Il propose à cet effet un dispositif

de contrôle qui intègre tous les aspects du management de la force de vente, et définit les

différents outils qui servent de leviers de contrôle. Ces outils sont élaborés en fonction des

Page 46: Contribution de la socialisation organisationnelle au

45

efforts (en termes de niveau et de qualités) demandées aux vendeurs et d’un horizon temporel du

contrôle que nous résumons dans le tableau qui suit (Cf. tableau 3).

Tableau 3. Condensé des leviers de contrôle des forces de vente

Effort Horizon temporel

Niveau d’efforts Qualité des efforts

Court-terme

-objectifs qualitatifs des missions -définition des fonctions commerciales. -Programme de formation - support de communication

- le plan de quota - les incitatifs financiers

Long-terme

-structure de la fonction commerciale. - le recrutement des vendeurs -le management des carrières -le développement des capacités des vendeurs -le développement d’une culture commerciale

- la taille de la force de vente - le taux de roulement des vendeurs - l’organisation de la force de vente

Source : Adapté de Darmon, 2012

1.3.2. Le management des forces de vente : une activité entrepreneuriale

Le travail des forces de vente est caractérisé par une activité non routinière et en constante

évolution qui implique des adaptations aussi bien des vendeurs que des managers qui sont

appelés à les gérer. Cette adaptation est nécessitée par l’extrême ouverture de la fonction

commerciale à l’environnement externe de l’entreprise, et les contraintes de gestion qui sont

liées à l’activité du vendeur. Dans le même temps, l’entrepreneuriat en tant que domaine de

recherche ouvre des perspectives de développement qui offrent au management des forces de

vente un cadre d’application idéal. Un parallèle est souvent établi entre les concepts utilisés dans

le domaine de l’entrepreneuriat et la nature même des activités de vente, qui exigent un certain

degré d’autonomie, mais aussi de la créativité et de l’innovation de la part des vendeurs. Ces

vertus qui sont source de compétitivité pour l’entreprise, doivent intégrer le management de

l’entreprise dans son ensemble, et de façon particulière la fonction commerciale. Nous

présentons dans un premier temps le cadre théorique de l’entrepreneuriat, avant de préciser ses

applications, aussi bien théoriques qu’empiriques au niveau du management des forces de vente.

Page 47: Contribution de la socialisation organisationnelle au

46

1.3.2.1. Définition de l’entrepreneuriat

L’entrepreneuriat est un concept polysémique qui recouvre plusieurs domaines d’applications,

et ses enjeux sont aussi bien économiques que sociaux. Selon Degeorges (2005),

l’entrepreneuriat peut être appréhendé comme une pratique qui est repartie en « plusieurs

modalités » : la création d’entreprise, la reprise d’entreprise, le développement des entreprises

existantes, l’essaimage, etc. Elle peut aussi correspondre à un outil de développement social qui

permet de créer des emplois, d’innover, et d’épanouir les individus. Enfin, l’entrepreneuriat se

réfère surtout à une valeur à développer au sein d’une entreprise. Pour Verstraete (1990),

l’entrepreneuriat est un « phénomène multiple et trop complexe pour être réduit à une simple

définition », et le concept d’entrepreneur qui est sa traduction pratique à évolué avec le temps.

Ainsi, l’entrepreneuriat peut être appréhendé comme un mode de pensée : on parle d’esprit

d’entreprendre, ou de culture entrepreneuriale. Il peut aussi se matérialiser par des

comportements individuels ou collectifs auxquels sont associés certaines dispositions, telles que

la perception et l’acceptation du risque, l’orientation vers le développement et l’exploitation

d’opportunités, la prise de responsabilité, ou d’initiatives, etc. Il est enfin possible d’envisager

l’entrepreneuriat à travers l’acte d’entreprendre, ce qui conduit à un nombre de situations et de

modalités très diversifiées. Par exemple, on peut entreprendre en créant une entreprise ou au sein

d’une entreprise existante, et les modalités de ces actes peuvent être la création en franchise, la

reprise d’entreprise, ou le travail indépendant. De façon générale, l’entrepreneuriat se présente

comme une nouvelle philosophie des affaires, qui présente plusieurs vertus : créativité,

innovation, sens de l’initiative, flexibilité, et surtout création d’emploi (Degeorges, 2005).

Du point de vue de la recherche, trois approches fondamentales sont couramment cités dans la

littérature : l’approche fonctionnelle des économistes, l’approche centrée sur les individus, et

l’approche processuelle. Les travaux des économistes sont considérés comme les fondements du

champ de l’entrepreneuriat, notamment parce qu’ils accordent à l’entrepreneur une place centrale

dans la dynamique économique. Ainsi, l’entrepreneur est le repreneur de risques (Says, 1767-

1832), un innovateur (Schumpeter, 1883-1950), un chercheur d’opportunité (Kirzner, 1973).

L’approche centrée sur l’individu ou approche par les traits porte sur les connaissances de

l’entrepreneur, et notamment ses caractéristiques psychologiques. Elle stipule que l’entrepreneur

est un être à part qui est doté dès sa naissance de qualités exceptionnelles qui lui permettent de

prendre les bonnes décisions. Cette conception de l’entrepreneuriat est remise en cause par ceux

qui estiment que d’autres variables doivent être prises en compte dans la formation du

comportement entrepreneurial d’un individu. Enfin, l’approche processuelle considère que

l’entrepreneuriat est un phénomène complexe qui ne peut se résumer aux caractéristiques des

Page 48: Contribution de la socialisation organisationnelle au

47

entrepreneurs, ou à une fonction économique. Par conséquent, les tenants de cette position

proposent une approche processuelle articulée autour de quatre paradigmes : la création d’une

nouvelle organisation, l’approche par l’opportunité entrepreneuriale, la création de valeur

nouvelle, et l’innovation (Verstraete et Fayolle, 2005). Vu sous cet angle, l’entrepreneuriat est un

processus qui a lieu dans un contexte organisationnel, et qui intègre à la fois des composantes

comportementales et attitudinaux (Morris et al, 1990). Selon ces auteurs, les comportements et

les attitudes qui relèvent de l’entrepreneuriat peuvent être appréhendés sous trois dimensions. La

première se réfère à l’innovation, c’est-à-dire à la recherche de solutions nouvelles ou

exceptionnelles relevant de la créativité, telles que la création de nouveaux produits ou services

pour répondre à des besoins identifiés, ou la mise en place de nouveaux processus de travail, etc.

La deuxième dimension concerne la prise de risque qui implique de la part du management, des

initiatives et de la responsabilisation afin de saisir les opportunités qui se présentent. La

troisième dimension concerne la proactivité des acteurs, c’est-à-dire leur capacité à créer des

situations favorables à l’acte entrepreneurial. En définitif, cette approche relève de ce qu’il

convient d’appeler l’entrepreneuriat organisationnel, dont l’application est jugée pertinente dans

tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise, et particulièrement dans les fonctions

commerciales.

1.3.2.2. La dimension entrepreneuriale du management des forces de vente

Dans la littérature, le management des forces de vente est souvent présenté comme la

fonction la plus ouverte à l’entrepreneuriat, en raison des similitudes qui caractérisent l’activité

entrepreneuriale avec le métier de vendeur d’une part, et le rôle « d’ambassadeur » qui est dévolu

à la force de vente dans les rapports qu’elle entretient avec les différents publics qui composent

l’environnement externe de l’entreprise d’autre part (Morris, et al, 1990). Selon Darmon (1993,

p.24), les vendeurs sont des entrepreneurs qui disposent d’une quasi indépendance dans leurs

activités. Cette indépendance relative leur confère un caractère entrepreneurial. Ainsi, les

activités de prospection font directement appel à la créativité et à l’innovation, puisque le « rôle

du vendeur consiste à briser les relations que le client potentiel à déjà établi avec un concurrent,

et en créer une nouvelle entre le prospect et l’entreprise qu’il représente ». De même, dans les

relations à la clientèle actuelle, le vendeur est obligé de veiller à la satisfaction et de scruter

l’évolution des besoins des clients afin de mettre en évidence de nouvelles opportunités de

vente. Les activités de transmission d’information permettent aux vendeurs de livrer à leur

hiérarchie des informations sur leur environnement immédiat afin de faciliter la prise de

décision, et de réduire ainsi les risques inhérents à l’activité des concurrents. En somme, les

vendeurs sont responsabilisés dans la gestion des territoires qui leur sont confiés, et cette gestion

Page 49: Contribution de la socialisation organisationnelle au

48

consiste essentiellement à gérer leur temps de travail et les relations avec les clients actuels et

potentiels. La gestion du temps repose sur une meilleure répartition du temps de travail entre les

activités directement liés à la vente à qui il faut accorder un maximum de temps, et les autres

activités qui doivent être accomplies dans un minimum de temps. La gestion des relations avec

les clients repose, quant à elle, sur la maitrise de l’information, notamment les informations

concernant les besoins explicites et latents, les problèmes et les processus de décision des clients.

Ces informations doivent faciliter le travail du vendeur lors de la négociation et permettre

l’obtention des commandes. Par ailleurs, les vendeurs doivent également établir et gérer les

relations avec toutes les personnes (ou services) qui, à l’intérieur de l’entreprise détiennent des

informations importantes pour l’accomplissement de leurs taches (superviseur, production,

techniciens, etc.). Ces informations ne peuvent être obtenues que si le vendeur est proactif, et

initie des rencontres avec les personnes qui détiennent ces informations.

Aussi, pour permettre aux vendeurs d’accomplir efficacement leurs activités, il est souhaitable

que les responsables commerciaux pratiquent un management qui exige à la fois de l’innovation,

une prise de risque mesurée, et de la proactivité (Morris et al, 1990). Selon ces auteurs, une

approche entrepreneuriale parait plus adaptée pour assurer avec succès le management des forces

de vente, compte tenu des exigences du métier de vendeur en termes de flexibilité, de

responsabilisation, et de créativité. Les résultats de l’étude empirique réalisée à cet effet auprès

des responsables commerciaux révèlent que : (1) l’entrepreneuriat est un terme qui est appliqué

aussi bien aux individus qu’aux organisations, mais avec un accent particulier sur l’effort

individuel ; (2) l’individu entrepreneurial est le produit de son environnement, et il est caractérisé

par des comportements d’impulsion, d’auto-confiance, un sens de l’action et de l’orientation, la

persévérance, et la prise de risque ; (3) les attributs associés à l’entrepreneuriat sont aussi ceux

identifiés comme les plus décisifs au succès dans les forces de vente ; (4) l’entrepreneuriat est la

base de la gestion stratégique de l’organisation, elle est caractérisée par des attributs comme

maintenir une bonne planification, investir dans le développement de nouveaux produits et des

services, être tolérant à l’échec, et être créatif dans la résolution des problèmes ; (5) les

organisations sont capables de développer l’instinct entrepreneurial chez leurs employés ; (6) les

responsables commerciaux identifient les fonctions vente marketing comme les plus

entrepreneuriales de leur entreprises ; (7) la stratégie de développement est le domaine dans la

vente où l’approche entrepreneuriale est la plus importante, mais il y a aussi le recrutement des

vendeurs, la mise en œuvre du système de rémunération, et toutes les méthodes de motivation

des vendeurs ; (8) la commission et les incitatifs financiers sont les pratiques les plus cohérentes

avec l’esprit entrepreneurial ; (9) les principaux obstacles au développement de l’entrepreneuriat

Page 50: Contribution de la socialisation organisationnelle au

49

dans la vente sont le contrôle excessif des supérieurs hiérarchiques, la tendance à résister au

changement et l’aversion pour le risque.

1.4. La force de vente, une population diversifiée

A l’origine très axé sur les vendeurs salariés, le management des forces de vente a vu son

champ de recherche s’élargir aux forces de vente externe, et particulièrement aux forces de vente

externalisées (Leroux et Peretti, 2004). Dans cette recherche, nous présentons successivement les

différents statuts du vendeur et leur influence sur le management des forces de vente (1.4.1), et

particulièrement le statut d’agent commercial (1.4.2).

1.4.1. La diversité des formes et statuts de la force de vente

Le statut de vendeur permet de distinguer deux types commerciaux dans l’entreprise, les

commerciaux salariés qui sont liés à l’entreprise par un contrat de travail, et les commerciaux

non salariés qui entretiennent avec l’entreprise une relation commerciale.

Nous présentons la littérature sur le concept de statut dans les sciences sociales et ses

implications dans le management (1.4.1.1), puis sa contractualisation dans l’entreprise (1.4.1.2).

Enfin, nous analysons le statut d’agent commercial en mettant en évidence le rôle du vendeur

dans l’entreprise (1.4.1.3).

1.4.1.1. Le concept de statut dans la littérature des sciences sociales

Le terme statut à été conceptualisé pour la première fois en 1936 par un anthropologue du

nom de Linton, mais son usage dans les recherches en science de gestion reste limité. Les

chercheurs lui préférant le concept de rôle plus fonctionnel. Dans ce paragraphe, nous nous

proposons de mettre en évidence le terme statut et son corollaire le rôle, appréhendés comme

phénomènes sociaux.

Le statut exprime l’idée d’une position ou d’un rang, selon Linton (1936), il désigne « les

pôles opposés dans un modèle de comportement réciproque ». Selon cet auteur, le bon

fonctionnement de la société en général et des organisations en particulier dépend de ces

modèles de comportement qui mettent en relation des individus occupant des positions contraires

dans les organisations. C’est le cas par exemple du vendeur et son superviseur direct dans le

cadre de la force de vente ou du chef de service et son subordonné dans le cadre de l’entreprise.

Ainsi, à chaque statut sont liés certains modèles de conduite qui prescrivent aux individus placés

dans ces positions comment ils doivent se comporter notamment envers ceux qui occupent des

Page 51: Contribution de la socialisation organisationnelle au

50

positions complémentaires. Pour Parsons11qui abonde dans le même sens que Linton, le statut

indique donc une position, celle d’un individu par rapports aux autres individus dans une

structure sociale. A cette position sont attachés des droits et des devoirs déterminés par la

société. Brassier12 dans sa thèse de doctorat, s’appuie sur cette notion de position sociale pour

donner un cadre de référence au statut. Selon l’auteur, la position sociale est « l’ensemble des

droits, des devoirs, des pouvoirs et des responsabilités dont le caractère contraignant est

constitutionnellement garanti par l’organisation, en référence à sa structure formelle ». En

d’autres termes, un statut est toujours établi en fonction d’un cadre contextuel bien défini, par

exemple l’entreprise dans laquelle évolue l’individu détenteur du statut. C’est la société qui

donne un pouvoir à ce statut en formalisant ses normes en droit et devoirs réciproques.

Cependant, le statut ne peut se définir sans la notion de rôle car il ne représente que le cadre de

référence imposé par les règles, la loi et la société.

Le rôle est défini par Linton comme « l’aspect dynamique du statut » et également comme

« la somme totale des modèles culturels associés à un statut particulier ». Selon l’auteur, le statut

est statique, il permet simplement de repérer les positions respectives des individus à l’intérieur

d’un système social donné (entreprise, famille, etc.), alors que le rôle est fonctionnel et

s’exprime en action. Dans le même esprit, Brassier (2004) défini le rôle comme l’ensemble des

actes et des comportements cohérents d’un individu eu égard à sa position et son statut dans un

groupe social donné. Le rôle « englobe » donc les attitudes, les valeurs et comportements que la

société assigne à toutes les personnes qui occupent un statut donné. Ce rôle s’inscrit alors dans

une perspective sociale, car non seulement il correspond à une position contraire (Rogard,

2003), mais il est aussi le résultat d’un processus par lequel l’entreprise en tant qu’institution

sociale détermine les normes auxquelles doivent se conformer les individus qui tiennent ces

rôles. Un rôle ne peut être compris qu’en prenant en compte son contexte social, car on joue

toujours un rôle par rapport à quelqu’un. Ainsi l’exercice du rôle de vendeur suppose

nécessairement l’exercice de rôles complémentaires comme celui de manager des ventes ou de

client. Pour Mead13, le rôle est la façon dont un individu occupe la place qui lui est donnée. Dans

ce cas, la conduite du sujet n’est pas libre, elle se déroule suivant un plan de comportement

déterminé. Pour Moreno14, le rôle est la plus petite unité de la culture. C’est un modèle organisé

de conduites liées à certaines postures vis-à-vis de l’autre. Moreno distingue le rôle prescrit du

11 Cité par Rogard, 2003 12 Reposition du rôle du manager intermédiaire (2004) 13 Cité par Rogard, 2003 14 Cité par Rogard, 2003

Page 52: Contribution de la socialisation organisationnelle au

51

rôle spontané. Le rôle prescrit est articulé à l’attente des autres, alors que le rôle spontané est

beaucoup plus fictif, il n’est pas attendu.

Le rôle professionnel est celui des acteurs de l’entreprise. Ce rôle est marqué par les attentes

diverses, variées voir contradictoires qu’expriment des individus en relation avec celui qui tient

un rôle donné. Dans l’entreprise, les rôles destinés aux individus qui la compose sont

généralement formalisés dans des écrits (fiche de poste, profil par exemple), mais dans la

pratique on se rend compte qu’il y a des divergences dans la représentation que ces individus se

font de leurs propres rôles et des rôles tenus par les autres. Pour Brassier le rôle professionnel

est « l’ensemble des actes et des comportements cohérents attendus d’une personne du fait de sa

position et de son statut spécifique dans l’entreprise »15

Figure 2. Définition du rôle dans le cadre social

Structure sociale Position sociale Modèle Fonction Statut

Cadre social

Normes Attentes Droits Devoirs Valeurs Attitudes Comportements Fonction

Rôle

Source : Brassier, 2004

Au regard de ces développement, nous constatons que les deux concepts constituent les

« deux faces » d’un même phénomène. Ils sont « parfaitement » inséparables, et il est impossible

de parler de l’un sans l’autre. Alors que le statut défini une position statique dans une

organisation, le rôle détermine les comportements qu’un individu doit adopter pour être

conforme à son statut. Le rôle comporte à la fois des droits et les devoirs attachés au statut, mais

également certaines attitudes qui sont sensées favoriser les taches afférentes au statut. Ces deux

termes, quoi que différents dans leur étymologie, sont cependant très liés à tel enseigne qu’ils

sont le plus souvent confondus et utilisés indifféremment par certains auteurs. Cependant, nous

retiendrons que c’est le terme de rôle qui a fait l’objet de nombreuses vérifications empiriques,

notamment en ce qui concerne les perceptions qu’ont les vendeurs de leurs rôles et leurs

incidences sur la performance (Walker et al, 1985).

15 Brassier, thèse de doctorat, 2004

Page 53: Contribution de la socialisation organisationnelle au

52

1.4.1.2. La contractualisation du statut de vendeur

D’un point de vue juridique le terme statut peut être appréhendé comme l’ensemble des

dispositions réglementaires et conventionnelles qui définissent l’exercice d’un métier. Pour les

forces de vente, il s’agit des droits et des obligations qui sont attachés au statut du vendeur. Ces

règles sont définies dans une large mesure par le législateur, et elles sont complétées par les

conventions collectives, selon les branches et les contrats qui sont passés entre les individus et

les entreprises. Le métier de vendeur peut être exercé différemment selon que l’on est lié à

l’entreprise par un contrat de travail ou par un contrat commercial. Zeyl et al. (2011) distinguent

cinq statuts de vendeur : le salarié de droit commun, le VRP, l’agent commercial et le vendeur à

domicile indépendant. (Cf. figure 3)

Figure 3. Les formes et statuts de la force de vente

Possibilités de direction et de contrôle par le manager commercial + Salaries

d’une seule

entreprise

Employé

pour/par

plusieurs

entreprises

_

FDV

FDV PROPRE

FDV DELEGUE

E

Vendeur employé

Vendeur cadre

Vendeur exclusif

Vendeur multicarte

Agent commercial

FDV supplétive

Personne physique

Personne morale

Salariés

Vendeur à domicile

indépendant

Source : Zeyl (2011)

§ Le salarié de droit commun.

C’est un vendeur dont la relation avec l’entreprise est scellée par un contrat de travail qui

impose à l’employeur certaines obligations, telles que le salaire minimum, la durée de travail, le

remboursement des frais professionnels ou encore les indemnités de rupture. En aucun cas

l’entreprise ne peut faire moins que la loi.

Page 54: Contribution de la socialisation organisationnelle au

53

§ Le Voyageur Représentant Placier (VRP).

Le VRP est un vendeur salarié dont l’activité est régie par une convention collective

spécifique aux commerciaux. A la différence d’un salarié de droit commun, sa relation est

marquée par des engagements déterminant l’objet de la représentation, le secteur concédé et les

modalités de rémunération. C’est donc un vendeur de terrain dont la rémunération est constituée

par une commission en pourcentage, mais peut également comprendre un fixe16. Selon que le

vendeur travail pour le compte d’un seul employeur, il sera qualifié d’exclusif ou pour le compte

de plusieurs employeurs, il alors est un multicarte.

§ Le vendeur à domicile indépendant

Il à longtemps exercé sans véritable statut reconnu, employé à temps partiel le plus souvent

pour de nombreuses entreprises spécialisées dans la vente au particulier de produits de grande

consommation (Zeyl et al.2011, p.134). C’est un vendeur indépendant qui vise exclusivement

une clientèle de particulier, visitée à leur domicile ou en tout lieu non destiné à priori à la vente.

Il est lié à l’entreprise par un contrat qui lui confie la distribution de ses produits ou services.

Selon les contrats, le vendeur peut être mandataire, acheteur-vendeur ou courtier.

§ La force de vente supplétive

Elle est fournie par un prestataire de vente pour renforcer ponctuellement la force de vente

interne d’une entreprise. Il s’agit d’un apport quantitatif de main-d’œuvre commercial qui peut

être lié à un lancement de produit, un élargissement de territoire ou une augmentation soudaine

de la demande (Zeyl et al. 2011). Selon ces auteurs, la force de vente supplétive ne constitue pas

un prestataire similaire à l’agent commercial. Alors que l’agent commercial est le plus souvent

lié à l’entreprise par un contrat à durée indéterminée et travaille seul ou en équipe restreinte, le

vendeur externalisé est géré par un prestataire de services, dans le cadre d’un contrat

commercial.

§ L’agent commercial

C’est une personne physique ou morale qui vend pour le compte d’un tiers des produits et des

services. Il est le mandataire d’une ou plusieurs entreprises. Selon Zeyl et al. (2011), l’agent

commercial est le principal indépendant exerçant à temps plein le métier de vendeur. Lorsque

l’agent commercial est une personne physique, il développe l’activité de son mandant dans un

secteur géographique restreint. Il travaille selon les choix de son mandant tout en restant le seul à

16 Selon qu’il est exclusif ou multicarte

Page 55: Contribution de la socialisation organisationnelle au

54

décider de la manière de travailler. Lorsque l’agent commercial est une agence de grande

envergure, il couvre une zone beaucoup plus vaste et décide à la place du mandant de la stratégie

de développement à mettre en place. Dans ce contexte, l’agent commercial apparaît comme un

indépendant à part entière.

Le terme agent commercial désigne bien un statut de vendeur qui se traduit par une position

précise dans l’entreprise. A cette position correspondent des rôles, c’est-à-dire des

comportements et des conduites attendues par toutes les personnes qui tiennent des rôles

complémentaires dans l’entreprise. Ces attentes proviennent du vendeur lui-même, mais aussi de

son entourage et particulièrement des personnes qui disposent d’un pouvoir de prescription dans

l’entreprise.

1.4.2. Le statut d’agent commercial

La gestion des vendeurs indépendants est souvent corrélée à la difficulté de concilier les

aspects juridiques, liés au statut, avec la pratique au quotidien d’une activité qui nécessite de

nombreuses interactions. Dans l’entreprise et même en dehors, la dénomination agent

commercial est généralement attribuée à tout vendeur de rang subalterne. Cette confusion

(entretenu ou pas) est non seulement à l’origine du peu d’attrait17 que suscite cette profession

auprès des jeunes, mais elle est aussi la source des mauvaises pratiques de gestion que l’on

rencontre dans les forces de vente. Dans ce contexte, le statut du vendeur nous parait un élément

déterminant dans la recherche d’une meilleure compréhension du management des forces de

vente indépendantes.

1.4.2.1. Le rôle de l’agent commercial

Le rôle de l’agent commercial est de représenter son mandant… L’agent commercial est donc

un négociateur qui permet à un opérateur économique d’accéder à un marché, et son travail

consiste à établir pour ses mandants des relations de qualité avec sa clientèle. Les services

accomplis par l’agent ont pour finalité la création d’une valeur ajoutée commercial pour le

mandant. Cette valeur peut être appréhendée à travers trois éléments : le premier concerne

l’ensemble des taches incombant à l’agent dans son travail, et qui doivent être préciser dans le

contrat d’agence ; le deuxième élément concerne « la finalité qui inspire toutes les missions du

vendeur, c’est-à-dire assurer une relation de qualité entre l’entreprise et la part de marché qui lui

est confié ; le troisième élément reflète les efforts consentis conjointement par l’entreprise et son

agent, en terme de chiffre d’affaires, de commissions perçues et de satisfaction clients.

17 Emploi précaire

Page 56: Contribution de la socialisation organisationnelle au

55

L’agent commercial est un négociateur qui assure un double rôle de représentant et

d’information auprès de son mandant. Ce rôle repose sur une relation de confiance réciproque

nécessaire entre les acteurs. Il est important que le mandant s’assure qu’il est bien représenté par

son agent, et ce dernier a besoin pour sa part qu’il lui est permis d’engager la clientèle dont le

mandant désire. Le rôle d’information est perceptible dans la capacité de l’agent à recueillir

l’information, et surtout par sa qualité d’écoute de façon a apporter des réponses aux besoins des

clients, et à renseigner l’entreprise sur l’évolution de la concurrence. Pour accomplir ses taches,

l’agent commercial dispose, sur le plan juridique, d’une délégation de pouvoir que lui confère le

mandat. Ainsi, l’agent commercial peut prendre des initiatives quant l’orientation stratégique de

son activité (spécialisation, définition des zones d’activités). L’agent détient son pouvoir des

entreprises pour lesquelles il agit comme mandataire, mais cette délégation de pouvoir dépend de

l’ampleur des taches qui lui sont confiés par le mandant. Ainsi, lorsque l’activité du mandant est

confinée dans un territoire restreint, le niveau de délégation de pouvoir est plus ou moins réduit.

A l’inverse, si l’agent commercial intervient sur un territoire plus étendu, il dispose d’un pouvoir

de décision plus large, et par conséquent d’une plus grande indépendance dans l’organisation et

la commercialisation des produits qui lui sont confiés par le mandant.

1.4.2.2. Les droits et devoirs attachés au statut d’agent commercial

L’agent commercial est un « mandataire qui à titre de profession indépendante, est chargé de

façon permanente de négocier, et éventuellement de conclure des contrats de vente, d’achat, de

location ou de prestation de service, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de

commerçants ou d’autres agents commerciaux, sans être lié envers eux par un contrat de

travail »18. Selon Leloup (2005, p.43-68), cette définition exprime les traits caractéristiques de

l’agent commercial, à savoir : (1) l’agent commercial est un professionnel indépendant, et (2)

l’agent commercial est un mandataire professionnel.

En sa qualité de professionnel indépendant, l’agent commercial jouit de l’indépendance qui

est dû à tout chef d’entreprise. Cette indépendance constitue un principe juridique fondamental

de la relation de travail, et sa violation peut avoir de graves conséquences pour l’entreprise, car

les juges peuvent requalifier le contrat commercial en contrat de travail classique, en appréciant

simplement les éléments de fait, et notamment les indices tirés de la liberté d’organisation

(Jurisprudence, Cass-soc 5 janvier 1990). Selon Macquet et Perrault (1992), les vendeurs

indépendants disposent d’une grande liberté dans leur travail. Cette liberté peut être déclinée en

liberté d’organisation, liberté d’action, et en liberté d’activités. La liberté d’organisation se réfère

18 Article 184 du code des affaires de L’OHADA

Page 57: Contribution de la socialisation organisationnelle au

56

au fait que le vendeur décide de façon autonome de l’allocation des ressources et des efforts

nécessaires à son activité, de l’allocation du temps et des efforts à fournir pour accomplir ses

taches. Les deux aspects importants de la liberté d’organisation sont : (1) l’agent peut être une

personne physique ou une personne morale, autrement dit il décide de la structure

organisationnelle la mieux adaptée à son projet professionnel ; (2) l’agent peut librement recruter

du personnel, c’est-à-dire qu’il peut embaucher d’autres agents commerciaux qui travailleront

sous le statut d’indépendant, ou même embaucher des salariés qui seront régis par le droit de

travail. La liberté d’actions concerne le pouvoir dont dispose le vendeur dans le choix des actions

qu’il juge appropriées pour atteindre les objectifs qui lui sont fixés. Il décide aussi du niveau et

la qualité d’efforts à fournir pour accomplir les tâches dont il a la charge. La liberté d’activité

enfin, confère au vendeur le droit de décider des activités qui vont constituer son portefeuille

d’activités. Dans ce contexte, le vendeur indépendant peut mener parallèlement plusieurs

activités, ou représenter plusieurs entreprises, sans que cela ne soit soumis à une autorisation.

Cependant, il est conseillé que le vendeur indépendant et son employeur travaillent en bonne

harmonie, car le contrat qui les uni est un contrat d’intérêts commun. Pour cela, la loi prévoit des

obligations réciproques dont la principale est l’obligation d’informations.

En sa qualité de mandataire professionnel, l’agent commercial est le chargé d’affaires

permanent des ses mandants. Son travail consiste à négocier dans l’achat comme dans la vente, à

conclure des contrats, et à convaincre ses interlocuteurs d’adhérer à ses propositions (produit ou

services). L’agent commercial est un prestataire de service de vente qui assure un double rôle de

représentation et d’information auprès d’un ou de plusieurs mandants, grâce notamment à la

délégation de pouvoir dont il bénéficie (Leloup, 2005, p. 14-20). En sa qualité de prestataire,

l’agent commercial a pour mission de vendre à une clientèle définie, au nom et pour le compte

d’un opérateur économique, les biens ou les services qu’offre cet opérateur. Dans ce cas, il n’agit

pas pour son compte, mais pour les intérêts de l’entreprise qui lui a sous-traité tout ou partie de

sa fonction commerciale. Le vendeur propose à la vente les produits de ses commettants, sans

pour autant en acquérir la propriété, ce qui le diffère fondamentalement des autres intermédiaires

de la distribution dont l’activité repose plutôt sur des spéculations financières.

Par ailleurs, il réalise un important travail d’informations qui nécessite de sa part des qualités

d’écoute. L’écoute indispensable de son mandant, puisqu’il le représente et doit prendre des

décisions en son nom. L’écoute des clients nécessaire pour permettre à l’agent commercial de

proposer aux clients des produits qui répondent à leurs besoins. L’écoute des concurrents pour

permettre au mandant de réagir par rapport à l’évolution du marché.

Page 58: Contribution de la socialisation organisationnelle au

57

2. Les études empiriques sur le management des force de vente

Les travaux réalisés jusqu’à maintenant sur le management des forces de vente font une large

part à la gestion du vendeur salarié, laissant de côté le vendeur externe. Cependant, le

développement récent de l’externalisation à suscité quelques études qui restent encore très

marginales.

2.1. Analyse des travaux empiriques sur le management des ressources humaines des

forces de vente

La recherche fait état d’une abondante littérature venant surtout de chercheurs américains,

mais compte tenu de l’orientation « ressources humaines » de notre recherche, nous nous

appuyons essentiellement sur la revue de la littérature de Darmon (1993, 2012) axée sur les

forces de vente salariées. Par conséquent, nous présentons successivement les travaux sur le

recrutement, la formation, la rémunération et les quotas de vente.

· Les travaux sur le recrutement des vendeurs

S’agissant du recrutement, churchill et al (1985) examinent dans une méta-analyse les

relations existant entre les variables personnelles et organisationnelles, et la performance en

vente. L’une des conclusions les plus importantes de cette étude est que les caractéristiques

intrinsèques des vendeurs, c’est-à-dire celles qui sont difficiles ou impossibles à modifier

(aptitudes et traits de personnalité), ne peuvent expliquer qu’une faible partie de la variabilité des

performances de vente. Par contre, les compétences et la motivation du vendeur l’explique un

peu mieux. Etant donné que les responsables commerciaux peuvent, grâce à une formation et à

une supervision adéquate, contrôler le niveau de compétence et de motivation des vendeurs. Les

résultats obtenus dans cette étude suggèrent qu’on ne nait pas nécessairement bon vendeur mais

qu’on peut le devenir.

Plus récemment, Perroto (2011) propose, à la suite des travaux de churchill et al (1985), un

modèle conceptuel des déterminants de la performance du vendeur qui met en relation quatre (4)

traits de personnalité (dont deux sont tirés des modèles de personnalité du Big-Five et du type A)

avec l’effort et la performance du vendeur. Il s’intéresse particulièrement au vendeur

« chevronnés » et tente de trouver une explication aux capacités dont font preuve ces vendeurs à

maintenir un niveau de performance élevé tout le long de leur carrière. L’étude doit fournir au

manager les déterminants qui permettent de gérer efficacement les vendeurs, de stimuler ceux

qui sont moins performants et de définir les profils des vendeurs lors des recrutements. Les traits

Page 59: Contribution de la socialisation organisationnelle au

58

de personnalité identifiés sont : La rigueur (un des traits du Big Five) est le degré auquel un

individu est fiable, travailleur, responsable... elle est prédictive de la performance et présente une

grande stabilité ; L’esprit de compétition se présente sous deux formes, une forme

« externalisée » et une forme « internalisée » ; L’estime de soi fait référence à une évaluation

positive de soi par l’individu et se compose de deux dimensions distinctes, la compétence et la

valeur. L’efficacité personnelle est le jugement de l’individu sur sa capacité d’organiser et

d’utiliser les différentes activités inhérentes à la réalisation de la tâche à exécuter. Les résultats

de l’étude montrent que les traits de personnalité étudiés expliquent la performance du vendeur,

avec une pointe sur la triade efficacité personnelle-effort-rigueur. De même il est aussi possible

de distinguer à travers cette étude, les vendeurs performants des vendeurs standards en

s’appuyant sur la façon dont ils orientent leurs efforts sur la performance. Enfin, il faut noter que

cette performance est modérée par la durée du vendeur à son poste. Si le vendeur est plus jeune,

l’effort et l’efficacité personnelle sont les déterminants de sa performance, s’il est plus âgé,

l’esprit de compétition et la rigueur sont les déterminants à prendre en compte.

· Les travaux sur la formation des vendeurs

Les recherches empiriques sur la formation des vendeurs sont plutôt rares. Cependant, on note

à partir des années 1970 l’émergence des premiers travaux portant essentiellement sur les

programmes de formation (Darmon, 1993, p.178-179). Selon l’auteur les chercheurs se sont

intéressés au contenu des formations et leur implication aux différentes situations de vente qui se

présentent à un vendeur. Ils suggèrent que les programmes de formation qui tiennent compte des

connaissances des vendeurs les plus productifs sont plus efficaces dans la transmission, aux

vendeurs, des connaissances « déclaratives » et « procédurales » adaptées.

En ce qui concerne le type de formation, les chercheurs suggèrent que la formation sur le

terrain peut être plus efficace que les cours théoriques pour transmettre les connaissances

théoriques. Alors que les cours théoriques, à travers les jeux de rôle, sont très efficaces lorsqu’ils

précèdent la formation sur le terrain. Les résultats de ces propositions indiquent que les vendeurs

possèdent des structures de connaissance que l’on peut identifier et que l’on peut utiliser pour la

formation des nouvelles connaissances.

· Les travaux sur la rémunération des vendeurs

Les recherches empiriques sur la rémunération des forces de vente ont tenté d’évaluer et

d’analyser les réactions des vendeurs aux incitatifs financiers et aux autres éléments de la

rémunération (Darmon, 1993, p.225). Les chercheurs ont, le plus souvent, cherché à savoir si les

Page 60: Contribution de la socialisation organisationnelle au

59

gains et les incitatifs pourraient influencer le comportement des vendeurs. Ils testent alors cinq

ensembles d’hypothèses qui traduisent les comportements possibles des vendeurs. Cette étude

avait pour objectifs de trouver l’hypothèse qui pouvait le mieux expliquer le comportement des

vendeurs face à leur plan de rémunération sur une période donnée.

Tableau 4. Condensé d’hypothèses sur les incitatifs financiers (Darmon, 1974, 1977)

Hypothèse Comportement

Domaine d’étude

Le vendeur agit selon ses habitudes ou oppose de l’inertie au changement

La perspective de gagner plus ou moins d’argent ne motive pas les vendeurs. Leur comportement ne change pas, même après une modification de leur rémunération

L’hypothèse faite de manière implicite par l’analyste qui projette les tendances des ventes passées dans l’avenir sans tenir compte des changements possibles du plan de rémunération.

Le vendeur cherche à améliorer sa performance de vente

Les vendeurs sont surtout intéressés à atteindre le volume de vente le plus élevé possible indépendamment des gains qui peuvent en résulter.

Le vendeur cherche à satisfaire des besoins d’ordre plus élevés dans la hiérarchie de Maslow (McClelland, 1967) ou à atteindre systématiquement ses quotas (Winer, 1973)

Le vendeur cherche à atteindre un niveau acceptable (ou de ventes)

Il décrit des vendeurs hédonistes travaillant aussi peu que possible pour atteindre un niveau de revenu qu’il juge satisfaisant, ou pour réaliser un volume de vente suffisant pour satisfaire leur superviseur et pouvoir garder leur emploi.

Les hypothèses sont similaires à la théorie X de McGregor (1960) dans laquelle le s travailleurs sont décrits comme des sujets passifs , indolents et cherchant à travailler le moins possible.

Le vendeur cherche à augmenter ses espérances de gains financiers

Le vendeur cherche à gagner le plus d’argent possible, compte tenu qu’ils ne disposent que d’un temps limité pour leurs activités de vente.

Ces hypothèses sont également à la base des travaux de Farley (1964).

Le vendeur cherche à maximiser son niveau de satisfaction

Les vendeurs essaient de trouver l’allocation la plus satisfaisante possible de leur temps entre le travail et les « loisirs »

Ces hypothèses sont soutenues par de nombreux économistes qui considèrent les vendeurs comme des fournisseurs (et consommateurs) de leur temps et qui tentent de maximiser leur fonction d’utilité (Lancaster, 1969)

L’étude conclut que les vendeurs s’étaient comportés comme si chacun avait pour but

(consciemment ou non) d’atteindre un certain niveau de revenu qu’il se fixait pour un plan de

rémunération donné. Puis ils ajustent ensuite leur niveau d’activité pour pouvoir gagner ce

revenu.

· Les travaux sur les quotas de vente

Enfin, les recherches sur les quotas de ventes ont connu très peu d’engagement auprès des

chercheurs. Cependant, les rares études effectuées dans ce domaine ont tendance à confirmer leur

effet motivant (Darmon, 1993, p. 265). Une étude réalisée en laboratoire conclu que les

Page 61: Contribution de la socialisation organisationnelle au

60

vendeurs font beaucoup d’efforts lorsque leur quota augmente, mais passé un certain seuil les

efforts des vendeurs ont tendance à décroitre. De façon générale, les principaux résultats qui

ressortent des études sur l’établissement des quotas indiquent que les vendeurs cherchent à

maximiser leur utilité, les quotas et les récompenses devraient constituer une partie essentielle du

plan de rémunération.

2.2. Analyse de quelques travaux concernant les forces de vente externes

Les travaux en management des forces de vente externes sont rares, alors que la notion de

vendeur externe est présente dans la littérature depuis les années 70. Les premiers travaux

empiriques datent des années 80 avec Anderson (1985) qui explore, dans une étude descriptive,

les raisons qui poussent une entreprise à l’utilisation des vendeurs internes plutôt que des agents

externes. En s’appuyant sur une analyse de la théorie des coûts de transaction de Williamson, il

définit les modalités qui favorise une gouvernance par la hiérarchie car la performance est

produite en interne, ou la forme alternative de coordination par le marché qui suppose que

l’entreprise recherche les solutions performantes en achetant à l’extérieur sur le marché. C’est le

principe du «make or buy». Globalement, l’adoption de l’une ou l’autre forme de coordination

comporte des avantages et des inconvénients, mais le plus important repose sur le système de

contrôle qui parait plus aisée à mettre en place chez le vendeur interne que chez l’agent externe.

Par ailleurs, il existe des contingences telles que la taille de l’entreprise…qui peuvent aussi

induire le choix entre une force de vente interne et des agents externes. Le modèle proposé par

l’auteur considère l’utilisation d’un agent externe comme étant une option par défaut si les

hypothèses définies sur le modèle transactionnel ne justifient pas l’intégration de la force de

vente. Le principal résultat de cette étude stipule que plus la difficulté d’évaluer la performance

du vendeur est grande, plus il est probable d’utiliser une force de vente interne.

Dans le même esprit, Leroux (2004, 2008) a conduit, dans le cadre de l’externalisation des

forces de vente, des recherches qui tentent de justifier l’utilisation des vendeurs externes plutôt

que des vendeurs salariés en s’appuyant aussi sur la théorie des coûts de transaction de

Williamson (1985). Selon l’auteur, le recours à cette forme de gestion des vendeurs est jugée

nécessaire lorsque la force de vente en activité ne fournit pas les résultats attendus. La décision

d’externaliser (ou d’intégrer) dépend des coûts que suscite cette transaction. La spécificité de

l’actif le plus important (ici le vendeur) étant déterminante dans le choix à réaliser. L’étude

montre que dans l’activité des vendeurs, les techniques de vente utilisées par les vendeurs sont

imposées par le commanditaire, que les vendeurs externalisés ont besoin d’une période

d’adaptation et qu’il est nécessaire d’investir dans la formation de façon à les adapter à tout type

Page 62: Contribution de la socialisation organisationnelle au

61

de vente. L’auteur souligne enfin que parmi les quatre types de vente identifiées

(transactionnelle, relationnelle, spécialisée et stratégique), seule la vente « transactionnelle est

externalisable sans risque, les ventes « spécialisées » et « relationnelles » peuvent l’être mais pas

sans risque alors qu’il est conseillé de ne pas externaliser le vente « stratégique ».

Sur un tout autre registre, Gosse, Sargis-Roussel, et Sprimont (2002) analysent les

changements organisationnels liés aux stratégies d’externalisation dans des entreprises

industrielles. Ils considèrent l’externalisation comme un changement organisationnel, c’est-à-

dire le recours à un prestataire extérieur qui induit une modification des frontières de l’entreprise

et un renouvellement des relations entre les acteurs. Les résultats obtenus lors d’une étude

réalisée auprès d’une entreprise industrielle, après externalisation de divers personnels, montre

que l’externalisation favorise l’émergence d’une nouvelle forme d’organisation, qu’elle cantonne

les managers à un nouveau rôle d’acheteur et que la coordination entre les acteurs est

essentiellement basée sur la confiance. L’étude souligne aussi l’émergence d’emplois précaires

qui font l’objet d’un management clandestin.

Pour sa part, MacQuiston (2001) propose un modèle conceptuel de la gestion de la relation

entre un agent externe et son commettant. Il identifie, à travers une étude exploratoire réalisée

auprès d’un échantillon d’agents externes et d’entreprises commettantes six (6) valeurs de base

d’égale importance, considérées comme critiques par les interviewés à la construction d’une

relation réussie et quatre (4) facteurs de soutien. Les valeurs de base et les facteurs de soutien

sont les deux dimensions importantes de la réussite d’une relation. Les premiers sont par nature

inter organisationnelles, alors que les seconds sont interpersonnels. Les résultats de l’étude

permettent de comprendre que les valeurs de bases sont celles sur lesquelles les deux parties

doivent mutuellement s’accorder pour que la relation soit un succès. C’est le cas des objectifs, de

la dépendance mutuelle, de l’ouverture de la communication, de l’engagement à la satisfaction

du client, de la rentabilité et de la confiance. Alors que les facteurs de soutien représente l’effort

individuel, c’est le cas des efforts que les cadres supérieurs doivent investir personnellement

dans la relation, il y a aussi l’idée d’une amélioration continue de la relation, il ya le respect

professionnel et le développement des relations personnelles.

2.3. Analyse des principaux résultats attendus des actions managériales

Dans la littérature réservée au management des forces de vente, les chercheurs se sont surtout

intéressés à trois types de résultats : la performance, la satisfaction et le turnover. Nous

Page 63: Contribution de la socialisation organisationnelle au

62

présentons dans les paragraphes qui suivent un condensé de la littérature sur ces concepts et leur

apport au management.

2.3.1. La performance du vendeur

2.3.1.1. La performance : un concept multidimensionnel

La performance est un concept polysémique dont le caractère multidimensionnel recouvre

plusieurs réalités de la vie en générale et de l’entreprise en particulier. Sur le plan

étymologiquement, le mot performance vient de l’ancien français « par former » qui, selon le

Petit Robert, signifiait « accomplir, exécuter ». Au 15ème siècle, il apparaît en anglais avec « to

performer19 » dont découle le mot performance tel qu’il est utilisé de nos jours. Pour Zeyl

(2003), la performance est un résultat chiffré obtenu dans une compétition. Elle n’a donc pas

d’existence à priori, mais prend son sens par rapport à un indicateur de référence. Selon l’auteur,

un résultat est bon ou mauvais selon que l’indicateur est modeste ou ambitieux. Pour Quinn et

Rohrbaugt20, la performance est un construit, c’est-à-dire un terme dont on ne peut saisir le sens

par lui-même du fait de son niveau d’abstraction, mais qui peut être appréhendé à travers des

concepts plus accessibles comme « la productivité ou la croissance du capital ». Aussi, parler de

performance dans un domaine quel qu’il soit consiste à mettre en évidence des variables qui

permettent d’expliquer le phénomène et de le mesurer.

Dans l’entreprise l’idée d’évaluer et d’expliquer la performance naît du contrôle nécessaire

des résultats comptables et financiers dégagés par une activité. Cette performance est selon

Kaplan et Norton (1996) très restrictive du fait qu’elle s’appuie sur des données uniquement

quantitatives et financières. Ce modèle va progressivement faire place à un modèle de

performance global intégrant à la fois les dimensions financières et non financières (Bergeron,

2000). Ces auteurs justifient cette évolution par l’apparition dans un environnement de plus en

plus concurrentiel de données intangibles, tel que la «satisfaction du client » ou la motivation du

vendeur, devenues incontournable pour évaluer la performance. De plus, selon De Lavillarmois

(1999) il est difficile de mesurer sur le plan comptable une unité économique comme le client ou

même le vendeur. Dans le même ordre d’idées, Charreaux (1998) estime que l’actionnaire n’est

pas le seul stackholder à créer de la valeur dans l’entreprise, d’autres parties prenantes telles que

le personnel, les salariés, les bailleurs de fonds et les partenaires commerciaux peuvent créer de

la valeur et contribuer à la réalisation des performances de l’entreprise. La performance est

appréciée ici par le différentiel entre la valeur qui leur revient et celle de leur apport initial. En

19 20 Cité par Olivier De Lavillarmois, 2001

Page 64: Contribution de la socialisation organisationnelle au

63

d’autres termes, la performance peut être définie à partir du couple valeur-coût (Ermult 2005).

Marmuse21 résume ce concept de performance sous quatre angles : (1) l’angle stratégique dénote

de la recherche d’un modèle de « gouvernement » qui assure la pérennité de l’entreprise et de ses

structures ; (2) l’angle concurrentiel établi les ressorts de la performance par la capacité de

l’entreprise à maîtriser, voire à transformer son environnement ; (3) l’angle socio économique

présente la performance « comme la manière dont est organisé l’entreprise pour atteindre ses

objectifs », en tenant compte du facteur social ; (4) l’angle économique et financier mesure

l’efficacité économique de l’entreprise à travers ses résultats tels que présentés dans la

comptabilité.

Enfin, Rive (2001) dans ses travaux sur la performance des équipes commerciales distingue

différents types de performance. Au niveau le plus bas, nous avons la performance individuelle,

en l’occurrence celle du vendeur dans notre étude. Cette performance est associée aux

performances individuelles des personnels administratifs des ventes pour former la performance

des équipes commerciales. La performance de l’équipe commerciale est celle de la force de

vente et des personnels d’assistance à la vente. Selon l’auteur, cette performance ne doit pas être

entendue comme la somme des performances individuelles des personnels de la vente, mais

plutôt comme un « tout », tel que la contribution de l’équipe soit supérieur à la simple addition

des performances individuelles. L’association de la performance des équipes commerciales et de

la performance des systèmes de gestion22 conduit à la performance commerciale ». La

performance organisationnelle enfin, est la combinaison de la performance commerciale avec

d’autres types de performance (performance financière, performance de production).

2.3.1.2. Les différentes approches de la performance du vendeur

La performance du vendeur a fait l’objet d’une intense investigation, nous présentons dans

cette étude les travaux de quelques chercheurs dont le contenu présente un intérêt pour notre

étude.

§ L’approche de Zeyl (2003)

Pour Zeyl, la performance du vendeur doit être analysée dans le cadre d’une relation. Cette

relation peut se situer à différents niveaux de l’activité de vente : la relation entre l’entreprise et

le vendeur, la relation entre l’entreprise et le client et la relation entre le vendeur et le client.

Lorsque l’évaluation de la performance se situe dans la relation entreprise-vendeur, l’entreprise

21 Encyclopédie de gestion, 1997 22 Ensemble des pratiques et des actions qui permettent de gérer les vendeurs.

Page 65: Contribution de la socialisation organisationnelle au

64

est considérée comme un input à travers les objectifs, les missions et tâches, les moyens

financiers et matériels mis à la disposition du vendeur. Et, le vendeur comme un output par les

résultats qu’il obtient, la qualité d’exécution des tâches et la tenue des budgets. C’est une

performance de court terme qui porte généralement sur les résultats et l’activité du vendeur.

Lorsque la performance du vendeur est évaluée à partir de la relation entreprise-client, il est

important de tenir compte des attentes de l’entreprise. L’ambition de l’entreprise étant

généralement de satisfaire et de fidéliser le client, la contribution du vendeur portera sur une

meilleure information en amont et en aval de l’acte de vente et sur une meilleure gestion des

relations avec les personnels internes concernés par la gestion du client (marketing, technique,

SAV). Lorsque l’évaluation de la performance du vendeur se situe dans la relation vendeur-

client, le vendeur cherchera à établir une relation de confiance avec son client. Alors que dans le

premier cas, la performance du vendeur se situe dans le cadre d’une relation fonctionnelle entre

l’entreprise et le vendeur, dans les cas suivants, elle s’établie dans le champ de la relation avec le

client et vise le long terme.

Figure 4. Rubriques courantes dans la mesure de la performance du vendeur / entreprise

INPUT

Quota de résultats

Quota d’activité

Quota de frais

Activités

Gestion des Moyens propres

Gestion des moyens alloués

Evaluation

du vendeur

Résultats

Réalisations

Tenue de frais

OUTPUT

Quantitatif

:

en valeur absolue et en ratio

Entreprise Vendeur********

Qualitatif : Appréciation

Source : Zeyl (2003)

§ L’approche de Parissier et al (2005)

Pour tenir compte de la complexité des tâches et des missions qui sont confiées au vendeur,

Parissier et ses collègues définissent un « modèle intégrateur d’évaluation de la performance du

vendeur » plus ambitieux. Ces auteurs distinguent quatre types de performance du vendeur : (1)

la performance des résultats est la dimension traditionnelle et la plus utilisée dans les

recherches académiques. Elle évalue objectivement les résultats réalisés par le vendeur dans son

Page 66: Contribution de la socialisation organisationnelle au

65

activité ; (2) la performance de comportement, plus subjective, permet d’évaluer les

comportements à l’origine des résultats obtenus par le vendeur. Ces deux dimensions se

caractérisent par leur complémentarité, dans la mesure où de nombreuses études confirment

l’idée selon laquelle « une plus haute performance comportementale conduit à un niveau plus

élevé des résultats » (Sprimont, 2003) ; (3) la performance « dans le rôle » fait référence au

comportement du vendeur dans l’accomplissement des tâches et des missions qui lui sont confiés

par son employeur, lorsque celui-ci réalise les objectifs de l’entreprise, il accompli son rôle ; (4)

la performance « extra rôle » consiste pour un vendeur à manifester volontairement un

comportement altruiste et citoyen vis-à-vis de l’entreprise, de ses collègues de travail ou des

clients, sans que cela fasse nécessairement l’objet d’une récompense.

Cette conceptualisation repose sur l’idée selon laquelle la performance du vendeur doit se

mesurer à son efficacité, à partir de son effort personnel en dehors de toutes autres contributions,

notamment de l’entreprise. Par conséquent, aux quatre dimensions des performances précitées

sont associés trois interfaces. Ces interfaces sont construites à partir des différents acteurs qui

sont susceptibles d’évaluer la performance du vendeur, c’est-à-dire le vendeur lui-même, la force

de vente prise comme une entité organisationnelle à travers ses supérieurs hiérarchiques, et les

clients avec qui elle interagit. Ces trois acteurs forment les trois interfaces du modèle envisagé

par les auteurs, à savoir : l’interface « vendeur-organisation», l’interface « vendeur-client » et

l’interface « organisation-client ».

Figure 5. Conceptualisation de la performance du vendeur

Performance totale

Client

Vendeur Organisation (vendeur excepté) Performance extra rôle

organisation COC-C Individu COC-I

Performance dans le role

Performance spécifique

Performance Comportementale

Performance extra-role

Client COC-C

Performance non spécifique

Source : Parissier, Mathieu et Echchakoui (2005)

Page 67: Contribution de la socialisation organisationnelle au

66

En reprenant à notre compte les résultats de l’analyse de Parissier et al, nous constatons que la

performance des résultats est une performance composite qui tient compte, à la fois des résultats

réalisés par le vendeur du faits de ses efforts personnels, performance que nous qualifierons de

« performance spécifique », mais aussi des résultats engrangés par l’entreprise par tout autre

moyens en dehors du vendeur, que nous qualifions de « performance non spécifique ». Alors

que la performance spécifique peut se situer dans le cadre de la relation « vendeur-client » parce

qu’elle est la contribution du vendeur, la performance non spécifique se situerait dans la relation

« organisation-client » car elle est la contribution de l’entreprise. A la performance

comportementale est associée l’interface « vendeur-client » par le fait qu’elle traduit les

comportements « vendant » du vendeur, ceux qui permettent de conclure rapidement une vente,

tels que la connaissance du produit ou des techniques de persuasion.

La performance « dans le rôle » et la performance « extra-rôle » correspondent à l’interface

« vendeur- organisation » car elles constituent pour le vendeur l’accomplissement des taches qui

sont rattachées à l’exercice de sa fonction dans l’entreprise.

En partant de ce qui précède, notre propos s’appuiera sur l’interface « vendeur-organisation »

et plus précisément sur la relation vendeur-entreprise dans une approche fonctionnelle (Zeyl,

2003). Nous entendons évaluer la réussite du processus de socialisation des vendeurs

indépendants à travers deux indicateurs majeurs de la performance du vendeur, à savoir la

performance « dans le rôle » et la performance « extra-rôle ». Selon Parissier et al (2005), « la

performance dans le rôle se réfère au comportement du vendeur qui consiste à accomplir de

façon continue les tâches et activités formelles associées à un poste telles que prescrites par son

employeur ». Cette performance est d’origine comportementale car elle repose sur un effort

particulier du vendeur dans l’application des directives ou du mandat qu’il reçoit de l’entreprise,

notamment en ce qui concerne les missions et les tâches dont il a la charge. La performance

« dans le rôle » s’appuie par conséquent sur les activités qui relèvent de la fonction du vendeur,

c’est-à-dire du rôle qui lui est fixé par l’entreprise et non pas par les clients. La performance

« extra-rôle », se réfère au comportement citoyen du vendeur dans le cadre de son activité. Ce

comportement peut s’avérer très utile dans les forces de vente indépendantes, où il est souvent

demandé aux vendeurs des tâches d’accompagnement (coaching ou mentoring) qui ne sont pas

toujours rémunérées, et qui nécessite un suivi. Ce modèle de performance présente un intérêt

particulier dans le cadre de notre étude, il offre l’opportunité de pouvoir isoler la performance du

vendeur de toutes autres influences extérieures. Selon Churchill et al (1985), la performance de

la force de vente est définie comme une évaluation des vendeurs à la contribution des objectifs

de l’entreprise. Il s’agit en l’occurrence de la contribution nette, de ce que le vendeur fournit

Page 68: Contribution de la socialisation organisationnelle au

67

personnellement comme effort pour réaliser les objectifs de son entreprise. Cette contribution est

mieux évaluée dans cette relation parce qu’elle porte sur les taches et les missions qui relèvent de

la fonction du vendeur tels que : le planning des ventes, le nombre de visites, le retour

d’informations, le travail d’équipe, le soutien à la vente et le contrôle des dépenses.

Figure 6. Critères d’évaluation de la performance du vendeur

Critères qualitatifs

Performance Extra rôle

-Aide aux clients - Conscience - Vertu civique -Sportivité Comportement d’aide : Altruisme Courtoisie Pacification Encouragement

Performance Comportementale

Commission technique Adaptation à la vente Habilité à la vente Présentation

Critères quantitatifs

Performance dans Le rôle

-Connaissance technique -Adaptation à la vente -Habilité à la vente -Présentation

-Planning de visites -Travail d’équipe -Retour de l’information - Support à la vente

Performance spécifique

-Volumes de ventes -Profits -Nombre de commandes -Taux de pénétration

Source : Parissier, Mathieu et Echchakoui, 2005)

2.3.2. La satisfaction générale

La satisfaction générale a été proposée comme variable indépendante par Feldman (1976)

dans son modèle séquentiel de socialisation. Elle est considérée comme une mesure globale du

niveau de satisfaction et de bonheur éprouvé par un employé dans son travail.

2.3.2.1. Le concept de satisfaction au travail

La satisfaction au travail est un concept central de la gestion des ressources humaines. Elle

conditionne la performance de l’employé et la qualité de ses relations avec les autres. Selon Lock

(1976), la satisfaction au travail est un « état émotionnel résultant de l’estimation de la mesure

dans laquelle le travail permet à l’individu d’atteindre ou de facilité l’atteinte des valeurs qu’il

place dans le travail. Le sentiment de satisfaction est ainsi fonction de la relation perçue entre ce

que l’individu veut retirer de son travail et ce que son travail lui offre». Poujol (2008) précise

que cette satisfaction dépend du niveau de convergence entre ce que la personne désire et ce

qu’elle retire de son travail. Aussi, travailler dans un environnement donné, travailler avec

certaines personnes ou avoir certains bénéfices (rémunération, récompenses..) peut être, selon

Page 69: Contribution de la socialisation organisationnelle au

68

l’auteur, source de satisfaction. Dans une revue de la littérature sur les approches théoriques de la

satisfaction au travail, Comeau (1992) identifie quatre conceptions scientifiques : (1) l’approche

physico-économique s’intéresse aux conditions de travail indésirables qui agissent sur la

productivité, telles que la fatigue, l’ennuie, et la monotonie du travail. Cette approche est

marquée par le management scientifique de Taylor (1911) et s’emploie à proposer des

« solutions favorisant l’aménagement des lieux de travail, la modification des mouvements

corporels dans le travail, et des conditions salariales attractives ». Il s’agit de rendre le travail

« moins difficile et plus productif », tout en motivant le travailleur. Mais comme le démontre

l’évolution du taylorisme, cette approche va davantage s’intéresser à la productivité qu’a la

satisfaction du travailleur. La deuxième approche émane de l’école des relations humaines, et

particulièrement des travaux d’Elton Mayo (1924-1932) et d’Herzberg (1923-2000). Les

expériences réalisées par Mayo dans l’usine de la Western Electric montrent que les relations

humaines permettent d’obtenir une meilleure productivité que les conditions dans lesquelles ils

travaillent. L’auteur établit de ce fait une relation positive entre la satisfaction et la productivité.

Par la suite, en s’appuyant sur la théorie des besoins de Maslow (1962), Herzberg développe une

théorie qui considère que la responsabilité et l’autonomie individuelle permettent aux travailleurs

de satisfaire les besoins supérieurs, mais c’est surtout dans ses recherches empiriques que

l’auteur va mettre en évidence deux ensembles de satisfaction au travail : les facteurs valorisants

ou de satisfaction, et les facteurs d’ambiance, dits aussi de mécontentement ou d’hygiène. Les

facteurs valorisant concernent « les relations entre les travailleurs et ce qu’ils font »

(accomplissement, reconnaissance, responsabilité, et avancement). Les facteurs d’ambiance se

réfère aux « rapports des employés avec le milieu dans lequel ils travaillent, et ne provoquent

que des changements de durée » (politique d’entreprise, le superviseur, la rémunération, relations

entre les personnes, et les conditions de travail). La troisième approche relative aux modèles de

causalité découle des recherches réalisées depuis les années 1950 sur la satisfaction au travail.

Trois modèles de causalité sont principalement cités dans la littérature : Le premier modèle

prend en compte les variables personnelles, du travail et organisationnelles pour prédire la

satisfaction ; le deuxième modèle se réfère au poids relatif des différentes facettes du travail sur

la satisfaction des travailleur ; et le troisième modèle tient compte des motivations ou des

valeurs. Lock (1976) identifie sept facteurs permettant d’améliorer la satisfaction au travail : (1)

un travail stimulant et réalisable, (2) un intérêt personnel envers le travail, (3) une démarche

physique raisonnable, (4) un programme de récompense juste, lié aux intérêts des travailleurs,

(5) de bonnes conditions de travail, (6) l’estime des collègues, et (7) le soutien du personnel.

Cette approche s’appuie sur le développement d’instruments de mesure de données quantitatives

reconnus tels que le « Job Descriptives Index » qui mesure les réactions individuelles à travers

Page 70: Contribution de la socialisation organisationnelle au

69

cinq domaines de satisfaction au travail (travail, supervision, salaire, promotion et collègues), le

« Leadership Behavior Description Questionnaire» (LBDQ) et le « Organizational Climate

Descriptive Questionnaire » (OCDQ) qui permet d’évaluer le climat organisationnel d’une

entreprise, l’accomplissement dans le travail et la reconnaissance. La quatrième approche émane

de l’école critique et particulièrement de la sociologie critique dont les fondements sont attribués

à Karl Marx (1818-1883). Elle prône une reconstruction de la société, en mettant en évidence

les blocages, les conflits, et de façon générale les contradictions entre les « pratiques sociales et

les idéologies ». Dans cette approche, la satisfaction est analysée sous un angle historique car il

s’agit de traiter « l’évolution des besoins, des désirs, et des formes d’organisation du travail ». La

totalité est un concept primordial dans la mesure où la satisfaction est analysée sous toutes ses

formes. L’objectif de cette approche est « d’identifier les pratiques libératrices et indiquer les

facteurs favorables à l’épanouissement des producteurs ». Plus récemment, différents modèles

théoriques sont développés dans le cadre de la satisfaction au travail. Ces approches tiennent

compte des préoccupations actuelles des entreprises, telles l’attraction et la rétention de la main-

d’œuvre qualifiée, la primauté de la satisfaction de la clientèle, et la concurrence.

Par ailleurs, les recherches sur la satisfaction ont permis d’établir des liens empiriques entre la

satisfaction et différents résultats du travail. Les concepts qui sont le plus souvent associés à la

satisfaction sont la performance au travail, le turnover, l’absentéisme, l’engagement dans

l’organisation et l’engagement dans le travail. Ainsi, il est généralement admis qu’il existe une

faible relation entre la satisfaction et la performance, mais que c’est la performance qui prédit le

mieux la satisfaction, seulement lorsque la performance est liée à une augmentation de la

rémunération (Jacobs et Salomon, 1977). Concernant le turnover, il apparait de façon générale

que la satisfaction s’est toujours révélée comme un bon indicateur du turnover (Tett et Meyer,

1993), même si dans ce domaine les conditions économiques constituent le facteur le plus

important dans la prédiction du turnover. S’agissant de l’absentéisme, les recherches montrent

que c’est l’absentéisme qui cause l’insatisfaction et non le contraire (Thérenou, 1993), mais à

l’inverse la satisfaction contribue à diminuer l’absentéisme. L’engagement organisationnel

correspond à « la force de l’implication et de l’identification de l’employé avec l’entreprise, alors

que l’engagement dans le travail traduit la force de l’identification de l’employé avec son travail.

Ainsi, il existe globalement des corrélations entre ces différentes attitudes et la satisfaction, mais

il peut aussi avoir des relations dans le sens contraire. La satisfaction au travail peut donc être

considérée comme un moteur des différents résultats au travail précités, et un précieux indicateur

de la socialisation organisationnelle.

Page 71: Contribution de la socialisation organisationnelle au

70

Plus récemment, Clark (2004) développe un modèle explicatif de la satisfaction au travail et

propose six types de variables qui permettent de considérer un emploi de satisfaisant : le salaire,

les heures travaillées, les promotions et la sécurité de l’emploi, le degré de difficulté, le contenu

et les relations professionnelles. Selon cet auteur, la mesure de la satisfaction au travail permet

de prédire les comportements de la main-d’œuvre sur le marché ; les employés insatisfaits sont

plus portés à quitter prématurément l’organisation ; la satisfaction au travail est négativement

corrélée à l’absentéisme et positivement corrélée à la productivité ; et les employés insatisfaits

participent moins à la vie organisationnelle.

2.3.2.2. La satisfaction au travail des forces de vente

Le niveau de satisfaction (ou d’insatisfaction) d’un vendeur est une réponse émotionnelle à

l’évaluation de ses performances (Darmon, 2012, p. 155). Selon l’auteur, l’existence d’une

corrélation entre la satisfaction des vendeurs et leur performance nécessite de maintenir chez les

vendeurs un haut niveau de satisfaction, car les vendeurs insatisfaits sont moins motivés, moins

performants, et peuvent envisager quitter l’entreprise. Dans la littérature consacrée au

management des forces de vente, de nombreuses études empiriques ont permis de mettre en

évidence les déterminants et les conséquences de la satisfaction au travail du vendeur.

§ Les travaux de Churchill et al.

Churchill, Ford et Walker (1974) définissent la satisfaction comme un état affectif à plusieurs

facettes comprenant le travail lui-même, les collègues de travail, l’encadrement, les politiques de

l’entreprise, la rémunération, les promotions et les politiques d’avancement, et les clients. A

partir de ces sept dimensions de la satisfaction au travail, les auteurs élaborent un instrument de

mesure de la satisfaction adapté à la force de vente. Cet instrument tient compte de trois

caractéristiques spécifiques du rôle du vendeur : (1) le rôle frontière du vendeur qui sert

d’interface entre l’entreprise et sa clientèle ; (2) la place centrale du vendeur dans la réalisation

de la performance de l’entreprise, et l’intérêt pour l’entreprise d’influencer ses comportements ;

et (3) les exigences du rôle de vendeur, en termes d’innovation et de créativité. Ces

caractéristiques font que le rôle du vendeur est décisif dans le succès des efforts marketing de

l’entreprise, mais peuvent aussi dans le même temps engendrer des tensions de rôle et de

l’insatisfaction chez les vendeurs. Par la suite, Churchill, Ford et Walker (1976) examinent

l’impact de plusieurs variables du climat organisationnel perçu sur la satisfaction au travail des

vendeurs du secteur industriel. Pour obtenir une plus grande acuité de la façon dont le climat

affecte la sensibilité des vendeurs dans leur travail, les auteurs étudient les relations que chacune

Page 72: Contribution de la socialisation organisationnelle au

71

des variables du climat entretient avec les sept dimensions de la satisfaction au travail des forces

de vente. Les variables du climat organisationnel sont reparties en deux sous catégories : les

variables qui relèvent de la relation avec le management ou le climat managérial, et les variables

interpersonnelles ou climat interpersonnel. La première catégorie comprend, la proximité de la

supervision, la participation ou non du vendeur à la fixation des standards de contrôle, le nombre

d’interlocuteur qui influencent l’activité des vendeurs, et l’innovation dans l’activité. Ces

variables ont un impact positif sur la satisfaction au travail du vendeur dans la mesure où un

management structuré et directif est perçu par ces derniers comme un soutien indispensable à

l’accomplissement de leur travail. A l’inverse, les variables du climat managérial peuvent être

une source d’insatisfaction lorsque les vendeurs perçoivent qu’elles réduisent leur autonomie et

les libertés auxquelles ils aspirent dans leurs activités. La deuxième catégorie concerne les

conflits et les ambigüités de rôle. Ces variables du climat interpersonnelles se réfèrent aux

relations que le vendeur entretient avec les différentes personnes qui ont un intérêt avec son

activité, à l’intérieur (superviseurs, les collègues de travail) comme à l’extérieur de l’entreprise

(clients, fournisseurs, famille). Ces relations induisent des attentes qui ne sont pas toujours

connues du vendeur, et engendre des incertitudes dans la réalisation de son travail (ambiguïté de

rôle). Il peut aussi s’avérer que les attentes des partenaires soient incompatibles et impossibles à

satisfaire, occasionnant aussi du stress et de l’anxiété dans l’accomplissement des tâches qui

relèvent de leur activité. Ces perceptions de rôle ont un impact négatif sur la satisfaction du

vendeur.

§ Les travaux de Brown et Peterson

Dans leur méta-analyse sur les antécédents et les conséquences de la satisfaction au travail des

vendeurs, Brown et Peterson (1993) identifient quatre groupes de variables : Le premier groupe

comprend les résultats du travail, à savoir la performance de vente, l’engagement

organisationnel, et la propension à quitter et le turnover. Ces variables sont le plus souvent

considérées comme les conséquences de la satisfaction du vendeur au travail. (2) les variables de

différences individuelles incluent les variables démographiques (l’âge, l’éducation, l’expérience,

et la teneur organisationnelle), et les variables dispositionnelles (la motivation au travail, les

tâches spécifiques et l’estime de soi). (3) les variables relatives aux perceptions de rôle telles que

le conflit, l’ambiguïté, et la clarté de rôle sont fréquemment étudiées dans ce contexte, et

semblent avoir des effets importants sur la satisfaction au travail. Il ressort que l’ambigüité et le

conflit de rôle sont négativement liés à la satisfaction, alors que la clarté de rôle est positivement

liée à la satisfaction au travail du vendeur. (4) les variables organisationnelles sont reparties en

deux sous groupes, d’une part les comportements de supervision sont déclinés à travers la nature

Page 73: Contribution de la socialisation organisationnelle au

72

et la qualité des interactions des managers avec les vendeurs ont des effets sur la satisfaction au

travail des vendeurs, d’autre part les caractéristiques du travail/tâches sont liées à la satisfaction,

et comprennent l’autonomie des tâches, le sens des tâches, la variété des tâches, la participation,

l’influence des standards, l’innovation exigée, l’implication dans le travail, l’adéquation des

valeurs et la rémunération.

§ Le modèle de satisfaction de Durrieu

Dans une approche plus adaptée aux préoccupations actuelles des entreprises (attraction et

rétention des employés), Durrieu (2000) développe un modèle de satisfaction des vendeurs par

dimensions. Cette approche permet d’avoir « une idée plus complète qu’une approche globale,

un employé pouvant avoir des sentiments distincts sur les différents aspects de son travail ».

L’auteur distingue dans son modèle de la satisfaction au travail trois catégories de dimensions.

La première est liée au poste et fait valoir les préoccupations des vendeurs sur l’évolution de la

carrière, l’autonomie, la rémunération et la conciliation travail-vie privée. Ainsi, les vendeurs

sont sensibles à leur possibilité d’évolution, et comparent très souvent leur rémunération à celles

des autres à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise (équité). Les vendeurs accordent

également une importance particulière à l’autonomie dans l’organisation de leurs activités, étant

donné qu’ils sont mieux placés que leur encadrement à connaitre la clientèle de l’entreprise.

L’arbitrage entre vie privé et vie professionnelle est un indicateur de la satisfaction du vendeur

dans la mesure où ses deux facettes de la vie du vendeur peuvent engendrer des conflits de rôles.

La seconde dimension est liée à l’organisation et concerne les moyens matériels à disposition, le

rôle dans l’organisation, le soutien matériel et professionnel, l’ambiance de travail, la cohésion

dans l’équipe de travail, et l’importance de la rétroaction. Ces variables regroupées sous le

vocable « support organisationnel représente l’engagement de l’organisation vis-à-vis des

vendeur et l’aide qu’elle leur apporte à la réalisation de leurs tâches ». Le support

organisationnel révèle le climat organisationnel, c’est-à-dire l’impression globale que les

individus ont de leur organisation. L’instauration d’un climat propice développe « la cohésion et

crée un environnement dans lequel les individus se disent plus satisfaits ». Enfin, le support

organisationnel peut s’exprimer aussi à travers la définition précise du rôle et des tâches que les

vendeurs doivent assumer dans leurs activités, permettant d’éviter les conflits et ambigüités de

rôle néfastes à la satisfaction au travail. La troisième dimension est liée à l’environnement et

prend en compte le positionnement de l’entreprise et la conjoncture sectorielle. La conjoncture

est illustrée par ses aspects négatifs tels que la précarité croissante des statuts des salariés, les

politiques d’externalisation, les réductions d’effectifs dues aux opérations de fusion et

acquisition. Ces variables peuvent avoir des effets directs ou indirects sur la satisfaction au

Page 74: Contribution de la socialisation organisationnelle au

73

travail. Les résultats empiriques obtenus de la perception qu’ont les vendeurs de leur satisfaction

font apparaitre des différences notables entre le modèle initial et le modèle vérifié

empiriquement. Ainsi, pour ces derniers, la satisfaction au travail s’organise autour de trois

dimensions : le poste de travail, l’activité commerciale, et l’environnement. Cette structure de la

satisfaction est marquée par l’émergence de la variable « activité commerciale » qui explique

que les vendeurs passent l’essentiel de leur temps de travail sur le terrain, et la forte présence de

la variable environnement traduit une relation directe entre le dynamisme de l’environnement et

la satisfaction au travail. Il faut aussi noter les liens entre la perception de l’autonomie dans le

travail et la satisfaction des vendeurs d’une part, et le fait que la satisfaction à la rémunération

reste une composante importante de la satisfaction au travail des forces de vente.

2.3.2.3. La satisfaction au travail des vendeurs indépendants

Alors que la satisfaction au travail des forces de vente est considérée comme un « moteur »

indispensable à l’émergence de nombreux comportements et attitudes au travail, peu de

recherches intègrent la satisfaction des vendeurs indépendants, et encore moins s’intéressent

spécifiquement à eux. A la différence des vendeurs salariés, les vendeurs indépendants disposent

d’une plus grande autonomie dans leur travail, cependant ils doivent composer avec les

spécificités de ce statut d’emploi, telles la rémunération à la commission ou l’absence d’un

soutien formel de l’organisation, qui peuvent être sources de stress et par conséquent

d’insatisfaction. Aussi, en l’absence d’une littérature appropriée, nous nous référons aux

recherches réalisées sur la satisfaction du travailleur indépendant, en général, en espérant que les

conclusions tirées de ces études peuvent être appliquées aux vendeurs indépendants. Nous

complétons cette revue de la littérature avec les résultats de notre étude préliminaire.

La résurgence du travail indépendant, comme modèle alternatif d’organisation du travail

salarié a suscité auprès des chercheurs, principalement Nord-Américains, un courant de

recherche qui s’intéresse aux comportements et attitudes de cette catégorie de travailleurs. Les

études réalisées dans ce domaine ont dans un premier temps consister à comparer la satisfaction

du travailleur indépendant avec celle du salarié sur un certains nombre d’indicateurs. Ainsi,

certains auteurs admettent que les travailleurs indépendants ont davantage de satisfaction en

emploi que les salariés (Bradley et Roberts, 2004 ; Hundley, 2001). Tremblay et Genin (2008)

soulignent que cette affirmation s’explique par le fait que : (1) la satisfaction des travailleurs

indépendants repose sur la flexibilité et l’autonomie que permet leur statut ; (2) le travail

indépendant offre des occasions de développement supérieur ; (3) le travailleur indépendant

accède à un emploi plus lucratif. Même si les auteurs admettent que l’attitude des individus par

Page 75: Contribution de la socialisation organisationnelle au

74

rapport aux attributs du travail indépendant varie avec l’âge, ils reconnaissent que les

travailleurs indépendants sont plus engagés dans leur rôle professionnel, à cause de leur

responsabilité personnelle dans la survie de leur entreprise. D’autres auteurs estiment que les

travailleurs indépendants sont moins satisfaits et éprouvent un moins grand sentiment de sécurité

face à leur emploi que les travailleurs salariés (Homs, 1979), ou que les revenus et les conditions

d’emploi de la majorité de ces travailleurs indépendants sont inférieures à ceux des employés

salariés comparables (Hamilton, 2000). D’autres enfin, à l’exemple de Porter (1995)

n’établissent pas de différence entre les salariés et les indépendants, quant à leur satisfaction

générale. Cependant, Bourhis (1997) constate que de telles comparaisons ne sont pas pertinentes,

dans la mesure où ces recherches n’expliquent pas toujours les différences qui existent dans les

attitudes et comportements des travailleurs. L’auteur propose donc un modèle qui permet de

comprendre les attitudes et les comportements des travailleurs indépendants, en intégrant non

seulement les expériences psychologiques, mais aussi les caractéristiques, individuelles,

organisationnelles, et sociales. Beaucage et Bellemare (2000) vont plus loin en élaborant cinq

profils différents révélant le degré de satisfaction des travailleurs, à partir de leur expérience de

travail d’indépendants : (1) les « comblés » sont des individus entièrement satisfaits de leur

expérience de travail. Les motifs de satisfaction étant largement supérieurs aux motifs

d’insatisfaction, ils manifestent un refus catégorique de quitter leur emploi pour un emploi

salarié ; (2) les « nuancés » sont autant satisfaits que les « comblés », cependant ils sont moins

tranchés dans leur envie de retrouver un emploi salarié ; (3) les « tenaces » sont des individus qui

idéalisent leur emploi d’indépendant. Ils font globalement un bilan négatif de leur expérience,

mais ne sont pas prêts de quitter ce statut pour un idéal d’autonomie et de liberté ; (4) les

insatisfaits sont des individus qui font état d’un bilan complètement négatif de leur expérience de

travail. Les satisfactions qu’ils retirent de leur travail ne compensent pas les difficultés

rencontrées. Ils sont prêts à quitter ce statut pour un emploi salarié ; (5) les très insatisfaits

présentent également un bilan très négatif de leur expérience de travail, et estiment avoir été

contraint d’accepter ce travail ; Ils sont prêts à quitter immédiatement leur emploi. Les motifs de

satisfaction (ou d’insatisfaction) concernent aussi bien des variables qui sont liés à l’emploi qu’a

l’expérience entrepreneuriale. L’autonomie dans l’organisation, l’exécution des tâches et la

flexibilité des horaires sont des variables qui sont valorisées par les trois premiers profils, mais

moins par les deux derniers. Les variables sur l’insécurité financière ou la multiplicité des tâches

relatives au travail indépendant constituent des obstacles insurmontables pour les insatisfaits et

les très insatisfaits, mais des défis pour les « comblés » et les « nuancés ». Enfin, certaines

variables telles que le soutien familial, le soutien de l’état, à travers les programmes

gouvernementaux, ou encore les avantages fiscaux du statut relèvent de l’expérience

Page 76: Contribution de la socialisation organisationnelle au

75

entrepreneuriale. Ces variables sont, de notre point de vue, consistantes pour l’évaluation de la

satisfaction au travail des vendeurs indépendants. L’étude exploratoire réalisée auprès des agents

commerciaux montre que les vendeurs indépendants sont, comme les autres travailleurs

indépendants, sensibles à divers facteurs liés intrinsèquement à leur emploi. Cependant, à la

différence des autres travailleurs indépendants les vendeurs indépendants attachent beaucoup

d’importance aux bénéfices pécuniaires. En effet, les vendeurs interrogés se disent satisfaits dans

leur emploi lorsqu’ils atteignent une certaine stabilité financière, et que l’augmentation de leur

revenu dépend de leurs propres efforts dans le travail.

2.3.3. Le turnover des vendeurs indépendants

Le turnover est depuis plusieurs années l’objet d’une intense activité de recherche aussi bien

dans le domaine du comportement organisationnel, que dans le management des forces de vente

(Johnston et al, 1987 ; Lucas et al, 1987). Le turnover des vendeurs demeure une préoccupation

majeure des entreprises qui commercialisent leurs produits par le biais d’une force de vente, dans

la mesure où il affecte le fonctionnement de celle-ci (Xardel, 1993). Le concept de turnover

s’inscrit dans une problématique beaucoup plus large qui intègre les problèmes d’attraction et de

rétention des employés. En effet, pour être compétitifs sur leur marché, les entreprises ont

besoin, non seulement de recruter les meilleurs vendeurs, mais aussi de les conserver le plus

longtemps possible. Pour cela, elles doivent veiller à ce que le turnover soit le plus bas possible

(Commeiras et Fournier, 2006), car un turnover élevé impacte négativement, tant les coûts de

l’entreprise que les relations qu’elle espère établir avec sa clientèle. Dans cette section, nous

tenterons d’abord de présenter le turnover comme un dysfonctionnement du comportement du

vendeur, même si dans une certaine mesure ce comportement peut être souhaité par l’entreprise.

Puis, nous analysons les aspects théoriques et empiriques du turnover des vendeurs.

2.3.3.1. Le turnover : un dysfonctionnement du comportement

Le turnover des forces de vente est diversement défini dans la littérature comme le taux de

départ des vendeurs conditionné aussi bien par la décision du vendeur, que par celle de

l’entreprise (Cron et al, 2006). Lorsque cette décision émane de l’entreprise, on parle de turnover

fonctionnel ; dans ce cas le turnover est planifié et intègre la politique de l’entreprise à travers la

gestion des promotions ou des départs à la retraite des vendeurs atteints par la limite d’âge. Le

turnover peut être aussi souhaité pour les vendeurs qui ne remplissent pas les critères de

performance requis par l’entreprise (Darmon, 2012, 1993). Selon l’auteur, la décision de se

séparer d’un vendeur peu performant est prise lorsque les coûts engendrés par ce dernier

Page 77: Contribution de la socialisation organisationnelle au

76

(salaires, frais de vie, etc.) ne peuvent plus couvrir les résultats de son activité. Quand la décision

de partir émane du vendeur, le turnover est dit dysfonctionnel, car ce type de départ concerne

essentiellement les vendeurs performants dont l’activité impacte positivement les résultats de

l’entreprise. Les chercheurs en management des forces de vente ont particulièrement privilégié le

turnover volontaire, probablement parce qu’il demeure le plus imprévisible, et par conséquent le

plus couteux pour les entreprises. Alors que le turnover fonctionnel profite à l’entreprise et offre

à cette dernière la possibilité de remplacer les vendeurs les moins performants, le turnover

dysfonctionnel engendre des coûts qui altèrent la productivité de l’entreprise. Ces coûts sont

repartis dans deux grandes catégories de coûts, les coûts directs relatives au recrutement et à la

formation des nouveaux vendeurs, et les coûts indirects liés à l’adaptation, à la perte potentielle

de clients et au manque à gagner occasionné par l’absence d’un vendeur sur le territoire de vente

(Futrell et Parasuraman, 1984 ; Jolson et al, 1987) (Cf. tableau 17).

Tableau 5. Récapitulatif des coûts suscités par le turnover

Catégorie de coûts Eléments de coûts

Couts directs

1. Coûts de départ - indemnités de départ (résiliation du contrat) - divers dédommagements en fonction du statut

2. Coûts de recrutement et de sélection - génération de nouvelles candidatures - évaluation et procédures de recrutements

3. Coût de formation du nouveau vendeur - le temps consacré à l’accompagnement du nouveau vendeur - coûts directs des programmes de formation

Coûts indirects

4. Coûts différentiels de performance - différence de niveau dû à la qualification entre le nouveau et le sortant. - différence de performance occasionnée par les perspectives de carrière.

5. Coûts différentiels de rémunération et d’encadrement.

- lorsque le salaire du nouveau est plus élevé que celui de l’ancien vendeur. - lorsque le nouveau vendeur nécessite plus d’encadrement ou de supervision.

6. Coûts engendrés par la vacance du territoire

- le manque à gagner suscité par l’absence du vendeur sur le territoire. - la baisse de service quand le territoire est attribué à un vendeur déjà occupé.

7. Coûts différentiels de qualité du territoire de vente

Opportunités d’affaires perdues suscités par la perte de clients restés fidèles sortant, et qui détériore

8. Coûts sociaux et organisationnels - rupture de relations sociales et des réseaux entretenus par le vendeur sortant. - diminution du niveau de satisfaction des vendeurs restants dans l’équipe de vente.

Source : adapté de Darmon (2012)

Page 78: Contribution de la socialisation organisationnelle au

77

La croissance continue de ces coûts a pour effet, d’une part de réduire la rentabilité de

l’entreprise, car le rôle de la force de vente est de générer des ventes qui vont accroitre les profits

de l’entreprise ; et d’autre part de détruire le pouvoir relationnel de l’entreprise par la perte de

clients actuels et potentiels. Dans ce contexte, le turnover élevé des vendeurs demeure une

problématique centrale du management des forces de vente, car il est difficile pour une entreprise

d’établir des relations durables avec une force de vente qui renouvelle constamment son

personnel (Commeiras et Fournier, 2006 ; Fournier, 2000).

2.3.3.2. Les multiples déterminants du turnover

Le turnover est un champ de recherche particulièrement prolifique si l’on dénombre la

quantité de recherches qu’il a suscitées. Cet engouement est dû dans une large mesure à la

recherche des causes à l’origine du turnover, et donc des solutions permettant de réduire les

coûts liés à la fréquence des départs des vendeurs. Cependant, malgré l’intérêt porté par la

recherche sur les déterminants susceptibles d’expliquer ces départs, le turnover demeure un

phénomène peu compréhensible et extrêmement difficile à prédire (Lucas et al, 1987). Les

efforts déployés par les chercheurs pour avoir une meilleure compréhension du turnover des

vendeurs, ont consisté à développer dans le champ du management des forces de vente, les

théories et les concepts déjà appliqués au management en général et à d’autres types d’emplois.

Selon Gerhart (1990), les premiers travaux de théorisation sur les déterminants du turnover sont

à mettre au crédit de March et Simon (1958) pour qui le déterminant le plus apte à prédire de

façon crédible le turnover est l’état de l’économie. Autrement dit, le turnover fluctue en fonction

du marché de l’emploi. Lorsque le marché est caractérisé par le plein emploi, le turnover

volontaire des employés à tendance à s’élever, alors que lorsque les emplois deviennent rares, le

turnover volontaire tant plutôt à se réduire. Ces auteurs tentent de développer une théorie

générale du turnover qui s’appuie sur deux déterminants ; (1) les avantages perçus de partir de

l’organisation théorisés à travers les concepts d’engagement organisationnel et de satisfaction au

travail ; et (2) les bonnes raison de partir théorisées à partir de la qualité des opportunités

alternatives d’emploi (Boles et al, 2012). Dans le sillage de ces travaux, la satisfaction au travail

et l’engagement organisationnel seront utilisés par la suite comme variables médiatrices ou

modératrices dans un nombre important de modèles sur le turnover. Pour synthétiser cette

littérature, nous nous appuyons sur la revue de la littérature de Holtom et al (2008) sur le

turnover. En effet, l’auteur dresse une revue chronologique des grandes tendances de la

recherche sur le turnover ces dernières années. Il distingue trois grandes périodes. La première

période avant 1985 se réfère à la mise en place des grands modèles théoriques qui vont servir de

« rampe » de lancement à la recherche sur le turnover. Plusieurs variables sont mobilisées au

Page 79: Contribution de la socialisation organisationnelle au

78

cours de cette période dont les plus importantes sont la satisfaction au travail, l’engagement

organisationnel, les différences individuelles, et la nature du travail.

La période allant de 1985 à 1995 est marquée par de nombreux travaux qui prennent en

compte les variables contextuels, notamment celles qui mettent en relation l’individu et

environnement de travail ; les variables organisationnelles telles que la culture, la cohésion du

groupe, le système de récompense, le sexe et les variables démographiques ; il y a aussi les

variables qui témoignent des interactions de l’employé avec son contexte de travail, tels que le

superviseur et les collègues de travail ; ces relations sont intégrées dans une relation plus

générale entre l’adéquation individu-environnement et le turnover. Nous notons aussi

l’utilisation des trois dimensions de l’engagement organisationnel (Allen et Meyer, 1991) dans

l’explication du turnover, ainsi que l’émergence de nouvelles attitudes, comme le stress, le bien-

être et l’incertitude dans la recherche. Enfin, il faut souligner au cours de cette période

l’émergence de variables qui ne sont pas liées à l’insatisfaction, mais qui proviennent des

évènements liés à l’environnement, tel que le « choc » ressenti par un individu face à une

situation discordante et qui peut l’inciter à partir.

Dans la période partant de 1995 à la date de parution de son article (2008), l’auteur observe

sept tendances dans le développement de la recherche sur le turnover : (1) un approfondissement

des recherches sur les variables individuelles telles que la personnalité, la confiance personnelle,

la détermination ou l’échange leader-membre ; (2) un approfondissement des recherches sur les

relations entre les tensions liées au changement organisationnel et le turnover ; (3) une recherche

sur les modèles alternatifs d’explication du turnover à partir des évènement liés à

l’environnement de travail (le choc de réalité, la violation d’un accord, la satisfaction aux

bénéfices attendus, la recherche d’un emploi alternatif) ; (4) une amplification des recherches sur

les variables contextuelles ; (5) un intérêt particulier sur la recherche des facteurs favorisant la

rétention ; (6) la recherche sur les modèles dynamiques prenant en compte le temps et le

processus du turnover ; (7) un développement de la compréhension des premières relations entre

la satisfaction au travail, l’engagement organisationnel et le turnover.

Ce résumé non exhaustif sur les concepts mobilisés dans la littérature montre l’effort réalisé

par la recherche sur le turnover en général, mais comme le soulignait déjà Lucas et al (1987) un

nombre réduit de déterminants identifiés dans la littérature du comportement organisationnel a

été appliqué à la force de vente. Les premiers travaux sur le turnover des vendeurs ont tenté

d’identifier l’impact de certains déterminants relatifs aux caractéristiques du vendeur, aux

facteurs liés à sa fonction, et à l’environnement sur le turnover (Darmon, 1993). Concernant les

Page 80: Contribution de la socialisation organisationnelle au

79

caractéristiques du vendeur, trois caractéristiques sont souvent mobilisées pour expliquer le

turnover des vendeurs, à savoir l’âge, l’ancienneté, et la formation académique du vendeur

(Lucas et al, 1987). Dans leur recherche, Parasuraman et Futrell (1983) montrent qu’il existe une

relation négative entre l’âge, l’ancienneté et le turnover, par contre ils observent dans le même

temps une relation significative positive entre la formation académique et l’intention de partir. Il

apparait dans ces recherches que l’âge soit un meilleur déterminant du turnover ; ils expliquent

que les départs volontaires sont plus importants chez les jeunes vendeurs que parmi les anciens.

Les caractéristiques liées au poste telles que, la performance ou le système de récompense ont

été analysés comme possibles déterminants du turnover (Darmon, 1993). Selon l’auteur, la

relation entre la performance et le turnover du vendeur semble difficile à déterminer, car le

turnover peut affecter aussi bien les vendeurs performants que ceux qui le sont moins.

Cependant, si le départ des vendeurs les moins performants est apprécié par le management,

celui des vendeurs performants constitue un dysfonctionnement. La recherche indique que les

vendeurs performants sont ceux qui sortent le plus, ou qui présentent des intentions de sortir

(Spencer et Steers, 1981 ; Futrell et Parasuraman, 1984 ; Porter et Steers, 1973), alors que ceux

qui restent sont les moins performants. Selon Muchinsky et Well (1985), ces relations dénotent

de la mauvaise compréhension que nous avons de la relation entre la performance et le turnover.

Par ailleurs, les recherches qui ont tenté d’établir des liens entre le turnover des vendeurs et la

satisfaction envers leur fonction décrivent dans la majorité des cas des relations négatives ;

d’autres études indiquent l’existence de relations négatives et certains composants de la

satisfaction au travail tels que, la rémunération, le travail lui-même, les superviseurs, et les

promotions (Lucas et al, 1987). Les tensions de rôle ont été mobilisés aussi pour expliquer le

turnover des vendeurs ; certaines études indiquent que la relation entre les tensions de rôle et le

turnover étaient le plus souvent médiatisées par la satisfaction au travail (Dunbinsky et al, 1990 ;

Commeiras et Fournier, 1994). Enfin, de nombreuses études ont montré que le turnover du

vendeur pouvait être affecté par des facteurs liés à l’environnement de la force de vente tels que,

le type de produit commercialisé par les vendeurs, l’organisation des ventes, ou la nature de

l’emploi à plein temps ou à temps partiel (Wotruba, 1990).

Comme nous l’avons noté dans les études sur le turnover en général, les recherches plus

récentes sur turnover des forces de vente ont tenté d’identifier les déterminants qui prédisent le

mieux le turnover, en considérant l’influence simultanée de plusieurs facteurs (Boles et al, 2012).

Ainsi, ces auteurs prennent en compte dans leur modèle conceptuel en même temps les facteurs

liés à l’environnement (marché, économie, culture, etc.), à l’organisation (climat organisationnel,

Page 81: Contribution de la socialisation organisationnelle au

80

éthique, socialisation, etc.), au manager des ventes (équitabilité, considération, etc.), à l’équipe

(dispersion, taille, etc.), et aux vendeurs (démographie, personnalité, performance, etc.).

Page 82: Contribution de la socialisation organisationnelle au

81

SECTION 2. ANALYSE CRITIQUE DES TRAVAUX REALISES EN

MANAGEMENT DES FORCES DE VENTE EXTERNES

Selon Fournier (2016, p.40), la distinction entre vendeurs externes et vendeurs internes peut

caractériser l’externalisation des force de vente. Nous analysons dans cette section la littérature

sur le management des vendeurs externes, en relevant les insuffisances tant conceptuelles que

théoriques qui caractérisent le champ de recherche du management des forces de vente. Nous

proposons dans un premier temps de définir le concept d’externalisation des forces de vente, puis

de montrer ses limites par rapport à notre approche de la force de vente (1). Ensuite, nous

procédons à une analyse des théories mobilisés dans ce champ de recherche afin de ressortir leur

insuffisance (2). Enfin, nous étudions les conséquences managériales liées à l’utilisation des

forces de vente externes (3).

1. L’externalisation des forces de vente : définitions et limites

Le terme externalisation est un dérivé du mot anglais « outsourcing » qui désigne une

opération de transfert d’un bien ou d’un service d’une entreprise vers une société tierce appelée

prestataire. Il met en scène trois types d’acteurs, l’entreprise externalisatrice ; le prestataire de

vente et les vendeurs externalisés.

1.1. Définitions et conceptualisation

Dans la littérature, l’externalisation peut être définie de deux manières différentes. La

première considère l’externalisation comme le fait de recourir à un fournisseur extérieur plutôt

que réaliser l’activité en interne (Frery, 1995, 1996 ; Groves, 1995). Cette définition, prise au

sens large du terme assimile l’externalisation à de la sous-traitance. La seconde par contre adopte

une approche étroite, en considérant l’externalisation comme l’achat d’un bien ou d’un service

qui était auparavant réalisé en interne (Lacity et Hirschhiem, 1993).

En management des forces de vente, Leroux et Peretti (2004) définissent l’externalisation

comme le fait de « substituer à des contrats de travail internes à l’entreprise, des contrats

commerciaux portant sur les ressources humaines nécessaires à l’entreprise » ou tout simplement

« l’achat d’une prestation en ressources humaines, qui se réalise auprès de prestataire

juridiquement indépendant ». Selon ces auteurs, l’expression « force de vente externalisée ou

force de vente supplétive » désigne les forces de vente externes qui prennent en charge de façon

ponctuelle ou permanente, une partie ou l’ensemble de l’action commerciale d’une entreprise. Il

s’agit donc d’une forme récente d’externalisation des ressources humaines.

Page 83: Contribution de la socialisation organisationnelle au

82

Par ailleurs, l’externalisation est aussi appréhendée comme un changement organisationnel

qui modifie les frontières de l’entreprise, et nécessite une évolution de la gestion des hommes

(Desreumaux, 1996). Ainsi, lorsqu’une entreprise externalise totalement ou partiellement sa

force de vente, elle doit envisager la perte de l’autorité qu’elle exerçait sur les vendeurs à travers

le lien hiérarchique, et par conséquent l’impossibilité d’agir directement sur des comportements

potentiellement dysfonctionnels du vendeur (Gosse, 1999). Dans la littérature, deux logiques

d’externalisation des forces de vente sont couramment développées. La première, et la plus

courante se réfère au transfert de tout ou partie de l’activité commerciale d’une entreprise auprès

d’une autre entreprise prestataire. Les vendeurs externalisés sont les employés du prestataire,

mais la gestion des ressources humaines et des missions qui sont confiées à la force de vente font

l’objet d’une collaboration inter-entreprise (Guillemin et Godard, 2004 ; Boissinot, 2006).

Autrement dit, les vendeurs, le personnel administratif et/ou commercial, le matériel, les

logiciels et la logistique permettant à l’ensemble de fonctionner dépendent d’une autre entreprise

(Leroux, 2004). La relation ainsi établie est inter-organisationnelle et pose, à priori, moins de

problème de supervision, le vendeur étant encadré par l’entreprise prestataire. Il suffit que

l’accord, entre les deux entreprises, précise bien les objectifs à atteindre. La seconde consiste à

transférer une partie de son activité commerciale (ex. la prospection) auprès des vendeurs

indépendants agissant sous le statut d’agent commercial (Moeneclaey, 2013). Le prestataire de

vente peut être une personne physique où une personne morale qui est gérée directement par

l’entreprise externalisatrice. Lorsque le prestataire de vente est une personne physique, et qu’il

exerce son activité de façon permanente au sein d’une entreprise, la relation entre le prestataire

de vente et l’entreprise externalisatrice prend une dimension particulière (Leroux, 2004 ;

Barthelemy, 1996).

1.2. Les apports de la théorie au management des vendeurs indépendants

Les vendeurs indépendants sont des prestataires de l’entreprise dont le contrôle échappe

complètement aux responsables à cause de leur position à l’extérieur des frontières de

compétence de l’entreprise. Sur le plan théorique, deux approches, dites économiques,

permettent d’appréhender plus intensément le concept : la théorie des coûts de transaction et la

théorie d’agence. Nous développons dans les paragraphes qui suivent les fondements de ces

théories, leur application au management des forces de vente externalisées, ainsi que leurs

limites à appréhender le management des forces de vente.

Page 84: Contribution de la socialisation organisationnelle au

83

1.2.1. La théorie des coûts de transaction

La théorie des coûts de transaction développée par Williamson(1975,1985), est inspirée des

travaux de Coase (1937) sur les dispositifs de coordination et le questionnement sur les frontières

de l’entreprise. Selon Coase, le marché et la firme proposent deux logiques de coordination

différentes (le prix et la hiérarchie) qui peuvent être utilisées de façon alternative en fonction de

leur efficacité relative. Le marché est utilisé tant que ses coûts sont relativement moins élevés

que ceux de l’entreprise, et vice versa. Coase pose donc en ces termes, le problème de l’efficacité

de la transaction dans l’utilisation de deux solutions possibles de coordination (le marché et

l’organisation) qui aboutit à une théorie sur la nature de la firme, traitant des frontières de

l’entreprise, ainsi que des relations interentreprises. Sur la base de cette opposition marché-

hiérarchie, Williamson (1985) élabore une théorie des coûts de transactions fondée sur des

mécanismes contractuelles pour assurer la coordination des transactions réalisées, non seulement

entre les entreprises, mais aussi entre les entreprises et les individus. Selon Ménard (2012), la

théorie des coûts de transaction « porte sur l’arbitrage entre modes alternatifs d’organisation des

activités économiques et sur l’impact que peut avoir l’environnement institutionnel sur cet

arbitrage.

La théorie des coûts de transaction repose sur trois concepts qui sont la transaction, les coûts

de transaction et la structure de gouvernance. Selon Ghertman (2006), le terme transaction est

synonyme d’échange et implique au moins deux agents économiques (entreprises ou unités

opérationnelles) qui se distinguent par une technologie différente. Les coûts de transaction sont

inhérents à la transaction et leur importance dépend de trois attributs qui sont liés à la

transaction. Le premier attribut concerne la spécificité des actifs et correspond à des montants

importants investis, qui sont uniques et qui ne peuvent pas être redéployés, ou qui sont

difficilement redéployables vers un autre échange (Williamson, 1999). Plusieurs types de

spécificité d’actifs existent comme, la spécificité de lieu, physique, de marque et humaine. Cet

attribut est de loin le plus important, puisqu’il peut « influencer les coûts de transaction, mais

aussi la nature du produit ou de la technologie qui feront l’objet de la transaction » (Ghertman,

2006). Le deuxième attribut concerne l’incertitude qui est subdivisé en deux types : l’incertitude

interne repose sur la « complexité et le caractère tacite des tâches réalisées au cours de la

transaction », et l’incertitude externe est liée aux facteurs de l’environnement de l’entreprise. Le

troisième attribut se réfère à la fréquence des transactions, qui peut être faible ou élevée selon les

transactions.

L’arbitrage sur la structure de gouvernance est fonction des attributs de transaction et des

coûts de transaction qui en découle. Le marché sera choisi comme structure de gouvernance

Page 85: Contribution de la socialisation organisationnelle au

84

lorsque les transactions sont d’un niveau de spécificité faible, d’incertitude interne et des

fréquences élevées. Cependant, plus la spécificité des actifs et l’incertitude interne sont élevées

et que la fréquence des transactions est faible, plus la gouvernance se fera par un contrat ou par

la hiérarchie dans l’entreprise. Mais il arrive que dans ces formes de gouvernance les partenaires

adoptent des comportements opportunistes, avec pour objectif d’obtenir une position dominante

sur l’autre. La littérature distingue trois types de comportement. La « sélection adverse » est une

forme de tricherie qui se produit avant la signature du contrat, elle est rendue possible par

l’asymétrie d’information. Le « hasard moral » correspond à une tricherie qui se manifeste

durant la phase d’exécution du contrat, compte du caractère incomplet des contrats.

L’opportunisme sous la forme de « holdup up » correspond à l’avènement d’un comportement

différent de ce qui a été prévu et anticipé par le partenaire après la signature du contrat. Lorsque

ces comportements opportunistes apparaissent, la théorie des coûts de transaction suggère que la

transaction soit gérer en interne par la hiérarchie, à travers la supervision direct ou autrement par

un contrat spécifique.

Dans la littérature réservée au management des forces de vente externalisées, la théorie des

coûts de transaction apparait pertinente pour expliquer le choix du mode de gouvernance le plus

efficient pour la force de vente (Gosse et Sprimont, 1999 ; Leroux et Peretti, 2007). Il s’agit de

choisir entre un contrat salarial et un contrat commercial, pour s’attacher les services d’une force

de vente.

1.2.2. La théorie d’agence

La théorie de l’agence développée par Jensen et Menckling (1976) est à l’origine une idée

ambitieuse des auteurs de créer une théorie du comportement des organisations fondée sur

l’hypothèse da rationalité des acteurs, particulièrement des managers. Elle s’appuie, dans son

élaboration, sur la théorie des droits de propriété (Alchian et Demsetz, 1972) dont elle est le

prolongement et le modèle principal-agent qui relève des théories de l’incitation. La théorie

d’agence s’intéresse particulièrement aux problèmes de coordination et de contrôle à l’intérieur

d’une unité économique, qu’elle soit une administration ou une entreprise. Comme l’explique

Charreaux (2000), « elle s’applique à l’architecture organisationnelle et à la gouvernance

d’entreprise ». La théorie d’agence s’est construite dans le domaine de la finance

organisationnelle, dans le but d’apporter des réponses au fonctionnement et la gestion de la

grande entreprise par actions, mais son influence s’étend désormais dans tous les domaines des

sciences de gestion, ce qui en fait une théorie générale des organisations.

Page 86: Contribution de la socialisation organisationnelle au

85

Jensen et Menckling (1976) définissent la relation d’agence comme un contrat pour lequel

une ou plusieurs personnes (le principal) engagent une autre personne (l’agent) pour exécuter

une tâche quelconque qui implique une délégation d’un certain pouvoir de décision à l’agent. Les

auteurs considèrent l’entreprise comme un nœud de contrat, c’est-à-dire un système dans lequel

« le dirigeant contracte de façon centralisée au nom de la firme avec l’ensemble des partenaires

apporteurs de facteurs de production ou clients » (Charreaux, 2000). Ce qui signifie que toutes

les relations au sein de l’entreprise sont des relations contractuelles fondée sur une opposition

entre deux agents, et particulièrement sur le modèle d’opposition entre le principal (actionnaire)

qui est détenteur des capitaux et l’agent (le dirigeant) qui est chargé d’exploiter les moyens de

production à sa demande. Plusieurs relations de cette nature existent dans le monde de

l’entreprise (employeur-employé, Manager de vente- vendeur, etc.), elles permettent de

comprendre le bien fondé de la relation d’agence. En effet, il est essentiel de retenir que la

demande du principal n’est possible que parce que ce dernier est dans l’incapacité cognitive

d’assurer convenablement cette tache. Il s’en remet donc à un spécialiste, mieux outillé pour

l’accomplir. Cependant, comme nous l’avons dit ultérieurement, la position privilégiée de

l’agent (Dirigeant) peut l’amener à manipuler l’information qu’il transmet au principal

(actionnaire) et à d’autres partenaires. Un tel comportement est dit opportuniste, dans la mesure

où l’agent essaie de maximiser ses propres intérêts au détriment des intérêts du principal et des

autres parties prenantes. Aussi, pour s’assurer que l’agent va exécuter sa tache conformément

aux recommandations du principal, la théorie d’agence prévoit des mécanismes de contrôle qui

vont permettre au principal de stabiliser les relations avec l’agent et de minimiser les coûts

d’agence. Deux types de contrôle sont privilégiés par les théoriciens de l’agence, le monitoring

(surveillance) et les incitations financières. Le monotoring désigne l’ensemble des mécanismes

de surveillance que l’entreprise déploie pour s’assurer que l’agent travaille conformément à ses

intérêts. Les incitations financières, quant à elles, regroupent tous les efforts financiers consentis

par l’entreprise afin de décourager l’opportunisme de l’agent. Elles sont matérialisées chez le

dirigeant par un intéressement sur les revenus de l’entreprise, et chez l’employé par un salaire

comportant une partie fixe et partie variable prépondérante et représentatives des efforts réalisées

par ce dernier dans son activité.

Dans les forces de vente externalisées, la position de l’agent est occupée par le vendeur

indépendant et celle du principal par l’entreprise à travers son responsable commercial. Le rôle

d’interface qu’occupe le vendeur, entre l’entreprise qu’il représente et sa clientèle, lui donne un

accès privilégié à l’information commerciale, voire stratégique. Le vendeur peut être tenté, dans

ce cas de figure, d’utiliser cette information à ses propres fins et priver l’entreprise

Page 87: Contribution de la socialisation organisationnelle au

86

d’opportunités d’affaires. L’opportunisme du vendeur est la conséquence du peu d’emprise que

le responsable commercial a sur l’activité du vendeur, dû probablement à son externalité et à la

nature de sa relation contractuelle avec l’entreprise. Anderson (1988) montre dans ses recherches

que les vendeurs intégrés (salariés) présentent un niveau d’opportunisme nettement moins élevé

que les indépendants. Nous tenterons de montrer dans le paragraphe qui suit que les limites que

présentent les mécanismes de contrôle sur l’opportunisme des vendeurs, aussi bien dans la

théorie d’agence que dans la théorie des coûts de transaction, sont à l’origine des

dysfonctionnements observés dans le management de cette catégorie de vendeurs.

1.3. Les limites des théories économiques

Les théories d’agence et des coûts de transaction expliquent la performance et la pérennité des

formes organisationnelles, par la minimisation des coûts d’agence et de transaction. Bien

qu’elles développent une vision différente du contrat, ces théories proposent un modèle de

gestion qui permet de concevoir l’économie comme un vaste « réseau de contrat », qui ne

distingue plus l’entreprise et le marché, mais qui s’appuie sur des « arrangements

organisationnels et contractuels » adaptés aux problèmes de coordination qui se posent aux

contractants. Or, les dispositifs contractuels qui sous-tendent cette philosophie de gestion

présentent des limites, dans la mesure où ce sont des hommes qui les mettent en place, et que ces

individus sont dotés d’une rationalité limitée (Simon, 1947), et peuvent adopter des

comportements opportunistes. Les limites cognitives des individus à prévoir toutes les situations

possibles, ainsi que les conséquences qui découlent de ces situations, conduisent à l’élaboration

de contrats incomplets, source d’opportunisme. La gestion des comportements opportunistes se

révèle donc être un aspect important du dispositif de coordination, qui demande à être

perfectionné pour que ces formes organisationnelles soient véritablement performantes dans la

durée.

Traditionnellement, dans le management des forces de vente, l’opportunisme des vendeurs

s’exprime par le fait que les managers des ventes n’ont qu’une pale information de la façon dont

les vendeurs accomplissent leurs tâches sur le terrain (Anderson, 1988). Selon l’auteur, cet

opportunisme peut prendre différentes formes, comme la déformation de l’information ou des

résultats de vente, la falsification des rapports de visites ou la promesse d’un travail non tenue,

etc. Le travail du vendeur se déroulant essentiellement à l’extérieur de l’entreprise, les manager

ont peu d’emprise sur ce qui est considéré comme leur « temps productif » (Camus et Veran,

2004). En d’autres termes, il est impossible de savoir exactement comment le vendeur occupe

son temps de travail lorsqu’il est en dehors de l’entreprise. Il y a donc manifestement un déficit

Page 88: Contribution de la socialisation organisationnelle au

87

naturel d’informations que les vendeurs utilisent à leur profit. Cette situation peut s’avérer

délicate lorsqu’il s’agit de vendeurs indépendants dont la caractéristique est d’être des

multicartes, c’est-à-dire des vendeurs qui représentent plusieurs entreprises différentes. Ces

vendeurs sont exposés à plusieurs formes d’opportunismes, c’est le cas des vendeurs qui

multiplient les contrats de représentation dans le but de maximiser leurs revenus. Ils présentent

un peu plus à la vente les produits qui proposent les meilleurs taux de commissionnement.

L’inconvénient, dans cette pratique est que les vendeurs sont moins performants, car ils n’ont pas

le temps matériel de traiter toutes leurs « cartes » avec la même attention. Il est aussi courant de

constater que certains vendeurs indépendants détournent leurs ventes au profit d’un concurrent,

afin d’obtenir une meilleure rémunération. L’asymétrie d’information est dans ces situations la

principale source d’opportunisme, mais il arrive également que l’opportunisme provienne de

sources différentes. Ainsi, on peut penser que dans le management des forces de vente

externalisées certains comportements opportunistes sont traités de façon inappropriés par des

outils inadaptés, ce qui conduit à des dysfonctionnements organisationnels comme on a pu le

constater sur le terrain. Il existe donc un décalage entre les dispositifs de coordinations

développées par les théories d’agence (monitoring et incitations financières) et de coût de

transaction (direction et supervision) plutôt orientés vers une coordination interne des activités

de l’entreprise et la gestion de vendeurs positionnés à l’extérieur de l’entreprise. Même si la

question des frontières a été résolue par la mise en place du contrat, il n’en demeure pas moins

que les dispositifs n’apparaissent pas consistant, au regard des problèmes de gouvernance

rencontrés dans la gestion des vendeurs indépendants. Wathne et Heide (2000) soulignent que la

faiblesse de ces dispositifs de coordination est due au fait que l’opportunisme ait été traité de

façon générale, sans tenir compte des spécificités que pouvait recouvrir ce phénomène. De plus,

ils précisent que l’asymétrie d’informations n’est pas la seule source de comportements

opportunistes, celles-ci pouvant prendre plusieurs formes en fonction des circonstances. (Cf.

Tableau 6)

Page 89: Contribution de la socialisation organisationnelle au

88

Tableau 6. Les formes de l’opportunisme et les résultats possibles

Evasion Effets sur les coûts : Décroissance pour O 5(court-terme) Croissance pour E (long terme) Effet sur le revenu : Décroissance pour E et S (long terme)

Refus de s’adapter Effets sur les coûts : Minimal Effet sur le revenu : Croissance pour O (long terme), décroissance pour E et O (long-terme, renonce au revenu à cause d’une mauvaise adaptation

Violation Effets sur les coûts : Croissance pour E (long terme) Effet sur le revenu : Croissance pour O (court terme) Décroissance pour E et S (long terme)

Forcé à renégocier Effets sur les coûts : Croissance pour E (marchandage, concessions) Effet sur le revenu : Croissance pour O 5(court-terme, obtention de concessions), décroissance pour E et O (long terme, renonce au revenu à cause d’une mauvaise adaptation).

Source : Traduit de Wathne et Heide (2000)

Selon les auteurs, les formes d’opportunismes sont déterminées par les comportements actifs

ou passifs des individus ou des organisations, en tenant compte des circonstances (actuelles ou

nouvelles) dans lesquelles ces comportements sont exprimés. Ainsi, (1) lorsque des

comportements exprimés sont passifs et que les circonstances sont d’actualité, l’opportunisme

prend la forme d’une esquive, il s’agit d’individus qui cherchent à se dérober. (2) Cependant, si

les comportements sont passifs et que les circonstances changent, l’opportunisme s’apparente à

de l’inflexibilité ou à un refus d’adaptation. De même que, (3) lorsque les comportements sont

actifs et que les circonstances sont courantes, l’opportunisme est exprimée par la partie qui

s’engage dans des comportements prohibés, en violation des règles. Enfin, si les comportements

sont actifs et que les circonstances changent, l’opportunisme est exprimé par la partie qui

cherche à extorquer des concessions de l’autre. Wathne et Heide (2000) ne remettent pas en

cause le dispositif de coordination développé par Williamson (1985). Ils considèrent simplement

que ces outils étaient adaptés aux circonstances du moment. Par conséquent, ils proposent de

compléter le dispositif en intégrant des pratiques de gestion des ressources humaines. La

sélection pour réduire l’asymétrie d’information et tenir compte de la sélection naturelle, et la

socialisation pour promouvoir la convergence des objectifs de toutes les parties. (Cf. tableau 9).

L’opportunisme est un comportement déviant néfaste à la relation contractuelle, dans la

mesure où il se développe au gré des « failles » qui peuvent subsister dans le dispositif

contractuel. Il est nécessaire que les managers d’équipes développent de nouvelles stratégies en

tenant compte de l’évolution des comportements de leurs collaborateurs. Cette adaptation est

Page 90: Contribution de la socialisation organisationnelle au

89

essentielle pour le management des vendeurs indépendants qui entretiennent une relation assez

large avec l’entreprise.

2. Conséquences managériales liées à l’externalisation des forces de vente

2.1. La perte de direction et le contrôle de la force de vente

L’agent commercial est un travailleur indépendant dont la profession est caractérisée par

l’absence d’un lien de subordination avec le commettant. Cependant, en présence d’un lien de

subordination, le contrat d’agent commercial peut être requalifié en contrat de travail régi par le

code du travail. En effet, certaines situations peuvent favoriser la résurgence de ce lien de

subordination. C’est notamment le cas des réunions organisées par le mandant, dont la fréquence

pose quelques problèmes d’ordre juridique et pratique. La relation entre l’agent commercial et

son mandant est soumise à une obligation d’informations. Cet échange d’informations doit avoir

pour but de faciliter l’exécution du mandat et ne doit pas être le moyen pour le mandant de

contrôler l’agent ou de le placer dans un lien de dépendance ou de subordination. La

rémunération à la commission du vendeur est une caractéristique très importante de son statut.

On constate très souvent qu’un salarié est rémunéré par un fixe et que la rémunération d’un agent

commercial est essentiellement variable. Cette règle établie a inspiré deux approches théoriques.

Selon Jensen et Meckling,23 la rémunération du vendeur est déterminée en fonction de la capacité

de l’entreprise à évaluer le comportement du vendeur. Lorsque le vendeur peut faire l’objet d’un

contrôle par le comportement, c’est-à-dire qu’il est possible de surveiller étroitement son

activité, l’entreprise choisira une rémunération fixe. Par contre, lorsque l’activité du vendeur ne

peut être contrôlée efficacement, l’entreprise appliquera une rémunération variable.

Williamson24 par contre se base sur « l’incertitude » pour choisir les composantes du système de

rémunération des vendeurs. Selon l’auteur, lorsque l’incertitude à réaliser une vente est grande,

l’entreprise doit privilégier une rémunération variable.

Cependant, il est important de relativiser cette indépendance car dans la réalité il exécute un

mandat, c’est-à-dire qu’il reçoit un ensemble d’instructions qui lui sont donné par le mandant, et

qui impliquent qu’il rende des comptes. Certains auteurs y voient dans cette relation un lien de

subordination implicite, dans la mesure où le vendeur est financièrement dépendant de

l’entreprise et qu’il lui est imposé de suivre certaines méthodes, ou des processus de vente

prédéfinis (Moeneclaey, 2013). Selon cet auteur, la position d’agent commercial révèle des

disparités importantes entre les aspirations des individus (autonomie, revenu plus important…) 23 Cité par 24 Cité par

Page 91: Contribution de la socialisation organisationnelle au

90

qui envisagent occuper cette position, et les usages que les entreprises font de cette forme

d’emploi.

Du point de vue de l’entreprise, l’utilisation des vendeurs indépendants répond à des besoins

stratégiques. Elle permet à l’entreprise de minimiser ses coûts et de pouvoir s’offrir sur le

marché des compétences qu’elle ne peut entretenir en interne. Or, en choisissant d’externaliser

leur vendeurs ou certaines de leurs activités commerciales, les entreprises prennent également le

risque de perdre le contrôle et la direction de leurs forces de vente (Moulinier, 2005), et par

conséquent la visibilité qu’elles souhaitent avoir sur leur marché. Cette disposition est renforcée

par la position frontalière du vendeur, source de pouvoir de par la maitrise que ce dernier peut

avoir sur l’information et la liberté d’appliquer ou non les règles définies par l’entreprise

(Campoy et al, 2005). Aussi, pour conserver la commercialisation effective de leurs produits et la

maitrise de leur marché, certains managers sont tentés de passer outre les dispositions juridiques,

avec le risque de démotiver les vendeurs et d’assister à une requalification des contrats en cas de

litige. Ce qui affecterait la performance de l’entreprise. Le vendeur est ainsi placé dans une

« double position frontalière » qui peut avoir des implications sur son management (Commeiras

et al, 2003). Ces auteurs définissent cette position comme le fait pour un agent d’appartenir à

deux sous-systèmes différents. D’une part, le vendeur est considéré comme un prestataire

extérieur, il entretient une relation de partenariat avec l’entreprise. D’autre part, il est traité

comme un employé salarié, ce qui le situe dans une position de subordination par rapport à

l’entreprise.

2.2. L’émergence d’une nouvelle relation d’emploi

La relation d’emploi est définie comme « le lien que tisse un employé, un individu avec son

organisation, ses représentant et les membres qui la compose ». Dans la tradition fordienne, cette

relation est décrite dans une relation de travail dans laquelle l’employé et l’employeur sont liés

par un contrat de travail qui définit les obligations des parties, à savoir la prestation de travail en

contrepartie d’une rémunération. Le contrat de travail établit, non seulement un lien de

subordination, mais aussi une relation hiérarchique qui confère à l’employeur le droit de

superviser directement l’activité de l’employeur. Cependant, depuis quelques temps on assiste,

avec les mutations récentes du marché du travail, à une dilution du lien hiérarchique remettant en

question la forme traditionnelle de l’emploi au profit d’emplois plus flexibles, et par conséquent

à une redéfinition des relations d’emploi. Ainsi, on est passé d’une forme d’emploi type basée

sur un contrat de travail à durée indéterminée (CDI), vers des formes d’emplois atypiques dont

l’utilisation bouscule quelque peu les usages traditionnels de la relation d’emploi. Les emplois

Page 92: Contribution de la socialisation organisationnelle au

91

atypiques (ou « contingent Works » en anglais) sont définies comme « des emplois éloignés de la

norme du contrat de travail à temps plein et à durée indéterminée, et dont la durée et la fréquence

dépendent des besoins aléatoires des entreprises » (Polivka et Nordone, 1989). Parmi ces emplois

atypiques, les auteurs citent les emplois à temps partiel, l’emploi temporaire, le louage de

prestations, l’emploi autonome, les contrats extérieurs et l’emploi à domicile. Pour illustrer la

distance qui sépare un emploi type avec les différents emplois atypiques, Evéraeré (1999)

propose dans une représentation en cercles concentriques, les formes d’emplois auxquelles ont

recours les entreprises en France. Hormis le temps partiel et les contrats aidés, la structure de

l’emploi est quasi identique à celle du Gabon (Cf. figure 4).

Figure 7. Les différentes formes d’emplois en France

Travailleurs indépendants, sous traitants sur site

Intérimaires

Temps partiel, stages

Contrats aidés, CDD

CDI temps plein

Source : Evéraeré (1999)

L’auteur démontre à travers cette figure que, plus ces emplois s’éloignent de la norme qu’est

le contrat à durée indéterminé à temps plein, plus le relâchement du lien hiérarchique est

important et plus l’emploi est instable. La situation extrême est celle où le lien s’étend jusqu’à la

rupture, comme c’est le cas pour les travailleurs indépendants et les sous-traitants sur site. Les

travailleurs indépendants qui nous intéressent particulièrement dans cette configuration, sont

parmi les emplois atypiques les plus éloignés de la norme. La relation d’emploi entre l’entreprise

et le travailleur indépendant est une relation plutôt distante car fondée, non pas sur un contrat de

travail, mais sur un contrat commercial qui donne plus de liberté aux acteurs. Le travailleur

indépendant s’identifie davantage à son travail qu’à l’entreprise qui l’emploie, ce qui implique

Page 93: Contribution de la socialisation organisationnelle au

92

un faible engagement vis-à-vis de celle-ci, et par conséquent des difficultés de management

(Belous, 1989). L’agent commercial est un vendeur indépendant, et son fonctionnement s’inscrit

dans cette logique organisationnelle. Pourtant, des signes concordants permettent de relever la

volonté de nombreux managers des ventes à impliquer davantage ces vendeurs à la vie de leurs

entreprises. Ainsi, une clause d’exclusivité est annexée au contrat de mandat, et oblige le

vendeur à travailler exclusivement pour une marque ou pour une entreprise. La raison principale

étant la maîtrise des compétences des vendeurs, qui deviennent un facteur de compétitivité. En

effet, si l’externalisation des forces de vente permet à l’entreprise de minimiser ses coûts, elle

provoque par la même occasion la mise à disposition sur le marché des compétences qu’elle

contribue à développer, et qui pourraient la desservir. L’expérience acquise par un vendeur dans

un travail particulier étant considérée comme un actif spécifique qui améliore la performance des

ventes dans ce travail (Anderson, 1985). Cependant, pour concilier la flexibilité qu’elle

recherche dans sa relation avec le vendeur et sa nécessaire implication, l’entreprise ne mobilise

pas toujours les bonnes pratiques pour y parvenir. Nous formulons l’hypothèse que les difficultés

rencontrées par les entreprises à impliquer leurs vendeurs indépendants, reposent sur une

mauvaise appréciation de la relation d’emploi. Les informations recueillies dans notre étude

préliminaire auprès des agents commerciaux ont révélé que les pratiques mises en œuvre, telles

que les réunions hebdomadaires, les directives ou les injonctions faites aux vendeurs par les

responsables commerciaux n’étaient pas conformes aux contrats qui les liaient. Il est donc

nécessaire de rappeler les contours de la relation d’emploi atypique, et particulièrement de la

relation d’emploi d’indépendant.

La relation d’emploi entre un employeur et un employé est étudiée à travers le contrat

psychologique. La théorie sur le contrat psychologique indique que cette relation repose sur

deux types de contrats. Un contrat formel et écrit qui spécifie l’ensemble des obligations

réciproques, généralement codifiées dans des termes juridiques, et un contrat psychologique qui

renferme les attentes implicites et réciproques relatives à la relation d’emploi. Dans la littérature

consacrée au contrat psychologique, les recherches effectuées à ce jour portent essentiellement

sur la relation d’emploi traditionnelle, dans laquelle l’employeur promet un emploi stable et une

évolution dans la carrière en échange de sa fidélité. L’évolution des rapports professionnels vers

une relation d’emploi atypique implique nécessairement une modification des obligations

réciproques des acteurs. Ainsi, il est admis que cette relation repose désormais sur la garantie

qu’offre l’entreprise en matière de formation et de développement, en échange de l’implication

de l’employé. Mais, ce domaine de recherche ne dispose pas encore de suffisamment de travaux

empiriques, ce qui ne permet pas d’évaluer concrètement les effets de cette « nouvelle relation

Page 94: Contribution de la socialisation organisationnelle au

93

d’emploi ». Cependant, il est indéniable que cette nouvelle approche de la relation d’emploi

d’indépendant joue un rôle majeur dans la socialisation des agents commerciaux. Dulac (2005)

indique qu’au moment de leur entrée dans l’organisation, les nouvelles recrues recherchent

également des informations concernant leur relation d’emploi. Selon l’auteur, c’est à ce moment

que se forme le contrat psychologique qui va régir la relation d’emploi. Il propose à cet effet un

processus de formation du contrat psychologique en trois étapes : (1) « la socialisation

« anticipatoire » est l’étape de la formation d’un contrat psychologique « anticipatoire » qui

repose sur les obligations perçues par la future nouvelle recrue au moment du recrutement ; (2)

« la rencontre » est l’étape de la réévaluation du contrat « anticipatoire » par la nouvelle recrue,

confrontée à la réalité organisationnelle ; (3) « le changement et l’acquisition » est l’étape dans

laquelle la nouvelle recrue dispose d’une meilleure connaissance de sa relation d’emploi et

possède des certitudes qui l’aident à s’ajuster progressivement.

2.3. L’impact de l’environnement socioculturel sur le management.

La culture est un concept qui tire ses origines des sciences sociales et particulièrement de

l’anthropologie. Le petit Larousse la définit comme l’ensemble des convictions partagées, de

manière de voir et de faire qui orientent plus ou moins consciemment le comportement d’un

individu, d’un groupe dans une société donnée. Dans l’entreprise, on parle de culture

d’entreprise pour désigner un ensemble de traditions, de structures et de savoir-faire qui assurent

un code de comportements implicites et la cohésion à l’intérieur de l’entreprise. De ce fait, la

culture est le socle à partir duquel les individus vont être socialisés, par l’apprentissage des

normes, des valeurs, des croyances et des rites de leur société ou de leur entreprise, et se

construire une identité sociale. La culture permet de comprendre le fonctionnement des individus

dans une société donnée, et son utilisation en management donne une meilleure compréhension

des rapports sociaux dans l’entreprise, étant donné que celle-ci a une histoire et des croyances

qui influencent nécessairement son organisation. Les facteurs socioculturels sont des

phénomènes sociologiques qui s’expliquent par référence à la culture qui prévaut à un moment

donné dans la société ou dans l’entreprise en tant que structure sociale. Ils peuvent être

appréhendés comme un ensemble complexe de connaissances, de croyances, d’aptitudes et

d’habitudes qu’acquièrent les individus en tant que membres d’une société. Ces facteurs

socioculturels ont nécessairement une influence sur les pratiques organisationnelles et le

management de l’entreprise.

Nous proposons d’apporter un éclairage sur les facteurs socioculturels qui expliquent les

comportements des acteurs, dans l’environnement des entreprises gabonaises, en nous appuyant

Page 95: Contribution de la socialisation organisationnelle au

94

sur l’approche de d’Iribarne (2011) du concept culture. En effet, d’Iribarne explique que les

conceptions de la culture qui relèvent des « coutumes partagées », ou « transmises au fil du

temps », « objet d’un respect plus ou moins superstitieux » ne permettent pas de rendre compte

de ce qui se passe dans les sociétés modernes ou dans les entreprises. Il préfère à cette

conception, une « culture politique » partagée par un ensemble d’individus dont le destin est plus

ou moins lié par l’histoire. Pour appréhender cette culture, l’auteur identifie deux couches dans

ces cultures. La première se réfère à la présence « d’images idéales » (tel les idéaux-types),

quelles soient bonnes ou mauvaises. A ces images sont attachées des situations d’angoisses ou

d’inquiétudes qui vont développer une « crainte fondamentale » collective, consciente dans

laquelle les individus vont se déterminer, « selon qu’ils se situent du bon ou du mauvais côté ».

L’auteur précise que les images idéales de bonnes ou de mauvaises façons de vivre ensemble

qui prévalent dans une société donnée, sont intimement liées au type de crainte qui la marque.

Enfin, d’Iribarne souligne que les niveaux de culture auxquelles nous faisons allusion sont

perceptibles dans les discours que tiennent les individus lorsqu’ils sont interrogés sur leur vie de

travail. Partant de ces explications, nous présentons deux « images idéales » représentatives des

« façons de vivre ensemble » dans le domaine des forces de vente.

La première image présente le dur labeur de l’agent commercial qui démarche à longueur de

journée des clients dans des administrations publiques et des entreprises privées. Ce vendeur est

presque indésirable et fait l’objet de mépris de la part des clients qui ne l’identifie pas

spécifiquement comme appartenant à une entreprise, mais aussi de l’entreprise qui ne le compte

pas dans ses effectifs. Il travaille dur en finançant personnellement l’essentiel de son activité et

réalise des ventes pour le compte d’une ou plusieurs entreprises, qui en fin de compte ne lui paie

qu’une commission, seulement s’il parvient à vendre. Dans l’inconscient collectif, cette image

est associée à la précarité, à l’échec sociale, à la dignité de l’homme, au manque de

considération. C’est l’image négative du vendeur indépendant qui renvoi à des croyances fortes

et négatives sur l’avenir social des personnes qui s’y engagent. Les facteurs sociaux relevés sont

regroupés dans deux catégories : la relation au sein de la famille et le rôle de l’éducation scolaire.

Le rôle de la famille en tant qu’agent socialisateur est indéniable, elle tient par conséquent un

rôle de censeur dans les choix qui sont effectués par ses membres en matière d’emploi, car elle a

un intérêt dans les emplois ou les fonctions qui sont occupés par les individus qui la compose. Le

travail étant considéré comme une source de revenu pour la famille, un moyen de son évolution

dans l’échelle sociale, l’influence de la famille est un facteur déterminant des comportements des

potentiels candidats au travail de vendeur indépendant. Alors que la famille impose pratiquement

ses choix à ses membres, l’école en tant qu’institution sociale joue plutôt un rôle persuasif, en

Page 96: Contribution de la socialisation organisationnelle au

95

donnant à ceux qui la fréquente les moyens de trouver un emploi stable. Ainsi, la formation

initiale acquise par les jeunes sortis des écoles de commerce constitue ce facteur socioculturel

qui pousse ces diplômés à rechercher du travail dans les secteurs qui offrent des emplois

durables, plutôt que de se risquer dans des emplois incertains et précaires dans la vente. Cette

position est renforcée par une croyance universelle, qui veut que la vente ne soit pas un métier

qui nécessite forcément une formation (Barth, 2008). Finalement, le recours à ce type d’emploi

se fait par défaut, quand on à rien trouvé de satisfaisant sur le marché. La crainte du vendeur,

c’est qu’il y demeure, faute de trouver un meilleur emploi. Pour l’entreprise, l’utilisation de tels

vendeurs peut susciter des difficultés de gestion, puisque le vendeur n’est pas motivé pour ce

type d’emploi. A ce propos, Feldman (1995) prenant l’exemple de l’intérim suggère que les

employés intérimaires qui sont intérimaires par choix et non par nécessité ont de meilleures

attitudes au travail. Il appartient donc à l’entreprise de sélectionner dans ses opération de

recrutement les vendeurs qui ont réellement exprimés le désir de travailler comme vendeur

indépendant.

La seconde « image idéale » concerne la posture managériale des dirigeants face au concept

d’intégration. Dans la littérature de management, l’intégration traduit l’idée d’incorporer ou de

réaliser une opération dans l’organisation. Ainsi, on parle d’intégration verticale pour désigner la

gestion de la transaction par des dispositifs de coordination interne (hiérarchie, supervision

directe), par opposition au marché qui représente l’extérieur. De même que les forces de ventes

sont dites intégrées lorsqu’elles sont composées de vendeurs salariés travaillant à plein temps

pour une entreprise, alors que les forces de vente externalisées ou indépendantes sont constitués

de vendeurs externes à l’entreprise. Du point de vue de la gestion des ressources humaines,

l’intégration est la dernière étape du processus de recrutement qui consiste à aider le nouveau

salarié à s’adapter à son nouvel environnement de travail et devenir rapidement opérationnel.

Dans l’entreprise, la notion d’intégration reste encore très attachée à la conception traditionnelle

de l’accueil, des visites guidées, des programmes de formation et autres processus réservés aux

nouvelles recrues embauchées comme salariés. L’intégration est synonyme d’un engagement par

contrat de travail, considérant à contre coup, ceux qui ne le sont pas comme des travailleurs non

intégrés.

Au-delà de cette conceptualisation, on serait tenté de croire que la notion d’intégration porte

en elle les marques d’une « idéologie » ou d’une culture, qui s’affirment dans les rituels

(processus d’accueil), des croyances et des connaissances auxquels se réfèrent les manager, et

qui consistent à croire que l’intégration dans l’entreprise n’est réservée qu’au personnel salarié.

Les résultats de notre étude préliminaire ont montré qu’il y avait une crainte exacerbée de la part

Page 97: Contribution de la socialisation organisationnelle au

96

de certains responsables commerciaux à intégrer convenablement leurs vendeurs indépendants.

Les stéréotypes socioculturels développés, à travers la gestion de l’employé type qu’est le

salarié, influencent les comportements de gestion. La crainte fondamentale des entreprises est

d’investir sur des individus qui n’appartiennent pas, juridiquement à l’entreprise. Ces pratiques

de management ont pour effet de ralentir l’intégration des vendeurs et inhibent dans le même

temps leur comportements proactifs, d’une part et elles contribuent à marginaliser le

management des vendeurs indépendants du processus de gestion de l’entreprise, d’autre part.

Dans le premier cas, les vendeurs reçoivent de façon fragmentée le soutien de l’entreprise, en

termes de formation et de supports nécessaires à la vente. Il peut aussi arriver que les vendeurs

développent une forme d’auto exclusion, conséquence des situations d’exclusion vécues dans

leurs expériences passées ou présentes. Ces comportements d’auto-exclusion ont pour

conséquence de freiner la recherche active d’informations dont on connait le rôle dans le

processus d’intégration.

Dans le deuxième cas, l’entreprise s’intéresse aux résultats commerciaux, mais n’intègre pas

dans ses perspectives de gestion les ressources humaines qui sont déployées pour les obtenir. Les

décisions concernant les forces de vente indépendantes sont prises en marge, ou

indépendamment des grandes orientations de l’entreprise. En général, les vendeurs sont satisfaits

si toutes les autres entités de l’entreprise le sont déjà, et s’il existe encore une marge de

manœuvre pour le faire. Quand on connait la relation qui existe entre le niveau de satisfaction

des vendeurs et leurs performances, assurer un niveau de satisfaction élevé dans les forces de

vente est un impératif pour un manager commercial (Darmon, 2012).

En définitif, les « images idéales » permettent de mettre en évidence la façon dont

fonctionnent les forces de vente indépendantes dans ces contextes. Il existe bien évidemment des

exceptions, c’est-à-dire des personnes qui ont une haute estime du travail indépendant, ou des

responsables commerciaux qui ne marginalisent pas leurs vendeurs. Mais, comme nous l’avons

souligné au début de ce propos, les problèmes de management de ces organisations de vente sont

liés à la difficulté d’intégrer tous les aspects de leur gestion.

Page 98: Contribution de la socialisation organisationnelle au

97

Conclusion du chapitre 1.

Ce chapitre avait pour objectif de d’évoquer les insuffisances des modèles théoriques

développés dans la littérature sur le management des forces de vente, au moment où les

entreprises connaissaient des mutations importantes dans leur environnement. Il rappelle que le

management des forces de vente est une activité qui sert d’abord, à travers le marketing, les

intérêts économiques de l’entreprise. Cependant, la force de vente étant composée

essentiellement d’hommes et de femmes qui ont des objectifs propres, il était important de

s’intéresser à la façon dont ces hommes pouvaient atteindre les objectifs de l’entreprise, tout

réalisant leurs objectifs personnels.

Ensuite, nous avons compris que les modèles théoriques développés dans ce champ de

recherche étaient implicitement dirigés vers la performance du vendeur. Ce qui a conduit les

chercheurs à s’intéresser à tout ce qui pouvait avoir un impact sur cette performance. Ainsi, le

comportement du vendeur, les pratiques des managers, et la modélisation mathématique sont les

différentes « pistes de recherche » développées dans la littérature. En outre, le management des

forces de vente se prête bien à une conceptualisation fondée sur le contrôle des activités des

vendeurs. Mais, « amener les vendeur à agir conformément aux désirs des managers n’est pas

toujours facile »25, car les vendeurs travaillent à l’extérieur de l’entreprise. Ce qui réduit le

contrôle direct de leurs activités.

Enfin, nous constatons que les recherches sur le management des forces de vente externes

sont récentes en France. Même s’il existe une littérature relativement abondante venant des pays

anglo-saxons, l’essentiel des écrits dans ce domaine provient des professionnels de la vente. Par

ailleurs, il faut noter que les travaux académiques réalisés dans ce champ de recherche, ont

principalement porté sur le concept d’externalisation. Cependant, ce concept ainsi que les

théories, principalement économiques, qui l’expliquent ne sont pas toujours adaptées

conceptuellement à l’étude d’autres catégories de vendeurs externes.

25 Darmon (1993, p.11)

Page 99: Contribution de la socialisation organisationnelle au

98

CHAPITRE 2. ANALYSE DE LA LITTERATURE AUTOUR DU CONCEPT

DE SOCIALISATION ORGANISATIONNELLE

La question de la socialisation organisationnelle est au cœur des problèmes d’intégration

des nouvelles recrues. Ainsi, développer un questionnement sur cette période cruciale qui permet

d’accéder à l’organisation et d’en devenir membre, ouvre la voie à une série d’interrogations : la

première concerne la façon dont procède l’organisation pour choisir ses nouveaux membres, la

deuxième s’intéresse aux moyens mobilisés par un « groupe professionnel » pour obtenir des

nouveaux qu’ils se conforment au modèle proposé par la profession, et le troisième examine la

mise en œuvre des moyens retenus et leur efficacité, en tenant compte du « rôle actif » des

acteurs concernés par le processus de socialisation (Baszanger, 1981). Dans ce chapitre nous

proposons de mettre en évidence les différentes approches de la socialisation organisationnelle,

en l’appréhendant comme un mécanisme qui permet de réguler les comportements futurs des

nouvelles recrues.

Dans un premier temps, nous présentons la transposition du concept de socialisation de la

société en général vers l’organisation. En effet, le concept tire ses origines des sciences sociales,

et notamment de la sociologie et de la psychologie. Nous nous intéressons d’abord aux débats

successifs d’une part, entre Durkheim (1930) et Piaget (1932) qui s’oppose sur le primat de la

société sur l’individu dans la détermination des comportements individuels ; et d’autre part, en

psychologie entre Freud (1930) et Piaget (1932) qui apparaissent complémentaires au regard de

certains critiques. Finalement, nous parlerons de la remise en cause de ces approches

fonctionnaliste et mécaniste de la socialisation par les anthropologues qui préfère à

l’universalisme ambiant de l’époque, une approche interactionniste basée sur les relations

sociales (Habermas, 1981). La conceptualisation de la socialisation dans l’organisation est

marquée par un relatif consensus des chercheurs, tant en ce qui concerne son processus que le

contenu des apprentissages (Bargues-Bourlier, 2009). Les recherches sur la socialisation

organisationnelle s’organisent autour de trois niveaux d’analyse qui reflètent l’évolution du

concept. Le premier niveau est organisationnel et concerne les premiers travaux qui affirment la

toute puissance de l’organisation sur l’individu (Van Maanen et Schein, 1979 ; Feldman, 1976).

Le second niveau est individuel et considère que les individus participent activement à leur

propre socialisation (Morisson, 1993 ; Ostroff et Kozlowski, 1992 ; Jablin et Miller, 1991; Louis,

1980). Le troisième niveau intègre les deux précédents et prône une approche interactionniste

(Saks et Ashforth, 1997 ; Reichers, 1987). Les travaux réalisés dans ce domaine de recherche

Page 100: Contribution de la socialisation organisationnelle au

99

sont fondamentalement ancrés dans une vision cognitive de la socialisation organisationnelle.

Trois approches théoriques sous-tendent cette conception. La théorie de réduction de

l’incertitude permet d’expliquer comment les nouvelles recrues réduisent l’incertitude et

l’anxiété qui entourent leur entrée dans l’organisation (Berger et Calabrese, 1975); la théorie

cognitive de recherche de sens de Louis (1980), décrivent « les efforts de réduction de sens sur le

plan strictement cognitif » ; et la théorie cognitive sociale (Bandura, 1986) propose un modèle

d’apprentissage basé sur l’observation et la mise en pratique par l’apprenant des faits observés.

Le concept est abordée dans une « vision positive, car elle répond aux besoins de l’entreprise de

fidéliser ses nouveaux membres, et à la nouvelle recrue qui veut s’intégrer » (Lacaze, 2005).

Dans un deuxième temps, nous analysons les développements de la socialisation

organisationnelle dans des contextes spécifiques, comme le syndicalisme, l’expatriation,

l’entrepreneuriat ou encore le marketing. Cette extension du concept est présentée comme la

réponse apportée par les chercheurs à la difficulté d’élaborer une théorie générale de la

socialisation organisationnelle (Campoy et al, 2005). En dehors du syndicat qui présente un

cadre organisationnel différents et « antagoniste à l’entreprise », les autres types de socialisation

ont lieu dans l’entreprise. Nous nous intéressons particulièrement à la socialisation des forces de

vente et des systèmes de contrôle induits par la socialisation organisationnelle. Appliquée aux

vendeurs indépendants, la socialisation organisationnelle est présentée comme un dispositif de

contrôle social basé sur le management des ressources humaines et les relations sociales (Ouchi,

1998 ; Langevin et Naro, 2003). Elle apparait donc comme un outil de gestion qui permet

d’orienter de façon subtile les comportements des vendeurs dans le sens souhaité par l’entreprise.

Page 101: Contribution de la socialisation organisationnelle au

100

SECTION1. FONDEMENTS THEORIQUES ET CONCEPTUELS DE LA

SOCIALISATION ORGANISATIONNELLE

Depuis plus de trente ans le concept de socialisation organisationnelle a fait son apparition

dans la littérature en sciences de gestion. Cependant, malgré les nombreux travaux enregistrés

dans ce domaine, les chercheurs tardent à trouver un consensus permettant de conférer au

concept le statut de théorie. Dans cette section, nous proposons une revue succincte de la

littérature depuis les origines dans les sciences sociales (1). Ensuite, nous présentons les

approches traditionnelles basées sur le rôle de l’organisation (2), les approches récentes traitant

de la participation de l’individu et du contenu de la socialisation (3).

1. Les origines de la socialisation organisationnelles

La socialisation est un processus d’apprentissage social par lequel les individus apprennent à

se comporter de manière convenable en adoptant des attitudes et des valeurs conformes à ce que

les autres attendent d’eux. Le concept tire ses origines des sciences sociales et particulièrement

de la sociologie et de la psychologie qui composent son corpus théorique. Celui-ci est fondé sur

la dialectique individu/société, entre d’une part ceux qui pensent que la socialisation est une

« action de la société sur l’individu » (Darmon, 2006) et d’autre part, ceux qui soutienne que

l’individu n’est pas totalement passif dans cette action. Il se profile une voie médiane qui

considère que la socialisation est surtout le produit des interactions de l’individu avec la société.

1.1. Les apports de la sociologie

La sociologie explique comment les sociétés humaines se maintiennent et se pérennisent au

fil du temps. Plusieurs courants de pensée ont contribué par des approches différentes, mais

complémentaires dans ce que l’on peut appeler la «construction sociale de l’identité» de

l’individu. Nous présentons cette construction selon une approche qui permet de différencier les

temps et les cadres de la socialisation, en l’occurrence la socialisation dite « primaire »

essentiellement familiale de celle qui viennent après, que l’on qualifie de « secondaire »

1.1.1. La socialisation primaire

La socialisation primaire s’opère particulièrement durant l’enfance et l’adolescent qui sont

souvent perçues comme « les périodes les plus intenses, car c’est à ce moment que l’être humain

Page 102: Contribution de la socialisation organisationnelle au

101

a le plus de chose à apprendre (la propreté, la politesse et les goûts alimentaires) » (Bonnewitz,

2002). Cette phase d’apprentissage de l’enfant est dédiée à la famille que l’on considère comme

le premier agent socialisateur, à tel enseigne que la socialisation primaire a toujours été

confondue à la socialisation familiale. Mais d’autres agents socialisateurs peuvent également

intervenir tout le long du « déroulement » de la vie de l’enfant, tels que « le voisinage, le groupe

d’âge ou l’école » qui deviennent de ce fait concurrents de la famille dans le processus de

socialisation de l’enfant. Cependant, si le monopole de la famille est remis en cause, il faut

reconnaitre que c’est elle qui fournit le cadre affectif et émotionnel qui donne à la socialisation

primaire une « tonalité particulière et partant son efficacité (Berger et Luckmann, 1966). Les

autres agents socialisateurs représentent des cadres d’apprentissages différents qui permettent à

l’enfant de faire la connaissance de normes et de valeurs complémentaires à celles qu’il a connu

jusque là, mais qui du fait de leur hétérogénéité, peuvent s’avérer contradictoires. Il s’agit de

savoir si les valeurs acquises dans un contexte donné sont transférables dans un autre contexte.

Darmon (2006) précise que « le fait que « les différences de comportement ne résultent pas d’un

unique processus de socialisation, chaque individu est porteur d’une pluralité de dispositions qui

vont être selon les contextes, mise en veille ou en action, inhibées ou activées ». Ce qui explique

que cette phase de socialisation primaire ne soit pas aussi homogène qu’on pouvait le penser,

mais qu’il existe bien une pluralité d’influences débouchant sur une « socialisation plurielle ».

1.1.2. La socialisation secondaire.

La socialisation secondaire « consiste en tout processus postérieur qui permet d’incorporer un

individu déjà socialisé dans de nouveau secteurs du monde objectif ». En reprenant la définition

de Berger et Luckmann (1966), Darmon (2006), met en évidence deux repères important utilisés

dans la littérature qui permettent une meilleure compréhension de la socialisation secondaire :

l’articulation des deux types de socialisation dune part, et l’assimilation de la socialisation

secondaire à la socialisation professionnelle d’autre part.

En effet, la limite entre socialisation primaire et secondaire peut être difficile à définir, tant les

deux dispositifs utilisent à un moment donné les mêmes instances de socialisation. C’est le cas

de l’école, les institutions culturelles et sportives qui commencent depuis l’enfance et se

poursuivent à l’âge adulte. De plus, il est souvent fait mention d’une opposition entre les deux

types de socialisation et la question serait de savoir s’il y a rupture ou continuité du processus.

Les écrits en sociologie sont unanimes sur la distinction et la nécessaire complémentarité des

socialisations primaire et secondaire. La première s’impose à l’enfant et renferme les bases de sa

Page 103: Contribution de la socialisation organisationnelle au

102

construction entant qu’être social, alors que la seconde s’appuie sur ces bases pour

« reconstruire » l’individu. La socialisation secondaire débute donc à la fin de l’adolescence et se

poursuit à l’âge adulte. Elle complète l’apprentissage fait dans les premières années de la vie. En

d’autres termes, elle prolonge la socialisation primaire, mais ne la reproduit pas toujours.

Par ailleurs, l’assimilation de la socialisation secondaire à la socialisation professionnelle peut

laisser croire que l’apprentissage des normes et des valeurs du monde du travail constitue la

seule forme de socialisation capable de reconstruire l’individu après sa socialisation primaire. Il

n’en ai rien, car comme le précise Darmon (2010), le mariage, les groupes ou les groupements

sont aussi des formes de socialisation secondaire. Mais, nous nous intéresseront à la socialisation

professionnelle à cause du « pont » qu’elle établie avec la socialisation organisationnelle. La

socialisation professionnelle étant un aspect, si non le plus important de la socialisation

secondaire, son rôle consiste à introduire l’individu dans la sphère du travail, par le biais de la

formation (Professionnelle et scolaire) et de construire son identité professionnelle.

1.2. Les apports de la psychologie

L’approche psychologique de la socialisation implique que le sujet ne fait pas que se

conformer aux attentes sociales, mais qu’il prend une part active à ce processus (Laterasse et

Beaumatin, 1998). Cette approche est dominée par la confrontation de deux positions, celles de

Freud (1917-1930) qui est dominée par une analyse psychanalytique de l’évolution de l’enfant à

travers les stades de développement psychosexuels, et celle de Piaget (1974), qui analyse le

développement de l’enfant par un processus mental et cognitif. Ils aboutissent à une définition

des différents stades de développement franchis par l’enfant au cours de la vie jusqu'à la

formation de la personnalité.

1.2.1. Les stades psychanalytiques de Freud

Freud considère que les individus sont, dans leur nature, animés par des pulsions instinctives

qui déterminent leurs agissements. Selon l’auteur la socialisation est un processus qui doit

permettre aux individus de contenir leurs pulsions afin de se conformer aux valeurs de la société

dans la quelle ils vivent. Pour cela, il développe un système de stades affectifs qui explique la

construction de la personnalité depuis l’enfance jusqu'à l’âge adulte. La notion de stade peut être

appréhendée comme un moment (obligé ou antérieur) qui rend compte de l’évolution libidinale

(ou sexuelle) de l’enfant. Dans la conception Freudienne, la sexualité n’est pas liée à la

transformation des organes génitaux de l’enfant, mais elle existe dès la naissance. Le sexuel se

réfère donc à un ensemble d’activités qui procure de la jouissance, et la vie sexuelle fait partie de

Page 104: Contribution de la socialisation organisationnelle au

103

tous les processus importants de l’organisme, comme elle fait partie de tous les aspects de la vie

d’un sujet (vie corporelle, affective et relationnelle) et de ses réalisations (Despart-Pequignot,

2003, p.520). C’est dans son ouvrage de portée anthropologique, le malaise dans la civilisation

(1929), que Freud explique véritablement l’évolution de l’homme et son adaptation à la société.

Hermann (2009, p.52-53) distingue trois idées-forces qui structurent la pensée de Freud. La

première concerne le besoin de protection dont l’homme a besoin face à la mort, et aux menaces

de la nature et de ses semblables. La deuxième définie les règles destinées à protéger l’homme

contre la nature et les autres hommes, et dont le substrat forme la culture. La troisième idée-force

stipule que la culture ne peut accomplir son rôle de protection, que si l’homme renonce à la

jouissance, c'est-à-dire à son agressivité. Selon cet auteur, le travail de la culture consiste donc à

refouler l’agressivité de l’homme, en érigeant des barrières morales (règles) que l’homme va

intérioriser.

Tableau 7. Les stades psychosexuels du développement (Freud)

Stades Ages (ans) Zones érogènes Taches majeures du développement

Fixation à ce stade

Stade oral 0 à 1 Bouche, lèvres et langue.

Sevrage Comportment oral, fumer, trop manger

Stade anal 1 à 3 Anus Apprentissage de la propreté

Ordre, parcimonie, obstination ou l’inverse

Stade Phallique

3 à 5 Parties génitales Complexe d’Oedipe Vanité, insouciance et l’inverse

Période de latence

5 à 12 Aucune zone particulière

Développement des mécanismes de défense

Aucune fixation ne survient à ce stade habituellement

Stade génital 3 à 18 Parties génitales Maturité de l’intimité sexuelle

Si les stades précédents ont été intégrés, les adultes sont équilibrés

1.2.2. Les stades du développement cognitif de l’enfant

Piaget a étudié les mécanistes par lesquels l’enfant parvient à la connaissance, et cherche à

comprendre le fonctionnement et les étapes. Son approche est constructiviste et consiste à

montrer comment (que) l’intelligence est le produit d’une construction qui s’opère à travers les

interactions que le sujet entretient avec son environnement physique et social. Au début l’enfant

ne possède pas de structure de connaissances qui lui permettent de s’adapter au réel. Cependant,

en venant au monde il est doté de réflexes ou « schèmes reflexes » (succion, préhension…) qui

lui permettent de construire ses connaissances. Cette construction passe par « l’action (geste,

sentiment, pensée…), l’opération puis la représentation grâce à la contribution de différents

Page 105: Contribution de la socialisation organisationnelle au

104

mécanismes : (1) l’assimilation par laquelle l’enfant tente d’agir sur le monde à travers ses

schèmes sensori-moteurs, (2) l’accommodation dans laquelle l’enfant modifie ses schèmes

sensori-moteurs en fonction de la réalité extérieure, et (3) l’équilibrage qui est le jeu dialectique

entre assimilation et équilibration pour assurer le développement psychologique de l’enfant ».

De façon générale, l’intelligence se développe parce que le sujet est confronté à des situations

nouvelles qui provoquent un déséquilibre des structures établies et l’obligent à chercher un

nouvel équilibre.

Tableau 8. Développement mental et socialisation selon Piaget (1964)

Les stades de développement (version 1964)

Dimension individuelle : structures mentales

Dimension sociale : formes de socialisation

1. stades de réflexes Tendances instinctives Egocentriques initial 2. stades de premières habitudes motrices

Perceptions organisées Premiers sentiments différenciés

3. stades de l’intelligence sensori-motrice

Régulation élémentaires d’ordre pratique

Imitation comme première « socialisation »

4. stade de l’intelligence intuitive

Images et intuitions représentatives « genèse de la pensée »

Soumission contrainte aux adultes

5. stade de l’intelligence concrète

Passage aux opérations Explication par l’atomisme

Sentiments et pratiques de coopération

6. stade de l’intelligence abstraite - formelle

Construction de théories Pensée hypothético-déductive Catégorie du « possible »

Insertion sociale et professionnelle

Source : la socialisation (Dubar, 2015)

Au regard des contradictions qui ont alimentées ces deux approches, De Saussure (1933)

observe une complémentarité des deux approches de la socialisation en psychologie. Il résume

cette opposition en ces termes : « ce qui différencie ces deux ordres de recherche c’est que

Freud, a en vue surtout les mécanismes de la pensée inconsciente, alors que Piaget vise à

décrire des mécanismes de la pensée qui tend à prendre conscience d’elle-même ». Selon

l’auteur, « Freud étudie avant tout les opérations mentales qui tendent à préserver la pensée de

la socialisation, Piaget au contraire cherche à établir les étapes de la socialisation de la pensée.

Freud insiste sur le contenu de la pensée affective et subjective de l’enfant, Piaget s’intéresse

surtout au contenu objectif de la pensée ».

Page 106: Contribution de la socialisation organisationnelle au

105

1.3. L’approche interactionniste de la socialisation

L’interactionnisme est un concept qui est apparu dans les années 60 pour désigner la

sociologie Américaine, et plus précisément l’école de Chicago. C’est un courant de pensée qui

explique les phénomènes sociaux comme des processus, c'est-à-dire des phénomènes qui

évoluent sans cesse. Il considère que les acteurs sociaux interagissent avec d’autres éléments, et

que ces interactions les conduisent à interpréter, à donner un sens nouveau aux objets et au

monde qui les entoure. L’application de cette approche dans le cadre de la socialisation a donné

naissance à un certain nombre d’oppositions que nous nous proposons d’examiner dans ce

paragraphe. La première opposition est celle de Piaget et Durkheim sur la conception même de la

socialisation. Selon Dubar (2013), la conception holiste adoptée par Durkheim (1922) consiste à

considérer la socialisation comme une « contrainte verticale exercée par les institutions et leurs

agents sur les individus considérés comme des tables rases et des êtres éminemment passifs et

suggestionnables ». En d’autres termes, les individus sont modelés par la société qui leur impose

ses normes et détermine ce qu’ils doivent être. C’est une approche à la fois fonctionnaliste et

mécaniste, mais aussi déterministe car elle privilégie seulement l’action de la société qui

envisage d’avance la destinée des individus. Dans le même sens, Bourdieu (2000) cherche

également à montrer, à travers la notion d’habitus, que le système scolaire contribuerait à la

reproduction sociale, en transmettant d’une génération à l’autre la structure sociale à l’identique

(les mêmes inégalités, les manières de faire, etc.). Piaget (1932) s’oppose à cette conception et

considère que Durkheim « survalorise la contrainte et sous-estime la coopération » entre

individu. Il privilégie donc une approche interactive des « conduites sociales à la fois cognitives

et relationnelle ». Par conséquent, il développe sa conception de la socialisation sur « le passage

de la contrainte à la coopération, autrement dit de la soumission à l’ordre social (parental et

scolaire) à l’autonomie personnelle dans la coopération volontaire (avec les adultes et les autres

enfants) ».

Mais cette conception de la socialisation prônée par Piaget est remise en cause par les

anthropologues culturalistes. Ils dénoncent le caractère trop « restreint » de cette approche

limitée à l’enfant et à l’adolescent, qui ne prend pas en compte « l’organisation des activités

sociales, du travail et au contenu de toutes les institutions collectives » qui forment la culture.

L’approche culturaliste est fondée sur le postulat qu’il n’existe pas une socialisation universelle

qui pourrait s’appliquer à tous les types de sociétés, les milieux sociaux, les groupes et les

classes sociales. Partant de ce fait, les études sur la socialisation doivent tenir compte des

particularités propres aux contextes. Trois idées fondamentales expliquent cette approche : (1) la

suprématie de la culture : signifie que la culture est le point de départ pour comprendre l’ordre

Page 107: Contribution de la socialisation organisationnelle au

106

social, ce qui suppose que les normes, les valeurs et les modes de comportement sont des

variables indépendantes ; (2) la formation se fait à travers le conditionnement. La culture est

homogène et a des effets positifs. Elle s’impose à l’individu et forge sa personnalité sociale mais

sans qu’il y ait des contradictions. Le consensus est toujours présent. Le seul élément dynamique

est le rééquilibrage, conséquence d’un changement de culture (nouvelles normes, valeurs qui ne

sont plus pertinentes,…) ; (3) Le caractère primordial des premières relations. Dès sa naissance,

l’enfant commence à incorporer les traits généraux de la culture de sa société. La famille est très

importante, car elle représente le lieu d’apprentissage qui permet à l’enfant d’acquérir le système

d’attitude et de comportements nécessaires à son intégration sociale.

2. La socialisation dans l’organisation

Selon Lacaze (2005), l’organisation est le reflet en miniature de la société, et les salariés qui

la composent des individus qui, peuvent être confrontés à des difficultés d’intégration. Il apparait

donc opportun, à l’image de l’intégration des individus dans la société, de socialiser les

nouvelles recrues afin de les familiariser aux normes et valeurs de l’organisation. En sciences de

gestion, les premiers travaux sur la socialisation organisationnelle ont été réalisés dans la gestion

des ressources humaines. Ces travaux sont marqués par la prépondérance de l’entreprise sur

l’individu, avec un ancrage fonctionnaliste qui ne prend pas en compte le rôle de l’individu dans

sa propre socialisation.

Figure 8. Modèle général de la socialisation organisationnelle du salarié (Lacaze, 2005)

Caractéristiques de l’organisation et du poste

Caractéristiques individuelles

L’ORGANISATION

Procédures de

recrutement

Entretien réaliste ?

LA NOUVELLE RECRUE

Attentes réalistes ?

L’ORGANISATION

LA NOUVELLE RECRUE

RESULTATS DE LA SOCIALISATION

RESULTATS DIRECTS

Les domaines de socialisatin

RESULTATS INDIRECTS

Ajustements au poste,

Performance, Engagement,

Implication, Satisfaction,

Motivation, Intention de

partir, Conflits et ambiguïté

de rôle, Anxiété, Stress.

Procédures et pratiques

organisationnelle de socialisation

Sources

d’information

Types

d’information

Processus cognitifs

d’attribution de sens

Processus identitaire

Comportements

proactifs d’intégration

Socialisation anticipée Entrée dans l’organisation Management de son rôle

Après une analyse succincte des principales définitions du concept (2.1), nous présentons

l’approche séquentielle de la socialisation organisationnelle et les développements conceptuels

Page 108: Contribution de la socialisation organisationnelle au

107

des principaux auteurs (2.2). Puis, l’approche gestionnaire de la socialisation organisationnelle

(2.3).

2.1. Définitions et enjeux de la socialisation organisationnelle

La littérature sur la socialisation organisationnelle propose plusieurs définitions qui marquent

l’évolution de la recherche dans ce domaine et souligne le caractère protéiforme de ce concept.

Nous tenterons dans ce paragraphe de montrer cette évolution et les contradictions qui

l’empêchent de s’ériger en théorie à part entière.

Schein (1968) définit la socialisation comme « un processus d’apprentissage des « ficelles »

d’un emploi, d’endoctrinement et de formation, le processus par lequel un individu reçoit

l’enseignement de ce qui est important dans une organisation et dans les sous-unités ». Cette

conception de la socialisation repose sur un « postulat de forte influence organisationnelle » qui

marque la prégnance de l’organisation sur l’individu. On retrouve dans ce passage l’approche

mécaniste de la socialisation défendue par Durkheim, et dont l’organisation, en tant

qu’institution sociale, serait le principal artisan. La socialisation a un pouvoir, celui de

contraindre l’individu d’adhérer aux valeurs et aux normes de l’organisation et de s’identifier à

elle. Les individus sont endoctrinés, c'est-à-dire dépouiller de leurs valeurs d’origine pour être

façonnés et modelés, au moyen de la formation, dans les pratique de l’entreprise dans laquelle ils

vont travailler. Cependant, comme l’affirme Lacaze et Fabre (2005), la socialisation dans le sens

d’un « endoctrinement n’est pas forcément bénéfique ». Si on lui reconnait le mérite de changer

les comportements des individus dans le sens des préoccupations de l’organisation, par contre

elle échoue dans « deux cas extrêmes ». Selon ces auteurs, la non-conformité et l’extra-

conformité aux valeurs et normes de l’entreprise constituent des échecs au processus de

socialisation.

Pour Feldman (1976), « la socialisation organisationnelle est le processus par lequel les

employés passent d’un statut d’outsider au statut de membre participant et efficace ». Dans cette

approche est évoquée l’évolution temporelle et séquentielle du processus de socialisation. L’idée

principale est la transformation dont sont l’objet les individus lorsqu’ils intègrent l’organisation.

Cette transformation n’est pas spontanées, ni immédiate. Le processus prend un certain temps et

se fait par étapes successives. Ce qui suppose donc une préparation et une organisation, même si

la socialisation n’est pas forcément consciente. La notion de temps est essentielle pour

caractériser le processus de socialisation. Les séquences pouvant être appréciée l’instant d’une

intégration ou sur toute la durée de la carrière d’un individu au sein d’une entreprise (Perrot,

Page 109: Contribution de la socialisation organisationnelle au

108

2001 ; Buchanan, 1974). Pour certain, une socialisation complète peut prendre entre six mois et

deux ans. Les étapes sont définies en fonction des différentes activités qui sont pratiquées par les

individus engagés dans le processus. Ainsi, la socialisation est souvent caractérisée par trois

étapes principales. La première étape concerne toutes les activités préalables réalisées par

l’individu et l’organisation avant ou au moment de l’intégration. La deuxième étape se réfère à la

confrontation initiale qui met la nouvelle recrue face à la réalité organisationnelle. La troisième

étape est celle de l’adaptation du nouveau à l’organisation.

Van Maanen et Schein (1979) défissent « la socialisation organisationnelle comme le

processus par lequel on enseigne à un individu et par lequel cet individu apprend les ‘‘ficelles’’

d’un rôle organisationnel. Dans un sens général, la socialisation est le processus par lequel un

individu acquiert les connaissances sociales et les compétences nécessaires pour assurer un rôle

organisationnel ». Deux idées principales caractérisent cette définition. La première est la place

reconnue à l’individu dans le processus de socialisation. Contrairement aux définitions

précédentes qui prônaient la toute puissance de l’organisation, les auteurs évoquent la

participation des individus au processus, même s’ils ne développent pas de façon explicite ce

point de vue. La deuxième idée concerne l’introduction de la notion de rôle comme finalité du

processus de socialisation. Les individus « adoptent » les valeurs et les comportements

appropriés pour leur permettre de tenir efficacement les différents rôles confiés par

l’organisation (cardinal, 2007). La notion de rôle donne un contenu supplémentaire à la

socialisation organisationnelle et lui confère un caractère gestionnaire, puisqu’il s’agit de donner

aux individus des compétences, des savoirs et des savoir-faire qui vont permettre à l’entreprise

d’atteindre ses objectifs. De plus, la socialisation est présentée comme un phénomène qui se

manifeste lors des transitions organisationnelles, nécessitant à chaque fois l’apprentissage de

nouveaux rôles. Cette omniprésence de la socialisation le long de l’évolution de la carrière d’un

individu dans une même entreprise ou pas, fait d’elle un outil indispensable dans la gestion des

carrières.

Pour Louis (1980), « la socialisation est le processus par lequel un individu vient à apprécier

les valeurs, les capacités, les comportements attendus et les connaissances sociales essentielles

pour assurer un rôle et participer en tant que membre d’une organisation ». Cette approche de la

socialisation place l’individu au centre du processus de socialisation, et définit les capacités

d’adaptation mentales et psychologique de l’homme face aux situations complexes et difficiles.

L’individu n’est plus simplement passif, il réagit désormais aux difficultés qui se posent à lui au

moment d’intégrer l’organisation. L’expérience vécue à ce moment précis par la nouvelle recrue

peut s’avérer déstabilisante, dans la mesure où les dispositions qu’il trouve dans le nouveau

Page 110: Contribution de la socialisation organisationnelle au

109

cadre de travail, ne correspondent pas à ses attentes. Dès lors, il se produit une réaction qui va le

pousser à s’adapter à ce nouvel environnement de travail. Cette adaptation est réalisée à partir

d’un ensemble de processus mentaux liés à la connaissance (perception, mémorisation, etc.) qui

lui permet de donner un sens à son nouvel environnement de travail. Cette conception de la

socialisation permet d’expliquer le rôle de l’individu dans le processus de socialisation, d’autant

plus que l’on considère que l’individu peut être très actif dans sa propre socialisation, notamment

en adoptant des comportements plus offensifs dans la recherche de la connaissance, qualifiés de

comportements proactifs.

Enfin pour Perrot (2008), « la socialisation organisationnelle est considérée comme un double

processus d’apprentissage et d’intériorisation du rôle organisationnel, reposant sur les trois

composantes clés qui sont le travail (en tant qu’ensemble de tâches), le groupe de travail (en tant

qu’ensemble interactionnel) et le contexte organisationnel (en tant que système de rôle) »

(Perrot, 2009). Selon l’auteur, cette définition met en évidence deux processus sous-jacents ;

d’une part, l’apprentissage qui constitue l’approche dominante de la socialisation et que l’on

retrouve clairement exprimé dans la majorité des définitions classiques (Schein, 1968 ; Van

Maanen et Schein, 1979 ; Louis, 1980) ; d’autre part, la notion d’intériorisation moins présente

dans les écrits, mais présentée par certains auteurs comme l’acceptation de ce qui est appris

(Fournier et Payne, 1994 ; Jones, 19983 ; Wanous, 1980). Elle valide la socialisation d’un

individu. L’intériorisation est par conséquent définie comme le degré d’acceptation, d’adhésion

et d’intégration des objectifs et des valeurs organisationnelles (Perrot, 2008, 2009). Par ailleurs,

Perrot (2008) souligne qu’une définition de la socialisation organisationnelle uniquement en

termes d’apprentissage est conceptuellement incomplète, car des individus peuvent apprendre

pour enrichir leurs connaissances des tâches et des valeurs d’une organisation et décider de ne

pas les intégrer dans leur système de valeurs.

A l’issue de cette analyse portant sur les définitions, il semble qu’un consensus se forme sur

la notion de socialisation organisationnelle. Au début, considéré comme un processus

d’apprentissage, la socialisation est devenue un processus double d’apprentissage et

d’acquisition, qui tient compte, non seulement des efforts réalisées par les organisations, mais

aussi de la participation des individus à leur propre socialisation. Certains auteurs y ajoutent

l’intériorisation pour montrer l’attachement affectif avec la nouvelle organisation. Cette unité se

construit, semble t-il à la faveur du déplacement des centres d’intérêt des chercheurs, de l’étude

du processus vers l’étude du contenu de la socialisation qui permet de connaitre le niveau de

socialisation ou d’intégration dans l’organisation (Bourhis, 2004).

Page 111: Contribution de la socialisation organisationnelle au

110

2.2. L’approche séquentielle de la socialisation organisationnelle

Elle est marquée par une évolution temporelle du processus de socialisation. Cette évolution

se retrouve dans de nombreux travaux, dont les plus aboutis sont certainement ceux de Feldman

(1976). L’auteur conceptualise « la socialisation organisationnelle comme un processus par

lequel les employés passent du statut de outsider au statut de membre participant et efficace ».

Ce passage est formalisé par les étapes ou « stades de socialisation » qui se caractérisent par leur

intensité et par un contenu différent. Cette approche a pour objectif de proposer un modèle

général de socialisation organisationnelle qui regroupe les facteurs et les résultats de la

socialisation organisationnelle.

Nous présentons dans un premier temps les différentes étapes qui composent les modèles

séquentiels recensés dans la littérature (2.2.1). Puis, nous proposons d’étudier les fondements

théoriques du modèle conceptuel de Feldman26 (2.2.2).

2.2.1. Les étapes du processus de socialisation

§ La socialisation anticipée

Le concept de socialisation anticipée ou socialisation anticipatrice est définie comme une

forme de socialisation où l’individu intériorise les normes et les valeurs d’un groupe de référence

auquel il souhaite appartenir (Merton, 1957). Il est utilisé pour désigner l’étape préalable à

l’entrée effective dans une organisation (Porter, Lawler et Hackman, 1975 ; Van Maanen, 1976 ;

Feldman, 1976 ; Jones, 1986). Au cours de cette étape les nouvelles recrues formulent des

attentes sur le travail et l’entreprise, à partir des informations qui leur sont fournies à travers les

offres d’emplois et les entretiens d’embauches. Les informations recueillies permettent aux

vendeurs une meilleure prise de décision sur l’emploi proposé. Les recherches sur la

socialisation anticipée précisent que le réalisme des informations communiquées par l’entreprise,

et l’adéquation des individus sollicitant un emploi avec l’environnement organisationnel sont un

facteur de réussite de l’intégration (Dubinsky et al, 1986 ; Wanous, 1980 ; Feldman, 1976 ; Van

Maanen, 1975). Le réalisme se réfère aussi bien aux attentes des candidats potentiels, qu’à la

transparence dont l’entreprise doit faire preuve, concernant l’information transmise sur le poste à

pouvoir, et de façon générale le travail qui est proposé. L’idée d’un recrutement réaliste est

promue par Wanous (1975, 1992), qui considère qu’un recrutement basé sur des informations

réalistes aussi bien dans les aspects positifs que négatifs du travail et de l’organisation permet de

retenir les meilleurs profils, tout en excluant de la sélection les personnes qui ne présentent pas 26 Feldman (1976)

Page 112: Contribution de la socialisation organisationnelle au

111

un intérêt, ou une qualification pour le travail proposé. Cette approche est confirmée par de

nombreuses études empiriques qui établissent des relations positives et significatives entre les

informations réalistes reçues par les nouvelles recrues et divers indicateurs d’ajustement au

travail, tels que la maitrise des taches, la clarté de rôle, l’intégration dans le groupe, et la

connaissance des valeurs et normes de l’organisation (Dubinsky et al., 1986 ; Bauer et Green,

1994 ; Kammeyer-Muller et Wanberg, 2003 ; Klein, Fan et Preacher, 2006).

L’adéquation personne-environnement désigne la compatibilité entre un individu et son

contexte de travail, qui se produit lorsque leurs caractéristiques sont parfaitement congruente

(Kristof-Brown et al, 2005). Parmi les cinq formes de congruence identifiés dans la littérature,

deux types d’adéquation sont généralement pris en compte lors du recrutement : (1) l’adéquation

personne-poste permet de s’assurer la compatibilité entre les compétences et aptitudes

individuelles et les exigences du poste à pourvoir. Elle a fait l’objet de nombreuses études

empiriques. Ainsi, certaines recherches ont testé positivement les relations entre la congruence

personne-poste et certaines variables d’ajustement telles que la clarté de rôle et l’initiation à la

tache (Dubinsky et al, 1986), et la satisfaction au travail, l’engagement organisationnel et la

performance globale ; et des relations négatives avec l’intention de quitter et le roulement

(Kristof-Brown et al, 2005). (2) l’adéquation personne-organisation porte principalement sur la

compatibilité entre la personnalité, les valeurs d’un individu et la culture de l’entreprise. Elle

peut-être appréhendée aussi bien du point de vue de l’individu que celui de l’organisation. Les

individus, dans leur recherche d’emploi, sont emmenés à choisir les entreprises dans lesquelles

ils désirent travailler en confrontant leurs perceptions des valeurs de l’entreprise avec leurs

propres valeurs. De même que les entreprises sont soucieuses de sélectionner des individus dont

les valeurs et la personnalité correspondent aux valeurs de l’entreprise. Selon Dubinsky et al.

(1986), la bonne utilisation de ce concept nécessite une bonne compréhension du travail et de

l’environnement organisationnel. Cette approche de la congruence a un double objectif, celui

d’attirer et de retenir au sein de l’entreprise les meilleurs profils sur le marché (Bourhis et

Chenevert, 2010). Selon ces auteurs, « la congruence entre les personnes et leur environnement

suggère qu’une meilleure adéquation est synonyme d’attitudes et de comportements positifs de la

part des salariés ». Les études empiriques réalisées dans ce contexte montrent que la perception

de congruence personne-organisation favorise l’attraction organisationnelle, l’acceptation d’une

offre d’emploi, la satisfaction au travail, l’engagement organisationnel et diminue l’intention de

quitter et le roulement de personnel (Hoffman et Woehr, 2006 ; Kristof-Brown et al. 2005 ;

Verquier et al. 2002).

Page 113: Contribution de la socialisation organisationnelle au

112

§ L’étape d’intégration

Encore qualifié de phase d’introduction (Feldman, 1981) ou de rencontre (Van Maanen,

1975), l’intégration relève de la capacité des nouvelles recrues à adopter des comportements

proactifs, consistant à rechercher l’information permettant de connaitre la réalité du

fonctionnement de l’organisation et d’en « devenir membre participant et efficace ». La

proactivité mobilise deux types de processus, les processus cognitifs et les processus relationnels

(Almudever et al, 1999). Selon ces auteurs, les premiers processus relèvent du travail

d’attribution de sens que les individus réalisent lorsqu’ils sont confrontés à l’incertitude et à des

surprises au moment de leur intégration. Le second processus fait référence aux relations

interpersonnelles construites dans l’organisation avec les membres déjà en place, et qui aident les

nouvelles recrues à acquérir une identité dans l’organisation. Dans tous les cas, l’emploi qui leur

est proposé est nouveau et peut engendrer des « surprises » qui nécessitent une remise en

question de la conception même du travail. La surprise peut venir du travail, les nouvelles

recrues doivent faire face aux exigences de leur nouvel emploi. La surprise peut aussi provenir

des attentes imprévisibles que les nouvelles recrues formulent par rapport à leurs besoins, leurs

valeurs et compétences. Il est donc important que ces derniers s’approprient les mécanismes de

ce nouveau fonctionnement, et élaborent de nouvelles stratégies pour s’adapter à leur nouvel

environnement de travail.

§ L’étape d’adaptation

Traditionnellement dénommée « le management de son rôle », la troisième étape du processus

de socialisation consacre l’adaptation de la nouvelle recrue, et surtout sa capacité à résoudre les

conflits et les ambiguïtés de rôle qui se posent, aussi bien dans la sphère professionnelle que dans

les arbitrages qu’il est emmené à faire entre sa vie professionnelle et sa vie privée. Or, s’il est

vrai que les conflits portant sur l’articulation sphère professionnelle et vie privé s’estompent avec

la liberté dont dispose le vendeur indépendant dans l’organisation son travail, il est moins vrai

que les autres conflits, notamment professionnels disparaissent automatiquement. Il convient

donc de considérer cette étape, non seulement comme une phase de résolution des tensions de

rôle, mais aussi comme « une phase de consolidation de ses aptitudes et compétences

professionnelles et de renforcement de sa confiance en ses capacités », qui pourrait servir de

« tremplin pour permettre d’envisager d’autres transitions professionnelles » (Delobbe, 2011,

Page 114: Contribution de la socialisation organisationnelle au

113

p.294)27. C’est donc logiquement que nous considérons cette étape, comme celle du

« management de son rôle », et de son « employabilité ».

2.2.2. Analyse du modèle séquentiel de Feldman (1976)

Feldman développe un modèle séquentiel de la socialisation en trois étapes distinctes. Il

spécifie dans ce modèle les activités engagées par un individu à chaque étape et précise les

contingences individuelles et organisationnelles qui permettent de suivre son évolution à travers

les différentes étapes. La première étape dénommée « socialisation anticipée » concerne

l’ensemble des informations et des savoirs qu’un individu peut se procurer avant d’intégrer une

organisation. Deux variables permettent d’évaluer les progrès des individus au cours de cette

étape, le réalisme concerne l’image précise et globale que le candidat potentiel a de sa future

organisation et la congruence exprime l’adéquation entre les ressources de l’organisation d’une

part, et les besoins et les qualifications de l’individu d’autre part. La deuxième étape concerne

l’adaptation de l’individu aux réalités de l’organisation. C’est la phase d’intégration effective de

la nouvelle recrue qui va se réaliser à travers quatre activités principales dont, (1) l’initiation aux

taches que l’individu doit réaliser par l’acquisition de compétences, (2) l’initiation à la vie du

groupe qui est matérialisée par l’acceptation, la confiance des collègues de travail et par des

relations interpersonnelles de qualité, (3) la définition de rôle à travers un accord tacite ou

explicité avec le groupe et (4) l’évaluation avec le supérieur de l’adaptation au poste permettant

de mettre en évidence les forces et les faiblesses de la nouvelles recrues en vue d’actions

correctives. La troisième étape qualifiée par l’auteur de « management de son rôle », concerne la

capacité de la nouvelle recrue à résoudre les problèmes qui se posent dans son propre groupe de

travail. Deux conflits de rôle sont identifiés, le premier conflit concerne les arbitrages que le

nouveau doit réaliser entre sa vie professionnelle et sa vie privé. Le second conflit concerne les

conflits de son équipe de travail avec d’autres équipes de l’organisation.

Feldman identifie également dans son modèle quatre variables présentées comme les résultats

possibles du processus de socialisation. La satisfaction générale est une variable qui permet de

mesurer le niveau de satisfaction et de bonheur de l’employé dans son travail. L’influence

mutuelle est définie comme la dimension atteinte par les individus dans leur capacité à orienter et

contrôler l’exécution de leur travail au sein de leur département. La motivation interne au travail

désigne le niveau d’auto-motivation atteint par un employé pour accomplir efficacement son

travail. L’engagement au travail traduit le niveau d’engagement et d’implication personnelle

développé par un individu dans son travail. Feldman dégage aussi de son modèle les principales

27 Psychologie et recrutement, sous la direction de Sonia Laberon.

Page 115: Contribution de la socialisation organisationnelle au

114

hypothèses qui définissent l’ordre et les relations qu’entretiennent les différentes variables du

processus de socialisation. Première hypothèse, les variables de « la socialisation anticipée »

précédent les variables de l’étape d’adaptation dans le temps. Deuxième hypothèse, l’adaptation

précède les variables de l’étape du « management de son rôle » dans le temps. Troisième

hypothèse, dans le processus d’évolution vers les résultats, les variables définies à chaque étape

sont supposés précéder directement les variables des étapes postérieures immédiates, et

influencer directement les variables des étapes suivantes. Il se trouve que dans cette disposition,

seules les variables du « management de son rôle » sont supposées influencer la réalisation des

résultats. Ainsi, l’auteur conclut en expliquant que la socialisation est complète lorsqu’un

individu franchi les trois étapes principales de la socialisation.

2.3. L’approche gestionnaire de la socialisation organisationnelle

2.3.1. Les premières recherches sur la socialisation organisationnelle

L’organisation est présenté par Schein (1968) comme une entité qui s’emploie, au moyen de

la formation et de divers autres techniques, à faire adhérer ses membres à un ensemble de

valeurs, de normes et de comportements qui traduisent son « identité » et son « intégrité ». Etant

donné que l’organisation ne peut s’exprimer qu’à travers ceux qui sont sensés la représenter

auprès de ses différents partenaires extérieurs, l’idée d’un modelage ou d’une transformation des

individus par l’organisation est également suggérée par Van Maanen (1978). Cette idée prend

définitivement forme dans un article fondateur dans lequel Van Maanen et Schein (1979)

élaborent les principales tactiques qu’une organisation met en place pour gérer la socialisation de

ses membres. La définition de ces tactiques repose sur trois principales idées. Premièrement, la

survie et la continuité d’une organisation est considérée comme une préoccupation majeure.

Selon ces auteurs, la pérennité de l’organisation dépend de la façon dont sa culture est transmise

d’une génération à une autre. La culture étant considérée comme le socle de l’existence même de

l’organisation, il est normal qu’une transmission des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être

entre ceux qui la quitte et ceux qui arrivent, est la meilleure façon de garantir la continuité de

l’organisation sur un plan économique et social. Le rôle de la socialisation est d’assurer cette

continuité. Deuxièmement, l’organisation est un « ensemble de rôle » segmenté en trois

dimensions considérées comme des « frontières organisationnelles ». La première dimension est

fonctionnelle et se réfère aux diverses taches accomplies dans les différentes fonctions de

l’organisation par ses membres. La dimension hiérarchique concerne la répartition des positions

hiérarchiques à l’intérieur de l’organisation et la dimension inclusive se réfère aux relations

interpersonnelles. Dans ce contexte, la socialisation s’intéresse à la façon dont les individus

Page 116: Contribution de la socialisation organisationnelle au

115

assurent leur rôle lorsqu’ils arrivent nouvellement dans une organisation, ou lorsqu’ils

franchissent les frontières internes de l’organisation. Troisièmement, la socialisation se

préoccupe de la façon dont les nouvelles recrues sont susceptibles de répondre aux actions de

l’organisation. Deux types de réponses sont identifiés par la littérature. Soit la nouvelle recrue

accepte le rôle tel qu’il est pratiqué par ses prédécesseurs, soit il apporte quelques modifications

à la pratique et fait preuve d’innovation.

2.3.2. Analyse du modèle des tactiques de socialisation de Van Maanen et Schein

(1979)

Le modèle théorique de Van Maanen et Schein (1979) s’inspire des travaux de Cosgwell

(1968) et de Brim et Wheeller (1968) portant sur la socialisation primaire, et plus précisément

sur le processus d’intégration d’un enfant dans une société humaine. Pour Cosgwell (1968), il est

possible d’influencer le processus de socialisation primaire en structurant le cadre de ce

processus, ou plus précisément en agissant sur trois caractéristiques de ce cadre : sa formalité son

caractère individuel ou collectif, et son caractère en série ou disjoint. Van Maanen et Schein

(1979) proposent par conséquent un modèle d’influence composé de six tactiques bipolaires (les

trois caractéristiques de Cosgwell, auxquelles ils ajoutent trois autres caractéristiques), chacun

des pôles représentant une extrémité d’un continuum. Ces tactiques peuvent être utilisées par les

organisations pour structurer la socialisation des nouvelles recrues. Les auteurs soulignent que

ces tactiques influencent l’orientation que les nouvelles recrues vont finalement donner à leur

prise de rôle (réplique ou innovation de rôle) et leur adaptation ultérieure à l’organisation. (Cf.

Tableau 3)

Page 117: Contribution de la socialisation organisationnelle au

116

Tableau 9. Typologie des tactiques de socialisation de Van Maanen et Schein (1979)

Tactiques de type Formel/Informel Formel Les recrues sont plus ou moins isolées des autres membres de l’organisation à travers une série d’expériences façonnées pour les nouveaux entrants. Leur apprentissage est structuré clairement et officiellement.

Informel La spécificité du rôle du nouvel entrant n’est pas distinguable. Cela donne une sorte de socialisation du « laisser-faire » où le nouvel entrant est accepté au moins comme un membre provisoire du groupe et non placé dans un rôle de recrue par des signaux symboliques tels que des labels spécifiques, badges, uniforme ou autres.

Tactiques de type collectif/individuel Collectif Le nouvel entrant est seul, isolé, sa série d’expériences est plus ou moins unique.

Individuel Les recrues sont placées ensemble pour vivre une série d’expériences communes. Ces stratégies prennent place dans les organisations où un grand nombre de recrues entrent simultanément pour occuper un même rôle.

Tactiques de type séquentiel/aléatoires Séquentiel L’organisation spécifie une séquence donnée d’étapes identifiables qui mènent à une « position cible » dans l’entreprise. Autrement dit, elle communique au nouveau les séquences de rôles par lesquelles il devra passer au cours de sa carrière pour atteindre la « position cible ».

Aléatoire La séquence de rôles qui mène à une position donnée dans l’entreprise est inconnue, ambigüe ou continuellement changeante.

Tactiques de type fixe/variable Fixe L’organisation identifie et communique au nouvel entrant la durée de chaque séquence de rôle menant à une position cible.

Variable La durée de séquences entre deux transitions organisationnelles est inconnue.

Tactiques de type en série/disjoint Série Les membres expérimentés de l’organisation accompagnent les nouveaux qui assument des positions relativement similaires dans l’organisation (rôle de modèle pour les recrues).

Disjoint Le nouveau ne dispose pas de modèle de rôle pour le renseigner sur la manière d’occuper son rôle. Les prédécesseurs « sortent par la porte de derrière » et les nouveaux « entrent par la porte de devant ».

Tactiques de type investiture/non investiture Investiture L’organisation et le groupe confirment l’identité de la recrue à son entrée et ratifient la fiabilité et l’utilité de ses caractéristiques personnelles.

Non investiture L’organisation et le groupe infirment l’identité de la recrue à son entrée et dépouillent la recrue de certaines caractéristiques personnelles. Le nouveau doit modifier certains éléments de sa personnalité pour pouvoir devenir un membre de l’organisation et du groupe.

Source : Bargues-Bourlier, 2009

Van Maanen et Schein (1979) précisent que ces tactiques ne sont pas exclusives et qu’elles ne

sont pas destinées à un type d’organisation ou à des comportements particuliers. Par ailleurs,

l’inconvénient majeur de cette approche est qu’elle considère les nouvelles recrues comme des

acteurs passifs, malgré l’influence que l’individu peut exercer sur l’organisation, notamment à

travers ses comportements d’innovation de rôle. Dans le prolongement des travaux de Van

Maanen et Schein (1979), Jones (1986) suggère que les tactiques organisationnelles peuvent

Page 118: Contribution de la socialisation organisationnelle au

117

avoir une influence différente sur la socialisation des individus, en fonction des contextes dans

lesquels l’information est fournie aux nouvelles recrues, du contenu de cette information et de

divers aspects sociaux. Il élabore à cet effet une nouvelle classification qui met en évidence

deux dimensions des tactiques de socialisation.

La première dimension distingue trois catégories principales de tactiques qui ont vocation à

servir de levier d’actions pour l’organisation et ses membres sur le processus de socialisation. La

première catégorie se réfère au contexte de la socialisation, elle suggère que les tactiques

collectives et formelles sont mise en place par l’organisation pour s’assurer que les nouvelles

recrues reçoivent le même message sur les valeurs et les normes de l’organisation, ce qui leur

permet de se conformer au rôle qui leur est proposé, alors que les tactiques individuelles et

informelles laissent aux nouvelles recrues la latitude d’adopter des pratiques différentes et

innovantes. La deuxième catégorie concerne le contenu de la socialisation, elle stipule que les

tactiques séquentielles et fixes permettent aux nouveaux de disposer d’une information précise

sur les différentes activités et le calendrier de leur apprentissage. Alors que l’absence de ces

précisions dans les tactiques non séquentielles et variables accroit l’incertitude des nouveaux sur

leur avenir dans l’organisation. Enfin, la troisième catégorie se rapporte aux aspects sociaux et

interpersonnels du processus de socialisation. Elle suggère, dans la proposition initiale de Van

Maanen et Schein (1979) que les tactiques en série et de désinvestissement constituent un

meilleur soutient social pour les nouvelles recrues et favorisent la conformité au rôle. Alors que

les tactiques disjointe et d’investissement traduisent une absence de soutient, et par conséquent

une innovation dans la prise de rôle.

La seconde dimension regroupe les six tactiques de Van Maanen et Schein (1979) en deux

catégories distinctes : les tactiques institutionnalisées (collective, formelle, séquentielle, fixe, en

série, investiture) et les tactiques individualisées (individuelle, informelle, non séquentielle,

variable, disjointe, désinvestissement). Cette classification permet de considérer que les tactiques

« institutionnalisées » sont plus structurées et donc initiées par l’entreprise, alors que les

tactiques « individualisées reflètent une absence de structure et sont initiées par les employés

eux-mêmes.

L’étude empirique réalisée par Jones (1986) révèle que les tactiques institutionnalisées

seraient positivement corrélées à toutes les variables qui traduisent un bon ajustement et

négativement corrélées à celles qui traduisent un mauvais justement. Alors que les tactiques

individualisées sont négativement corrélées à toutes les variables qui traduisent un mauvais

ajustement. En d’autres termes, les tactiques institutionnalisées poussent les individus à se

Page 119: Contribution de la socialisation organisationnelle au

118

conformer à un rôle prédéfini, ce qui permet de réduire l’incertitude qui entoure leur intégration

tout en favorisant certaines attitudes (la satisfaction au travail l’engagement vis-à-vis de

l’entreprise et intention de rester), tandis que les tactiques individualisées favorisent l’innovation

dans le rôle et augmente l’incertitude.

Tableau 10. Les tactiques de socialisation organisationnelles (Jones, 1986)

Les deux dimensions de Jones (1986)

Socialisation institutionnalisée

Socialisation individualisée

Contexte de la socialisation Collective formelle

Individuelle Informelle

Contenu de la socialisation Séquentielle fixe

Non séquentielle Variable

Aspects sociaux de la socialisation

En série investissement

Disjointe désinvestissement

Les dimensions de Van Maanen et Schein (1979)

Source : Lacaze et Fabre, 2005

Ces résultats de recherches montrent également que la dimension sociale (tactiques en série et

d’investitures) influence la manière dont les individus accomplissent leur rôle et s’ajustent

ultérieurement à leur organisation. Ils révèlent aussi que le contenu des informations transmises

aux nouveaux leur permet de réduire l’incertitude entourant leur intégration. Enfin, les résultats

montrent globalement que les tactiques collectives et formelles sont celles qui influencent le

moins. Ces résultats sont confirmés par les travaux réalisés par Allen et Meyer (1990), puis par

Ashforth et Saks (1996). Cependant, il convient de préciser que contrairement aux propositions

faites par Van Maanen et Schein, les tactiques « fixe » et « investissement », plutôt que les

tactiques « variables » et « désinvestissement », sont associés à la conformité de rôle. De plus,

Grant et Bush (1996) affirment dans leurs travaux sur les forces de vente que les tactiques de

type « séquentielles » et « en série » sont celles qui contribuent le plus la formation d’une

adéquation aux valeurs organisationnelles. Les auteurs suggèrent que les responsables de vente

veillent à ce que les nouveaux vendeurs soient informés à leur arrivée, des séquences des

activités auxquelles ils vont participer et les encouragent à entretenir des relations de qualité avec

toutes les personnes qui participent à leur initiation.

Page 120: Contribution de la socialisation organisationnelle au

119

2.4. L’approche cognitive de la socialisation organisationnelle

Elle est marquée par les travaux de Louis (1980). En effet, l’auteur propose, dans son modèle

dédié à l’expérience de la nouvelle recrue, le processus cognitif suivi par les individus au

moment de leur intégration dans l’entreprise. Elle suggère que les nouvelles recrues présentent

des attentes souvent irréalistes et imprévisibles, et que la confrontation de ces attentes avec la

réalité objective du fonctionnement de l’entreprise va contribuer à ajuster leurs comportements.

En d’autres termes, la socialisation est considérée comme un processus de construction de sens

qui vient réduire le stress que ressentent les individus lorsqu’ils intègrent une nouvelle

organisation. Selon Perrot et al., (2005), ce modèle présente une proximité théorique avec

l’approche fondatrice de Kelly (1955, 1970, 1977) qui « décrit les mécanismes de construction

de sens des personnes socialisées comme un cycle qui part des système de représentation

(construction) initiales des individus, et comprend cinq phases » : l’anticipation,

l’investissement, la rencontre, la confirmation ou la non confirmation, et la construction du

système de représentation. Alors que Louis (1980) consacre son processus de construction de

sens autour de trois traits caractéristiques : le changement, le contraste et la surprise. Bien que

ces approches présentent des similitudes, nous présentons dans les lignes qui suivent les

différentes phases du modèle de construction de sens telles que présentées par l’auteur.

Le changement est défini comme une différence objective entre les principales

caractéristiques du nouvel environnement et celles de l’ancien. Ce changement concerne trois

fonctions importantes qui ne sont pas attachées à l’individu et peuvent être connues d’avance. Il

s’agit du poste et des tâches qu’il est nécessaire d’accomplir. Il y a aussi la position que la

nouvelle recrue va occuper dans la hiérarchie et les implications que cela suppose en termes de

responsabilités. Il y a enfin la position informelle que la nouvelle recrue va occuper et son accès

à l’information.

§ Le contraste est une notion personnelle à l’individu qui, à la différence du changement,

n’est pas connue d’avance. Il représente une différence subjective entre le nouvel et

l’ancien environnement par lequel la nouvelle recrue caractérise et définie la nouvelle

situation.

§ La surprise représente la différence entre les anticipations individuelles et la découverte

du nouveau contexte organisationnel. Elle peut être à la fois positive et négative et résulte

de la découverte des contrastes et des réactions affectives portant sur eux. Il faut par

ailleurs noter que la surprise peut se produire au niveau de l’organisation, du travail ou de

l’individu, et que les anticipations peuvent être conscientes, tacites ou émergentes.

Page 121: Contribution de la socialisation organisationnelle au

120

Selon Louis (1980), la « surprise » peut prendre plusieurs formes qui nécessitent de la part des

nouvelles recrues des adaptations permanentes. Il distingue cinq types de «surprise ». La

première se révèle lorsque les attentes conscientes concernant le travail ne sont pas satisfaites

positivement ou négativement. La seconde apparait lorsque les attentes (conscientes et

inconscientes) concernant personnellement l’individu sont imprévisibles. La troisième forme de

« surprise » se produit lorsque les attentes inconscientes concernant le travail sont imprévues. La

quatrième provient des difficultés que rencontre la nouvelle recrue à anticiper ses réactions face

aux situations professionnelles. La cinquième provient du fait que les hypothèses qui ont été

formulées par les nouvelles recrues ne soient pas adaptées à la nouvelle situation. Finalement, la

surprise apparait dans ce modèle comme l’élément déclencheur du processus de construction de

sens. Louis (1980) souligne que l’inadéquation entre les attentes des nouvelles recrues et les

dispositions du nouvel environnement de travail crée au niveau de l’individu des tensions que ce

dernier est contraint de réduire pour retrouver un état d’équilibre. Elle précise, en outre, que cette

« surprise » est inévitable au moment de l’intégration compte tenu de l’incertitude et des attentes

imprévisibles qui peuvent émerger.

Figure 9.Processus d'attribution de sens lors de l'entrée organisationnelle

Activités clés Détection Diagnostic Interprétation

Attribution de sens lors de l’entrée organisationnelle

Le nouveau entre

dans l’organisation

Changement

Surprise Attribution de

sens

Sens de

l’attribut

Sélection

comporteme

nt

Mise à jour

des attentes et

de la vision de

la situation

Contraste

Eléments intervenant dans

l’attribution de sens

- Interprétation des autres

- Schéma d’interprétation locaux

- Prédispositions

- Expériences passées

Source : Louis, 1980 (« Surprise and sens-making »)

Page 122: Contribution de la socialisation organisationnelle au

121

Ainsi, pour montrer comment la nouvelle recrue affronte l’expérience d’intégration dans une

nouvelle organisation, Louis (1980) met en évidence l’importance des difficultés auxquelles font

face ces individus. Elle compare ces obstacles aux processus, plus simples, par lesquels les

individus déjà intégrés résolvent au quotidien des problèmes dans un contexte sans surprise. Le

mécanisme de construction de sens qu’elle propose repose sur les processus cognitifs que les

individus utilisent dans le cadre organisationnel pour faire face aux évènements inattendus et à

l’innovation. Enfin, l’auteur identifie les besoins spécifiques que les nouvelles recrues peuvent

éprouver dans le processus de construction de sens. Ils éprouvent le besoin d’interpréter les

évènements qui se produisent dans leur nouvel environnement de travail. Ils éprouvent

également le besoin d’une aide leur permettant d’apprécier les situations spécifiques et

complexes ou ayant des implications d’ordre culturelle. Pour cela, les personnes déjà en place

dans l’organisation constituent des sources d’information appropriées que la nouvelle recrue

devrait prendre en compte.

En définitif, nous pouvons conclure cette partie en soulignant que l’organisation est à la fois

une source d’incertitude et un pourvoyeur de connaissances qui donne à l’individu la possibilité

d’apprendre au contact des personnes expérimentées et de pouvoir faire face aux « situations

inattendues ». La socialisation organisationnelle s’attache à ces caractéristiques pour assurer

l’influence nécessaire qui permettra à l’organisation de réduire cette incertitude, d’assurer

l’apprentissage indispensable permettant aux individus de gérer les situations auxquelles ils sont

confrontés.

3. Les approches récentes de la socialisation organisationnelle

3.1. Les tactiques individuelles de socialisation

Elles suggèrent que l’individu qui jusque là était passif, devient un acteur actif du processus

de socialisation en adoptant des comportements de recherche d’information qui lui permettent

d’assurer sa propre intégration dans l’organisation. Deux raisons principales justifient cette

recherche d’informations, (1) la réduction de l’incertitude qui permet aux nouvelles recrues

d’avoir un contrôle et une maitrise de leur environnement, et (2) la possibilité de posséder les

informations dont ils ont besoin pour maitriser leur travail et assurer leur intégration, dans la

mesure où ces informations ne sont pas souvent disponibles. Nous présentons la recherche

d’informations à travers deux traits comportementaux. Le premier concerne le comportement

réactif qu’adopte la nouvelle recrue face à l’incertitude que présente son nouvel environnement

de travail et qui constitue pour lui une occasion de construction de sens. Le second met en

Page 123: Contribution de la socialisation organisationnelle au

122

évidence la recherche d’information comme une stratégie d’acquisition de connaissances qui est

matérialisée au niveau de la nouvelle recrue par des comportements proactifs.

3.1.1. La recherche proactive d’informations

La littérature présente la recherche proactive d’informations comme une stratégie par laquelle

les individus accélèrent leur propre socialisation et définissent les conditions de leur ajustement

dans le nouvel environnement de travail (Morisson, 1993aet 1993b ; Ostroff et Kozlowski,

1992). Cette recherche s’apparente à une activité intense de communication qui repose sur trois

points essentiels : le type d’informations recherchées, les sources d’informations et le

comportement adopté par les nouvelles recrues.

§ Le type d’informations recherchées

Ostroff et Kozlowski (1992) puis Morisson (1993) suggèrent que le type d’information

recherchée doit permettre une meilleure connaissance des différents domaines de socialisation

tels que définis dans la littérature existante28. Il s’agit des informations qui relèvent des

exigences de la tache, les attributs du rôle, les normes du groupe et, le climat et la culture

organisationnelle. Les nouvelles recrues recherchent les informations techniques concernant les

compétences, les habiletés qui permettent d’accomplir les taches relatives à leur travail. Ils

recherchent également des informations concernant leur rôle dans l’organisation, afin d’avoir

une meilleure perception des attentes des personnes avec qui ils doivent collaborer. Les

informations sur les normes, les valeurs, la culture et les procédures de l’organisation renseignent

les nouveaux sur les comportements attendus d’eux, pour s’ajuster à leur travail et à

l’organisation. Enfin, les nouvelles recrues sollicitent auprès de l’organisation un feedback

concernant leur performance et leur relation avec les autres membres de l’organisation

Morisson, 1993). Selon l’auteur, ces informations renseignent sur la qualité du comportement et

le niveau de performance réalisé par le nouveau et apportent le cas échéant des ajustements

pouvant les améliorer. La littérature indique que les nouvelles recrues consacrent l’essentiel de

leur temps à la recherche d’informations (Morisson, 1993 ; Ostroff et Kozlowski, 1992), mais

que toutes les informations n’ont pas la même importance dans la résolution des problèmes qui

se posent à eux. La priorité dans la recherche est accordée aux informations techniques et au

feedback sur la performance au travail. Ensuite, les nouvelles recrues ont recours aux

informations d’ordre politique et relationnel pour faciliter leur intégration (Morrison, 1995,

1993 ; Chao et al. 1994). Les informations normatives et organisationnelles sont sollicitées en

28 Fisher (1986)

Page 124: Contribution de la socialisation organisationnelle au

123

dernier Or, comme le précisent Lacaze et Fabre (2005), c’est cette information qui est donnée en

priorité par l’employeur. Ce qui suppose des ajustements nécessaires.

§ Les sources d’informations les plus adaptés

Les nouvelles recrues disposent de deux sources principales d’informations pour obtenir

l’information dont ils ont besoin pour intégrer l’organisation. Les sources impersonnelles ou

sources non interpersonnelles) sont composées de l’ensemble des documents écrits, fichiers

électroniques, livret d’accueil, notes de service, plaquettes publicitaires et de façon générale tous

les documents internes officiels qui peuvent aider à intégrer une organisation (Perrot et al.

2005). Les sources interpersonnelles sont constituées de l’ensemble des personnes qui, à

l’intérieur comme à l’extérieur de l’organisation, peuvent fournir aux nouveaux des

informations. Parmi ces personnes, on distingue les supérieurs hiérarchiques, les collègues de

travail, les parrains ou dans une certaine mesure les clients et les fournisseurs (Morrison, 1993 ;

Ostroff et Kozlowski, 1992 ; Miller et Jablin, 1991). La littérature consacrée à la socialisation

s’est surtout intéressée aux sources interpersonnelles (Morrison, 1993 ; Ostroff et Kozlowski,

1992). Les sources les plus sollicitées sont les supérieurs et les collègues de même rang à cause

de leur familiarité et de leur accessibilité (Morrison, 1993 ; Miller et Jablin). Les informations

recherchées auprès de ces sources sont, les informations techniques et le feedback social. Le

supérieur est dans tous les cas la meilleure source d’information, à cause de sa position et les

responsabilités qui lui donne évalue et délègue les responsabilités. Néanmoins, les sources

impersonnelles, même si elles n’ont pas fait l’objet d’un intérêt particulier de la part des

chercheurs, présentent quelques avantages et inconvénients. Les avantages proviennent du fait

qu’elles fournissent des informations claires et objectives et, surtout qu’elles préservent le

nouveau de toute forme d’agacement de la part des personnes interrogées. L’inconvénient majeur

de ces sources réside dans le fait qu’elles ne livrent pas toujours une information riche et

pertinente (Ostroff et Kozlowski, 1992).

§ Les stratégies adoptées par les nouvelles recrues

Une fois identifiées les types d’informations dont ils ont besoin et les sources les plus adaptés

pour les obtenir, les nouvelles recrues sélectionnent les comportements qu’ils jugent appropriés

pour recueillir l’information. La littérature fait état de deux types de comportement de recherche

d’informations. Le premier fait référence à une recherche active qui consiste à demander (ou

poser des questions) des informations et le deuxième consiste, en une observation passive qui se

résumerait à observer, lire et écouter (Morrison, 1993 ; Ostroff et Kozlowski, 1992 ; Ashforth et

Cummings, 1983). Ces deux types de comportement sont souvent opposés en raison des coûts

Page 125: Contribution de la socialisation organisationnelle au

124

que suscite leur utilisation, mais aussi à cause de leur capacité à recueillir des informations

pertinentes. Les coûts relatifs à l’observation se situent au niveau des risques que comporte une

mauvaise interprétation des informations recueillies, alors que les coûts associés à une recherche

par le questionnement sont évalués en termes d’images. Autrement dit, les nouvelles recrues

peuvent éprouver une gène à solliciter des informations qui exposent leurs mauvais résultats, ou

ils apparaitre agaçant vis-à-vis des personnes auprès de qui ils sollicitent ces informations

(Morrison, 1998). Les résultats des études réalisées sur le sujet révèlent que l’utilisation de

l’observation passive est plus adapté dans la recherche d’informations de référence et normative,

alors qu’il est plus aisé d’obtenir des informations techniques par la demande (Morrison, 1998).

3.1.2. Les autres formes de comportements proactifs

La proactivité d’un individu peut aussi s’exprimer à travers des comportements qui révèlent

une certaine maitrise psychologique des évènements lorsqu’il s’agit de faire face à des difficultés

majeures. Les études de terrain ont révélé que la prise de conscience, par les vendeurs

nouvellement engagés, de leur statut d’indépendant était la cause de nombreux départs. Mais

nous savons aussi que ceux des vendeurs qui réussissent connaissent des débuts difficiles. Ils

occupent des emplois qui ne garantissent pas toujours une évolution dans la carrière, et ils sont

surtout privés de revenu, tant que leurs capacités cognitives ne leur permettent pas de vendre.

Dès lors on peut légitimement se poser la question de savoir comment ils font pour surmonter

ces difficultés. La littérature nous explique que les individus sont dotés de facultés qui leur

permettent d’analyser positivement leur situation et de donner un sens à leur nouvel

environnement de travail tout en se forgeant une nouvelle identité. C’est le processus de

construction de sens développé par Louis (1980) et qui s’avère particulièrement utile dans

l’intégration des vendeurs indépendants.

Dans le même esprit, Lacaze (2011) analyse l’intégration des nouvelles recrues à partir des

tactiques individuelles. Elle considère ces tactiques comme des processus d’adaptation,

psychologiques, sociaux et comportementaux qui doivent permettre à ces employés d’être très

rapidement opérationnels (Cf. tableau). Ainsi, la proactivité des nouvelles recrues s’expriment

dans les efforts que produisent ces derniers en termes d’actions (tactiques individuelles) leur

permettant d’intégrer le nouvel environnement de travail. Les nouveaux arrivants doivent

réalisés des efforts sur le plan psychologique, car ils peuvent être confrontés à des situations

inattendues donnant lieu à une reconsidération des attentes initiales, susceptibles de créer un

choc émotionnel. Ils doivent aussi réaliser des efforts sur le plan social, dans la mesure où il est

de leur responsabilité de se faire accepter par le groupe, à la fois pour leurs qualités relationnelles

Page 126: Contribution de la socialisation organisationnelle au

125

et pour leurs compétences professionnelles. Enfin, ils doivent réaliser des efforts sur le plan

comportemental pour connaitre les « rouages » de leur métier pour être efficace.

Tableau 11. La proactivité des nouvelles recrues

Type d’adaptation Tactique individuelles d’intégration

Objectifs

Adaptation psychologique

- Attribution de sens - Vision positive de sa situation et maitrise de ses émotions - Développement d’une identité professionnelle

- Intégrer les situations vécues dans le nouvel emploi dans un cadre cognitif structuré - Acquérir une stabilité émotionnelle - Tenir son statut et gérer l’ensemble des rôles qu’un individu doit tenir

Adaptation sociale - Intégration au sein des équipes - Comportements politiques

- Obtenir du soutien social - Acquérir du pouvoir dans l’organisation - Négocier du changement dans le travail

Adaptation comportemental

- Recherche d’information - Expérimentation - Auto-management

- Découvrir le métier - Planifier son apprentissage

Enfin, certains comportements proactifs comme l’expérimentation et l’auto-management

illustrent bien cette dimension de la responsabilisation, qu’est l’autonomie du vendeur, dans la

réalisation de son propre apprentissage. L’expérimentation explique le fait que l’on ne devient

bon vendeur qu’en pratiquant, car c’est en corrigeant ses erreurs passées qu’on acquiert un savoir

faire dans le métier de vendeur. Cet apprentissage par expérimentation procède de la capacité du

vendeur à travailler le plus souvent auprès de vendeurs expérimentés, de manière à acquérir par

un processus d’essai-erreur les connaissances techniques (argumentaire, découverte des besoins,

conclusion d’un entretien, etc.) qui lui permettent de vendre. L’auto-management quant à elle,

établit la capacité du vendeur à piloter son apprentissage, en se fixant des objectifs et en adoptant

des comportements pour les atteindre. Il s’agit de comportements d’auto régulation qui

consistent à gérer, non seulement son apprentissage, mais aussi son environnent, ses ressources,

ses émotions et ses motivations pour s’aider à atteindre ses objectifs (Butler et Cartier, 2004).

3.2. L’approche interactionniste de la socialisation organisationnelle

Alors que les travaux initiaux sur la socialisation organisationnelle sont marqués par une

approche séparée de l’organisation et de l’individu dans le processus de socialisation, les

recherches récentes prônent l’analyse simultanée des niveaux organisationnels et individuels.

Cette analyse est fondée sur le comportement proactif de l’individu qui implique nécessairement

des interactions avec les membres de l’organisation.

Page 127: Contribution de la socialisation organisationnelle au

126

3.2.1. L’analyse simultanée des niveaux organisationnels et individuels

L’utilisation conjointe des tactiques organisationnelles et individuelles émerge avec l’idée que

ces tactiques peuvent se compléter et fournir une meilleure compréhension du processus de

socialisation. Il serait par exemple intéressant de savoir, d’un point de vue managérial, quelles

tactiques institutionnalisées permettent aux nouvelles recrues d’accéder facilement à

l’information, ou d’identifier les tactiques que les jeunes recrues ont tendance à développer selon

les types de tactique de socialisation utilisée par l’organisation qui les accueille (Guerfel-Henda

et al. 2012). Par ailleurs, la perspective d’une intégration des deux niveaux d’analyse doit aussi

nous emmener à envisager la nature des liens qui existent entre les deux concepts, et le pouvoir

explicatif de chacun. Certaines études montrent que les tactiques individuelles jouent un rôle

médiateur entre les tactiques organisationnelles et les résultats de la socialisation (Cooper-

Thomas et Anderson, 2002 ; Saks et Ashforth, 1997). Plusieurs études ont montré l’intérêt

d’intégrer ces deux approches (Mengnuc, Han, et Aun, 2007 ; Lacaze, 2005 ; Cooper-Thomas et

Anderson, 2002 ; Saks et Ashforth, 1997). L’objectif de ces chercheurs étant de parvenir à une

véritable théorie intégrative qui permette d’assembler toutes les approches fragmentées

développées dans ce champ de recherche.

Saks et Ashforth (1997), souvent présentés comme les premiers à envisager cette intégration,

soutiennent que les tactiques de socialisation institutionnalisées offrent aux nouvelles recrues des

« opportunités de rencontre et d’échanges » qui vont faciliter l’acquisition d’informations auprès

d’agents internes. Ces auteurs soulignent ainsi l’influence que les tactiques organisationnelles

peuvent exercer sur les comportements proactifs des nouveaux. Ils soulignent aussi la

complémentarité de ces tactiques et les effets bénéfiques, notamment dans l’accélération du

processus, étant entendu qu’une socialisation plus rapide va permettre aux nouveaux de

surmonter rapidement l’incertitude et l’anxiété qui entoure leur entrée dans l’organisation, et à

l’organisation de disposer d’individus rapidement productifs (Cooper-Thomas et Anderson,

2002). Lacaze et Roger (2000) et Lacaze (2005) confirment cette tendance à l’intégration des

tactiques organisationnelles et individuelles et observent une complémentarité entre les

comportements proactifs des nouvelles recrues et les tactiques mises en place par l’organisation.

Ils y voient surtout dans la proactivité des nouvelles recrues une forme de compensation aux

tactiques rigides et contraignantes des organisations. Les tactiques individuelles sont considérées

comme les meilleurs conducteurs de l’intégration des nouvelles recrues, mais elles viennent dans

la majorité des cas en complément des tactiques organisationnelles. Ainsi, ces auteurs

recommandent aux entreprises d’avoir une meilleure connaissance des conditions d’intégration

des nouveaux, afin que celles-ci adaptent leurs tactiques à leurs besoins. Lacaze (2005) va plus

Page 128: Contribution de la socialisation organisationnelle au

127

loin dans sa réflexion, en prônant une responsabilisation de l’individu pour son intégration, en

développant une meilleure connaissance de son rôle. Pour cet auteur, l’organisation doit prendre

en compte les tactiques développées par les individus dans la recherche d’informations afin

d’initier des programmes d’accompagnement devant faciliter par exemple l’accès à l’information

ou le feedback.

L’utilisation conjointe des tactiques organisationnelles et individuelles dans les forces de

vente à fait l’objet d’une étude de Menguc et al. (2007) dans un contexte non occidental. Les

auteurs mettent en évidence dans leur modèle séquentiel la complémentarité des deux tactiques

et leur influence respective sur l’accommodation (clarté de rôle et intégration social) et

l’ajustement des vendeurs à leur nouvel environnement de travail (satisfaction au travail,

engagement organisationnel et performance au travail).

3.2.2. L’interactionnisme symbolique

L’expression interactionnisme symbolique « désigne un courant sociologique d’origine

Américaine qui est fondé sur l’idée que la société est le produit des interactions entre les

individus. C’est également une expression qui recouvre divers réalités qui peuvent être d’ordre

théorique ou organisationnel. Ce qui signifie que ces divers réalités ne sont pas les mêmes d’un

pays à un autre ».

Mead (1934) est considéré comme le fondateur de l’interactionnisme symbolique, mais c’est à

Blumer (1969) que nous devons les trois grands principes qui servent de fondement à ce courant

de pensée : (1) les humains agissent à l’égard des choses en fonction du sens que les choses ont

pour eux. (2) ce sens est dérivé ou provient des interactions de chacun avec autrui. (3) c’est dans

ce processus d’interprétation mis en œuvre par chacun dans le traitement des objets que ce sens

est manipulé et modifié. Dans la conception générale, l’interaction est une action ou une

influence réciproque pouvant s’établir entre deux personnes, objets, éléments, corps ou

phénomènes et en modifier le comportement ou la nature. De ce point de vue, la socialisation

organisationnelle peut être définie comme un processus interactif de construction et d’influence

mutuelle qui se déroule entre les nouveaux et les anciens membres d’une organisation (Perrot et

al. 2005). Cette définition repose sur un certain nombre de réalités que nous résumons de la

façon suivante : (1) l’individu qui arrive nouvellement dans une organisation va inévitablement

interagir avec les anciens pour s’adapter à son nouvel environnement de travail. Ce qui implique

un changement individuel et organisationnel ; (2) la réalité organisationnelle est le « fruit » d’une

construction qui découle des interactions diverses et multiples qu’entretiennent les individus

dans une organisation. ; (3) l’interaction entre un nouveau et un ancien est le fondement du

Page 129: Contribution de la socialisation organisationnelle au

128

processus de socialisation ; (4) l’interaction entre l’organisation et la nouvelle recrue peut être

appréhendée comme un processus d’influence mutuelle qui donne à chacun des acteurs un rôle

d’agent socialisateur. Ainsi la nouvelle recrue n’est pas la seule à entrer dans un processus de

socialisation, puisque les personnes déjà en place peuvent être influencées par les attitudes et les

comportements du nouveau.

En se référant à cette perspective théorique, Reichers (1987) développe un certain nombre de

propositions dans le cadre de la socialisation organisationnelle. L’auteur considère que

l’interaction accélère le processus de socialisation en permettant aux nouvelles recrues de

connaitre rapidement la réalité organisationnelle et de se construire une identité sociale. Il estime

que la maitrise des taches et l’intégration des nouvelles recrues seront d’autant plus rapides que

ces derniers s’engagent dans un nombre important d’interactions avec les membres déjà en place

dans l’organisation. Ces interactions sont elle mêmes facilités par le fait que les acteurs

impliqués dans le processus de socialisation interagissent les uns sur les autres. Pour Reichers

(1987), la proactivité des acteurs est fondamentale dans l’intégration des individus dans

l’organisation. Il la définit comme tout comportement qui implique une recherche active des

opportunités d’interactions (Mitchell, 1980). Dans le même ordre d’idées, Major et Kozlowski

(1997), en s’appuyant sur le modèle de Reichers (1987), établissent un lien significatif entre la

fréquence de la proactivité des nouvelles recrues et le niveau d’interdépendance des taches. Ces

auteurs soutiennent la thèse selon laquelle, plus les taches sont interdépendantes, plus elles

nécessitent que les nouvelles recrues interagissent avec les membres déjà en place dans

l’organisation, du moins pour assurer la coordination des activités. Dans ce contexte, la

proactivité des individus dépend essentiellement d’une grande interdépendance des taches. Mais,

cette relation est modérée par des facteurs individuels et contextuels, tels que le sentiment

d’efficacité personnel du nouveau et l’accessibilité des membres déjà en place.

3.3. Le contenu de la socialisation organisationnelle

Le terme de contenu se réfère à l’expression même de ce qu’est la socialisation, c'est-à-dire un

référent qui permette de dire qu’un individu est socialisé ou pas, ou a atteint un niveau donné de

socialisation. Il s’agit de considérer des critères ou des indicateurs qui vont nous permettre

d’apprécier les acquis ou le degré de transformation de l’individu qui intègre une organisation.

3.3.1. Les domaines de socialisation

Dans la littérature, le contenu de la socialisation est appréhendé à travers « les domaines de

socialisation ». Ces domaines sont définis comme, « ce qui est appris et ce qui modifié au cours

de la socialisation » (Fisher, 1986). L’auteur distingue quatre domaines qui forment l’ossature

Page 130: Contribution de la socialisation organisationnelle au

129

d’une taxonomie des apprentissages (Perrot, 2008). Ces domaines sont considérés comme les

différentes issues possibles du processus de socialisation (Tableau N°12).

Tableau 12. Les domaines de socialisation (Fischer, 1986)

1) Les valeurs de l’organisation, les objectifs, la culture…

Le nouvel arrivant doit apprendre les règles, les relations hiérarchiques, le système de rémunération et les autres caractéristiques de son organisation. Il doit aussi se familiariser avec la culture et les aspects informels de l’organisation. Un « contrat psychologique » (Schein, 1978) s’établit de façon implicite et marque l’acceptation mutuelle entre la personne et l’organisation.

2) Les valeurs du groupe, les normes, le fonctionnement, les amitiés…

Le nouveau doit faire connaissance avec ses collègues, s’intégrer au groupe de travail, comprendre les raisons du comportement des autres et adopter un comportement approprié. Découvrir les relations de pouvoir et les intérêts politiques de chacun fait également partie du processus de socialisation. « L’intégration sociale » est évaluée par des communications et des comportements perçus comme coopératifs au sein du groupe ou d’une organisation ainsi que par des éléments affectifs tels que la cohésion et l’attirance pour le groupe ou l’organisation (O’Reilly, Caldwell, Barnet, 1989).

3) Comment faire le travail : compétences et connaissances requises.

Même si le nouvel embauché est déjà formé pour occuper son poste, il doit encore apprendre les procédures, les règles, le jargon spécifiques à son lieu de travail. Il est aussi parfois nécessaire d’acquérir certaines capacités physiques de rapidité, de précision, d’endurance, de force…Enfin, pour devenir efficace, la personne doit former ses propres schémas, ses propres cartes cognitives représentant l’enchaînement de ses différentes taches.

4) Changement personnel relatif à l’identité et à l’image de soit

L’arrivée dans une nouvelle situation de travail s’accompagne d’une évolution de l’identité individuelle. A ses débuts dans une organisation, l’individu apprend sur lui-même et établit ses « ancres de carrière » :il découvre quels sont ses capacités et ses talents, ses motivations et ses besoins, ses attitudes et ses valeurs (Schein, 1978). Il peut découvrir qu’il a de nouvelles attentes et de nouveaux objectifs. Le changement personnel se traduit aussi par une modification du comportement, du mode d’interaction et de la façon de se vêtir (Fisher, 1986). Cela suppose un retrait de l’identité passé (Louis, 1980). Le nouveau salarié vit une sorte de deuil, situation fortement perturbante.

Source : Lacaze et Fabre, 2005

La socialisation d’un individu peut être considérée comme un apprentissage qui porte sur les

quatre domaines. Cependant, comme le souligne Perrot (2008), le domaine individuel (à travers

les changements identitaires) est considéré par certains chercheurs comme une conséquence plus

qu’une caractéristique permettant de définir le concept. Ce qui revient à considérer le travail, le

groupe de travail et l’organisation comme les principaux domaines de socialisation. Or, comme

le précise Perrot (2008), cette identification des domaines reste insuffisante et ne permet pas de

saisir pleinement la mesure du concept de socialisation organisationnelle. En effet, si la

Page 131: Contribution de la socialisation organisationnelle au

130

socialisation s’est dans un premier temps focalisée sur les phénomènes d’apprentissage, certains

auteurs (Wanous, 1980 ; Jones, 1983 ; Fournier et Payne, 1994) considèrent que « ce qui est

appris » ne peut être efficacement appliqué que si les individus parviennent à l’intérioriser. Cette

approche révèle l’importance et la nécessité de coupler ces deux concepts pour une meilleure

connaissance du processus de socialisation organisationnelle. L’intériorisation est définie comme

le degré d’acceptation, d’adhésion et d’intégration des objectifs et des valeurs organisationnelles

(Perrot, 2008, 2009). Ce concept semble avoir un pouvoir explicatif plus important que

l’apprentissage, dans la mesure ou des individus peuvent apprendre pour enrichir leur

connaissance des taches, des rôles et des valeurs d’une organisation et décider de ne pas les

intégrer dans leur système de valeurs. Aussi, il est risqué de prétendre qu’un individu qui a fait

l’objet d’un apprentissage sur les trois domaines traditionnellement évoqués (travail, groupe de

travail et organisation) est effectivement socialisé. Perrot (2008) suggère dans ce contexte que

l’intériorisation soit étendue aux trois domaines de socialisation retenus. Cependant, si cette

perspective est réalisable pour l’organisation, elle l’est moins pour les deux autres domaines.

Aussi, aux dimensions concernant l’apprentissage des domaines liés à l’organisation, au travail

et au groupe de travail s’ajoute une dimension relative à l’intériorisation des objectifs et valeurs

de l’organisation.

3.3.2. La mesure de la socialisation organisationnelle

L’évaluation du niveau de socialisation atteint par un individu a été pendant longtemps réalisé

à travers des indicateurs attitudinaux, tels que la satisfaction au travail, l’engagement

organisationnelle et dans le travail, l’intention de quitter. Mais ces indicateurs jugés distants par

certains auteurs, donnent des résultats indirects (Ostroff et Kozlowski, 1992 ; Bourhis, 2004 ;

Perrot et Roussel (2009). De plus, ces variables de résultat sont déterminés par un nombre

important de variables dans la littérature. Pour remédier à cette défaillance, un groupe de trois

chercheurs (Chao et al.1994 ; Taormina, 1994 ; Anakwe et Greenhaus, 1999) va initier une

recherche importante permettant à la littérature de disposer d’échelles de mesure.

§ L’échelle de Chao et al (1994)

Chao et ses collaborateurs réalisent dans une revue de la littérature et identifie six dimensions

de la socialisation sur lesquelles les organisations peuvent avoir une certaine influence :

Page 132: Contribution de la socialisation organisationnelle au

131

Encadré 1. Les dimensions de l'échelle de Chao et al (1994)

La compétence professionnelle (performance proficiency) qui correspond à l’acquisition de savoirs et savoir-faire requis par les taches reliées à l’emploi. Les relations interpersonnelles (people), ou la capacité à établir des relations professionnelles satisfaisantes avec les autres membres de l’organisation. Le niveau politique (politics), c'est-à-dire la capacité à comprendre les relations et procédures formelles et informelles au travail, ainsi que les structures de pouvoir au sein de l’organisation. Le langage (language), soit la connaissance et l’l’utilisation du langage technique spécifique à la profession ainsi que le jargon de l’organisation. Les objectifs et valeurs organisationnels (organizational goals and valus), ou la connaissance et l’acceptation des normes et principes nécessaires au maintien de l’intégrité de l’organisation. L’histoire (history), correspond à la connaissance des traditions, coutumes, mythes, et rituels utilisés afin de perpétuer un certain modèle de comportement

§ L’échelle de Taormina (1994)

Taormina (1994) développe une échelle de mesure du niveau de socialisation qui comporte

quatre dimensions. Elle réalise un inventaire de la socialisation organisationnelle comprenant 27

items à évaluer sur une échelle en sept points (fortement en désaccord – fortement en accord).

Ces items traitent de (1) de la formation reçue par les employés, (2) de leur compréhension de

leur emploi et du fonctionnement de leur entreprise, (3) de l’aide ou du support moral offert par

leurs collègues et (4) des attentes des recrues quant à une carrière dans l’organisation. Cette

échelle est conceptuellement proche de celle de Chao et al. (1994), mais parait plus large dans la

mesure ou elle intègre l’efficacité des pratiques de socialisation, ainsi que l’acceptation par le

salarié de son identité et de son avenir dans l’organisation (Lacaze et Fabre, 2005).

§ L’échelle d’Anakwe et Greenhaus (1999)

Anakwe et Greenhaus (1999) appréhendent la socialisation comme un construit composé de

six dimensions : (1) la maitrise des taches, (2) le fonctionnement au sein du groupe de travail, (3)

la connaissance et (4) l’acceptation de la culture organisationnelle, (5) l’apprentissage personnel

et (6) la clarté de rôle. Le principal apport de cette échelle par rapport aux deux autres porte sur

la dimension « apprentissage personnel ». Alors que les quatre premières dimensions sont

conformes aux dimensions « compétence professionnelle », « relation interpersonnelles » et

« objectifs et valeurs organisationnelles » de Chao et al (1994) selon Lacaze et Fabre (2005).

Concernant la sixième dimension sur la « clarté de rôle », ces auteurs estiment qu’elle a été mise

en évidence par de auteurs (Fisher, 1986 ; Jones, 1986 ; Perrot, 2001).

Page 133: Contribution de la socialisation organisationnelle au

132

SECTION 2. CONTRIBUTION DE LA SOCIALISATION A LA GESTION

A défaut de développer une théorie générale de la socialisation organisationnelle, la recherche

sur la socialisation dans les organisations a connu une réelle extension dans de nombreux

domaines des sciences de gestion. Ce prolongement, qualifié de socialisation organisationnelle

en contexte29, se réfère au processus par lequel les modèles de comportements, les usages et

coutumes, les croyances et les pratiques d’un groupe particulier sont progressivement assimilés

par un individu (Evan et al, 1995).

Nous proposons une analyse des développements de la socialisation organisationnelle dans la

gestion des ressources humaines ; le marketing, avec notamment la socialisation des clients dans

les services et la socialisation des fournisseurs ; et l’entrepreneuriale dans les organisations, en

mettant en évidence la nécessité d’innover, et surtout de « sauter le pas » de la création (1). Puis,

nous proposons une nouvelle lecture du management de forces de vente à partir du concept de

socialisation organisationnelle (2).

1. Les développements de la socialisation dans les sciences de gestion

La socialisation organisationnelle est issue des sciences sociales, notamment de la sociologie,

de la psychologie et de l’anthropologie culturelle. Son développement dans les sciences de

gestion s’est surtout porté sur trois domaines de recherche, à savoir la gestion des ressources

humaines, le marketing et l’entrepreneuriat. Ainsi, nous analysons les extensions de la

socialisation en GRH, dans des domaines particuliers comme le syndicalisme, l’expatriation et le

personnel en contact.

1.1. Les développements en gestion des ressources humaines

Dans la gestion des ressources humaines, la socialisation organisationnelle s’est

principalement intéressée à l’évolution de l’individu au cours de sa carrière, notamment aux

transitions successives qui marquent le passage d’une fonction à une autre, depuis le recrutement

jusqu’au départ à la retraite d’un employé. Mais, c’est surtout dans les activités concernant

l’entrée dans une organisation que la recherche est la plus intense, soulignant l’impact que les

pratiques de GRH (recrutement et formation) peuvent avoir sur les comportements futurs de

l’individu au travail.

29 Campoy et al (2005)

Page 134: Contribution de la socialisation organisationnelle au

133

1.1.1. La socialisation du personnel en contact

Le personnel en contact est considéré comme une catégorie de travailleurs particulière,

compte tenu de la nature de leurs activités orientée vers le client et engageant la responsabilité de

l’entreprise. Goffman (1968) cité par Campoy et al (2005) précise que « les relations

professionnelles spécialisées peuvent se diviser en deux catégories, l’une où le praticien se

trouve par son travail même, en contact avec le public, l’autre ou son travail ne touche que les

membres d’une organisation. Selon moi, le contact avec le public et le pouvoir exercé sur lui

constituent des caractères assez importants pour que tous ceux qui en font l’expérience puissent

être regroupés en une catégorie spéciale ». Plusieurs métiers différents sont regroupés dans

l’expression « personnel en contact », tels que conducteurs de taxi, caissières, hôtesses,

professions libérales, forces de vente, infirmières, policiers, agents de centres d’appels …

(Campoy et al, 2005). Il s’agit des personnels travaillant de façon permanente avec le client et

dont le rôle est de servir d’intermédiaires entre ces clients et l’organisation qu’ils représentent.

Selon ces auteurs, cette position frontalière rappelle celle du « marginal-sécant »30 qui intervient

dans plusieurs systèmes d’actions. Le personnel en contact a un accès privilégié à l’information

stratégique, ce qui peut lui conférer un pouvoir dans l’exécution de ses tâches, mais il est aussi

soumis à des tensions de rôles.

Dans la littérature, les recherches sur les personnels en contact sont principalement

américaines, et portent pour l’essentiel sur le management des forces de vente. Bien que

modestes, ces recherches ont été réalisées sur la socialisation des forces de vente. On notera

chronologiquement les travaux de Dubinsky et al (1986) qui adaptent et testent empiriquement le

modèle séquentiel de la socialisation organisationnelle de Feldman (1976) dans le contexte du

management des forces de vente. Ces travaux sont présentés dans la deuxième partie de ce

paragraphe. Evans et al (1995) examinent dans leurs travaux sur la socialisation des vendeurs

dans la vente des services, l’impact de la socialisation du vendeur sur l’engagement

organisationnel, la satisfaction et la performance. Ils soulignent le rôle très important de la

personne en contact avec le client, en l’occurrence le vendeur, dans le succès des organisations.

Grant et Bush (1996) testent les effets des tactiques organisationnelles de socialisation sur la

convergence des valeurs à travers une culture commerciale forte au sein des forces de vente. Ils

soulignent le rôle des managers dans leur capacité à intégrer les attentes des vendeurs aux

valeurs défendues par l’organisation. Pour leur part, Lopez et Mac Millan-Cepehart (2002)

étudient, à travers le concept d’adéquation personne/organisation, la façon dont la socialisation

30 Crozier et Friedberg, (1977)

Page 135: Contribution de la socialisation organisationnelle au

134

peut aider des personnes d’origines diverses à intégrer l’organisation. Barksdale et al (2003)

s’appuient sur le modèle séquentiel de Dubinsky et al (1986) pour tester l’impact de l’aperçu

réaliste d’emploi et la perception de la formation sur la performance et l’implication du vendeur.

Enfin, Menjuc et al, (2007) expérimentent dans un contexte non occidental, l’utilisation

conjointe des tactiques de socialisation organisationnelle et individuelle dans l’intégration et

l’ajustement des vendeurs à leur nouvel environnement de travail. En France, Commeiras et al,

(2012) réalisent une étude exploratoire sur la socialisation des apprentis, notamment la formation

des vendeurs et des personnels du marketing dans le secteur de la banque et des assurances.

1.1.2. La socialisation syndicale

La socialisation syndicale est présentée comme le résultat du processus d’interaction entre

l’individu et le syndicat (organisme syndical, responsables syndicaux et les autres adhérents)

(Campoy et al, 2005). Elle fait l’objet de deux approches différentes : l’approche intégrative et

l’approche pragmatique. La première considère le syndicat comme le prolongement de la classe

sociale qu’il représente. Le rôle du syndicat est alors d’intégrer ses membres en vue d’en faire

des militants qui viendront défendre leurs propres intérêts contre l’entreprise. La deuxième

approche s’intéresse à la pérennité du syndicat. Elle ne propose pas simplement d’intégrer

l’individu dans la société, mais de pérenniser l’existence du syndicat. La recherche sur la

socialisation syndicale est largement influencée par les théories développées dans le cadre de la

socialisation organisationnelle, dont elle hérite également du cadre conceptuel. La préoccupation

des chercheurs a donc été de savoir comment mesurer la socialisation dans le cadre des pratiques

syndicales.

1.1.2.1. La mesure de la socialisation syndicale

Pour mesurer la socialisation syndicale trois approches ont été successivement utilisées par les

chercheurs. La première approche est essentiellement explicative. Elle cherche à identifier les

déterminants (profils et motivations des syndiqués) qui influencent la syndicalisation des

individus. Elle veut surtout comprendre les mécanismes qui font qu’un individu soit à la fois

loyal (double loyauté) vis-à-vis de l’entreprise qui l’emploi et de l’organisation syndicale qui

défend ses intérêts. Selon Campoy et al. (2005) les recherches réalisées dans ce sens révèlent des

résultats surprenants : « les individus qui se déclarent les plus satisfaits vis-à-vis de leur

entreprise sont aussi ceux qui déclarent le plus haut niveau de satisfaction à l’égard de leur

syndicat. Par ailleurs, la double allégeance est plus forte quand les relations sociales dans

l’entreprise sont riches et les salariés bien intégrés dans la communauté de travail. Enfin, les

salariés avec un haut niveau de double allégeance sont plus productifs et fréquentent plus

Page 136: Contribution de la socialisation organisationnelle au

135

assidument les réunions syndicales ». D’autres chercheurs ont utilisé l’implication syndicale

pour mesurer la socialisation syndicale. Cette évaluation est opérée à travers quatre dimensions :

la loyauté syndicale (implication affective), la volonté d’agir pour le syndicat (l’implication

calculée), le sentiment de responsabilité vis-à-vis du syndicat (l’implication normative), et la

croyance dans le syndicalisme (l’implication morale). La deuxième approche fondée sur le

processus a été adopté à la suite des travaux de Feldman (1976) et Van Maanen et Schein (1979)

sur le processus de socialisation organisationnelle. Elle s’intéresse particulièrement au début de

l’adhésion au syndicat (primo-socialisation) et mesure la façon dont le nouveau syndiqué a été

« soutenu, encouragé ou au contraire ignoré ; dans quelles mesure les buts du syndicat lui ont été

clairement expliqués ». Ces variables ont révélées des corrélations positives avec les différentes

dimensions de l’implication syndicale citées précédemment. Il faut ajouter à cette phase

d’intégration, les recherches réalisées lors du passage du statut d’adhérent à celui de militant. La

transition d’une telle frontière organisationnelle nécessitant de socialiser à nouveau le syndiqué,

afin de faciliter son ajustement au nouveau rôle. La troisième approche porte sur le contenu et

permet de mesurer le niveau de socialisation syndicale. C’est une approche récente qui n’a pas

fait l’objet de nombreux travaux, cependant elle apparait davantage comme une approche

complémentaire à la précédente, dans la mesure où elle permet d’affiner « les liens entre les

différentes dimensions de la socialisation et d’autres variables à partir des résultats obtenus par

l’approche par les processus »31.

1.1.2.2. Analyse du modèle conceptuel de la socialisation syndicale

Campoy et al (2005) proposent un modèle intégrateur de la socialisation syndicale,

comprenant les antécédents et les conséquences de la socialisation syndicale, ainsi que les liens

avec d’autres formes de socialisation.

Il faut noter que la socialisation syndicale est influencée par des variables qui relèvent à la

fois des autres formes de socialisation, des conceptions culturelles et idéologiques liées au

syndicalisme et des caractéristiques individuelles. Parmi les antécédents de la socialisation

syndicale, on note la socialisation familiale à travers le rôle socialisateur de la famille dont

l’influence peut affecter les attitudes des individus avant même qu’ils ne soient syndiqués ; il y a

aussi les proches qui constituent le plus souvent un « groupe de pression » pouvant contraindre

l’individu à se socialiser ou pas ; la croyance et l’idéologie sont considérées comme des variables

de la socialisation anticipée, car elles peuvent être développées antérieurement à toute expérience

liée au travail ou au syndicat ; l’expérience et l’ancienneté sont des indicateurs de premier plan,

31 Cité dans Campoy et al.,(2005)

Page 137: Contribution de la socialisation organisationnelle au

136

on distingue l’expérience institutionnelle (formation syndicale, procédures d’accueil formalisées,

distribution de documents) et l’expérience individuelle (rencontre avec les responsables

syndicaux, aide et soutien du syndicat) ; les caractéristiques du responsable ont aussi des effets

importants sur la socialisation syndicale puis qu’il est le premier agent socialisateur de

l’organisation, et par conséquent celui qui par son leadership, sa disponibilité et ses compétences

avoir une influence directe sur la socialisation des membres.

Les conséquences de la socialisation syndicale sont regroupées autour de deux grands groupes

variables : les variables liées à l’activité syndicale et les variables organisationnelles. Le premier

groupe comprend les attitudes et les comportements développés par les syndiqués comme,

l’implication, la participation et la citoyenneté syndicale, et la volonté de faire grève. Le

deuxième groupe se réfère aux attitudes et comportement de type organisationnel.

1.1.3. La socialisation organisationnelle dans le cadre de l’expatriation

L’expatriation des ressources humaines dans des entreprises de dimension internationales

requiert de celles-ci qu’elles socialisent à nouveau leurs membres, compte tenu des différences

culturelles et organisationnelles qui peuvent exister entre la société mère et les sociétés filiales à

l’étranger. Il s’agit d’un processus de transition interne qui peut se faire, soit de façon

hiérarchique dans le cadre d’une promotion, soit de manière fonctionnelle pour pallier à des

besoins de compétences existants dans l’entreprise de destination. Dans tous les cas, ce

processus de transition de carrière implique une adaptation particulière des individus qui fait

appel à plusieurs champs de connaissances de la socialisation organisationnelle. Dans la

littérature, l’adaptation de l’expatrié à son nouvel environnement de travail est présentée comme

un processus qui part de la maitrise du nouveau contexte culturel à l’adoption des pratiques

organisationnelles et sociales propres au contexte organisationnel.

1.1.3.1. Le processus d’adaptation de l’expatrié

Le principe d’une adaptation de l’expatrié est admis dès lors que ce dernier est confronté,

dans ses échanges au sein de l’entreprise, à des difficultés de communication ou relationnelles

rendant impossibles la collaboration dans le travail. Il est alors conseillé à l’expatrié de s’adapter

à son nouveau contexte culturel national, dans la mesure où la majeure partie de ses interactions

est réalisée avec des collègues ou des collaborateurs issus du milieu national. Il peut arriver que

l’entreprise soit composée d’un nombre important d’expatriés issus de différentes cultures. Dans

ce cas, l’adaptation ne sera plus seulement nationale, elle devient interculturelle. Pour certain

auteurs, cette adaptation peut prendre la forme d’une acculturation, c'est-à-dire d’un « processus

Page 138: Contribution de la socialisation organisationnelle au

137

par lequel les membres d’un groupe d’un milieu culturel s’adaptent à la culture d’un groupe

différents (Tung, 1993)32. En s’appuyant sur les travaux de Berry (1980) puis de Reiger et

Wrong-Reiger (1991), Tung présente une approche ou stratégie d’acculturation qui reflète

l’évolution de l’efficacité interculturelle lorsqu’elle présentée dans cet ordre : séparation,

déculturation, assimilation et intégration (ou multiculturalisme). Selon Tung (1993), l’intégration

est la stratégie d’acculturation optimale.

Figure 10. Adapté du processus d'ajustement de Reiger et Wrong-Reiger (1991)

Maintien de la culture d’origine Oui Non Oui Adoption de la culture du pays Non

Intégration

Assimilation

Séparation

Marginalisation

Source : Tung (1993)

Les quatre typologies d’acculturations décrivent des modèles qui partent des stratégies

d’interactions « hautement fonctionnelles » aux stratégies « hautement dysfonctionnelles », entre

des personnes appartenant à des cultures nationales différentes. Dans l’intégration, l’expatrié

veut à la fois maintenir sa culture et son identité d’origine et adopté la culture du pays d’accueil.

Une telle association des cultures permet une meilleure collaboration au travail, une prise de

rôles et un ajustement organisationnel plus rapide. A l’autre extrémité, la séparation constitue le

modèle d’interactions le plus dysfonctionnel entre les personnes appartenant à des cultures

différentes. Dans ce modèle, l’expatrié cherche à conserver son identité et sa culture d’origine,

tout en rejetant volontairement la culture du pays d’accueil. Un tel modèle d’interactions ne

favorise pas la collaboration au travail, mais peut au contraire générer des conflits entre les

membres de l’entreprise et freiner l’atteinte des objectifs. Entre ces deux extrêmes, nous avons

l’assimilation et la marginalisation. Dans l’assimilation, l’expatrié abandonne son identité et sa

culture d’origine pour adopter la culture du pays d’accueil. Si cette stratégie permet de

32 Cité dans Campoy et al.(2005)

Page 139: Contribution de la socialisation organisationnelle au

138

promouvoir les pratiques locales, elle n’a pas vocation à se rependre dans toute l’organisation et

peut créer des dysfonctionnements dans le cadre d’une entreprise multinationale. Enfin, la

marginalisation est la stratégie dans la quelle l’expatrié se replie sur sa culture et refuse d’adopter

la culture du pays d’accueil. Un tel modèle d’interaction conduit à l’isolement, et par conséquent

à des dysfonctionnements dans le cadre des relations de travail.

Par ailleurs, le processus d’adaptation de l’expatrié à été étudié comme relevant des

conceptions socio-affectives du processus d’adaptation interculturels. Ce processus est élaboré

sous la forme d’une courbe en U décrivant le « choc culturel » que subit l’expatrié dans le

processus d’acculturation. Selon Hofstede (1994), « le choc culturel est le résultat d’un constat

dans la pratique générale d’une culture. Le choc apparait quand la première idée qu’on se fait

sur la culture, accentuée par les apparences, a été faussée ». Le « choc culturel » peut être

appréhendé comme un sentiment négatif ressenti par l’expatrié, dans sa confrontation avec la

culture du pays d’accueil. Il est nécessaire, dans ce cas, qu’un effort de compréhension mutuel

soit instauré entre les personnes de culture différente, pour aboutir à une phase d’adaptation.

Pour cet auteur, l’acculturation est un processus d’adaptation réciproque entre les cultures qui

s’étale sur quatre phases : l’euphorie de la découverte, le choc de culture, l’acculturation et la

stabilité.

1.1.3.2. Analyse du modèle d’adaptation interculturel (Black, Mendenhall et

Oddou (1991)

En s’appuyant conjointement sur la littérature relative à l’adaptation internationale et la

littérature domestique sur les ajustements au travail, Black, Mendenhall et Oddou (1991)

développe un modèle intégrateur de l’adaptation de l’expatrié. La littérature sur l’adaptation

internationale met en évidence cinq principales catégories de variables de l’ajustement

interculturel : (1) la formation, (2) les expériences internationales antérieures, (3) les mécanismes

organisationnels de sélection, (4) les connaissances individuelles et (5) les facteurs hors travail.

Les trois premières variables concernent les actes posés par les expatriés avant de quitter leur

pays, et les deux dernières variables, une fois arrivée dans le pays d’affectation. La formation

liée au départ à l’expatriation s’est appuyée sur la revue de la littérature de Black et Mendenhall

(1990). Ces auteurs concluent à l’issue de leurs travaux que « la littérature empirique accorde un

soutien mesuré à l’affirmation selon laquelle, la formation interculturelle influence positivement

l’efficacité interculturelle.

S’agissant des expériences antérieures, il est presque normal de penser qu’une expérience

acquise dans des situations d’expatriation similaires ne peut que faciliter le processus

Page 140: Contribution de la socialisation organisationnelle au

139

d’adaptation. La sélection des candidats à l’expatriation a fait l’objet de recherches de la part de

Mendenhall et al (1987). Ces auteurs font le constat selon lequel les multinationales américaines

sont focalisées sur un seul critère de sélection dans leur recrutement de candidats : les

compétences techniques. Alors que de nombreuses études montrent que l’expérience technique

et les connaissances techniques relatives à un travail sont les deux critères le plus importants

utilisés dans la sélection des candidats à l’expatriation.

Concernant les connaissances individuelles, Mendenhall et Oddou (1985) ont catégorisés ces

connaissances en trois dimensions : (1) la dimension personnelle comprend les compétences de

l’expatrié à maintenir et renforcer son bien être psychologique, son efficacité personnelle et la

capacité à gérer le stress ; (2) la dimension relationnelle regroupe les capacités à communiquer

avec les travailleurs locaux ; et (3) la dimension perceptuelle qui comprend les capacités de

percevoir et de comprendre les comportement des travailleurs locaux. Enfin, les facteurs hors

travail suggérés par la littérature sont au nombre de deux. Le premier fait référence à la

nouveauté de la culture du pays d’accueil. Il peut arriver que l’expatrié ait du mal à s’adapter

parce que la culture locale est, soit « distante » (Church, 1982), soit parce qu’elle est difficile à

intégrer (Mendenhall et Oddou, 1985). Mais, le temps passé dans pays peut atténuer la nouveauté

de la culture. Le deuxième facteur concerne la nécessaire adaptation du conjoint et de la

famille, sans laquelle l’expatriation peut ne pas aller à son terme. Les études passées soutiennent

l’importance de ce facteur (Church, 1982 ; Mendenhall et Oddou, 1985).

La littérature domestique sur l’adaptation mobilise quatre champs de recherche dont (1) la

socialisation organisationnelle, (2) la transition de carrière et la construction de sens, (3) les

transitions de rôle au travail et (4) le changement d’adresse. Selon Black, Mendenhall et Oddou

(1991), la littérature sur la socialisation et la transition de rôle au travail est surtout focalisée sur

les formes d’adaptations comme centre d’intérêt, tandis que la littérature sur le changement et la

construction de sens est focalisée sur le niveau d’adaptation. La socialisation organisationnelle

s’intéresse au processus d’adaptation à travers deux champs de recherche : (1) les étapes de la

socialisation et (2) les tactiques de socialisation et les réponses individuelles aux efforts de

socialisation.

Le premier champ sur les étapes a montré qu’une socialisation anticipée complète et précise,

facilite et accélère l’adaptation (Fischer, 1986) ; la maitrise des taches relatives au travail et des

relations sociales diminue les tensions de rôle, tout en facilitant l’adaptation dans la seconde

étape ; et dans la troisième étape l’adaptation est facilitée lorsque l’individu adopte les normes et

les valeurs de la nouvelle organisation.

Page 141: Contribution de la socialisation organisationnelle au

140

Le second champ de la socialisation porte sur les effets des tactiques de socialisation sur les

nouvelles recrues. Lorsque ces tactiques sont institutionnalisées, elles favorisent la réplique de

rôle et quand elles sont individualisées, elles encouragent l’innovation dans le rôle. La littérature

sur les transitions de carrière et la construction de sens se réfère aux travaux de Louis (1980).

Pour cet auteur, « les anticipations et les expériences dans le rôle servent de guide pour la

sélection du comportement et pour l’interprétation des évènements. Lorsque ces anticipations

s’avèrent fausses, il y a des surprises ». Cette situation conduit l’individu à reconsidérer

mentalement ses anticipations sur le nouveau rôle, et à donner un sens à la nouvelle situation.

L’expatrié est soumis à cette forme d’adaptation anticipative, qui a lieu avant son adaptation

dans le pays d’accueil (, Black, Mendenhall et Oddou, 1991).

La littérature sur la transition de rôle au travail est dominée par les travaux de Nicholson

(1984), et de Dawis et Lofquist (1984). Ces auteurs s’intéressent aux variables qui influencent la

façon dont un individu s’adapte lorsqu’il change de rôle. Dawis et Lofquist identifient deux

modes d’adaptation : une adaptation active et une adaptation réactive. L’adaptation active peut se

faire en changeant la situation, alors que l’adaptation réactive se fait par rapport à des

changements individuels. Dans le même ordre d’idées, Nicholson compose une matrice à double

entrée identifiant quatre modes d’adaptation : (1) la réplique, recouvre ni de changement de

situation, ni personnel, (2) l’intégration, nécessite un changement personnel, mais pas de

changement de situation, (3) la détermination reflète un changement de situation, mais pas de

changement personnel, et (4) l’exploration requiert à la fois un changement personnel et de

situation. Le premier ensemble d’antécédents aux modes d’adaptation est la flexibilité de

l’environnement de travail, et le second ensemble est composé des tactiques de socialisation

empruntées à Van Maanen et Schein (1979). Selon Nicholson, les tactiques séquentielles et en

série, et qui impliquent un désinvestissement poussent l’individu à se changer personnellement,

alors que les tactiques non séquentielles et disjointes qui impliquent un désinvestissement

conduisent les individus à changer certains aspects de leur rôle. La littérature sur le changement

d’adresse et ses conséquences repose sur les travaux de Bret (1980) qui traitent de la réduction

de l’incertitude dans des situations de changement d’adresse. Selon l’auteur, le conflit de rôle,

l’ambigüité de rôle, la nouveauté de rôle et la nouveauté de l’environnement de travail

influencent négativement l’adaptation après un changement d’adresse.

Page 142: Contribution de la socialisation organisationnelle au

141

1.2. Les développements en marketing

En marketing, la socialisation organisationnelle a fait l’objet de nombreuses recherches dans

des domaines tels que la socialisation du comportement de l’enfant-consommateur, la

socialisation organisationnelle du client et la socialisation organisationnelle du fournisseur.

1.2.1. La socialisation de l’enfant-consommateur

Elle à fait l’objet d’une synthèse portant sur vingt cinq ans de recherche réalisée par Roedder

John (2001). L’auteur s’intéresse particulièrement aux liens qui peuvent exister entre la

socialisation du consommateur et son âge, avec pour objectif de décrire ce que les enfants savent

et comment ils raisonnent en tant que consommateur. Pour cela, Roedder john (2001) développe

un schéma conceptuel sur la socialisation du consommateur fondé sur l’hypothèse que la

socialisation du consommateur progresse par une série d’étapes qui couvrent la période de la

petite enfance jusqu'à l’adolescence. Ensuite, elle réalise une synthèse des études empirique sur

le développement des connaissances du consommateur, les savoir-faire, et les motivations chez

l’enfant qu’elle adapte à son schéma conceptuel. Enfin, elle définit les implications qui sont

susceptibles de conduire à des développements empiriques et théoriques sur la socialisation.

Cette synthèse montre que l’enfant est un consommateur qui dès son plus jeune âge fait

l’apprentissage de son rôle de consommateur et que cette accumulation de connaissances et de

savoir-faire dicte ses comportements futurs. La socialisation du consommateur permet donc à

l’entreprise d’avoir un « aperçu unique » des croyances et des comportements de ce segment de

consommateurs important. Elle est de ce point de vue un outil indispensable pour le marketing.

1.2.2. La socialisation organisationnelle du client

Elle est étudiée dans le cadre de l’entreprise de service. Kiane Goudourzi (2006) montre

qu’en considérant le client comme un « membre éphémère » de l’organisation, à cause de son

implication dans la production de services (servuction), ce dernier vit une « expérience de

service » qui aboutie à une relation de service globale dans laquelle, l’entreprise et ses clients

sont en interaction. Cette relation est selon l’auteur « socialement inscrite », puisque le client

intègre «un univers social dans lequel il joue un rôle ». Il est donc nécessaire que le client

reçoive une formation qui lui permettra d’être efficace dans la relation de service avec

l’entreprise.

Page 143: Contribution de la socialisation organisationnelle au

142

1.2.3. La socialisation organisationnelle du fournisseur

La socialisation organisationnelle a été abordée du point de vue des fournisseurs. Certains

auteurs (Chang et Gotcher, 2008 ; Cove et Jallat, 2005 ; Hakansson et al, 1999) soulignent

l’intérêt d’assimiler les fournisseurs aux valeurs et normes des distributeurs afin d’améliorer les

procédures techniques liées à l’approvisionnement et d’apporter une valeur ajoutée plus

importante au client. Dans le même esprit, Machat (2010) appréhende la socialisation du

fournisseur comme une variable de segmentation du portefeuille fournisseur régional d’une

enseigne de distribution. L’auteur suggère qu’une approche différente de la socialisation des

fournisseurs constitués de façon homogène, apporte une valeur supplémentaire au distributeur,

qui peut proposer à ses clients une offre différente grâce au complément d’assortiment régional

tout en s’assurant une marge confortable. Cette socialisation du fournisseur peut être

appréhendée de façon séquentielle sur quatre étapes : (1) l’intégration des normes techniques, (2)

la connaissance du rôle du fournisseur, (3) la connaissance de l’enseigne et (4) l’intégration

sociale (valeurs, culture).

En définitif, nous pouvons dire que les différents développements réalisées sur le concept de

socialisation en GRH et en marketing, montrent que la socialisation organisationnelle est outil de

gestion qui permet d’apporter de la valeur à la relation que l’entreprise entretient avec ses

employés, ses clients ou ses fournisseurs. Ils permettent aussi de constater que la socialisation à

l’organisation peut être appliquée à des personnes de nature et de statut différents, qui sont liées

à l’entreprise par un contrat de travail ou par une simple relation commerciale. Cette approche

parait intéressante pour le management des forces de vente externalisées, et particulièrement

pour la gestion des vendeurs indépendants.

1.3. Les développements en entrepreneuriat

1.3.1. Les fondements de la socialisation entrepreneuriale

La socialisation entrepreneuriale est définie comme « un processus historique

d’apprentissage, d’intégration et de positionnement social par lequel un individu se prépare à

remplir des rôles entrepreneuriaux, c'est-à-dire des rôle liés à l’imagination, le développement et

la réalisation de la vision créatrice de la valeur et d’activité » (Pailot, 2003). Selon l’auteur, la

socialisation entrepreneuriale est une « forme de socialisation professionnelle qui articule deux

transactions placée dans une relation d’interaction » : une transaction biographique permettant au

futur entrepreneur d’envisager la construction de son avenir professionnelle (héritage et/ou

développement d’un capital social, culturel, économique et symbolique), et une transaction

relationnelle qui procède de la reconnaissance et de la légitimation symbolique et économique

Page 144: Contribution de la socialisation organisationnelle au

143

que les « stakeholders » (actionnaires) lui accorde. Pour Pailot, la combinaison transactionnelle

évoquée contribue à la formation de l’identité professionnelle (domaine de l’emploi et de

l’activité économique), sociale (statut social) et personnelle (définition de soi) du futur

entrepreneur. Cette conception « bipolaire » de la socialisation entrepreneuriale suscite une

analyse des deux transactions définies par l’auteur.

La première implique de considérer deux facteurs essentiels pour appréhender le processus de

socialisation de l’entrepreneur : le facteur spatial et le facteur temporel de la socialisation. Le

facteur spatial se réfère aux différents espaces de socialisation (famille, système scolaire, le

monde du travail, les cercles relationnels) par lesquels l’individu hérite ou développe des

connaissances, des aptitudes et des compétences qui peuvent l’aider à passer à l’acte

entrepreneurial. Le facteur temporel permet d’appréhender la socialisation entrepreneuriale

comme une « opération d’agencement séquentielle » formalisée par une succession d’étapes qui

définissent les acquis nécessaires qui permettent d’apprécier l’aboutissement de l’acte

entrepreneurial, c’est à dire la formation d’une organisation. Cette évolution est décrite dans le

modèle de socialisation de Starr et Fondas (2002) que nous analyserons dans le paragraphe

suivant.

La seconde met en évidence la caution nécessaire des actionnaires et leur soutien à l’acte

entrepreneurial. Elle souligne l’évolution du concept d’entrepreneur socialisé, depuis le modèle

de l’entrepreneur capitaliste développé par Schumpeter (1912) jusqu'à l’entrepreneur tel qu’il est

perçu aujourd’hui. En effet, dans la conception schumpétérienne, l’entrepreneur est un agent

économique qui se distingue des autres individus par sa capacité à innover et à créer des activités

qui améliorent le fonctionnement et l’évolution de l’économie. Dans ce contexte l’entrepreneur

est un acteur majeur de l’économie, puisqu’il est le principal et l’unique détenteur du capital et

ses comportements sont le reflet de la société dans laquelle il est inséré. Il est un acteur socialisé

aux normes et valeurs de la société capitaliste dans laquelle il tient un rôle et des fonctions de

choix (Boutillier et Uzunidis, 2002). Mais de nos jours, cet entrepreneur héroïque a disparu,

entrainé par la socialisation de l’économie (Ziel, 1999 ; Boutillier et Uzunidis, 2002), c'est-à-dire

la détention des moyens fondamentaux de production des biens et services par un nombre

important d’acteurs (le marché). La socialisation de l’économie procède de l’éclipse de

l’entrepreneur au profit des grandes firmes. Les managers et les actionnaires prennent la place de

l’entrepreneur dans la conduite de l’entreprise. L’entrepreneur est réduit à suppléer les

manquements de la grande entreprise, notamment, dans la prise de risque de projet innovant, ou

dans « l’absorption des reflues du salariat » (Boutillier et Uzunidis, 2014). Selon ces auteurs, le

Page 145: Contribution de la socialisation organisationnelle au

144

fonctionnement du système est garanti par l’Etat qui, en tant que protecteur des valeurs et

normes du jeu économique, tient le rôle d’un agent socialisateur.

La socialisation de l’entrepreneur s’inscrit désormais dans les rapports de production que les

petites entreprises entretiennent avec les grandes firmes. Ces rapports dominés par les grandes

entreprise, permettent de distinguer deux types principaux de socialisation de la production :

l’entrepreneur socialisé proactif, innovant qui possède un haut niveau de qualification et qui

opère dans la haute technologie, et l’entrepreneur socialisé réactif, peu qualifié et routinier qui se

contente de créer son propre emploi (Ziel, 1999). Dans le même ordre d’idées, Boutillier et

Uzunidis (2000, 2002, 2014) voient dans le concept d’entrepreneur socialisé une fonction sociale

qui est définie en fonction du rôle que l’individu tient dans l’économie et la place qu’il occupe

dans la division sociale du travail. Ils identifient trois types d’entrepreneurs : (1) l’entrepreneur

technologique est un individu hautement diplômé qui cherche à tirer profit des opportunités

qu’offrent les nouvelles technologies, comme la micro informatique ou le marché de l’internet ;

(2) l’entrepreneur de proximité est un individu moyennement diplômé dont la fonction est de

recréer le lien social rompu par le chômage. Son action se limite au marché local et à une

clientèle bien ciblée ; (3) l’entrepreneur traditionnel est un individu peu diplômé, mais qui

dispose de quelques compétences professionnelles lui permettant d’exercer dans des domaines

tels que le commerce de détail, l’artisanat, la sous-traitance ou la franchise dans une grande

entreprise. Selon les auteurs, l’apparente autonomie dont semble se prévaloir l’entrepreneur

dans son fonctionnement, obéit en réalité à certaines règles qui sont déterminées par les règles du

jeu économique (loi du marché, concurrence, enrichissement personnel). Dès lors, on comprend

la position du travail indépendant, juridiquement indépendant mais très dépendant sur le plan

économique.

1.3.2. Analyse du modèle de socialisation entrepreneuriale

Starr et Fonda (2002) ont développé un modèle de socialisation de l’entrepreneur qui s’appuie

sur le cadre théorique de la socialisation organisationnelle, notamment sur les travaux de Fisher

(1986). Le modèle reflète le passage à l’acte entrepreneurial d’un néophyte dans la création

d’une entreprise. Il suggère également les facteurs qui influencent la transition de la pré-

organisation à la nouvelle organisation.

Le modèle de socialisation entrepreneurial identifie deux phases qui conduisent le néophyte à

créer une entreprise. La phase de la socialisation anticipée et la phase de la nouvelle socialisation

de l’entrepreneur. La première phase comprend les expériences antérieures et les apprentissages

Page 146: Contribution de la socialisation organisationnelle au

145

qui préparent un individu à intégrer une organisation (Feldman, 1976 ; Fisher, 1986). Il s’agit des

diverses prédispositions qui précèdent la décision de devenir entrepreneur. Dans son modèle

conceptuel de choix de carrière, Bird (1989) distingue des variables telles que les caractéristiques

personnelles, les aptitudes, les compétences et la situation sociale comme autant de facteurs qui

influencent le choix d’un métier dans la perspective de devenir entrepreneur. Le modèle fait

également état des sources d’informations qui informent tous ceux qui aspirent devenir

entrepreneur au sujet des exigences qui sont liés au métier choisi. Selon les auteurs, il n’existe à

proprement parler de sources fiables dans la littérature, néanmoins il est possible dans ce

contexte d’étudier les liens qui existent entre les pré- déterminants de la carrière d’entrepreneur

et les changements d’attitudes et comportements qui résultent de « l’apprentissage des ficèles »

du rôle de l’entrepreneur.

La seconde phase est un processus de socialisation entrepreneurial dans lequel trois facteurs

principaux se combinent pour influencer le passage de la décision de devenir entrepreneur à la

création d’une entreprise : les motivations de base de l’individu, les agents socialisants, et la

structure du contexte dans lequel l’organisation est initiée. La motivation fait référence à

certaines dispositions internes à l’individu qui peuvent le pousser à agir dans le sens de la

création d’une entreprise. Cette motivation réside dans la capacité de l’individu à préserver ses

intérêts et par conséquent à s’engager dans les projets qui correspondent à ses valeurs. Elle

transparait aussi dans la personnalité de l’individu et surtout dans le sentiment qu’a ce dernier

d’être compétent pour y parvenir. Starr et Fondas, soulignent que le sentiment de réussite

personnel est une source de motivation importante dans la création et la conduite de certains

projets, comme par exemple la création d’une « startup » (jeune entreprise). Enfin, la motivation

peut être décelée dans la faculté à maitriser l’anxiété et le stress, ou la sensibilité aux

récompenses et aux sanctions. Les agents socialisants désignent toutes les personnes qui

interagissent avec le potentiel entrepreneur dans la construction de son rôle dans la société. Starr

et Fondas compte parmi ces agents, la famille, les amis, les banquiers, les fournisseurs et tous les

autres membres du monde des affaires. Selon les auteurs, cette influence dépend de la fréquence

des contacts, du pouvoir de récompense de l’agent, de sa légitimité et son expertise, de la

congruence entre les attentes de l’agent socialisant et celles du socialisé. Le contexte structuré du

cadre entrepreneurial se réfère à la façon dont le contexte structurel donne forme à l’expérience

de socialisation de la nouvelle recrue. Les tactiques de socialisation développées par Van

Maanen et Schein (1979) fournissent un cadre conceptuel qui permet de décrire et les différentes

expériences auxquelles une nouvelle recrue peut faire face lorsqu’il intègre une nouvelle

position.

Page 147: Contribution de la socialisation organisationnelle au

146

Pour Starr et Fondas, la perception traditionnelle de l’entrepreneuriat est qu’elle est un

processus isolé et individuel. L’expérience entrepreneuriale est essentiellement acquise à travers

le travail réalisé dans des jeunes entreprises, même s’il existe des organismes capables de fournir

une expérience formelle. Les auteurs notent enfin que la littérature entrepreneuriale ne fourni pas

de façon précise des expériences relatives aux tactiques d’investissement vs désinvestissement et

en séquentielle vs non séquentielle. Cependant, comme l’affirme Verstraete (1997), la

socialisation de l’individu est contextuelle. Les processus de socialisation sont fonctions des

contextes dans lesquels ils se produisent. Ils définissent pour l’individu un réseau social dans

lequel il va se positionner, construire son identité et son rôle. Ainsi, selon Starr et Fondas, le

véritable succès de la socialisation entrepreneuriale est la création d’une entreprise, alors qu’un

échec du processus est perceptible dans la discontinuité de l’organisation ou sa disparition.

2. Le management des forces de vente : une lecture à partir du concept de socialisation organisationnelle

L’analyse de la littérature autour des concepts de socialisation organisationnelle et du

management des forces de vente a permis de mettre en évidence un fondement conceptuel

commun reposant sur la notion de contrôle. Il s’agit d’un contrôle qui porte sur les individus et

dont la finalité est d’influencer les comportements des acteurs de l’organisation dans le sens

attendu par cette dernière (Langevin et Naro, 2003).

Cette section a pour objectif de mettre en évidence les éléments fondamentaux du

management des forces de vente correspondant aux principaux mécanismes de contrôle

mobilisés par la socialisation organisationnelle. Il apparaît que le management des forces de

vente met en œuvre un ensemble de pratiques qui peuvent être étudiées par le biais de la

socialisation organisationnelle. Ces pratiques ont été recensées à partir d’une revue de la

littérature réalisée sur la socialisation organisationnelle et le management des forces de vente,

complétée par une étude préliminaire réalisée auprès des acteurs de la force de vente.

Nous cherchons d’abord à mettre en évidence que de nombreuses pratiques existant dans le

concept de socialisation organisationnelle, sont aussi utilisées en management des forces de

vente. Ensuite, nous proposons de dresser une grille de recueil de données qui répertorie les

éléments de la socialisation organisationnelle contenus dans le management des forces de vente.

Page 148: Contribution de la socialisation organisationnelle au

147

2.1. La socialisation organisationnelle : un dispositif du contrôle social

La socialisation organisationnelle est considérée comme un moment important

d’apprentissage qui permet aux nouveaux vendeurs d’internaliser les valeurs de l’entreprise et les

bonnes pratiques (Campoy et al, 2005). Selon ces auteurs, « elle initie le processus de

développement d’un système de contrôle informel, à savoir le contrôle par le clan, le contrôle

culturel et l’autocontrôle particulièrement important pour les salariés autonomes ».

Nous présentons dans un premier temps les bases théoriques du contrôle social, en s’appuyant

sur la typologie de Ouchi (1979 ; 1980) (2.1.1). Ensuite, nous présentons les théories qui sous-

tendent cette approche de la socialisation comme dispositif du contrôle social (2.1.2).

2.1.1. Les fondements théoriques du contrôle social : le contrôle par le clan

A l’origine, le contrôle social désignait l’ensemble des mécanismes qui permettaient à une

société de maintenir une relative cohésion sociale. Il englobait en particulier le processus de

socialisation. Les travaux de l’école de Chicago dans les années 1920 (R. PARK et E. BURGESS),

vont appuyer sur cette conception du contrôle social pour leur objet d’études, notamment sur la

délinquance dans les grandes villes des immigrés de la seconde génération. Cette conception très

large du contrôle a cédé la place à une conception plus restrictive dans les années 50, avec les

travaux de T. Parsons, qui définit le contrôle social comme l’ensemble des moyens (sanctions

positives et négatives) utilisé par une société, pour prévenir et corriger les comportements

déviants (aspects complémentaires de la socialisation).

Selon Grima (2002), le contrôle social ou contrôle par le clan est l’une des modalités du

contrôle définit par Ouchi (1979) dans sa typologie. Il est envisagé lorsque les deux premiers

modes de contrôle définis par l’auteur (le marché et la bureaucratie) ne peuvent être mis en

œuvre, et surtout se révèlent incapable à assurer la cohésion au sein de l’organisation. En effet,

selon l’auteur la cohésion d’une firme repose sur le respect absolu de deux principes qui

caractérisent son fonctionnement, la « réciprocité et l’équité ». Ces principes sont mis en œuvre

dans la gestion des coûts de transaction. Pour Ouchi (1980), « un coût de transaction est

n’importe quel activité qui vise à rendre possible un échange interne entre les différentes parties

prenantes, de telle sorte que la valeur donnée et reçue dans la réalisation de la transaction soit

conforme aux attentes de chacun ». Ce contrôle à lieu à travers trois mécanismes qualifiés de

modes de contrôle dans la typologie de Ouchi (1979) : (1) le mécanisme de marché (contrat

reposant sur le prix), (2) le mécanisme bureaucratique (contrat formel prévoyant des formes de

contrôle, surtout le contrôle par la hiérarchie), et (3) le mécanisme de clan (avec le remplacement

Page 149: Contribution de la socialisation organisationnelle au

148

du contrôle formel par une culture commune qui assure la convergence des intérêts individuels et

ceux de l’entreprise. Selon Grima (2002), ces mécanismes constituent des principes généraux

dont « la mise en œuvre nécessite l’existence de pré-requis sociaux normatifs et informationnels

propres à chacun et viennent compléter l’exigence de réciprocité ».

Le mécanisme de marché fonctionne sur la notion d’efficience et de minimisation des coûts,

et considère le prix comme le principal mode de régulation de l’échange (Togodo Azon, 2014).

L’information nécessaire est disponible sur le marché et les acteurs peuvent accéder de façon

équitable à celle-ci. Il existe donc un équilibre « instantané » entre la contribution et la

rétribution des acteurs, ce qui rapproche ce marché à un marché parfait. Dans un tel marché,

l’activité de contrôle est presque nulle33. Tout au plus, un système de sanction est mis en place

pour dissuader les éventuels fraudeurs. Mais ce système de contrôle connait des limites, d’abord

parce que la notion de marché pur et parfait n’est qu’une vue d’esprit, et qu’elle n’existe que

dans la théorie34. Ensuite parce que, comme le précise Ouchi, « le cadre de l’échange contractuel

fixé par le marché ne garantit pas la satisfaction des acteurs dans un contexte d’incertitude

élevée ». Ainsi, l’opportunisme des acteurs demeure. Dès lors, il convient de trouver un autre

mode de contrôle, et la bureaucratie apparait comme le système le plus à même d’assurer la

cohésion de l’organisation.

La bureaucratie, encore considérée comme un contrôle par les règles suppose un processus

combinant, un contrôle ex ante ou « contrôle du comportement permettant de guider et de diriger

le personnel », et un contrôle ex post ou « contrôle des résultats utilisant des mesures de

performance pour homogénéiser les comportements ». Pour Ouchi (1980), ce mode contrôle

témoigne de l’échec de la régulation par le marché, et se propose de répondre aux insuffisances

de ce dernier. En effet, la différence fondamentale entre ces deux modes de contrôle réside dans

le fait que la bureaucratie reconnait l’existence d’une autorité qui régule le travail des membres

de l’organisation. La légitimité de l’autorité est assurée par les règles organisationnelles, et

confère à celle-ci le rôle de garant de la réciprocité. Ouchi (1980) considère que « ces

caractéristiques permettent à la bureaucratie de pallier les insuffisances du marché ». Cependant,

si la légitimité de l’autorité hiérarchique permet de réduire les tendances opportunistes, certaines

ambigüités liées à l’évaluation de la performance peuvent s’avérer extrêmement difficile à mettre

en œuvre, et délégitimé l’autorité hiérarchique. Pour Ouchi, dans un contexte d’incertitude

élevée, lorsque le prix et la hiérarchie ne sont plus possibles en tant que garantie de l’honnêteté

33 Bouquin, 1988 34 Akerlof, 1970

Page 150: Contribution de la socialisation organisationnelle au

149

des parties, la réciprocité ne peut être obtenu que grâce à une socialisation poussée des membres

de l’organisation ».

Le contrôle par le clan repose sur une culture organisationnelle forte qui permet aux parties

prenantes de s’éprouver mutuellement, et de vérifier qu’elles partagent une même vision sur la

manière de concevoir la réalité de la firme (Grima, 2002). La convergence des objectifs de la

firme et ceux des salariés, témoigne d’un niveau de congruence élevé. Les acteurs peuvent

positivement anticiper sur les décisions et les actions concernant les autres, ce qui contribue à

réduire l’opportunisme. L’instauration d’une confiance partagée permet de croire que la

réciprocité est réelle. Pour Ouchi (1980), le clan constitue le mode de contrôle qui permet

d’assurer la cohésion de la firme dans un contexte plus incertain. Cependant, l’auteur ne confère

pas une efficacité absolue à ce mode de contrôle. Il peut exister des insuffisances, notamment si

la sélection et la formation présentent des défaillances. Selon l’auteur, de telles défaillances

engendrent un opportunisme qui peut être destructeurs.

Dans le même ordre d’idées, Langevin et Naro (2003) soulignent, dans leur revue de la

littérature Anglo-saxonne sur le contrôle et les comportements, que « l’existence de

comportements dysfonctionnels et donc le besoin d’un contrôle des individus à trois causes

possibles. Premièrement, les individus peuvent ne pas connaitre précisément ce qui est attendu

d’eux. Deuxièmement, les individus peuvent être motivés à prendre des décisions différentes de

celles que l’organisation souhaiterait. Troisièmement, les individus peuvent ne pas avoir les

compétences, qualités ou connaissances requises pour prendre les bonnes décisions ». Pour

assurer ce contrôle, les organisations ont le choix entre trois modes de contrôle : le contrôle des

résultats, le contrôle des comportements, et le contrôle social. Les deux premiers modes sont

adaptés à des situations prévisibles, alors que le dernier « assures, par la socialisation

l’alignement de l’intérêt des salariés avec celui de l’organisation, induisant un fort degré

d’implication, et rendant donc inutile toutes les autres formes de contrôle reposant sur la

surveillance et/ou la mesure à postériori des comportements et des résultats ».

En effet, la notion de contrôle social procède de la socialisation et désigne « l’ensemble des

pratiques sociales, formelles ou informelles, qui tendent à produire et à maintenir la conformité

des individus aux normes de leur groupe social ». Dans l’entreprise, elle concerne les valeurs

partagées et l’influence mutuelle des membres d’un groupe social (Langevin et Naro, 2003).

Selon ces auteurs, le contrôle social repose en réalité sur plusieurs processus qui relèvent du

management des ressources humaines (recrutement, sélection, formation des membres de

l’organisation), des processus liés au style de management de l’organisation (participation et

Page 151: Contribution de la socialisation organisationnelle au

150

implication des membres), des facteurs composant les variables culturelles de l’organisation

(mythes, symboles, rites) et des mécanismes de socialisation extérieurs ou anticipée (formation

avant l’entrée dans l’organisation).

Selon Campoy et al. (2005, p.363), la volonté d’assurer un contrôle efficace des activités de

vente, face à l’indépendance du vendeur et de répondre aux exigences de sa position aux

frontières de l’entreprise ; et, la prise de conscience par les chercheurs qu’un « contrôle trop

étroit nuirait à la qualité des relations de l’entreprise avec ses clients », a nécessité la définition

de trois « systèmes de contrôle hybrides fondés sur les résultats et les comportements» : le

contrôle par les résultats, le contrôle par les comportements, et le contrôle par la socialisation.

Ces modes de contrôle ont été développés par Ouchi (1979, 1980), dans le cadre du contrôle

organisationnel.

2.1.2. Le contrôle par la culture et les normes sociales

La culture d’entreprise constitue, de par les valeurs, les mythes, les rites et les tabous que

partagent des individus au sein d’un groupe social, un levier de contrôle important. Peters et

Waterman (1983) précisent que « plus cette culture est solide, et plus elle est dirigée vers le

marché, moins les précis de politique, les organigrammes, ou les procédures et les règles sont

nécessaires ». La culture d’entreprise reflète donc les règles de fonctionnement d’une

organisation, sa manière d’agir et de réagir face aux problèmes qui se posent à elle. Elle peut être

développée dans les départements de l’entreprise et prendre la forme d’une sous-culture. De nos

jours, la sous-culture la plus connue dans l’entreprise est la culture commerciale. Pour Darmon

(2012), le développement d’une culture commerciale forte constitue un levier important du

contrôle de la qualité des efforts que les vendeurs sont appelés à fournir. Ce contrôle doit

s’affirmer dans les pratiques de management qui « recherchent la satisfaction des vendeurs, le

pilotage équitable et le maintien d’un climat éthique » dans les organisations de vente. Selon

l’auteur, la satisfaction des vendeurs est une norme à respecter, car un vendeur insatisfait ne peut

pas être performant et risque de quitter l’entreprise (Brown et Peterson, 1994 ; Bagozzi, 980). De

même que le traitement équitable des vendeurs, relativement aux rémunérations qu’ils pensent

avoir droit et qu’ils ne perçoivent pas ou les traitements différenciés perçus par les vendeurs,

sont des pratiques qui peuvent annihiler les efforts que les vendeurs consentent à leurs activités.

Enfin, l’application stricte des règles d’éthique dans une force de vente, peut contribuer à

modifier la perception que les vendeurs ont du climat éthique et « favoriser la qualité de leurs

efforts et de leur implication organisationnelle » (Lavorata, 2009 ; Weeks et al, 2004). Cette

Page 152: Contribution de la socialisation organisationnelle au

151

perception est plus forte chez les vendeurs externalisés que chez des vendeurs intégrés (Lavorata,

2004 ; Lavorata et Leroux, 2006).

La culture peut aussi servir à la coordination des activités d’une organisation ; selon Fayol

(1916) la coordination est le fait d’harmoniser les efforts et les travaux des individus dans

l’ensemble, est un concept fondamental dans le management des organisations. Si dans sa

conception le terme conserve son sens premier, fort est de constater que sa mise en œuvre dans

les organisations a nécessairement évolué. Pour Mintzberg (1990) cette évolution se justifie par

le fait que toutes les organisations ne sont pas semblables. Selon l’auteur, il n’est pas réaliste que

les mêmes règles soient appliquées à des entités, certes identiques par leur forme, mais qui

présentent des fonctionnements différents. Il dresse à cet effet une classification de sept types

d’organisations en combinaison les attributs de base (les parties composantes, les mécanismes de

coordination, leur travail, les systèmes de pouvoir et leur contexte) permet de dégager sept

configurations organisationnelles. (Cf. tableau).

Selon Mintzberg, le point commun à ces organisations est l’idéologie (la culture), mais cette

idéologie peut, à un moment donné, apparaitre si forte « qu’elle peut être utilisée pour jouer le

rôle d’un mécanisme nécessaire de coordination, à la place des mécanismes plus conventionnels

tels que la supervision directe ou la standardisation des procédés de travail, des résultats ou des

qualifications ». Le rôle tenu par l’idéologie est semblable à celui d’une configuration que

l’auteur qualifie de configuration missionnaire. Cette organisation repose, avant tout, sur la

mission et utilise la standardisation des normes, la sélection, la socialisation et l’endoctrinement

comme moyen de coordination.

Par analogie, la force de vente qui représente l’organisation commerciale de l’entreprise peut

se référer à un tel modèle d’organisation, si tant est que l’organisation s’engage à instaurer une

culture commerciale forte. Cette culture devrait favoriser l’identification des vendeurs à leur

mission et faciliter la coordination de leurs activités au moyen de la socialisation. La mission de

la force de vente peut être appréhendée à travers les activités et les objectifs de vente qui lui sont

confiés par l’entreprise. Cette mission s’articule autour de trois grandes sous-missions. La

première mission concerne la communication et renferme toutes les tâches qui consistent à

établir une relation de confiance avec le client, mais aussi celles qui permettent de le conserver.

Il s’agit par exemple, d’entretenir une relation étroite avec le client, par des visites de courtoisie,

de l’informer sur l’entreprise et les évènements qui la concerne afin de lui prouver qu’on

s’intéresse à la lui. La deuxième mission se réfère à la vente proprement dite et à toutes les

activités d’avant et d’après-vente. L’avant-vente concerne essentiellement l’activité de

Page 153: Contribution de la socialisation organisationnelle au

152

prospection qui consiste à rechercher de nouveaux clients. Cette activité est importante pour

l’entreprise, car elle permet le renouvellement du portefeuille client. La vente est matérialisée par

la présentation commerciale et la négociation qui permettent de convaincre le prospect d’acheter

et de devenir client de l’entreprise. L’après-vente concerne elle, le suivi clientèle et de façon

générale sa fidélisation. La troisième mission est consacrée à la remontée des informations

disponibles sur le marché vers la hiérarchie. Les informations collectées par les vendeurs sont

réputées être plus conformes à la réalité de terrain et permettent une meilleure prise de décision.

La mission joue donc un rôle catalyseur, celui de permettre à l’organisation d’atteindre son but,

c'est-à-dire le client. Les vendeurs peuvent évoluer vers cet objectif majeur en s’appuyant sur les

normes établies dans l’organisation par le moyen de la socialisation.

De façon générale, la socialisation organisationnelle favorise la rétention des nouveaux

vendeurs dans la mesure où ces derniers sont sensibles à la culture de l’entreprise. Il est

indispensable que le management crée une forte identification des vendeurs à leur entreprise,

pour que ceux-ci se sentent valorisés, à la fois dans leur entreprise et dans leur milieu

professionnel. La réputation d’une force de vente repose aussi sur une identité sociale forte des

vendeurs (ex : les vendeurs de Xéros dans la bureautique). Lorsque cette réputation est bonne,

elle permet d’attirer et de retenir les bons vendeurs. Mais, dans tous les cas l’identification des

vendeurs à leur entreprise n’est possible que si ces derniers sont satisfaits dans leur travail. Les

entretiens exploratoires que nous avons réalisés auprès des vendeurs indépendants ont montré

que ces derniers s’identifiaient à leur entreprise, et avaient une meilleure opinion d’elle, dès lors

qu’ils étaient satisfaits dans leur travail.

2.2. La socialisation organisationnelle, vecteur de régulation sociale dans la force de vente

L’analyse du management des forces de vente sous l’angle de la socialisation

organisationnelle, nous permet de mettre en évidence le passage d’un contrôle basé sur les

résultats et/ou sur les comportements, à un contrôle fondé sur le management des ressources

humaines.

Nous présentons dans cette partie les différentes articulations de ce contrôle à travers les

travaux disponibles dans la littérature. Nous nous appuyons dans un premier temps sur les

pratiques de gestion de ressources humaines dans les forces de vente travaux (2.2.1), avant

d’analyser la contribution de Dubinsky et al (1986) (2.2.2).

Page 154: Contribution de la socialisation organisationnelle au

153

2.2.1. Les pratiques des ressources humaines des forces de vente

Plusieurs travaux portant sur le management des ressources humaines, et sur le management

des forces de vente en particulier confèrent aux pratiques des ressources humaines dédiées à

l’entrée dans l’organisation (recrutement et formation), un rôle prépondérant sur la nature des

ressources humaines que l’entreprise souhaite avoir pour fonctionner harmonieusement.

§ La sélection et le recrutement

Le recrutement et la sélection sont considérés comme des déterminants importants de la

socialisation de l’individu à l’organisation (Feldman, 1976 ; Wanous, 1980). Ils constituent un

« filtre » nécessaire au processus d’entrée dans une organisation. Dans la littérature consacrée au

management des forces de vente, l’idée d’un contrôle est actée à priori, dès le recrutement et la

sélection des candidats-vendeurs. Il consiste à retenir, sur la base de critères préalablement

définis, les profils qui présentent les meilleurs espoirs de résultats. Dans ce contexte, la

socialisation anticipée propose une lecture pertinente de la sélection et du recrutement. Cette

conception du contrôle par la socialisation est appréhendée à travers les concepts de réalisme et

d’adéquation individu/travail, dont l’intérêt, dans le recrutement, est de vérifier que les qualités

et les compétences d’un individu sont compatibles avec les caractéristiques du poste à pourvoir.

Certaines études réalisées sur la gestion de l’opportunisme du partenaire, ont montré que l’intérêt

d’un tel système de contrôle réside sur le choix des critères de sélection du partenaire et leur

pertinence (Wathne et Heide, 2000).

Ainsi, pour vérifier que le vendeur possède bien les compétences et les capacités appropriées

pour accomplir avec succès les taches qui relèvent de son activité, et au niveau organisationnel

pour s’assurer que le vendeur et l’entreprise partagent les mêmes besoins et les mêmes valeurs

(Feldman, 1981). La recherche d’une telle compatibilité est essentielle au recrutement des forces

de vente, et constitue un critère de sélection bien meilleur que l’expérience ou le niveau d’études

(Greenberg et Greenberg, 1980). Plusieurs études ont démontré que l’adéquation individu-

organisation était déterminantes dans le développement d’attitudes et de comportements tels que

la satisfaction, la fidélité, la réduction de l’anxiété, l’implication organisationnelle, le

comportement de citoyenneté (Kristof-Brown, 2005 ; Verquier et al, 2003 ; Schneider, 2001 ;

Kristof, 1996 ; Chatman, 1991).

§ La formation des vendeurs

La formation est un outil qui permet de contrôler la qualité des efforts que les vendeurs

fournissent dans le cadre de leurs activités (Darmon, 2012). Elle permet de s’assurer que ces

Page 155: Contribution de la socialisation organisationnelle au

154

derniers possèdent les compétences nécessaires pour accomplir leur mission. Dans le court

terme, ce contrôle va consister à élever le niveau de compétence des vendeurs dès le recrutement,

afin de combler l’écart de compétence qui subsiste entre le moment où ils sont recrutés et la prise

de rôle. Les études préliminaires réalisées sur les vendeurs indépendants ont montré la nécessité

de réaliser un tel contrôle. Les profils retenus étant, le plus souvent, éloignés des standards

recherchés, les entreprises sont dans l’obligation d’accorder une attention particulière à la

formation de leurs vendeurs. Cette attention doit consister en une évaluation des besoins en

formation du nouveau vendeur pour décider des ajustements qu’il est important de réaliser au

moment de son intégration. Il faut souligner que l’importance des besoins en formation est

déterminée par la qualité des « sources de candidats » (Darmon, 1993). Selon l’auteur, les

« sources de candidats » sont déterminées par le statut des candidats sur le marché (nature des

activités et l’expérience actuelle des candidats souhaités). Exemple : Les nouveaux diplômés

(source A) qui postulent à leur premier emploi, présentent un besoin en formation plus important

que les employés pris à la concurrence (source E).

Tableau 13. Types de sources de candidats et expérience pertinente initiales

Type de sources Expérience initiale A. Candidats qui n’étaient pas sur le marché de l’emploi

auparavant (nouveau diplômés d’instituts d’enseignement, personnes qui décident d’entrer dans la vie active, etc.)

B. Candidats actuellement employés par d’autres entreprises ou par les institutions dans les postes non reliés à la vente

C. Candidats actuellement employés par l’entreprise dans des postes non reliés à la vente

D. Candidats employé par d’autres entreprises ou par des institutions non concurrentes dans des postes de vendeurs

E. Candidats employés par des entreprises concurrentes dans des postes de vendeurs

aucune

modeste

moyenne

substantielle

vaste

Dans le long terme, ce contrôle sur la qualité des efforts réalisés par les vendeurs peut être

assuré par les programmes de formation continue. Malgré des résultats assez mitigés quant à leur

impact sur le processus de socialisation des individus au travail (Chatman, 1991 ; Saks, 1996),

les programmes de formations développées par les entreprises ont toujours leur importance.

Comme le suggéraient déjà Delobbe et Vandenberghe (2001), l’incapacité des programmes de

formation formelle à « activer les interactions symboliques et les comportements proactifs

favorables à la socialisation organisationnelle » trouveraient leur origine dans les modes

d’organisation de ces formations. Il y a lieu de s’interroger sur la pertinence de ces programmes

Page 156: Contribution de la socialisation organisationnelle au

155

par rapport aux contextes dans lesquels ces formations sont diffusées, la qualité des

formateurs, les méthodes de formation et leurs contenus. A ce sujet, la littérature sur le

management des forces de vente nous fournit quelques éléments de réponse.

En effet, un certain nombre de chercheurs (Cron, Marshall, Singh, Spiro et Sujan, 2005)

anticipent que les changements dans les habitudes de consommation, avec d’une part des

consommateurs plus informés et plus exigeants, et d’autre part l’évolution prévisible des rapports

entreprise-vendeurs vers moins de hiérarchie, pour expliquer les changements qui vont se

produire dans la sélection et la formation des vendeurs. Pour ces auteurs, la question à se poser

n’est plus de savoir comment les entreprises vont former leurs vendeurs, mais plutôt comment

les entreprises et les vendeurs vont mutualisés leurs efforts pour disposer des connaissances, des

compétences et des savoir-faire nécessaires pour atteindre leur objectif commun. Selon Cron et

al. (2005), l’acquisition des connaissances, des compétences et savoir-faire se fait de façon

séquentielle en trois phases. La première phase concerne les taches liées à la fonction

commerciale dans l’entreprise, la deuxième phase concerne le perfectionnement du vendeur dans

les taches à la fonction commerciale, en termes d’adaptation, de résolution de problèmes, etc., et

la troisième phase se réfère à l’auto développement, la gestion des compétences, le

développement personnel, etc. Dans le même sens, Menguc et al. (2007) soulignent que le

concept de socialisation des nouvelles recrues a été étudié par Morrison (1993) sur la base des

ces trois approches de la formation. Dans la première approche, le rôle de l’organisation est

d’initier, structurer et appliquer le programme de formation pour aider la nouvelle recrue à

apprendre les connaissances, compétences et savoir-faire liés aux taches de vente et à

l’établissement des relations. Dans la deuxième approche, l’organisation va encore structurer et

appliquer le programme de formation, mais en s’assurant de façon dynamique à son adaptation

aux changements de l’environnement concurrentiel. La troisième approche explique le processus

cognitif par lequel les nouvelles recrues donnent un sens à leur formation et font face à leur

environnement de travail.

Il apparait, à juste titre, que les programmes de formation traditionnelle sont coûteux pour les

entreprises, prennent beaucoup de temps et ne sont pas adaptés aux préoccupations des vendeurs.

Alors que les nouvelles perspectives de formation responsabilisent le vendeur qui n’est plus

formé sur la seule volonté de l’entreprise, mais en fonction de ses besoins et des objectifs définis

conjointement avec l’entreprise. De plus, le caractère consensuel des programmes élaborés

permet une adéquation des besoins exprimés mutuellement par les deux parties et favorisent

l’adhésion du vendeur à la culture, aux valeurs et normes de l’entreprise.

Page 157: Contribution de la socialisation organisationnelle au

156

2.2.2. Analyse du modèle de socialisation des forces de vente (Dubinsky et al (1986)

En s’appuyant sur les travaux de Feldman (1976), Dubinsky el (1986) développent un modèle

de socialisation du vendeur. La priorité accordée à cette recherche était de réfléchir d’abord sur

le recrutement, la sélection et la formation des vendeurs en examinant les différents facteurs qui

peuvent avoir une influence sur les vendeurs lorsqu’ils intègrent une nouvelle organisation.

Mais, ils démontrent également dans une certaine mesure la mise en œuvre d’un système de

contrôle de l’action de la force de vente, basé essentiellement sur le recrutement et la formation

en vue d’atteindre les résultats souhaités par l’entreprise (Cf. figure 12).

Figure 11. Modèle de socialisation des forces de vente

Selection/Recruitment Training Person Job Objectives Objectives Outcomes Outcomes

Realism

Congruence

Initiation to task

Role définition

Task Specific Self-Esteem

Resolution of Conflicting

Demand at Work

Job Satisfaction

Job Involvment/ Commitment

Performance

Source : Dubinsky et al. (1986)

La première étape concerne les objectifs de recrutement et de sélection des vendeurs. C’est la

phase anticipatoire du processus de socialisation. Elle souligne l’effort nécessaire que

l’organisation doit réaliser dans le choix des personnes qui vont composer l’équipe de vente, de

façon à faciliter l’intégration des nouveaux vendeurs et à les rendre efficace dans leur nouvel

environnement de travail.

La recherche sur la sélection et le recrutement des vendeurs à fait l’objet d’une abondante

littérature, aussi bien dans le domaine du management des forces de vente que celui de la

psychologie industrielle. La préoccupation des entreprises étant de disposer de vendeurs

performants afin de réduire les risques liés à un mauvais recrutement (turnover et coûts élevés),

le travail des chercheurs à consister à déceler les liens qui existent entre la performance d’un

candidat-vendeurs et ses caractéristiques personnelles (Darmon, 1993, p.123). Il s’agit, entre

autre, d’élaborer le profil de vendeur idéal et de mettre en place les procédures de sélection

efficientes qui permettent à l’entreprise de retenir les meilleurs vendeurs. Or, de nombreux

chercheurs sont d’avis que les caractéristiques personnelles ne peuvent pas à elles seules

expliquer la performance du vendeur. Moncrief (1986) souligne, dans sa taxonomie des positions

Page 158: Contribution de la socialisation organisationnelle au

157

de vente, la variété des domaines dans lesquels le vendeur peut exercer son activité et les

multiples indicateurs tant individuels que situationnels qui peuvent permettre d’évaluer la

performance du vendeur. Il en déduit qu’une attention particulière doit être portée sur le travail et

l’environnement dans lequel les vendeurs sont appelés à exercer leur activité. Cette recherche sur

les dispositions du travail en rapport avec le contexte organisationnel et les personnes qui sont à

la recherche d’un emploi, plus connu sous l’adéquation entre le nouvel entrant et son

environnement de travail, à permis d’envisager autrement les pratiques de recrutement et de

sélection. Comme Feldman (1976), Dubinsky et al. (1986) retiennent, dans cette première étape,

deux variables pour atteindre les objectifs de recrutement et de sélection, considérés comme des

préalables au bon ajustement des nouveaux vendeurs à leur organisation : Le réalisme et la

congruence.

§ Le réalisme des anticipations

Il concerne la réalité objective du fonctionnement de l’entreprise que le candidat potentiel

ignore et qui peut être éludée par ses attentes souvent disproportionnées et excessives ou par les

informations manipulatoires qui sont distillées par l’entreprise lors des entretiens de recrutement

(Lewicki, 1981). L’idéal serait que les aspirations du candidat potentiel correspondent aux

propositions de l’entreprise, mais cela n’est possible que si l’entreprise réalise des entretiens

d’embauche réalistes (Wanous, 1980). Dans la littérature le réalisme est évalué à travers le

concept de « Réalistic Job Préview » (ou Prévision de Travail Réaliste). Le RJP est un dispositif

qui est utilisé dans les premières étapes de la sélection du personnel pour fournir aux candidats

des informations sur les aspects à la fois positives et négatives du travail (Premack et Wanous,

1985). Les chercheurs identifient quatre défis majeurs au RJP : (1) Les recruteurs ne partagent

pas le RJP durant les entrevues (Rynes, 1991) ; (2) La nature des informations réalistes partagées

(en laboratoire ou sur le terrain) est peu claire (Breaugh et Billings, 1988) ; (3) Les bonnes

questions ne sont pas posées ; (4) Les candidats demandent des informations plus spécifiques et

pertinentes sur le travail qu’ils ne reçoivent (Barber et Roehling, 1993 ; Mauer, Howe, et Lee,

1992).

§ La congruence

Elle se réfère à l’adéquation entre les compétences, les aptitudes du candidat et les

caractéristiques du poste à pourvoir. Dans la littérature la notion d’adéquation a été

conceptualisée selon deux approches principales (Kristof, 1996 cité dans Perrot, 2009). La

première introduit une opposition entre adéquation supplémentaire et adéquation complémentaire

et se réfère aux travaux de Muchinsky et Monahan (1987), alors que la seconde distingue les

Page 159: Contribution de la socialisation organisationnelle au

158

notions de besoins/ressources et de capacités/demandes. Ces approches sont reprises par Saks et

Ashforth (1997) qui distinguent quatre formes principales d'adéquations regroupées dans les

notions de valeurs, besoins, personnalités et capacités. En se référant aux recommandations de

Kristof (1996) qui prône une définition large et complète du concept, Perrot (2009) définit

l’adéquation individu/ organisation « comme la perception globale de la compatibilité d’un

individu et son organisation ». Cette adéquation a fait l’objet d’un intérêt particulier, à travers le

modèle théorique Attraction-Sélection-Attrition (ASA) développé par Schneider et ses collègues

(1987) qui suggèrent que les individus et les organisations s’attirent mutuellement si leurs

valeurs et objectifs sont identiques.

La recherche d’une compatibilité individu/organisation constitue donc un objectif majeur car

elle peut aider les vendeurs en quête d’emploi ou qui se situent dans un processus d’intégration à

faire un meilleur choix du type de travail qui leur correspond, ou des attitudes qu’il convient

d’observer dans un contexte de travail donné (Cable et Judge, 1996). Elle peut aussi aider

l’entreprise à choisir les outils (tactiques de socialisation) qui lui permettent de socialiser ses

nouveaux vendeurs (Cable et Parsons, 2001), ou d’embaucher les vendeurs dont les profils

temporels correspondent aux exigences temporelles des postes à pourvoir, ou des positions

définies dans le cadre d’un emploi (Weeks et Fournier, 2010) . Elle peut également servir de

support d’intégration lorsque l’entreprise gère la diversité (Lopez et Mc Millan Cepehart, 2002).

Dans la deuxième étape du modèle, les objectifs de formation correspondent aux attentes et

résultats souhaités par l’organisation, en termes d’acquisition de connaissances, de maîtrise des

taches et de clarté de rôle. Ces objectifs sont réalisés à travers deux actions essentielles :

l’initiation à la tache et la définition du rôle.

§ L’initiation à la tâche

Elle est décrite comme un mode d’apprentissage par lequel le nouveau vendeur va acquérir les

compétences qui lui permettent d’être reconnu comme un partenaire de travail par les autres

membres de l’organisation. Cron et al. (2005) définissent, dans leur étude prospective sur la

formation des vendeurs, une approche séquentielle de la formation et du développement des

compétences des vendeurs, basée sur l’acquisition de connaissances, de compétences et de

savoir-faire. Selon ces auteurs l’initiation à la tâche concerne les connaissances, les habilités et

les aptitudes qui sont liées directement à la fonction commerciale dans l’organisation. Ces tâches

concernent les éléments essentiels qu’un vendeur doit posséder pour commercialiser les produits

d’une entreprise. Les auteurs soulignent que les aspects essentiels relatifs à la connaissance sont

les produits et les services, l’entreprise, les clients, la concurrence, le marché ou le secteur

Page 160: Contribution de la socialisation organisationnelle au

159

industriel concerné. Il est aussi recommandé aux vendeurs de posséder certaines habilités,

comme par exemple maîtriser la gestion des territoires et du temps, établir et entretenir des

relations durables avec les clients, ou vendre et de conclure des contrats. Il s’agit donc de

qualifications que le nouveau vendeur pourrait acquérir par le biais de la formation.

§ La définition du rôle

Elle peut être appréhendée « comme le degré d’accord implicite ou explicite qui est établi

entre le nouveau vendeur et l’ensemble du groupe de travail auquel il appartient, concernant les

taches qu’il doit accomplir, les priorités d’exécution de ces taches et la façon dont il va allouer

son temps de travail aux différentes taches ». Le rôle ainsi défini implique une relation

contingente, dans la mesure où le rôle d’un vendeur est défini en tenant compte des attentes

différentes des personnes tenant des rôles contraires (Rogard, 2003), aussi bien à l’intérieur

qu’l’extérieur de l’entreprise. Dans ce contexte, la formation à la vente aura pour finalité de

« développer chez les nouveaux vendeurs des perceptions exactes de leurs rôle (Darmon, 1993,

p.158). Cette formation peut prendre diverses formes dans le processus de socialisation. Delobbe

et Vandenberghe (2001) distinguent dans leurs travaux, quatre dispositifs de formation : (1) le

mentoring est « caractérisée par l’instauration d’une relation de travail intense entre un protégé

(la nouvelle recrue) et un membre plus expérimenté de l’organisation (le mentor) chargé de le

formé à sa fonction et de promouvoir son développement de carrière », (2) les cours et sessions

formelles de formation, (3) les pratiques de stages et (4) les pratiques d’auto-apprentissage

permettent à la nouvelle recrue de transiter par divers services et fonctions.

En dehors de ces dispositifs formels, il existe aussi des dispositifs informels qui se

développent au gré des interactions et des échanges suscités dans le cadre des relations de travail

entre les supérieurs hiérarchiques et leurs collaborateurs ou entre collègues de travail.

La troisième étape consacre l’effort réalisé par l’organisation sur le plan de la formation et

détermine le type d’individu désiré au terme du processus de socialisation. Le modèle propose

deux types de personnalité comme résultats de la socialisation des vendeurs : l’estime de soi

spécifique à la tâche (« task specific self-esteem ») et la capacité à résoudre les conflits liés aux

exigences de son travail (« Resolution of conflicting demands at Works »).

§ L’estime de soi spécifique à la tache

Elle est une expression qui est liée au concept plus large d’estime de soi que l’on peut

appréhender comme « un type particulier de construit de la personnalité qui se réfère à la

Page 161: Contribution de la socialisation organisationnelle au

160

manière dans laquelle les individus attribuent et infèrent certaines dispositions à eux-mêmes »35.

Il s’agit d’une évaluation positive de soi par l’individu qui est composée de deux dimensions : la

compétence et la valeur. « La dimension compétence (estime de soi fondée sur l’efficacité)

concerne le degré auquel l’individu se voit lui-même capable et efficace, alors que la dimension

valeur (estime de soi fondée sur la valeur) fait référence au degré auquel l’individu se sent une

personne de valeur »36. La littérature consacrée au concept identifie trois sources d’estime de

soi : (1) l’estime de soi chronique qui est un trait de personnalité relativement continuel qui

s’applique de façon assez constante à travers des situations variées ; (2) l’estime de soi

spécifique à la tâche qui provient de l’expérience passée relative à l’exécution d’une tâche

particulière ou une tache similaire, elle est le reflet du degré perçu par l’individu dans sa

compétence à accomplir la tache et (3) enfin par contraste, l’estime de soi socialement

influencée qui est une fonction des attentes d’autrui par rapport au comportement de l’individu

(Bagozzi, 1978). L’estime de soi à la tache qui nous intéresse particulièrement est finalement, ce

sentiment qui traduit l’atteinte d’un niveau de compétence sur une tache précise, qui est tel que

le vendeur est débarrassé de toute forme de crainte quant à l’exécution de ses taches. Ce

sentiment engendre une satisfaction au travail, un engagement vis-à-vis de l’entreprise, et permet

au vendeur de se protéger du stress dans la mesure où il est sûr de détenir une compétence qui le

rend indispensable, quelle que soit l’entreprise.

§ La résolution des conflits de rôles

Elle définit le niveau de sérénité atteint par un vendeur nouvellement recruté face aux conflits

qui surviennent dans son équipe, et sa capacité à résoudre les conflits relatifs aux exigences de

son travail. Dans le cadre de son activité, le vendeur doit répondre à de multiples sollicitations,

aussi bien à l’intérieur qu’a l’extérieur de l’entreprise. Selon que ces attentes sont contradictoires

entre elles ou ne répondent pas à ses besoins, le vendeur peut expérimenter des conflits de rôle

qui peuvent avoir une influence négative sur la satisfaction au travail, la performance et

l’intention de quitter ou de rester dans l’entreprise (Perrot, 2004).

Enfin, les auteurs ont défini une quatrième étape qui ne relève pas intrinsèquement du

processus de socialisation, mais qui peut être considéré comme les résultats possibles de la

socialisation des vendeurs, à savoir la satisfaction au travail, l’engagement vis-à-vis de

l’organisation et dans le travail, et la performance. Ces résultats sont, logiquement tirés des

études passées mettant en relation, dans le cadre du management des forces de vente, ces

35 Coopersmith, 1967, Well et Marwell, 1976 cités par Bagozzi, 1980 36 Cast et Burke cités dans la thèse de Perotto (2011)

Page 162: Contribution de la socialisation organisationnelle au

161

variables avec l’estime de soi (Bagozzi, 1980 ; Teas, 1981) et le conflit de rôles (Commeiras et

al, 1990).

Enfin, Dubinsky et al. (1986) ont également défini les relations qui sous-tendent ce modèle.

Le réalisme et la congruence sont considérés comme les principaux déterminants de la

socialisation organisationnelle. Les auteurs suggèrent que la relation individu/travail et

individu/organisation doit inspirer les recherches sur le management des forces de vente,

notamment le recrutement et la sélection, en partant du principe qu’une meilleure adéquation du

vendeur avec le contexte organisationnel dans lequel il est appelé à travailler contribue à la

satisfaction et à la performance au travail. Ainsi, la congruence et le réalisme influencent

directement les résultats de la socialisation organisationnelle, et indirectement à travers la

variable « définition de rôle du vendeur ». Les variables « définition de rôle » et « initiation à la

tâche » déterminent l’effort que l’entreprise doit réaliser en termes de formation pour permettre

au vendeur de travailler. Ces deux variables vont à leur tour influencer les variables « résolution

des conflits de rôles » et « estime de soi spécifique à la tache », considérées comme les indices

de la transformation du vendeur, du statut d’outsider à celui de membre participant et efficace de

l’organisation (Feldman, 1976). Les variables relatives à « l’estime de soi spécifique à la tâche »

et à « la résolution des conflits de rôle » traduisent l’atteinte par le vendeur d’une certaine

maitrise de son travail et de son environnement de travail qui va engendrer de la satisfaction au

travail, un engagement plus important dans son travail et vis-à-vis de l’organisation, et la

réalisation de performances.

Finalement, Dubinsky et al. (1986) proposent un modèle séquentiel de la socialisation des

forces de vente qui intègre les antécédents (réalisme et congruence), et les conséquences

(satisfaction au travail, engagement organisationnel/travail, performance) de la socialisation.

Cependant, malgré des hypothèses fortes en teneur, le modèle de Dubinsky et al. (1986) présente

des limites. En effet, comme le modèle auquel il se réfère, le modèle de socialisation des forces

de vente n’explique pas comment les vendeurs passent d’une étape à une autre, ni quels résultats

sont obtenus à chaque étape. De plus, les résultats présentés ne sont pas spécifiques à la

socialisation.

Page 163: Contribution de la socialisation organisationnelle au

162

Conclusion du chapitre 2.

Dans le cadre de cette recherche, nous avons abordé le concept de socialisation

organisationnelle dans sa globalité, mais aussi en fonction de ses particularités de manière à

ressortir l’ensemble des qualités et des insuffisances qui le caractérisent. La socialisation

organisationnelle s’inscrit dans les pratiques des relations sociales. Elle tire ses origines de la

sociologie et de la psychologie, mais son action est développée essentiellement dans le cadre

d’une organisation. Deux conceptions de la socialisation sont couramment développées dans la

littérature du management, une conception fondée sur les processus considère la socialisation

comme une succession d’étapes par lesquelles un individu acquiert les valeurs, les

comportements et les connaissances nécessaires afin d’assumer les rôles qui lui sont confiés au

sein de l’organisation, et d’en devenir un membre efficace (Feldman, 1976 ; Van Maanen et

Schein, 1979 ; Louis, 1980). Une autre conception appréhende la socialisation comme un

contenu, c’est à dire un ensemble de connaissances et de compétences qu’un individu doit

acquérir et intérioriser lors de son intégration (Fischer, 1986 ; Chao et al, 1994 ; Taormina,

1994 ; Anakwe et Greenhaus, 1999). Ces connaissances portent essentiellement sur trois

domaines, le travail, le groupe de travail et l’organisation. La socialisation organisationnelle

peut être aussi appréhendée en fonction des contextes dans lesquels elle est appliquée. Cette

approche a fait l’objet de développement intéressant dans les autres domaines des sciences de

gestion.

Ensuite nous avons procédé à un rapprochement entre le management des forces de vente et la

socialisation organisationnelle. Cette approche découle d’un examen minutieux des fondements

conceptuels, aussi bien du management des forces de vente que de la socialisation

organisationnelle. En effet, comme le souligne Darmon (1993), l’essence même du management

des vendeurs est de s’assurer que les vendeurs accomplissent les activités qui leur permettent

d’atteindre les objectifs de l’entreprise. Au-delà d’un isomorphisme structurel avéré du

management des forces de vente, c’est la quasi indépendance ou simplement l’indépendance du

vendeur, dans notre cas, qui permet cette orientation. Dans le même ordre d’idées, la

socialisation apparait, dans ses fondements sociologiques, comme un dispositif du contrôle social

dont l’action consiste, à veiller que les individus ne s’écartent pas des normes sociales. Appliqué

à l’organisation, elle veille à ce que les individus qui intègrent l’organisation se conforment aux

règles de travail et de fonctionnement qui favorisent sa cohésion.

Page 164: Contribution de la socialisation organisationnelle au

163

Ce rapprochement autour de la notion de contrôle a permis d’envisager une nouvelle lecture

du management des forces de vente par le biais de la socialisation organisationnelle. Nous avons

donc répertorié dans les deux littératures les principaux éléments de comparaison qui nous ont

permis d’élaborer une grille de lecture. Le recrutement et la sélection, la formation des vendeurs

au sens large, et la culture organisationnelle sont les principaux axes de cette grille de lecture.

Les deux premiers sont envisagés dans une approche dynamique qui tient compte des actions

posées par l’entreprise, mais aussi des actions initiées par les vendeurs. Le dernier axe

appréhende la culture dans sa dimension normative, et constitue une base de réflexion sur la

structure la plus à même d’orienter les actions des acteurs.

Page 165: Contribution de la socialisation organisationnelle au

164

CHAPITRE 3. CADRE THEORIQUE ET ANALYTIQUE DE LA RECHERCHE

Dans le premier chapitre, nous avons vu que les premiers travaux sur la socialisation

adoptaient les approches organisationnelles et individuelles séparément. Toutefois, depuis

quelques temps s’affirme une approche interactionniste plus conforme à la réalité sociale, dans la

mesure où la socialisation est pratiquée naturellement dans les entreprises à travers les

interactions des acteurs. En effet, lorsqu’on interroge les acteurs de la force de vente, il est aisé

de constater qu’à l’arrivée des nouveaux vendeurs un processus d’apprentissage et

d’accompagnement se met en place, sans que ces actions ne soient au préalable planifiées. En

partant de ce constat, nous prenons le parti de considérer la socialisation du vendeur indépendant

comme un processus de construction de la réalité sociale.

Ce chapitre a pour objectif de présenter le cadre conceptuel et théorique de notre recherche.

En effet, l’analyse conjointe de la littérature et de notre étude préliminaire ont permis de cerner

notre objet de recherche, autour de la socialisation du vendeur indépendant entendu comme un

processus de construction de la relation managériale qui permet aux managers et aux nouveaux

vendeurs de réguler leurs comportement s au moyen des interactions sociales. Cette perspective

repose sur une lecture interactionniste et de construction de sens de la socialisation. La

socialisation organisationnelle est considérée dans ses aspects cognitifs, et sur les processus

relationnels qui se mettent en place au moment où la nouvelle recrue entre dans l’organisation.

Ainsi, nous proposons dans une première section notre conception de la socialisation du

vendeur indépendant, en mettant en évidence la relation qui se construit entre un manager et ses

vendeurs au cours de la phase d’entrée dans l’organisation des nouveaux vendeurs. Puis, dans

une deuxième section nous présentons le modèle d’analyse retenu, c'est-à-dire le niveau

d’analyse et l’approche de socialisation que nous avons choisis pour étudier la socialisation des

vendeurs indépendants.

Page 166: Contribution de la socialisation organisationnelle au

165

SECTION 1. LA SOCIALISATION DU VENDEUR INDEPENDANT : UN PROCESSUS

DE CONSTRUCTION DE LA RELATION MANAGERIALE

Bien que le concept de socialisation soit présent dans le management des forces de vente, son

application a été limitée à la socialisation des vendeurs salariés. Pour examiner le concept dans le

cadre de notre recherche, il est important de considérer le vendeur indépendant comme un

membre virtuel de l’entreprise étant donné son implication et sa contribution aux objectifs de

l’entreprise. Cette conceptualisation permet de définir clairement son rôle dans l’organisation, et

par conséquent de le soumettre aux pratiques des ressources humaines, tout en respectant son

statut. Par ailleurs, notre intérêt porte sur la phase d’intégration présentée dans la littérature

comme la plus intense et la plus prolifique du processus de socialisation (Lacaze, 2005). Cette

option est confortée par les informations obtenues dans notre étude préliminaire qui montrent

que c’est au cours de cette phase que les managers et leurs vendeurs échangent le plus en vue de

définir les modalités de leur collaboration. En conséquence, nous prenons le parti de considérer

la socialisation du vendeur indépendant comme un processus de construction de la réalité

sociale.

L’objectif de cette section étant de présenter notre approche de la socialisation, nous

présentons la relation d’échange qui s’établit entre un manager et ses vendeurs indépendants

dans la phase d’intégration (2). Mais avant, nous proposons une analyse des spécificités liés à

l’intégration du vendeur indépendant, compte tenu de sa position au sein de l’entreprise (1).

1. Les spécificités liées à l’intégration des vendeurs indépendants

L’intégration est considérée comme la dernière étape du processus de recrutement, mais de

façon plus large elle englobe toutes les « actions physiques et psychologiques » qui permettent à

un individu de « devenir membre efficace » (Louis, 1980) d’une organisation. Au sein des forces

de vente, ces actions prennent un sens particulier compte tenu de l’indépendance du vendeur et

de sa position frontalière entre l’entreprise et sa clientèle. Ainsi, pour avoir une meilleure

compréhension des pratiques de management que les entreprises mobilisent au cours de cette

période, nous présentons l’intégration du vendeur indépendant comme une étape décisive du

processus de socialisation (1.1), puis nous mettons en évidence les particularités de l’intégration

du vendeur indépendant (1.2), avant d’analyser les enjeux pour le management des forces de

vente (1.3).

Page 167: Contribution de la socialisation organisationnelle au

166

1.1. L’intégration, comme une étape décisive du processus de socialisation

Dans leur ouvrage sur l’intégration des nouveaux collaborateurs, Lacaze et Perrot (2010)

présente l’intégration comme « un processus complexe et long » qu’il faut replacer dans le

processus de recrutement, et déterminer les outils. Ils distinguent quatre axes de définition qui

apportent une meilleure compréhension du concept : (1) l’intégration est une étape du processus

continu de socialisation organisationnel. C’est la première étape et la plus intense d’un processus

d’adaptation qui a lieu pendant la carrière d’un individu, et à chaque fois que ce dernier franchit

une barrière organisationnelle qui peut être, soit inclusive (entrée dans l’organisation), soit

fonctionnelle (mobilité horizontale), ou hiérarchique (promotion) ; (2) l’intégration est un acte de

gestion qui consiste à accompagner un nouveau dans la maitrise de son emploi et la

compréhension de son rôle, afin de le fidéliser ou de le rendre efficient dans son emploi ; (3)

l’intégration peut être bonne ou mauvaise, selon l’évaluation qui est faite à partir des indicateurs

comme la satisfaction au travail, l’implication organisationnelle, l’engagement au travail, la

motivation, l’intention de partir, le turnover, le conflit ou l’ambiguïté de rôle ; (4) enfin,

l’intégration peut être défini comme l’apprentissage et l’intériorisation d’un rôle organisationnel

portant sur les trois domaines de socialisation (travail, groupe de travail et organisation).

Ainsi, la gestion de l’intégration des nouveaux vendeurs apparait comme une activité

importante du processus de socialisation, dans la mesure où elle conditionne à la fois, la réussite

ou non de ce processus (satisfaction et engagement au travail, implication organisationnelle,

intention de départ, …), et le contrôle à long terme des activités de la force de vente. Comme le

souligne Lacaze et Perrot (2010), l’intégration ne se limite pas au recrutement, elle se poursuit

par une période d’assimilation des normes, des valeurs d’un groupe ou d’une organisation, une

construction de sens et la formation d’une identité qui confirme ou remet en question

l’évaluation faite à l’entrée. Cependant, si l’intégration est une phase « cruciale » du processus

de socialisation, la durée de cette phase reste variable selon les auteurs. Cette durée prend toute

son importance dans le contexte des forces de vente externes, où les vendeurs sont payés à la

commission, et la constitution d’une véritable équipe de vente parait laborieuse. Les vendeurs

indépendants sont des travailleurs « solos »37 qui passent l’essentiel de leur temps de travail à la

recherche de nouveaux clients. Ils ne sont toujours pas disposés à consacrer du temps aux

activités du groupe, et au suivi des nouvelles recrues. Il appartient donc au responsable

commercial de mettre en place les mécanismes qui favorisent l’interaction, et qui accélèrent

l’intégration des vendeurs, afin de permettre à ces derniers d’être rapidement opérationnel, et de

disposer d’un revenu. 37 Lacroix (2008)

Page 168: Contribution de la socialisation organisationnelle au

167

L’intégration est donc un processus interactif qui permet, aussi bien à l’entreprise et ses

membres, qu’aux nouvelles recrues d’initier des contacts qui favorisent l’établissement de

relations interpersonnelles. Ainsi, les entreprises encouragent les comportements proactifs de

leur personnel (superviseurs et collègues de travail) en mettant en œuvre des tactiques de

socialisation qui permettent de canaliser le processus de socialisation des nouvelles recrues, à

travers les programmes de formation et les outils d’accompagnement qu’elles mettent en place

(Jones, 1986 ; Van Maanen et Schein, 1979). De même que les nouvelles recrues développent

des comportements proactifs en recherchant activement auprès des superviseurs et des anciens

l’information et le feed-back nécessaire à la maitrise de leurs tâches (Morrison, 1993 ; Ostroff et

Kozlowki, 1992 ; Miller et Jablin, 19991), en élaborant du sens (sensemaking) de façon à

surmonter l’incertitude et la surprise qui caractérisent cette étape d’intégration (Louis, 1980 ;

Almudever et al., 1999), et en établissant des relations interpersonnelles dans l’organisation

(Reichers, 1987). L’intégration dépend aussi bien de la proactivité des acteurs, que des tactiques

de socialisation initiées par l’organisation. Mais les recherches initiées dans les deux approches

du processus de socialisation ont souvent été conduites séparément (Saks et Ashforth, 1997), ce

qui n’a pas permis d’avoir une vision complète de la socialisation des individus à l’organisation.

Selon ces auteurs, la perspective interactionniste vient combler ce manquement en apportant une

meilleure compréhension des tactiques organisationnelles et individuelles dans le développement

des interactions nécessaires à l’apprentissage.

En effet, Reichers (1987) souligne que dans une relation, lorsque l’une des parties est

proactive et que l’autre ne l’est pas, les interactions sont moyennes, Cependant, lorsque les

acteurs sont tous proactifs les interactions sont plus fréquentes. Dans les forces de vente, ces

interactions contribuent de façon déterminante à la socialisation des vendeurs, si l’on tient

compte des spécificités du travail du vendeur dans l’entreprise. Les nouveaux vendeurs qui

adoptent des comportements proactifs augmentent la fréquence des interactions avec les

membres déjà en place, et accélèrent leur intégration dans l’entreprise. Mais la réussite d’un tel

processus exige que ces comportements soient réciproques, et que les membres déjà en place

adoptent aussi des comportements identiques. Les investigations préliminaires ont montré que

les vendeurs et les responsables commerciaux étaient davantage animés par une tolérance à

l’ambiguïté. Ainsi, la tendance des comportements observés permet de dire que les vendeurs sont

de moins en moins critiques sur les pratiques de management développées à leur égard par les

responsables commerciaux. Certains sont même favorables à la supervision directe dont ils font

l’objet, car elle est un support qui permet d’orienter leurs efforts vers les objectifs qui leur sont

fixés. Les responsables commerciaux, quant à eux, sont davantage portés sur une ouverture, aux

Page 169: Contribution de la socialisation organisationnelle au

168

vendeurs indépendants, des « espaces de gestion » qui leur étaient jusque là interdits, favorisant

ainsi leur implication au fonctionnement de l’entreprise. Autrement dit, il se développe au sein

des forces de vente une forme de coopération tacite, qui n’est écrite sur aucun document, mais

qui permet aux acteurs d’inscrire leurs relations dans une nouvelle dynamique de travail. Les

actions organisationnelles et individuelles, prises isolément, ne constituent plus des réponses

suffisantes à la réduction de l’incertitude qui entoure l’intégration d’une nouvelle recrue. Il est

important que ces actions s’inscrivent dans des relations interpersonnelles fréquentes et de

qualité. Autrement dit, plus les interactions entre les acteurs sont importantes et recherchées, plus

vite le vendeur est intégré, mieux l’entreprise canalise les comportements de ses vendeurs.

1.2. L’intégration du vendeur indépendant : un processus multiple de socialisation

Dans les forces de vente, les vendeurs indépendants sont considérés comme des entrepreneurs

individuels, mais également comme les représentants d’une ou plusieurs entreprises auprès de

leur clientèle. Ils occupent donc une double position qui leur confère des rôles, qui ne sont pas

toujours compatibles avec les méthodes de gestion déployées par les entreprises. Nous proposons

d’examiner ces pratiques dans le cadre de la socialisation organisationnelle.

1.2.1. Le vendeur indépendant : un entrepreneur économiquement socialisé

Dans la conception économique contemporaine, le vendeur indépendant peut être assimilé à

un entrepreneur individuel qui participe, par son activité à la création de la richesse. Il occupe

dans la société une position prédéterminée par le jeu économique, conséquence de la

concentration des moyens de production au sein de la grande entreprise. La détention du capital

n’est plus le fait du seul entrepreneur innovant et créateur (Schumpeter, 1912), mais la propriété

d’un nombre plus important d’individus ou actionnaires. Ainsi, l’entrepreneur capitaliste cède la

place au manager et à l’actionnaire dans la conduite de l’entreprise, et son rôle consiste

désormais à assumer au coté de la grande entreprise, les risques inhérents à l’activité économique

(innovation technologique, incertitudes des marchés). Ziel (1999) parle de socialisation des

forces de production entre les grandes firmes et les petites entreprises pour illustrer cette

nouvelle forme de coopération. Boutillier et Uzunidis (2000, 2002) quant eux emploient

l’expression socialisation de l’économie pour désigner l’emprise grandissant de la relation de

marché sur l’ensemble des rapports économiques. Le rôle de l’entrepreneur consiste dans ce cas

de figure à réguler les dysfonctionnements des marchés (notamment le marché de l’emploi).

Autrement dit, le vendeur indépendant est un entrepreneur socialisé dans la mesure où son rôle,

en tant qu’agent économique, s’inscrit dans les relations qu’il entretien avec la grande entreprise,

Page 170: Contribution de la socialisation organisationnelle au

169

et qui lui permettent d’exister. Ces relations sont dictées par le jeu économique. Ainsi,

l’utilisation de l’agent commercial est caractéristique de cette approche de la socialisation des

moyens de production, si nous nous référons au modèle de production développé dans les forces

de vente indépendantes. En effet, l’activité de vente au sein de ces organisations consiste

essentiellement à faire démarcher une clientèle et à proposer à la vente les produits ou les

services d’une entreprise par des mandataires sociaux, c'est-à-dire à externaliser le coût du

démarchage sur les vendeurs, puisque ceux-ci ne sont rémunérés uniquement en cas de vente. Le

système de rémunération à la commission permet aux entreprises de minimiser les risques que

représente une rétribution classique (fixe + commissions), surtout si les vendeurs ne vendent pas

suffisamment ou que les clients n’adhèrent pas au produit. Il faut néanmoins préciser que la mise

en place d’un tel système de collaboration n’est pas du seul ressort de l’entreprise. Les

conditions d’exploitation d’un statut de vendeur sont codifiées par la loi, et les manquements au

respect des règles qui régissent son fonctionnement sont réprimandés par la justice. Ce qui

confère à l’Etat le rôle d’agent de socialisation, puisqu’il est non seulement l’initiateur de ces

normes à travers les politiques économiques qu’elle développe pour encourager la création

d’entreprise, mais elle est aussi le garant de l’application de ces règles. Cependant, la

socialisation des moyens de production permet seulement de déterminer le rôle du vendeur

indépendant, pris comme un acteur économique. Il convient maintenant que l’individu qui se

propose de devenir vendeur indépendant, se détermine à son tour et assume les rôles qui

correspondent à ce statut dans le cadre d’une entreprise.

1.2.2. La socialisation du vendeur indépendant à l’organisation

La socialisation du vendeur indépendant présente deux aspects, selon que le vendeur est

nouveau ou non dans le métier. Ainsi, lorsque le nouveau vendeur est aussi nouveau dans le

métier, les entreprises assument aussi bien son intégration professionnelle (métier) que son

intégration dans l’organisation. L’intégration organisationnelle renvoie à l’ensemble des

mécanismes de socialisation qui permettent au nouvel entrant « d’apprendre et d’acquérir les

connaissances, les comportements et attitudes nécessaires pour assumer un rôle dans

l’organisation »38. Ces aspects ont été développés dans le chapitre 2 de cette thèse, par

conséquent nous nous contentons de préciser les contours du concept d’intégration

professionnelle, et de nuancer les deux approches dans le cadre de l’intégration du vendeur

indépendant.

38 Fischer, Van Maanen et Schein cités dans Delobbe et al. Comportement organisationnel, vol.1, « contrat psychologique, émotions au travail et socialisation organisationnel »

Page 171: Contribution de la socialisation organisationnelle au

170

Selon Ficher (1986), la socialisation professionnelle fait référence à l’inculcation de valeurs et

de qualifications professionnelles, pouvant se généraliser d’un cadre organisationnel à l’autre où

la même profession est exercée. Elle est, selon Dubar (1991), « une initiation à la nouvelle

culture professionnelle et une conversion de l’individu vers une autre identité, par une démarche

d’envisager le monde et soi de manière nouvelle ». En reprenant la théorie de Hughes (1958),

l’auteur distingue trois mécanismes qui permettent de caractériser cette socialisation

professionnelle. Le premier intitulé « le passage à travers un miroir » décrit le passage du monde

« extraprofessionnel » au monde « professionnel » comme un exercice parsemé d’angoisses nées

de la confrontation des deux univers culturelles. Selon l’auteur, il s’agit de reconsidérer les

présupposés emmagasinés avant d’entrer dans la vie professionnelle à travers les quatre éléments

qui constituent le socle de l’identité professionnelle, à savoir la nature des taches, la conception

du rôle, l’anticipation des carrières et l’image de soi. Le deuxième mécanisme désigné par

« l’installation de la dualité » dépeint la comparaison systématique qui s’installe entre « l’image

idéale de la profession et la réalité quotidienne du métier et notamment à travers les taches

ingrates ». Cette phase de dualité peut être accomplie par la référence à un groupe qui servira de

modèle, à la fois, pour envisager une position et pour « légitimer les compétences » acquises. Le

troisième mécanisme titré « l’ajustement et la conception de soi » retrace la prise de conscience

par le sujet de « ses capacités physiques, mentales et personnelles, de goûts et dégoûts, pour

ajuster son identité en cours de construction ».

Dans le même ordre d’idées Paugam (1999) propose quatre formes d’intégration, en

considérant le degré de satisfaction dans le travail et le degré de stabilité de l’emploi comme

deux dimensions fondamentales de l’intégration professionnelle.

Tableau 14.Le type idéal d'intégration professionnelle et ses déviations

Satisfaction dans le travail

Stabilité de l’emploi

Type idéal : - Intégration assurée Déviation : - Intégration incertaine - Intégration laborieuse - Intégration disqualifiante

+

+ - -

+ - + -

Source : Paugam (1999)

L’intégration assurée permet au salarié « d’élaborer des projet de carrière et de s’investir

dans le travail pour le réaliser ». Il s’agit d’une intégration réussie, caractérisée par les bonnes

Page 172: Contribution de la socialisation organisationnelle au

171

relations avec les collègues de travail et le supérieur hiérarchique. L’intégration incertaine est

caractérisée par une instabilité de l’emploi qui ne s’accompagne pas forcément par une

insatisfaction dans le travail. Il s’agit de situations dans lesquelles les salariés ont de bonnes

conditions de travail et de bonnes relations avec leurs collègues et supérieur hiérarchique, mais

ont une forte certitude de perdre leur emploi. L’intégration laborieuse correspond à une forme

d’intégration professionnelle dans laquelle les salariés sont globalement satisfaits dans leur

travail, mais dont l’emploi n’est pas menacé. L’intégration est garantie par la stabilité de

l’emploi, mais les mauvaises conditions de travail affectent négativement les relations avec les

collègues et le supérieur hiérarchique. L’intégration disqualifiante est caractérisée par une

insatisfaction dans le travail et une instabilité de l’emploi. Elle reflète l’existence d’une crise

d’intégration professionnelle qui se traduit par des mauvaises relations interpersonnelles au sein

de l’entreprise.

Ainsi, comme l’explique Bargues-Bourlier (2009), « la socialisation professionnelle est

superposée à la socialisation organisationnelle, mais s’en distingue du fait qu’elle est un

processus continu, qui ne se limite pas à une organisation ». Selon l’auteur, cette distinction est

apparente dans le fait que la socialisation organisationnelle consiste en un apprentissage sur les

trois domaines que sont le travail (compétences, rôles), le groupe de travail (relations sociales,

normes sociales, etc.) et l’organisation (culture, valeurs, normes, etc.), alors que dans le cadre de

la socialisation professionnelle l’apprentissage porte essentiellement sur le travail. Une autre

différence peut être observée dans le nombre d’acteurs intervenant dans le processus

d’intégration. Alors que dans l’intégration organisationnelle interviennent seulement les

individus et l’organisation, dans l’intégration professionnelle « s‘ajoutent les syndicats, les

pouvoirs publics et les institutions de formation »39. Par ailleurs, il arrive que selon les emplois

les nouvelles recrues d’une organisation soient déjà, en partie ou totalement socialisées aux

normes du métier (Lacaze, 2005). Selon l’auteur, « en fonction de la teneur des socialisations

l’individu développera une fidélité plus forte soit envers sa profession soit envers son

organisation ».

Dans la force de vente, un des constats fait est que les entreprises privilégient dans leur

programme de socialisation, l’intégration professionnelle au détriment de l’intégration

organisationnelle. Cette situation peut s’expliquer par la nature du travail, la vente qui constitue

la principale préoccupation des managers. L’autre explication est de nature socio-économique, et

s’explique par l’existence sur le marché d’une pénurie de vendeurs qualifiés (sans formation, ni

expérience de la vente). Celle-ci contraint les entreprises employant des vendeurs indépendants à 39 D’Iribarne (1986), cité dans Lacaze (2005)

Page 173: Contribution de la socialisation organisationnelle au

172

assurer de façon presque systématique l’intégration professionnelle et l’intégration à

l’organisation de leurs nouveaux vendeurs. Il faut ajouter à ces explications le fait que la vente

est souvent considérée comme un « métier temporaire », accessible à tous et ne garantissant

aucune stabilité dans l’emploi. Ainsi, les informations recueillies auprès des vendeurs dans le

cadre de l’étude préliminaire, ont permis de constater que les vendeurs dotés d’une culture

commerciale avaient plus de facilité à assimiler les tâches qui relèvent de leur travail, par rapport

aux autres. Cependant, cette relative connaissance du métier n’était pas toujours une garantie

pour leur maintien dans l’emploi.

1.3. Les enjeux managériaux liés à l’intégration des vendeurs indépendants

Le vendeur indépendant et en particulier l’agent commercial est un prestataire de vente qui

est lié à l’entreprise par un contrat commercial. Il est inscrit au registre de commerce et ne

perçoit pas de salaire, ce qui lui confère sur le plan juridique la qualité de travailleur

indépendant. Cependant, il est important de relativiser cette indépendance car dans la réalité il

exécute un mandat, c'est-à-dire un ensemble d’instructions qui lui sont donnés par le mandant, et

qui impliquent qu’il rende des comptes. Certains auteurs y voient dans cette relation un lien de

subordination, dans la mesure où le vendeur est financièrement dépendant de l’entreprise et qu’il

lui est imposé de suivre certaines méthodes, ou des processus de vente prédéfinis (Moeneclaey,

2013). Les entretiens préliminaires que nous avons menés auprès des acteurs de la force de vente

mettent en évidence des comportements contrastés, au regard d’une part des règles juridiques qui

régissent le fonctionnement de cette catégorie de vendeurs, et d’autre part les pratiques de

gestion qui sont mises en œuvre par les entreprises.

1.3.1. Les politiques et pratiques de gestion en vigueur dans les entreprises

La recherche sur la socialisation organisationnelle s’est très largement appuyée sur

l’utilisation séparée ou simultanée des tactiques de socialisation organisationnelles (Van maanen

et Schein, 1979; Jones, 1986) et individuels (Morrison, 1993 ; Major et Kozlowski, 1992 ;

Ashford et Black, 1986) pour analyser l’intégration des nouvelles recrues, sans se soucier pour

autant de la pertinence de ces outils (Bargues-Bourlier, 2009 ; Bargues et Perrot, 2015). Ces

auteurs remettent en cause l’universalisme des pratiques de socialisation, et prônent plutôt une

approche contextualisée qui améliorerait la compréhension de l’intégration des nouvelles

recrues. En effet, Bargues et Perrot (2015) découvrent dans leur recherche qu’au-delà des

pratiques énoncées par Van Maanen et Schein (1979), des pratiques plus adaptées aux PME,

qualifiées de « pratiques concrètes et actuelles des organisations », apportent une meilleure

Page 174: Contribution de la socialisation organisationnelle au

173

compréhension de l’intégration des nouveaux embauchés dans ces entreprises (Cf. tableau ci-

dessous).

Tableau 15. Pratiques de socialisation identifiées

Catégorie de pratiques Caractéristiques des pratiques

Transfert de compétences Donner des conseils Discuter avec le nouvel entrant Donner des documents de travail Faire découvrir le travail et les méthodes avec un pair Faire un tour de l’entreprise Tutorat Adapter les taches à la performance attendue Programme de formation

Ajustement Tester les idées du nouvel entrant Redéfinir la mission et/ou les taches assignés en accord avec les idées et le projet professionnel du nouvel entrant

Contrôle

Confier les taches et des objectifs identiques à ceux des pairs ou des prédécesseurs

Extinction des initiatives Adopter des comportements agacés en réponse aux sollicitations et questions du nouvel entrant Exclure le nouvel entrant Eliminer les idées nouvelles

Soutien Organiser un pot d’accueil Team building Inviter le nouvel entrant aux pauses et loisirs Discuter des idées décalées Positionner stratégiquement le nouvel entrant dans l’espace de travail Adopter des attitudes positives face aux sollicitations et questions du nouvel entrant

Domination Instaurer une relation de domination avec le nouvel entrant Imposer des méthodes ou des normes personnelles au nouvel entrant Dégrader délibérément le travail et les apprentissages du nouvel entrant Se décharger de certaines taches au détriment du nouvel entrant

Source : Bargues et Perrot (2015)

Ils découvrent également que la dynamique des pratiques de socialisation est centrée sur

« l’apprentissage du rôle, en interaction avec les forces de pression et/ou de souplesse

organisationnelles ». Autrement dit, la capacité des nouvelles recrues à assimiler les différents

aspects de leur travail dépend de la façon dont les managers orientent les actions de leurs

vendeurs, et apportent des solutions aux conflits et ambiguïtés expérimentés par les acteurs.

Dans la force de vente, l’utilisation des vendeurs indépendants répond à des besoins

stratégiques. Elle permet à l’entreprise de minimiser ses coûts et de pouvoir s’offrir sur le

marché des compétences qu’elle ne peut entretenir en interne. Or, en choisissant d’externaliser

leur vendeurs ou certaines de leurs activités commerciales, les entreprises prennent également le

Page 175: Contribution de la socialisation organisationnelle au

174

risque de perdre le contrôle et la direction de leurs forces de vente (Moulinier, 2005), et partant,

la visibilité qu’elles souhaitent avoir sur leur marché. Cette disposition est renforcée par la

position frontalière du vendeur, source de pouvoir en raison de sa maitrise éventuelle de

l’information et sa liberté d’appliquer ou non les règles de l’entreprise (Campoy et al, 2005).

Aussi, pour conserver la commercialisation effective de leurs produits et la maitrise de leur

marché, certains managers sont tentés de passer outre les dispositions juridiques, avec le risque

de démotiver les vendeurs et d’assister à une requalification des contrats en cas de litige. Ce qui

affecterait la performance de l’entreprise.

1.3.2. La question de la durée du processus d’intégration d’un nouveau vendeur

Les recherches sur la socialisation organisationnelle évaluent de trois à six mois le temps

nécessaire d’une intégration effective dans l’entreprise. Or, ce temps peut paraitre très long, à la

fois pour les entreprises qui espèrent des résultats rapides de la part des nouveaux vendeurs, et

pour les vendeurs dont la perception d’une rémunération est attachée à leur capacité à produire.

Le rythme par lequel le vendeur est intégré et s’adapte à son nouvel environnement de travail

devient une préoccupation majeure du management. Un rythme trop lent peut décourager le

vendeur et l’inciter à partir de l’entreprise, alors qu’une socialisation plus soutenue permet au

vendeur de surmonter rapidement ses incertitudes, et de trouver plus de satisfaction dans son

travail.

En effet, La recherche sur la socialisation organisationnelle s’est intéressée aux indicateurs

directs (domaines de socialisation) et indirects (attitudes et comportements) qui déterminent la

réussite du processus de socialisation, sans pour autant s’interroger sur la dimension temporelle

de celle-ci, à la fois pour l’entreprise et pour la nouvelle recrue. Certes, il est couramment admis

que la socialisation accélère la prise de poste, et il est dans l’intérêt de l’entreprise que la

nouvelle recrue devienne rapidement opérationnelle pour éviter de payer trop longtemps des

revenus à un employé qui n’est pas encore productif. Cependant, lorsqu’il s’agit de vendeur

indépendant l’absence d’une rémunération fixe peut avoir un effet inhibiteur sur le processus de

socialisation et compromettre le succès de l’intégration du vendeur. Il apparait donc que

l’accélération du processus de socialisation est une des conditions de sa réussite, et il appartient

au manager des forces de vente de créer les conditions de cette accélération. Dans son modèle

interactionniste de socialisation des nouvelles recrues, Reichers (1987) défini les différents

rythmes de la socialisation et les conditions dans lesquelles ces rythmes se produisent. Selon

l’auteur, les différents niveaux de proaction (élevé, faible) des acteurs influencent la fréquence

des interactions, et par conséquent la vitesse du processus de socialisation. (Cf. figure10).

Page 176: Contribution de la socialisation organisationnelle au

175

Figure 12. La vitesse du processus de socialisation, une fonction de la proaction des nouvelles recrues et des membres de l'organisation (Reichers, 1987)

Proaction nouvelle recrue

Très élevé

Peu élevé

1.

Vitesse intermédiaire

3.

Vitesse rapide

Proaction

membre de

l’entreprise 2.

Vitesse lente

4.

Vitesse intermédiaire

Peu élevé Très élevé

Ainsi, lorsque le niveau de proaction entre les acteurs est fortement élevé, la situation est

caractérisée par des interactions fréquentes et une socialisation rapide. Dans une situation

pareille, l’incertitude et l’anxiété sont réduites rapidement, et la nouvelle recrue devient

performante plus tôt que prévu. Lorsque la situation est caractérisée par un niveau de proaction

lent (bas) de la part des acteurs, les interactions sont moins fréquentes et la vitesse de

socialisation est plus lente. Dans ce cas de figure, les nouvelles recrues sont isolées des anciens

et demeurent dans un état d’anxiété prolongé qui ne favorise pas leur apprentissage et leur

adaptation. Enfin, lorsque la situation est caractérisée par un niveau de proaction intermédiaire,

les interactions sont moins fréquentes que dans la première situation, et plus fréquente que dans

la deuxième situation. Dans cette situation, l’une des parties est fortement proactive, alors que

l’autre expérimente des frustrations. Cependant, si la partie proactive n’obtient pas de réponses à

ses attentes, celles-ci décroissent en fréquence à cause des frustrations que cela peut susciter à la

longue.

Il est entendu que la fréquence des interactions facilite la formation d’une nouvelle identité

sociale, l’attribution de sens et l’apprentissage des différentes dimensions40 de la socialisation

indispensables à cette étape. Par ailleurs, une accélération du processus d’ajustement et

d’adaptation intéresse aussi bien les nouvelles recrues qui surmontent rapidement les incertitudes

liées à leur entrée dans l’organisation, que l’organisation qui maximise son efficacité (Ashforth,

2012 ; Reichers, 1987). La vitesse de la socialisation est déterminée par (1) les difficultés

40 Travail, groupe de travail, et Organisation.

Page 177: Contribution de la socialisation organisationnelle au

176

d’apprentissage et d’adaptation que la nouvelle recrue rencontre dans un contexte particulier, et

(2) par le processus décidé par l’organisation et les nouvelles recrues pour faciliter cet

apprentissage et cette adaptation (Ashforth, 2012). Comme nous l’avons souligné dans l’étude

préliminaire réalisée auprès des agents commerciaux, l’une des difficultés majeure des vendeurs

nouvellement recrutés à intégrer l’entreprise réside dans le fait que les vendeurs n’étaient pas

suffisamment suivis. De plus, les occasions d’interactions sont plutôt rares étant donné la nature

de leur activité principalement localisée à l’extérieur de l’entreprise, de la concurrence qui

s’installe entre les membres de l’équipe vente, et de la défiance qui en résulte. Le vendeur

indépendant est davantage concentré sur son activité et ses relations avec les autres personnels de

l’entreprise sont plutôt rares, ce qui ne favorise pas les interactions avec les membres déjà en

place dans l’entreprise.

2. La relation manager / vendeur dans une perspective d’intégration

Au regard des spécificités qui entourent le travail des vendeurs indépendants, et des disparités

qui peuvent exister d’une entreprise à une autre, la relation entre un manager et ses vendeurs ne

peut être la même dans toutes les entreprises et même pour deux vendeurs travaillant dans la

même entreprise. La façon dont les acteurs attendent fonctionner, et atteindre leurs objectifs

respectifs n’est pas donnée d’avance, mais résulte des échanges que ceux-ci vont établir et des

interactions voulues ou non dans le cadre du travail. Cette relation est construite sur la base

d’une confiance réciproque des acteurs.

Nous présentons dans les paragraphes qui suivent la définition et l’évolution de la relation

managériale, et sa construction (2.1), avant d’évoquer le rôle de la confiance dans la construction

de cette relation (2.2).

2.1. Définition et évolution du concept de relation managériale

En s’appuyant sur les travaux de Simmel (1908), Goudarzi (2006) définit le concept de

socialisation comme « une entrée en relation ». Selon l’auteur cette relation peut prendre

différentes formes selon qu’elle est étudiée en sociologie (relation d’un individu avec la société),

en psychologie (relation à soi), et en psychologie sociale (relation à un groupe). Conformément à

cette idée, nous pouvons considérer la socialisation du vendeur indépendant comme une entrée

en relation, entre le vendeur et l’entreprise à travers son manager des ventes, et de façon

extensive avec toutes les personnes participant à l’activité commerciale.

Page 178: Contribution de la socialisation organisationnelle au

177

Dans la littérature en management, la relation entre un manager et ses collaborateurs a

longtemps été considérée comme « une relation hiérarchique unidimensionnelle et descendante

allant supérieur vers le subordonné » (Rupelle et al, 2014). Selon l’auteur, cette vision réductrice

de la relation managériale, essentiellement fondée sur l’autorité hiérarchique, trouve son

explication dans les notions de pouvoir développée par Crozier et Friedberg (1977). Il faut

attendre les développements ultérieurs de la théorie des rôles et celle de l’échange social pour

que se dessine une évolution de la relation hiérarchique vers une relation managériale plus

dynamique.

La notion de relation mangériale n’a pas fait l’objet d’une littérature spécifique en

management. Il n’existe donc pas définition formelle, cependant la relation managériale évoque

des situations d’encadrement de collaborateurs quels qu’ils soient, et « De manière informelle,

elle caractérise toutes les formes co-construites d’échanges entre un manager et son collaborateur

» (Deffayet et Tessier, 2005). Les auteurs soulignent la nécessité de s’appuyer sur la capacité

des managers à motiver leurs collaborateurs plutôt que de recourir au pouvoir hiérarchique afin

de tenir compte de l’évolution des termes de la relation d’emploi.

Dans le même esprit, Deffayet et Pedrazza (2015) soulignent que « l’objectif poursuivi est la

performance organisationnelle générale à travers un collaborateur que l’on cherche à motiver et à

impliquer ». Ces auteurs définissent également trois attributs importants de la relation

managériale. Elle a pour finalité de développer l’autonomie du collaborateur, et lui permettre

d’être créatif dans son travail. Elle engage au moins deux individus, dont l’une incarne l’autorité,

sans que cela ne remettent en cause la recherche nécessaire d’un consensus dans le

fonctionnement. Enfin, elle requiert selon les propos des auteurs « la mise en œuvre de

compétences transversales qui vont permettre à l’individu de réguler sa relation avec les autres à

partir de sa propre subjectivité. Autrement dit, à chaque relation, à chaque lien noué dans

l’environnement externe, est associé une représentation (dimension cognitive) ainsi que des

sentiments et émotions que cette image évoque (dimension affective) dans l’environnement

interne des membres de la dyade ». Deffayet et Pedrazza (2015) identifient cinq compétences

relationnelles fondamentales : reconnaitre et manifester ses limites, gérer ses émotions négatives,

chercher et donner du soutien et du support, avoir confiance en soi et en l’autre, trouver

l’équilibre entre distance et proximité dans la relation.

Dans un tout autre registre, Ayache et Laroche (2010) focalisent leur attention sur une

approche dynamique la relation managériale, dépassant de ce fait l’approche traditionnelle

prépondérante dans la littérature. Nous mobilisons dans le cadre de cette revue succincte de la

Page 179: Contribution de la socialisation organisationnelle au

178

littérature sur le concept, la typologie proposée par les auteurs. En effet, dans un examen de la

littérature en management les auteurs distinguent quatre types de relations managériales,

identifiées selon le point de vue du manager/supérieur et la perspective objective ou subjective

adoptée par les auteurs sur le travail ou le comportement du manager. Ces types de relations

managériales sont présentés dans la figure ci-dessous (Figure 13).

Figure 13. Typologie des relations managériales à travers la littérature en management

Point de vue du supérieur

Relations managériales traditionnelles : Relations managériales opportunistes :

- Hiérarchie et autorité (Fayol, 1916) - Une sous-spécification des mandats

- - « Management by objectives (Drucker, 1954) stratégiques (Hendry, 2002 ; Jackall, 1988)

- - Activités quotidienne du manager (Mintzberg,

-- 1984, Martinko & Gadner, 1994, Tenglad, 2006)

Perspectives Perspectives

Subjective objectives

Relations managériale zélée : être ou donner Relation managériale ambigüe, à construire

- l’image du bon élève - Attentes floues (Watson et Harris, 1999, et

- -« Managing your boss » (Gabarro et Kotter, 1980) contradictoires (Tsui et al, 1995)

- - Théorie LMX (Graen et Uhl-Bien, 1995) - Interprétation des jugements (2001), négociation

- - Management des impressions (Gardner et sur le travail (Hales, 1986), «shared meaning »

- Martinko, 1988), stratégie d’influence (Kipnis (Ferri et al, 1994)

- et al,1980). - Problèmes abordés : « issu selling », promoteur

du changement, fabricant de stratégie (Strategy

Practice)

Point de vue du manager

Source : Ayache et Laroche (2010)

La relation managériale traditionnelle préconise un management « fluide, rationnel, technique

et objectif » basé sur des principes tels que la hiérarchie et l’autorité de Fayol (1916), la direction

par objectif de Drucker (1954) et les études sur le travail managérial de Mintzberg (1984). C’est

la situation d’un supérieur qui manage ses subordonnés en tenant compte de leurs attentes.

La relation managériale dite « zélée » est analysée par les auteurs dans le cadre de la relation

manager/supérieur. Elle stipule que le manager (ici subordonné) doit s’employer à établir une

relation « compatible » avec son supérieur. Elle insiste surtout sur la nécessité pour la dyade

supérieur/manager à fournir une relation fluide et harmonieuse. Dans le même esprit, la théorie

Leader-Member Exchange (LMX) ou « échange supérieur/subordonné » permet de mesurer la

qualité de la relation entre un supérieur et ses subordonnés.

Page 180: Contribution de la socialisation organisationnelle au

179

La relation managériale opportuniste est expliquée par le comportement stratégique ou

opportuniste que le supérieur adopte vis-à-vis de ses subordonnés. Selon les auteurs, le supérieur

entretien un comportement « ambigu et peu lisible » qui lui permettrait de couvrir ses

manquements, notamment sa capacité à orienter par des objectifs clairs le travail de ses

collaborateurs. Il exerce donc dans une certaine confusion, ce qui lui permet de choisir le type de

relation qu’il souhaite établir avec ses collaborateurs.

La relation managériale ambiguë repose sur le fait que les attentes du supérieur peuvent

apparaitre « floues et contradictoires ». Le subordonné ne sait pas exactement ce que le supérieur

attend de lui, il ne dispose pas d’information nécessaire pour accomplir correctement sa tache. Il

doit alors interpréter les « signaux et les indices » émis par son supérieur, et justifier de la

pertinence des actions qu’il met en œuvre. Le collaborateur doit négocier de façon permanente

du « contenu et des modalités de son travail », ce qui fait de cette relation managériale une

relation à construire.

Ayache et Laroche (2010) appréhendent la relation managériale comme une relation ambiguë

et à construire. Ils retiennent trois dimensions pour caractériser cette relation : le « contrat » qui

s’établit entre les acteurs et qui peut être sources d’incertitudes ; « l’interprétation » nécessaire

que le collaborateur donne des signaux émis par le supérieur, et qui confère à la relation un

caractère subjectif ; et l’aspect « temporel et processuel » de la relation qui permet d’envisager

son évolution. Ils concluent leur propos en indiquant que la relation managériale « se construit et

évolue dans le temps », parce qu’elle n’émane pas de la hiérarchie mais résulte des interactions

des acteurs.

Par ailleurs, Ayache et Laroche (2010) suggèrent que la construction de la relation

managériale connait au moins deux phases. La première phase correspond à un apprentissage

progressif, à travers des interactions fréquentes entre le supérieur et son collaborateur. Selon les

auteurs, « ces interactions sont autant d’occasions pour le collaborateur d’interpréter les signaux

émis par son supérieur en réponse aux actions et d’en tirer les conséquences aux attentes

identifiées chez le supérieur ». Ainsi, à mesure que le nouveau collaborateur assimile son rôle et

les différentes taches de son travail, la relation se modifie progressivement et les interactions

deviennent moins fréquentes. La seconde phase correspond à la maintenance de la relation

managériale, et consiste en « un allègement de certaines interaction ». Le collaborateur acquiert

une certaine autonomie dans son fonctionnement, tout en instaurant des mécanismes qui

permettent maintenir les interactions avec son supérieur. La relation managériale est analysée du

Page 181: Contribution de la socialisation organisationnelle au

180

seul point de vue du collaborateur, ce qui ne permet pas d’avoir une idée précise de la

dynamique des interactions, et surtout d’apprécier les décisions et actions du supérieur.

En management des forces de vente, Leroux (2009) s’intéresse particulièrement à la relation

managériale entre un manager et ses vendeurs. Il défini cette relation comme l’ensemble des

interactions entre le manager et sa force de vente. Selon l’auteur, ces interactions peuvent être

interpréter de la façon suivante : « le manager fixe les missions à réaliser et les objectifs aux

commerciaux » et « les commerciaux vendent, réalisent leur missions et remontent les

informations recueillies sur le terrain ». Il souligne l’existence d’une interdépendance entre le

manager et son équipe de vente par laquelle, « le manager exerce une influence sur son équipe de

par sa personnalité, son mode de management, son leadership, et l’équipe influence le manager

qui prend des décisions selon les attentes, le comportement et la performance de ses

commerciaux ». Pour une meilleure compréhension de la relation entre le manager et ses

vendeurs, nous avons condensé dans un tableau les éléments qui composent cette relation

managériale.

Tableau 16. Condensé des différentes composantes de la relation managériale

Les éléments Description sommaire L’autorité Influence sur autrui, directives, procédures de travail, objectifs.

La délégation du pouvoir

Savoir : donner des instructions, accorder les moyens, contrôler, aider, remercier et encourager, déterminer les échéances.

La stimulation des vendeurs

Redonner le goût de vendre, briser la routine, encourager

La communication Transmission d’informations, réunion ou entretien personnelle, internet, notes de service, visioconférence, etc.

La gestion des conflits Prévoir les risques de conflits, rapports de pouvoir entre le manager et les vendeurs, surmonter les conflits de fortes amplitudes.

Les éléments contextuels

Assurer une cohésion au sein de l’équipe, permettre au manager de motiver, de faire atteindre les objectifs, et de respecter les directives de la hiérarchie.

Les objectifs de la direction

Respecter les objectifs de la direction générale : objectifs de l’entreprise, objectifs commerciaux, objectifs en ressources humaines commerciales.

Les éléments intrinsèques

Application de la politique marketing et commerciale, management de l’activité des ventes, administration des ventes.

Les acteurs Direction de l’entreprise, le manager commercial, les commerciaux, l’administration des ventes.

Les rapports manager/commerciaux

Manager : se conformer au statut et au contrat du vendeur, rémunérer le vendeur selon son contrat ; vendeur : respecter l’autorité du manager, les valeurs de l’entreprise et les lois en vigueur.

Source : Leroux (2009)

Dans la réalité, les représentations que les acteurs de la vente développent dans cette relation

paraissent plus complexes, compte tenu des difficultés à concilier les exigences de gestion liées à

l’activité de vente et les dispositions juridiques encadrant le travail de certains vendeurs.

Page 182: Contribution de la socialisation organisationnelle au

181

2.2. Une relation qui se construit sur la confiance des acteurs

La confiance est un mot qui revêt des sens variés. Les chercheurs s’accordent à dire que ce

mot est polysémique, au regard des nombreuses définitions qui le caractérise (Simon, 2007).

Selon cet auteur, trois approches principales du terme peuvent être distinguées. La première

approche, de nature psychologique, défini la confiance comme une « croyance, une attente ou un

sentiment profondément enraciné dans la personnalité… d’un individu ». La deuxième approche,

d’ordre sociologique, défini la confiance comme un « phénomène inter ou intra organisationnelle

et comme objet que l’individu suppose quant au fonctionnement des institutions ». La troisième

approche émane de la psychosociologie et défini la confiance comme « l’espérance et le

consentement d’un tiers qui s’engage dans une transaction ». Ces trois catégories de définition

permettent trois types de confiance : la confiance interpersonnelle, la confiance organisationnelle

et la confiance institutionnelle. D’abord, la confiance interpersonnelle fait référence à la

« confiance placée par des individus dans d’autres individus ». Elle émane du système social et

favorise la coopération entre individu ; ainsi la confiance interpersonnelle occupe une place

prépondérante dans les échanges, ce qui lui vaut d’être considérer comme un « mécanisme de

gouvernance qui se substitue partiellement aux structures formelles de contrôle ». Ensuite, la

confiance organisationnelle concerne la « confiance accordée par les membres d’une

organisation à l’organisation associée ». Elle implique au moins deux organisations qui vont

porter au niveau organisationnel des attentes individuelles. Cette confiance conduit à des

« comportements coopératifs et à l’apprentissage collectif ». Enfin, à la différence des deux

premiers types de confiance plus axé sur l’individu et l’organisation, la confiance institutionnelle

se réfère au contexte dans lequel s’inscrit la relation. Elle admet l’existence d’une entité sociale

supérieure sur laquelle les individus s’accordent et partagent les vertus. Comme le souligne

Simon (2007), cette confiance « se manifeste principalement par le recours des deux parties à

divers institutions telles que les lois, le cadre réglementaire, et les contrats avec l’acceptation des

règles qui en découlent ».

En sciences de gestion, les recherches sur la confiance se sont focalisées sur les

problématiques relatives au contrôle et à la coordination. La confiance est donc comme un

mécanisme de gouvernance concurrent des outils traditionnels que sont le marché et la

hiérarchie. Nous retenons dans le cadre de cette recherche la typologie des formes de la

confiance construite par Bornarel (2007) autour d’une discussion des définitions souvent

convoqués dans les recherches. En effet, l’auteur propose un instrument d’analyse de la

confiance dans l’organisation en s’appuyant sur l’idée que « la décision d’accorder sa confiance

est prise à la suite d’un jugement sur le comportement du destinataire de celle-ci et cela dans un

Page 183: Contribution de la socialisation organisationnelle au

182

contexte qui exerce une influence ». Les comportements sont envisagés aussi bien dans leurs

aspects positifs que négatifs (opportunisme, défiance…). De même que le contexte fait référence

à deux puissants déterminants qui le caractérise : l’incertitude et la présence de risques

d’opportunisme. Le croisement de ces dimensions permet de mettre en évidence quatre formes

de confiance dans l’organisation (Cf. tableau 15).

Tableau 17. Les formes de la confiance (Bornarel, 2007)

Contexte jugé défavorable à la confiance

Contexte jugé favorable à la confiance

Vision négative du

comportement

Motivé par la satisfaction de l’intérêt personnel, les individus se comportent en opportunisme. L’incertitude est maitrisée par des mécanismes formels. D’autres ont pour fonction d’éviter toutes les expressions possibles d’opportunisme, notamment en supprimant les relations de dépendance

Motivé par la satisfaction de l’intérêt personnel, les individus s’investissent malgré tout dans des relations d confiance. Elles sont mobilisées pour surmonter l’incertitude. Leur maintien est conditionné par les avantages de la dépendance mutuelle, celle-ci réduisant la tentation à s’investir dans l’opportunisme.

Vision positive du

comportement

Motivé par le respect de ses engagements, les individus se comportent honnêtement, voire font preuve de bonne volonté, et agissent pour satisfaire les intérêts d’autrui. Les mécanismes formels sont le meilleur moyen de maitriser l’incertitude. L’organisation fait confiance aux individus pour qu’ils ne se détournent pas de ces mécanismes

Motivé par le respect des engagements, les individus se comportent honnêtement, voire font preuves de bonne volonté, et agissent pour satisfaire les intérêts du collectif, de la communauté. La confiance est mobilisée pour surmonter l’incertitude et favorisée l’implication. Elle est conditionnée par la dépendance de l’individu à l’égard de la communauté.

Selon l’auteur, les formes de confiance identifiées ci-dessus peuvent être mobilisées pour

éclairer les principes d’organisation dans plusieurs contextes organisationnels. Ainsi, les

organisations de type taylorien sont dans « l’incapacité de fonctionner avec des relations de

confiance ». En partie, parce qu’elles ne peuvent être efficace que dans des environnements

stables où tout est mis en œuvre pour qu’il n’existe pas de relations interpersonnelles, jugées

néfaste pour ce type d’organisation. Dans les organisations bureaucratiques, la confiance des

individus portent sur les règles qui assurent le fonctionnement de l’organisation. Les individus

obéissent à ces règles que si elles permettent un traitement équitable entre les membres de

l’organisation. Comme dans l’organisation taylorienne, il n’est pas justifié d’entretenir des

relations interpersonnelles, dans la mesure où il suffit simplement de faire confiance à

l’organisation. L’organisation moderne, quant à elle, mobilise une relation de confiance

paradoxale. Bien que le comportement du destinataire de la confiance soit jugé négatif,

Page 184: Contribution de la socialisation organisationnelle au

183

l’organisation développe des stratégies qui poussent l’individu à « s’investir dans des relations de

confiance interpersonnelles ». Cette manœuvre consistant à « facilité et canaliser » les relations

interpersonnelles à pour ambition de contrôler l’individu et le permettre d’atteindre ses objectifs.

Autrement dit, « un individu est jugé digne de confiance dès lors qu’il atteint ses résultats ».

L’organisation clanique (Ouchi, 1980), est le cadre favorable au développement d’une confiance

idéale. Le contexte et le comportement sont de nature à favoriser les relations de confiance, car

les intérêts du clan sont jugés prioritaires à ceux des membres. De plus, la présence simultanée

de la confiance organisationnelle et de la confiance personnelle permet d’assurer un contrôle

efficace et une meilleure coordination des activités, sous la réserve que les membres respectent

les valeurs du clan.

Dans un essai de théorie sur le management, Luc Boyer (2010) propose de « repenser la

relation managériale » à l’aune de la confiance. L’auteur dégage de ses recherches trois axes de

réflexion possibles. (1) Développer la confiance par « la participation et la communication des

salariés aux actes de gestion ». Cet axe de recherche fait référence au management participatif

dont l’objectif est d’impliquer les employés à la prise de décision. Ainsi, on peut aisément

penser qu’en négociant les objectifs de vente avec le vendeur plutôt que de les lui imposer

encourage « l’innovation », permet de réduire « la rétention de l’information, le stress et

l’anxiété dans le travail ». (2) L’auteur souligne que la confiance ou le sentiment de confiance

est à l’origine de certaines pratiques de management comme « la délégation d’autorité et de

responsabilité ». La confiance favorise aussi « l’identification des employés à leur entreprise »,

tout comme elle peut être « consolidée par la justice et l’équité ». (3) Enfin, pour Boyer(2010) la

confiance repose sur l’idée des échanges sociaux, vécus comme une espèce d’investissement ».

Selon l’auteur, la confiance repose sur les trois termes suivants : Donner, recevoir et rendre.

Autrement dit, une relation managériale ne peut se construire que sur la base d’une confiance

réciproque, à travers un esprit de coopération et de responsabilisation et par une clarification des

attentes réciproque.

Par ailleurs, l’instauration d’une relation managériale efficace se construit aussi sur la base

d’une confiance réciproque, mais pour que cette confiance s’établisse il est nécessaire que les

attentes des acteurs soient clarifiées. Selon Anne Girard41, « la relation managériale repose sur la

coopération de deux personnes qui acceptent toutes les deux les règles du jeu, et qui assument la

responsabilité du fonctionnement de cette coopération ». Il s’agit donc d’une responsabilité

partagée qui incombe aux deux acteurs, et non seulement au seul manager. Les résultats de notre

41 Seenago, site internet : www.e-magazine.lamy.fr

Page 185: Contribution de la socialisation organisationnelle au

184

étude préliminaire font écho aux propos de cette praticienne, à travers des situations qui

nécessitaient la coopération et la responsabilisation des acteurs. Ils indiquent que la relation entre

un manager et ses vendeurs indépendants oscillent entre deux extrêmes, la confiance absolue et

l’absence de confiance. Ainsi, lorsque la relation tend vers moins de confiance, la coopération

entre les vendeurs et leur superviseur est rendue difficile, dans la mesure où les managers

exercent un contrôle plus étroit sur leurs vendeurs. C’est le cas notamment lorsque les managers

soupçonnent leurs vendeurs d’occuper plusieurs emplois et exigent de ces derniers la

présentation d’un rapport d’activité hebdomadaire, alors même qu’il n’existe pas un lien de

subordination. Cependant, lorsque la relation est emprunte d’une confiance partagée, les acteurs

construisent mutuellement leur relation en tenant compte de leurs intérêts respectifs. Ainsi, Il est

courant de constater que les vendeurs adhèrent pleinement à l’idée de participer à réunions

quotidiennes programmées par l’entreprise, alors même que celles-ci peuvent laisser apparaitre

l’existence d’un lien de subordination. Dans ce cas de figure, les vendeurs acceptent les règles du

jeu, y compris celles de considérer l’autorité du manager, car c’est seulement à travers cette

organisation qu’ils peuvent atteindre leurs objectifs.

Page 186: Contribution de la socialisation organisationnelle au

185

SECTION 2. LE MODELE D’ANALYSE DE LA SOCIALISATION DU VENDEUR

INDEPENDANT

La section qui suit a vocation à présenter les arguments qui militent en faveur de notre

conception de la socialisation comme un processus de construction de la relation managériale.

Ainsi, sur la base des informations recueillies sur le terrain et dans la littérature, nous proposons

un cadre conceptuel articulant l’approche interactionniste et de construction de sens de la

socialisation organisationnelle, et les théories de la régulation sociale et du contrat

psychologique. Cette conception doit permettre une meilleure lecture de l’entrée dans

l’organisation des vendeurs indépendants, et les comportements organisationnels y relatives.

Nous évaluons dans quelle mesure ce cadre peut servir de grille d’analyse de la socialisation des

vendeurs indépendants. Cette démarche nous conduit à proposer un modèle de socialisation

spécifique à l’entrée des vendeurs indépendants dans l’organisation, qui permet de mettre en

évidence la réalité des interactions au cours de cette période, et de dégager des axes de recherche

qui vont nous permettre de répondre à nos questions de recherche.

Ainsi, nous présentons dans un premier temps le niveau d’analyse interactionniste, retenu

dans le cadre de cette recherche (1) ; puis nous proposons l’approche de construction de sens qui

sous-tend la construction de la réalité (2) ; enfin, nous évoquons les théories qui permettent de

comprendre l’échange managérial entre un manager et son vendeur au cours de cette phase

d’intégration (3).

1. L’approche interactionniste de la socialisation organisationnelle : une clé

d’analyse de l’entrée des vendeurs indépendants dans l’organisation

Selon Lacaze (2005), les recherches sur la socialisation organisationnelle obligent à choisir un

niveau d’analyse qui peut être l’organisation, l’individu ou le groupe. En adoptant une approche

interactionniste, nous avons fait le choix de considérer que la socialisation existe naturellement

dans les organisations, à travers les interactions entre les personnes dans le cadre de leur travail,

en vue d’atteindre des objectifs communs. Cette approche à rencontré un engouement certain

parmi les chercheurs, mais son application connait quelques limites. Afin de cerner les contours

de cette approche, nous présentons rôle moteur des interactions (1.1), et des agents de

socialisation (1.2). Puis, nous analysons les limites des recherches actuelles, et notamment du

modèle de construction de sens de Louis (1980) (1.3), avant de l’enrichir avec l’approche

théorique de construction de sens de Weick (1979) (1.4).

Page 187: Contribution de la socialisation organisationnelle au

186

1.1. L’interaction comme principal mécanisme de la socialisation organisationnelle

Comme nous l’avons précisé dans le chapitre 1, la reproduction sociale des comportements

d’une génération à une autre, à travers l’acquisition des normes et valeurs de l’organisation, a été

la trame des premiers travaux sur la socialisation organisationnelle. Il faut attendre les années

1970, avec l’introduction d’un nouveau paradigme, pour qu’une orientation des théories sur la

socialisation porte davantage sur l’individualisme méthodologique que sur l’holisme

méthodologique. Alors que les approches holistes sont axées sur le conditionnement de

l’individu, l’individualisme méthodologique accorde une attention particulière à l’individu

socialisé, qui devient un acteur actif de sa propre socialisation. « Elle renvoie à l’interaction

voulue ou non, entre acteurs impliqués dans une situation ».

L’approche interactionniste de la socialisation appréhende l’entrée dans une organisation

comme un processus d’acquisition d’informations réalisé essentiellement à travers des

interactions entre les nouvelles recrues et les membres déjà en place dans l’organisation (Perrot,

2001). Dans le sens commun, une interaction sociale est une relation interpersonnelle entre deux

individus, par laquelle les comportements de ces individus s’influencent mutuellement et se

modifient chacun en conséquence42. Elle implique pour les individus qui arrivent nouvellement

dans une entreprise l’adoption de comportement proactifs visant à établir des relations

interpersonnelles, et pour ceux qui y travaillent déjà des comportements d’ouverture qui

favorisent l’échange.

L’interactionnisme symbolique s’intéresse au fondement de l’attribution de sens et des

identités en général. Dans l’entreprise, elle cherche à expliquer les sources organisationnelles à

l’origine de l’attribution de sens et des identités sociales des nouvelles recrues au cours du

processus de socialisation (Reichers, 1987). Les individus qui arrivent nouvellement dans une

entreprise n’ont aucune connaissance de celle-ci, et quelque fois du métier qu’ils doivent exercer.

Ils apprennent et organisent leurs connaissances à mesure qu’ils établissent des relations avec le

superviseur et les collègues, et plus largement avec l’ensemble des personnes qui participent au

fonctionnement de l’entreprise.

Aujourd’hui, l’interaction occupe une place centrale dans le processus de socialisation

organisationnelle, Perrot et al (2005) présentent dans leur revue de la littérature, ses

caractéristiques essentielles. Ainsi, ils appréhendent cette approche interactionniste comme un

processus de changement individuel et organisationnel, une Co-construction de la réalité, et un

processus d’influence mutuelle.

42 Dictionnaire Larousse [en ligne : http//www.Larousse.fr] consulté le 17/06/2014

Page 188: Contribution de la socialisation organisationnelle au

187

§ Un processus de changement individuel et organisationnel :

Le changement est appréhendée aussi bien sur le plan individuel qu’organisation. Selon ces

auteurs le changement est inhérent au processus de socialisation. Les nouvelles recrues « entre

dans un processus de changement » dès lors qu’ils s’adaptent à leur nouvel environnement de

travail. Ce changement individuel entraine parallèlement un changement organisationnel, dans la

mesure où le nouvel arrivant apporte de nouvelles compétences dans l’entreprise. Ainsi, l’arrivée

d’une nouvelle recrue modifie les rapports sociaux au sein de l’organisation qui, à leur tour vont

induire de nouvelles formes de contrôle (Crozier et Friedberg, 1977). Autrement dit, l’intégration

d’un nouveau membre modifie le fonctionnement de l’organisation et suscite un besoin de ré-

socialisation. C’est le cas lorsque le nouvel arrivant est un membre de l’encadrement ou que des

modifications sont apportées aux missions de l’entreprise. Cela pourrait être aussi le cas lorsque

les activités des nouvelles recrues présentent des spécificités.

§ Une Co-construction de l’organisation :

La réalité organisationnelle est Co-construite par les acteurs, au moyen des interactions qu’ils

produisent dans leurs relations. Comme le précise Perrot et al (2005), « Dans un cadre

interactionniste, l’organisation ne s’impose pas comme un ensemble prédéfini fixé et figé de

structures relationnelles entre les individus ; mais plutôt comme un processus d’actions,

d’interprétation et donc de construction ». Dans le même sens, certains auteurs souligne

l’importance des interactions entre les nouvelles recrues et les membres déjà en place dans

l’accélération du processus de socialisation (Ashforth, 2012 ; Ashforth et Saks, 1997 ; Reichers

(1987).

§ Un processus d’influence mutuel :

L’organisation et le nouveau membre s’influencent mutuellement, et cette influence porte sur

les attitudes et les comportements. L’entré dans l’organisation de la nouvelles recrue est marquée

par un double processus de socialisation. Tour à tour, le nouveau membre et les membres déjà en

place deviennent des agents de socialisation. Ainsi, les agissements de l’un contraignent l’autre à

adopter un comportement qui est favorable à la perpétuation de la relation. Il y a donc un

processus de socialisation réciproque qui, en assurant la régulation des attitudes et

comportements permet une meilleure cohésion dans l’organisation.

Page 189: Contribution de la socialisation organisationnelle au

188

1.2. Le rôle majeur des agents de socialisation

L’approche interactionniste de la socialisation est appréhendée à travers les relations

interpersonnelles qui s’établissent entre les nouvelles recrues et les personnes en place dans

l’entreprise, appelées agents de socialisation. De façon générale, « les agents de socialisation

sont des personnes et groupes de personnes qui influencent nos émotions, nos attitudes et nos

comportements ». Selon Perrot et al (2005), la littérature en science de gestion attribut le nom

d’agent de socialisation à toutes les « personnes susceptibles d’exercer une influence sur le

processus de socialisation d’un nouveau membre ». Ces personnes peuvent être identifiées aussi

bien à l’intérieur (insiders) qu’à l’extérieur de l’entreprise (outsiders), mais plus généralement la

recherche a accordé une plus grande attention aux personnes déjà en place dans l’entreprise (Cf.

tableau 4 ci-dessous). Parmi ces agents de socialisation, trois tiennent un rôle éminemment

important dans l’organisation, compte tenu de leur implication directe dans le processus de

socialisation : le supérieur hiérarchique, les collègues et le parrain ou tuteur.

Tableau 18. Types d'agents de socialisation

Agents de socialisation Identification Le supérieur hiérarchique

Personne clé qui assure l’intégration du nouveau dans l’entreprise, et chargée de la définition de sa fonction et de l’évaluation de ses performances (« feedback »).

Les collègues

Personnes se situant au même niveau hiérarchique que le nouveau, ayant un rôle similaire, et donc bien placée pour faciliter son adaptation au sein de l’organisation.

L’éventuel parrain ou tuteur

Personne à qui l’entreprise confie le nouveau afin de l’initier et de le guider à son arrivée dans l’organisation.

Le(s) subordonné(s)

Personnes qui interviennent de façon marginale. Ils peuvent être d’une aide précieuse pour les nouveaux entrants.

Les autres membres de l’entreprise Personnes avec qui le nouveau n’a pas de relations professionnelles directes.

Source : adapté de Perrot et al (2005)

En effet, à leur arrivée dans l’organisation, les nouvelles recrues n’ont pas une expérience

suffisante et des connaissances appropriées pour pouvoir expliquer les réalités qu’elles vivent

dans leur nouvel environnement de travail. Elles ont donc besoin de l’assistance des personnes

déjà en place, à la fois dans l’interprétation des évènements qui surviennent et sur le sens

qu’elles doivent donner à leurs actions dans l’entreprise (Louis, 1980). Selon l’auteur, cette

assistance constitue une source d’information pour les nouvelles recrues, car c’est auprès de ces

personnes qu’elles vont trouver l’information nécessaire concernant l’accomplissement de leurs

Page 190: Contribution de la socialisation organisationnelle au

189

taches et la réalisation du rôle qui leur ai assignés dans leur nouvel environnement de travail.

Cette assistance permet aussi aux nouveaux arrivants de développer des relations étroites avec

les personnes déjà en place, dans le but de créer un réseau de soutien en leur faveur au sein de

l’organisation. Selon Perrot et al (2005), « ce type de relation contribue à créer un support

mutuel et une meilleure collaboration entre le nouveau et les membres de l’organisation ».

Ainsi, Lacaze (2010) estime qu’en recherchant activement l’information, les nouvelles recrues

obtiennent l’information et le soutien social dont ils ont besoins pour intégrer l’organisation.

Mantione (2001) préfère parler de soutien organisationnel pour exprimer tous les soutiens qui

proviennent de l’entreprise et ses membres. Autrement dit, il est essentiel que la nouvelle recrue

trouve auprès de l’entreprise un soutien positif, susceptible de favoriser sa satisfaction au travail,

son implication et sa volonté de rester dans l’entreprise. Au contraire, certaines relations

interpersonnelles peuvent apparaitre comme des « supports d’évaluation négatives », lorsqu’elles

sont fondées sur des « incertitudes et l’absence de feed-back », ou comportent des « pressions

trop fortes à se conformer ». Ces relations peuvent avoir des effets contre productifs au soutien

apporté par l’organisation, et compromettre l’intégration des nouvelles recrues (Perrot et al,

2005).

Par ailleurs, bien que les agents de socialisation jouent un rôle important dans le processus

d’intégration des nouvelles recrues, très peu de recherches se sont intéressées aux effets des

pratiques de socialisation sur les agents de socialisation (Perrot et al.2005). D’après ces auteurs,

les rares études réalisées sur les agents de socialisation observent des effets aussi bien positifs

que négatifs. Les aspects positifs peuvent être observés dans le renouvellement par les agents de

socialisation d’attitudes plus positives à l’égard de leur propre travail ; mais aussi dans leur

capacité à repenser et à reconstruire leur propre schéma d’interprétation, de façon à donner aux

nouvelles recrues des informations précises sur leur environnement de travail ; enfin, dans leur

volonté à actualiser leurs connaissances sur le métier et l’organisation en apprenant les nouvelles

méthodes ou procédés apportées par les nouvelles recrues. Les aspects négatifs concernent la

surcharge de travail, et surtout le temps qu’ils consacrent à l’encadrement au détriment de leur

propre travail. Selon les auteurs, ce surplus de travail peut créer de « l’insatisfaction au travail,

une augmentation du stress, et finalement conduire à une baisse de la performance ».

Cette revue succincte de la littérature sur l’approche interactionniste, à travers d’une part le

rôle central que tient « l’interaction comme principal moyen à travers lequel la socialisation à

lieu dans l’organisation » et d’autre part la place qu’occupe les agents de socialisation, nous ont

convaincu de l’intérêt d’une telle approche si nous voulons saisir le processus dans son entièreté.

Page 191: Contribution de la socialisation organisationnelle au

190

Cependant, certaines questions subsistent, notamment sur l’influence réelle que le nouveau

membre peut avoir sur les anciens membres, au cours du processus de socialisation.

1.3. La nouvelle recrue, un agent de socialisation peu étudié

Alors que l’interactionnisme apparait comme une approche attrayante et pertinente dans la

socialisation des nouvelles recrues, l’attention accordée par la recherche sur l’influence que le

nouveau membre peut avoir sur les anciens membres reste très limitée. Les recherches portant

sur l’influence potentielle de la nouvelle recrue sur l’organisation, se sont focalisées sur la

socialisation du personnel d’encadrement ou des dirigeants créateurs ou repreneurs d’entreprise

(Perrot et al, 2005), laissant de côté l’influence des personnels subalternes sur l’organisation dans

le processus de socialisation. Or comme le souligne Weick (1979), la compréhension des

phénomènes organisationnels passe par un examen attentif des composants de base de ces

processus, c'est-à-dire des séquences d’interaction qui se développent entre deux personnes.

L’auteur élabore un « schéma de réponse conditionné » qui lui permet d’analyser les séquences

d’interactions, à savoir l’action de l’Un provoque une réponse de l’Autre, ces deux éléments

constituent une interaction (interaction). La réponse que fait l’Un à la réaction de l’Autre

complète la séquence (double interaction).

Tableau 19.Schéma de réponse conditionné (Weick, 1979)

Action Interaction Interaction double Action de l’Un Réponse de l’Autre Ajustement de l’Un qui isole un phénomène et le porte à l’attention de l’Autre qui propose une interprétation

qui accepte, rejette ou modifie cette mise en exergue qui accepte, rejette ou modifie l’interprétation

qui abandonne, révise ou maintien son choix qui abandonne, révise ou maintient son interprétation

En effet, l’hypothèse d’un « double processus de socialisation, de l’individu entrant mais

aussi des personnes déjà en place dans l’organisation », n’est formulée que de façon sélective

dans la littérature. Elle semble quasi inexistante dans les travaux, plus nombreux, portant sur la

socialisation des employés ordinaires43. Ainsi, pour de nombreux auteurs, l’approche

interactionniste comporte des limites dans sa mise en œuvre (Perrot et al, 2005), dans la mesure

où elle n’est pas appréhendée comme un processus interactif et d’influence mutuelle. Selon ces

auteurs, ces limites peuvent être portées à trois niveaux. Le premier, également évoqué par

Ashforth et Saks (1996) concerne le fait que l’organisation et l’individu ne sont analysés dans un

même schéma de compréhension de la socialisation. Les recherches portant uniquement sur

43 Par opposition aux emplois à statut ou d’encadrement.

Page 192: Contribution de la socialisation organisationnelle au

191

l’organisation ou l’individu « limitent, de ce fait, la portée du caractère interactionniste que l’on

souhaite attribuer au processus de socialisation ». Le deuxième niveau se réfère au rôle très

réducteur de « collecteur d’informations » qui est attribué à la nouvelle recrue dans le processus

de socialisation. La nouvelle recrue est souvent présentée, comme un individu qui cherche

activement l’information sur son travail et sur l’entreprise qui l’accueille, dans le seul but de

comprendre son fonctionnement et de mieux assurer son rôle. Alors qu’il serait plus intéressant

de le considérer comme l’un des Co-constructeurs de la réalité organisationnelle.

2. La socialisation organisationnelle : un processus de construction de sens

Pour avoir une meilleure compréhension de l’entrée des vendeurs indépendants dans

l’organisation, nous avons choisi d’appréhender la socialisation organisationnelle comme un

processus de construction de sens. Cette approche s’impose comme un cadre conceptuel

pertinent qui permet de mettre en évidence, non seulement les processus cognitifs à l’œuvre au

cours de cette période, mais aussi l’échange managérial qui s’installe entre le manager des ventes

et les nouveaux vendeurs.

1.1. Le modèle cognitif de louis (1980)

L’idée de la construction de sens permet de mettre en évidence les outils grâce auxquels

l’interaction entre deux individus constitue le tissu organisationnel pouvant potentiellement

modifier les comportements. Les travaux de référence en la matière sont certainement ceux de

Louis (1980), qui « considère les périodes de transition de rôle, terrain de prédilection des

recherches sur la socialisation, comme des contextes très favorables au déclanchement du

processus de construction de sens »44

. En effet, l’auteur indique dans son modèle dédié à l’entrée

des nouvelles recrues dans l’organisation, l’importance des échanges entre les acteurs (Cf. pp. ).

Elle conditionne la réussite de cette entrée par la présence des membres déjà en place dans

l’organisation, dont le superviseur et les collègues. Cependant, si Louis (1980) reconnait le rôle

majeur des interactions dans l’adaptation des nouvelles recrues, elle ne traite pas de façon

explicite du processus cognitif et relationnel qui conduirait l’entreprise à travers ses membres

(agents de socialisation) à s’adapter réciproquement à la nouvelle situation. Cette démarche

parait, de notre point de vue, incomplète dans la mesure où elle décrit l’entrée dans

l’organisation à partir du seul point de vue des nouvelles recrues.

Partant de ce constat, nous souhaitons apporter un complément au modèle d’entrée dans

l’organisation des nouvelles recrues développé par cet auteur, en prenant en compte la réaction 44 Garreau et Perrot (2012)

Page 193: Contribution de la socialisation organisationnelle au

192

de l’organisation et de ses membres dans un processus global de construction de sens. Nous

suggérons que tout comme les nouvelles recrues, l’organisation à travers ses membres peut être

soumise à des évènements inattendus qui vont la conduire nécessairement à réinterpréter son

environnement de travail. En effet, les résultats de notre étude préliminaire ont montré que les

managers commerciaux avaient conscience du fait que les outils à leur disposition n’étaient pas

toujours appropriés à la gestion des vendeurs indépendants. Car, en externalisant leur force de

vente, ils n’avaient pas anticipé les changements organisationnels et managériaux que cela

impliquait. Ainsi, parallèlement à la nouvelle recrue, l’organisation est confrontée à de

nombreuses ambiguïtés. Elle cherche également la meilleure solution qui lui permettra de gérer

efficacement l’intégration de ses nouveaux membres.

Dans la littérature, les recherches traitant du processus de socialisation organisationnelle dans

une approche de construction de sens impliquant, aussi bien l’individu que l’organisation, sont

rares. L’une des explications réside dans le statut accordé aux relations interpersonnelles dans le

processus de socialisation (Lapointe, 2013). Selon cet auteur, les relations interpersonnelles

jouent un rôle purement instrumental, dans la mesure où elles permettent seulement à la nouvelle

recrue de collecter l’information ; alors qu’elles gagneraient à valoriser le rôle de l’individu, en

le considérant davantage comme un acteur dans la construction de la réalité sociale. L’autre

explication se situe dans la conceptualisation même de l’entrée dans l’organisation, en termes

d’incertitude (Perrot et al, 2005). Selon ces auteurs, l’incertitude apparait très réducteur, au

regard de la nature très différente des évènements qui se produisent au moment où la nouvelle

recrue intègre l’organisation. Ils préfèrent au concept d’incertitude, celui d’équivocité développé

par Weick (1979), l’équivocité étant définie par l’auteur (Weick, 1995) par le fait de favoriser un

trop grand nombre d’interprétations à partir d’une même situation ». Weick (1979) illustrait

déjà cette approche de gestion, à travers ses conseils aux managers, à qui il recommande de

fonder leur décision sur un éventail de proposition (Bartunek, Gordon et Weathersby, 1983)45. Il

suggère, à travers ce conseil, aux managers d’être en capacité d’observer et d’appréhender les

évènements qui surviennent dans l’entreprise et son environnement, sous plusieurs points de

vue. L’équivocité étant considérée comme le déclencheur du processus de construction de sens.

1.2. Le modèle interprétatif de Weick (1995)

En effet, Weick (1979) montre le rôle considérable de la construction de sens dans le

déclenchement, l’évolution et le dénouement des situations de crise au sein des organisation ».

Selon l’auteur, la construction de sens est un processus par lequel un individu élabore des

45 Traduction de « Developing complicated understanding in administrators »)

Page 194: Contribution de la socialisation organisationnelle au

193

réponses aux questions qui se posent à lui dans une situation d’incertitude, à savoir : « Que se

passe t-il ? », « Que faut-il faire maintenant ? »46. Ces questions traduisent un effet de surprise

auquel l’individu, par ses capacités cognitives, peut apporter des solutions. La théorie indique

que dans de pareilles situations, l’individu commence d’abord par sélectionner des indices qui

ont un intérêt pour lui. Puis, il se réfère à ses connaissances passées ou « réservoir de cadres »

(Croyances, idéologies, traditions ou histoires similaires), et c’est en les confrontant aux indices

recueillis dans son environnement, qu’il construit le sens qu’il donne à la situation. Ainsi, le

contexte et le cadre interagissent l’un sur l’autre. Selon Laroche et Stayer (2012), « le contexte

peut mettre en évidence certains indices qui nécessitent la mobilisation, par l’individu, d’un

cadre spécifique pour donner sens à la situation. A l’inverse, le contexte peut suggérer un cadre

de lecture particulier qui conduit l’individu à repérer certains indices plus que d’autres, à lire en

priorité des informations qui le confirment ».

Weick (2001, 1995) développe un « modèle interprétatif de construction de sens qui permet

de comprendre comment les organisations et les personnes qui y travaillent font sens de ce qui

se produit autour d’elles, et construisent leur réalité (« énactent » leur environnement) à travers

les interprétations qu’ils lui donnent » (Maurel, 2013).

Figure 14. Modèle dynamique d'organisation d'après Weick (1979)

Transformation de la réalité

Engagement dans le réel

Attribution de sens au réel devenu

équivoque

Rétention sous forme de schèmes du réel devenu significatif

Selon l’auteur, cette construction de la réalité constitue le fondement sur lequel reposent les

actions et les décisions prises par les acteurs. Le modèle comporte cinq étapes non-linéaires :

(1) Le changement écologique, ou discontinuité est lié à l’équivoque issue de l’environnement de

l’organisation. Chaque changement perçu est sujet à interprétation par les acteurs

organisationnels, ce qui a un impact sur l’action à privilégier.

(2) La mise en acte ou « énaction » implique la construction d’une réalité par les acteurs

organisationnels. Dans cette perspective, la réalité et l’environnement ne pas acquis une fois pour

toute, mais sont sujets à de constantes redéfinitions.

(3) L a sélection consiste pour les acteurs à choisir parmi les signaux et indices provenant de

l’environnement et parmi les interprétations qui émergent. La sélection représente une source de 46 Le feu de Mann Gulch, en 1949

Page 195: Contribution de la socialisation organisationnelle au

194

justification des actions à privilégier, et l’interprétation retenue à un impact sur la perception de

la réalité.

(4) La rétention mémorielles permet aux acteurs de retenir les solutions efficaces qui résultent de

la création de sens. Ces solutions contribuent à enrichir les cartes cognitives et à élargir le

répertoire de connaissances.

(5) Le souvenir permet de réactiver ce qui a été stocké dans les mémoires et les cartes cognitives.

L’apprentissage se produit quand les remarquent des facteurs négligés au préalable, et négligent

des facteurs des facteurs remarqués précédemment.

Dans leur essai de théorie, Garreau et Perrot (2012) soulignent la pertinence d’utiliser

l’approche interactionniste de la socialisation avec le concept de construction de sens. Pour ces

auteurs, appréhender la socialisation organisationnelle comme un processus de construction de

sens revient à considérer les deux facteurs qui la sous-tendent, l’apprentissage et l’intériorisation,

davantage comme des processus plutôt que comme des états caractérisant un certain niveau de

socialisation. Selon les auteurs, cette perspective « permet de combler le chainon manquant à

l’édifice des recherches sur la socialisation ». Elle apporte des réponses à la question de savoir

comment un individu passe d’une phase à une autre dans les modèles par étape. L’approche par

la construction de sens explique le processus par lequel « un individu apprend et intériorise les

éléments clés de la socialisation ». Ainsi, pour montrer comment l’activité de construction de

sens permet cet apprentissage et l’intériorisation, les auteurs s’appuient sur le modèle Activation,

Sélection et Rétention de Weick (1995) qui appréhende le processus de construction de sens

comme la « confrontation de l’individu avec son environnement dans le cadre de situations ».

En considérant l’apprentissage comme un processus de construction de sens, nous tentons

d’expliquer comment les individus parviennent à la connaissance et à la compréhension de leur

environnement de travail. Selon Garreau et Perrot (2012), « le processus commence par l’action,

puis la sélection des éléments de l’environnement, et enfin la construction d’une représentation

de ce qui s’est passé ». Les individus comprennent donc de façon rétrospective, et donnent un

sens au déroulé de l’action une fois la confrontation terminée. Autrement dit, c’est au contact des

individus en place dans l’organisation, et à travers les différentes situations auxquelles ils sont

confrontés au cours du processus d’intégration (« entretien de recrutement, réunion d’accueil

avec les membres de la future équipe, première réunion de travail, visites des locaux, etc. ») que

les nouvelles recrues apprennent. Cet apprentissage peut porter sur « la connaissance et la

compréhension des valeurs, des mécanismes, des relations de pouvoir, liés aux trois domaines de

socialisation ».

Page 196: Contribution de la socialisation organisationnelle au

195

Dans le même ordre d’idées, considérer l’intériorisation comme un processus de construction

de sens, c’est montrer comment des « éléments externes deviennent, à des degrés divers,

acceptés, constituantes de l’identité ou intégré par l’individu ». Ainsi, en se confrontant à son

environnement « l’individu comprend et interprète mieux son environnement, ce qui lui permet

de se positionner par rapport aux éléments avec lesquels il interagit ». Par ailleurs, à la

différence de l’apprentissage, l’intériorisation oblige à une négociation de sens au moment de la

confrontation. Cette négociation peut être interindividuelle ou individuelle. Elle est

interindividuelle lorsque « les individus échangent leurs interprétations dans les différentes

situations ». Elle est qualifiée d’individuelle lorsque l’individu « se questionne sur les éléments

qui l’entourent, ses pratiques, ses activités, etc. ». Comme le soulignent Garreau et Perrot(2012),

la négociation est donc au centre du processus d’intériorisation. Car, c’est-elle qui « rend les

connaissances, les valeurs et les normes acceptables et souhaitables ».

En conclusion, l’approche par la construction de sens met en évidence la dynamique de la

socialisation organisationnelle. Elle considère l’apprentissage et l’intériorisation comme des

processus de construction de sens. Ainsi, au gré des confrontations successives avec

l’environnement, l’individu apprend à connaitre et à comprendre subtilement les éléments des

trois domaines et les intégrer dans son système de valeurs. Mais, il peut aussi les rejeter et

paraître complètement désocialisé. Au regard de ce qui précède, nous pouvons donc dire que

l’issue de cette confrontation avec l’environnement n’est pas connue d’avance. Par ailleurs, il

faut souligner que les éléments porteurs de sens évoluent tout le long du processus de

socialisation. Ainsi le rôle de l’individu est susceptible d’évoluer dans le temps.

3. L’apport des théories de l’échange social pour appréhender la relation manager /

vendeurs indépendants en phase d’intégration

Afin d’expliquer les modalités de l’échange managérial lorsque les vendeurs indépendants

entre dans l’entreprise, nous avons fait appel à deux théories fondées sur l’échange social : la

théorie de la régulation sociale de Reynaud (1988, 1989, 2003) et la théorie du contrat

psychologique de Rousseau (1989). La première examine l’échange managérial d’un point de

vue sociologique, à travers les règles que produisent les acteurs dans leurs interactions (3.1). La

seconde est examinée d’un point de vue psychologique, car elle repose sur les croyances et

valeurs d’un employé sur les obligations réciproques entre lui et une autre partie, son

employeur » (3.2).

Page 197: Contribution de la socialisation organisationnelle au

196

3.1. La théorie de la régulation sociale développée par Reynaud (1988)

Selon Reynaud (2003), « l’échange social est un échange de règles, ou plus exactement,

l’établissement des règles par l’échange ». En d’autres termes, la relation entre un manager et ses

vendeurs indépendants se construit par les acteurs à partir des règles que ceux-ci vont élaborés

dans leurs interactions. Afin de préciser les modalités de cette construction, nous présentons les

fondements de la théorie de la régulation sociale (3.1.1), avant d’examiner les apports de celle-ci

en management des forces de vente (3.1.2.

3.1.1. Les fondements théoriques

Le concept de régulation sociale est une notion polysémique47. D’après Terssac (2003), il est

au cœur de la vie sociale et son utilisation « semble être pertinente pour rendre compte d’une

variété d’échanges sociaux, de relations entre des éléments hétérogènes, d’ajustements entre des

actions multiples, que ce soit dans l’entreprise, dans le marché ou sur la scène publique ».

La théorie de la régulation sociale développée par Reynaud (1988, 1997) est une théorie

sociologique conçue pour expliquer l’action collective, c'est-à-dire l’élaboration par les acteurs

d’un projet commun, sa pérennisation, et son évolution dans le temps. Cette théorie repose

essentiellement sur l’idée que la création, le maintien et la destruction des règles s’appuient sur

une activité de régulation qui est mise en œuvre de façon permanente par les acteurs. Selon

l’auteur, la régulation « c’est la manière dont se créent, se transforment ou se suppriment les

règles ». Les règles régissent le fonctionnement de la société et organisent les rapports sociaux.

Elles sont produites par les acteurs dans le cadre d’une action collective, à travers les interactions

qu’ils développent ; ces règles sont renouvelées dans le temps et selon les contextes. Les règles

présentent donc un caractère instable qui est lié à l’instabilité des acteurs sociaux. Elles sont

soumises aux jeux de pouvoir des acteurs, et constituent de ce fait une stratégie que ceux-ci

développent pour défendre leurs intérêts.

Dans ses travaux, Reynaud (1988) s’est particulièrement intéressé à la régulation dans les

organisations. En partant du principe qu’il existe « plusieurs types de règles et plusieurs sources

de régulation dans l’entreprise », l’auteur se propose à travers sa théorie d’apporter une meilleure

compréhension des règles qui régissent le fonctionnement d’une organisation, en confrontant

« les règles qui viennent de la direction, et qui descendent du sommet vers la base avec celles qui

sont produites dans l’entreprise par les groupes d’exécutants eux-mêmes ». La théorie de la

régulation sociale est fondée sur la distinction de deux grandes catégories de règles distinctes,

47 Iconzi (2005), cité par Vernazobrès (

Page 198: Contribution de la socialisation organisationnelle au

197

mais complémentaire dans la vie des organisations : (1) les règles formelles qui émanent du droit

(loi, contrat, etc.) et du fonctionnement des organisations (règlement intérieur, règles de gestion,

etc.) ; et (2) les règles informelles qui émanent des acteurs. A cette terminologie, l’auteur préfère

le concept de régulation, et distingue deux types de régulation. La régulation contrôle désigne les

règles qui viennent de la hiérarchie ou de l’extérieur, et qui ont pour objectif de s’imposer aux

individus et d’orienter leurs comportements. La régulation autonome représente les règles que

les acteurs définissent pour affirmer leur autonomie vis-à-vis de l’extérieur. Il faut noter que le

terme extérieur est utilisé par rapport à un groupe de référence qui défend ses intérêts, et veut

s’affirmer comme une force de proposition dans l’entreprise. C’est le cas des groupes de travail,

ou de la force de vente en ce qui nous concerne. La théorie de la régulation sociale stipule que

ces deux types de régulation peuvent s’opposer, et devenir concurrentes ; elle explique cette

opposition, non pas par la différence de leur objet (technique et économique vs social), mais par

la volonté de la hiérarchie de « peser sur la régulation des salariés, et de chercher à contrôler les

zones de liberté qu’ils s’octroient », alors que les salariés cherchent parallèlement à conserver

leur autonomie (Reynaud, 1988). Les deux types de régulation peuvent également se compléter

et former une régulation conjointe, dès lors que les deux parties (hiérarchie et salariés)

aboutissent par la négociation à un accord accepté par tous. Cette régulation conjointe devient à

son tour une régulation de contrôle qui s’impose à tous les acteurs (Reynaud, 1999 ; Dietrich et

Pigeyre, 2011, p.82).

Mais au-delà de cette activité de création de règles, Reynaud (1999) avait surtout l’ambition

d’élaborer une théorie générale de l’échange social fondée, au départ, sur les relations

professionnelles (de Terssac, 2003 ; 2013). Selon l’auteur, « le système de relations

professionnelles (comme le système social) se crée à partir de l’opposition de ses acteurs et la

divergence de leurs intérêts : au travers de leurs interactions, les acteurs construisent des règles

communes qui vont ordonner leurs échanges et constituer la matière première ». Trois concepts

fondamentaux permettent d’avoir une meilleure compréhension de cette théorie : « le conflit, la

règle et la négociation ». Le conflit exprime une forme de mécontentement qui n’a pu être réglée

autrement que par cette forme d’opposition. Il est considéré comme « un mode de

fonctionnement normal », dans la mesure où dans sa relation de travail, « chaque acteur est

porteur d’une rationalité qu’il tente de faire admettre aux autres pour infléchir leur

comportement ». Autrement dit, l’existence des conflits est souhaitable dans la mesure où elle

donne aux acteurs la possibilité de construire des règles communes qui vont régir leur

fonctionnement. Ainsi, « le conflit oblige à rechercher et à formuler une définition commune et

Page 199: Contribution de la socialisation organisationnelle au

198

mutuellement acceptable de son jeu »48. L’absence de conflit étant considérée comme une

« anomalie ».

La notion de règle est au centre de la théorie de la régulation sociale. Elle est, selon

l’expression formulée par de Terssac (2003), le produit des interactions des acteurs. Cependant,

comme le souligne Dressen (2003), on peut s’interroger sur ce qu’est une règle, et surtout sur ce

qui la distingue de la norme, de la coutume ou de la convention. Dans sa préface à la deuxième

édition des « règles du jeu », Raynaud (1997) précise sa définition. Selon l’auteur, « la règle est

un principe organisateur. Elle peut prendre la forme d’une injonction ou d’une interdiction

visant à déterminer strictement un comportement. Mais elle est plus souvent un guide d’action,

un étalon qui permet de porter un jugement, un modèle qui oriente l’action. Elle introduit dans

l’univers symbolique des significations, des partitions, des liaisons. Les règles ont des auteurs et

elles ont des destinataires. Elles sont liées à un projet d’action commune ». Autrement dit, les

règles sont produites par les acteurs dans le cadre d’une communauté de personnes. Elles

permettent d’identifier cette communauté, et d’en assurer son fonctionnement. Les règles

s’imposent donc à ses membres, dès lors qu’elles sont acceptées par tous, de sorte que les

personnes qui tentent de s’en affranchir sont immédiatement réprimandées par la communauté.

Par ailleurs, il existe une diversité de règles qui peuvent être distinguées en fonction de leur objet

et du sens qu’elles portent. Ainsi, De Terssac (2003) distingue « les règles d’efficacité qui

prescrivent les opérations à réaliser pour atteindre un but, les règles de coopération et

d’autorité fixées par un accord de volonté issu de la rencontre des attentes mutuelles, et les

règles qui portent sur la hiérarchie et la division du travail ».

La négociation est également une notion centrale de la théorie de la régulation sociale. Elle est

définie par Reynaud (1999) « comme tout échange où les partenaires cherchent à modifier les

termes de l’échange, toute relation où les acteurs remettent en cause les règles et leur

relations ». Il conceptualise la notion de négociation à partir de trois propositions fondamentales:

la première consiste à distinguer la négociation du simple marchandage. Pour l’auteur, la

négociation ne se résume pas à l’obtention par « calcul et par stratégie, pour un domaine donné,

des solutions avantageuses ». Il souligne également que l’accord n’est pas le principal résultat de

la négociation, ni même la résolution d’un conflit. La deuxième proposition définie le rôle et les

résultats attendus de la négociation, à savoir produire les règles et permettre leur échange entre

les acteurs. Autrement dit, la négociation assure simultanément deux fonctions complémentaires.

La première consiste à fabriquer les règles communes qui vont régir le fonctionnement des

acteurs ; la seconde permet que les règles soient mutuellement acceptées par les acteurs. C’est ce 48 Reynaud (1999)

Page 200: Contribution de la socialisation organisationnelle au

199

processus de production qui constitue le fondement de l’échange social. Par ailleurs, l’auteur

considère la règle aussi bien dans son contenu (les règles qui s’échangent), que par leurs formes

(les règles de l’échange). La troisième proposition repose sur la relation que la négociation

établie entre les acteurs. Elle permet à ces derniers de « trouver des solutions avantageuses », et

par conséquent de « gérer leur opposition ». Selon de Terssac (2003), «la négociation désigne les

efforts et les concessions que les protagonistes font pour élaborer ensemble des règles

communes ». Ainsi, l’accord auquel parviennent les protagonistes reflète davantage leur

« capacité à maitriser leurs rapports, à renforcer l’intégration sociale et en ce sens elle constitue

une opération de contrôle social ».

3.1.2. La contribution de la théorie de régulation sociale au management

La contribution de la théorie de la régulation sociale dans la compréhension des situations de

management est indéniable. La mise en œuvre de son pouvoir explicatif dans divers domaines

des sciences de gestion est désormais reconnu (Kromher et al, 2010). En management stratégique

par exemple, Brechet (2008) évoque un renouvellement de la réflexion sur l’analyse stratégique

des organisations; il appelle à plus d’originalité dans la façon de concevoir la stratégie d’une

entreprise. Selon l’auteur, la pratique qui consistait à élaborer la stratégie sur la base de modèles

prédéfinis doit être substituée par des pratiques qui tiennent compte des « contextes légal,

politique et social dans lesquelles ces stratégies s’expriment ». Dans le management des

ressources humaines, Havard et Kromher (2008) montrent l’intérêt d’utiliser la règle, et par

conséquent le processus de régulation comme cadre analytique des recherches sur la démarche

de compétence. Les auteurs préfèrent la notion de règle à celle d’outil, car elle représente «un

objet social et collectif qui met davantage en évidence le rôle des acteurs » ; alors que l’outil

n’est qu’un dispositif technique. Dans le même ordre d’idée, Dietrich et Pigeyre (2011)

appréhendent les règles comme un instrument majeur de la régulation du travail dans

l’entreprise. Pour ces auteurs, les règles sont indispensables au fonctionnement de l’action

collective et contribuent à organiser le travail, à coordonner et à contrôler les travailleurs.

Enfin, la théorie de la régulation sociale appréhende les pratiques de management comme les

résultats d’une régulation. Elle permet de comprendre comment, au moyen des interactions, les

individus créent, renouvellent les règles qui leur permettent de fonctionner. Dans cette

perspective, nous appréhendons la socialisation comme un mécanisme de régulation sociale, qui

assure le renouvellement des règles de gestion. Cette approche théorique est particulièrement

adaptée au management des vendeurs indépendants, et de façon précise à la gestion des agents

commerciaux. La gestion de ces vendeurs étant encadrée par des lois qui ne sont pas toujours

Page 201: Contribution de la socialisation organisationnelle au

200

compatibles avec la réalité du fonctionnement des forces de vente, il est nécessaire que les

managers des ventes s’entendent avec leurs vendeurs (négociation) afin de pérenniser leur

relation.

Dans la force de vente, le manager des ventes établit une relation avec des vendeurs de statuts

divers, en fonction de la politique commerciale de l’entreprise. La relation avec des vendeurs

indépendants s’inscrit dans le cadre d’un contrat commercial. En effet, le vendeur indépendant

est considéré comme un prestataire de vente dont l’activité est réglementée par le droit

commercial et les différents contrats qui correspondent. A l’image du droit du travail « conçu

pour protéger le travailleur salarié de l’arbitrage patronal » (Dietrich et Pigeyre, 2011), le droit

commercial protège l’agent commercial des abus du mandant. Le responsable commercial qui

représente l’entreprise, est le garant du respect des règles de droit qui régissent le travail du

vendeur. A ces règles fondamentales sont associées les règles propres à la gestion d’une force de

vente ; ces règles forment ce que Reynaud (1988) appelle la régulation de contrôle. Il y a aussi

les règles produites par la force de vente à travers les interactions de ses membres, et qui

représentent la régulation autonome. Les informations recueillies dans notre étude préliminaire

indiquent que certaines entreprises mettent en place des dispositifs d’accompagnement pour

permettre aux nouveaux vendeurs de lancer leurs activités. S’agit-il d’une forme de régulation

conjointe ? Ou tout simplement une opération ponctuelle destinée à motiver les vendeurs. Après

une description des règles qui caractérisent le management des forces de vente, nous analyserons

le rôle de la socialisation organisationnelle dans le processus de régulation.

§ Les règles de droit

Le vendeur indépendant est un être social qui exerce son activité dans une équipe régie par

des lois, des règles liées au fonctionnement de la vie du groupe, mais également des règles liées à

la structuration de l’équipe. L’activité de l’agent commercial est définie par la loi qui donne un

contenu à l’exercice du métier de vendeur. Cette loi est complétée et précisée par le contrat et

les conventions collectives en fonction de l’acte posé et de la branche d’activité. Au regard du

droit commercial, l’acte uniforme OHADA portant sur le droit commercial général stipule dans

son article 216 que « l’agent commercial est un mandataire professionnel chargé de façon

permanente de négocier et, éventuellement de conclure des contrats de vente, d’achat, de

location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels,

de commerçants ou d’autres agents commerciaux, sans être lié envers eux par un contrat de

travail ». Cet article, tout comme l’article L134-1 du code de commerce Français, dont il

s’inspire donne une définition de l’agent commercial, ainsi qu’un aperçu de son activité. Nous

Page 202: Contribution de la socialisation organisationnelle au

201

nous proposons d’analyser les points saillants de cette définition afin de donner une meilleure

compréhension des règles qui régissent le travail de l’agent commercial.

Llati (1995) dans sa thèse49 indique que la situation juridique de l’agent commercial présente

deux aspects : une activité commerciale largement autonome confirmée par la loi, coexistant

avec la consécration d’une protection codifiée au fil des années. L’autonomie et la protection de

l’agent commercial sont les deux points autour desquels nous analysons ce statut. L’autonomie

du vendeur est consacrée à travers une disposition qui stipule que l’agent commercial exerce sa

profession de manière indépendante, sans être lié par un contrat de travail. Cette liberté peut être

déclinée en liberté d’organisation, liberté d’activité et liberté d’actions (Maquet et Perreault,

1992).

§ Les règles de gestion de la force de vente

La nature du travail effectué par le vendeur et sa localisation à l’extérieur de l’entreprise,

exige que certaines règles de gestion soient mises en place pour assurer le bon fonctionnement de

l’organisation. Ainsi, il est de tradition que les responsables commerciaux suivent de très près, le

déroulement des activités des vendeurs afin d’évaluer les efforts fournis par ces derniers dans

l’atteinte des objectifs fixés par l’entreprise. Dans la pratique, le suivi des vendeurs est

matérialisé par deux actions : l’établissement d’un compte rendu de visites hebdomadaire et les

réunions de travail. Le compte rendu de visite est un document qui renseigne le manager sur le

travail du vendeur, l’état d’esprit de la clientèle et de la concurrence. Il présente de façon brève

les visites effectuées par le vendeur en indiquant les résultats obtenus, les actions entreprises, et

les faits marquants de son activité. Les réunions permettent d’organiser le travail de l’équipe de

vente, par le « briefing et le débriefing » sur les actions menées et les résultats obtenus. Le

« briefing » se réfère souvent aux directives qui sont données par le manager, en termes

d’objectifs et d’actions à mener sur le terrain ; alors que le « débriefing » permet de « faire le

point » sur les résultats obtenus, et le cas échéant d’apporter des corrections sur les insuffisances

des vendeurs.

Ainsi, alors que les règles de droit apportent au vendeur toute la protection nécessaire afin que

ce dernier réalise son travail en toute indépendance, les règles de gestion plus axées sur la

recherche de l’efficacité, apparaissent beaucoup plus contraignantes. La socialisation

organisationnelle apparait donc comme un recours indispensable, qui permettrait aux managers

de surpasser les problèmes juridiques posés par la gestion des vendeurs indépendants,

notamment la perte du contrôle direct des vendeurs et les difficultés de coordination qui en

49 La force de vente de l’entreprise : aspects juridiques

Page 203: Contribution de la socialisation organisationnelle au

202

découlent. L’intérêt d’une telle approche est double. Premièrement, elle s’appuie sur des

pratiques de GRH, ce qui constitue une activité de gestion ordinaire qui peut s’appliquer à

l’identique, quel que soit le statut juridique du collaborateur à enrôler (salarié ou indépendant),

ou la nature de l’entité à engager (individu ou entreprise). Deuxièmement, il est indispensable

que les entreprises qui utilisent des forces de vente externes aient, pour des raisons de cohérence,

la possibilité de suivre leurs vendeurs sur le terrain afin de maintenir le contact avec leur

clientèle. Pour cela, les pratiques de GRH d’entrée dans l’organisation sont réputées pour leur

capacité à modifier en profondeur et pour le long terme, les comportements des individus dans le

sens souhaité par l’entreprise (Hughes, 1958). Depuis quelques années, ces pratiques de GRH

ont la faveur des chercheurs dans le choix des partenaires et la gestion des relations

interentreprises (Wathne et Heide, 2010 ; Ouchi, 1980). Ainsi, en dehors du rôle qui leur est

réservé dans le choix et l’enrôlement des nouveaux, ces pratiques deviennent aussi des outils de

gestion qui peuvent suppléer ou compléter les outils traditionnels.

3.2. La théorie du contrat psychologique

La théorie du contrat psychologique apporte une meilleure compréhension de la relation

managériale entre le manager des ventes et ses vendeurs indépendants, à travers leur relation

d’emploi. A l’origine conçue pour expliquer les mécanismes qui régissent une relation d’emploi

type (relation d’emploi salariée), la théorie du contrat psychologique a vu son champ

d’application s’étendre aux emplois dits « atypiques ». Cette extension marquée par une

évolution des obligations de l’employé et l’employeur, à modifié aussi la relation entre le

manager et son vendeur. Selon Tessier et Deffayet (2005), elle permet d’expliquer l’évolution

des représentations de l’échange managérial au sein de la dyade managériale. Ainsi, nous

considérons le contrat psychologique comme un mécanisme de régulation de la relation

d’emploi.

3.2.1. Les fondements théoriques du contrat psychologique

3.2.1.1. Définition et conceptualisation du contrat psychologique

Le terme de contrat psychologique est utilisé pour la première fois par Argyris (1960) afin de

décrire les relations entre les ouvriers et leur contremaitre. Selon cet auteur, « les ouvriers

paraissent plus productifs tant que les contremaitres répondent à un certain nombre de leurs

attentes non inscrites dans le contrat formel, telles que la tranquillité, la régularité du salaire ou

encore la sécurité de l’emploi ». Argyris veut montrer qu’en dehors des éléments écrits et

formalisés d’une relation d’emploi, il se développe une relation dite psychologique entre les

Page 204: Contribution de la socialisation organisationnelle au

203

« ouvriers et leur contremaitre » qui peut être qualifiée de contrat psychologique. Ainsi, il

existerait entre les employés et leur employeur une entente tacite qui se manifeste sous la forme

d’un échange portant sur une meilleure productivité, assortie de faibles revendications contre la

garantie d’un salaire et une sécurité d’emploi. Cette conceptualisation met en évidence la qualité

des interactions entre les membres qui composent l’entreprise et les liens de réciprocité. Dans le

sillon d’Argyris, Levinson et al. (1962) et Schein (1965) vont développer une version plus

élaborée qui appréhende le contrat psychologique comme un « ensemble d’attentes réciproques,

non écrites entre le salarié et l’organisation ». Ainsi, la relation d’emploi repose sur deux types

de contrats, un contrat formel et écrit qui spécifie l’ensemble des obligations, généralement

codifiées dans des termes juridiques, et un contrat psychologique qui renferme les attentes

implicites et réciproques exprimés par les deux parties.

Par la suite, Rousseau (1995, 2001) propose une nouvelle conception du contrat

psychologique. Elle le définit comme « la croyance d’un individu relative aux termes et aux

conditions d’un accord d’échange réciproque entre cette personne cible et une autre partie »

(1989), Lequel « nait lorsqu’une partie croit qu’une promesse en un retour futur a été faite par

l’autre partie, et donc si elle lui apporte une contribution, elle l’oblige en retour pour un

bénéfice futur » (1990). Cette conception diffère de la première sur deux points. Premièrement,

l’auteur appréhende le concept au niveau individuel, en s’appuyant sur les perceptions de

l’employé. Autrement dit, le contrat psychologique émane des représentations subjectives de

l’individu, l’entreprise ayant pour rôle de fournir le contexte qui permet de créer le contrat

psychologique. Deuxièmement, le contrat psychologique porte sur les promesses et non plus sur

les attentes, il s’agit d’obligations qui découlent des promesses perçues et ayant un caractère

contraignant. Ces promesses peuvent être inscrites dans des documents écrits, des pratiques

organisationnelles, ou découler des discussions ou d’engagements pris par les acteurs au moment

du recrutement (Rousseau, 1989). De ce point de vue, le contrat psychologique apparait comme

un modèle mental de la relation d’emploi (Rousseau, 1995, 2001), c'est-à-dire un cadre cognitif

qui représente une connaissance organisée à propos d’un concept donné. Pris sous cette forme, le

contrat psychologique permet aux employés de définir leur relation d’emploi, tant au niveau du

contenu que des caractéristiques. Il constitue également un cadre référentiel qui permet aux

employés « d’interpréter et de se souvenir des obligations et des promesses qui définissent leur

relation d’emploi ».

Pour apporter une meilleure compréhension du contrat psychologique, Rousseau (2001)

appréhende aussi le contrat psychologique comme un schéma structuré en trois niveaux de

signification. Le premier niveau concerne les croyances, ou plus précisément les promesses et les

Page 205: Contribution de la socialisation organisationnelle au

204

obligations qui composent la relation d’emploi, les obligations de l’employeur (la rémunération,

les opportunités de formation, le contenu du travail, etc.), les obligations de l’employé

(performance envisagée, loyauté, etc.). Le deuxième niveau concerne la signification attribuée

aux croyances, et décrivent les cinq dimensions qui caractérisent la relation d’emploi : (1)

l’orientation de la relation d’emploi (économique vs socio émotionnelle), (2) la durée (court

terme vs long terme) et la précision de l’horizon temporelle, (3) la stabilité (statique vs

dynamique), (4) l’étendue (limitée vs englobant), et (5) la tangibilité (observable publiquement

vs compris subjectivement).

3.2.1.2. Le contrat psychologique: une relation d’échange social régulée par

la norme de réciprocité

La théorie de l’échange social développée par Blau (1964) considère que la relation tissée

entre deux parties (ex. deux collègues ou un employé et son superviseur) peut être décrite sur un

continuum entre deux extrêmes : l’échange économique (comprenant des obligations respectives

claires centrées sur la satisfaction de ses propres intérêts et limité à un échange de ressources

quantifiables), et l’échange social (qui inclut des obligations non spécifiées laissées à la

discrétion des deux parties, tant quant à leur contenu qu’a leur fréquence d’apparition).

L’échange social, qui nous intéresse particulièrement est une conception de la relation d’échange

qui engendre des obligations non écrites entre les acteurs. Parmi ces obligations, nous avons le

principe de réciprocité sans lequel l’échange ne peut avoir un caractère social, l’obligation de

rendre qui est différée dans le temps, et l’engagement dans l’échange qui doit permettre

l’établissement de liens forts entre les partenaires. Le principe (ou norme) de réciprocité est tiré

des travaux anthropologiques de Mauss (1950) sur les sociétés primitives et archaïques

(Polynésie, Mélanésie, et du Nord-est Américain). L’auteur explique, à travers sa théorie du don,

que le système de prestation économique en vigueur dans ces sociétés indique qu’une prestation

offerte, en apparence gratuitement, est soumise in fine à « l’obligation de rendre la chose reçue ».

Cette obligation est au centre de la théorie de l’échange social et sa pertinence se situe dans le

fait que : « (1) les gens doivent aider ceux qui les ont aidés et, (2) les gens ne doivent pas faire de

tort à ceux qui les ont aidés » (Gouldner, 1960). La norme de réciprocité joue donc un rôle

central dans le développement de la relation d’échange, car elle oblige les parties à respecter

leurs obligations et renforce le sentiment qu’ils doivent s’acquitter de leur dette (Coyle-Chapiro

et Parzefall, 2005, p.29). Ensuite, le fait que l’obligation de rendre soit différée dans le temps

implique que les acteurs établissent entre eux une relation de confiance. Cette confiance se

construit dans un processus d’échange durable et réciproque (Blau, 1964) entre l’employé et son

entreprise. Finalement, la théorie de l’échange social permet de considérer que les

Page 206: Contribution de la socialisation organisationnelle au

205

comportements des individus dans une relation sont guidés par leur engagement. L’engagement

de l’entreprise matérialisé par le soutien que les employés perçoivent de leur entreprise à travers

des actions précises, mais aussi l’engagement des employés entendu comme une implication de

ces derniers aux activités de l’entreprise. Aussi, il est admis que certaines pratiques des

ressources humaines, en répondant aux besoins des employés vont favoriser l’attachement de

ceux-ci à l’entreprise et par conséquent au développement de comportement conformes aux

objectifs de l’entreprise.

Considéré comme la construction mentale de la relation d’emploi, le contrat psychologique

repose sur le même schéma conceptuel que celui de l’échange social, à laquelle elle est

intimement liée. Coyle-Chapiro et Parzefall (2005) établissent une similitude dans la distinction

entre l’échange économique et l’échange social et les deux types de contrat psychologique

rencontrés dans la littérature : le contrat transactionnel et le contrat relationnel. Selon ces auteurs,

un contrat transactionnel est basé sur des critères de nature économique portant sur des éléments

tangibles et stables tout le long de la relation, alors qu’un contrat relationnel est réalisé dans les

relations d’emploi où les employés sont embauchés avec l’idée de faire carrière dans une seule

même entreprise jusqu'à la retraite. Comme le montre la typologie dressée par De Vos (2002),

ces contrats psychologiques peuvent être caractérisés par leur contenu, leur cadre temporel, leur

stabilité, leur portée, et leur caractère plus ou moins tangibles.

Tableau 20. Contrats transactionnels et relationnels selon DE VOS (2002)

Le contrat psychologique transactionnel Le contrat psychologique relationnel

Des échanges monétaires et économiques Des conditions spécifiques données comme le niveau de salaire Une implication personnelle dans l’emploi limitée Un cadre temporel donné Des engagements limités à des conditions bien précises Une flexibilité limitée L’utilisation de compétences existantes Des termes du contrat non ambigus

Une relation d’emploi à durée indéterminée Des investissements importants de la part des salariés et des employeurs Un degré élevé d’interdépendance et de fortes barrières à la sortie Des relations impliquant la personne dans son ensemble Dynamique et sujet au changement Un emploi pouvant empiéter sur la vie privée Des termes du contrat subjectifs et compris de manière implicite

Source : Campoy et al (2005)

L’ancrage du contrat psychologique dans la théorie de l’échange social est aussi matérialisé

par la réciprocité dans les échanges que l’employeur et l’employé réalisent dans leur relation

Page 207: Contribution de la socialisation organisationnelle au

206

d’emploi. Ainsi, il est fait mention dans la littérature que les employés manifestent des attentes

vis-à-vis de l’entreprise, et espèrent que celle-ci récompense leurs efforts. De même que les

employés sont engagés à « rendre ce que l’entreprise leur donne, à travers leurs attitudes et

comportements ».

Nous pouvons conclure cette étape de conceptualisation en disant que le contrat

psychologique a fait l’objet de deux conceptions majeures, et la question qui revient est celle de

savoir s’il faut privilégier la perception par l’individu de la relation d’échange avec son

employeur, ou se concentrer sur l’interaction entre employeur et employé. Même si la conception

individuelle a obtenu la faveur des chercheurs, un consensus semble se dessiner sur la

perspective d’une intégration de l’employeur et de l’employé à partir de la norme de réciprocité

(Tekleab et Taylor, 2003 ; Coyle-Shapiro, 2002 ; Lewis et Taylor, 1998).

3.2.2. La formation du contrat psychologique

3.2.2.1. La formation du contrat psychologique au cours du processus de

socialisation

Les recherches sur la construction du contrat psychologique se sont particulièrement

intéressées à la façon dont le contrat se forme, se stabilise et change dans le temps. Etant donné

le caractère progressif du schéma cognitif qui sous-tend le développement d’un contrat

psychologique, l’entrée dans une nouvelle organisation est souvent présentée par de nombreux

chercheurs comme le point de départ de la formation du contrat psychologique (Rousseau, 2001 ;

Taylor et Tekleab, 2004). Selon Schein (1978) « l’instauration d’un contrat psychologique se

fait implicitement au cours du processus d’apprentissage, et marque l’acceptation mutuelle

entre la nouvelle recrue et l’organisation ». La littérature sur le contrat psychologique propose

deux approches de la formation du contrat psychologique : l’approche basée sur les différentes

étapes du processus de socialisation, et l’approche socio cognitive.

La première approche s’intéresse au développement temporel du contrat psychologique, et

s’inspire des travaux d’Anderson et Thomas (1996) et Nelson, Quick, et Joplin (1991). En

reprenant à leur compte le développement progressif du contrat psychologique à travers le

processus « continu d’accommodation entre les employés et les agents organisationnels », et en

s’appuyant sur le modèle cognitif d’intégration des individus dans l’entreprise de Louis (1980),

De Vos, Buyens, et Schalk (2003) envisagent la formation du contrat psychologique dans une

perspective de construction de sens. Les auteurs soulignent qu’au moment d’intégrer une

organisation, les nouvelles recrues sont, non seulement confrontés à l’incertitude relative à leur

rôle, mais ils font aussi face à un niveau élevé d’incertitude concernant leur relation d’emploi. Ils

Page 208: Contribution de la socialisation organisationnelle au

207

éprouvent alors le besoin de donner un sens à leur nouvel environnement de travail afin de

réduire l’incertitude portant sur les termes de leur relation d’emploi. Dans ce contexte, la théorie

de construction de sens permet d’entrevoir les changements qui interviennent dans la perception

que les nouvelles recrues ont des promesses qui leur sont faites par l’organisation au cours des

phases d’intégration et d’adaptation du processus de socialisation. Deux mécanismes distincts

sont développés dans la littérature : l’adaptation unilatérale basée sur la perception de la réalité,

et l’adaptation réciproque basée sur la norme de réciprocité. L’adaptation unilatérale implique

que l’employé modifie sa perception des promesses faites par une des parties (lui-même ou son

employeur) sur la base de son interprétation des contributions apportées par cette dernière. Les

résultats des études empiriques montrent que les nouvelles recrues modifient leurs perceptions

des obligations liées à l’employeur sur la base de leurs perceptions des rétributions reçues

effectivement de ce dernier. L’adaptation réciproque implique que l’employé modifie sa

perception des promesses par une des parties (lui-même ou son employeur) sur la base de son

interprétation des contributions faites par l’autre partie. Les résultats de l’étude empirique

montrent également que les nouvelles recrues modifient leurs perceptions des obligations qu’ils

ont à l’égard de leur organisation sur la base des rétributions fournies par cette dernière.

Dans le même ordre d’idées, Dulac (2005) propose un processus de formation du contrat

psychologique qui prend en compte l’évolution temporelle du contrat: (1) « l’étape de

socialisation anticipatoire est celle de la formation d’un contrat psychologique anticipatoire.

Avant leur entrée dans l’organisation, les futures nouvelles recrues sont dotées d’un schéma

préalable de leur relation d’emploi. Ce schéma repose sur les expériences passées, et constitue le

socle des obligations perçues qui seront renforcées au moment des entretiens de recrutement. (2)

« la rencontre » est l’étape de la réévaluation du contrat « anticipatoire » par la nouvelle recrue,

confrontée à la réalité organisationnelle. Les interactions engagées avec les agents déjà en place

(collègues et superviseur) vont influencer les perceptions que les nouvelles recrues ont de leur

relation d’emploi, et modifier progressivement leur schéma contractuel en remplaçant le contrat

psychologique anticipatoire par un contrat plus stable. (3) « le changement et l’acquisition » est

l’étape dans laquelle la nouvelle recrue dispose d’une meilleure connaissance de sa relation

d’emploi et possède des certitudes qui l’aident à s’ajuster progressivement. Le contrat

psychologique est complètement formé lorsque les croyances individuelles sont jugées

conformes avec les expériences organisationnelles.

Page 209: Contribution de la socialisation organisationnelle au

208

3.2.2.2. L’approche sociocognitive de la formation du contrat psychologique

Rousseau (1995 ; 2001) appréhende le contrat psychologique comme un processus socio

cognitif qui débute dès l’entrée dans une organisation. L’auteur s’intéresse aux facteurs

individuels et organisationnels qui interviennent dans la formation de ce contrat, et

particulièrement les deux grandes catégories de facteurs qui tiennent un rôle important dans la

formation du contrat psychologique : (1) les facteurs externes, et (2) les facteurs individuels. Les

facteurs externes comprennent les messages, les évènements et les signaux émis par

l’organisation et son environnement. Il s’agit de messages et d’évènements qui sont déployées

dans le cadre des activités impliquant le processus de gestion des ressources humaines (le

recrutement et la sélection, la formation, et la socialisation), ou lors des changements

organisationnels. Les facteurs individuels sont repartis en deux sous catégories. D’une part, les

prédispositions individuelles comprennent les biais cognitifs relatifs à l’interprétation des

promesses ; les buts, les motivations et les objectifs des nouvelles recrues et la personnalité des

individus. Ces prédispositions ont une influence sur le développement du contrat psychologique.

D’autre part, les comportements de recherche d’informations traduisent le rôle proactif des

nouvelles recrues. Selon Dulac (2005, p.85), « les nouvelles recrues ne se contentent plus de

percevoir et d’interpréter les signaux émanant de leur environnement, ils deviennent actif dans la

recherche et le traitement de l’information concernant leur nouveau contexte de travail, et

particulièrement l’information sur le contrat psychologique. Le processus d’acquisition de

l’information est le même que celui décrit par Morrison (1993a ; 1993b) et Ostroff et Kozlowski

(1992) dans le cadre de la socialisation organisationnelle. Il distingue deux principaux types de

comportement de recherche d’information : le contrôle (monitoring) et la demande (inquiry). Les

nouvelles recrues peuvent recueillir les informations concernant leur contrat psychologique (les

obligations réciproques relatives à la relation d’emploi) auprès de trois catégories d’agents dans

l’organisation : les responsables du recrutement et de la sélection, les collègues et le superviseur.

3.2.3. Les conséquences de la rupture du contrat psychologique

En tant que schéma mental de la relation d’emploi, le contrat psychologique peut avoir des

conséquences sur les attitudes et les comportements des personnes qui le détiennent. Ces

conséquences sont dans une majorité des cas négatifs, car ils résultent du constat (perceptions)

fait par un employé que les obligations de son organisation à son égard ne sont pas remplies.

Dans la littérature consacrée au contrat psychologique, deux concepts permettent de rendre

compte de ce phénomène : la brèche et la violation du contrat psychologique. La brèche du

contrat psychologique peut être définie comme le fait qu’un employé perçoive que l’organisation

Page 210: Contribution de la socialisation organisationnelle au

209

a échoué dans l’accomplissement d’une ou plusieurs obligations ayant fait l’objet d’une

promesse préalable (Morrison et Robinson, 1997). Alors que le terme « violation » concerne

l’état émotionnel et affectif qui découle de l’interprétation de la brèche. Autrement dit la

perception d’une brèche au sein du contrat psychologique entraine inévitablement des réactions

émotionnelles (colère, anxiété, trahison) à l’origine de la violation du contrat psychologique.

Partant de ce principe, l’évaluation de la brèche est une opération importante car elle permet de

connaitre le degré d’accomplissement du contrat psychologique, et par conséquence les efforts à

réaliser pour que les perceptions de brèche soient moins nombreuses. Pour sa part, Mullenbach-

Servayre (2009) observe des corrélations entre la rupture du contrat psychologique et les

différentes variables explicatives exprimées en termes de loyauté, de confiance en son employeur

et d’intention de partir. Selon l’auteur, la réaction peut être observée lorsque certaines promesses

faites par l’employeur sont considérées comme ayant été bafouées: le climat de travail, la

carrière, la rétribution et l’intérêt du travail.

En définitive, nous pouvons dire avec Mullenbach-Servayre (2009) que le contrat

psychologique peut être considéré comme un outil de gestion précieux qui permet d’agir de

façon préventive dans des situations complexes et changeantes. Il permet de montrer

l’importance des promesses qui sont faites par les employeurs à leurs vendeurs indépendants

dans leur relation d’emploi, et les conséquences qui découlent du non-respect de ces promesses

en termes de comportements et d’attitudes. Dans cette recherche, nous mettons en évidence les

causes probables et envisageables du turnover des vendeurs indépendants.

3.3. Présentation du modèle de socialisation du vendeur indépendant

Dans une perspective dynamique, le schéma de synthèse que nous proposons ci-dessous (Cf.

figure 13), s’inspire du modèle général de la socialisation organisationnelle (Cf. figure 8). Il fait

ressortir les principaux éléments qui sous-tendent la construction de la relation managériale au

cours du processus de socialisation du vendeur indépendant. Les principales phases de ce schéma

sont présentées ci-après.

3.3.1. Adaptation du modèle général de la socialisation organisationnelle proposé

par Lacaze

Afin d’adapter le modèle général de la socialisation du salarié proposé par Lacaze au vendeur

indépendant, nous lui avons apporté trois modifications qui viennent de notre revue de la

littérature, et des études préliminaires sur le terrain. Ces modifications tiennent compte de

l’esprit et le corpus du modèle d’origine.

Page 211: Contribution de la socialisation organisationnelle au

210

Premièrement, compte tenu de notre approche interactionniste de la socialisation, nous

établissons avant même l’entrée dans l’organisation des interactions entre les nouveaux vendeurs

et l’organisation, à travers ses membres. Ainsi, ces interactions débutent avec les opérations de

recrutement et s’intensifient au moment où le nouveau vendeur entre dans l’entreprise.

Deuxièmement, prenant en compte la position du vendeur dans l’entreprise, nous ajoutons la

relation managériale (ou précisément sa qualité) comme un résultat direct. La relation

managériale englobant tous les éléments caractéristiques du management tels que définis dans

les paragraphes antérieurs.

Troisièmement, nous considérons que les résultats de ce processus de socialisation peuvent

être soit positifs, soit négatifs. Nous indiquons donc de façon explicite cette orientation avec des

flèches comportant des signes plus ou moins. Par ailleurs, nous retenons dans notre modèle,

seulement trois résultats indirects à savoir, la performance, la satisfaction et le turnover

Nous présentons la dynamique de la socialisation qui s’installe au cours du processus d’entrée

dans l’organisation, et les résultats qui découlent directement des échanges entre les nouveaux

vendeurs et les personnes déjà en place. Ensuite, nous présentons les améliorations apportées

par rapport au modèle initial, et l’intérêt d’une telle approche pour les vendeurs indépendants.

3.3.2. Présentation du modèle de recherche

En appréhendant la socialisation du vendeur indépendant comme un processus de

construction de la relation managériale, nous avons résolu de la considérer comme un processus

continu (mais non linéaire) dans lequel le nouveau vendeur se confronte à l’organisation à

travers des situations de gestion (Garreau et Perrot, 2012). Selon ces auteurs, les individus

apprennent et intériorisent (ou désapprennent et rejettent) les éléments liés à leur travail, au

groupe et à l’organisation en fonction de leurs objectifs, des connaissances accumulées dans les

expériences passées et des affections qu’ils éprouvent dans leur nouveau contexte de travail.

Autrement dit, toutes les situations de confrontation du vendeur avec son environnement de

travail ne favorisent pas forcément sa socialisation à l’organisation. « Le vendeur peut apprendre

des éléments sur les pratiques organisationnelles, et les rejeter car elles ne font pas partie de son

système de valeur ». Ainsi, il est possible de rencontrer des vendeurs moins socialisés que

d’autres, ou qui ne le sont pas du tout plusieurs mois après leur arrivée dans l’entreprise.

Page 212: Contribution de la socialisation organisationnelle au

211

Figure 15. Modèle d'analyse de la socialisation du vendeur indépendant

Actions de l’entreprise Actions du vendeur

Echanges Interactions Négociation

Confiance/Défiance Règles du jeu Attentes/Rôles

Comportements

et attitudes

organisationnels

Recrutement.

Tactiques Org.

Formation.

Management.

Recherche

d’information.

Ouverture aux

autres.

Préoccupations communes/divergentes

de la relation managériale

Satisfaction Performance

Turnover

+/-

+/-

Nous récapitulons les questions de recherche qui procèdent de cette approche de la

socialisation.

1. Comment les entreprises s’y prennent-elles pour intégrer leurs vendeurs indépendants ?

2. Comment les nouveaux vendeurs s’ajustent-ils à leur nouvel environnement de travail?

3. Quelle est le contenu de la socialisation au cours de cette période de transition?

Des éclairages sont attendus sur les pratiques mises en œuvre par les managers et les vendeurs, et

sur le contenu de leurs échanges au cours de la phase d’intégration.

Nous positionnons une quatrième question :

4. Pourquoi le turnover des vendeurs indépendant est-il aussi important dans cette phase

d’intégration?

Page 213: Contribution de la socialisation organisationnelle au

212

Conclusion de la première partie

Dans le champ des sciences de gestion, le concept de socialisation organisationnelle à fait

l’objet de nombreux développements. En témoigne les nombreuses définitions qui sont

développées dans la littérature, et les difficultés que rencontrent les chercheurs à formuler une

définition unique et à l’ériger au stade de théorie à part entière. Mais le concept s’est nourrie de

l’apport de plusieurs théories connexes qui fournissent des approches conceptuelles différentes

de la socialisation organisationnelle. Ainsi, certaines approches expriment globalement une

vision cognitive de la socialisation organisationnelle, c’est le cas de la théorie de réduction de

sens, de la théorie cognitive de construction de sens, et de la théorie social-cognitive. D’autres

appréhendent la socialisation dans ses aspects fonctionnels et relationnels, avec notamment la

théorie des rôles et les théories de l’échange social.

Dans la littérature, le concept de socialisation organisationnelle est considéré comme un objet

de gestion privilégié dans la mesure où il favorise l’établissement de relations profitables entre

l’entreprise et les différentes personnes avec lesquelles elle souhaite collaborer. Certains

chercheurs considèrent que les relations ne constituent pas seulement un mécanisme d’adaptation

des nouveaux employés, mais une composante intrinsèque du processus de socialisation50, à

l’instar des pratiques organisationnelles et individuelles. Dans le cadre de cette recherche, nous

nous intéressons aux relations que les entreprises établissent avec leurs vendeurs indépendants.

La première partie de cette recherche nous a permis de construire un cadre conceptuel et

d’élaborer des propositions théoriques. Le modèle d’analyse développé, à partir des éléments

recueillis aussi bien sur le terrain que dans la littérature, est la cadre à partir duquel nous allons

collecter et analyser nos données. Pour apporter des réponses à nos questions de recherche, nous

cherchons à comprendre les processus par lesquels les nouveaux vendeurs font face à leur nouvel

environnement de travail, et les pratiques de management mobilisées par les responsables

commerciaux pour orienter les comportements des vendeurs dans le sens des intérêts de

l’entreprise. Autrement dit,

Cette recherche s’inscrit donc dans la compréhension du processus de socialisation du

vendeur indépendant, et l’explication des comportements organisationnels des nouveaux

vendeurs et particulièrement les départs massifs en période d’intégration.

50 Lapointe (2013)

Page 214: Contribution de la socialisation organisationnelle au

213

Deuxième partie : La socialisation du vendeur indépendant, une

construction de la réalité sociale.

Au cours de ce travail de recherche, nous avons proposé d’éclairer le management des

vendeurs indépendant en nous appuyant sur le concept de socialisation organisationnelle. Plus

précisément, nous avons cherché à comprendre et à expliquer le turnover très élevé de ces

vendeurs en phase d’intégration. Pour cela, nous avons mis en évidence, dans la première partie,

la possibilité d’articuler autour des approches interactionnistes et de construction de sens de la

socialisation organisationnelle, les théories de la régulation sociale et du contrat psychologique.

Comme nous l’avons déjà précisé, la construction de ce modèle d’analyse a été rendu possible

grâce à notre recherche préliminaire sur la présence de la socialisation au sein des forces de

vente. Cette étude a permis d’identifier les préoccupations fondamentales des acteurs de la vente

sur la socialisation des nouveaux vendeurs, et de constituer le stock de concepts que nous allons

utiliser dans notre étude empirique.

Dans la deuxième partie, nous proposons d’adopter la méthode des cartes cognitives pour

rendre compte des représentations que les différents acteurs développent sur la socialisation des

nouveaux vendeurs. Le chapitre 4 présente les choix épistémologiques et méthodologique de la

recherche. L’adoption d’une approche constructiviste apparait comme une évidence, lorsqu’il

s’agit de construire des cartes cognitives, à partir des représentations de trois catégories

d’acteurs retenus dans le cadre de cette recherche. De même, le choix d’une étude qualitative

répond au caractère nouveau de ce champ de recherche, et les allez et retours entre la littérature

et le terrain justifient l’adoption d’une démarche abductive.

Le chapitre 5 présente les résultats de notre recherche. Ces résultats sont élaborés à l’aide du

logiciel « Decision Explorer », sous forme de listes de concepts ou de cartes graphiques. Le

chapitre propose deux types d’analyse, une analyse de la structure des cartes à partir des

indicateurs généraux et locaux, une analyse du contenu des cartes réalisée à partir de l’analyse de

regroupement et de l’analyse de centralité et/ou de l’analyse de domaine.

Enfin, le chapitre 6 propose un retour sur les différentes théories utilisées dans le cadre de

cette recherche, à travers deux types de discussion. Une discussion sur les résultats qui consiste à

confronter les résultats de notre recherche avec les résultats obtenus dans d’autres études. Une

discussion sur la nécessaire gestion de la socialisation du vendeur indépendant dans l’entreprise.

Page 215: Contribution de la socialisation organisationnelle au

214

CHAPITRE 4. EPISTEMOLOGIE ET METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

La conduite d’une recherche implique de s’interroger sur la façon dont les connaissances sont

produites, afin de donner aux résultats de la recherche une reconnaissance partagée par tous.

Cette exigence de cohérence et de rigueur est commune à toutes les sciences, mais prend une

importance particulière dans les sciences de gestion à cause du caractère pragmatique ou pratique

des disciplines de gestion le plus souvent orientée vers l’action. Ainsi, le management est

considéré comme un art si l’on se réfère à l’habileté du manager dans la conduite des hommes et

la réalisation des objectifs de l’entreprise. Mais, il est aussi considéré comme une science dès

lors que sa démarche est inspirée des méthodes utilisées dans les sciences sociales (David, 1999).

Ce statut hybride, entre art et science, qui est attribué au management participe de la nécessaire

clarification des logiques et des méthodes qui doivent être mises en œuvre pour produire la

connaissance.

La méthode de production des connaissances envisagée dans cette recherche peut, en

apparence, correspondre à une posture épistémologique positiviste, si nous tenons compte de la

littérature mobilisée et des emprunts qui nous ont permis d’élaborer nos propositions théoriques.

Mais, le choix d’une posture constructiviste s’impose à nous, d’une part parce que les situations

de vente sont diverses et ne permettent pas une reproduction aisée des connaissances. D’autre

part, parce que l’objet de notre recherche, la socialisation du vendeur indépendant est par essence

un construit social. Autrement dit, une connaissance qui est élaborée à partir des interactions

produites par les acteurs de la vente dans le cadre de leur collaboration. Ainsi, dans la recherche

d’une meilleure connaissance du management des vendeurs indépendants en phase d’intégration,

notre ambition n’est pas d’établir une énième relation de causalité, mais de savoir si le concept

de socialisation peut nous apporter une meilleure compréhension de la situation et d’expliquer

les comportements des vendeurs. Pour cela, nous avons choisi d’exploiter les ressources que

propose la cartographie cognitive, pour apporter des réponses à nos questions de recherche.

Ce chapitre éclaire sur le design de la recherche et la démarche méthodologique mise en

œuvre pour atteindre nos objectifs de recherche. Dans une première section, nous rappelons

l’opposition fondamentale entre positivisme et constructivisme et proposons une « archéologie »

de l’épistémologie dans la vente, avant de décliner notre posture épistémologique et la démarche

de recherche retenue. Dans une deuxième section, nous présentons la méthodologie retenue

autour de la méthode des cartes cognitives.

Page 216: Contribution de la socialisation organisationnelle au

215

SECTION 1. LE POSITIONNEMENT EPISTEMOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

Le choix d’une posture épistémologique est déterminant pour la méthodologie que l’on

souhaite mettre en œuvre. Comme le souligne Cossette (2008), le choix de la méthode

dépendant en grande partie de l’orientation épistémologique du chercheur. Dans cette section,

nous présentons d’abord les deux principaux courants épistémologiques qui participent à la

constitution des connaissances (1). Puis, nous proposons de revisiter la littérature traitant du

statut épistémologique de la vente (2). Enfin, nous déclinons nos propositions en tenant compte

du caractère construit de notre objet de recherche.

1. Positivisme versus constructivisme

Le choix d’un modèle de construction des connaissances fait l’objet d’un débat sans fin qui

oppose les deux principaux courants philosophiques qui président à l’élaboration de ces

connaissances : le positivisme et le constructivisme. Afin d’apporter une meilleure

compréhension des positions épistémologiques qui fondent ces paradigmes, nous avons choisi de

présenter d’une part les hypothèses (Gnoséologie) à la base de la construction des connaissances,

et d’autre part les principes (méthodologie) qui sous-tendent ces approches (Le moigne, 1995).

Le paradigme positiviste dérive principalement de la pensée d’Auguste Comte (1830-1845)

pour qui «le mot positivisme désigne le réel » (Le moigne, 1995). Autrement dit, le but de la

science dans cette conception est de découvrir la vérité (réalité) derrière ce qui est observé. Deux

hypothèses se succèdent dans cette approche : (1) l’hypothèse ontologique suppose que la réalité

a une existence propre différente de celle des individus, et que le chercheur peut chercher à

connaitre cette réalité qui est extérieure à sa personne (Thiétart et al, 1999). L’objet (la réalité)

est indépendant du sujet qui l’observe, ce qui implique que le chercheur peut étudier, cerner et

connaitre le réel en toute neutralité. Ainsi, la réalité est non seulement extérieure à l’individu,

mais elle est aussi indépendante des contextes dans lesquels les acteurs interagissent. Ce qui

permet d’obtenir une certaine objectivité dans la production de la connaissance ; (2) l’hypothèse

déterministe présume qu’il existe une forme de détermination propre au réel existant (Gavard-

Perret et al, 2012). Selon ces auteurs, la réalité ne peut être connue qu’en établissant des lois

invariables qui vont décrire les relations immuables entre les faits observables et mesurables

scientifiquement. Il s’agit de rechercher des explications sur la réalité que l’on observe en

mettant en évidence la chaine de causalité des évènements. Cela suppose que la réalité est régie

par des lois, et que ces lois existent même si elles ne sont pas toutes connues (Thiétard et al,

Page 217: Contribution de la socialisation organisationnelle au

216

1999). Le travail du chercheur consiste donc à découvrir et à expliquer les mécanismes (lois) qui

sous-tendent cette réalité.

Pour connaitre la réalité, le paradigme positiviste s’appuie sur les deux principes

méthodologiques suivant : (1) le principe de modélisation analytique repose sur un précepte

énoncé par Descartes qui consiste à décomposer ou «diviser chacune des difficultés en autant de

parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour mieux les résoudre ». Cela suppose que « la

réalité connaissable existe et est décomposables en partie, elles mêmes connaissables » (Le

moigne, 1995 ; Gavard-Perret et al, 2012) ; (2) le principe de raison suffisante est articulé autour

de l’hypothèse déterministe et s’appuie sur l’énoncé de Leibniz (1710) qui affirme que : « rien

n’arrive jamais sans qu’il y ait une cause ou du moins une raison déterminante ». Ce principe de

raison suffisante conditionne la logique déductive, correspondant au syllogisme d’Aristote : si A

cause B ; A est la raison suffisante, A est l’explication certaine de B (et B ne peut être cause de

A).

En isolant l’objet d’étude de son contexte et des interactions avec les chercheurs, la démarche

positiviste propose, à travers ses hypothèses et ses principes méthodologiques, la garantie d’une

certaine objectivité qui conforte la validité des connaissances produites. Pour autant, cette

approche ne fait pas l’unanimité parmi les chercheurs qui vont développer des paradigmes

épistémologiques alternatifs (Gavard-Perret et al, 2012). Ces paradigmes sont élaborés dans un

courant post-positivisme qui considère que la réalité ne peut être appréhendée pleinement, dans

sa globalité, notamment dans les systèmes humains et sociaux, sans faire entorse au principe qui

consiste à isoler l’objet du sujet. Cette approche est soutenue par Popper qui introduit l’idée

qu’une théorie ne peut être qualifiée de scientifique que si elle est réfutée par l’expérience, et

Kuhn (1972) qui préfère le terme « incommensurabilité » à celui de réfutation pour comparer les

théories. Mais aussi par les courants réalistes (scientifique et critique) qui développent une vision

à priori du réel (Gavard-Perret et al, 2012).

A l’opposé, le constructivisme considère que « la science ne saurait poursuivre un objectif de

connaissance de la réalité, et que cette réalité n’est pas indépendante voire antérieure à

l’observateur-chercheur » (Charreire et Huault, 2001). Selon ces auteurs, « la recherche des lois

explicatives du fonctionnement des phénomènes tant naturels que sociaux, la volonté

d’approcher l’essence même de la réalité est dépassée au profit d’une attention plus marquée à la

construction de la connaissance ». Le constructivisme diffère du positivisme par le statut qu’il

attribut aux connaissances et par la représentation de leur mode de production. Deux hypothèses

soutiennent cette approche : (1) l’hypothèse phénoménologique et (2) l’hypothèse téléologique.

Page 218: Contribution de la socialisation organisationnelle au

217

L’hypothèse phénoménologique est fondée sur les travaux de Piaget (1937) portant sur le

principe d’inséparabilité et la nécessaire « interaction entre le phénomène (l’objet) à connaitre et

le sujet connaissant qui forme la connaissance (de l’objet) et le mode d’élaboration de la

connaissance (l’intelligence) ». Autrement dit, l’approche constructiviste ne réfute pas

l’existence d’un réel qui serait indépendant du chercheur, mais elle revendique le fait que ce réel

ne peut être connu qu’en tenant compte de ses perceptions (Gavard-Perret et al, 2012). Ainsi, le

réel n’est pas une donnée objective qui existe à priori comme le stipule le positivisme, mais un

construit élaboré par le chercheur en interaction avec les acteurs. Le sujet est au cœur de l’action

et construit la connaissance à partir de ses expériences au moyen de représentations symboliques

(Le moigne, 1995). Selon cet auteur, l’hypothèse phénoménologique implique trois postulats :

l’irréversibilité de la cognition, la dialectique de la cognition et la récursivité de la cognition.

L’hypothèse téléologique stipule que « le projet de connaitre un certain réel influence la manière

dont on en fait l’expérience, et donc la connaissance que l’on en développe » (Gavard-Perret et

al, 2012). A l’inverse du positivisme qui prône une finalité transcendantale, dans le

constructivisme la finalité procède des intentions du chercheur puisque son rôle est décisif dans

la constitution de la connaissance (Le moigne, 1995). Dès lors, la démarche du chercheur porte,

non plus sur un objet à connaitre, mais sur un projet de connaissance qu’il s’est donné (Thiétard

et al, 1999).

Pour élaborer la connaissance, le constructivisme s’appuie sur deux principes

méthodologiques : (1) le principe de modélisation systémique se réfère à la théorie générale des

systèmes de Bertanlanffy (1968) qui développe à travers le paradigme systémique une méthode

d’observation multiple et globale qui permet d’aborder des sujets complexes qui ne peuvent être

étudiés par des méthodes analytiques. Selon Le Moigne (1995), « la modélisation systémique

privilégie la modélisation de l’acte qui ouvre le modèle sans chercher l’exhaustivité (qu’est-ce

que ca fait ? Pourquoi ?), à une modélisation de la chose ou analytique qui cherche l’exhaustivité

en fermant le modèle (de quoi c’est fait) ». En d’autres termes, il s’agit de dépasser le modèle

explicatif cartésien très réducteur qui enferme le chercheur dans une sorte de routine, pour

adopter des méthodes plus ouverte qui font appel à l’intelligence et favorisent la compréhension

de l’objet dans sa totalité ; (2) le principe d’action intelligente décrit « l’invention ou

l’élaboration, par toute forme de raisonnement (descriptif à postériori), d’une action (ou plus

précisément une stratégie d’actions) proposant une correspondance adéquate entre une situation

perçue et un projet conçu par le système »51. Il définit la capacité d’un système cognitif à

51 Le Flanchec, Colloque International sur les méthodologies de recherche AOM/RMD, Lyon, 15/16 juin 201.

Page 219: Contribution de la socialisation organisationnelle au

218

explorer et construire des représentations symboliques des connaissances qu’il traite (Le Moigne,

1995). Dans cette perspective, le chercheur construit sa représentation du réel en s’appuyant sur

la raison, et en développant une argumentation qui prend source dans ses acquis (cognitifs,

conatifs et logiques).

Le constructivisme est généralement décliné sous deux paradigmes épistémologiques distincts

qui reposent sur des hypothèses fondatrices très proches, mais diffèrent par leur position

ontologique. Le premier a été élaboré à partir des travaux de Piaget (1937) par Von Glaserfeld

(1988, 2001), puis développé par Le Moigne (1995) sous la dénomination paradigme

épistémologique pragmatique (Gavard-Perret et al, 2012). Il constitue l’essentiel de notre

présentation ci-dessus. Le second paradigme à été développé par Cuba et Lincoln (1989, 1998)

dans le champ des sciences de l’éducation. L’hypothèse ontologique soutenue par ce paradigme

est relativiste, en ce sens qu’elle admet que « la réalité est relative, multiple, socialement

construite, et n’est pas gouvernée par des lois naturelles, causales ou d’autres sortes ». La

validité de ces connaissances constructivistes s’opère essentiellement sur deux principes : les

principes d’adéquation et d’enseignabilité. Une connaissance est dite adéquate si elle est

suffisante pour expliquer une situation à un moment donné. L’enseignabilité par contre indique

que la connaissance élaborée doit être transmissible.

Dans le même ordre d’idées, le paradigme interprétativiste développé dans le sillage du

paradigme épistémologique constructiviste pragmatique, récuse l’existence d’un réel objectif qui

serait indépendant du chercheur, mais diffère de ce dernier dans la mesure où il pose des

hypothèses fondatrices d’ordre ontologique. De même qu’ils diffèrent également sur les critères

de validité, qui sont pour le paradigme interprétativiste : le caractère idiographique des

recherches et les capacités d’empathie que développe le chercheur (Thiétart et al, 2012).

2. Le statut épistémologique de la vente

Le concept vente a été diversement défini dans la littérature, nous retenons dans le cadre de

cette recherche la définition proposée par Barth (2000), qui appréhende la vente comme « un

processus de construction de solutions (plus ou moins) complexes entre un offreur (vendeur) et

un demandeur (client) par des rencontres entretenant un flux informationnel bilatéral permettant

la conclusion d’un ou de plusieurs actes scellant un transfert de propriété, c'est-à-dire un accord

sur un échange à valeur ajouté d’un flux financier contre un flux de produit-service ». La vente

est à la fois un outil stratégique qui sert « la stratégie globale de l’entreprise et participe à la

performance », et une discipline des sciences de gestion qui regroupe divers champs de

recherche dont le management des forces de vente.

Page 220: Contribution de la socialisation organisationnelle au

219

2.1. La vente : une discipline en construction

La vente est un champ de recherche relativement jeune qui suscite peu d’intérêt auprès des

chercheurs malgré la place qu’elle occupe dans les relations humaine et sociales (Barth, 2000),

et les sommes d’argent qui sont mobilisées pour sa mise en œuvre dans les entreprises (Darmon,

1993). Selon l’auteur, ce désintérêt est attribué au caractère pragmatique de l’activité et à la

difficulté que présente ce type de recherche, le plus souvent basée sur les expériences des acteurs

et la pratique de la vente.

Depuis quelques années, la question de la scientificité des connaissances produites dans la

vente se pose avec insistance ; si l’on se réfère aux écrits produits ces dernières années (Barth,

2000, 2001, 2003, 2004,2008). Selon Barth (2000), la difficulté à considérer la vente comme une

discipline scientifique repose sur trois spécificités propres à cette activité de gestion : Il y a

d’abord le manque de visibilité de la vente en tant que domaine de recherche ; ce manquement

s’explique dans ses rapports avec le marketing. Pendant longtemps la vente a évolué sous

l’ombre du marketing, et est apparu comme une discipline « subalterne » qui avait pour rôle de

rendre opérationnel les stratégies développées. Cette prégnance du marketing sur la vente est

exprimée dans le marketing-mix, qui positionne la vente comme une variable d’action dont on ne

sait pas exactement le rôle, car elle est intégrée, soit dans le plan de distribution, soit dans le plan

de communication. Ensuite, les discours et les comportements des individus sur la vente sont

caractérisés par le « dénigrement » systématique de la vente, notamment à travers les opinions

négatives qui sont développées sur elle, aussi bien dans les organisations que dans la société en

générale. Ainsi, la vente est souvent considérée comme une activité dévalorisante et le vendeur

un être antipathique qui cherche seulement à « dépouiller » le client pour assouvir ses objectifs

de gain (Barth, 2000). Dans l’entreprise, la vente est l’une des fonctions les moins nantis en

termes de gestion des ressources humaines; les perspective de carrière étant limitées pour un

vendeur dans une même entreprise (Xardel, 1993). Par ailleurs, la vente est considérée comme

un métier « ingrat, stressant, sujet de revenus aléatoires » (Barth, 2000). Ces préjugés souvent

véhiculés par les clients, les responsables commerciaux, et quelque fois par les vendeurs eux-

mêmes, donnent de la vente une image de précarité qui n’attire pas toujours les candidats

potentiels à postuler pour cet emploi (Barth et Biardeau, 2002). Enfin la vente est appréhendée

comme une pratique dénuée de tout fondement théorique. On nait vendeur, ou on le devient

naturellement au gré des circonstances, à travers des apprentissages informels ou tout

simplement en imitant des vendeurs aguerris dans le métier. Selon Barth (2008), il n’existe pas

de « corpus théorique » propre à la vente ; les connaissances développées dans ce champ de

recherche sont constituées essentiellement des apports venus des sciences connexes et en

Page 221: Contribution de la socialisation organisationnelle au

220

particulier du marketing et de la gestion des ressources humaines. Autrement dit, les

connaissances produites dans la vente sont encore très hétérogènes ; la fragmentation de ces

connaissances, et surtout « l’enracinement de la vente dans l’action » sont autant d’obstacles au

développement d’un véritable corps de connaissances. Comme le souligne Fournier et Ganassali

(2008), la production des connaissances est encore trop limitée à « l’engagement et aux enjeux

propres à certains chercheurs », ce qui ne permet pas d’ériger la vente comme une discipline

autonome. Dans ces conditions, il est difficile de parler d’un réel connaissable de la vente qui

existerait à priori, et qui serait étudié objectivement. Le caractère pragmatique des activités de

vente, associé à la diversité des situations de vente qui se présentent au chercheur, suggère plutôt

que l’on considère la vente comme un domaine de recherche en construction. Elle implique une

interaction du chercheur avec l’objet de sa recherche dans la production de la connaissance.

Ainsi, parler d’une épistémologie de la vente c’est envisager l’existence d’un corps de

connaissances propres à la vente ; avec un objet de recherche qui tienne compte de l’ensemble

des champs de recherches qui la composent (management des forces de vente, négociation

commerciale, …), et qui permettent à la discipline de gagner en autonomie et en légitimité, tout

en affirmant son ancrage dans les sciences de gestion (Barth, 2008).

2.2. Management des forces de vente : un champ de recherche hétérogène et complexe.

Pendant longtemps, toute l’activité de recherche sur la vente s’est focalisée sur le

management des forces de vente, occultant ainsi les autres champs de recherche. Le management

des forces de vente est l’un des domaines de recherche de la vente qui met en scène des

connaissances issues de plusieurs champs disciplinaires en vue de gérer le vendeur et son activité

dans l’entreprise. Ainsi, comme le soulignait Darmon (1993, p.330) plusieurs théories sont mises

à contribution , « les théories de la communication aident à comprendre les processus

d’influence ; les théories sur les négociations mettent l’accent sur les moyens d’établir et

d’entretenir des relations avec les prospects et la clientèle ; le comportement de l’acheteur à joué

un rôle-clé pour comprendre la façon dont les vendeurs peuvent traiter avec une organisation

cliente et pour comprendre les processus d’influence ; le comportement des organisations et la

psychologie industrielle aident à étudier le comportement et les réactions des vendeurs dans des

cadres organisationnels et des situations variées ; les théories économiques ont pu montré dans

une certaine mesure comment les vendeurs sont susceptibles de réagir aux incitations

financières ». Le management des forces de vente, c’est aussi un ensemble de pratiques de

gestion extrêmement diversifiées qui, en raison de la grande variété des situations de vente, des

produits et des services vendus, des types de clientèles, des taches de vente et d’organisations

font que les résultats obtenus dans une étude précise ne soient pas généralisables à toutes les

Page 222: Contribution de la socialisation organisationnelle au

221

forces de vente. En évoquant cette hétérogénéité des connaissances produites dans le

management des forces de vente, Darmon (1993, p. 321) soulignait déjà la difficulté à étudier le

vendeur. D’une part, parce que c’est un individu qui établi un nombre important de relations

humaines complexes à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise, et que son activité

l’éloigne physiquement et psychologiquement de l’entreprise. D’autre part, parce que

l’environnement évolue. Selon cet auteur, ces deux paramètres sont à l’origine du décalage que

l’on observe entre les connaissances produites par la recherche en management des forces de

vente et les pratiques déployées par les entreprises. En somme, les chercheurs se sont très peu

préoccupés des problèmes réels que rencontrent les managers des ventes au quotidien et d’y

apporter des solutions. Ce « décalage » est selon nous permanent faute de résultats homogènes,

et la recherche que nous conduisons a pour ambition de combler cette connaissance, en

répondant à certaines des préoccupations auxquelles font face les managers dans la gestion des

vendeurs indépendants. Les connaissances disponibles, aussi bien dans la littérature académique

que managériale sont relativement muettes face au besoin grandissant des entreprises à

externaliser leurs vendeurs tout en conservant un pouvoir de contrôle sur leurs activités. Pour

autant, au regard de ce qui précède, on peut légitimement se poser la question de la scientificité

des connaissances que nous entendons produire dans le cadre de cette thèse. Autrement dit,

comment attester de la valeur scientifique des résultats que nous allons produire, si ces derniers

ne viennent pas confirmer ou infirmer un « socle » de connaissances théoriques pré existants.

A l’instar des autres disciplines des sciences de gestion, la recherche en management des

forces de vente n’échappe pas à la critique sur la scientificité des connaissances élaborées. Le

caractère pragmatique de la discipline invite à définir les « normes de valeur » qui permettent de

distinguer entre les connaissances qui ont un caractère scientifique et celles qui ne le sont pas. De

façon générale, la validation des connaissances scientifiques se fait par vérification empirique, de

nombreux auteurs ont formulés des critères de démarcation qui permettent d’apprécier la

scientificité des connaissances produites. Ces critères dépendent souvent du cadre

épistémologique adopté par le chercheur. Ainsi, Descartes (1937) développe dans son ouvrage

« discours de la méthode », une démarche de constitution de la connaissance scientifique en

s’appuyant sur la logique déductive. Il propose quatre règles fondamentales : (1) présenter

clairement l’objet évident (le sujet de l’étude), le problème à résoudre et les hypothèses ; (2)

réduire la difficulté en décomposant mentalement le problème à résoudre en ses éléments

constituant ; (3) construire un savoir rigoureux à partir des éléments découverts par l’analyse ; et

(4) réviser en confirmant ou en réfutant les hypothèses. Dans le même ordre d’idées, Popper

(1902-1994) propose à partir des critiques qu’il formule sur l’induction (vérification vs

Page 223: Contribution de la socialisation organisationnelle au

222

corroboration), le principe de réfutabilité (ou de falsification) comme critère de démarcation

entre science et non science. Selon l’auteur, une connaissance scientifique est une connaissance

réfutable, c'est-à-dire dont on ne peut affirmer qu’elle ne sera jamais réfutée. En s’appuyant sur

une théorie de l’évolution cyclique des paradigmes scientifique, Kuhn (1922-1996) propose une

évolution de la science en boucle. Il s’oppose au principe de réfutabilité de Popper, et soutien

l’idée que les connaissances scientifiques ne sont pas rejetées lorsqu’elles sont réfutées, mais

« seulement quand elles ont pu être remplacées ». En d’autres termes, une connaissance reste

valable tant qu’elle n’est pas contredite ; une connaissance réfutée donne lieu à un changement

de paradigme ou de théorie. Pour sa part, Lakatos (1922-1974) considère que la falsification

d’une hypothèse ne doit pas entrainer son abandon. Il préfère au principe de falsification

Poppérienne fondée sur la théorie, une falsification méthodologique qui restreint le champ

d’application de la falsification et favorise la découverte. Enfin, le choix de la méthode de

recherche, et surtout sa cohérence avec les exigences de l’objet de la recherche et les objectifs de

l’étude confère aux connaissances élaborées une forte teneur scientifique (Vernazoles, 2008 ;

Barth, 2000).

3. Le choix du positionnement épistémologique

Le choix d’un positionnement épistémologique consiste à déterminer le paradigme dans

lequel le chercheur va développer ses connaissances et les outils méthodologiques qui seront

mobilisés. Selon Gavard-Perret et al (2012), « tout chercheur doit ainsi être conscient que le

paradigme épistémologique dans lequel il inscrit sa recherche conditionne les pratiques de

recherche admissibles ainsi que les modes de justification des connaissances élaborées ». Ce

choix peut être dicté par les convictions du chercheur, mais il peut aussi être contraint par les

conditions d’expérimentation qui s’imposent à lui. Dans ce paragraphe, nous présentons le

positionnement épistémologique retenu pour élaborer nos connaissances, puis nous présentons la

stratégie qui nous a permis d’accéder au réel.

3.1. La socialisation organisationnelle : un construit social

Les objets de recherche dans la socialisation organisationnelle sont dans leur essence des

construits sociaux. Or, comme le soulignent Charreire et Huault (2002, 2008), l’erreur souvent

commise par les chercheurs dans la définition d’un positionnement épistémologique, est de se

fondre systématiquement dans une posture constructiviste lorsque l’objet de recherche est un

construit social. Selon Gavard-Perret et al (2012), le caractère construit de l’objet donne au

chercheur la « latitude d’envisager la ou les stratégies et méthodes pour concevoir et

Page 224: Contribution de la socialisation organisationnelle au

223

instrumentaliser sa relation de connaissance à cet objet ». Ainsi, dans l’étude d’un processus

social, et particulièrement de la socialisation organisationnelle le positionnement du chercheur

est déterminant dans la construction de la connaissance. Lacaze (2005) indique que le chercheur

peut adopter deux positions. La première consiste à appréhender le réel à travers ce qui est

observable ; cette position est adaptée à l’étude des comportements et des pratiques qui sont

généralement mesurés par des perceptions individuelles. La majorité des études sur la

socialisation organisationnelle est réalisée selon ce format, et la démarche adoptée dans ces

recherches est de type hypothético-déductif. Autrement dit, les chercheurs en comportement

organisationnel se sont préoccupés à établir des relations causales entre certains facteurs

individuels et organisationnels et des variables comportementales et attitudinales (la

performance, la satisfaction au travail, l’engagement organisationnel et dans le travail, le

turnover) pour évaluer le niveau de socialisation des nouvelles recrues. La seconde position

considère que la réalité correspond à des représentations construites dans l’interaction. Selon

Perrot et al (2005), la réalité dont il est question est « une réalité sociale reconnue par les

membres actifs » d’une organisation, et qui conditionne l’existence même de celle-ci. L’auteur

précise que cette connaissance n’est pas définitive, mais qu’elle est « reconstruite en fonction

des évènements et des personnes concernées ». Il s’agit d’une position relativiste qui est adaptée

à l’étude des phénomènes cognitifs, affectifs et identitaires.

3.2. Notre positionnement épistémologique

S’agissant de notre positionnement épistémologique, nous inscrivons cette recherche dans un

constructivisme pragmatique (Von Glasersfeld, 1988, 2001 ; Le Moigne, 1995, 2001, 2007),

malgré la littérature que nous mobilisons. Cette position reflète à la fois, notre conviction que la

connaissance en management des ventes est socialement construite, et qu’elle n’existe pas à

priori. En effet, la spécificité des activités de vente d’une part, la diversité des situations de vente

et des statuts de vendeurs d’autre part, font que les connaissances produites sont difficilement

exploitables dans une perspective positiviste. Le chercheur en vente est obligé d’appréhender la

réalité à travers les interactions qu’il établit avec les acteurs (l’objet) agissant. Cette approche

repose sur deux postulats : le caractère nouveau de l’objet d’étude et l’expérience du chercheur.

Concernant notre objet de recherche, l’idée d’étudier la socialisation des vendeurs

indépendants vient de l’inconsistance ou de l’absence de connaissances disponibles dans le

management des vendeurs indépendants. En effet, les travaux réalisés jusqu'à maintenant sur le

management des forces de vente font une large part à la gestion des vendeurs salariés, laissant de

côté les vendeurs indépendants. Le développement récent de l'externalisation et la perspective

Page 225: Contribution de la socialisation organisationnelle au

224

pour l'entreprise d’optimiser la gestion de son personnel de vente a dévoilé la possibilité

d’utiliser des vendeurs indépendants, travaillant de façon permanente pour une entreprise.

Cependant, les dysfonctionnements observés dans les relations managers-vendeurs indépendants,

traduisent plutôt une absence de connaissances adaptées à la gestion de ces vendeurs; la mise en

œuvre systématique du modèle « taylorien » donne l’impression qu’il existe toujours " une seule

bonne façon de gérer les vendeurs ". Or la diversité des statuts de vendeur nous rappelle que le

métier de vendeur peut être exercé différemment d’un vendeur à l’autre. Ainsi, le système de

contrôle ou la performance peuvent être appréciés différemment selon que l'on gère un vendeur

salarié ou un vendeur indépendant. Ces considérations induisent des approches de management

qui nécessitent des connaissances différentes. Dans ce contexte, la socialisation organisationnelle

offre de nouvelles perspectives de gestion.

Par ailleurs, nous abordons cette recherche avec un minimum de connaissances sur le terrain

de recherche. Les fonctions occupées lors de notre passage dans une organisation de vente, en

qualité de vendeur mandataire, puis de chef d’équipe commerciale ont contribué à forger notre

compréhension du management des vendeurs indépendants, et des difficultés auxquelles sont

confrontés les managers. Cette expérience participe de la façon dont nous entendons élaborer nos

connaissances, et surtout leur donné une valeur scientifique. En partant du principe que « la

socialisation des vendeurs indépendants » n’est pas une donnée objective, c'est-à-dire un

ensemble de connaissances disponibles à priori, nous avons mobilisé le concept de

socialisation organisationnelle, à la fois pour ses qualités conceptuelles et ses applications

empiriques, en vue de produire des connaissances. Cohen (1997) suggère qu’une telle

« entreprise ne peut être développée qu’en prenant en compte trois principes analytiques

fondamentaux » :

§ Prendre en compte l’ensemble des connaissances de gestion quel que soit leur niveau de

formalisation ou de généralité, et non pas les seuls connaissances scientifiques ;

§ Analyser la différenciation des divers types de connaissances constituées dans le champ

de la gestion… compte tenu du fait que toutes les connaissances de gestion ne peuvent

revendiquer le même statut épistémologique ;

§ Analyser le processus par lequel les sciences de gestion se constituent à partir des

différents types de connaissances,…capitaliser l’expérience issue des pratiques de gestion

et procéder à une rupture critique par rapport aux représentations que ces pratiques

suscitent.

Page 226: Contribution de la socialisation organisationnelle au

225

3.3. L’abduction comme démarche de recherche

Notre objectif d’éclairer le management des forces de vente à partir du concept de

socialisation organisationnel a pour ambition de proposer un cadre conceptuel nouveau pour le

management des vendeurs indépendants. Pour cela nous avons élaboré des propositions

théoriques à partir des connaissances établies sur la socialisation organisationnelle et le

management des forces de vente, et des informations recueillies sur le terrain. L’utilisation de

ces connaissances permet de donner un sens à nos observations empiriques, et au delà de faire

des propositions plus précises et plus solides grâce à des allers-retours fréquents entre le

matériau empirique et la théorie (Thiétart, 2014 ; David, 1999). Une telle démarche est qualifiée

d’abductive, en ce sens qu’elle s’écarte des logiques de raisonnement traditionnelles, en

inscrivant l’action du chercheur dans une démarche créative.

L’abduction est introduite dans la démarche scientifique par le philosophe et logicien Pierce

(vers 1900), pour améliorer la production des connaissances jugés incomplète à ses yeux

(Dumez, 2012). En effet, l’abduction vient compléter le raisonnement scientifique en apportant

une nouvelle explication au phénomène étudié, et jusque là ignoré par les deux principaux modes

de raisonnement que sont : la déduction et l’induction. Dans la démarche scientifique, la

déduction est le raisonnement qui fonde la démarche hypothético-déductive ; elle est caractérisée

par la formulation d’une ou plusieurs hypothèses qui seront par la suite confrontés à la réalité du

terrain. La déduction se présente donc comme un moyen de démonstration qui s’appuie sur un

raisonnement rigoureux, dont la caractéristique est de considérer que, si les hypothèses

formulées au départ (les prémisses) sont vraies, alors la conclusion doit être nécessairement

vraie. L’induction quant à elle est définie comme « une inférence conjecturale qui conduit : (1)

de la régularité observée de certains faits à leur constance ; (2) de la constatation de certains faits

à l’existence d’autres faits non donnés mais qui ont été liés régulièrement aux premiers dans

l’expérience antérieure » (Morfaux, 2011, cité dans Thiétart, 2014). Le mode de raisonnement

inductif permet alors de passer du particulier au général, ou encore des faits aux lois. Selon

Dumez (2012), ces deux modes de raisonnement ne permettent pas au chercheur d’être créatif

dans la constitution des connaissances, car si dans la déduction la « conclusion est présupposée

dans les prémices », l’induction ne fait que généraliser des faits connus. A la différence de ces

modes de raisonnement, l’abduction procède à « un retour en arrière pour formuler une nouvelle

hypothèse sur ce qui pourrait expliquer ce qui s’est passé ». Pour marquer cette différence,

Koenig (1993) définit l’abduction de la façon suivante : « l’abduction est l’opération qui,

n’appartenant pas à la logique, permet d’échapper à la perception chaotique que l’on a du monde

réel par un essai de conjectures sur les relations qu’entretiennent effectivement les choses […]

Page 227: Contribution de la socialisation organisationnelle au

226

l’abduction consiste à tirer de l’observation des conjectures qu’il convient ensuite de tester et de

discuter ». Selon David (1999), les trois modes de raisonnement sont généralement combinés et

constituent une « boucle récursive » qui s’articule autour des éléments suivants.

Figure 16. Boucle de récursive (David, 1999)

Abduction Déduction Induction

Une hypothèse explicative est construite par abduction pour rendre compte des données

posant problème ; l’induction permet une mise à jour des règles ou théories ; si ces règles sont

infirmées, alors il faut reformuler - par abduction- de nouvelles hypothèses explicatives, et le

cycle recommence.

L’abduction parait être le mode de raisonnement le plus adapté à notre démarche de

recherche, dans la mesure où nous souhaitons apporter une explication nouvelle au turnover des

forces de vente en général, et au turnover des vendeurs indépendants en particulier, envisagé

comme un comportement dysfonctionnel.

En effet, si nous nous référons à la position de Pierce décrite par Dumez (2012) sur

l’abduction, le management des forces de vente a longtemps traité la problématique du

comportement du vendeur en se basant sur des théories qui privilégient les incitations

financières. L’objectif visé par les chercheurs est de stimuler le comportement du vendeur à la

réalisation des objectifs de l’entreprise. C’est le cas des théories de la motivation qui s’appuient

sur le système de rémunération pour orienter le comportement du vendeur (Sprimont, ) ; c’est

aussi le cas de la théorie de la théorie d’agence, à travers le dispositif d’incitation financière qui a

pour rôle de stimuler les efforts du vendeur dans son activité. Dans cette perspective la

préemption d’une nouvelle hypothèse, en l’occurrence la faible socialisation des vendeurs, pour

expliquer le comportement du vendeur apparait comme un « fait surprenant » au sens de Pierce.

En effet, un fait est dit surprenant lorsqu’il produit des effets autres que ceux attendus (Dumez,

2012). Selon l’auteur « un fait surprenant » peut être distingué en deux catégories : la nouveauté

ou l’anomalie ; pour s’attendre à autre chose, il faut qu’il ait eu déduction et induction au

préalable ». Notre ambition est d’apporter une explication « plausible » sur la façon dont on peut

orienter le comportement du vendeur. Cette explication permet de replacer le fait social dans le

management des forces de vente, et de corriger une « anomalie ».

Page 228: Contribution de la socialisation organisationnelle au

227

Par ailleurs, l’adoption d’une démarche abductive pose nécessairement la question de la

validité des connaissances produites, étant donné le caractère « inachevé » de la recherche.

Comme le souligne Dumez (2012), la conception Peircienne de l’abduction insiste sur la

réalisation de la boucle abduction/déduction/induction pour dire d’une hypothèse qu’elle est

vraie ou fausse. Compte tenu du temps que nécessite la réalisation d’une telle recherche, nous

nous contenterons d’élaborer des hypothèses pertinentes ; selon David (2012), ce travail de

conception « constitue un résultat en soi, car ces hypothèses sont soumises au débat

scientifique ». Cependant, à défaut de valider immédiatement les connaissances produites,

certains chercheurs estiment qu’il est possible de procéder à une validation, ne serait-ce que

partielle des connaissances obtenus. Dumez (2012) indique par exemple qu’en diversifiant ses

sources, le chercheur peut par effet de triangulation conférer aux connaissances produites une

certaine consistance. Dans le même ordre d’idées, Thiétart (2014) indique que la construction de

lois universelles n’est pas forcément l’objectif visé dans le cadre d’une approche abductive. Le

chercheur peut se contenter de proposer de nouvelles conceptualisations théoriques, ou tout

simplement éclairer une situation qui présente des ambiguïtés.

Page 229: Contribution de la socialisation organisationnelle au

228

SECTION 2. LES CHOIX METHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE

Nous présentons dans cette section notre approche méthodologique ainsi que les principes qui

guident la méthode de recueil et d’analyse de données que nous avons retenue. Pour cela, nous

nous sommes inspirés de la méthode des cartes cognitives ou causales développée par Audet et

Cossette (1994). Les auteurs définissent une carte cognitive comme « une représentation

graphique de la représentation mentale que le chercheur se fait d’un ensemble de

représentations discursives énoncées par un sujet à partir de ses propres représentations

cognitives, à propos d’un objet particulier ». La méthode des cartes cognitives s’accommode

aussi bien des approches objective que subjective de la réalité. En nous situant résolument dans

le paradigme épistémologique constructiviste, nous justifions ici les choix méthodologiques que

nous avons jugés pertinents pour cette recherche.

1. Le choix d’une approche qualitative

1.1. Approche qualitative versus approche quantitative

La façon dont le chercheur va collecter et analyser les données de son étude détermine

l’approche méthodologique qu’il entend imprimer à la recherche. Dans la littérature, une

distinction est généralement faite entre l’approche qualitative et l’approche quantitative. Quatre

critères permettent d’orienter le choix entre les deux approches : la nature des données,

l’orientation de la recherche, le caractère objectif ou subjectif des résultats, et la flexibilité de la

recherche (Thiétart et al, 2014). La nature de la donnée correspond au matériau sur lequel le

chercheur va extraire les résultats ; ces données sont qualitatives lorsqu’elles proviennent des

discours, des textes recueillies auprès des acteurs et mesurées par des échelles nominales et

ordinales (non-métriques), alors que les données quantitatives souvent chiffrées sont collectés à

l’aide des échelles d’intervalles (ou cardinales faibles) et de proportion (ou cardinales fortes).

L’orientation de la recherche peut se faire dans deux directions, la construction et le test ; la

construction oriente le chercheur vers une démarche exploratoire plus adaptée à une approche

qualitative, tandis que le test s’accommode bien à une approche quantitative. Le caractère

objectif ou subjectif des résultats se réfère à la position du chercheur par rapport à l’objet de

recherche ; autrement dit, la collecte et l’analyse des données doivent rester cohérent avec le

positionnement épistémologique décliné par le chercheur. La flexibilité de la recherche

correspond à la plus ou moins souplesse qu’offrent les deux approches aux chercheur. Il est

admis que l’approche qualitative parait plus souple, car moins rigide dans l’agencement des

évènements qui caractérise son déroulement.

Page 230: Contribution de la socialisation organisationnelle au

229

Sur la base de ces observations, nous avons pris l’option d’une approche qualitative pour

aborder la partie empirique de notre recherche. Ce choix est aussi conditionné par certaines

considérations qui paraissent, de notre point de vue, essentielles pour une bonne compréhension

de notre démarche méthodologique. La première est l’étude simultanée du processus et du

contenu de la socialisation organisationnelle. Dans la littérature consacrée à la méthodologie de

recherche en management, deux possibilités de recherche s’offrent au chercheur : la recherche

par le processus et la recherche par le contenu (Thiétart et al, 2014, p.129). La recherche sur le

processus « cherche à mettre en évidence le comportement de l’objet dans le temps ». Elle

consiste principalement à définir les différentes phases ou séquences qui compose le processus,

et à décomposer la variable processuelle à étudier en autant de sous-variables que de phases, afin

d’appréhender le déroulement de l’objet dans le temps. La recherche sur le contenu « vise à

mettre en évidence la composition de l’objet étudié » ; autrement dit, elle permet d’appréhender

l’objet à étudier à un moment précis, sans prendre en compte son évolution dans le temps. Ces

deux approches sont mises en œuvre dans une perspective descriptive ou explicative, et

s’enrichissent mutuellement lorsqu’elles sont prises ensemble. Ainsi, le chercheur peut en

fonction de « l’état des connaissances sur l’objet étudié, soit adopter l’une des approches, soit

utiliser conjointement les deux approches. Dans le cadre notre recherche, le choix d’une

approche mixte (processus et contenu) repose sur l’importance de la littérature existante sur la

socialisation organisationnelle, et sur la nécessité d’étudier plus profondément la socialisation

des vendeurs indépendants. En effet, nos observations préliminaires nous ont permis de constater

qu’il y avait globalement un déficit important de socialisation chez les vendeurs indépendants.

Ce constat nous conduit à émettre des conjectures sur la faible socialisation des vendeurs en

rapport avec le développement de certains comportements dysfonctionnels, comme le turnover.

Aussi, aborder la socialisation des vendeurs indépendants en considérant seulement l’une des

approches, nous conduirait certainement vers un traitement partiel du problème. De même

qu’envisager cette recherche par une approche quantitative, limiterait la possibilité de faire

émerger toute l’information nécessaire à la bonne compréhension de l’objet étudié.

La deuxième considération concerne le choix de collecter les données de notre recherche

auprès de plusieurs acteurs de l’entreprise. L’adoption d’une telle approche rompt avec les

pratiques couramment utilisées dans la recherche sur la socialisation organisationnelle. Comme

le soulignait déjà Barges-Bourlier (2009) dans sa thèse de doctorat, la majorité des travaux

réalisés dans ce domaine de recherche a adopté une approche quantitative. Les chercheurs ont

surtout privilégié l’utilisation des échelles de mesure très développées dans la littérature, en se

basant uniquement sur les perceptions des nouvelles recrues. Or, contrairement à l’approche

Page 231: Contribution de la socialisation organisationnelle au

230

quantitative plus axée sur l’homogénéité de l’échantillon, l’approche qualitative exploite les

différences et les contrastes en s’appuyant sur une population hétérogène (Wacheux, 1996).

Partant de ce constat, nous avons envisagé dans le cadre cette recherche, utiliser des sources

d’information différentes à la fois, internes et externes à l’entreprise. Autrement dit, nous avons

recueilli les données de notre recherche aussi bien auprès des vendeurs indépendants, que des

principaux agents socialisateurs. Dans la force de vente deux types d’agents socialisateurs

peuvent intervenir dans la socialisation du vendeur. Le manager des ventes est le principal

interlocuteur du vendeur, et souvent le seul intermédiaire entre celui-ci et le reste de l’entreprise.

Il est aussi le superviseur direct du vendeur, et en cette qualité il assure un rôle d’encadrement

qui consiste à former, évaluer, et suivre les vendeurs au quotidien. Les anciens vendeurs jouent

aussi un rôle fondamental dans la socialisation des nouveaux arrivants ; c’est à leur niveau que le

nouveau vendeur apprend les « ficelles » du métier et se forge une nouvelle identité. Le rôle des

anciens vendeurs consiste à accompagner le nouveau sur le terrain; cet accompagnement peut

prendre la forme d’un coaching, ou d’un tutorat qui est supervisé par le manager des ventes.

Enfin, nous affirmons notre choix pour une approche qualitative en adoptant une analyse de

données qualitative particulière, plus à même à nos yeux de tenir compte des objectifs que nous

nous sommes fixés. Pendant longtemps, la recherche quantitative a bénéficié d’un crédit

important de la part des chercheurs, à cause probablement des garanties qu’elle offre sur le plan

de la généralisation et la validité des résultats. Mais, cette préférence tend à s’inverser au profit

d’une recherche qualitative plus ambitieuse, si l’on considère des avantages qu’elle procure,

notamment sa capacité à traiter des situations complexes (Voynnet Fourboul, 2012). Selon

l’auteur, le choix systématique de l’approche quantitative dans la majorité des recherches en

science de gestion, tient au fait d’une profonde méconnaissance de l’analyse des données, et des

possibilités qu’elle offre au chercheur. En effet, lorsqu’on parle d’analyse de données on se

réfère automatiquement à l’analyse de contenu ; c'est-à-dire à « un ensemble de techniques

d’analyse des communications visant, par des procédures systématiques et objectives de

description du contenu des messages, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant

l’inférence de connaissances relatives aux conditions de production/réception (variables inférées)

de ces messages » (Bardin, 2013). L’analyse de contenu n’est qu’une technique d’analyse de

données ; il existe en science de gestion une variété de méthodes d’analyse concurrentes très peu

mobilisée dans les recherches en France. Dans le cadre de cette thèse, nous avons le choix

d’analyser nos résultats par la méthode des cartes cognitives que nous présentons plus

amplement dans le troisième paragraphe.

Page 232: Contribution de la socialisation organisationnelle au

231

1.2. Présentation de l’étude préliminaire

Avant de réaliser notre étude proprement dite, nous avons conduit une étude préliminaire

auprès des acteurs de terrain. Cette étude permet d’explorer le terrain de recherche. Elle permet

aussi d’évaluer les pratiques de GRH mobilisés par les entreprises dans une perspective de

socialisation des forces de vente, et de connaitre l’opinion des vendeurs indépendants sur les

pratiques de GRH déployées par les entreprises.

1.2.1. Objectifs et description de l’étude

Les recherches réalisées jusqu’alors sur le management des forces de vente se sont

particulièrement intéressées au vendeur salarié laissant de côté les vendeurs indépendants, qui

constituent cependant l’essentiel des forces de vente de nombreuses entreprises. En l’absence

d’une littérature appropriée et suffisante, l’exploration de ce contexte particulier de la force de

vente doit permettre une meilleure compréhension des pratiques de GRH et contribuer à mieux

élaborer notre problématique, en tenant compte des réalités du terrain. Elle doit aussi favoriser

l’émergence de variables qui nous permettront d’appréhender le phénomène et le mesurer. Pour

cela nous définissons pour cette étude deux objectifs principaux :

- Vérifier l’existence du phénomène de la socialisation sur le terrain, et relever des éléments

pratiques qui permettent de mieux élaborer notre problématique en tenant compte des réalités du

terrain ;

- Identifier les concepts et variables relatives à l’entrée du vendeur indépendant dans

l’organisation commerciale, et permettre de mieux appréhender le phénomène et le mesurer.

1.2.2. Méthodologie de l’étude préliminaire

L’échantillon des personnes interrogées est composé de 2 responsables commerciaux et 2

vendeurs, dont 3 hommes et 1 femme. Dans les deux cas, nous avons choisi d’interroger aussi

bien des individus ayant une très grande expérience dans la vente et la gestion d’équipe de vente,

que des nouveaux.

§ La méthode d’entretien

La méthode d’entretien choisie est l’entretien semi directif. Elle repose sur deux guides

d’entretiens thématiques portant sur les pratiques de GRH au sein des forces de vente. Le

premier est destiné aux responsables commerciaux et chefs de vente disposant d’une force de

vente indépendante. Il s’articule autour d’une question qui est formulée de la façon suivante :

Page 233: Contribution de la socialisation organisationnelle au

232

« pouvez-vous nous parler des pratiques de GRH que vous mobilisez lorsque vous embauchez

des vendeurs indépendants ». Par la suite, cette question est orientée dans trois directions

principales permettant d’obtenir des précisions sur le recrutement, la formation et l’intégration

des vendeurs. Le deuxième guide est destiné aux vendeurs indépendants et cherche à connaitre la

perception des vendeurs sur les pratiques de GRH mis en œuvre par l’entreprise. Il débute par

une question qui se présente comme suite : « pouvez-vous nous parler des pratiques de GRH que

l’entreprise utilise lorsqu’elle vous a embauché ». Trois questions principales sont posées par la

suite pour obtenir de plus amples explications sur le recrutement, la formation et l’intégration des

vendeurs.

§ L’analyse de contenu

L’analyse de contenu est définie comme « une technique de recherche pour une description

objective, systématique et quantitative des communications, ayant pour but de les interpréter »

(Berelson, 1952). Plus récemment, Bardin (2003) la définit comme « un ensemble de techniques

d’analyse des communications visant, par des procédures systématiques et objectives de

description du contenu des messages, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant

l’inférence de connaissances relatives aux conditions de production/réception (variables inférées)

de ces messages ». Elle peut se présenter sous plusieurs formes. Dans notre étude, nous avons

choisi une analyse thématique en procédant à un résumé/synthèse sur l’ensemble du corpus. Les

thèmes retenus dans le cadre de notre étude sont les mêmes, aussi bien pour les responsables

commerciaux que pour les vendeurs indépendants. Un seul thème à émerger lors de nos

entretiens avec les responsables commerciaux que nous avons immédiatement intégrés dans

notre analyse. Les réponses obtenues ont été analysées sur la base des tactiques de socialisation

de Van Maanen et Schein (1979) considérée en la matière comme une grille de lecture

permettant de caractériser les styles de socialisation (institutionnalisées ou individualisées) mis

en œuvre par les entreprises (Lacaze, 2010). Par ailleurs, il faut souligner que la socialisation

peut être réalisée de façon consciente ou inconsciente par l’entreprise, ce qui nous conduit à

prendre en compte toutes les réponses qui étaient émises par les répondants, sans rechercher à

évaluer leur fréquence d’apparition.

2. Présentation de l’étude qualitative

Elle consiste à mesurer objectivement l’ensemble des variables que nous avons identifié dans

notre étude préliminaire, mais également d’en susciter d’autres. Pour cela des guides d’entretien

ont été élaborés, et des entretiens ont été menés auprès de trois catégories population des forces

de vente.

Page 234: Contribution de la socialisation organisationnelle au

233

2.1. Description du terrain de la recherche

La recherche utilise comme terrain d’étude la force de vente que nous définissons comme le

réseau commercial de l’entreprise, composé de vendeurs salariés et indépendants, des cadres

hiérarchiques situés entre eux et la direction commerciale et éventuellement des assistants

opérationnels chargés de l’administration des ventes. Nous nous intéressons particulièrement aux

vendeurs indépendants que l’on désigne sous les dénominations d’agent commercial. L’agent

commercial est un personne physique ou morale dont la profession consiste à vendre à titre

d’indépendant des produits, des prestations de services ou bien encore la location pour le compte

d’un mandant (producteurs, industriels ou commerçants). Dans le cadre de cette recherche, nous

nous intéressons particulièrement à l’agent commercial, personne physique.

Les individus que nous avons entretenus sont pour la plupart des professionnels de la vente

issus de quatre secteurs d’activité : l’automobile, les assurances, l’édition et la

papeterie/bureautique. Le choix des secteurs et des entreprises est complètement fortuit, dans la

mesure où notre préoccupation première était de trouver des vendeurs indépendants qui étaient

liés à leur entreprise par un contrat. Cependant, nous avons veillé à ce qu’à l’intérieur d’un

secteur donné, les vendeurs retenus soient suffisamment représentatifs ; cette représentativité

tient compte de deux critères identifiés lors de nos entretiens préliminaires : la politique

d’intégration et l’organisation de l’entreprise. Le premier distingue les entreprises qui conduisent

une politique progressive d’intégration du vendeur (du statut d’indépendant à celui de salarié), de

celles qui proposent strictement des emplois d’indépendant. Le deuxième critère concerne

l’appartenance de l’entreprise à un groupe ou non ; ce critère a permis de relever des disparités

dans le processus de recrutement. Ainsi, on sait par exemple que dans un groupe les recrutements

des vendeurs sont centralisés au niveau de la « holding », et que les informations relatives à

l’entreprise d’accueil et à la nature de l’emploi ne sont connues qu’après la sélection. Par

ailleurs, nous avons souhaité diversifié nos sources d’informations, en procédant à des entretiens

auprès des personnes différentes au sein de la force de vente. Cette pratique plus connue sous le

vocable « triangulation des sources » a pour objectif d’assurer la validité des résultats obtenus.

Ainsi, nous avons interrogé les vendeurs indépendants qui sont les premiers concernés dans le

processus de socialisation ; ensuite nous nous sommes entretenus avec les responsables

commerciaux qui représentent l’entreprise ; enfin nous avons obtenus l’avis des vendeurs

« chevronnés » qui prennent une part active dans la socialisation des nouveaux vendeurs.

Page 235: Contribution de la socialisation organisationnelle au

234

2.2. Présentation de l’échantillon retenu

L’échantillon retenu compte quarante (40) individus repartis entre les nouveaux vendeurs

(20), les vendeurs séniors (12), et les responsables commerciaux (08). Nous avons pu interrogés

trente deux (32) individus, dont vingt (20) nouveaux vendeurs, huit (8) vendeurs séniors, et cinq

(5) responsables commerciaux, Soit un retour de 80%. Les interviews ratées sont dus

essentiellement à des rendez-vous manqués. Il est très difficile d’obtenir des rendez-vous

pendant les heures de travail, compte tenu de l’intense activité des différents acteurs. Les trois

rendez-vous manqués avec les responsables commerciaux sont dus au refus par ces derniers de

nous recevoir, après avoir donné leur accord de principe. Concernant les quatre (4) vendeurs

séniors, nous les avons rencontrés effectivement, mais ces rencontres étaient réalisées en

présence du responsable commercial. Nous avons supprimé ces entretiens, parce que nous avions

le sentiment qu’ils étaient biaisés par la présence de ce responsable hiérarchique.

Les vendeurs interrogés sont identifiés dans la classe des nouvelles recrues. Dans notre

recherche, sont considérés comme nouvelles recrues les vendeurs ayant une ancienneté inférieure

ou égale à un(1) an.

Tableau 21. Liste des nouveaux vendeurs interviewés

Personnes interrogées

Position et/ou ancienneté dans l’entreprise

Secteur d’activité Age sexe

Lionel 9 mois Edition 30 ans M Mathilde 7 mois Papeterie/Bureautique 31 F Gaëlle 5 mois Papeterie/Bureautique 38 F Achille 8 mois Papeterie/Bureautique 38 Prisca 2 mois Papeterie/Bureautique 37 F Kenneth 1 an Papeterie/Bureautique 26 M Frann 8 mois Concession automobile 30 M Naomi 7 mois Assurance 25 F Rodrigue 8 mois Concession automobile 27 M Aymard 3 mois Concession automobile 31 M Landry 11 mois Concession automobile 34 M Nancy 9 mois Assurance 27 F Nina 9 mois Assurance 29 F Jean Baptiste 9 mois Assurance 30 F Alex 8 mois Concession automobile 32 M Ruben 9 mois Assurance 29 M Ernest 9 mois Assurance 29 M Patrick 10 mois Concession automobile 37 M Boris 6 mois Concession automobile 31 M

Les vendeurs séniors sont des vendeurs expérimentés à qui l’on confie des missions

d’encadrement des nouvelles recrues.

Page 236: Contribution de la socialisation organisationnelle au

235

Tableau 22. Liste des vendeurs séniors interviewés

Personnes interrogées

Position et/ou ancienneté

dans l’entreprise

Secteur d’activité Age sexe

Claude Chef d’équipe/ 15 ans Edition 39 M Prisca Chef d’équipe/8 ans assurance 30 F Magloire Chef d’équipe/9 ans assurance 39 M Nadine 5 ans assurance 32 F Yves 3 ans Concession automobile 43 M Jean Baptiste 19 ans Concession automobile M Carlos 9 ans Concession automobile 37 M Chardin 8 ans Concession automobile M

Les responsables commerciaux sont les managers directs des forces de vente, c'est-à-dire les

personnes qui gèrent au quotidien l’activité des vendeurs.

Tableau 23. Liste des responsables commerciaux interviewés

Personnes interrogées

Position dans l’entreprise

Secteur d’activité Age sexe

Christian Responsable commercial assurance 35 M Serge Responsable commercial Concession automobile 40 M Rufin Chef d’agence assurance 44 M Mathilde Chef des ventes Papeterie/Bureautique 38 F Christiane Responsable commercial Concession automobile 37 F

Le secteur automobile représente un marché de 160 milliards de francs CFA52 en 2010. Le

Gabon est le deuxième marché de la zone francophone après le Sénégal, mais le premier si l’on

tient compte du ratio population/ventes. Ce secteur emploi près d’une centaine de vendeurs

repartis dans sept concessionnaires automobile. Dans ce secteur, nous avons travaillé avec des

vendeurs de quatre entreprises différentes qui représentent une part de marché de 51, 1% de la

vente d’automobile en 2011. Le travail des vendeurs est organisé au sein d’une équipe, et les

vendeurs sont repartis indistinctement sur le territoire de vente, sans soit nécessaire de procéder à

un découpage des secteurs de vente. Les vendeurs peuvent à la fois vendre aux particuliers

comme aux entreprises.

Ensuite, le secteur de l’assurance vie a retenu notre attention a cause de son dynamisme. Il est

le principal pourvoyeur des emplois de vendeurs indépendants, compte tenu du type de produits

qui est vendu et la nature de l’activité commercial basée principalement sur le conseil. La

constitution d’un réseau commercial est dans ce secteur une obligation dont l’exécution et le

52 La monnaie locale

Page 237: Contribution de la socialisation organisationnelle au

236

suivie sont assurés par une autorité de surveillance, en l’occurrence la CIMA53. Ainsi, lorsqu’un

recrutement de vendeurs a lieu dans une entreprise d’assurance, ce recrutement n’est effectif

qu’après une formation sur les assurances validée par l’autorité de surveillance. Par ailleurs, les

compagnies d’assurance proposent une organisation très hiérarchisée de leur force de vente.

Dans la hiérarchie commerciale, le responsable de vente est secondé dans ses taches par des

inspecteurs réseaux qui assurent à leur tour la supervision des équipes de vente.

Le secteur de l’édition fait office de pionniers dans la vente directe au consommateur ; les

premières entreprises disposant d’une force de vente organisée proviennent probablement de ce

secteur d’activité. C’est en effet dans les années 1980 qu’apparait une nouvelle espèce de

vendeur au style un peu particulier, qui rencontrent les prospects dans leur lieu de travail ou dans

leur domicile. Depuis cette époque, le secteur n’a pas vraiment évolué ; il compte deux

entreprises installées à Libreville, qui subissent la forte concurrence occasionnée par l’utilisation

massive des nouvelles technologies de l’information et de la communication. L’organisation du

travail des vendeurs est similaire à celle des forces de vente du secteur automobile; les vendeurs

exploitent principalement une clientèle de particulier, ils couvrent l’ensemble du pays, en

réalisant des tournées à l’intérieur du pays.

Enfin, le secteur de la papeterie/bureautique regroupe un ensemble de petites et moyennes

entreprises qui proposent principalement aux entreprises, de nombreux produits (articles de

bureaux, copieurs, imprimantes, ordinateurs, etc.) et des services. Nous avons travaillé dans une

entreprise familiale qui s’est forgée au fil des années une forte culture commerciale. L’entreprise

regroupe au sein d’une force de vente des vendeurs salariés et indépendants. Elle assure un

traitement identique aux deux types de vendeur, sans qu’il y ait possibilité d’une évolution du

statut d’indépendant vers le salariat. Chaque vendeur gère un secteur de vente bien défini ; de

même que les clients importants sont confiés à des vendeurs particuliers, afin d’en assurer un

suivi particulier à cette clientèle.

3. La cartographie cognitive comme outil de compréhension des représentations

des trois catégories d’acteurs

La socialisation organisationnelle est un concept qui renvoie à plusieurs acceptions, si l’on

tient compte des nombreuses définitions qui la caractérise (Feldman, 1976 ; Van Maanen et

Schein, 1979 ; Louis, 1980 ; Perrot, 2008). Aussi, pour saisir le phénomène, nous avons choisi

d’étudier les représentations des trois catégories d’individus les plus importants, de notre point

53 Conférence

Page 238: Contribution de la socialisation organisationnelle au

237

de vue, au processus de socialisation des vendeurs indépendants à travers la méthode des cartes

cognitives. Le choix de cet outil doit nous permettre de mettre en évidence et de « donner un

sens aux données verbales ou écrites de façon plus pertinente que l’aurait fait l’analyse de

contenu »54. Elle permet donc, non seulement de dénombrer les concepts contenus dans un

discours, mais en plus de structurer les relations entre ces concepts.

Le terme carte cognitive est utilisé pour la première fois par Tolman (1948) dans ses

recherches sur la psychologie animale. L’auteur soutient que des « rats en situation

d’apprentissage dans un labyrinthe, construisent une représentation mentale (carte cognitive) de

celui-ci ; et que cette carte cognitive détermine le comportement de l’animal ». Depuis, le

concept a évolué et constitue un objet de recherche très sollicité dans plusieurs champs

disciplinaires tels que, la science politique (Axelrod, 1976) et les sciences de gestion (Huff,

1990 ; Eden et al, 1983 ; Cossette, 1989). Dans le cadre de cette recherche, nous entendons

utiliser la carte cognitive comme un outil d’analyse.

3.1. Présentation de l’outil

La cartographie cognitive est un outil d’investigation qui permet de capturer, de représenter,

et d’analyser les représentations d’un individu à un moment donné55. Selon Parades (2009), elle

revêt des utilisations et des démarches très variées. D’abord, les cartes cognitives sont utilisées

pour la première fois par Axerold (1976) qui étudie dans le domaine des sciences politiques, la

compréhension d’un individu à propos d’un domaine particulier, ou d’un problème. L’auteur

propose « un mécanisme d’inférence qui aide à évaluer différentes alternatives, à découvrir des

effets non prévus, et à concevoir des scénarios permettant de résoudre le problème »56. Ensuite,

la cartographie cognitive est utilisée dans les organisations pour aider les gestionnaires à

résoudre les problèmes. Allard Poesi et al (1996) distinguent deux utilisations possibles de la

cartographie cognitive. La première appréhende la cartographie cognitive comme un outil

d’intervention dans les organisations. Dans ce contexte, elle peut servir d’outil d’aide à la

décision, par la mise en évidence des points d’accords et de désaccords en vue de valoriser les

points communs. Elle peut aussi servir à diriger le changement stratégique, en considérant

l’organisation comme un système de boucles d’influence positive, c'est-à-dire comme une

dynamique de changement partagée par l’ensemble des membres de l’organisation. La seconde

appréhende les cartes cognitives comme un outil qui permet d’expliquer et de prédire les

comportements individuels ou les phénomènes organisationnels. Sur le plan individuel, elle

54 Chabin (2001) 55 Fletcher et Huff (1990) 56 Chauvin (2011)

Page 239: Contribution de la socialisation organisationnelle au

238

utilise les caractéristiques de contenu et de structure pour expliquer les comportements et les

attitudes des individus dans les organisations. Sur le plan organisationnel, les cartes

organisationnelles57 sont utilisées pour expliquer les réponses de l’entreprise face au changement

de son environnement.

Pour Parades (2009), trois raisons soutiennent la pertinence de cette approche

méthodologique: « la première réside dans le fait que la cartographie cognitive appréhende

l’individu dans son environnement, en évaluant leur relation en termes de moyens et de fins.

Deuxièmement, les cartes cognitives permettent en évidence le sens et la présence d’éléments

cognitifs, et d’analyser surtout les relations entre ces éléments cognitifs. Enfin, le résultat des

analyses, la carte cognitive, s’avère être un outil de communication compact et puissant pour les

chercheurs et les consultants ».

Dans ce contexte, la cartographie cognitive peut nous permettre de viser trois objectifs

empiriques essentiels à notre démonstration :

§ Comprendre les processus apprentissage et d’adaptation à l’œuvre dans les organisations,

et les comportements individuels ou collectifs ;

§ Comprendre l’adéquation (ou pas) des stratégies formulées par les organisations face aux

évolutions de l’environnement ;

§ Prédire les comportements et attitudes des acteurs.

Ces objectifs reposent sur le fait que dans une organisation l’apprentissage dépend

essentiellement des connaissances accumulées par ses membres ; les entreprise définissent des

stratégies qui peuvent être inadaptées à leur environnement ; et la relative stabilité des schèmes,

une fois constituées, et donc leur capacité à prédire les comportements des acteurs (Komokar,

1994 ; Cosette, 2004).

57 Cartes assemblées des différents services de l’organisation.

Page 240: Contribution de la socialisation organisationnelle au

239

Figure 17. Le processus d’élaboration d'une carte cognitive

PHASE PREPARATOIRE

(3) : session 2 : récolte des données par méthodes structurées ou non structurées selon l’objectif de la recherche

CONSTRUCTION DES CARTES

(6) : analyse des cartes (6’) : output : cartes visuelles

(1) : planification du projet, préparation du terrain, émergence de thèmes issus de la littérature

(2) : session 1 : entretiens peu structurés pour affiner la problématique et pour saisir le vocabulaire des sujets

(4) : retranscription brute des données, analyse préliminaire

(5) : standardisation des données : découpage du texte en assertions, conversion en un vocabulaire standard

Source : Chaney, 2010 (adapté de Laukkanen, 1994).

§ L’utilisation du logiciel Decision Explorer

Pour exploiter les données issues de nos entretiens, nous avons utilisé le logiciel Decision

Explorer comme support à l’analyse des données. Cet outil a été développé par Eden et al (1992)

« pour aider à voir les relations entre différentes idées et perspectives pouvant être exprimées sur

un thème ». Dans leur démarche de création, Eden et ses collègues sont influencés par le

construit théorique personnel de Kelly (1955), et ils ont adoptés certains éléments de cette

théorie. Parmi ces éléments nous avons l’individualité, la sociabilité, et le sentiment de solidarité

qui sont perçus comme les clés du travail avec les individus et les équipes dans les organisations.

Autrement dit, ils considèrent que les gens vivent des expériences différentes et par conséquent,

ils interprètent les évènements dans des voies différentes.

D’après le tutoriel élaboré par Banxia software (1999), Decision Explorer offre une base pour

le débat et la réflexion. Il peut être utilisé pour cartographier les pensées d’un individu,

rassemblées lors d’entretiens ou des idées générées lors d’une discussion de groupe. Le travail

avec les idées consiste à voir comment elles s’accordent entre elles et s’influencent l’une l’autre,

et ainsi parvenir à générer de nouvelles idées. L’unité d’entrée des donnés est un concept, c'est-à-

dire une expression courte qui condense l’essentiel d’une idée, et forme une partie d’une chaine

Page 241: Contribution de la socialisation organisationnelle au

240

d’arguments. Les concepts sont liés de manière à exprimer la logique d’un argument ou d’un

raisonnement. Au moment de la saisie chaque concept se voit attribuer un numéro unique de

référence par le logiciel.

L’utilisation de Decision Explorer dans les recherches sur la carte cognitive est très répandue.

Ceci s’explique par les nombreuses possibilités fonctionnelles qu’il offre. Selon Cossette (2008),

le logiciel permet d’étudier de façon approfondie le réseau sémantique constitué des concepts et

liens. Ainsi, l’apport du logiciel est particulièrement apprécié dans la quantification de certains

indicateurs (variables, groupes, liens, boucles, densité, l’intensité relationnelle) ; il permet aussi

de calculer un score de centralité pour chaque concept (1 point pour chaque lien direct, 0.5 points

pour les liens de deuxième niveau…). De même que dans le cadre de l’analyse du contenu des

cartes, le logiciel facilite certains traitements quantitatifs, tels que l’analyse en composante

principale, les mesures de distance ou les mesure de similarité.

3.2. La construction des cartes cognitives

Les méthodes d’établissement des cartes cognitives sont nombreuses (Cf. tableau), le choix de

ces méthodes dépend en grande partie de la position épistémologique du chercheur (Cossette,

2008). Autrement dit, si la recherche se situe dans une démarche objective de construction de la

connaissance, le chercheur aura tendance à déterminer à priori les concepts (ou variables) devant

composer la carte graphique. Il lui suffira par la suite, de demander au répondant d’établir les

liens entre les différents concepts ; cette opération peut être réalisée par divers moyens de recueil

de données, comme le questionnaire d’enquête ou des entretiens directifs. Si par contre, le

chercheur adopte une approche subjectiviste, « les concepts d’une carte cognitive devraient

provenir des sujets eux-mêmes plutôt que d’avoir été déterminés à priori par le chercheur ».

Dans cette perspective, le chercheur peut utiliser des questions ouvertes du type « qu’est ce qui

explique ce concept » ou « quelles en sont les conséquences », pour obtenir du répondant des

réponses qui établissent des liens entre les concepts.

3.2.1. Le choix d’une méthode de construction des cartes cognitives

Selon la position épistémologique, le chercheur détermine la méthode de collecte des

données. La littérature distingue deux grandes méthodes de collecte de données : les méthodes à

priori et les méthodes à postériori. Dans les méthodes à priori, la collecte des données est plutôt

structurée en ce sens que c’est le chercheur qui propose les concepts qui vont figurer dans la

carte cognitive. Il collecte les liens d’influence direct auprès des répondants en leur demandant

de considérer chaque paire de variable (A a-t-il une influence sur B, si oui, s’agit-il d’une

Page 242: Contribution de la socialisation organisationnelle au

241

influence positive ou négative). Selon Allard-Poesi (1996), cette méthode permet une analyse

comparative des cartes individuelles, dans la perspective de construire une carte assemblée.

Mais, sa mise en œuvre comporte des limites, notamment le risque de déposséder le sujet des

éléments clés de sa représentation et de l’enfermer dans un univers qui n’est pas le sien. Dans les

méthodes à postériori, la collecte des données se fait par des méthodes moins structurées ou par

des entretiens en profondeur. Les concepts et les liens qui vont composer la carte viennent du

sujet, et reflètent la réalité telle qu’elle est perçue par ce dernier. Cette méthode permet un

meilleur accès au système référentiel de l’interviewé, cependant il est à craindre une forte

mobilisation des stéréotypes.

Tableau 24. Les différentes méthodes de collecte des données (adapté de Allard-Poesi et al, 2000, p. 452)

Méthodes dites « structurées » Méthodes dites « non structurées » Objectifs - Générer directement la représentation

d’un sujet concernant le thème. Il ne repose pas sur des données naturelles de discours

- Générer des données naturelles

Principes - Représentation du sujet à partir de cadre que le chercheur a défini préalablement

- Dissocier les phrases de collecte, les phrases de codage, et l’analyse de données

Etapes - Sélection d’un ensemble de catégorie, concepts, construits ou variables - Demander à l’intervenant les liens entre ces catégories

- Entretien libre ou semi structuré pour collecter la représentation sur le thème - Enregistrement et retranscription intégrale codage des données

Avantages - Générer des données fiables, stables et replicables, utilisables à grande échelle - Générer des représentations émanant d’un même ensemble de concepts initiaux - Générer des représentations comparables et pouvant être agrégées.

- Validité des données produites - Reflet plus fidèle de ce que pense l’intervenant - Générer des données riches

Inconvénients - Eléments de représentation n’émanent pas du sujet : risque de déposséder une partie de la représentation de rajouter des éléments supplémentaires. - Manque de validité, donnée acquise limitée

- Limites la fiabilité des données produites - Travail important en aval de la collecte de données du chercheur - Travail non envisageable à grande échelle - Utilisation uniquement pour étudier en profondeur les représentations de quelques sujets

Source: Rakotomena (2008)

Page 243: Contribution de la socialisation organisationnelle au

242

3.2.2. Construction des cartes collectives

Enfin, l’élaboration d’une carte cognitive est différente selon que la représentation est

individuelle ou collective. Si dans une majorité des cas, les cartes cognitives ont été utilisées

pour la construction des représentations d’un individu, leur extension vers les groupes

d’individus et l’organisation nécessite une approche différente. La littérature distingue deux

grandes méthodes de construction de cartes cognitives collectives (Allard Poesi, 1996) : les

méthodes d’agrégation et les méthodes globales.

Les méthodes d’agrégation permettent de « construire une carte collective à partir des cartes

individuelles des membres d’une organisation. Il existe dans la littérature plusieurs principes

d’agrégation » (Cf. tableau 22).

Tableau 25. Méthodes d’établissement des cartes collectives (méthodes d'agrégation)

Méthodes Principes Références

Méthodes d’agrégation

Carte moyenne Détermination statistique des concepts et liens de la carte à partir des cartes individuelles

Bougon et al. (1977) Ford et Hegarty (1984)

Carte pondérée Les liens et concepts compris dans la carte sont pondérés de l'influence perçue par les autres membres du groupe

Walsh et al. (1988; 1986)

Carte sociocognitive Corrélation entre la convergence cognitive et la connectivité sociale des membres individuels

Dunn et Ginsberg, 1986

Cartes d'assemblage

Assemblage des cartes individuelles ou de différents services sur la base des variables qu'ils ont en commun (union des cartes)

Hall (1984) Weick et Bougon (1986

Carte d'éléments d'union

Assemblage des cartes individuelles sur la base de leurs éléments communs compris au moins dans une boucle

Bougon (1992; 1994)

Page 244: Contribution de la socialisation organisationnelle au

243

Les méthodes globales permettent de « construire les cartes collectives à partir de sources de

données que l’on considère comme émanant de l’organisation ». Compte tenu de l’approche

subjectiviste adoptée dans le cadre de cette recherché, nous avons opté pour une carte

« assemblée » qui permet de faire figurer les idées de tous les répondants sur la carte collective

(Cossette, 2008). Selon l’auteur, il s’agit de former un assemblage des préoccupations

individuelles, et de faire émerger une dimension collective représentative des idées de chaque

acteur. Cette méthode consiste : (1) Etablissement des cartes individuelles et de sous-groupe ;

(2) Repérage des variables communes ; et assemblage des cartes sur la base des éléments

communs.

Tableau 26. Méthodes d'établissement des cartes collectives (méthodes globales)

Méthodes Principes Références Méthodes globales Méthodes documentaires

Codage et établissement de cartes à partir de documents (plans rapports annuels, compte-rendu de réunions)

Huff (1990); Tucker Wrighston (in Axelrod, 1976)

Carte composite négociée

Carte établie après discussion des membres d'un groupe de l'union de leurs cartes individuelles

C. Eden et al. (1983), Langfield-Smith (1992)

Diagramme d'influence

Représentation du chercheur des interconnexions entre facteurs organisationnels dans un domaine stratégique.

Diffenbach (1982) Ross et hall (1980) ramaprasad et Poon (1985) Hall (1978)

3.3. La collecte de données

3.3.1. Les méthodes de collecte de données

La collecte de données qualitatives peut se faire de plusieurs manières. On distingue

généralement en fonction des objectifs poursuivis trois types de méthodes d’investigation

(Thiétart et al, 2014) : l’entretien individuel, l’entretien de groupe et l’observation. L’entretien

individuel est utilisé lorsqu’il s’agit de mettre en évidence les motivations conscientes ou

inconscientes du sujet. Ce type d’entretien est également adapté lorsque l’étude porte sur le

recensement des pratiques individuelles, notamment en ce qui concerne l’étude des processus ou

des mécanismes de prise de décision. L’entretien de groupe est plus adapté aux études

Page 245: Contribution de la socialisation organisationnelle au

244

nécessitant une interaction entre les répondants. C’est le cas, lorsque la recherche d’informations

nécessite de reproduire un contexte social favorable aux échanges de points de points de vue,

lorsqu’on veut avoir le point de vue d’une cible de personnes ou encore lorsqu’il s’agit de

stimuler la créativité des répondants. L’observation consiste à relever, pendant une période

donnée, les comportements inconscients, mécaniques et même insoupçonnés qu’un entretien

ordinaire ne parvient pas à faire ressortir. « L’observation constitue un mode de recueil alternatif

de l’entretien dans le sens où le chercheur peut analyser des données factuelles dont les

occurrences sont certaines, plutôt que des données verbales dont l’inférence factuelle est sujette

à caution ». Il existe deux types d’observations. L’observation directe permet de recueillir

l’information sans que, le sujet et l’enquêteur n’interfèrent dans le processus de collecte, alors

qu’une observation indirecte nécessite que l’enquêteur se souvienne de ses actions, ou que le

sujet rende compte de son processus de décision. Dans la perspective de l’établissement des

cartes cognitives collectives, et en suivant les recommandations de cossette (2008) concernant

les méthodes de cartographie cognitive dans une approche subjective, nous avons privilégié les

entretiens en profondeur pour recueillir les données.

Page 246: Contribution de la socialisation organisationnelle au

245

Tableau 27. Les différentes techniques de collecte de données dans la littérature

Techniques de collecte Précision (=) ; Avantages (+) ; Inconvénient (-)

Observation participante

(=)Déterminez des variables jugées importantes par l’ensemble d’un groupe (+) Permet de rester très proche du vécu des individus concernés (-) Forte influence du chercheur dans le choix des concepts (-) Tendance des sujets à adopter un comportement artificiel dans une situation d’observation participante Bougon et al. (1997)

Questionnaire (Matrice)

(-) Utilisée pour identifier des liens entre concepts déjà fixés. Souvent à partir d’une matrice (+) Facilité d’utilisation (-) Répondants sont prisonniers du modèle choisi par le chercheur (-) Monotonie quant on remplit la matrice, ce qui implique un nombre restreint de variables Bougon et al. (1997) ; Ford et Hegarty (1984) ; Komokar (1994) ; Swan et Newell (1998)

Entrevue en profondeur

(-) A partir de questions ouvertes : permet de montrer à partir de quel concept le sujet structure sa réalité et entre lesquels il établit un lien d’explication prêtant à conséquence. (+) Donne le meilleur accès au système référentiel (concepts à partir desquels ils organisent leur expérience et aux liens qu’ile établissent entre certains d’entre eux). (+) Permet de prendre en considération l’information non verbale (permet d’évaluer la sincérité du sujet (Weick et Bougon, 1986) et comprendre la signification de ce qu’ils communiquent (Eden et Ackermann, 1998a). (-) Le chercheur se retrouve vite enseveli par une masse de données de tous ordres. Les concepts deviennent difficiles à distinguer (niveaux d’abstraction différents, parfois utilisés de façon synonyme sans que ce soit très clair, font partie d’un discours décousu et désorganisé, éloignement de l’objet de la carte cognitive). (-) Le sujet peut s’abstenir de verbaliser ce qui lui semble important mais évident. (-) Le repérage des liens peut s’avérer complexe du fait de la grande diversité du type de liens. (-) Le chercheur peut suggérer plus ou moins volontairement au sujet de certains concepts et liens appartenant à son propre univers subjectif plutôt qu’a celui du sujet. (-) La conduite d’entrevues en profondeur requière beaucoup de temps et de déplacement, demande une grande disponibilité de la part des participants, une grande capacité d’écoute et une acceptation inconditionnelle des idées véhiculées. Eden et Ackermann (1998a) ; Eden et al. (1983) ; Calori et al. (1992 ; 1994) ; Cossette (1989 ; 1994b) ; Cossette et Audet (1992).

Grille d’exploration systématique (développée par Cossette)

(-) Le sujet est invité à identifier les facteurs, qui selon lui ont un impact important sur « l’objet d’étudié », chaque facteur étant inscrit au centre de la grille. Il doit ensuite déterminer, pour chacun de ces facteurs stratégiques, ses explications et conséquences et faire de même avec les nouveaux facteurs nommés. (+) Cette procédure a l’avantage d’être systématique et donc d’éviter les digressions inutiles, tout en étant non directive (aucun concept ni lien ne sont suggérés). (-) Elle exige, cependant, une très bonne habileté interpersonnelle, le sujet doit en effet se sentir en confiance pour partir de façon aussi systématique à la découverte de ses propres idées, ce qui peut être menaçant ou du moins créer une certaine anxiété, moins susceptible de se développer avec les autres approches. Cossette (2001) ; Verstraete (1997)

Grille-répertoire

(-) Technique dérivée de la théorie des construits de Kelly (1955). Au départ le chercheur doit obtenir une liste d’éléments pertinents à sa recherche (provenant du répondant lui-même ou d’autres sources). Il sont ensuite présentés à chaque répondant généralement par groupe de trois choisis au hasard de façon séquentielle (1, 2, 3 ; 2, 3, 4 ; …). Le répondant doit alors préciser en quoi deux d’entre elles sont semblables et en quoi le troisième est différent. Finalement, le sujet est invité à évaluer chaque autre élément de sa recherche sur chacune des dimensions identifiées, à partir d’une échelle de Likert. (-) Pas facile à manœuvrer (+) Elle est proche du vécu de chacun (-) Problèmes de comparaison des différents individus à partir des mêmes dimensions présumés uniques. (+) Limite l’influence du chercheur et de son propre système référentiel. Reger (1990a).

Visual Card Sort (Daniels et al. 1995)

(=) S’apparente à la grille-répertoire. L’objectif est de faire émerger les construits employés par le sujet en lien avec une situation particulière. Dans l’étude de Daniels et, portant sur la représentation du modèle mental qu’un gestionnaire a de ses concurrents, on demande d’abord au répondant de nommer les entreprises concurrentes à la sienne sur des cartons séparés. Ensuite, il classe ses cartons de façon à ce que les entreprises les plus fortement concurrentielles soient proches les unes des autres, et de justifier leur dispositions, ce qui permet d’identifier les construits auxquels il fait appel. On lui demande ensuite de repositionner les cartons aussi souvent qu’il souhaite.

Source : Pijoan (2007)

Page 247: Contribution de la socialisation organisationnelle au

246

3.3.2. La collecte des données par un guide d’entretien

Pour être sur de recueillir toute l’information nécessaire à la bonne compréhension de la

socialisation des vendeurs indépendants, nous avons réalisé plusieurs entretiens auprès des

sources différentes. Ces entretiens constituent un moyen privilégié pour « accéder aux faits, aux

représentations et aux interprétations sur les situations connues par les acteurs » (Wacheux,

1996, p.203).

Dans un premier temps, nous avons mené une série d’entretiens préliminaires sur des thèmes

jugés pertinents pour appréhender le phénomène de la socialisation organisationnelle au sein des

forces de vente indépendantes. La socialisation n’est pas toujours réalisée de façon consciente

dans l’entreprise (Lacaze, 2010). Cependant, il est possible de saisir le phénomène à travers un

certain nombre de pratiques GRH, telles que le recrutement, l’intégration, et la formation. Pour

réaliser cette enquête préliminaire, nous avons élaborés deux guides d’entretien en nous

appuyant sur la littérature. Le premier est destiné aux responsables commerciaux et chefs de

vente disposant d’une force de vente indépendante. Il s’articule autour d’une question qui est

formulée de la façon suivante : « pouvez-vous nous parler des pratiques de GRH que vous

mobilisez lorsque vous embauchez des vendeurs indépendants ». Le second guide est destiné aux

vendeurs indépendants anciens et nouveaux confondus, et cherche à connaitre la perception des

vendeurs sur les pratiques de GRH mis en œuvre par l’entreprise. Il débute par une question qui

se présente comme suite : « pouvez-vous nous parler des pratiques de GRH que l’entreprise a

mis en œuvre lorsqu’elle vous a embauché ». Au total huit entretiens ont été réalisés, dont sept

entretiens individuels et un entretien de groupe ; notons également que ces entretiens avaient un

caractère formel pour certains, et informel pour les autres.

La deuxième série d’entretiens avait pour objectif de recueillir les perceptions des acteurs sur

les facteurs tant individuels qu’organisationnels susceptibles d’influencer le départ ou le

maintien des vendeurs dans l’organisation. Pour cela, nous avons procédé à des entretiens semi

directifs centrés (Romelaer, 2005) ou semi structurés selon l’expression de cossette (1994).

Autrement dit, nous avons adopté « un mode d’entretien dans lequel le chercheur amène le

répondant à communiquer des informations nombreuses, détaillées et de qualité sur les sujets

liés à la recherche, en influençant très peu, et donc avec des garanties d’absence de biais qui

vont dans le sens d’une bonne scientificité ». Cette méthode permet de recueillir des données

inspirées directement des acteurs, tout en les invitant à approfondir leurs propos. A l’inverse de

l’entretien directif qui suggère des réponses aux personnes interrogées et de l’entretien libre plus

ouvert, l’entretien semi directif parait plus flexible et plus adapté pour aborder les problèmes

Page 248: Contribution de la socialisation organisationnelle au

247

complexes. Les entretiens ont été réalisés à l’aide d’un guide d’entretien préparé pour chaque

type de répondant (nouveau vendeur, responsable commercial et ancien vendeur).

En ce qui concerne les nouveaux vendeurs, nous avons demandé au répondant de relater de

façon rétroactive son entrée dans l’organisation, et de décrire les différents évènements qui ont

jalonnés son parcours professionnel jusqu’à maintenant. Cet entretien est marqué par deux

séquences importantes. La première cherche à comprendre le déroulement de la socialisation du

vendeur, en mettant en évidence les facteurs individuels et contextuels qui la caractérise. La

seconde se propose d’établir les relations d’influence entre les facteurs identifiés par le répondant

et sa propension à partir ou à rester dans l’entreprise. De plus, le guide d’entretien est élaboré de

telle sorte que le processus et le contenu de la socialisation organisationnelle soient clairement

mis en évidence. Enfin, le guide d’entretien destiné aux vendeurs indépendants est structuré de la

suivante :

La question de départ : « Pouvez-vous nous parler de votre arrivée et de vos début dans

l’entreprise et dans l’équipe de vente ? »

Cette question est précisée par des questions portant sur les thèmes suivants :

· Les moyens de recrutement (annonce presse, cabinet conseil, etc.) ;

· Les informations reçues sur l’emploi et l’entreprise ;

· La motivation à accepter cet emploi ;

· L’organisation de l’apprentissage du vendeur ;

· Le contenu des apprentissages reçus ;

· La proactivité des vendeurs ;

· La qualité58 des échanges avec le superviseur et les anciens vendeurs ;

· Le temps mis pour être opérationnel ;

· Les raisons à l’origine des départs des nouveaux vendeurs ;

· Les raisons qui motivent de continuer comme vendeur indépendant.

Les entretiens réalisés auprès des responsables commerciaux et des anciens vendeurs

permettent d’évaluer les efforts accomplis par l’entreprise, à travers ses membres, dans la

socialisation des nouveaux vendeurs. Comme nous l’avons souligné dans notre approche

conceptuelle, la socialisation des vendeurs indépendants est envisagée essentiellement dans une

perspective interactionniste. Cette approche permet de collecter des informations sur les

occasions suscités ou mises à profit par les personnes déjà en place pour interagir avec les

58 Fréquence et contenu des échanges.

Page 249: Contribution de la socialisation organisationnelle au

248

nouveaux vendeurs, et vérifier leur impact sur les intentions de départ, les départs effectifs ou le

maintien de ces derniers dans l’équipe.

En ce qui concerne les responsables commerciaux, il est de tradition que ceux-ci participent

au processus de recrutement, ou qu’ils soient les principaux animateurs des campagnes de

recrutement des nouveaux vendeurs. Leurs actions débutent donc dès le recrutement, et même

bien avant et se poursuit tout le long du processus d’intégration, dans le cadre de la gestion

courante des activités des vendeurs. Compte tenu du rôle prépondérant des responsables

commerciaux dans le processus d’intégration, nous avons demandé aux répondants de nous

raconter le déroulement du processus d’intégration d’un vendeur indépendant. Autrement dit,

nous souhaitions qu’il décrive tous les actes qu’ils sont amenés à poser lorsqu’ils procèdent au

recrutement, la façon dont ils organisent la formation des nouveaux vendeurs et les échanges qui

sont établis avec ces derniers. Nous avons aussi requis des responsables commerciaux qu’ils

s’expriment sur les différentes raisons à l’origine des départs ou du maintien de cette catégorie

de vendeurs dans l’entreprise, compte tenu de leur expérience.

Le guide d’entretien élaboré à cet effet présente comme le précédent deux séquences, la

première destinée à la compréhension du processus de socialisation à travers les perceptions des

responsables commerciaux ; la seconde servant à énumérer les causes des départs et du maintien

des vendeurs. Le guide d’entretien destiné aux responsables commerciaux se présente de la

suivante :

La question de départ : « Pouvez-vous nous parler du déroulement de l’embauche d’un vendeur

indépendant jusqu'à son intégration dans l’équipe de vente ? »

Cette question est précisée par des questions portant sur les thèmes suivants :

· Les sources et canaux de recrutement ;

· Les informations échangées avec les postulants ;

· Les critères de sélection ;

· L’accueil du nouveau vendeur ;

· L’organisation de la formation ;

· Les domaines d’apprentissage ;

· La qualité des échanges avec les vendeurs ;

· Les critères de rétention des meilleurs vendeurs ;

· Le délai d’apprentissage (durée de l’essai) ;

· Les causes des départs prématurés ;

Page 250: Contribution de la socialisation organisationnelle au

249

· Les motivations des vendeurs à rester.

Les entretiens réalisés auprès des anciens vendeurs permettent d’avoir une vue complète sur

les initiatives prises par l’entreprise pour socialiser les nouvelles recrues. Les anciens vendeurs

sont souvent appelés à encadrer et à partager leur expérience avec les nouveaux ; ils constituent

donc un vivier d’informations intéressant pour nos investigations. Le guide d’entretien que nous

avons construit pour collecter ces données est structuré comme suit :

La question de départ : « Pouvez-vous nous parler de votre expérience dans l’encadrement d’un

nouveau vendeur ? »

Cette question est précisée par des questions portant sur les thèmes suivants :

· L’organisation de l’apprentissage ;

· Les acquis de l’apprentissage ;

· La proactivité des vendeurs ;

· Le rôle d’encadreur de l’ancien vendeur ;

· Le suivi de l’action par la hiérarchie ;

· La qualité des échanges avec le nouveau vendeur ;

· Le temps mis pour apprêter un nouveau vendeur ;

· Les causes des départs prématurés ;

· Les motivations des vendeurs à rester.

Nous pouvons conclure cette présentation en précisant que notre première préoccupation était

de comprendre le déroulement du processus de socialisation, et d’apprécier son contenu au sein

des forces de vente indépendantes. Pour cela les entretiens semi directifs constituent un

formidable moyen d’investigation, car ils permettent de sonder le répondant en profondeur, tout

en orientant légèrement la discussion. Ces entretiens nous fournissent également des explications

précieuses sur les causes multiples qui sont à l’origine des départs, mais aussi sur les raisons qui

motivent certains vendeurs indépendants à demeurer dans ce statut. Par ailleurs, comme l’ont

souligné plusieurs auteurs, le fait de croiser plusieurs sources de recueil de données conforte la

validité des résultats obtenus (Wacheux, 1996 ; Dumez, 2013).

Page 251: Contribution de la socialisation organisationnelle au

250

3.4. Traitement des données collectées pour la construction des cartes

3.4.1. Le passage de la collecte des données à l’établissement des cartes cognitives

La méthode des cartes cognitives propose un ensemble de techniques visant à présenter, sous

la forme d’un graphique ou d’une matrice, les représentations d’un individu ou d’un groupe

d’individus sur un problème particulier. Une carte cognitive permet de représenter des systèmes

complexes contenant un grand nombre de facteurs qui interagissent. Pour Cossette (1994), « une

carte cognitive est une figure tracée par un chercheur pour représenter les affirmations d’un sujet.

Elle se compose de deux éléments : les concepts, le plus souvent des variables, et des liens,

généralement dits d’influence ou de causalité, unissant certains d’entre eux ». Par ailleurs, le

terme sentiers d’influence désignent « les chemins reliant un concept à un autre en passant par

l’intermédiaire d’un ou de plusieurs autres concepts ». Lorsque l’effet d’une variable sur une

autre est positif, on parle de sentier positif ; à l’inverse un sentier négatif indique que l’effet

d’une variable sur une autre est négatif. En outre, on notera qu’un sentier peut former une boucle

« lorsqu’une variable exerce, de façon indirecte, une influence sur elle-même ».

Figure 18. Illustration des concepts de "sentiers" et de "boucles"

Dépenses de publicité

Rémunération Rendement de l’employé

Ventes Coûts

Rendement de l’entreprise

Relation positive

Relation négative

AED Sentier positif

ACD Sentier négatif

FBDF Boucle positive

FCDF Boucle négative

F

E

D

A

B

C

Source : Cossette (1994)

Les données collectées peuvent faire l’objet de deux types de représentations différentes : Une

représentation sous la forme d’un graphique et une représentation sous la forme d’une matrice.

La représentation graphique d’une carte cognitive varie d’une recherche à l’autre. Ainsi, Axelrod

et ses collègues (1976) adoptent un dispositif qui situe les concepts perçus comme des « causes »

à gauche, et ceux perçus comme des « conséquences » à droite ; Bougon et al (1977) disposent

les concepts de façon circulaire, reliés par des traits qui s’entrecroisent, ce qui donne l’apparence

Page 252: Contribution de la socialisation organisationnelle au

251

d’une toile d’araignée ; Eden et al (1988) quant à eux disposent les concepts de bas en haut de

façon à réduire les distances entre ceux qui sont reliés et les croisements de liens. Une carte

cognitive peut aussi être représentée sous la forme d’une matrice comprenant, en ligne les nœuds

émetteurs de liens et en colonne les nœuds récepteurs de liens. Les cellules formées donnent la

force du lien (valeur associée à un lien) ou bien comptabilisent le nombre d’occurrences du lien

entre les deux nœuds considérés. (Cf. figure 20, ci-dessous).

Figure 19.Exemple de carte cognitive et de matrice correspondante

+ + + + - -

1 2 3 4 5 6 TLS

1 0 1 0 0 0 0 1 2 0 0 0 0 1 0 1 3 0 1 0 0 -1 0 2

4 0 0 0 0 0 -1 1 5 0 0 0 0 0 1 1

6 0 0 0 0 0 0 0 TLS 0 2 0 0 2 2 6

2

3

5 6

4

1

Source : Morineau et Billet (2007)

3.4.2. Le codage des données recueillies

La démarche d’analyse proposée par la méthode des cartes cognitives semble bien adaptée à

notre recherche, car elle permet d’établir les relations d’influence et de causalité que nous

souhaitons, entre les variables de la socialisation et certains comportements et attitudes du

vendeur. Pour y parvenir, nous avons retranscris intégralement l’ensemble des enregistrements et

notes obtenus, avant de procéder au codage des données recueillies. Le codage consiste à traiter

les données collectées, afin de les rendre exploitables. Pour cela, le chercheur est amené à

réaliser deux types d’opération.

La première concerne la préparation du corpus, et « recouvre deux types d’action » (Thiétart

et al (2012) :

§ L’intervention du chercheur sur le corpus, à travers la transcription, la correction, la

réduction et l’organisation de celui-ci ;

Page 253: Contribution de la socialisation organisationnelle au

252

§ L’indexation des documents pour organiser, et permettre au chercheur de retrouver

facilement un document au sein du corpus total.

La seconde concerne le codage des données proprement dit. Selon Bardin (2013), « Le

codage est le processus par lequel les données brutes sont transformées systématiquement et

agrégées dans des unités qui permettent une description précise des caractéristiques pertinentes

du contenu. » Ce processus implique de faire trois choix importants. Le premier consiste à

définir les règles de découpage du corpus et de préciser l’unité de signification ou d’analyse à

coder. Cette unité peut être un mot, une phrase, un paragraphe ou un thème. Le deuxième choix

consiste à déterminer les règles de comptage, c'est-à-dire la manière de compter l’unité

d’enregistrement (par exemple la fréquence). Le troisième choix se réfère à la catégorisation,

autrement dit elle consiste à regrouper les unités d’enregistrement présentant des

« caractéristique de forme commune ».

Pour notre part, nous avons choisi un codage thématique qui permet de ressortir les concepts

ainsi que les liens qui les unissent. Cette démarche est engagée dans une perspective

compréhensive et explicative ; les thèmes retenus sont en grande partie suggérés par les acteurs.

Notre approche s’inspire du protocole de codage élaboré par Allard-Poesi, Drucker-Godard et

Ehlinger (2007), pour coder les entretiens totalement retranscrits. Ce codage s’articule autour de

trois opérations distinctes : (1) la définition des unités d’analyse, (2) la définition des catégories,

et (3) la fusion des concepts ou variables présentant des similarités.

La première étape consiste à repérer dans le texte les unités d’analyse ou assertions constitués

de concepts et de liens qui les unissent. Dans la pratique, la recherche des assertions se fait en

fonction du type de carte que l’on souhaite établir:

- les assertions comprenant des liens d’influence (du type A influence, favorise, empêche

B) pour établir des cartes d’influence ;

- les assertions comprenant des liens de causalité (du type A entraine B, si A alors B, A

implique B) pour élaborer une carte de causalité ;

- les assertions comprenant des liens de similarité (A est similaire, ou différent de B),

hiérarchique (A est inclus dans B, A est un exemple de B) pour bâtir des schèmes de

catégorie ;

- Ou encore, l’ensemble de ces liens pour construire une cartographie cognitive.

Page 254: Contribution de la socialisation organisationnelle au

253

Ainsi, dans l’établissement d’une cartographie cognitive, l’unité d’analyse est une assertion

du type « concept A/lien/ concept B ». En général, cette assertion peut correspondre à une

phrase, mais elle peut se trouver aussi dans plusieurs phrases.

La deuxième étape consiste à spécifier dans les assertions repérées, les différents éléments

« concept » et « liens ». Autrement dit, il s’agit d’identifier les concepts et les liens qui

composent les assertions retenues. Concernant l’identification des concepts, on spécifie « les

éléments considérés par le locuteur comme étant concept influençant, concept influencé (ou

cause, effet, moyen, conséquence) et lien ». Les auteurs conseillent de poser les questions

suivantes pour faciliter pour identifier ces éléments :

« A précède t-il B dans le temps ? »

« A précède t-il logiquement B ? »

« A est-il nécessairement avant B ? »

A étant le concept supposé « cause » et B le concept supposé « effet ».

Ensuite, on identifie les liens unissant les concepts retenus par des verbes du type « entraine »,

« implique » ou « empêche ». En ce qui concerne l’établissement des cartes de causalité ou

d’influence, on recherche toujours les liens suivants :

§ Lien d’influence ou de causalité positive, (noté/+/) : induit, entraine, conduit à, cause, a

pour conséquence, augmente, permet de…

§ Lien d’influence ou de causalité négative, (noté/-/) : empêche, nuit à, est dommageable à,

réduit, est nuisible à, entrave, diminue…

§ Lien d’influence nul, (noté/0/) : n’a pas d’effet sur, n’est pas lié à…

Par ailleurs, par souci de simplification, nous faisons le choix d’appliquer les mêmes règles

de codage pour l’identification des relations de « définition », « d’exemple », ou d’égalité qui le

plus souvent font l’objet d’un traitement spécifique, dans la mesure elles facilitent la fusion

ultérieure des variables.

La troisième étape concerne la fusion des variables qui présentent des similarités, ou qui

peuvent apparaitre comme étant des synonymes. En cas de doute sur la similarité, il est conseillé

de considérer la variable telle qu’exprimée par le locuteur. Cependant, les auteurs distinguent

quelques règles qui peuvent être très utile dans cette étape : (1) Si une variable est mentionnée

plusieurs fois par un répondant, il y a de fortes chances pour qu’une expression modifiée de

celle-ci ne soit qu’une variation de style ; (2) Si une variable apparait comme un exemple ou une

Page 255: Contribution de la socialisation organisationnelle au

254

partie d’une variable plus générale, on peut fusionner les deux variables, dans la mesure où ces

variables sont exprimées par une même personne.

3.4.3. Fiabilité et validité du codage des données recueillies

En science de gestion, la scientificité de l’instrument de mesure se pose différemment selon

que la démarche est de type quantitatif ou qualitatif (Chaney, 2010). Alors qu’un instrument de

type quantitatif permet, à travers les tests statistiques, d’assurer la fiabilité et la validité de l’outil,

l’instrument de type qualitatif comporte des exigences qui nécessitent de prendre certaines

précautions.

Dans la littérature réservée à la construction des cartes cognitives, un intérêt particulier est

accordé à la fiabilité et à la validité de la collecte de données. Concernant la fiabilité, Allard-

Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger (2007) recommande qu’une tierce personne, experte en la

matière, soit mise à contribution et procède de façon identique au codage des données. Selon ces

auteurs, la fiabilité « intercodeur » est obtenu sur les trois opérations énumérées précédemment

(Cf. 5.4.2), à savoir les unités identifiées comme codables, la catégorisation de ces unités, et les

décisions de fusion des concepts. S’agissant de la validité, Chaney (2010) distingue pour sa part

trois niveaux de validité, le premier concerne la sincérité des données collectées, et suppose

l’existence d’un climat de confiance entre l’interviewé et l’enquêteur. Le deuxième s’intéresse à

la pertinence des données collectées en rapport avec le problème étudié, et interroge la méthode

de collecte choisie. Le troisième niveau se réfère à la capacité des données recueillies à traduire

« la réalité que le chercheur souhaite observer ». Dans ce cas l’outil de collecte de données

(guide d’entretien) doit être adapté au vécu quotidien de l’interviewé et tenir compte de ses

préoccupations59, de façon à obtenir des données de qualité.

Cependant, s’il est plus aisé d’assurer la validité des données recueillies, car proposer un

instrument de mesure qui permette d’obtenir « les données similaires et produire des cartes

semblables est difficile à respecter » compte tenu du caractère subjectif de notre approche. Dans

ces conditions certains chercheurs proposent de procéder à un arbitrage (Chabin, 2001 ; Eden et

al, 1992), et de considérer que la fiabilité et la validité de l’instrument seront plus ou moins

élevées selon la méthode (à priori ou à postériori) de construction de cartes choisie (Cf. carte ci-

dessous).

59 Allard-Poesi, 1997

Page 256: Contribution de la socialisation organisationnelle au

255

Tableau 28. Arbitrage entre fiabilité et validité de la collecte et du codage des données

Fiabilité Validité De la collecte

Questionnaire très structurée Entretiens ouverts

Génération de concepts à priori Choix des construits à postériori

Du codage

Utilisation de règles strictes Utilisation de règles propriétaires

Faible prise en compte du contexte discursif

Forte prise en compte du contexte discursif

Source : Chabin (2001)

Par ailleurs, il est de tradition dans les recherches portant sur les cartes cognitives qui consiste

à proposer aux personnes interrogées, un second entretien qui viendrait confirmer les propos tenu

par l’interviewé lors du premier entretien. Mais comme l’explique Chabin (2001), cet entretien

peut comporter des biais qui vont déformer le discours initial. Cependant, pour valider les

informations recueillies, nous avons d’abord procéder à une étude préliminaire auprès des

responsables commerciaux et des vendeurs indépendants. Ensuite, nous avons approfondie les

concepts retenus auprès d’un échantillon plus large et varié.

3.5. L’analyse des données

3.5.1. Les différents types d’analyse dans la littérature

Les analyses des cartes cognitives reposent essentiellement sur deux méthodes principales

(Chaney, 2010) : l’analyse de structure et l’analyse du contenu. L’analyse de structure cherche à

décrire l’organisation générale de la carte, et à identifier les attributs qui structurent la carte.

Deux dimensions sont particulièrement étudiées : la complexité et l’organisation de la carte. La

complexité d’une carte est appréciée à travers six indicateurs :

1. Le nombre de variables de la carte : il déterminer le nombre de concepts différents que le

répondant a énoncés en référence aux thématiques soumises.

2. Le nombre de regroupements (ou cluster) : il correspond au regroupement de l’ensemble

des variables en groupe.

3. Le nombre de liens : recense le nombre de relations existantes entre les concepts présents

dans la carte. On s’intéresse à la quantité des liens et non à leur nature.

4. Le nombre de boucle : il identifie le nombre de chaines de relations d’influence reliant un

concept à lui-même.

Page 257: Contribution de la socialisation organisationnelle au

256

5. La densité : elle exprime le nombre de variables présentes dans la carte en fonction du

nombre de liens recensé.

6. L’intensité relationnelle : elle correspond au rapport entre le nombre de liens observé et le

nombre total de liens théoriquement possible étant donné l’ensemble des variables

comprises dans la carte.

Selon l’auteur, les indicateurs (1) et (2) renseignent sur le degré de différenciation de la carte,

plus ils sont élevés plus la carte est complexe et diversifiée. Alors que les indicateurs (3), (4), (5)

et (6) évaluent le degré d’interconnexion de la carte ; plus ils sont élevés plus la carte est

compacte. L’organisation d’une carte est appréciée à partir de l’évaluation de l’importance

relative de chacun des concepts cités par le répondant. Un concept est considéré comme

particulièrement central ou important lorsqu’il est relié directement ou indirectement, soit

comme un facteur influençant, soit comme un facteur influencé, à un grand nombre d’autres

concepts (Chaney, 2010 ; Cossette, 2008). Dans ce cas, on parle d’une « analyse de centralité

simple » ; alors que l’analyse de « centralité mixte » prend en compte, en plus des variables qui

influencent et qui sont influencées par chaque concept, la longueur moyenne de tous les sentiers

liant ce concept à d’autres. Par ailleurs, il est aussi possible de mener une analyse des facteurs

influents ou conséquences et explications. Selon Cossette (2008), certains concepts sont

considérés comme des conséquences et représentent les objectifs poursuivis, alors que d’autres

sont considérés comme des explications et constituent les moyens qui permettent d’atteindre les

objectifs.

L’analyse du contenu des cartes, quant à elle, porte sur les éléments qui les composent. On

distingue les méthodes quantitatives qui permettent de comparer le contenu des différentes

représentations et les méthodes qualitatives qui permettent de donner un sens aux cartes

produites (Chaney, 2010). Dans la littérature, trois types de traitements quantitatifs sont

couramment utilisés par les chercheurs : (1) les analyses en composantes principales non

linéaires : « l’analyse en composante principale (ACP) est une technique exploratoire dont

l’objet est de chercher , à partir d’un ensemble de k variables mesuré sur des échelles d’intervalle

ou de rapport, une logique, une structure sous-jacentes aux données collectées » (Thiétart et al

(2012). Autrement dit, l’ACP est une technique de projection de données sur une droite ou un

plan, permettant de synthétiser et de visualiser l’information contenue dans un tableau de

données. A l’inverse l’ACP non linéaire se caractérise par une projection des données sur des

courbes ou des surfaces ; elle permet d’évaluer la similarité sémantique entre les répondants sur

la base des liens énoncés » (Chaney, 2010). (2) les mesures de distance : elles s’appliquent aux

Page 258: Contribution de la socialisation organisationnelle au

257

matrices de proximité correspondant aux cartes cognitives. Elles comparent les liens d’influence

issus de deux cartes, et leur usage dépend de la méthode de recueil de données. (3) les mesures

de similarité : elles sont matérialisées par des indices de similarité ; ces indices permettent

d’étudier les points communs et les points de divergence entre les cartes. Les indices de

similarité sont élaborés sur la base d’une matrice qui synthétise sous forme de tableau l’ensemble

des données (concepts et liens) issues d’une carte cognitive.

Par ailleurs, il existe des méthodes qualitatives qui permettent une analyse plus fine des cartes

cognitives. C’est la cas de l’analyse de domaine qui consiste à sélectionner une sous partie de la

carte jugée intéressante par le chercheur, et d’y réaliser une analyse en profondeur (Chaney,

2010). C’est aussi le cas lorsqu’on fait appel à un expert pour évaluer la similarité des cartes

cognitives.

3.5.2. L’adoption d’une méthode d’analyse adaptée

Cependant, si l’objectif poursuivi par l’analyse du contenu est la recherche d’une conception

partagée, à travers une comparaison des cartes individuelles, les méthodes d’assemblage

utilisées, en vue d’élaborer une carte collective, restent difficiles à mettre en œuvre. Comme le

soulignent Pijoan (2007) et Rakotomena (2008), la recherche d’une « vision commune » peut

avoir pour effet « d’écarter de la carte finale les spécificités individuelles ». Aussi, en vue de

faire apparaitre la dimension individuelle, dans les représentations collectives, les auteurs

proposent une analyse locale du contenu basée sur l’organisation des cartes (Cf. tableau 10).

Cette analyse a le mérite d’écarter le problème de l’incommensurabilité60, qui se pose pour

l’analyse des données non structurées, mais que l’on peut minimiser en portant l’analyse sur un

« espace restreint » comme les résultats de l’analyse de centralité ou l’analyse de regroupement.

60 Cossette

Page 259: Contribution de la socialisation organisationnelle au

258

Tableau 29. Quelques démarches d'analyse comparative de concepts restreints

Cas 1 : approche par une « bande de concepts

importants »

Cas 2 : approche par les « courants » de Miles et Huberman

Cas 3 : approches par les groupes de

concepts Etapes Générer les concepts les plus

importants par carte Générer les concepts

les plus importants par carte

Faire une analyse de regroupement par carte

Poser une bande unique de délimitation des concepts par rapports à tous les concepts

du discours (ex : les ¼ supérieur ou celui à score de

centralité le plus élevé)

Identifier parmi eux le ou les concepts sur lesquels on souhaite

travailler

Faire une analyse comparative des

clusters Générer les chaines

d’argumentation qui expliquent les concepts

Identifier les similarités ou divergences des thèmes entre

les cartes

Identifier les chaines similaires entre les

cartes

Identifier les similarités ou

divergences des clusters entre les cartes

Principes de travail

Inconvénients

Analyse comparative de contenu

Analyse comparative des chaines

d’argumentation

Analyse comparative des clusters

Risque de délaisser toutes les possibilités offertes par la

cartographie cognitive

Complexe en cas d’existence d nombre important de chaines d’argumentation par

carte rendant la démarche comparative

trop lourde

Complexité des comparaisons dans le cas de plusieurs cartes

Source: Rakotomena (2008)

Dans le cadre de cette recherche, nous avons choisi l’approche par les groupes de clusters que

nous complétons par une analyse des concepts les plus importants. Elle a le mérite de prendre en

compte tous les concepts proposés par les cartes cognitives des trois catégories d’acteurs

considérés, tout en examinant les similarités et les divergences des clusters.

En définitive, nous pouvons dire qu’il existe une panoplie de méthodes d’analyse de cartes

cognitives, mais que le choix de ces méthodes est en grande partie guidé par les choix opérés par

le chercheur sur la méthode de recueil de données, et plus généralement sur le positionnement

épistémologique retenu. Il faut souligner aussi que les méthodes d’analyse quantitatives et

qualitatives des cartes cognitives, ne sont satisfaisantes que lorsqu’elles sont utilisées de façon

complémentaire.

Page 260: Contribution de la socialisation organisationnelle au

259

Conclusion Chapitre 4

Ce chapitre avait pour objectif de présenter notre démarche méthodologique et le

positionnement épistémologique le mieux adapté pour notre recherche. Nous avons fait le choix

de réaliser une recherche qualitative afin d’étudier plus en profondeur un domaine de recherche

jusque là inexploré, la socialisation du vendeur indépendant.

La méthodologie retenue repose sur la méthode des cartes cognitives, un outil de recherche

qui nous a permis de décrire les représentations des individus du point de vue de leur structure et

de leur contenu. Nous avons choisi d’une méthode de collecte de données non structurée qui

nous donne directement accès au système référentiel des individus étudiés, et par conséquent

d’accéder à une connaissance plus proche de la réalité.

Cette approche méthodologique est soutenue par un positionnement épistémologique

constructiviste. Cette posture s’explique par le fait que le concept de socialisation est construit

social qui s’y prête bien à ce type d’approche, et surtout à l’implication du chercheur dans la

construction des connaissances.

Par ailleurs, nous avons adoptée une démarche abductive compte tenu du caractère

exploratoire de notre recherche, marqué per les va et vient constant entre la littérature et le

terrain.

Page 261: Contribution de la socialisation organisationnelle au

260

CHAPITRE 5. LES RESULTATS DE LA RECHERCHE

L’élaboration d’une carte collective implique que les membres d’un groupe donné aient une

conception commune ou partagée du problème qui leur est posé. Pour cela, il est nécessaire de

prendre en compte les conceptions individuelles des personnes qui forment le groupe, tout en

cherchant les points qu’ils ont en commun. Dans le cadre de cette recherche, nous avons

considéré (comme indiqué dans la partie méthodologique) trois groupes d’individus intervenant

dans les activités de la force de vente, à savoir les responsables commerciaux, les vendeurs

séniors et les nouveaux vendeurs. Pour chacune de ces catégories d’acteurs, nous avons élaboré

les cartes cognitives collectives qui nous serviront de support à notre analyse.

L’objectif de cette recherche étant de comprendre et d’expliquer le management des vendeurs

indépendants à partir de la socialisation organisationnelle, nous proposons de réaliser deux

niveaux d’analyse repartis dans les deux principales sections qui composent ce chapitre. La

première section concerne les résultats obtenus de l’analyse de la structure des cartes cognitives

collectives des différents groupes retenus. Il s’agit dans cette analyse, d’une part de mettre en

évidence la complexité des schèmes d’actions et de pensée des différents acteurs sur la

socialisation des nouveaux vendeurs ; et d’autre part d’appréhender la structure de leur pensée à

travers l’analyse de centralité, les explications et conséquences, et l’analyse de regroupement.

Dans la deuxième section, nous présentons une analyse comparative des clusters des cartes

collectives. Cette comparaison permet de mettre en évidence les similarités et les différences

entre les cartes assemblées, et d’apporter une meilleure compréhension au turnover des

nouveaux vendeurs.

L’analyse des cartes cognitives collectives a permis d’identifier les points communs, mais

aussi les perceptions particulières des différents acteurs, sans que cela ne constitue véritablement

des points de désaccords. Aussi, pour tenir compte de toutes les préoccupations exprimées par

les acteurs concernés par la socialisation des nouveaux vendeurs, nous avons choisi d’assembler

l’ensemble des représentations des acteurs (Cossette, 2008). Bien qu’elle comporte des limites,

cette approche nous épargne des difficultés pratiques rencontrées dans les autres méthodes. Dans

le présent chapitre, nous présentons dans une première section, la structure cognitive de chacune

des trois catégories d’acteurs ; ensuite, nous analysons dans une deuxième section les

préoccupations soulevées par les acteurs retenus dans notre étude ; enfin, nous traduisons les

résultats issus des cartes cognitives en termes de socialisation dans une troisième section.

Page 262: Contribution de la socialisation organisationnelle au

261

SECTION 1. L’ANALYSE DE LA STRUCTURE DES CARTES COLLECTIVES DES

TROIS CATEGORIES D’ACTEURS

L’analyse de la structure des cartes cherche à décrire l’organisation générale de la carte. La

littérature distingue deux types de méthodes (Allard-Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger, 2007) :

les méthodes qui permettent d’évaluer la complexité cognitive des sujets, au moyen d’indicateurs

généraux (1); et les méthodes qui permettent d’identifier les « dimensions structurantes » à partir

desquelles les sujets organisent leurs représentations (2).

1. Evaluation des indicateurs de complexité des cartes collectives

Pour évaluer la complexité des cartes, six indicateurs quantitatifs sont généralement mobilisés

dans les recherches portant sur les cartes cognitives (Chaney, 2010) : (1) le nombre de variables

ou concepts retenus à l’issue des entretiens ; (2) le nombre de groupe comprenant des variables

interconnectés ; (3) le nombre de liens existant entre les différents concepts d’une carte ; (4) le

nombre de boucles représentant les chaînes de relations d’influence reliant un concept à lui-

même ; (5) la densité d’une carte exprimée par le rapport entre le nombre de liens et le nombre

de variables recensés ; (6) l’intensité relationnelle désigne le rapport entre le nombre de liens

observé et le nombre de liens théoriques pouvant être établis dans une carte. Selon l’auteur, les

deux premiers indicateurs informent sur le degré de différenciation de la carte (plus ils sont

élevés, plus la carte est complexe et diversifiée), alors que les quatre autres indicateurs traduisent

le degré d’interconnexion de la carte (plus ils sont élevés, plus la carte est compacte).

Tableau 30. Tableau de la structure des cartes collectives à partir des indicateurs généraux et locaux

Cartes Responsable commerciaux

Nouveaux vendeurs

Vendeurs séniors

Dispersion Moyenne

Nombre de variables finales(1) 18 15 17 1,5 16,6

Nombre de variables initiales(2) 25 48 36 11,5 36,3

Nombre de variables option 45 42 43 1,5 43,3

Nombre de concepts(3) 88 105 96 8,5 96,3

Nombre de liens(4) 131 145 143 7,5 139,6

Nombre de liens possibles (n*n-n) (5) 7656 10920 9120 1634,8 9232

Ratio nbre vf/n (1)/(3) 20,45% 14,28% 17,70% 0,03 0,17

Ratio nbre vi/n (2)/(3) 28,40% 45,71% 37,5% 0,08 0,37

Densité de la carte 1,48 1,38 1,48 0,05 1,4

Ratio de complexité1* 1,71 1,32 1,56% 0,88 1,01

Nombre de boucles 67 10 52 29,54 43

Nombre de groupes 4 4 5 0,57 4,3

Page 263: Contribution de la socialisation organisationnelle au

262

Dans leur ensemble, les cartes cognitives des trois catégories d’acteurs présentent des

structures complexes. Les indicateurs de différenciation (concepts et groupes) et

d’interconnexion (liens, boucles, densité, et ratio de complexité 1) sont assez élevés. Ce qui

traduit un degré de différenciation relativement élevé, et montre dans le même temps que les

cartes sont très compactes.

La littérature concernant l’évaluation de la complexité cognitive retient deux types

d’indicateurs : les indicateurs généraux de structure (1.1), et les indicateurs locaux de structure

(1.2).

1.1. Evaluer la complexité des cartes à partir des indicateurs généraux

Il existe dans la littérature plusieurs indicateurs généraux qui permettent d’évaluer la

complexité des cartes cognitives. Nous proposons de présenter dans cette recherche trois

indicateurs, le nombre de concepts et de liens contenus dans une carte, la densité d’une carte et

le ratio de complexité 1, à partir de la synthèse établie dans le tableau ci-dessus.

§ Etude du nombre de concepts et de liens contenus dans les cartes

Le nombre de concepts et de liens contenus dans une carte permet de mesurer respectivement,

le niveau de différenciation et d’intégration de la carte. Ainsi, on dira qu’une carte est plus ou

moins complexe selon le niveau de différenciation et d’intégration de ses composantes. Comme

nous l’avons indiqué ci-dessus, les cartes étudiées présentent globalement un niveau de

complexité élevé, si l’on s’en tient aux nombres de concepts et de liens qui composent les

différentes cartes : carte des RC (88-131) ; carte des (105-145) ; carte des VS (96-143).

Par ailleurs, le nombre moyen de concepts présent dans les trois cartes collectives étudiées

est de 96,3 pour un écart type de 8,5 alors que le nombre moyen de liens unissant ces concepts

est de 139,6 pour une dispersion de 7,5. Cette étude de différenciation et d’intégration met

évidence une certaine hétérogénéité des cartes étudiées. Elle suppose que les individus étudiés ne

parlent pas exactement de la même chose.

Mais, la littérature souligne d’être prudent avec ces données dont la fiabilité dépend à la fois

de la méthode utilisée, de la longueur des entretiens, et de l’expérience du chercheur dans la

pratique des entretiens (Eden et al, 1992). Elle suggère d’évaluer la densité de la carte par le ratio

liens/concept pour mesurer convenablement l’intégration. Pour notre part, notre expérience de

chercheur débutant ne nous exempt pas de potentielles erreurs, c’est pourquoi nous avons

Page 264: Contribution de la socialisation organisationnelle au

263

utilisé d’autres indicateurs pour tenir compte des erreurs éventuelles qui pourraient affecter la

construction des cartes cognitives.

§ Etude de la densité des cartes

L’évaluation de la densité présente des cartes relativement moins dispersées avec 0.05 pour

une moyenne de 1,04. Ces indicateurs traduisent l’homogénéité de la construction des cartes

étudiées. D’ailleurs, la littérature recommande de vérifier la qualité des cartes en s’assurant que

le résultat de l’opération nombre de liens/nombre de concepts soit compris entre 1,4 et 1,7. Ainsi,

dans l’hypothèse où le résultat est inférieur à 1,7 : cela signifie qu’il y a trop de liens. Si le

résultat est inférieur à 1.4 : cela signifie qu’il n’y a pas assez de liens dans la carte.

Si nous considérons les trois cartes étudiées, nous constatons qu’elles présentent des densités

qui se situent dans l’intervalle (1,4 – 1,7), ce qui dénote da la qualité des cartes construites.

Cependant, lorsqu’on regarde de près ces indicateurs, on s’aperçoit que les cartes des

responsables commerciaux et des vendeurs séniors (1,48) sont plus proches que celles des

nouveaux vendeurs (1,38). Nous expliquons cette différence par le fait que les nouveaux

vendeurs, dans la mesure où ils sont tout à fait novices dans le métier, n’ont pas encore une

bonne connaissance de leur environnement de travail et des tâches qu’ils doivent accomplir.

§ Etude du ratio de complexité 1

Le ratio de complexité 1 exprime le rapport entre le nombre de liens émis dans la carte et le

nombre de liens possibles. Il permet d’évaluer la part d’influence émise dans le discours et par le

codage. Il représente en moyenne 1,01 de possibilité pour une dispersion de 0,88. Il peut être

interpréter comme un indicateur de précision du discours entre le général et le particulier ; les

propos généraux reflétant un pourcentage élevé. La dispersion relativement faible tend à définir

une uniformité de degré de précision de codage.

1.2. Evaluer la complexité des cartes à partir des indicateurs locaux

Les indicateurs locaux de structure nous ont également permis d’évaluer la complexité des

schèmes cognitifs des trois catégories d’acteurs. Dans ce paragraphe, nous analysons les scores

moyens de centralité, le nombre de boucles présentes dans une carte, et le nombre de

regroupement.

Page 265: Contribution de la socialisation organisationnelle au

264

§ Les scores moyens de centralité des cartes collectives

Nous avons calculé pour chaque carte collective, et à l’aide du logiciel Decision Explorer, les

scores de centralité des vingt premiers concepts. Ces concepts focalisent les préoccupations les

plus importantes des différents acteurs. Selon Cossette (2004), il s’agit des concepts pour

lesquels la pensée des différents acteurs est la plus complexe.

Par ailleurs, nous avons calculé les scores de centralité de chacune des cartes collective (Cf.

tableau N°30). Pour un groupe d’individus, lorsque des concepts sont plus centraux que d’autres,

cela signifie que ces concepts sont fréquemment mobilisés dans leur logique argumentative.

Ainsi, un score moyen de centralité élevé signifie que les concepts de leur carte cognitive sont

nombreux et/ou fortement reliés entre eux. Un écart type faible signifie que l’importance

attribuée au concept est distribuée de façon relativement uniforme entre ces concepts.

Tableau 31. Centralité moyenne des cartes collectives

Cartes Score de centralité total

Nombre de concepts

Score de centralité moyen

Dispersion des scores de centralité

Carte des responsables commerciaux 1013 88 11,76 5,69

Carte des nouveaux vendeurs 1083 105 11,28 5,91

Carte des vendeurs séniors 1195 96 11,38 5,52

Concernant le tableau ci-dessus, le score moyen de centralité pour chacune des cartes est

calculé en divisant la somme des scores de centralité de l’ensemble des concepts contenus dans

une carte par leur nombre. Le score de centralité élevé des trois cartes traduit la complexité des

cartes étudiées, car les concepts sont nombreux et fortement reliés entre eux. Cependant, une

forte dispersion des scores autour de la moyenne traduit, comme dans les analyses précédentes,

une certaine hétérogénéité.

En outre, Eden et al (1992) suggèrent de croiser les scores de centralité de chaque concept

avec les mesures de domaine, car les concepts qui présentent simultanément un niveau de

centralité et de domaine élevé affichent également un niveau de complexité plus élevé. En effet,

lorsque nous croisons les résultats de centralité et de domaine des dix premiers concepts des

cartes cognitives assemblées, les résultats montrent que les schèmes cognitifs des responsables

commerciaux et des vendeurs séniors sont les plus complexes. Ils révèlent aussi que le concept le

plus complexe partagé par les trois catégories d’acteurs est « maitriser les aspects techniques du

travail ».

Page 266: Contribution de la socialisation organisationnelle au

265

§ Les boucles présentent dans les cartes

Ensuite, les résultats de notre recherche indiquent que la présence de nombreuses boucles

dans les différentes cartes cognitives révèle l’existence d’un niveau de complexité plus ou moins

élevé. Dans la littérature, nous retiendrons l’opposition de Cossette(2004) aux propos d’Eden et

al (1992), qui considère qu’un niveau de complexité est plus élevé que si l’individu a conscience

de cette complexité. Selon l’auteur, l’évaluation de la complexité dans l’analyse de

regroupement vient contredire cette thèse. Ainsi, en prenant position en faveur de l’analyse de

Cossette, nous avons suggéré dans nos résultats que le nombre de boucles contenues dans les

différentes cartes collectives, témoigne de la vision systémique de la pensée des différents

acteurs. Cependant, la différence du niveau de complexité entre les vendeurs séniors et nouveaux

vendeurs s’explique par le fait que les premiers, par leur expérience, ont une meilleure

connaissance du fonctionnement de l’entreprise.

§ Le nombre de regroupement des cartes collectives

Enfin, le nombre de regroupements (cluster) contenues dans une carte permet également

d’évaluer le niveau de complexité de la carte (Cf. tableau 30). Ainsi, les résultats de l’analyse de

structure révèlent que le schème cognitif des vendeurs séniors est moins complexe (5

regroupements) que ceux des responsables commerciaux et des nouveaux vendeurs (4

regroupements). Selon Cossette (2004), « une carte contenant plusieurs groupes de concepts

fortement reliés entre eux mais relativement peu reliés aux autres groupes témoignerait d’une

complexité cognitive plus faible parce que de tels regroupements seraient une façon de simplifier

la réalité ». Autrement dit, les vendeurs séniors présentent une structure cognitive plus

compréhensible, et plus proche de la réalité que les autres acteurs participant au processus de

socialisation du vendeur indépendant.

2. Analyser l’organisation des cartes collectives pour caractériser les schèmes des

acteurs

L’analyse de l’organisation des cartes permet de mettre en évidence l’importance relative que

les trois catégories d’acteurs attribuent à chaque construit qu’ils énoncent dans leur carte

cognitive et la manière dont ils organisent ou structurent leur représentation de la socialisation du

vendeur indépendant, les facteurs qu’ils envisagent comme des explications ou comme des

conséquences sur d’autres facteurs et, en définitive, la complexité de leur logique plus ou moins

circulaire et stabilisatrice qui caractérisent leur mode de pensée. Elle repose sur la topographie

Page 267: Contribution de la socialisation organisationnelle au

266

des cartes cognitives, c'est-à-dire sur l’étude structurelle formée par le réseau sémantique de liens

qui existent entre les construits théoriques.

Dans le cadre de cette recherche, nous nous sommes inspirés des travaux de Cossette (1994,

2004, 2008), et nous proposons d’analyser et de caractériser dans les paragraphes qui suivent,

l’organisation structurelle des cartes cognitives des responsables commerciaux (2.1), puis celle

des nouveaux vendeurs (2.2), et enfin la carte des vendeurs séniors (2.3).

2.1. Analyse de l’organisation de la carte cognitive des responsables commerciaux

Cette carte est élaborée sur la base de six cartes individuelles comportant chacune une

moyenne de trente concepts. Sur un total de 197 concepts identifiés dans les discours des

responsables commerciaux, 88 ont été retenu après la fusion des concepts qui présentaient des

similarités. Nous avons tenu à reproduire le sens originel des variables, tout en rendant leur

lecture compréhensible.

2.1.1. L’analyse de centralité

Les résultats issus de cette analyse montrent que la volonté de « gérer autrement les vendeurs

indépendants… » est au cœur des préoccupations des responsables commerciaux. En effet, neuf

des vingt concepts ayant obtenu les plus hauts scores de centralité traduisent cette préoccupation

(voir les variables 1, 5, 6, 8,10, 11,13, 14 et 17). La carte suggère que les responsables

commerciaux pensent adapter leur gestion des hommes aux particularités du travail

d’indépendant. Autrement dit, Ils mettent en place des systèmes d’incitation (fixe et prime de

transport), des procédures de recrutement (recruter par la DRH et les journées portes ouvertes),

et des méthodes de travail (renouveler les règles de travail et changer la culture de travail), qui

permettent de motiver et de maintenir les vendeurs dans l’équipe (voir variables 3 et 15). Cette

approche de gestion doit permettre aux vendeurs de recevoir et de s’approprier les

connaissances et comportements qui permettent de vendre, et d’être performant (voir le

variables 2, 4, et 9). La carte met aussi en évidence le caractère très contraignant du système de

contrôle dû, à l’instabilité de l’emploi, et à la recherche par les vendeurs d’un autre emploi qui

leur permettrait de compléter leur revenu (voir variables 19 et 20). En effet, à la différence des

vendeurs salariés, les indépendants ne disposent pas d’une rémunération fixe lorsqu’ils entrent

dans l’entreprise; ils sont donc contraints de rechercher des moyens financiers pour lancer leurs

activités.

Page 268: Contribution de la socialisation organisationnelle au

267

Tableau 32.Importance relative des 20 premières variables selon le nombre de liens directs

et indirects

1 Gérer autrement les vendeurs indépendants… 31 2 Maitriser les aspects techniques du travail 23 3 Motiver le vendeur 22 4 Avoir un fixe dans la rémunération 22 5 Informations véhiculés à l’entretien 21 6 Degré de réalisation de l’objectif 21 7 Primes de transport 21 8 Acquérir des compétences 20 9 Recruter par la DRH 20 10 Renouveler les règles de travail 19 11 Changer de culture de travail 18 12 Contrôle strict des activités des vendeurs 18 13 Recruter par les journées portes ouvertes 18 14 Faire des efforts dans le travail 18 15 Sélection de candidats vendeurs 17 16 Maintenir le vendeur…s’en séparer 17 17 Disposer d’un espace de travail 17 18 Connaissance de l’emploi proposé… 17 19 Connaitre l’entreprise 16 20 Performance du vendeur 16

2.1.2. Conséquences et explications

S’agissant de l’analyse des caractéristiques des variables influencées, le tableau N°30 (ci-

dessous) indique que les responsables commerciaux focalisent leur attention sur l’acquisition,

par les vendeurs, des compétences permettant de vendre. Deux variables, la « maitrise des

aspects techniques de l’activité » et la « compétence du vendeur » expriment cette perception

(avec respectivement 9 et 4 explications directes). Ces variables sont considérées comme des

objectifs cruciaux à poursuivre. Dans le même ordre d’idées, la « décision de quitter

l’entreprise » et la « décision de rester » apparaissent aussi comme une conséquence majeure.

D’autres variables comme « gérer autrement les vendeurs… », et la « performance du vendeur »

sont aussi considérées comme des conséquences très préoccupantes.

Page 269: Contribution de la socialisation organisationnelle au

268

Tableau 33. Facteurs influencés au moins par quatre autres facteurs

Maitriser les aspects techniques du travail 9 Décider de rester dans l’équipe 7 Décider de quitter l’entreprise 5 Sélection des candidats-vendeurs 5 Acquérir des compétences 4 Performance du vendeur 4 Gérer autrement les vendeurs…maintenir la gestion actuelle 4 Maintenir le vendeur dans l’équipe 4 Motiver le vendeur 4 Implication du vendeur 4 Frustration des vendeurs 4 Echanger avec les vendeurs séniors 4 Information véhiculée à l’entretien 4

Concernant l’analyse des caractéristiques des facteurs influençant (Cf. tableau N°31), « gérer

autrement les vendeurs indépendants est la variable qui détient le pouvoir explicatif le plus

important pour les responsables commerciaux (avec 9 conséquences directes). Cette variable

constitue le moyen privilégié par les responsables commerciaux pour atteindre leurs objectifs.

Ensuite, deux facteurs, « recruter par la DRH…service commercial » et « sentiment chez le

vendeur d’être tenu à l’écart », permettent aussi d’atteindre les objectifs. Dans la pensée des

responsables commerciaux, le recrutement par la DRH permet au manager de s’occuper des

nouveaux vendeurs, alors le sentiment d’exclusion tend à l’éloigner de l’entreprise. Enfin, Le

degré de réalisation de l’objectif, le statut d’agent indépendant, l’accompagnement sur le terrain

ont aussi une influence importante (avec 4 conséquences directes).

Tableau 34. Facteurs influençant directement au moins quatre facteurs

Gérer autrement les vendeurs…maintenir la gestion actuelle 9 Recruter par la DRH…service commercial 5 Sentiment chez le vendeur d’être tenu à l’écart 5 Degré de réalisation des objectifs 4 Statut d’agent indépendant 4 Accompagner sur le terrain…former en salle 4

Par ailleurs, la carte cognitive met en relief, un intérêt plus prononcé pour le résultat dans la

mesure où le nombre de facteurs influencés (13) est deux fois plus important que les facteurs

influençant (6) chez les responsables commerciaux. Il faut noter aussi que la variable « gérer

autrement…maintenir la gestion actuelle » est répertorié, à la fois comme facteurs influencés et

facteurs influençant. Cette variable peut être considérée comme la clé du processus de

socialisation chez les responsables commerciaux.

Page 270: Contribution de la socialisation organisationnelle au

269

2.1.3. L’analyse de regroupement (clusters analysis)

L’analyse de regroupement de la carte cognitive des responsables commerciaux (tableau

N°32)61 fait ressortir quatre regroupements de concepts repartis de la façon suivante : le premier

regroupement compte 37 concepts qui renvoient essentiellement au management des ressources

humaines des vendeurs indépendants ; le deuxième regroupement comprend 23 concepts traitant

de la performance du vendeur et des efforts à réaliser pour être performant; le troisième

regroupement est composé de 15 concepts focalisés sur le statut du vendeur indépendant et ses

implications sur les relations de travail ; le quatrième regroupement comprend 12 concepts se

rapportant à la formation des nouveaux vendeurs. Par ailleurs, les deux premiers regroupements

contiennent l’essentiel des concepts de cette carte avec près de 70% des concepts annoncés, alors

que les deux derniers représentent seulement 30% des concepts.

Tableau 35. Résultat de l’analyse de regroupement (RC)

GROUPE 1 GROUPE 2 Gérer autrement les vendeurs ...maintenir la gestion actuelle

Multiplier les emplois clandestins

Bouche à oreille…l’annonce presse Accorder des prêts financiers Cibler les vendeurs expérimentés…diplômés

Conditions de travail

Définition d’une période d’essai Décision de quitter l’entreprise Réunir quotidiennement les vendeurs Bien être dans le travail

GROUPE 3 GROUPE 4

Contrat d’exclusivité Accompagnement le vendeur sur le terrain…le former en salle

Différences culturelles Echanger avec le superviseur Procédures de rupture simplifiées Echanger avec les clients Relation de confiance Programme de formation de l’entreprise Statut d’agent indépendant Transmettre des informations pertinentes

Les regroupements 1 et 2. Le regroupement 1 renferme à lui seul 62% des concepts des

regroupements 1 et 2. Ce regroupement concentre l’essentiel de la pensée des responsables

commerciaux, dans la mesure où il contient la presque totalité des 20 premiers concepts de

centralité. Un examen des variables dévoile que le processus de socialisation est assuré à travers

un renouvellement des procédures de recrutement, mais aussi par un contenu axé essentiellement

sur la connaissance des techniques de vente et de négociation. Il montre aussi que les

responsables commerciaux alternent entre une gestion très directive des activités des vendeurs

(exemple contrôle strict des activités) et la mise en place d’un dispositif d’incitation au travail

(exemple la prime de transport, ou le fait de disposer d’un espace de travail). Cette approche de

gestion est motivée par deux préoccupations majeures : la volonté de contrôler le travail des 61 Pour une lecture complète des tableaux, voir annexe N°5

Page 271: Contribution de la socialisation organisationnelle au

270

vendeurs dans un contexte de travail différents, et la possibilité de permettre au vendeur

d’acquérir les compétences nécessaires pour son travail, dans un temps relativement court

(exemple, maitriser les aspects techniques du travail, définition d’une période d’essai). Le

regroupement 2 cristallise la pensée des responsables commerciaux sur la performance du

vendeur, et de façon sous-jacente sur les efforts à fournir pour y parvenir. Elles traitent aussi des

déterminants du départ des nouveaux vendeurs. Par ailleurs, le cluster montre que les

responsables commerciaux peuvent aussi se séparer des vendeurs les moins performants, dans

la mesure où ces derniers constituent une source de démotivation pour les nouvelles recrues.

Les regroupements 3 et 4. Ils représentent respectivement un poids de 46,42% et 53, 57%

des concepts des deux regroupements. Mais, nous notons que le regroupement 3, axé

essentiellement sur la formation des nouveaux vendeurs, représente seulement près 15% de

l’ensemble des regroupements. Ce qui laisse penser que les responsables commerciaux sont peu

préoccupés par la formation. L’accompagnement sur le terrain et les échanges permanents sont

préférées à la formation en salle, jugée très théorique et dispendieuse. De plus, la formation en

salle immobilise les ressources humaines, ce qui laisse penser qu’elle prend du temps et constitue

un manque à gagner pour les entreprises. Par ailleurs, ce regroupement met en évidence

l’ouverture nécessaire des nouveaux vendeurs aux autres membres déjà en place (superviseur et

les vendeurs séniors) pour faciliter les échanges. Les concepts du quatrième regroupement

apportent une meilleure compréhension du statut de vendeur, et les difficultés qu’il pose dans

l’implication du vendeur au travail et à l’entreprise qui l’emploi. Mais aussi les difficultés que

rencontrent les entreprises lorsqu’elles emploient ce type de vendeurs.

2.1.4. L’analyse des boucles

L’extrait de carte 1 propose une représentation graphique des boucles présentes dans la carte

cognitive collective des responsables commerciaux. Cette carte contient vingt (20) concepts

engagés dans la formation d’au moins une boucle, ce qui laisse penser à une complexité

cognitive importante chez ces acteurs. L’existence d’une seule boucle négative face à un nombre

plus élevé de boucles positives permet de penser que le changement caractérise plus ce schème

collectif que la stabilité. De plus, trois concepts sont particulièrement impliqués dans la

constitution au moins de deux boucles, prenant ainsi une part active dans la circularité de ce

schème : la performance du vendeur, faire des efforts dans le travail, et gérer autrement les

vendeurs…

Page 272: Contribution de la socialisation organisationnelle au

271

Extrait de carte 1. Boucles présentes dans la carte des responsables commerciaux

3 Gérer autrement

les vendeurs ...

maintenir la gestion

actuel

8 Avoir un fixe dans

la rémunération

11 Degré de

réalisation de

l'objectif

12 Accorder des

prêts financiers

13 Recruter par la

la DRH ... le

service commercial

17 Maitriser les

aspects techniques

du travail

22 motiver le

vendeur

27 Niveau de revenu

peu satisfaisant

32 Faire des efforts

dans le travail

36 Connaissance

effective ...

approximative de

l'emploi proposé

38 Information

véhiculé à

l'entretien

39 Ventes réalisées

par le vendeur

48 Disposer d'un

espace de travail

51 Négocier le

modalités de travail

56 performence du

vendeur

60 Acquérir des

compétences

63 Recruter par des

journées portes

ouvertes ... cabinet

conseil

70 Primes de

transport

73 Renouveler les

règles de travail

74 changer la

culture de travail

-

Par ailleurs, cette boucle contient les principaux concepts de l’analyse de centralité. Elle

résume donc l’ensemble des préoccupations des responsables commerciaux. Un examen attentif

des concepts laisse penser que c’est autour des concepts liés au recrutement et à la motivation

des nouveaux vendeurs que s’organise la pensée des responsables commerciaux

Nous présentons dans le tableau ci-dessous, les principales caractéristiques du schème des

nouveaux vendeurs telles que suggérés par l’étude de leur carte cognitive.

Tableau 36.Principales caractéristiques du schème des responsables commerciaux suggérés par l'étude de leur carte cognitive

· Suggère que les responsables commerciaux pensent à renouveler des pratiques de gestion

pour mieux encadrer les activités des vendeurs indépendants.

· Met en évidence l’importance qu’ils accordent à la maitrise du travail et à la motivation du

vendeur.

· Suggère qu’il faut séparer la gestion des vendeurs indépendants, des autres personnels de

l’entreprise quitte à paraitre comme quelqu’un qui exclu.

· Présente des schèmes circulaires positifs, caractérisant une tendance au changement

· Laissent penser qu’ils privilégient un apprentissage axé sur les techniques de vente

· Met en relief un intérêt prononcé pour les résultats que pour les moyens

· Met en évidence le caractère systémique de la gestion à mettre en place en relation avec les

objectifs.

· Suggèrent qu’ils adoptent une approche pragmatique de la socialisation des nouveaux

vendeurs

Page 273: Contribution de la socialisation organisationnelle au

272

2.2. Analyse de l’organisation de la carte cognitive des nouveaux vendeurs

La carte cognitive des vendeurs indépendants est construite sur la base de 19 cartes

individuelles. Sur un total de 225 concepts, nous avons retenu 104 concepts après la fusion des

concepts.

2.2.1. L’analyse de centralité

Les résultats de l’analyse de centralité (Cf. tableau ci-dessous) mettent en avant l’importance

de la dimension financière, comme substrat de la motivation, dans les représentations des

nouveaux vendeurs (voir variables 1, 2, et 3). En effet, la préoccupation de ces derniers est

davantage porter sur ce qu’ils peuvent gagner en termes de revenu, que sur la façon dont ils

doivent exercer leur métier.

Il convient de rappeler que le revenu du vendeur indépendant est constitué essentiellement des

commissions calculées sur les ventes obtenues (voir variables 2, et 6). Autrement dit, le vendeur

est son propre artisan dans la constitution de son revenu, et pour cela il a besoin de stimulation

pour y arriver. La motivation financière constitue l’élément qui va pousser ou freiner le

nouveau vendeur à « choisir un emploi d’indépendant » (voir variable 4) ; à se former et à

échanger avec les membres déjà en place (superviseur et vendeurs séniors) ; à partir ou à

demeurer dans l’entreprise (voir variables 9 et 13). Ainsi, la possibilité d’atteindre des revenus

importants et la promesse d’un emploi salarié sont les let motifs qui pousser le nouveau vendeur

à acquérir les compétences nécessaires pour vendre.

Tableau 37. Importance relative des 20 premières variable selon le nombre de liens directs

et indirects

1 Motiver le vendeur 26 2 Commissions perçues 25 3 Disposer d’un revenu 24 4 Choix de travailler comme indépendant 24 5 Connaissance de l’emploi proposé 23 6 Ventes réalisées par le vendeur 22 7 Promesse d’un emploi salarié 21 8 Maitriser les aspects techniques de son emploi 22 9 Décider de rester dans l’équipe 22 10 Echanger avec le superviseur 21 11 Frustrer le vendeur 21 12 Acquérir des compétences 21 13 Décider de quitter l’entreprise 21 14 Faire des efforts dans le travail 18 15 Paiement irrégulier des commissions 18 16 Relever les challenges 18 17 Echanger avec les vendeurs séniors 18 18 Accompagner sur le terrain…former en salle 18 19 Information véhiculée lors du recrutement 18 20 Connaitre l’entreprise 17

Page 274: Contribution de la socialisation organisationnelle au

273

Par ailleurs, étant donné que le choix de travailler comme indépendant permet d’abord de

satisfaire un besoin financier ponctuel, ce qui laisse penser qu’il s’agit d’un travail par défaut.

2.2.2. Conséquences et les explications

L’analyse des caractéristiques des variables influencés (Cf. tableau N°35) montrent que le

turnover est un phénomène prégnant qui retient l’attention des nouveaux vendeurs. Deux

concepts, la « décision de quitter » et « la décision de rester », se distinguent particulièrement

par le nombre de facteurs qui convergent vers elles (10). Une variable, le choix de travailler

comme indépendant, réalise aussi un score important et constitue une conséquence majeure dans

la mesure où ce choix n’est pas forcément désiré. D’autres variables, comme la « maitrise des

aspects techniques de l’emploi » ou la « frustration du vendeur » sont également des

conséquences qui résultent du processus d’intégration des nouveaux vendeurs.

Tableau 38. Facteurs influencés au moins par quatre autres facteurs

Décision de quitter l’entreprise 10 Décision de rester dans l’équipe 10 Choisir de travailler comme indépendant… 8 Frustrer le vendeur 6 Maitriser les aspects techniques du travail 6 Commissions perçues 5 Disposer d’un revenu élevé 4 Connaitre l’entreprise 4 Accompagner sur le terrain…former en salle 4 Promesse d’un emploi salarié 4

L’analyse des caractéristiques des variables influençant (Cf. tableau 36) révèle que cinq

facteurs peuvent avoir un impact important sur l’entrée des nouveaux vendeurs dans l’entreprise.

Parmi ces variables, les plus importantes concernent celles qui favorisent les interactions entre

les vendeurs et leur superviseur, telles que « Echanger avec le superviseur », « rechercher

l’information… », ou « Réunir quotidiennement les vendeurs ». Ces variables détiennent un

pouvoir explicatif relativement important (avec respectivement 6 et 5 conséquences directes), et

constituent les moyens que les nouveaux vendeurs privilégient pour leur intégration. D’autres

variables, comme « information véhiculé à l’entretien » et « Échanger avec les vendeurs

séniors » sont aussi considérées comme des moyens qui peuvent aussi faciliter leur intégration.

Page 275: Contribution de la socialisation organisationnelle au

274

Tableau 39. Facteurs influençant au moins quatre autres facteurs

Echanger avec le superviseur 6 Réunir quotidiennement les vendeurs 5 Rechercher l’information…l’attendre 5 Information véhiculée lors de l’entretien 4 Echanger avec les vendeurs séniors 4

Par ailleurs, le nombre relativement important de facteur influencés (9) par rapport aux

facteurs influençant dénote de l’intérêt que les nouveaux vendeurs accordent au résultat.

2.2.3. L’analyse de regroupement (clusters)

L’analyse de regroupement de la carte cognitive des nouveaux vendeurs (Cf. Tableau N°37)62

a fait émerger quatre regroupements différents, repartis de la façon suivante : le premier

regroupement comprend 28 concepts, et désigne le choix de carrière fait par le nouveau

vendeurs ; le deuxième regroupement compte 37 concepts qui traitent des frustrations et

déterminants du départ des nouveaux vendeur ; le troisième regroupement est constitué de 23

concepts et s’intéresse à la formation et à l’acquisition des compétence du vendeur; et le

quatrième regroupement est composé de 17 concepts traitant du recrutement et la sélection des

vendeurs. En outre, les deux premiers regroupements contiennent près de 62% des concepts

énoncés, alors que les deux derniers représentent seulement 38% des concepts.

Tableau 40. Les résultats de l'analyse de regroupement (NV)

GROUPE 1 GROUPE 2 Besoin de s’assumer Décision de quitter l’entreprise Choisir de travailler comme indépendant Conditions de travail Multiplier les gains Commissions perçues Liberté d’organiser son travail Consulter le fichier client Etablir de nouvelles relations Absence d’un plan de carrière

GROUPE 3 GROUPE 4 Information véhiculée lors du recrutement Recruter par un cabinet conseil…le service

commercial Connaissance de l’emploi proposé Cibler les candidats diplômés…expérimentés Annonce presse…bouche à oreille Négocier avec la hiérarchie Accompagner le vendeur sur le terrain…le former en salle

Posséder un carnet d’adresse

Connaitre les produits Réaliser sa première vente

62 Pour une lecture complète des tableaux, voir annexe N°5

Page 276: Contribution de la socialisation organisationnelle au

275

Les regroupements 1 et 2. Ils rassemblent majoritairement les variables relatives à

l’intégration sociale des nouveaux vendeurs. Le regroupement 1 contient au moins 43% des

variables qui justifient la motivation du vendeur à prendre un emploi d’indépendant. Bien que

minoritaire dans la pensée des nouveaux vendeurs, la décision de travailler comme vendeur

indépendant n’est pas planifié, elle est motivée par le besoin qu’éprouve un individu à

s’émanciper et à s’assumer. Cette situation laisse penser que la décision d’occuper cet emploi est

un choix par défaut. Par ailleurs, un examen plus rigoureux des concepts de ce groupe permet de

penser qu’en réalité les nouveaux vendeurs restent dans l’équipe pour deux raisons

fondamentales : la promesse d’un emploi salarié et la possibilité d’atteindre des niveaux de

revenu particulièrement élevés.

Le regroupement 2 rassemble plus de la moitié (57%) des variables traitant de l’intégration

des vendeurs, et cristallisent la pensée des nouveaux vendeurs sur les raisons qui peuvent

compromettre leur intégration. Le groupe suggère que les nouveaux vendeurs sont susceptibles

de quitter leur équipe pour trois raison : la frustration du vendeur, les conflits entre vendeurs et

les commissions perçues. Ces variables peuvent avoir des effets aussi bien positifs que négatifs

sur la socialisation du vendeur. Ainsi, on peut penser globalement que les nouveaux vendeurs

partent parce qu’ils éprouvent des satisfactions (ou insatisfactions) dans leur travail.

Les regroupements 2 et 3. Le regroupement 3 axé sur la formation et l’acquisition des

connaissances pèse près de 60% des variables de l’ensemble de ces deux regroupements, mais ne

représente que près de 22% de l’ensemble des regroupements. Ce qui relativise la place

qu’occupent ces actions de socialisation sur le schème des nouveaux vendeurs. Mais avec 23

concepts, ce regroupement à la particularité de rassembler les principales dimensions de la

socialisation, à savoir : l’accompagnement sur le terrain, la recherche d’information et les

échanges divers entre les acteurs. Il suggère que les nouveaux vendeurs n’attendent pas

simplement recevoir de l’entreprise, mais qu’ils prennent aussi des initiatives pour acquérir les

compétences nécessaires.

Enfin, le regroupement 4 rassemble le plus faible nombre de variables, mais à le mérite de

mettre en évidence un critère essentiel du recrutement du vendeur indépendant, à savoir la

possession d’un carnet d’adresse. En effet, le fait de posséder un carnet d’adresses suppose que

le candidat-vendeur a une bonne connaissance du marché.

Page 277: Contribution de la socialisation organisationnelle au

276

2.2.4. L’analyse des boucles

L’extrait de carte 2 propose une représentation graphique des boucles présentes dans la carte

cognitive collective des responsables commerciaux. Elle contient neuf (9) concepts engagés dans

la formation d’au moins une boucle, et permet d’entrevoir une complexité cognitive plus ou

moins importante chez ces acteurs. L’absence de boucles négatives signifie qu’il n’y a que des

boucles positives, et que la vision des nouveaux vendeurs est beaucoup plus déterminée par le

changement que par la stabilité. Cette représentation est en accord avec l’idée que le vendeur

indépendant se fait de leur évolution dans la force de vente. A savoir améliorer leur condition, en

travaillant et engranger des revenus toujours plus important.

Extrait de carte 2. Boucles présentes dans la carte cognitive des nouveaux vendeurs

5 Choisir de

travailler comme

indépendant ...

salarié

10 Commissionsperçues

21 Acquérir des

compétences

23 Performance duvendeur

36 Relever les

challenges

51 motiver levendeur

57 Disposer d'unrevenu élevé 58 Promessse d'un

emploi salarié

64 Ventes réalisés

par le vendeur

Comme dans l’extrait de carte précédent (extrait de carte 1), la carte des boucles des

nouveaux vendeurs contient les principaux concepts de centralité, et résume ainsi les

préoccupations des nouveaux vendeurs, en se focalisant sur la motivation. Autrement dit, les

nouveaux vendeurs sont motivés dans leur emploi par la possibilité de disposer d’un revenu

élevé, ou par la promesse qui leur est faite d’obtenir un emploi salarié. Cette motivation crée à

son tour des cheminements qui conduisent au concept de départ. Aussi, pour atteindre des

niveaux de revenu élevé le vendeur acquiert des compétences qui vont lui permettre d’être en

capacité de vendre et de performer ou de percevoir des commissions. De même, pour que

s’accomplisse la promesse qui lui a été faite, il doit composer avec les challenges qui lui sont

proposés. Par conséquent, nous pouvons affirmer que les concepts engagés dans la formation des

10 boucles contenues dans cette carte forment un système.

Nous présentons dans le tableau ci-dessous, les principales caractéristiques du schème des

nouveaux vendeurs telles que suggérés par l’étude de leur carte cognitive.

Page 278: Contribution de la socialisation organisationnelle au

277

Tableau 41. Principales caractéristiques du schème des nouveaux vendeurs suggérés par l'étude de leur carte cognitive

· Suggère que la motivation est au centre de la pensée des nouveaux vendeurs.

· Montre qu’ils ont un intérêt particulièrement fort pour les gains que procure leur activité

· Met en relief chez les vendeurs la nécessité de maitriser les techniques de vente et de négociation

· Laisse croire qu’ils apprennent les éléments de leur travail, mais ne les intériorisent pas

· Suggère qu’ils considèrent le départ et le maintien dans l’entreprise comme la réponse à la satisfaction de leur besoins

· Met en évidence une vision plutôt linéaire de la pensée des nouveaux vendeurs · Laisse penser qu’ils considèrent le travail d’indépendant comme un choix par défaut

· Montre que les nouveaux vendeurs développent une vision de court terme de leur intégration

· Met en évidence une forte orientation vers les résultats

2.3. Analyse de l’organisation de la carte cognitive des vendeurs séniors

La carte cognitive des vendeurs séniors construite sur la base de 19 cartes individuelles. Sur

un total de 225 concepts, nous avons retenu 104 concepts après la fusion des concepts.

2.3.1. L’analyse de centralité

Les résultats de l’analyse de centralité montrent que la formation et l’acquisition des

compétences sont au centre des préoccupations des vendeurs séniors. Le tableau ci-dessous

indique que les cinq concepts les plus importants, traduisent la nécessité de doter les nouvelles

recrues des capacités nécessaires à la vente (voir les variables 1, 2, 3, 4, et 5). La formation est

appréhendée, aussi bien à travers un accompagnement suivi du nouveau vendeur sur le terrain,

que par la recherche d’informations par ce dernier pour obtenir connaissances nécessaires à

l’accomplissement de son travail. Ce qui laisse croire que les vendeurs séniors ont une vision

plutôt dynamique de l’apprentissage du nouveau vendeur.

Par ailleurs, les compétences acquises sont basées essentiellement sur « les aspects techniques

du travail », c'est-à-dire les techniques de vente et négociation qui permettent à un individu de

proposer un produit à un client, et de conclure la vente. L’enjeu principal étant de donner au

nouveau vendeur, les capacités qui lui permettent de vendre et de se constituer un revenu

satisfaisant. Il faut noter que le comportement altruiste des vendeurs séniors lorsqu’ils acceptent

d’encadrer les nouveaux vendeurs (voir variables 5 et 15), laisse penser qu’ils font aussi preuve

d’un esprit d’équipe, forgé tout au long de leur parcours de vendeur. En effet, pour avoir vécu

Page 279: Contribution de la socialisation organisationnelle au

278

des expériences similaires, ils sont certainement mieux placés pour savoir ce dont a besoin un

nouveau vendeur.

D’autres concepts expriment l’importance du processus de recrutement dans la socialisation

des nouveaux vendeurs. La nature des informations transmises et le degré de connaissance que

les nouvelles recrues ont de l’emploi qui leur est proposé, vont déterminer leur comportement

dans l’entreprise (voir variables 17 et18). Les vendeurs séniors soulignent également

l’importance de l’expérience dans la vente, ce qui met évidence leur préférence pour des profils

de vendeurs type, difficile à trouver sur le marché (voir variable 7). Enfin, un autre groupe de

variables s’intéresse à la concurrence entre les vendeurs, et aux conflits qui découlent de cette

concurrence. La concurrence entre les vendeurs peut s’établir à deux niveaux. Le premier se

situe au niveau des clients, car les vendeurs travaillent sur le même client, sans qu’il y ait un

découpage préalable de celui-ci. Le second repose sur la relation de méfiance qui s’installe entre

les vendeurs séniors et les nouveaux arrivants. Ces comportements couvent souvent des conflits

latents, d’ordre générationnels ou relatifs au niveau scolaire, qui ne favorisent pas la

collaboration et par conséquent l’encadrement des nouvelles recrues.

Tableau 42. Importance relative des 20 premières variables selon le nombre de liens

directs et indirects

1 Acquérir des compétences 27 2 Maitriser les aspects techniques du travail 26 3 Encadrer les nouveaux vendeurs… 23 4 Accompagner le vendeur sur le terrain… 23 5 Chercher l’information… 22 6 Echanger avec les vendeurs séniors 20 7 Disposer d’un revenu 20 8 Expérience acquise dans la vente 19 9 Conflits entre vendeur 19 10 Connaitre le statut d’agent indépendant 19 11 S’ouvrir aux autres… 18 12 Connaissance de l’emploi proposé 18 13 Concurrence entre vendeur 18 14 Comportement d’aide 17 15 Connaitre des procédures de vente 17 16 Information véhiculé lors du recrutement 17 17 Performance du vendeur 17 18 Ventes réalisées par le vendeur 17 19 Connaitre les techniques de vente 17 20 Connaitre les produits 17

2.3.2. Les conséquences et les explications

L’analyse des caractéristiques des variables influencés fait apparaitre les variables qui

considérées comme des conséquences par les vendeurs séniors (voir tableau ci-dessous). Les

Page 280: Contribution de la socialisation organisationnelle au

279

deux premières variables relatifs au turnover, respectivement 12 et 10 explications directes, sont

les conséquences majeures. Les deux seconds variables concernant la « maitrise des aspects

techniques du travail » avec respectivement 8 et 6 explications directes, sont considérés comme

les véritables objectifs poursuivis par ces acteurs dans le processus de socialisation. En effet,

l’objectif du formateur est de transmettre au nouveau vendeur les connaissances nécessaires, afin

que ce dernier soit en mesure de prospecter, de vendre, et de conserver sa clientèle.

D’autres facteurs peuvent être aussi considérés comme des résultats à atteindre, c’est le cas

de la « performance du vendeur » ; « la sélection des candidats », notamment des meilleurs

profils lors du recrutement ; la formation à travers le parrainage des nouveaux vendeurs ; et

surtout la possibilité de donner aux candidats, une meilleure compréhension du travail qui leur

est proposé.

Tableau 43. Facteurs influencés au moins par quatre autres facteurs

Partir de l’entreprise 12 Rester dans l’équipe 10 Maitrise des aspects techniques du travail 8 Acquérir des compétences 6 Sélection des candidat-vendeurs 5 Performance du vendeur 4 Accompagner sur le vendeur terrain sur le terrain… 4 Connaissance de l’emploi proposé 4

Concernant les facteurs influençant (Cf. tableau ci-dessous), la carte cognitive des vendeurs

séniors met en évidence un facteur prépondérant, « Rechercher l’information … l’attendre » (6

conséquences directes). Ce facteur dispose du pouvoir explicatif le plus élevé dans la

représentation des vendeurs séniors, et laisse penser que le comportement proactif de recherche

d’information est le moyen privilégié dans l’intégration du nouveau vendeur.

D’autres facteurs, non moins importants, comme « Accompagner le vendeur sur le

terrain… », « Travailler en équipe… », « Encadrer les nouveaux vendeurs… », « Statut d’agent

commercial… », ou « échanger avec le superviseur » sont aussi considérés comme les moyens

privilégiés dans la pensée des vendeurs séniors (5 conséquences directes).

Page 281: Contribution de la socialisation organisationnelle au

280

Tableau 44. Facteurs influençant directement au moins quatre autres facteurs

Rechercher l’information…l’attendre 6 Accompagner les vendeurs sur le terrain… former en salle 5 Travailler en équipe…agir individuellement 5 Encadrer les nouveaux vendeurs… laisser se débrouiller 5 Statut d’agent commercial 5 Echanges avec le superviseur 5 Expérience acquise dans la vente 4 Echanges avec les vendeurs séniors 4 Dimension commerciale…les aspects entrepreneurials 4 Degré de réalisation de l’objectif 4

Par ailleurs, le concept « accompagner le vendeur sur le terrain… » se retrouve dans les deux

tableaux. Ce concept peut être considéré comme le facteur-clé de la socialisation des nouveaux

vendeurs, d’après la perception des vendeurs séniors.

2.3.3. Les résultats de l’analyse de regroupement (cluster analysis)

L’analyse de regroupement des vendeurs séniors fait apparaitre cinq grands regroupements de

concepts (Cf. tableau ci-dessous)63. Le premier regroupement est composé de 38 concepts qui

présentent la formation des nouveaux vendeurs. Le deuxième groupe compte 16 concepts qui se

référant essentiellement aux déterminants du départ des vendeurs de l’entreprise. Le troisième

groupe comprend 20 concepts se rapportant à la performance du vendeur et à la décision de

rester. Le quatrième groupe comprend 13 concepts traitant du statut d’indépendant et du rôle des

vendeurs séniors dans la formation des nouveaux vendeurs. Le cinquième groupe est composé de

9 concepts relatifs aux relations professionnelles dans l’équipe de vente. Deux regroupements

rassemblent à eux seuls un peu plus de 60% des concepts énoncés (les regroupements 1 et 3), les

trois autres contiennent seulement près de 40% des concepts (les groupes 2, 4 et 5).

63 Pour une lecture complète du tableau, voir annexe N°5

Page 282: Contribution de la socialisation organisationnelle au

281

Tableau 45. Résultat de l’analyse de regroupement (VS)

GROUPE 1 GROUPE 2 Programme de formation peu structuré Pression de la hiérarchie Accompagner le vendeur sur le terrain Décider de quitter l’entreprise Connaitre des produits Conditions de travail Connaitre de l’entreprise Exercer un travail difficile Connaitre des techniques de vente Idées préconçues sur le vendeur indépendant

GROUPE 3 GROUPE 4

Ventes réalisées par le vendeur Compensation financière et matérielle Disposer de l’information sur le travail Statut d’agent indépendant Acquérir des Compétences Organisation particulière de son activité Performance du vendeur Qualité des relations avec les nouveaux Décision de rester dans l’équipe Encadrer les nouveaux vendeurs…

GROUPE 5 Climat de travail Manque de dynamisme du vendeur Motiver le nouveau vendeur Formation des barrières psychologiques Implication du vendeur

Les regroupements 1 et 3. Le regroupement 1 pèse près de 66% du poids des regroupements

1 et 3. Il rassemble donc l’essentiel des variables expliquant le processus de socialisation du

nouveau vendeur (le recrutement, la formation et à l’acquisition des connaissances). Il montre le

caractère peu structuré de la formation, et suggère que les nouveaux vendeurs s’impliquent à leur

propre socialisation, à travers l’auto formation et la recherche active d’information auprès des

membres déjà en place. Autrement dit, les vendeurs séniors envisagent une socialisation

dynamique fondée sur une responsabilité partagée de la formation tout en profitant de toutes les

occasions d’échanges entre les nouveaux vendeurs et les membres déjà en place. Nous notons

également dans ce groupe, des concepts qui présentent des situations conflictuelles potentielles,

et les techniques pour les gérer.

Le regroupement 3 se focalise sur les variables liés au management, et particulièrement à la

performance du nouveau vendeur. Il suggère que la performance et le niveau de revenu sont les

seuls causes objectives qui orientent la décision de rester dans l’entreprise, tout comme celle de

maintenir le vendeur dans l’équipe. Les autres causes sont majoritairement d’ordre motivationnel

Les regroupements 2, 4 et 5. Le regroupement 2 rassemble les concepts de nature

motivationnelle qui expliquent le départ des nouveaux vendeurs de l’entreprise. Ces motivations

sont liés, d’une part à la qualité du management (par exemple la pression de la hiérarchie, les

conflits avec le superviseur, les promesses d’emploi non tenues…) et au climat interne

Page 283: Contribution de la socialisation organisationnelle au

282

(frustration, conflits entre vendeurs …), certains à l’emploi (instabilité de l’emploi, conditions de

travail…).

Le regroupement 4 contient les variables qui décrivent le rôle des vendeurs séniors dans

l’encadrement des nouveaux vendeurs. Il suggère que la position du vendeur séniors dans

l’entreprise est difficile à concilier avec un rôle d’encadrement, étant donné que cette activité

peut nuire à sa capacité à réaliser des ventes et donc à se rémunérer. Le groupe met en évidence

deux dimensions importantes et complémentaires de ce rôle d’encadrement : la disponibilité et

les compensations financières ou matérielles.

Le regroupement 5 se concentre principalement sur les variables liées aux relations

interpersonnelles et la capacité des acteurs à collaborer dans l’équipe. Il met en évidence deux

dimensions de ces relations : l’ouverture aux autres et la formation des barrières psychologiques.

Par ailleurs, la nature de la relation contractuelle rend difficilement perceptible l’existence d’une

équipe au sein des forces de vente externes. Il est nécessaire de susciter une mobilisation

permanente des vendeurs, de les motiver, de les impliquer et de créer un esprit d’équipe parmi

les vendeurs.

2.3.4. L’analyse des boucles

L’extrait de carte 3 propose une représentation graphique des boucles présentes dans la carte

cognitive collective des vendeurs séniors. Elle contient les trente (30) concepts engagés dans la

formation d’au moins une boucle, ce qui laisse penser à une complexité cognitive élevée chez

ces acteurs. Le fait que trois liens seulement soient négatifs, et que le nombre de boucles

positives soit plus important que celui des boucles négatives permet de penser que le changement

caractérise beaucoup plus ces acteurs que la stabilité. Cette vision est en accord avec les

représentations que les vendeurs séniors se font de leur évolution dans le métier, depuis leur

arrivée dans l’entreprise.

Page 284: Contribution de la socialisation organisationnelle au

283

Extrait de carte 3. Boucles présentes dans la carte cognitive des vendeurs séniors

2 Compensationfinancière et

matérielle

3 Accompagner levendeur sur le

terrain ... leformer en salle

4 connaitre lesproduits

5 connaitrel'entreprise

6 connaitre lestechniques de vente

7 Ventes réaliséespar le vendeur

9 Acquérir desCompétences

10 Rechercherl'information ...

l'attendre

11 climat de travail

16 Performance duvendeur

27 motiver levendeur

30 Maitriser lesaspects techniques

du travail

31 Connaitre lesprocédures de vente

34 Formation desbarrières

psychologiques

35 Faire des effortsdans le travail

44 Niveau de revenu

47 Encadrer lesnouveaux vendeurs

... les laisser sedébrouiller seuls

48 Temps consacré àla vente

51 Disponibilité duformateur

53 Echanger avec lesvendeurs séniors

57 Dimensioncommerciale ... les

aspectsentrepreneurials

63 s'ouvrir auxautres ... paraitre

suffisant

69 Posséder uncarnet d'adresses 70 Prospecter les

client

71 Evaluer lenouveau vendeur

74 Echanges avec lesuperviseur

75 Contrôler lesactivités des

vendeurs

79 Rémunération à lacommision

82 Comportementd'aide

87 Etablir desrelations dans

l'équipe

-

-

-

Par ailleurs, le schéma présenté ci-dessus contient les principaux concepts mis en évidence

par l’analyse de centralité. Elle résume donc les préoccupations des vendeurs séniors en se

concentrant sur la dimension formative du processus de socialisation. Ainsi, l’accompagnement

des nouveaux vendeurs sur le terrain est le concept qui traduit le plus la circularité de la pensée

des vendeurs séniors, et par conséquent la complexité de ce schème. La recherche d’information

est une pratique qui part de l’initiative du nouveau vendeur, et une marque de son implication

dans sa propre socialisation. Elle traduit l’idée d’une socialisation dynamique que les vendeurs

séniors appellent de leur vœux, au regard des comportements d’exclusion observés dans

certaines entreprises.

L’étude de la carte cognitive des vendeurs séniors permet de mettre en évidence les

caractéristiques du schème cognitif de ces acteurs. Nous résumons dans le tableau ci-dessous les

principales caractéristiques de ce schème.

Page 285: Contribution de la socialisation organisationnelle au

284

Tableau 46. Principales caractéristiques du schème des vendeurs séniors suggérés par

l’étude de leur carte cognitive

· Suggère que les vendeurs séniors accordent une importance particulière à la formation

et à l’acquisition des compétences

· Montre qu’ils ont un intérêt particulier pour les compétences liées à la vente et à la

négociation

· Montre que les vendeurs séniors sont favorables à l’implication du nouveau vendeur à

sa propre formation

· Met en relief le rôle prépondérant de l’accompagnement sur le terrain et de la

recherche d’information dans la pensée des vendeurs séniors

· Montre qu’ils ont le même intérêt pour les résultats que pour les moyens

· Laisse penser que les vendeurs séniors ont une approche dynamique de la formation

des nouveaux vendeurs.

· Laisse croire qu’ils sont animés par le changement dans leur vision de la socialisation

des nouveaux vendeurs

· Montre que c’est sur l’accompagnement sur le terrain que la pensée des vendeurs

séniors est complexe

· Met en évidence le caractère conflictuel des relations interpersonnelles dans la pensée

des vendeurs séniors

Page 286: Contribution de la socialisation organisationnelle au

285

Tableau 47. Synthèse des résultats de l’analyse de structure des cartes collectives

Carte cognitive RC Carte cognitive NV Carte cognitive VS Complexité. - Variables. - Liens. - Densité. - Ratio complexité 1. - Groupes. - Boucles

88 131 1,48 1,71

4 67

105 145 1,38 1,32

4 10

96 143 1,48 1,56

5 52

Analyse de centralité.

- Gérer autrement …maintenir le système - Maitriser techniques - Motiver vendeur

- Motiver le vendeur - Commissions perçues - Niveau revenu

- Acquérir compétences - Maitriser techniques - Encadrer les nouveaux

Conséquences

et

Explications

Concepts clés

- Maitriser techniques. - Sélection candidats - Acquérir compétences

- Travailler comme indépendant - Frustrer le vendeur - Maitriser techniques

- Maitriser techniques - Acquérir compétences - Sélection candidats

- Gérer autrement …maintenir le système - Recruter par la DRH - Sentiment d’exclusion

- Echanger avec le superviseur - Réunir les vendeurs quotidiennement - Rechercher information

- Rechercher information - Accompagner sur le terrain… - Travailler en équipe

- Gérer autrement …maintenir le système

Accompagner sur le terrain… former en salle

Analyse de regroupement

1. système de gestion spécifique 2. Performance et le départ des vendeurs 3. Statut d’indépendant 4. Formation des nouveaux vendeurs.

1. Choix de carrière 2. Frustration des vendeurs 3. Formation et compétence acquises 4. Sélection candidats

1. Formation et compétences 2. Frustration et décision de partir 3. recrutement et décision de rester 4. Statut et disponibilité du formateur 5. Relations professionnelle

Nous retenons que :

- Les structures cognitives des responsables commerciaux (RC) et des vendeurs séniors

paraissent plus complexes que celle des nouveaux vendeurs.

- Les trois catégories d’acteurs structurent leur pensée sur des idées fondamentalement

opposées : le système de gestion pour les RC ; la motivation pour les nouveaux vendeurs ; et

la formation pour les vendeurs séniors.

- Ils présentent aussi des structures cognitives circulaires et systémiques caractérisée par le

changement.

Page 287: Contribution de la socialisation organisationnelle au

286

SECTION 2 : ANALYSE DU CONTENU DES CARTES COLLECTIVES POUR

EXPLORER LES PREOCCUPATIONS DES ACTEURS

A défaut de réaliser une analyse quantitative, et de calculer les principaux indicateurs de

distance et de similarité qui s’imposent en pareille situation, nous avons procédé à une analyse

locale de la structure des cartes collectives comme nous le suggère Allard-Poesi, Drucker-

Godard et Ehlinger (2007). Il s’agit de conduire une analyse comparative Cette analyse porte sur

un espace retreint de concepts, principalement sur les « presqu’iles » (ou clusters analysis) des

différentes cartes collectives et sur la « crème », autrement dit les concepts les plus importants.

L’objectif de cette analyse est de mettre en évidence les préoccupations fondamentales des

différentes catégories d’acteurs, et de relever les décisions et actions mises en œuvre par ces

derniers dans le processus de socialisation du vendeur indépendant. Nous présentons un premier

point, sur la base des thèmes principaux retenus, une analyse comparative des clusters traitant

des mêmes préoccupations des différents acteurs (1). Puis, nous analysons les préoccupations

dominantes qui déterminent les actions des acteurs (2).

1. Les principales préoccupations des acteurs sur la socialisation des vendeurs

indépendants

Afin de procéder à une analyse comparative des clusters, nous avons récapitulé les clusters

contenus dans chacune des cartes collectives, puis nous avons identifié chaque cluster à partir

des principaux concepts qui le compose (Cf. tableau 44). L’analyse comparative des clusters des

trois cartes collectives fait émerger cinq dimensions que nous classons dans deux catégories : les

deux premières dimensions concernent le management des ressources humaines : le recrutement

et la formation des vendeurs ; alors que les trois derniers se réfèrent au management en général :

performance du vendeur, statut du vendeur, motivation (frustration) et relations

interpersonnelles. Ces dimensions sont développées dans les paragraphes suivants.

Page 288: Contribution de la socialisation organisationnelle au

287

Tableau 48. Récapitulatif des clusters des cartes assemblées

Responsables commerciaux Thème principal

Classement des principaux concepts

Cluster 1 Gérer autrement les RH /Sélectionner les candidats / Recruter

par la DRH /Information véhiculée/…

Gestion et recrutement

des RH

Cluster 2 Performance du vendeur / Décider de partir / Faire des efforts

dans le travail/ Frustrer les vendeurs / …

Performance du

vendeur

Cluster 3 Echanges avec les vendeurs séniors / Accompagner sur le

terrain / Echanges avec le superviseur/…

Formation du vendeur

Cluster 4 Statut d’agent indépendant / Changer la culture de travail /

Sentiment d’exclusion /…

Statut d’agent

indépendant

Nouveaux vendeurs

Classement des principaux concepts

Cluster 1 Décider de rester / Travailler comme indépendant/ Disposer

d’un revenu / Promesse d’un emploi salarié/…

Choix de carrière

Cluster 2 Décider de partir / frustrer le vendeur / commissions perçues /

Conflits entre vendeurs

Frustration du vendeur

Cluster 3 Echanger avec le superviseur /Echanger avec les vendeurs

séniors / Maitriser les aspects techniques du travail /

Rechercher l’information /…

Formation des vendeurs

Cluster 4 Sélectionner les candidats /Posséder un carnet d’adresses /

Degré de réalisation de l’objectif /…

Recrutement des

vendeurs

Vendeurs séniors

Classement des principaux concepts

Cluster 1 Accompagner sur le terrain…/Maitriser les aspects techniques

du travail /Echanger avec les vendeurs séniors/…

Formation des vendeurs

Cluster 2 Décider de partir / Frustrer le vendeur/… Frustration des

vendeurs

Cluster 3 Décider de rester / Performance du vendeur/ Degré de

réalisation de l’objectif/ Niveau de revenu /Faire des efforts

Performance du

vendeur

Cluster 4 Statut de vendeur indépendant / Temps consacré aux

nouveaux…/ Disponibilité du formateur / Encadrer les

nouveaux vendeurs…/..

Statut d’agent

indépendant

Cluster 5 S’ouvrir aux autres…paraitre suffisant / Formation des

barrières psychologique /Motiver le vendeur

Relations

interpersonnelles

Page 289: Contribution de la socialisation organisationnelle au

288

1.1. Les idées relatives au recrutement des vendeurs indépendants

Le recrutement des vendeurs indépendant comporte des décisions et des actions qui ont pour

objectif d’attirer, d’informer les individus visés par une offre d’emploi, afin de susciter un grand

nombre de candidatures. Dans les forces de vente indépendantes, cette opération est soumise à

des contraintes d’ordre socioéconomique, mais aussi juridiques qui obligent les responsables

d’entreprises à mettre en œuvre des procédures et actions spécifiques.

Le recrutement des nouveaux vendeurs est analysé à travers trois clusters identifiés dans les

trois cartes collectives. Ces clusters mettent en évidence la logique de recrutement mis en place

par les entreprises pour intéresser les potentiels candidats, et les représentations des vendeurs sur

les pratiques de recrutement.

1.1.1. Les logiques de recrutement développées par les entreprises

L’analyse inter carte porte sur trois clusters identifiés traitant du recrutement. Le cluster 1 de

la carte des responsables commerciaux et le cluster 4 des nouveaux vendeurs. Le premier

présente le recrutement comme une composante du système de gestion (en général) des

vendeurs indépendants, tel qu’il est perçu par les responsables commerciaux. Le second cluster

est centré sur les expériences vécues respectivement par les nouveaux vendeurs et les vendeurs

séniors.

1.1.1.1. Attirer les candidats aux emplois de vendeur indépendant par une

manipulation des outils

Pour appréhender cette logique de recrutement, nous concentrons notre analyse sur les

moyens et les supports de recrutement, et de façon accessoire sur les critères de sélection. Dans

le cluster 1 des RC (annexe 3), les concepts les plus importants, à savoir « Gérer autrement les

vendeurs indépendant », la « sélection des candidats » et la « maitrise des aspects techniques du

travail », établissent une relation entre ces différentes variables. Autrement dit, la volonté des

responsables commerciaux est d’établir une relation positive entre le système de gestion, les

procédures de recrutement, et la capacité du nouveau vendeur à s’adapter à son nouvel emploi.

Mais, nous verrons par la suite que ces pratiques ne sont pas perçues pareillement par les autres

acteurs. L’analyse du cluster 1 permet d’identifier trois niveaux d’analyse : les moyens de

recrutement, les supports d’information, et les critères de sélection.

Dans les forces de vente, il est d’usage que le recrutement des vendeurs indépendants soit

réalisé par le service commercial, dans la mesure où ces vendeurs ne sont pas comptés dans les

Page 290: Contribution de la socialisation organisationnelle au

289

effectifs de l’entreprise. En la matière, le service commercial est reconnu dans l’entreprise

comme étant la structure la mieux placée pour procéder à ce recrutement. Cette légitimité, il l’a

doit à son ouverture sur le marché, et à sa proximité avec les acteurs du processus de

commercialisation (vendeurs, intermédiaires de la distribution, institutions de crédits).

Cependant, en dépit de leur expertise sur le plan commercial, les managers commerciaux sont

peu compétents dans le domaine du recrutement. Ainsi, confier le recrutement des vendeurs

indépendants à la direction des ressources humaines (désormais DRH) est perçu par les

responsables commerciaux comme une bonne décision, car elle leur permet de se « concentrer

sur les aspects commerciaux du management ». Cependant, cette décision peut être contre-

productive, car la DRH à tendance à « harmoniser le recrutement » de son personnel, prenant

ainsi le risque de recruter les vendeurs indépendants avec les mêmes outils que les salariés.

D’abord, au niveau des moyens utilisés pour recruter les meilleurs profils, les responsables

commerciaux proposent différentes solutions. Ainsi, nous avons d’abord le recrutement qui est

fait par les « cabinets conseils » qui sont considérés comme représentant les moyens

traditionnels. Ces moyens s’avèrent également comme étant très sélectifs, dans la mesure où ils

s’intéressent surtout aux candidats diplômés, ou présentant un bon niveau de formation. Il y a

aussi les « journées portes ouvertes » que l’on présente comme des espaces de rencontre propices

à la découverte des talents, dans la mesure où elles touchent des publics plus larges et plus

diversifiés. Ces espaces permettent d’apprécier in situ les qualités intrinsèques des candidats

comme le précise un des responsables commerciaux interrogés (Cf. encadré 1). L’utilisation de

ces « journées portes ouvertes » traduit bien un besoin de renouvellement des pratiques des

ressources humaines.

Ensuite, concernant les supports d’information, deux types de supports sont privilégiés par les

responsables commerciaux : les annonces de recrutement insérées dans la presse écrite et bouche

à oreille. Le premier support touche généralement un public assez large, mais leur efficacité

dépend de la qualité de « l’information véhiculé » et de l’attraction même des emplois proposés.

Le second support vise une cible plus restreinte compte tenu de la pénurie de vendeurs qualifiés

sur le marché de l’emploi. De façon générale, les entreprises utilisent conjointement ces deux

supports, avec accent particulier sur l’annonce presse pour atteindre les candidats ayant un « bon

niveau de formation ». Or, comme on peut l e pressentir, il serait judicieux d’utiliser le bouche à

oreille pour atteindre les candidats disposant d’une « expérience dans la vente ».

Enfin, s’agissant des critères de recrutement, les responsables commerciaux recherchent des

candidats présentant au moins l’une des dispositions suivantes : l’expérience dans la vente, la

Page 291: Contribution de la socialisation organisationnelle au

290

formation à la vente, le niveau scolaire, et la qualité de l’expression et de la communication. Les

deux premiers critères demeurent une constante dans l’élaboration des profils de ces vendeurs,

mais comme nous l’avons souligné dans le paragraphe précédent, la difficulté à trouver ces

profils sur le marché obligent les entreprises à former leurs nouvelles recrues aux métiers de la

vente. Dans ce contexte, les exigences pour intégrer une équipe de vente sont réduites au niveau

scolaire et à la qualité de l’expression.

1.1.1.2. Attirer les candidats par des promesses d’emplois salariés

Cette vision du recrutement n’est pas toujours partagée par les nouveaux vendeurs, et dans

une certaine mesure par les vendeurs séniors. En effet, les différents clusters traitant de cette

dimension soulignent plutôt une influence négative de ces pratiques sur l’adaptation ultérieure

des nouveaux vendeurs à leur nouvel emploi. Le cluster 3 des vendeurs séniors présente une

vision contrastée du recrutement, tel qu’il est mis en œuvre par les entreprises. Les vendeurs

pensent que les moyens utilisés par les entreprises (cabinets de recrutement et les annonces

presse) ne permettent pas aux candidats d’avoir une bonne connaissance de l’emploi proposé.

D’une part, les cabinets sont utilisés pour valoriser l’offre d’emploi, et la rendre attractive auprès

des cibles visées. Certes, ils parviennent, par leur expertise à sélectionner les meilleurs candidats

possibles, mais dans le même temps ils fournissent très peu d’informations sur la dénomination

de l’entreprise et les informations du poste à pourvoir. Dans ces cas, le rôle des cabinets consiste

simplement à identifier les meilleurs candidats aux emplois proposés, et à les soumettre à

l’appréciation de l’entreprise. D’autre part, certaines annonces écrites et publiées dans la presse

ne renseignent pas suffisamment sur l’emploi proposé, notamment sur les aspects essentiels tels

que le statut et la rémunération. La logique du recrutement consiste à donner moins

d’informations au candidat, pour ensuite l’intéresser par des promesses lors des entretiens de

recrutement. Cette rétention d’information engendre naturellement, chez les candidats retenus,

une connaissance approximative de l’emploi proposé. Ainsi, une majorité de vendeurs débutant

leurs activités dans la vente ne savent pas exactement en quoi consiste leur travail.

Par ailleurs, dans la carte collective des nouveaux vendeurs, les variables relatives au

recrutement sont reparties dans deux clusters (clusters 3 et 4), ce qui dénote et confirme la

complexité de ce schème cognitif. Mais dans le cadre de cette analyse, nous avons considéré le

cluster 4, compte tenu des nouvelles relations qu’elle propose. En effet, en dehors des variables

retenues pour expliquer l’action des responsables commerciaux dans le recrutement des vendeurs

indépendants, la carte des nouveaux vendeurs met en évidence un critère important : le « carnet

d’adresse ». Le carnet d’adresses représente le réseau de relations qu’un vendeur est capable de

Page 292: Contribution de la socialisation organisationnelle au

291

mobiliser dans le cadre de son activité. C’est un critère essentiel, voir le plus important du

processus de sélection, dans la mesure où il exprime l’intérêt pour une entreprise de s’attacher

les services d’un vendeur indépendant, à savoir un portefeuille clients important qui donne un

accès immédiat au marché.

En définitive, les moyens et procédures de recrutement mises en œuvre par les entreprises

font largement appel aux techniques couramment utilisées dans le recrutement des vendeurs

salariés. Le recours systématique à l’annonce presse, ou l’utilisation des méthodes classiques

d’entretiens deviennent très peu adaptés à toucher les profils correspondants au poste de vendeur

indépendant. Ces pratiques ne tiennent pas compte de la réalité du travail qui est proposé dans de

nombreuses entreprises, et l’objectif poursuivi et souvent inavoué des responsables commerciaux

est celui de dissimuler toutes les informations qui pourraient rendre l’emploi proposé moins

attractifs. Ainsi par exemple, on ne précisera pas le type d’emploi proposé (salarié ou

indépendant), ou le système de rémunération (fixe et/ou commissions). Le vendeur franchit donc

les étapes essentielles du recrutement en ayant une « connaissance approximative de l’emploi

proposé ». Par conséquent, le recrutement des vendeurs indépendants présente deux risques

majeurs. Le premier risque repose sur le fait que le profil retenu ne corresponde pas aux qualités

requises pour occuper ce poste de vendeur. Dans ce contexte, l’apprentissage du vendeur peut

prendre du temps, surtout quand le nouveau vendeur n’a jamais exercé dans la vente. Le second

risque se situe dans l’incompatibilité des valeurs de la nouvelle recrue avec celles de l’entreprise.

Cette situation survient lorsque l’entreprise propose un emploi d’indépendant, alors le vendeur

aspire à des emplois salariés. Les nouveaux vendeurs qui sont confrontés à de telles situations

quittent prématurément l’entreprise.

1.1.2. Le choix d’un emploi d’indépendant

De l’aveu de certains vendeurs interrogés, les emplois dans le commercial sont précaires et

dévalorisants. Ainsi, le travail de vendeur indépendant est considéré comme un passage

transitoire vers des emplois plus valorisants, ou vers d’autres projets professionnels. Cependant,

les raisons qui poussent les individus à s’engager dans ces emplois empruntent des trajectoires

différentes, et répondent à des motivations particulières.

L’examen du cluster1 (Cf. annexe 2) des nouveaux vendeurs permet de constater que les

motivations qui orientent les individus à accepter un emploi d’indépendant dans la vente sont

nombreuses. Nous présentons à travers les chaines d’argumentation, les pratiques de recrutement

telles que se les représentent les nouveaux vendeurs, puis nous analysons l’impact de ces

pratiques sur le turnover des vendeurs.

Page 293: Contribution de la socialisation organisationnelle au

292

§ Une logique de carrière

Le vendeur indépendant est un prestataire qui travaille pour le compte d’une ou plusieurs

entreprises, sans être compté dans l’effectif de celles-ci. Il apparait donc théoriquement

inconcevable d’inscrire l’évolution de sa carrière dans le cadre d’une seule entreprise, car il n’est

pas salarié. Cependant, depuis quelques années, une conception du recrutement fondée sur une

perspective de carrière émerge des pratiques de gestion développées par les entreprises.

En effet, les promesses, faites par des agents recruteurs lors des entretiens, ont pour objectif

d’encourager les postulants à s’engager dans ces emplois. Ces stratégies permettent aussi aux

entreprises de se constituer un vivier permettant d’alimenter leurs besoins en recrutement. Dans

cette perspective, le travail de vendeur indépendant peut être présenté comme un emploi qui

permet d’entrer dans une entreprise. On débute comme vendeur indépendant, avant d’évoluer

vers des emplois salariés dans la vente, ou dans d’autres fonctions de l’entreprise. Le cluster 1

des NV (Cf. annexe 4) montre que les individus qui ont fait le choix de travailler comme

indépendant, sont influencés par la promesse qui leur est faite de devenir salariés. La promotion

au statut de salarié étant conditionnée par leur performance, la promesse faite au vendeur va

donc jouer un rôle catalyseur dans le comportement de ce dernier. Ainsi elle va, non seulement

motiver le vendeur à relever les challenges, mais elle va aussi l’encourager à rester dans l’équipe.

Cependant, les promesses ne sont pas toujours tenues pour des raisons diverses. La logique

économique, c'est-à-dire la volonté de l’entreprise de réaliser des économies, oblige les

entreprises à maintenir leurs vendeurs dans ce statut. La performance du vendeur, dans la mesure

où le vendeur n’atteint pas les objectifs qui lui sont fixés. De façon générale, deux cas de figure

s’offrent au vendeur : (1) Il persévère et attend une opportunité d’emploi dans un autre service de

l’entreprise ; il quitte l’équipe de vente, mais demeure dans l’entreprise. (2) Il quitte simplement

l’entreprise.

§ Un emploi par défaut.

La deuxième motivation est liée à l’environnement socio-économique. Le cluster 1 des

nouveaux vendeurs met aussi en évidence plusieurs raisons qui interviennent dans cette décision.

Ainsi, les situations de précarité et la volonté des individus à répondre à leurs besoins personnels

poussent certains à prendre le premier emploi qui se présente à eux. La perte d’un emploi salarié

est également un motif pertinent, car les individus affectés par cette perte doivent rechercher des

ressources financières pour continuer à vivre et à payer leurs charges. Il s’agit d’une situation

plus ou moins contraignante, car les postulants sont obligés de prendre ces emplois pour subvenir

Page 294: Contribution de la socialisation organisationnelle au

293

à leurs besoins existentiels. Etant donné que ces emplois ne correspondent pas à des objectifs

professionnels, nous les considérons comme des emplois contractés par défaut. Autrement dit, le

vendeur exerce une activité qu’il n’avait pas souhaitée. Il demeure à son poste, tant qu’il n’a pas

trouvé un emploi qui réponde à ses aspirations, et son implication aux activités de l’entreprise est

très faible. Aussi, lorsqu’une meilleure opportunité d’emploi se présente à lui, il quitte son

emploi actuel de vendeur. Mais, ce départ n’est pas systématique, car le vendeur procède d’abord

à une évaluation de sa situation présente par rapports aux propositions qui lui sont faites. Ainsi,

les vendeurs qui ont atteint des niveaux de rémunération importants auront tendance à demeurer

dans l’équipe, alors que ceux qui peinent à se constituer un revenu satisfaisant vont quitter

l’entreprise.

§ Un tremplin vers un autre emploi

La troisième motivation porte sur des motifs plus valorisants tels que la volonté d’établir de

nouvelles relations, le désir d’acquérir une expérience professionnelle, ou encore le besoin de

multiplier ses gains. Il s’agit d’individus qui ont des projets professionnels très ambitieux, et qui

prennent le temps de se former avant de se lancer. Les vendeurs qui se situent dans ce cas de

figure, cherchent à termes un emploi salarié, ou espèrent capitaliser leurs acquis professionnels

pour se mettre à leur propre compte. Par conséquent, ils sont prêts à travailler temporairement

comme indépendant, en attendant de trouver un meilleur emploi. Le vendeur va profiter des

contacts qu’il établi dans le cadre de son activité, et créer un réseau de relations qu’il mobilisera

le moment venu. Ainsi, l’emploi de vendeur indépendant est souvent perçu comme un tremplin

qui prépare les individus, soit à occuper par la suite un emploi plus stable, soit à financer leurs

projets personnels. Dans ce contexte, le vendeur est souvent amené à quitter son emploi lorsque

ses objectifs sont atteints.

En conclusion, nous pouvons dire que le départ ou le maintien des nouveaux vendeurs

dans l’équipe dépend de plusieurs facteurs liés aux attentes et objectifs que ceux-ci se donnent.

Les attentes découlent des promesses qui sont faites par les agents recruteurs. La non réalisation

des ces promesses engendre le départ du vendeur, mais ce départ n’est pas systématique, dans la

mesure où certains vendeurs restent quand même dans l’entreprise. De même que les nouveaux

vendeurs qui n’atteignent pas leurs objectifs, ne quittent pas automatiquement l’équipe de

vente. Dès lors, on peut se poser la question sur les motivations qui poussent certains vendeurs à

rester, quand bien même leurs attentes ne sont pas satisfaites.

Page 295: Contribution de la socialisation organisationnelle au

294

1.2. Les idées relatives à la formation et l’acquisition des connaissances

La formation englobe l’ensemble des décisions et des actions qui permettent au nouveau

vendeur d’apprendre le métier, et d’acquérir les connaissances, les compétences et les

comportements nécessaires. Dans le cadre de cette analyse, la comparaison des clusters qui

traitent de la formation des nouveaux vendeurs porte sur quatre clusters, le cluster 4 des RC (Cf.

annexe 3), le cluster 3 des NV (Cf. annexe 4), les clusters 1 et 4 des VS (Cf. annexe 5). Les trois

premiers clusters développent les préoccupations communes aux trois catégories d’acteurs, alors

que le dernier traite des préoccupations particulières des vendeurs séniors.

Nous proposons une analyse comparative des clusters à partir des préoccupations communes

(1.2.1), puis nous présentons le rôle spécifique des vendeurs séniors dans la formation des

nouvelles recrues (1.2.2).

1.2.1. Accompagner sur le terrain vs formation en salle

Les clusters traitant de la formation des nouveaux vendeurs mettent en évidence deux

préoccupations. La première repose sur une vision commune de la formation fondée sur le

concept « accompagner sur le terrain » et son pôle contrasté « former en salle ». Autrement dit,

l’accompagnement des nouveaux vendeurs sur le terrain reste donc la principale action de

formation que les entreprises mettent en œuvre, car elle permet un apprentissage pratique et plus

rapide du métier de vendeur. Les vendeurs apprennent dans l’action en regardant, puis en imitant

les vendeurs les plus expérimentés. Alors que, la formation en salle concerne les aspects

théoriques de la vente et des procédures qui permettent de commercialiser les produits.

Cependant, elle est nécessaire pour les vendeurs qui n’ont aucune expérience de la vente, et

permet de préparer les nouveaux vendeurs à la dure épreuve du terrain. Dans ce contexte,

l’existence du pôle contrasté permet de préciser la place de plus en plus marginale que la

formation en salle occupe dans les programmes de formation des entreprises employant des

vendeurs indépendants. Les entreprises mettent en avant deux préoccupations : les coûts suscités

par ces formations, dans la mesure où les formateurs viennent essentiellement de l’extérieur

d’une part ; et le temps accordé à la formation, en ce sens qu’il peut occasionner un manque à

gagner pour l’entreprise d’autre part.

En réalité, cette préférence pour l’accompagnement sur le terrain reflète aussi le faible

engagement de l’entreprise à la formation des nouveaux vendeurs. En effet, le nombre de

variables autour du concept « accompagner sur le terrain » parait moins important dans le

cluster 4 des responsables commerciaux que dans les clusters des vendeurs séniors et des

Page 296: Contribution de la socialisation organisationnelle au

295

nouveaux vendeurs. Ce qui laisse penser que les responsables commerciaux seraient moins

préoccupés que les vendeurs séniors (cluster1) et les nouveaux vendeurs (cluster 3) sur la

formation des nouveaux vendeurs.

La seconde repose sur une vision différenciée de la formation entre les trois catégories

d’acteurs. Alors que le cluster 3 des responsables commerciaux propose une formation qui

repose essentiellement sur l’action de l’entreprise, les clusters des vendeurs séniors et des

nouveaux vendeurs présentent une vision plutôt dynamique qui considère, en plus de l’action de

l’entreprise, celle des vendeurs à travers la recherche d’information. Ces différentes approches

de la formation reflètent en réalité la façon dont la socialisation du vendeur est conduite.

Les responsables commerciaux adoptent une approche organisationnelle, qui consacre le rôle

prépondérant de l’entreprise dans la formation du nouveau vendeur. Cette formation peut prendre

du temps et retarder la socialisation de la nouvelle recrue, si l’entreprise n’est pas totalement

engagée, mais aussi dans le cas où le vendeur n’est pas ouvert aux autres membres de l’équipe.

Par contre, lorsque la formation est une préoccupation partagée, les interactions permanentes

entre le vendeur et personnes chargés de la formation accélèrent le processus de socialisation.

En conclusion, on peut donc affirmer que les vendeurs et en particulier les vendeurs séniors

accordent une importance particulière à la formation. Le vécu de jeune vendeur, et l’expérience

dans la vente leur permet une meilleure compréhension des besoins en formation des nouveaux

arrivants. Cependant, le rôle de formateur auquel ils sont souvent prédestinés, n’est pas sans

conséquence à la fois sur leur travail, et sur la formation des nouveaux vendeurs.

1.2.2. L’encadrement des nouveaux par les vendeurs séniors

Il y a une tradition qui veut que le nouveau vendeur soit placé auprès d’un vendeur plus

expérimenté qui fait office de tuteur ou de coach selon les situations, pour apprendre le métier.

En pratique, cette tache relève des attributions courantes du responsable commercial, mais en

fonction de la charge de travail et du nombre de vendeurs en apprentissage, les vendeurs séniors

sont mis à contribution pour accompagner les nouvelles recrues sur le terrain. Cependant, cette

action habituellement mis en œuvre dans les forces de vente salariées, peut s’avérer délicate à

mettre en œuvre auprès des vendeurs indépendants. Elle pose la question de l’encadrement des

nouveaux vendeurs par les vendeurs séniors, et l’efficacité de leur action.

Le cluster 4 des VS, met en évidence le rôle des vendeurs séniors dans la formation des

nouveaux vendeurs. Cette analyse laisse apparaitre deux préoccupations qui tournent autour du

Page 297: Contribution de la socialisation organisationnelle au

296

concept « disponibilité ». D’une part, en leur qualité de vendeur indépendant, les vendeurs

séniors n’ont pas d’attributions qui relèvent du fonctionnement courant de l’entreprise.

Cependant, à la faveur d’un accord tacite avec le responsable commercial, ils se rendent

disponibles. Autrement dit, ils acceptent d’accompagner les nouvelles recrues dans leur

apprentissage, en échange d’une compensation. Cependant dans leur gestion quotidienne,

certains responsables commerciaux appréhendent ce travail comme le prolongement de leur

activité principale, et ne rémunèrent pas cette tâche spécifique. Or, comme nous l’avons souligné

dans les paragraphes précédents, les vendeurs séniors utilisent une partie de leur temps de

production à l’encadrement. Ce qui suscite un manque à gagner qui n’est pas toujours compensé

par l’entreprise. Ainsi, le vendeur sénior peut manifester un faible engouement à encadrer

convenablement le nouveau vendeur, ce qui aurait pour conséquence d’affecter sa formation, et

par conséquent son intégration, l’entreprise n’ayant pas de moyens coercitifs pour exiger ce

suivi. D’autre part, le cluster 4 montre également que les vendeurs expérimentés présentent une

meilleure disponibilité, dans l’encadrement des nouveaux vendeurs, que ceux qui le sont moins.

En effet, les vendeurs peu expérimentés et souvent pas très performants, ont tendance à percevoir

les nouveaux vendeurs comme des concurrents. Par conséquent, ils n’accordent assez de temps

au suivi des vendeurs qui leur sont confiés, influençant négativement l’acquisition des

compétences. Alors que les vendeurs disposant d’une grande expérience, et ayant à leur actif un

portefeuille clients important présentent des comportements d’aide et une plus grande

disponibilité à encadrer les nouveaux vendeurs. Ils sont donc par leur réussite, les mieux placés

pour transmettre les connaissances et les comportements nécessaires à la vente, et plus

globalement le rôle de vendeur indépendant.

1.3. Les idées relatives aux relations interpersonnelles

La difficulté du management des vendeurs indépendants est de concilier le caractère

individualiste du vendeur indépendant, avec les valeurs d’une équipe de vente. La question des

relations entre les membres déjà en place dans l’entreprise et les nouveaux vendeurs est mise en

évidence dans de nombreux clusters, et dans des clusters différents à l’intérieur d’une même

carte collective. Ainsi, les trois clusters 1, 2, et 5 des VS (Cf. annexe 5), les deux clusters 2 et 4

des NV (Cf. annexe4), et le cluster 1 des RC (Cf. annexe 3) traitent partiellement de la question.

Seul, le cluster 5 des VS semble se focaliser sur le sujet. Cette observation confirme la

complexité des représentations de ces vendeurs sur les relations professionnelles. Néanmoins,

pour comprendre comment ces relations évoluent et influencent le comportement des nouveaux

vendeurs, nous présentons d’abord à partir d’une analyse intergénérationnelle, les relations de

défiance entre les nouveaux vendeurs et les vendeurs séniors. Ensuite, nous analysons les effets

Page 298: Contribution de la socialisation organisationnelle au

297

des relations conflictuelles entre vendeurs. Enfin, nous examinons les relations conflictuelles

entre les vendeurs et leur superviseur.

1.3.1. Un climat de défiance entre vendeurs séniors et nouveaux vendeurs

Le plus souvent, les vendeurs séniors s’attendent à ce que les nouvelles recrues manifestent

leur volonté d’appartenir au groupe. Le concept « s’ouvrir aux autres…) exprime l’accessibilité

du nouveau vendeur aux membres déjà en place dans l’entreprise. Autrement dit, la capacité du

vendeur à se confier à son superviseur et ses collègues vendeurs expérimentés, et à solliciter leur

aide dans l’accomplissement de son travail. L’ouverture aux autres traduit également une

disposition d’écoute indispensable lors du processus d’apprentissage.

Le pôle contrasté du concept permet d’identifier deux types de comportement opposés, un

comportement de suffisance (cluster 2 V.S) et un comportement d’isolement (cluster 3 R.C). Le

cluster 3 des RC montre que la capacité des nouveaux vendeurs à s’ouvrir aux autres favorise les

échanges avec les vendeurs séniors et le superviseur. Par contre, les vendeurs qui ne s’ouvrent

pas se replient sur eux-mêmes, dans un comportement d’auto-exclusion. Ils se mettent

volontairement à l’écart, pour anticiper les comportements de rejet dont ils font parfois l’objet.

Dans le cluster 5 des VS, les vendeurs qui s’ouvrent aux autres établissent des relations dans

l’équipe, favorisent le climat de travail et expérimentent des succès dans leur activité. A

l’opposé, les vendeurs qui ne s’ouvrent pas adoptent un comportement de défiance (cf.

paragraphe) vis-à-vis des autres. Deux explications possibles peuvent justifier ce comportement:

(1) le vendeur est davantage préoccupé par ses propres résultats que ceux de l’équipe, dans la

mesure où sa rémunération en dépend. De plus, il est souvent marginalisé du reste du personnel

de l’entreprise, ce qui crée des « barrières psychologique » qui ne l’encourage pas à s’impliquer

dans le travail et dans l’entreprise, et à trouver suffisamment de motivation dans son activité. (2)

les vendeurs se considèrent dans leur ensemble comme des concurrents sur le terrain, car les

vendeurs confirmés ont le sentiment que les nouveaux vendeurs vont réduire leur part de marché

et les privés des gains substantiels. Il y a donc deux approches pour les nouveaux vendeurs qui

ne s’ouvrent pas aux autres. Ces comportements sont susceptibles de ralentir le processus

d’intégration du nouveau vendeur, et dans une certaine mesure susciter le départ de ces derniers

en cas de désaccords profonds.

Page 299: Contribution de la socialisation organisationnelle au

298

1.3.2. L’émergence des conflits au sein de l’équipe de vente

Le cluster 2 des VS met en évidence deux types de conflits qui sont susceptibles de créer des

frustrations chez les nouveaux vendeurs, et influencer leur départ de l’équipe et de l’entreprise :

les conflits entre vendeurs, et les conflits entre le superviseur et les vendeurs.

§ Les conflits entre vendeurs

La chaine d’argumentation allant de « ne pas clarifier les règles de travail » jusqu'à la

« décision de partir » contenus dans le cluster 2 des VS indiquent que l’absence de clarification

des règles de travail est, en partie, à l’origine des conflits entre vendeurs. Elle se réfère au fait

que dans ces organisations de vente, les vendeurs ne sont pas repartis dans des secteurs de vente

et interviennent indifféremment sur le terrain, créant ainsi des confusions à la fois pour les

clients qui reçoivent plusieurs vendeurs d’une même entreprise, mais aussi pour les vendeurs qui

travaillent sur les mêmes clients. Le cluster 2 des NV parait plus explicite sur les conflits entre

vendeurs en mettant en évidence les explications et les conséquences.

Deux facteurs, la concurrence entre vendeurs et le fait de travailler sur les mêmes clients sont

considérés comme les faits générateurs de ces conflits. Ces faits sont liés à l’absence de règles de

travail, et par conséquent à la qualité de la gestion des vendeurs sur le terrain. Les disputes sur

les clients créent des tensions, et suscitent des relations difficiles dans les équipes. Par ailleurs,

nous notons que les conflits entre vendeurs influencent négativement l’esprit d’équipe, et

détériorent la cohésion interne. En outre, certains vendeurs peuvent être frustrés par les décisions

prises par la hiérarchie pour résoudre ces conflits, et quitter l’entreprise.

§ Les conflits entre les vendeurs et leur superviseur

A la différence des « conflits entre vendeurs », le cluster 2 des VS ne propose pas

explicitement des explications aux « conflits entre les vendeurs et leur superviseur ». Cependant,

une lecture transversale du cluster 2 des NV permet de mettre en évidence deux facteurs

explicatifs de la frustration du vendeur, qui renseignent sur l’état des relations de ces deux

acteurs : la différence de traitement des vendeurs et le fait de priver le vendeur des affaires

réalisées conjointement avec l’entreprise. En effet, ces deux variables permettent de comprendre

les tensions qui peuvent exister dans les relations entre les nouveaux vendeurs et leur

superviseur. Concernant la « différence de traitement », certains vendeurs révèlent les partis-pris

de leur hiérarchie dans la prise des décisions. Ces partis-pris se produisent lorsqu’il faut

trancher sur des litiges opposant les anciens aux nouveaux vendeurs. Ils existent aussi dans les

traitements de faveur dont bénéficient les vendeurs séniors. A tord ou à raison, ces différences de

Page 300: Contribution de la socialisation organisationnelle au

299

traitement créent de la frustration, et peuvent susciter le départ des vendeurs. La deuxième

variable concernent les affaires initiées par le vendeur mais concluent en partie par l’entreprise.

Nous distinguons deux cas de figure : le premier cas de figure concerne les affaires négociées par

le vendeur, mais conclues en son absence à son siège. Les commissions résultant de ces affaires

sont le plus souvent, soit encaissées par le responsables hiérarchique, soit conservées par

l’entreprise. Le deuxième cas de figure concerne les affaires réalisées par le vendeur avec

l’appuie de sa hiérarchie. Il s’agit d’affaires portant sur des montants importants, et qui

nécessitent l’intervention de l’entreprise, ou du moins la participation des personnes hauts

placées à la négociation. Il arrive très souvent que les vendeurs initiateurs de la transaction soient

dépossédés de ces affaires, et par conséquent des commissions qui résultent de la vente réalisée.

Dans tous les cas, la privation des commissions crée chez le vendeur des frustrations qui peuvent

influencer son départ de l’entreprise.

1.4. Les idées relatives au statut et rôles du vendeur indépendant

Le statut du vendeur indépendant est mis en évidence à travers deux clusters, le cluster 4 des

RC et le cluster 4 des VS. Le premier cluster met en évidence trois concepts prépondérants qui

traduisent chacun une préoccupation particulière: « statut d’agent indépendant », « changer la

culture de travail », et « sentiment d’exclusion ».

1.4.1. Les enjeux liés au statut d’indépendant

Le vendeur indépendant est davantage un partenaire de l’entreprise qu’un employé. Certaines

entreprises utilisent les termes « prestataire de vente » ou « apporteur d’affaires » pour

caractériser leur relation avec le vendeur. Autrement dit, il s’agit de vendeurs qui sont installé à

leur propre compte, et organisent librement leurs activité. Mais, dans leur fonctionnement réel,

les vendeurs sont soumis à une clause d’exclusivité qui les oblige à travailler uniquement pour

une entreprise. En réalité, la « clause d’exclusivité » incorporée au contrat de collaboration

permet l’emploi exclusif d’un vendeur par rapport à une marque ou à un produit. A priori, le

vendeur exclusif peut occuper d’autres emplois, à la seule condition que ceux-ci ne soient pas

concurrents. Mais très souvent, les responsables commerciaux sont tenus par des exigences

d’efficacité et d’image qui les orientent vers une supervision plus contraignante. Ainsi pour

certains responsables commerciaux, la « clause d’exclusivité » précarise davantage un emploi

déjà instable, et nuit à l’efficacité du vendeur dans son travail. La « multiplication des emplois

clandestins » est aussi l’une des conséquences de cette situation, car les vendeurs cherchent

toujours à multiplier leur revenu. Les managers sont donc obligés de mettre en place des

Page 301: Contribution de la socialisation organisationnelle au

300

mécanismes de contrôle plus drastiques, et quelques fois se séparer des vendeurs peu

performants, qui ne respectent pas cette clause d’exclusivité.

Dans le même ordre d’idées, la clause d’exclusivité permet à l’entreprise de protéger son

image et celle des marques dont elle a la charge. Dans son activité, le vendeur indépendant est

aussi porteur de l’image de son entreprise et des marques qu’il commercialise. Ainsi, représenter

plusieurs entreprise, ou plusieurs marques peut brouiller son image, dans la mesure où le vendeur

n’agit pas en son nom, mais au nom de ses commanditaires.

1.4.2. L’environnement de travail

Le « contexte de travail », se réfère aux effets que certaines dispositions de l’environnement

(socio-économique, culturel et juridique) produisent sur la gestion du vendeur indépendant.

L’environnement socio-économique est marqué par une forte « pénurie de vendeurs qualifiés ».

Deux variables influencent particulièrement la possibilité de trouver des vendeurs de qualité sur

le marché de l’emploi. D’une part, le caractère très peu attractif des emplois proposés, dans la

mesure où ces emplois sont précaires et ne permettent pas une évolution dans la carrière. D’autre

part, le marché de l’emploi est très étroit, car il est difficile de trouver des individus formés aux

métiers de la vente ; même si disposer d’une formation dans la vente n’est pas une condition

suffisante pour être un bon vendeur. Dans ces conditions, les responsables commerciaux doivent,

le plus souvent, se contenter des vendeurs aux profils atypiques. L’essentiel de leurs actions

consiste alors à mettre en place des mécanismes permettant aux nouveaux vendeurs de s’adapter

pleinement à leur emploi.

L’environnement culturel est probablement celui qui influence le plus le management des

vendeurs indépendants. Certains responsables commerciaux estiment qu’il est indispensable de

s’émanciper des méthodes de gestion occidentales, encore très prégnantes dans la gestion des

vendeurs indépendants. Les « différences culturelles » entre des vendeurs encore attachés au

salariat, et des dirigeants préoccupés par un retour sur investissement, doivent inspirer un

« changement de la culture de travail ». En somme, les responsables commerciaux prônent une

« gestion paternaliste » de la force de vente. Ils soulignent le manque de maturité des vendeurs,

dans la gestion de leurs activités et de leur finance.

L’environnement juridique concerne les règles de droit qui régissent le fonctionnement des

vendeurs indépendants, et particulièrement de l’agent commercial. Bien qu’elles préservent le

vendeur indépendant des abus de l’entreprise, ces règles peuvent constituer un blocage au bon

fonctionnement de la force de vente. C’est le cas des « réunions quotidiennes », qui à priori

Page 302: Contribution de la socialisation organisationnelle au

301

expriment la manifestation d’un lien de subordination, lorsqu’elles sont initiées par l’entreprise.

Mais qui par ailleurs constituent pour les responsables commerciaux un formidable outil de

coordination, également apprécié par les vendeurs.

1.5. La performance du vendeur

Le management des forces de vente est caractérisé par un ensemble d’éléments relevant des

efforts fournis par le vendeur et du management mis en place par l’entreprise. Nous retenons

dans ce passage quatre éléments clés : les résultats de vente, la motivation et les réunions

d’équipe.

1.5.1. Les résultats de vente

Les résultats de vente sont une exigence fondamentale, aussi bien pour le vendeur que pour

l’entreprise. L’analyse de la performance du point de vue des résultats du vendeur s’appuie sur

le cluster 2 des RC et le cluster 3 des VS, qui traitent explicitement de la question de la

performance et des relations qu’elle suscite dans la pensée des acteurs. Dans les deux clusters la

« performance du vendeur » se situe au centre de nombreuses relations qui permettent, soit

d’expliquer ses déterminants, soit de lui donner un sens. Nous noterons également que les

facteurs qui influencent la performance, comme ceux qu’elle influence sont presque les mêmes,

pour les responsables commerciaux et les vendeurs séniors. Une identité de vue qui peut se

justifier par le fait que dans leur rôle d’encadrement, ces acteurs sont les mieux placés pour juger

de la performance d’un nouveau vendeur.

Les deux clusters révèlent de façon identique l’influence des concepts « ventes réalisées » et

« faire des efforts » sur la performance du vendeur. Dans le cluster 2 des responsables

commerciaux, la chaine d’argumentation montre que la performance est le résultat de l’effort

fourni par le vendeur, qui à son tour influence positivement le niveau de rémunération. Les

ventes réalisées par le vendeur dépendent des efforts fournies par le vendeur dans son travail, et

des compétences acquises par ce dernier dans le cadre de son apprentissage. Comme nous

l’avons souligné au début de cette analyse, pour obtenir des commissions le vendeur doit vendre

les produits qui lui sont confiés. Autrement dit, il doit prospecter de nouveaux clients et les

convaincre d’adhérer à sa proposition. Ensuite, les deux clusters mettent en évidence deux

concepts qui, de notre point de vue, exercent la même influence sur la performance. Le cluster 2

des responsables commerciaux parle de « fiabilité du vendeur » dans la mesure où ce dernier ne

parvient pas à réaliser les résultats qui lui sont demandés (objectifs), parce qu’il occuperait

plusieurs emplois. Ce qui rejoint le concept « degré de réalisation de l’objectif ». Enfin, le

Page 303: Contribution de la socialisation organisationnelle au

302

concept « conditions de travail » influence négativement la performance dans le cluster 2 des

responsables commerciaux. Ce qui suppose pour ces acteurs que les mauvaises performances des

nouveaux vendeurs ne peuvent pas s’expliquer par les conditions d’exercice du métier.

Dans un deuxième temps, en traitant l’influence du concept « performance du vendeur » sur

les autres concepts, nous constatons que de façon identique la performance influence

positivement le « niveau de revenu du vendeur ». Autrement dit, si la performance est bonne le

vendeur aura un revenu satisfaisant, si au contraire elle est mauvaise le vendeur ne pourra pas

améliorer son revenu. Ainsi, selon le niveau du revenu, le vendeur est susceptible de quitter

l’entreprise ou de rester. Par ailleurs, en examinant les relations de la « performance du

vendeur » avec les autres concepts, nous remarquons que les concepts « performance du

vendeur » et « faire des efforts sont impliqués dans au moins une boucle dans les deux clusters.

Ce qui confirme le caractère systémique des schèmes étudiés déjà annoncé dans la première

section de ce chapitre. Cependant, l’appartenance de ces deux concepts à un système de

boucles64 (deux boucles) leur confère une importance particulière dans la prédiction du turnover.

Ainsi, un vendeur qui ne réalise pas suffisamment d’efforts dans son travail, peut être démis pour

insuffisance de travail, ou décider de partir à cause de son faible revenu.

1.5.2. La motivation des nouveaux vendeurs

Certaines entreprises mettent en place des dispositifs de gestion qui permettent de soutenir les

efforts demandés aux nouveaux vendeurs dans leur travail, et les encourager à produire

davantage. C’est le cas des dispositifs d’incitations financières et matériels développées par les

entreprises, mais ils ne constituent pas une obligation contractuelle

1.5.2.1. Le dispositif d’incitation organisationnel

Il comprend deux dispositifs. Le dispositif financier comprend un ensemble d’actions

développées par l’entreprise pour motiver les nouveaux vendeurs, et les maintenir le plus

longtemps possible au sein de l’équipe. Parmi ces actions, nous avons le « fixe dans la

rémunération » ou le minimum vital, c'est-à-dire un forfait qui permet au nouveau vendeur de

répondre à ses besoins existentiels. Il y a également les primes de transport et de communication

qui permettent au vendeur de prospecter, et de disposer d’un outil de communication par lequel il

peut être joint à tout moment. Il y a enfin, la possibilité qui est offerte au nouveau vendeur

64 Système écologique (Bougon et Komocar, 1994)

Page 304: Contribution de la socialisation organisationnelle au

303

d’obtenir des facilités financières, telles que les prêts ou des avances sur commissions, dans la

mesure où il est performant.

Tableau 49. Actions de l'entreprise pour motiver les nouveaux vendeurs

Type d’actions Actions Objectifs

Matérielle

Allouer un espace de travail - maintenir le vendeur - créer les conditions optimales de travail - impliquer le vendeur

Financières

Allouer des primes de transport

- faciliter les déplacements - encourager la prospection

Disposer d’un fixe dans la rémunération

- motiver le vendeur - maintenir le vendeur

Accorder des prêts financiers - maintenir le vendeur - motiver le vendeur

Le dispositif matériel permet aux vendeurs indépendants de « disposer d’un espace de

travail » dans les locaux de l’entreprise, afin d’organiser leur travail et recevoir leurs clients. Ces

dispositifs d’incitation visent deux objectifs : motiver et impliquer les nouveaux vendeurs à la

vie de l’entreprise, et les conserver le plus longtemps possible au sein de l’équipe de vente. Le

premier objectif vise à encourager les vendeurs à surmonter les difficultés auxquelles ils sont

confrontés dans les trois premiers mois qui précèdent leur entrée dans l’entreprise. En effet, de

nombreux responsables commerciaux estiment que les vendeurs sont animés par un sentiment

d’exclusion. Ce sentiment influence négativement leur motivation au travail, la confiance avec le

superviseur, et conforte un comportement d’auto-exclusion qui ne favorise pas leur implication

au travail. Le deuxième objectif vise à maintenir ou à susciter chez les vendeurs l’idée de rester

dans l’entreprise. Ainsi, les entreprises prêtent à ceux qui sont susceptibles de rembourser, au

vue des performances qu’ils réalisent. En outre, notons simplement que les entreprises n’ont

aucune obligation formelle à mettre en place ces dispositifs. Mais, celles qui s’y emploient à le

faire ont un meilleur contrôle sur leur force de vente, et conservent leurs vendeurs le plus

longtemps possible. Alors que les entreprises qui ne mettent pas en place ces dispositifs

enregistrent souvent des départs massifs les trois premiers mois.

1.5.2.2. Les motifs de satisfaction / insatisfaction du vendeur

Les clusters 2 des RC et des NV mettent en évidence deux facteurs d’insatisfaction des

nouveaux vendeurs : la frustration et le revenu. La frustration est souvent considérée comme la

Page 305: Contribution de la socialisation organisationnelle au

304

privation d’une satisfaction. Dans le cluster 2 des RC, cette privation peut être appréciée à partir

des quatre variables qui permettent de l’expliquer.

La première variable se réfère à l’attitude de fermeture des responsables qui prive les

nouveaux vendeurs d’accéder aux informations dont ils peuvent avoir besoin pour assumer

convenablement leur rôle. Elle traduit la volonté des responsables de l’entreprise de ne pas

étendre la gestion des vendeurs au-delà de leur responsable hiérarchique direct. Ce dernier étant

considéré comme le seul interlocuteur des vendeurs au sein de l’entreprise. La deuxième variable

concernant les « promesses non-tenues », empêche le vendeur d’obtenir un emploi salarié qui lui

assurerait une meilleure stabilité dans l’emploi. La décision des dirigeants de ne pas répondre

favorablement aux propositions d’emploi qui ont été faites pour attirer les individus à s’engager

comme vendeur indépendant peut être, soit le fait d’une mauvaise conjoncture économique qui

ne permet pas de recruter, soit simplement la volonté des dirigeants de ne pas en faire des

salariés. Il y a dans cette attitude un « manque de considération » de la part des entreprises vis-à-

vis des vendeurs qu’ils emploient. La troisième variable concerne le paiement irrégulier des

commissions et prive les vendeurs de disposer de leur revenu, et par conséquent des seules

ressources auxquelles ils aspirent pour accomplir leurs missions de vente. La quatrième variable

concerne les commissions perçues par le vendeur, et de façons générales le niveau de

rémunération qu’il espère au regard du travail fourni. En effet, les commissions perçues

constituent pour de nombreux vendeurs l’une des motivations de rester, dès lors que ces

commissions se situent à un niveau élevé. Mais, il arrive très souvent que ces commissions

stagnent ou évoluent peu pour les raisons suivantes : le taux de commissionnement, les

remboursements clients, les ventes réalisées par le vendeur, le défaut de règlement des clients, et

le fait de priver le vendeur des commissions dues.

Concernant le taux de commissionnement, les entreprises mettent en place des systèmes de

commissionnement progressifs qui ont pour objectif d’inciter les vendeurs à vendre davantage et

à améliorer leurs commissions. Mais, les nouveaux vendeurs encore peu expérimentés ne

parviennent pas à atteindre les taux les plus élevés, et par conséquent à relever leurs

commissions. Ce qui constitue un découragement qui peut se traduire par un départ. Le défaut de

règlement concerne les clients qui ne respectent pas leur échéancier de paiement, alors que les

remboursements concernent la restitution par l’entreprise des paiements reçues des clients, dans

la mesure où ces derniers ne sont pas satisfaits des produits ou prestations fournies. Ces défauts

de règlement et remboursement viennent minimiser les commissions perçues par le vendeur, et

constituent une source d’insatisfaction. L’examen des chaines d’argumentation qui mènent au

« remboursement client » met en évidence deux arguments : le premier met en cause le système

Page 306: Contribution de la socialisation organisationnelle au

305

de gestion, dans la mesure où celui-ci n’est pas adapté à la gestion des litiges avec les clients.

Pour obtenir des commissions le vendeur doit vendre les produits qui lui sont confiés. Autrement

dit, il doit prospecter de nouveaux clients et les convaincre d’adhérer à sa proposition. Il doit

aussi travailler dans un environnement concurrentiel qui ne garanti pas le succès. Pour cela, le

vendeur doit avoir les connaissances nécessaires pour atteindre ses objectifs. Le vendeur qui se

sent incapables d’obtenir des ventes, éprouvent naturellement de l’insatisfaction dans leur travail.

Ainsi, le vendeur quittera l’entreprise s’il ne vend pas suffisamment, par contre il restera s’il est

persuadé de d’engranger des commissions. Enfin, le fait de « priver le vendeur des commissions

dues créent chez ce dernier un sentiment d’injustice qui peut le pousser à quitter l’entreprise. On

constate que dans le cluster 2 des NV, il existe une relation indirecte, entre « priver le vendeur

des commissions dues » et « décider de partir », qui met en évidence deux sentiers opposés,

traduisant la complexité du schème.

Par ailleurs, il faut souligner que la frustration du vendeur n’entraine pas systématiquement

son départ de l’entreprise. D’autres facteurs, tel que le « niveau de revenu » peuvent tempérer

l’intention du vendeur à quitter l’entreprise. En effet, le cluster 2 des RC montre aussi que le

niveau de revenu du vendeur influence positivement la décision de partir. Autrement dit, si le

revenu du vendeur est satisfaisant il restera dans l’équipe, même si les promesses ne sont pas

tenues, ou que le paiement est irrégulier. La décision de rester peut être également influencée par

des motifs personnels (le désir de s’assumer), ou des considérations socio-économiques

évoquées dans les paragraphes précédents.

Enfin, le cluster 2 des NV parait plus explicite sur les variables qui expliquent la frustration

du vendeur, et par conséquent son insatisfaction. Hormis le « paiement irrégulier des

commissions déjà traité dans le cluster 2 des responsables commerciaux, nous identifions cinq

nouvelles variables. Parmi ces variables, trois d’entre elles (la différence de traitement des

vendeurs, les conflits entre vendeurs et le fait de priver le vendeur des affaires réalisées

conjointement avec l’entreprise) ont fait l’objet d’un traitement dans l’explication des relations

interpersonnelles. Les deux variables restantes concernent : le « sentiment d’être tenu à l’écart »

et « l’absence de reconnaissance ». Le sentiment d’être tenu à l’écart est un sentiment

d’exclusion vécu par les vendeurs indépendants, au motif qu’ils ne sont pas salariés de

l’entreprise. Cette exclusion est perceptible dans le traitement qui est réservé aux vendeurs,

notamment la gestion de la rémunération, la participation aux activités socioculturelles de

l’entreprise, et quelque fois à travers des signes d’appartenance distinctifs65, comme le souligne

ce responsable commercial « …quand je suis arrivé, j’ai constaté que les vendeurs indépendant

65 Des badges d’identification anonymes qui ne porte pas le nom de l’entreprise.

Page 307: Contribution de la socialisation organisationnelle au

306

portaient des badges qui les distinguaient des autres…j’ai tenu à ce que tout le monde ai le

même badge ». Il est aussi perceptible dans les comportements des salariés, notamment dans les

relations que les vendeurs entretiennent avec les personnels de l’administration des ventes. Cette

frustration empêche le nouveau vendeur de se constituer une nouvelle identité professionnelle, et

se considérer comme un membre à part entière de l’équipe et de l’entreprise.

1.5.3. Les réunions et le travail d’équipe

Les réunions de travail quotidiennes sont une règle de gestion constamment mises en œuvre

dans le management des vendeurs indépendants. Lorsqu’elles sont initiées par l’entreprise, elles

peuvent apparaitre comme une injonction de celle-ci et constituer un mécontentement chez les

vendeurs. Cependant, l’inscription de cette action dans les schèmes cognitifs des trois catégories

d’acteurs justifie l’importance de cette pratique dans le processus d’apprentissage et

l’organisation du travail des vendeurs. Les nouveaux vendeurs pensent en effet que la fréquence

de ces réunions favorise les échanges avec le superviseur et les vendeurs séniors (cluster 3). Les

vendeurs séniors, quant à eux, estiment qu’elles constituent un moyen de contrôle de l’activité

des vendeurs, un moment qui permet d’impulser le travail d’équipe, et surtout une preuve de la

qualité de la supervision des vendeurs indépendants (cluster 1). Enfin, pour les responsables

commerciaux, les réunions quotidiennes sont organisées pour assurer le contrôle des activités des

vendeurs (cluster 1). Ainsi, au lieu de paraitre un point de désaccord entre les vendeurs et leur

entreprise, les réunions journalières permettent de créer un espace d’interactions permanentes

entre les vendeurs, et entre ceux-ci et leur superviseur. Elles permettent aussi d’organiser et de

contrôler le travail des vendeurs, de résoudre les conflits qui les opposent, et par conséquent de

faciliter l’apprentissage des nouveaux vendeurs. Une absence de réunion peut, au contraire, être

préjudiciable au bon fonctionnement de l’équipe de vente, et retarder l’adaptation du vendeur.

Par ailleurs, le travail d’équipe est souvent considéré comme un formidable outil fédérateur,

qui permet à l’entreprise de faire travailler ensemble des vendeurs expérimentés avec les

nouveaux vendeurs. Mais, il arrive aussi que des vendeurs se regroupent spontanément pour

mutualiser leurs efforts afin d’atteindre leurs objectifs. L’existence d’un pôle contrasté, laisse

penser que le travail en équipe est plutôt apprécié par les nouveaux vendeurs par rapport au

travail en individuel. Cette tendance peut s’expliquer par le fait que, les nouveaux vendeurs

éprouvent encore un besoin important d’informations sur leur travail. L’analyse distingue deux

clusters qui traitent particulièrement du travail en équipe, le cluster 2 des NV et le cluster 1 des

VS. Le cluster 2 des NV met en évidence les variables explicatives et les conséquences du

concept. On notera par exemple que, la concurrence entre vendeurs favorise davantage le travail

Page 308: Contribution de la socialisation organisationnelle au

307

en individuel que le travail en équipe ; et que le travail en équipe stimule le vendeur à faire des

efforts dans le travail, et par conséquent à être performant. Mais, c’est dans le cluster 1 des

vendeurs séniors que la contribution du travail en équipe est significative. En effet, le travail en

équipe est perçu comme un moyen qui permet d’atteindre quatre objectifs : (1) les échanges avec

les vendeurs séniors, pour acquérir les connaissances et comportements nécessaire pour tenir son

rôle et accomplir ses taches ; (2) l’esprit d’équipe, pour assurer un climat de travail propice à la

réalisation des performances ; (3) la performance collective, comme aboutissement des efforts

réalisés par l’équipe de vente ; et (4) confiance réciproque des membres de l’équipe, comme

moyen de coordination des activités au sein de l’équipe.

2. Les concepts dominants de la socialisation des vendeurs indépendants

Cette analyse permet d’identifier les préoccupations dominantes autour desquelles les

principaux acteurs du processus de socialisation du vendeur indépendant organisent leurs

représentations. Les résultats obtenus dans les tableaux présentés ci-après procèdent du

croisement entre les critères de centralités et de domaine les plus importants de chaque carte

collective. Après une présentation des principaux résultats obtenus (2.1), nous proposons

d’analyser les concepts les plus importants dans le management des vendeurs indépendants (2.2).

2.1. Les résultats du croisement de la centralité et du domaine

2.1.1. Les concepts les plus importants de chaque carte collective

Pour obtenir les concepts les plus importants, nous avons croisé les dix concepts de centralité

et de domaine qui réalisent les scores les plus élevés, à partir des données fournies par le logiciel

« Decision Explorer ».

2.1.1.1. La carte des nouveaux vendeurs

Dans la carte des nouveaux vendeurs, la correspondance entre les préoccupations obtenues par

le calcul de centralité et celui de domaine est plus ou moins élevée, puisqu’elle concerne six

concepts sur dix. Par conséquent, les concepts qui cristallisent les préoccupations des nouveaux

vendeurs sont :

§ Motiver le vendeur

§ Travailler comme indépendant…salarié

§ Commissions perçues

Page 309: Contribution de la socialisation organisationnelle au

308

§ Echanger avec le superviseur

§ Frustrer le vendeur

§ Maitriser les aspects techniques du travail

Tableau 50. Croisement des critères de centralité et de domaine de la carte collective des

nouveaux vendeurs.

Centralité Domaine Motiver le vendeur Travailler comme indépendant…salarié Commissions perçues Echanger avec le superviseur Disposer d’un revenu Frustrer le vendeur Travailler comme indépendant…salarié Commissions perçues Connaissance de l’emploi proposé Echanger avec les vendeurs séniors Ventes réalisées par le vendeur Maitriser les aspects techniques du travail Promesse d’un emploi salarié Accompagner le vendeur sur le terrain Maitriser les aspects techniques du travail Conflits entre vendeurs Echanger avec le superviseur Rechercher l’information Frustrer le vendeur Motiver le vendeur

2.1.1.2. La carte des vendeurs séniors

La carte des vendeurs séniors présente l’existence d’une relative similitude entre les concepts

centraux et les concepts dont le domaine est élevé, puisque sept concepts sur dix sont les mêmes

dans les deux cartes. Les préoccupations les plus importantes des vendeurs séniors reposent sur

les concepts suivants :

§ Acquérir des compétences

§ Accompagner sur le terrain…formation en salle

§ Maitrise des aspects techniques du travail

§ Rechercher l’information

§ Echanger avec les vendeurs séniors

§ Niveau de revenu

§ Statut d’indépendant

Page 310: Contribution de la socialisation organisationnelle au

309

Tableau 51. Croisement des critères de centralité et de domaine de la carte collective des

vendeurs séniors.

Centralité Domaine Acquérir des compétences Accompagner le vendeur sur le terrain Maitriser les aspects techniques du travail Maitriser les aspects techniques du travail Encadrer les nouveaux vendeurs… Acquérir des compétences Accompagner le vendeur sur le terrain Rechercher l’information Rechercher l’information Echanger avec les vendeurs séniors Echanger avec les vendeurs séniors Sélection des candidats Niveau de revenu Statut d’indépendant Expérience dans la vente Niveau de revenu Conflits entre vendeurs Dimensions commerciales Statut d’indépendant S’ouvrir aux autres

2.1.1.3. La carte des responsables commerciaux

Dans la carte des responsables commerciaux, nous relevons une forte correspondance entre

les concepts centraux et les concepts dont le domaine est élevé, puisque sept des dix concepts

sont identiques. Les préoccupations des responsables commerciaux se définissent comme suit :

§ Gérer autrement les vendeurs

§ Maitriser les aspects techniques

§ Motiver le vendeur

§ Information véhiculée lors de l’entretien

§ Degré de réalisation de l’objectif

§ Acquérir des compétences

§ Recruter par la DRH

Tableau 52. Croisement des critères de centralité et de domaine de la carte collective des

responsables commerciaux.

Centralité Domaine Gérer autrement Gérer autrement Maitriser les aspects techniques du travail Maitriser les aspects techniques du travail Motiver le vendeur Performance du vendeur Avoir un fixe dans la rémunération Echanger avec les vendeurs séniors Information véhiculée à l’entretien Sélection des candidats Degré de réalisation de l’objectif Degré de réalisation de l’objectif Prime de transport Recruter par la DRH Acquérir des compétences Information véhiculée à l’entretien Recruter par la DRH Acquérir des compétences Renouveler les règles de travail Motiver le vendeur

Page 311: Contribution de la socialisation organisationnelle au

310

2.1.2. Les concepts les plus importants des trois cartes collectives

Pour obtenir les concepts les plus importants des trois cartes cognitives, nous avons procédé

par un croisement par paire des résultats obtenus sur le croisement des critères de centralité et de

domaine de chaque carte. Cette opération a permis d’identifier les concepts les plus importants

par paire de carte, puis d’isoler le concept le plus important pour les trois catégories d’acteurs

(Cf. tableau 26). Ces concepts représentent les préoccupations les plus importantes à prendre en

compte dans le management des vendeurs indépendants.

Tableau 53. Mise en évidence du concept le plus important

NV/VS NV/RC RC/VS Maitriser les aspects techniques du travail

Maitriser les aspects techniques du travail

Maitriser les aspects techniques du travail

Motiver le vendeur Acquérir des compétences

2.2. Analyse des préoccupations dominantes des trois cartes collectives

Les concepts identifiés comme étant les plus importants des cartes cognitives des trois

catégories d’acteurs constituent des repères indispensables qui vont servir de guide dans les

décisions et actions que les acteurs mettent en place pour orienter l’activité du vendeur au cours

de son intégration dans l’entreprise. Pour cela, elles forment dans ce contexte précis les

principaux axes du management des vendeurs indépendants.

Dans ce paragraphe, nous analysons les préoccupations qui entourent l’acquisition des

connaissances et compétences nécessaires à l’exercice du métier de vendeur (2.2.1). Puis, nous

parlerons de l’importance de la motivation dans l’activité des vendeurs indépendants (2.2.2).

Enfin, nous traiterons de la place centrale de la « maitrise des aspects techniques du travail »

dans la pensée des trois catégories d’acteurs (2.2.3).

2.2.1. L’acquisition des compétences

La compétence du vendeur peut être appréhendée comme l’ensemble des connaissances, des

aptitudes, et des comportements acquis à l’issue de la formation ou des interactions avec les

autres membres de l’équipe. La compétence est une variable qui est particulièrement influencée

par de nombreuse autres variables (l’expérience accumulée dans la vente, le niveau scolaire, la

maitrise des aspects techniques du travail, la recherche d’information…), mais elle impacte

seulement quelques variables liés au rendement et à la croissance (ventes, performance…). Ce

Page 312: Contribution de la socialisation organisationnelle au

311

qui explique une acquisition des compétences, essentiellement axées dans le domaine

commercial.

De façon générale, la compétence peut être appréciée à travers les savoirs, et les savoir-faire

développés par le vendeur. Nous présentons, dans un premier instant, ces savoirs et savoir-faire

spécifiques. Ensuite, nous traiterons dans un deuxième temps des conséquences de celles-ci sur

le turnover des vendeurs indépendants.

2.2.1.1. Les savoirs et savoir-faire essentiels

Les savoirs portent sur les connaissances essentielles qui permettent au vendeur d’exercer son

activité. Ces savoirs sont présents dans toutes les cartes, et le plus souvent reliés directement ou

indirectement à la compétence du vendeur. Ils portent essentiellement sur les produits et les

services, les techniques de vente, les procédures de vente et l’entreprise.

Les savoir-faire sont des compétences acquises par l’expérience dans l’exercice d’un métier.

Il s’agit des savoirs qui sont tirés de l’action du vendeur. Les savoirs faire se réfèrent donc aux

comportements et attitudes acquis ou qu’il est nécessaire d’acquérir pour exercer

convenablement son activité. Ils sont aussi dans leur majorité partagés par l’ensemble des

acteurs, cependant des clivages existent notamment entre les anciens et les nouveaux vendeurs.

Ainsi, on peut constater que certains nouveaux se sentent suffisants, et ne se rapprochent pas

suffisamment des anciens pour apprendre davantage sur le métier ; il arrive aussi très souvent

que les nouvelles recrues ne prennent pas d’initiatives personnelles, particulièrement dans la

recherche d’information ; et il existe enfin une tendance forte à l’action personnelle portée par le

caractère individualiste du travail d’indépendant, qui ne permet pas le partage des expériences.

Tous ces comportements ont pour effet de ralentir la transmission des connaissances, de priver

les nouveaux vendeurs des capacités nécessaires à la vente, et par conséquent de réduire

l’incertitude à disposer d’un revenu satisfaisant.

Savoirs faire · Maitriser les aspects techniques du travail

· Etre ouvert aux autres…paraitre suffisant

· Rechercher l’information…l’attendre

· Travailler en équipe…l’action individuelle

· Echanger avec le superviseur

· Echanger avec les vendeurs séniors

· Prospecter les clients

· Etablir les relations

· Etablir de nouvelles règles de travail

· Disposer de l’information sur le travail

Page 313: Contribution de la socialisation organisationnelle au

312

Par ailleurs, il faut souligner que les compétences présentées ci-dessus s’inscrivent surtout

dans une perspective commerciale. Cette tendance dénote de la volonté, aussi bien des

responsables commerciaux que des nouveaux vendeurs, à inscrire leur collaboration dans des

objectifs vente à court terme. D’une part, l’entreprise espère que le nouveau vendeur devienne

rapidement opérationnel. Elle s’emploie donc à lui donner les connaissances essentielles

permettant de proposer un produit, et de le défendre auprès d’une clientèle. D’autre part, le

vendeur sait que sa rémunération dépend des ventes qu’il réalise. Pour ce faire, Il va être

d’abord préoccupé par l’acquisition des compétences nécessaires à la vente. Ces préoccupations

mettent en avant l’aspect commercial du travail de vendeur indépendant, et occultent les aspects

relationnels. Cependant, en observant attentivement la carte cognitive des vendeurs séniors, on

notera à travers les chaines d’argumentation que ces derniers sont pratiquement les seules à

intégrer dans le programme de formation, la dimension entrepreneuriale. En effet, même si la

formation des vendeurs est orientée sur les aspects commerciaux, les vendeurs séniors partagent

aussi avec leurs « protégés », leur perception du travail d’indépendant. Mais, Pour autant leurs

actions restent très marginales, car on ne perçoit pas dans les comportements des vendeurs des

changements notables.

2.2.2. L’influence de la compétence sur les comportements et attitudes du vendeur

Il faut souligner que les compétences acquises par le vendeur n’influencent pas directement

son comportement, mais qu’elles agissent par l’intermédiaire d’autres variables exprimant, le

plus souvent, le résultat. Ainsi, dans le cluster 2 des vendeurs séniors, la chaine d’argumentation

qui part du concept « acquérir des compétences » à la « décision de rester », passe par trois

autres concepts, « ventes réalisées par le vendeur, « performance du vendeur » et « Disposer

d’un revenu. Autrement dit, un vendeur peut décider de rester dans l’équipe et dans l’entreprise,

parce qu’il a le sentiment que les compétences acquises lui permettent d’être performant et de

disposer d’un revenu satisfaisant. La compétence donne donc au vendeur une certaine aisance

dans l’accomplissement de son travail, et l’assurance des gains ultérieurs. Elle favorise l’estime

de soi spécifique à la tache (Task Specific Self-Estime) que Bagozi (1978), puis Dubinsky et al

(1986) traduisent comme la maitrise qu’un vendeur peut avoir des taches qui relèvent de son

activité. Ainsi, les vendeurs indépendants qui parviennent à un tel niveau de compétence,

envisagent de continuer dans la vente, et souvent dans la même entreprise. Dans le sens

contraire, lorsque le vendeur peine à maitriser son travail, il n’obtient pas de bon résultats de

ventes. Il peut partir de sa propre initiative, parce que ces revenus sont très faibles. Il peut aussi

être démis de ses fonctions par l’entreprise qui craint que ces mauvaises performances

constituent un mauvais exemple pour les nouveaux.

Page 314: Contribution de la socialisation organisationnelle au

313

Par ailleurs, les chaines d’argumentation reliant l’acquisition des compétences aux variables

du turnover (Cf. cluster 3 VS, cluster 2 NV, cluster 1RC) indiquent que la focalisation des

connaissances sur la seule dimension commerciale, n’entraine pas nécessairement le départ des

nouveaux vendeurs. Autrement dit, dans la pensée des acteurs, les compétences commerciales

sont les seules qui vaillent, dans la mesure où elles permettent au nouveau vendeur de générer

des ventes, et par conséquent des revenus pour lui-même et pour l’entreprise. Les compétences

relatives à sa qualité d’entrepreneur individuelle apparaissent de façon insignifiante, sans réel

incidence sur le rôle du vendeur indépendant. Ces résultats remettent donc partiellement en cause

l’idée qu’une connaissance imparfaite de son rôle serait à l’origine du turnover des nouveaux

vendeurs. En effet, le constat général que nous dressons présente les compétences commerciales

comme un moyen permettant au vendeur d’accomplir seulement les taches qui relèvent de son

activité. Le vendeur parvient à vendre et à atteindre les objectifs qui lui sont fixés, mais il n’a pas

toujours les connaissances nécessaires qui lui permettent de tenir le rôle qu’impose son statut

d’indépendant. En outre, l’absence de connaissances en entrepreneuriat laisse penser que les

nouveaux vendeurs peuvent difficilement envisager l’évolution de leur activité dans le long

terme. En effet, les vendeurs indépendants n’appréhende pas toujours le coté entrepreneur de leur

activité, se privant ainsi la possibilité de passer à terme, de l’individu agent commercial à une

agence commerciale plus structurée.

2.2.3. La motivation de vendeurs

La motivation est définie par Moulinier (2005, p.274) « comme l’ensemble des facteurs qui

inspirent, encourage et poussent les commerciaux à réaliser durablement le travail requis ».

Comme dans la majorité des définitions, celle-ci caractérise la motivation seulement à partir de

ses déterminants donnant ainsi une vue partielle de son potentiel explicatif. Dans le cadre de

cette recherche le concept « motiver le vendeur » apparait dans les schèmes cognitifs de

l’ensemble des acteurs, mais c’est dans la paire nouveau/responsables commerciaux (NV/RC)

qu’il occupe une position importante. Il est présenté davantage comme un facteur influencé,

c'est-à-dire un résultat ou un objectif à atteindre, au regard du nombre de variables qui

l’influence directement.

La motivation joue un rôle central dans le management des vendeurs indépendants. Nous

présentons dans ce passage les ressorts de cette motivation dans le contexte particulier des

activités d’un agent commercial, puis nous précisons son influence sur les attitudes et

comportements du vendeur.

Page 315: Contribution de la socialisation organisationnelle au

314

2.2.3.1. Les ressorts de la motivation du vendeur indépendant

Dans les cartes cognitives collectives étudiées, le nombre de facteurs influençant directement

la variable « motiver le vendeur », est plus important que celui des facteurs influencés par elle.

Ce qui dénote d’un intérêt plus prononcé chez ces acteurs pour les résultats que pour les moyens

(Cf. tableau 28). Autrement dit, la motivation est un objectif fondamental pour le management

des vendeurs indépendants dans ce contexte.

Tableau 54. Déterminants et conséquence de la motivation du vendeur indépendant.

Carte cognitive

Motivation Concepts influençant Concepts influencés

Responsables commerciaux

Avoir un fixe dans la rémunération Disposer d’un revenu Prime de transport Sentiment d’exclusion

Impliquer le vendeur Faire des efforts dans le travail

Nouveaux vendeurs Aide financière Disposer d’un revenu Paiement irrégulier commission Promesse d’un emploi salarié

Acquérir des compétences Relever les challenges

Vendeurs séniors Conflits avec le superviseur Conflits entre vendeurs Formation des barrières psychologiques

S’ouvrir aux autres

Un examen plus attentif des concepts influençant permet de constater que certaines variables

ont une influence positive (avoir un fixe, disposé d’un revenu, avoir une prime de transport,

bénéficier aide financière, promesse d’un emploi salarié) sur la motivation du vendeur, alors que

d’autres variables ont plutôt une influence négative (sentiment d’exclusion, paiement irrégulier

commission). Ainsi, selon que la variable est positive ou négative, la motivation permet

d’encourager le vendeur ou au contraire le décourager à « faire des efforts dans le travail », à

s’impliquer davantage dans leur travail, à « acquérir des compétences » et à « relever les

challenges ». Cette ambivalence caractérise le système de motivation développé dans les

organisations de vente employant des vendeurs indépendant. D’une part, les entreprises

proposent à leurs nouveaux vendeurs des avantages financiers et matériels qui leur permettent de

lancer leurs activités et de les stimuler. D’autre part, elles paraissent plus fragile à assurer

certaines « prestations » qui sont considérées par les vendeurs comme une marque de

considération à leur égard, telle que le paiement régulier de la commission ou le fait de

considérer le vendeur comme un membre de l’entreprise. Dans le même esprit, l’influence

négative des variables influençant la motivation du vendeur dans la carte cognitive des vendeurs

séniors, va agir négativement sue la capacité des nouveaux vendeurs à s’ouvrir aux personnes

déjà en place dans l’organisation.

Page 316: Contribution de la socialisation organisationnelle au

315

Par ailleurs, nous remarquons qu’un concept, « disposer d’un revenu », est la « pierre

angulaire » de la motivation du vendeur indépendant, car il est partagé par la paire d’acteurs

« nouveau vendeur/responsable commercial » (NV/RC) sur la quelle porte cette analyse.

Autrement dit, ces acteurs s’accordent parfaitement sur le fait que c’est la possibilité de se

constituer un revenu et surtout d’atteindre des niveaux de revenu élevé qui va motiver le nouveau

vendeur. Ainsi, les agents de recrutement s’appuient traditionnellement sur cet argument pour

attirer et inciter ceux qui hésitent encore à rejoindre leur équipe.

2.2.3.2. L’influence de la motivation sur les comportements et attitudes du

vendeur

La motivation est un facteur clé du management de la force de vente. Dans certaines

organisations de vente employant des vendeurs indépendants, elle occupe une place centrale dans

le dispositif de gestion dans la mesure où elle est levier important pour moduler les

comportements et attitudes des vendeurs qui, juridiquement ne sont pas assujettis à l’entreprise.

L’examen des chaines d’argumentation reliant le concept « motiver le vendeur » aux variables

du turnover montre que la motivation n’agit pas directement sur ce dernier, mais que son action

dépend en partie de l’influence qu’elle exerce sur des variables intermédiaires qui vont, soit

pousser le vendeur à quitter l’entreprise, soit le décider à demeurer dans l’équipe.

Dans la carte cognitive collective des nouveaux vendeurs nous avons identifié quatre chaines

d’argumentation qui nous propose plusieurs explications sur le turnover des vendeurs

indépendants. La première et la plus longue chaine d’argumentation relie le concept « motiver le

vendeur » au concept « décider de rester » en passant par quatre autres concepts, « acquérir des

compétences », « ventes réalisées par le vendeur », « commissions perçues » et « disposer d’un

revenu élevé ». Autrement dit, un vendeur motivé peut en acquérant des compétences être

productifs et percevoir des commissions de plus en plus importantes qui vont le convaincre de

rester dans l’équipe.

Extrait de carte 4. Chaine d'argumentation N°1 sur la motivation du vendeur (NV)

10 Commissionsperçues

21 Acquérir descompétences

28 Décider de resterdans l'équipe

51 motiver levendeur

57 Disposer d'unrevenu élevé

64 Ventes réaliséspar le vendeur

Page 317: Contribution de la socialisation organisationnelle au

316

La deuxième chaine d’argumentation est formée sur le sillage de la première, avec un concept

en moins et relie le concept « motiver le vendeur » au concept « décider de partir » en passant

par les concepts « acquérir des compétences », « ventes réalisées par le vendeur »,

« commissions perçues ». La jonction avec la première chaine se fait au niveau du concept

« commissions perçues », et permet de constater qu’un vendeur motivé peut acquérir des

compétences qui vont lui permettre de vendre et percevoir des commissions, puis décider de

quitter l’entreprise. Dans cas, nous supposons que les commissions perçues ne sont pas assez

importante pour permettre au vendeur de rester.

Extrait de carte 5. Chaine d'argumentation N°2 sur la motivation du vendeur (NV)

8 Décider de partir

de l'entreprise

10 Commissions

perçues

21 Acquérir descompétences

51 motiver levendeur

64 Ventes réalisés

par le vendeur

La troisième chaine d’argumentation est également construite sur le sillon de la première,

mais elle est rattachée à celle-ci à partir du concept « ventes réalisées par le vendeur ».

L’argument indique qu’un vendeur motivé est encouragé à acquérir des compétences qui vont lui

permettre de vendre et d’être performant. C’est sur la base de cette performance qu’il est

maintenu dans l’effectif de l’équipe. Autrement dit, la performance est un indicateur du turnover

car si le vendeur n’est pas performant il peut être démis de son poste.

Extrait de carte 6. Chaine d'argumentation N°3 sur la motivation du vendeur (NV)

21 Acquérir descompétences

23 Performance duvendeur

51 motiver levendeur

64 Ventes réaliséspar le vendeur

68 Maintenir lacollaboration ... la

rompre

La quatrième chaine d’argumentation relie le concept « motiver le vendeur » à celui de

« décider de rester » en passant par trois autres concepts, « relever les challenges », « promesse

d’un emploi salarié » et « travailler comme indépendant… ». En d’autres termes, la motivation

encourage le vendeur à relever les défis qui sont soutenus par des promesses qui lui sont faites, et

persuade ce dernier d’accepter le statut d’indépendant, et par conséquent de demeurer dans

Page 318: Contribution de la socialisation organisationnelle au

317

l’équipe de vente. Le vendeur ne reste que parce qu’il a espoir de devenir à terme un salarié de

l’entreprise.

Extrait de carte 7. Chaine d'argumentation N°4 sur la motivation du vendeur (NV)

5 Travailler commeindépendant ...

salarié

28 Décider de resterdans l'équipe

36 Relever leschallenges

51 motiver levendeur 58 Promessse d'unemploi salarié

Dans la carte cognitive collective des responsables commerciaux, nous avons dénombrés

quatre chaines d’argumentation. Les deux premières relient le concept « motiver le vendeur » au

concept « décider de rester ». Elles sont constituées sur les mêmes bases, et suivent la même

trajectoire en passant par les concepts « faire des efforts » et « performance ». Ce dernier concept

fait la jonction entre les deux chaines d’argumentation, et continu respectivement par les

concepts « accorder les prêts financiers » et « bien être dans l’entreprise » qui donne un sens à

l’argumentation. L’argument principal indique qu’un vendeur motivé est encouragé à consentir

des efforts qui le rendent performant dans son travail. Cette performance peut le convaincre à

rester dans l’équipe s’il bénéficie de certains avantages comme par exemple se voir « accorder

des prêts financiers ». Elle peut aussi le persuadé à rester si le vendeur parvient à s’épanouir dans

son travail. Ainsi, la propension d’un vendeur performant à rester dans l’équipe est amplifiée par

les variables « accorder des prêts financiers » et « bien être dans l’entreprise » qui forment deux

sentiers parallèles. Parallèlement, il faut souligner que certaines entreprises accordent également

des prêts, ou facilitent des prêts bancaires à leurs vendeurs pour les conserver dans leur équipe.

Un vendeur performant peut être incité à partir de l’entreprise dès lors qu’il développe une très

forte estime de soi.

Extrait de carte 8. Chaine d'argumentation N°1 sur la motivation du vendeur (RC)

12 Accorder des

prêts financiers

21 Bien être dansl'entreprise

22 motiver levendeur

32 Faire des effortsdans le travail

55 Décider de resterdans l'équipe

56 performence duvendeur

La troisième chaine d’argumentation suit le même chemin que les deux précédentes. Elle relie

le concept « motiver le vendeur » au concept « décider de partir » en passant par les concepts

« faire des efforts dans le travail », « performance du vendeur » et « niveau de revenu ».

Page 319: Contribution de la socialisation organisationnelle au

318

L’argument développé est qu’un vendeur performant peut aussi décider de partir de l’entreprise

si le niveau de son revenu ne le satisfait pas. Plusieurs raisons, souvent extérieur au vendeur,

peuvent expliquer cela.

Extrait de carte 9. Chaine d'argumentation N°2 sur la motivation du vendeur (RC)

12 Accorder desprêts financiers

22 motiver levendeur

32 Faire des effortsdans le travail

56 performence duvendeur

57 Maintenir levendeur ... s'en

séparer

La quatrième chaine d’argumentation part du concept « motivation du vendeur » au concept

« impliquer le vendeur ». Elle indique qu’un vendeur motivé s’implique nécessairement dans son

travail.

2.2.4. La maitrise des aspects techniques du travail : un concept central dans le

processus de socialisation du vendeur indépendant

De façon générale, le concept « maitriser les aspects techniques du travail » exprime

l’ensemble des connaissances, des habilités, et aptitudes relatives aux taches de nature

commerciales qui incombent au vendeur. Il regroupe aussi toutes les formes de contingences

individuelles et organisationnelles qui peuvent avoir un impact sur la capacité du vendeur à

accomplir convenablement ces taches. Ces taches se situent dans le « cœur de compétence » du

vendeur, et qui doivent être nécessairement accomplies pour conquérir une clientèle.

Le concept « maitriser les aspects techniques du travail » est le concept central des schèmes

cognitifs des trois catégories d’acteurs retenus dans cette recherche. Autrement dit, il représente

le « repère » autours duquel les trois catégories d’acteurs construisent leurs représentations du

travail d’un vendeur indépendant ; et surtout l’élément qui va impacter de façon déterminante les

décisions et les actions des individus qui sont mises en œuvre par ces trois acteurs majeurs de la

force de vente.

Dans les cartes cognitives étudiées, le concept « maitriser les aspects technique du travail »

est plutôt identifié comme un résultat ou une conséquence, au regard du nombre important de

liens directs qui l’influence. Il est par conséquent considéré par les acteurs comme un objectif

fondamental, ou un résultat primordial vers lequel sont orientées leurs actions. Ainsi, la maitrise

des aspects technique du travail est appréhendée comme la compétence essentielle, et même

Page 320: Contribution de la socialisation organisationnelle au

319

suffisante du vendeur indépendant. Une étude des antécédents permet donc de distinguer les

éléments qui favorisent ou non la formation de cette compétence. Dans un souci de clarté, nous

avons sélectionné, puis repartis ces antécédents en quatre catégories : les connaissances requises,

les qualités recherchés, et les aptitudes nécessaires (Cf. tableau ci-dessous).

Tableau 55. Antécédents de la maitrise des aspects techniques du travail

Antécédents de « maitrise des aspects techniques du travail »

Connaissances requises

Connaitre les produits Connaitre l’entreprise Connaitre les procédures de vente Connaitre les techniques de vente Connaitre l’emploi proposé

Qualités recherchées

Niveau scolaire Qualité de l’expression Formation à la vente Expérience acquise dans la vente

Aptitudes nécessaires

Rechercher l’information Disposer de l’information en temps réel

Contingences

Concurrence entre vendeurs Renouveler les règles de travail Instabilité de l’emploi occupé

Les connaissances requises font référence aux connaissances dont à besoins un vendeur pour

vendre. Elles renferment les éléments nécessaires à la pratique du métier de vendeur. Certaines

connaissances revêtent une forme de constance dans leur contenu, c’est le cas des techniques de

vente qui, fondamentalement sont identiques d’une entreprise à l’autre, même si elles requièrent

parfois des adaptations ; d’autres au contraire doivent être renouveler en fonction des

circonstances (nouveau produit, changement d’entreprise ou de secteur d’activité) ou du

caractère. Ainsi, un vendeur nouveau dans l’entreprise mais ancien dans le métier nécessitera

quelques adaptations, alors qu’un vendeur nouveau dans le métier aura systématiquement besoin

de l’ensemble des connaissances. La maitrise de ces connaissances est nécessaire dans

l’adaptation du nouveau vendeur à son travail. Cependant, il arrive très souvent qu’un vendeur

ait une bonne maitrise des aspects techniques de son travail, sans que ces éléments soient

intégrés dans son système de valeurs. C’est le cas de la plupart des vendeurs indépendants qui

vendent pour le compte de plusieurs entreprises. Aussi, nous pensons qu’une entreprise qui veut

s’attirer les faveurs d’un vendeur indépendant, doit s’assurer que ce dernier intègre effectivement

ses valeurs.

Page 321: Contribution de la socialisation organisationnelle au

320

Le concept « maitriser les aspects technique du travail » dépend aussi de quatre variables qui

expriment l’existence chez le nouveau vendeur de certaines dispositions identifiées lors du

processus de recrutement/sélection. Ces qualités sont exprimées à travers quatre variables :

l’expérience acquise dans la vente, la formation à la vente, le niveau scolaire et la qualité de

l’expression. Les deux premières variables se réfèrent aux connaissances commerciales acquises

par un individu dans ses apprentissages antérieurs, à travers les emplois occupés ou le cursus de

formation. Ces apprentissages, plus connus sous le terme « socialisation anticipée », ont un

impact considérable sur la maitrise par le nouveau vendeur des pratiques commerciales. Les

deux dernières variables expriment des qualités de base nécessaires, mais pas suffisantes à

l’exercice du métier de vendeur. Elles constituent, dans des contextes de pénurie de vendeurs

qualifiés, les critères sur lesquels s’appuient les entreprises pour recruter des vendeurs. Le

« niveau scolaire » se réfère au niveau de connaissances culturelles que doit posséder un

vendeur, alors que la « qualité d’expression » renvoi à la capacité à se faire comprendre. Ainsi,

les entreprises considèrent qu’un individu d’un niveau scolaire élevé qui sait transmettre ses

messages peut rapidement « maitriser les aspects techniques de son travail ».

Ensuite, nous avons identifié deux variables qui traduisent la capacité des nouveaux vendeurs

à favoriser personnellement leur propre apprentissage : « rechercher l’information », « disposer

de l’information en temps réel ». Ces variables font référence à la proactivité du nouveau

vendeur, c'est-à-dire à la capacité de ce dernier à trouver l’information dont il a besoin pour

accomplir ses taches. En effet, en recherchant activement l’information, le nouveau vendeur

déclenche un processus d’acquisition de connaissances qui se fait à travers les interactions qu’il

établit avec le superviseur et les collègues vendeurs déjà en place dans l’organisation. Le concept

« disposer de l’information en temps réel » découle de cette activité de recherche d’information.

Il exprime la capacité du nouveau vendeur à mobiliser les connaissances nécessaires pour

accomplir ses taches. Par conséquent, un vendeur qui recherche activement l’information et sait

la mobiliser dans le cadre de son activité, parvient à « maitriser les aspects techniques de son

travail ».

Enfin, nous avons identifiés trois variables dites contingentes, car elles n’émanent pas

des individus, mais plutôt des artefacts organisationnels : la « concurrence entre vendeurs »,

« instabilité de l’emploi occupé », et « renouveler les règles du travail ». Les deux premières

variables influencent négativement la capacité du vendeur à « maitriser les aspects techniques de

son travail », pour des raisons différentes. La « concurrence entre vendeurs », parce qu’elle crée

potentiellement des conflits au sein de l’équipe de vente ; et « L’instabilité de l’emploi occupé »,

dans la mesure où elle engendre de l’anxiété et de l’incertitude chez le vendeur. La troisième

Page 322: Contribution de la socialisation organisationnelle au

321

variable, « renouveler les règles de travail », influence positivement le concept « maitriser les

aspects techniques de son travail ». Elle indique surtout qu’une adaptation des pratiques de

management au vendeur indépendant, a un effet positif sur la capacité de ce dernier à

s’approprier les outils essentiels de son travail.

Tableau 56. Synthèse de l'analyse de contenu des cartes collectives

Responsable commercial Nouveau vendeur Vendeur sénior

Principales réoccupations des acteurs Recrutement des vendeurs indépendants

Attirer les candidats Attirer les candidats par des promesses

Logique de carrière Emploi par défaut Tremplin

Formation et acquisition des compétences

Accompagner sur le terrain plutôt que la formation en salle

Encadrement des nouveaux par les séniors

Relations interpersonnelles Conflit générationnel Conflits entre vendeurs Conflits entre vendeurs et superviseur

Statut et rôle du vendeur indépendant

Vendeur instable ; préserver l’image et de la marque ou de l’enseigne

Contrat d’exclusivité : supervision contraignante / Précarité

Performance du vendeur Ventes, efforts du vendeur, frustrer / motiver le vendeur, réunions quotidiennes, travail d’équipe

Ventes, efforts du vendeur, frustrer / motiver le vendeur, réunions quotidiennes

Concepts dominants

Maitriser les aspects techniques du travail. Motiver le vendeur

Maitriser les aspects techniques du travail. Acquérir des compétences

Nous retenons que :

- Les entreprises attirent les candidats au poste de vendeur indépendant par tous les moyens;

- Les vendeurs acceptent les emplois d’indépendant, soit pour y faire carrière, soit par défaut ;

- les entreprises privilégient l’accompagnement sur le terrain par un tuteur ;

- Les vendeurs s’acceptent difficilement dans leur travail ;

- Les entreprises emploient exclusivement leurs vendeurs afin de préserver leur image et d’avoir

un contrôle direct sur eux.

- Les vendeurs sont motivés et fournissent des efforts importants en vue d’obtenir des revenus

élevés ;

- L’apprentissage et les connaissances acquises portent essentiellement sur les aspects

commerciaux.

Page 323: Contribution de la socialisation organisationnelle au

322

SECTION 3. DES CARTES COGNITIVES A LA SOCIALISATION DU VENDEUR INDEPENDANT

Notre recherche avait pour objectif de comprendre le management des vendeurs indépendants,

et d’expliquer les comportements de ces derniers au moment où ils intégraient l’entreprise. Pour

cela, nous avons étudié les représentations des trois principaux acteurs sur la socialisation du

vendeur indépendant afin d’extraire les principales préoccupations qui se dégagent des

situations. Selon Cossette (2008), ces préoccupations peuvent porter sur des questions, des

problèmes ou enjeux particuliers et variés pouvant avoir une grande influence, dans notre cas,

sur l’intégration des nouveaux vendeurs

L’approche conceptuelle que nous avons développé dans cette recherche, considère la

socialisation du vendeur indépendant comme un processus de construction de la relation

managériale (Ayache et Laroche, 2010). Les résultats obtenus dans les deux premières sections

de ce chapitre, sous forme de préoccupations et les situations dégagées dans l’étude exploratoire

constituent les éléments de cette relation. Les préoccupations, comme les situations sont reprises

dans cette section et confrontés aux trois domaines de socialisation, le travail, le groupe de

travail, et l’organisation.

Nous distinguons les préoccupations structurantes, communes à tous les acteurs qui

permettent d’appréhender les séquences du processus de socialisation des vendeurs indépendants

(1) ; et les préoccupations particulières servent de principes d’actions aux agents socialisateurs

(2).

1. Les préoccupations structurantes du processus de socialisation du vendeur

indépendant

Cette partie met en perspective le processus de socialisation du vendeur indépendant à travers

les deux processus sous-jacents d’apprentissage et d’intériorisation de la socialisation. L’idée

générale est de mettre en évidence les situations de gestion et les préoccupations partagées par

les trois catégories d’acteurs, et les divergences de fond.

1.1. Un recrutement pensé pour attirer les meilleurs profils

L’un des objectifs des entreprises désireuses d’employer des vendeurs indépendants est

d’attirer les meilleurs profils. Pour cela, elles mettent en place des procédures de recrutement

permettant d’atteindre cet objectif telles que les annonces de recrutement ou les entretiens de

Page 324: Contribution de la socialisation organisationnelle au

323

recrutement. Nous dans le cadre de ces situations de gestion deux préoccupations soutenues par

l’ensemble des acteurs : la diffusion d’informations plus ou moins concrète sur l’emploi proposé

et la sur évaluation des attentes des vendeurs potentiels.

§ Information plus ou moins complète sur l’emploi proposé

Dans un contexte de forte pénurie de vendeurs qualifiés, les entreprises mettent en place des

mécanismes qui permettent d’attirer les meilleurs talents. A travers les situations précitées, le

postulant au poste de vendeur est censé acquérir les informations qui vont lui permettre d’avoir

une meilleure compréhension de l’emploi proposé. Dans cette séquence d’apprentissage

l’entreprise peut adopter deux types de comportements. Soit, elle livre toute l’information sur

l’emploi, et permet au postulant de faire librement son choix ; soit elle dissimule volontairement

les informations pertinentes.

§ Attentes des vendeurs potentiels plus ou moins grossies

Afin d’attirer les meilleurs profils, les entreprises grossissent volontairement les attentes des

postulants au poste de vendeur. Cette séquence d’apprentissage est matérialisée à travers des

procédures de recrutement « sophistiquées » et irréalistes, c’est les cas lorsque recherche des

profils de candidats diplômés ; ou lorsqu’elle utilise des cabinets de recrutement. C’est aussi le

cas lorsqu’elle fait des promesses d’emplois salariés et des promesses de gains élevés.

Quand le nouveau le vendeur prend connaissance de la réalité de l’emploi qui lui est proposé,

deux réactions peuvent être envisageables. Il peut décider de ne pas poursuivre le processus de

recrutement parce que l’emploi proposé ne correspond pas à ses aspirations. Il peut aussi décider

de continuer pour deux raisons principales. D’une part, il occupe l’emploi proposé parce que

celui-ci peut lui procurer un revenu, mais il ne partage pas pour autant les valeurs de

l’entreprise. D’autre part, il occupe l’emploi proposé par ce qu’il espère faire carrière dans

l’entreprise, dans ce cas il y a une évolution des comportements du vendeur et de l’entreprise qui

acceptent de s’ajuster mutuellement. Ainsi, le vendeur peut être désocialisé à ses débuts dans

l’entreprise, puis se socialisé progressivement à mesure que les acteurs s’accordent tacitement ou

explicitement sur leurs valeurs et normes ou leurs objectifs respectifs.

1.2. Une formation qui favorise la connaissance de la tâche plutôt que le rôle

La formation du vendeur est considérée comme la principale variable d’ajustement du

nouveau vendeur à son travail et à son organisation. La formation en salle et l’accompagnement

sur le terrain sont les deux situations dans lesquelles les nouveaux vendeurs sont généralement

Page 325: Contribution de la socialisation organisationnelle au

324

confrontés à l’organisation. Ces situations mettent en évidence deux préoccupations : le peu

d’enthousiasme de l’entreprise pour la formation des nouveaux vendeurs et la focalisation des

connaissances transmises sur les aspects commerciaux.

§ Un enthousiasme mesuré pour la formation des vendeurs

Pour des raisons pratiques et d’efficacité les acteurs préfèrent l’accompagnement sur le

terrain, au détriment de la formation en salle. Cependant, La préoccupation concerne le peu

d’enthousiasme des entreprises sur la formation des nouveaux vendeurs. En effet, au lieu

d’opposer ces deux modalités de formation, nous pensons qu’il serait souhaitable de les utiliser

conjointement, étant donné qu’elles apportent des contributions différentes. De façon générale,

les entreprises qui ont l’initiative de la formation ne souhaitent pas souvent s’investir dans la

formation d’un vendeur indépendant, dans la mesure où ils ne sont pas sûrs de le retenir et

obtenir un retour sur investissement. Il se contente donc d’affecter un vendeur sénior qui va plus

ou moins assurer l’encadrement du nouveau vendeur.

§ Favoriser les connaissances liées à la pratique commerciale

L’analyse comparative des clusters révèlent que les nouveaux vendeurs reçoivent en priorité

des connaissances portant essentiellement sur leur activité de vendeur. Cette préoccupation est

partagée par l’ensemble des acteurs, car la connaissance des rudiments du métier est essentielle à

la pratique de la vente. Cependant, cette connaissance des taches est faite au détriment des

connaissances qu’ils doivent avoir sur leur rôle, c'est-à-dire l’ensemble des droits et des

obligations qui sont attachés à leur position dans l’entreprise. Autrement dit, le vendeur n’a pas

une bonne compréhension des attentes. Cette méconnaissance est à l’origine de nombreux

dysfonctionnement, notamment des conflits et des ambiguïtés de rôle.

Globalement, ces pratiques ne sont pas bien comprises par les nouveaux vendeurs, car elles

ralentissent considérablement leur apprentissage, et par conséquent leur intégration dans

l’entreprise. Ainsi, les nouveaux vendeurs peuvent être considérés comme moins socialisés parce

qu’ils ne partagent pas totalement les pratiques de l’entreprise qui consistent à accorder très peu

d’attention à leur formation. Cependant, il leur revient aussi de prendre des initiatives pour leur

propre formation, en adoptant des comportements d’ouverture vis-à.-vis des personnes

(superviseur et vendeurs séniors) susceptible de leur apporter une aide. Les nouveaux vendeurs

peuvent aussi être considérés comme plus ou moins socialisé du fait que les connaissances

acquises sont orientées essentiellement sur les aspects commerciaux, laissant de côté les

compétences liées à leur rôle d’entrepreneur individuel.

Page 326: Contribution de la socialisation organisationnelle au

325

1.3. Des relations interpersonnelles conflictuelles

Les relations interpersonnelles sont d’une importance capitale dans la socialisation des

nouveaux vendeurs. Cependant, certaines situations de gestion marquées par l’absence d’un

découpage des territoires de vente en secteur ou la concurrence entre vendeurs engendrent des

relations conflictuelles. Les préoccupations des acteurs portent sur deux types de conflits : les

conflits entre vendeurs et les conflits entre nouveaux vendeurs et vendeurs séniors. Ces

préoccupations sont analysées à travers les deux situations de gestion citées ci-dessus.

§ Conflits entre vendeurs

Il concerne les relations entre vendeurs d’une part, et de façon marginale les relations entre

les vendeurs et leurs superviseurs d’autre part. L’analyse comparative des clusters indique que

ces relations conflictuelles sont générées par le management, et portent essentiellement sur la

rémunération qui est due au vendeur. En effet, les conflits entre vendeurs naissent du fait que les

vendeurs sont amenés à travailler sur les mêmes clients. Les entreprises disposent de solutions à

cette situation, en organisant simplement le travail de leurs vendeurs sur le terrain66. Or, cette

possibilité d’attribuer à chaque vendeur un portefeuille client est écartée au motif que la priorité

est à l’acquisition du client, quitte à gérer des conflits par la suite. Dans le même ordre d’idées,

les conflits entre vendeurs et superviseurs apparaissent dans les comportements opportunistes de

certains superviseurs. La différence de traitement, ou la volonté de priver les vendeurs des

commissions résultant des affaires négociées par eux mais finalisées par l’entreprise, sont autant

d’indicateurs de gestion qui affectent les relations entre les vendeurs et leurs superviseurs.

§ Conflit entre vendeurs séniors et nouveaux vendeur

Le conflit entre les nouveaux et les anciens vendeurs, est générationnel et concerne aussi bien

les vendeurs salariés que les vendeurs indépendants. Il se situe dans la capacité des vendeurs à

s’accepter mutuellement. Ainsi, les anciens vendeurs peuvent percevoir les nouveaux comme des

concurrents, et limiter au strict minimum leurs échanges avec ces derniers. Alors que les

nouveaux vont apparaitre très suffisants, et se passer des précieux conseils des anciens, se

réservent ainsi la possibilité de choisir avec qui ils vont collaborer dans l’équipe.

Au demeurant, il est prévisible que les nouveaux vendeurs disposant d’une expérience dans la

vente, n’établissent pas systématiquement des relations de travail avec les vendeurs déjà en

66 Découpage du territoire de vente (ou de la clientèle) en secteur de vente.

Page 327: Contribution de la socialisation organisationnelle au

326

place. Mais, il est aussi dommageable que les vendeurs qui débutent dans le métier ne s’ouvrent

pas aux autres.

Globalement, ces pratiques de gestion ne sont pas comprises par les vendeurs, et peuvent

constituer un motif d’insatisfaction ou de départ du vendeur. Lorsque ces pratiques sont quant

même comprises par les vendeurs, ces derniers ne les intègrent pas systématiquement dans leurs

systèmes de valeurs. Ainsi, nous avons des vendeurs qui socialement ne sont pas intégrés, mais

demeure dans l’entreprise. Il faut souligner que cette confrontation du nouveau vendeur avec son

environnement concerne les trois domaines de socialisation à savoir le travail, le groupe de

travail, et organisation.

1.4. Un management fait de compromis

Certaines situations de gestion telles que la motivation du vendeur, le paiement des

commissions et les réunions d’équipe nécessitent des compromis et une tolérance, ou au

contraire peuvent engendrer des incertitudes dans la relation entre le manager et ses vendeurs.

Autant de préoccupations que nous proposons d’analyser respectivement dans les situations de

gestion précitées.

§ Des accommodements pour motiver les vendeurs

Le système de motivation mis en place par les entreprises est assez varié et constitue une

évolution des pratiques de management au sein des forces de vente externes. Comme nous

l’avons souligné dans nos propos antérieurs, certaines entreprises mettent à la disposition de

leurs vendeurs indépendants des moyens financiers et matériels qui, pour certains (moyens

financiers), doivent être restituées. La seule préoccupation des vendeurs est que ces moyens ne

sont pas acquis d’avance, car il faut les négocier, ce qui nécessite une contrepartie en termes de

résultats de vente. Ce qui, de notre point de vue, parait logique au regard de la position du

vendeur dans l’entreprise.

Dans l’ensemble, cette pratique est souvent bien comprise et très appréciée des vendeurs, qui

du reste n’ont aucune difficulté à l’intégrer dans leur système de valeurs. Il ne s’agit pas de

pratiques mises en place spontanément par les entreprises, mais acquises par ces derniers à la

suite de longues négociations. En cela, nous pouvons affirmer que ces pratiques constituent une

avancée dans les relations entre le manager et ses vendeurs, et la preuve que l’organisation

s’ajuste aussi dans ce processus de socialisation.

Page 328: Contribution de la socialisation organisationnelle au

327

§ Une tolérance à l’ambiguïté concernant les réunions d’équipes

Les réunions d’équipe sont des moments d’échanges importants au cours desquelles les

managers procèdent à des réglages. Cependant, la convocation de ses réunions par les entreprises

et leur fréquence peuvent constituer une atteinte à l’indépendance du vendeur. Dans la pratique

les managers convoquent des réunions et décident de la fréquence, en exigeant la présence de

tous les vendeurs. Ils assistent spontanément aux réunions et apprécient tacitement leur tenue, ce

qui suppose que les vendeurs comprennent l’intérêt de ces réunions.

Dans l’ensemble, les vendeurs intègrent la tenue de ces réunions dans leur système de valeurs,

car ils estiment avoir besoin de ce système de coordination qui apparait, à leurs yeux, très utile

dans leur progression. Ils participent ainsi à la création de nouvelles normes de gestion qui

viennent suppléer les normes juridiques, souvent très inconvenantes.

§ Les incertitudes portant sur le paiement des commissions

Le paiement des commissions est un acte important dans le management des forces de vente

externes, dans la mesure où ces commissions constituent l’essentiel de la rémunération des

vendeurs. Cependant, ce paiement peut être retardé pour des raisons dues au système de gestion

de l’entreprise, ou simplement de la volonté de l’entreprise de ne pas payer entièrement une

charge devenue importante. Cette pratique est la plus critique du système de gestion des forces

de vente, et les vendeurs ne la comprennent pas car elle leur prive des seules ressources qui leur

permettent de travailler et de vivre.

Dans la majorité des cas, les vendeurs n’apprécient pas cette pratique, et par conséquent ne

l’intègrent pas dans leur système de valeurs. Les retards de paiement ou les paiements partiels

des commissions pouvant constituer un motif de départ des vendeurs. Dans certaines

circonstances, les vendeurs peuvent ne pas intégrer ces pratiques et demeurer dans l’équipe en

attendant que la situation s’améliore. Dans ce cas, les insatisfactions vécues par le vendeur

peuvent nuire à sa performance.

2. Les préoccupations particulières, comme principes d’action des acteurs

L’analyse comparative des clusters des trois cartes cognitives collectives a révélé aussi des

préoccupations particulières. Elles correspondent à des principes de pensées et d’actions qui sont

propres à chacune des catégories d’acteurs. L’analyse a permis d’identifier trois préoccupations

Page 329: Contribution de la socialisation organisationnelle au

328

majeures : la volonté de gérer différemment pour les RC, le choix de carrière pour les NV, et

l’encadrement des nouveaux vendeurs pour les VS.

2.1. Une volonté de gérer différemment

D’abord le système de gestion à mettre en place, pour orienter les comportements des

nouveaux vendeurs, est la principale préoccupation des managers des ventes. La difficulté à

trouver sur le marché des vendeurs qualifiés, et les contraintes juridiques attachées au statut

d’agent commercial induisent des pratiques de gestions spécifiques. Les résultats de notre

recherche ont montré que les responsables commerciaux adaptent en permanence leurs méthodes

de gestion aux situations qui se présentent à eux. Les vendeurs étant employés exclusivement

font l’objet d’un suivi plus étroit. Ces décisions, ainsi que les actions qui les accompagnent

peuvent apparaitre incohérentes avec les règles de droit en vigueur, dans la mesure où elles

affectent l’indépendance supposée des vendeurs. Elles peuvent être aussi éloignées des attentes

des vendeurs, et alimenter leur intention de partir. Dubinsky et al (1986) pense, en matière de

direction des forces de vente, les managers de vente ne se posent pas toujours les bonnes

questions. Selon ces auteurs, la question n’est pas de savoir « Dans quelle mesure une gestion

étroite influence la satisfaction au travail et la performance du vendeur ? » Mais plutôt, « Quel

type d’individu éprouve plus de satisfaction et de performance dans le travail lorsque la gestion

est étroite, et quel type d’individu réalise de meilleures performances lorsque la situation requiert

une gestion plus large ? ». Autrement dit, il est souhaitable de rechercher une adéquation entre

les compétences et qualités des personnes qui sollicitent un emploi, et les caractéristiques de

l’emploi proposé ou de l’organisation d’accueil. Ce qui ne parait pas, de notre point de vue,

réalisable étant donné l’état du marché.

2.2. Le choix d’un travail par défaut

Ensuite, les pratiques de recrutement, notamment les informations sur l’emploi proposé, font

que les vendeurs sélectionnés sont amenés à faire un travail qu’ils ignorent et qu’ils n’avaient pas

souhaité. Les résultats de notre recherche soulignent que la décision de prendre un emploi

d’indépendant dans la vente était un choix d’un travail par défaut. Les motivations à la base de

ce choix sont extra-professionnelles, et les personnes qui s’y engagent dans ces emplois finissent

par partir dès qu’une opportunité d’emploi se présente à eux. Deux cas de figure émergent de

cette situation. Le vendeur quitte l’équipe de vente, mais reste dans l’entreprise pour postuler à

un emploi salarié, soit dans l’administration des ventes, soit dans un autre service de

l’entreprise. Le vendeur peut aussi quitter l’entreprise pour un emploi à l’extérieur de

l’entreprise, ou pour se consacrer à un projet professionnel personnel. Cette approche correspond

Page 330: Contribution de la socialisation organisationnelle au

329

à une idée répandue dans la littérature, qui considère le travail de vendeur comme un métier

d’entrée dans l’entreprise (Barth, 2009). Cependant, les résultats de notre recherche montrent

aussi que ces départs ne sont pas systématiques. En effet, certains vendeurs présentent des

capacités d’adaptation très importantes, qui leur permettent de persévérer dans l’effort et

demeurer dans l’équipe de vente. Ces vendeurs restent parce qu’ils ont pu reconsidérés leur

situation de départ, en se donnant de nouveaux objectifs, et en développant des nouvelles

motivations pour atteindre ces objectifs. Cette capacité d’adaptation est décrite dans la littérature

à travers le processus cognitif d’attribution de sens (Louis, 1980). En paraphrasant les propos de

cet auteur, nous considérons qu’à leur arrivée dans l’entreprise, les nouveaux vendeurs sont

confrontés à la dure réalité du travail qui leur ai proposé. Ils ajustent leur comportement en

surmontant les difficultés qui se présentent à eux, et en intégrant les exigences de leur nouvel

emploi. Cette adaptation se traduit par les bons résultats de vente, et l’évolution du revenu. Ainsi,

les vendeurs ayant atteint des niveaux de rémunération élevés, ne sont pas disposés à quitter leur

statut d’indépendant pour un statut de salarié, jugé moins rémunérateur.

2.3. La disponibilité du tuteur

L’accompagnement du vendeur sur le terrain est présenté dans cette recherche comme le

mode de formation privilégié pour les vendeurs indépendants. Compte tenu des occupations du

responsable commercial, le formateur est en général un vendeur sénior indépendant, qui tient le

rôle de tuteur ou de parrain. Les résultats de notre recherche révèlent deux préoccupations

complémentaires qui peuvent avoir une influence sur l’efficacité du tutorat, et par conséquent

sur l’adaptation des nouveaux vendeurs: la disponibilité et les critères de choix du tuteur. La

question de la disponibilité se pose dans la mesure où le tuteur est également un vendeur

indépendant. A l’instar des forces de vente salariées, les entreprises employant des vendeurs

indépendants s’appuient sur certains de leurs vendeurs qui présentent des dispositions

d’encadrement. Mais, l’utilisation de cette ressource n’est pas accompagnée de dispositifs

incitatifs permettant de compenser le temps que les tuteurs passent dans l’encadrement des

nouveaux vendeurs. Les vendeurs séniors sont donc peu disposer à s’investir dans ce travail de

tuteur. Cette tendance est confirmée par de nombreux travaux qui perçoivent les agents

socialisateurs comme étant peu disponibles et motivés à transmettre les connaissances favorisant

la socialisation des nouvelles recrues (Commeiras et al, 2010). Dans le même esprit, les résultats

de notre recherche ont montré que certains vendeurs séniors percevaient les nouveaux vendeurs

comme des concurrents. Cette appréhension pose la question des qualités requises pour assurer la

fonction de tuteur, et plus généralement la question de la formation et de la désignation des

tuteurs. Dans la force de vente, comme dans bien d’autres organisations, le tuteur est présenté

Page 331: Contribution de la socialisation organisationnelle au

330

comme un modèle pour le nouveau vendeur, il est donc souhaitable que ce dernier présente des

capacités et des qualités qui favorisent la transmission des connaissances. Or, on peut observer

dans notre recherche que certains vendeurs, retenus comme tuteur, sont peu expérimentés et peu

performant pour servir d’exemple.

En conclusion, la confrontation du nouveau vendeur avec son environnement à travers les

situations de gestion permet de comprendre le processus de socialisation du vendeur

indépendant, et la complexité du management concernant cette catégorie de vendeur. Suivant les

règles et valeurs qui entourent le métier de vendeur indépendant, l’agent commercial est un

entrepreneur dont la relation avec l’entreprise est essentiellement partenariale. Or, les procédures

et les dispositifs de gestion développés par les entreprises révèlent des pratiques de gestion

réservées aux employés salariés. Il apparait donc, au regard des résultats obtenus trois situations.

Dans la première, les vendeurs ne comprennent pas toujours certaines pratiques mises en œuvre

par l’entreprise, et n’intériorisent pas les éléments relatifs aux trois domaines de socialisation. La

mauvaise compréhension que le vendeur a des conflits qui l’oppose aux autres vendeurs, et de

façon exceptionnelle au superviseur constitue une divergence sur les valeurs concernant le

groupe et l’organisation. Deuxièmement, les vendeurs ne comprennent pas que l’entreprise

dissimule les informations sur les emplois proposés, ou qu’elle ne tienne pas ses promesses. La

mauvaise compréhension de ces éléments va amener le nouveau vendeur à ne pas intérioriser

certains éléments du groupe et de l’organisation, et apparaitre moins socialisé dans ces domaines.

Par ailleurs, il se trouve que le nouveau vendeur intègre facilement dans son système de valeur

des éléments qui permettent de le motiver, ce qui va faciliter son apprentissage.

Page 332: Contribution de la socialisation organisationnelle au

331

Tableau 57. Synthèse : mise en perspective de la socialisation du vendeur indépendant

Situations de gestion

Préoccupations des acteurs

Comportements et attitudes du vendeur

Recrutement.

Entretien de recrutement

Promesses d’emplois salariés, promesses de gains élevés.

Attentes non satisfaites : adaptation difficile ; valeurs incompatibles (Pas d’influence sur le départ, si situation de précarité) Dissimuler les informations ; une image avantageuse de l’emploi

Diffusion de l’information

Messages plus ou moins complet, canaux plus ou moins adaptés

Formation.

Formation en salle

Très peu de formation ; coûts élevés Suivi aléatoire ; tuteur improvisé

Apprentissage prolongé, maitrise approximative du travail, résultats très moyens

Accompagnement sur le terrain :

L’encadrement des nouveaux.

Choix du tuteur ; compenser le travail du tuteur ;

La recherche d’information

Peu d’initiatives, barrières psychologiques,

Relation interpersonnelles

Répartition des vendeurs sur le terrain

Travailler sur les mêmes clients ; partage de la commission ; priver d’une commission

Frustration/découragement

Frustration/ départ

Supervision des vendeurs

Conflits entre vendeur et superviseur : Priver le vendeur d’une commission importante.

Management en général

Motivation des vendeurs

Fixe ; prêts financiers, espace de travail ; primes de transport ; participation aux évènements de l’entreprise,

Encourage le vendeur à travailler, permet d’obtenir des résultats (Départ si absence de dispositif d’incitation)

Paiement des commissions

Retard de paiement des commissions; remboursement client ; défaut de règlement client

Frustration/départ

Réunions d’équipe Organiser le travail des vendeurs ; résoudre les conflits

Nous retenons que :

- Les préoccupations des acteurs concernent le management des ressources humaines (formation

et recrutement) et le management en général (motivation, gestion des conflits, etc.).

- Les préoccupations fondamentales des acteurs concernent l’acquisition des compétences, la

motivation des vendeurs et surtout la maitrise de la vente.

- Le contenu de la socialisation porte essentiellement sur les aspects commerciaux.

- Les nouveaux vendeurs sont socialisés (ou non) à travers la confrontation avec les acteurs

internes dans des situations.

Page 333: Contribution de la socialisation organisationnelle au

332

Conclusion du chapitre 5

Ce chapitre avait pour objectif de présenter les résultats de notre recherche, à travers une

analyse des cartes cognitives construites. Les résultats obtenus sont fournis par le logiciel

« Decision Explorer » développé par Eden et al (1992). Ils sont exploités dans le cadre des deux

types d’analyse utilisés couramment dans la littérature : l’analyse de la structure et l’analyse du

contenu des cartes. Ces analyses sont consignées dans les trois sections qui composent ce

chapitre.

La première section réservée à l’analyse de structure a permis de mettre en évidence la

complexité et l’organisation des trois cartes cognitives collectives que étudiées dans le cadre de

cette recherche. L’analyse de complexité porte essentiellement sur six indicateurs de complexité,

dont quatre indicateurs généraux (le nombre de variables de la carte, le nombre de liens, la

densité et le ratio de complexité 1 le nombre de groupes, le nombre de boucles). Il s’agit d’une

analyse topologique des réseaux sémantiques ainsi constitués. L’analyse de l’organisation des

cartes s’est appuyé sur le modèle d’analyse développé par Cossette (2004, 1994) portant sur les

quatre aspects suivants : l’importance relative de chacun des concepts, le regroupement des

concepts, les explications et les conséquences privilégiées, et l’analyse des boucles. Cette

analyse a permis de caractériser les schèmes cognitifs des trois catégories d’acteurs retenus pour

étudier la socialisation du vendeur indépendant.

La deuxième section est dédiée à l’analyse du contenu des trois cartes cognitives collectives

précitées dans la première section. Nous avons fait le choix d’une analyse locale portant sur les

préoccupations les plus importantes des différents acteurs. Deux types d’analyse sont retenus

dans cette section : l’analyse comparative des clusters des différentes cartes et l’analyse des

concepts les plus importants. L’analyse comparative inter carte des clusters a permis de

distinguer les préoccupations partagées par les différents acteurs de celles qui ne le sont pas, et

par conséquent de mettre en évidence les divergences entre les trois catégories d’acteurs sur le

processus de socialisation des vendeurs indépendants. L’analyse des concepts les plus importants

à permis d’isoler les concepts qui se situaient au centre de la pensée des trois acteurs. Ces

concepts constituent les principes d’actions.

Enfin, dans la troisième section les résultats obtenus des cartes cognitives sont abordés en

termes de socialisation pouvant être discutés. Notre ambition était de mettre en évidence les

préoccupations dominantes et particulières afin de comprendre le sens des agissements des

acteurs, et leur influence sur les attitudes et comportements des nouveaux vendeurs.

Page 334: Contribution de la socialisation organisationnelle au

333

CHAPITRE 6. DISCUSSION GENERALE

Les résultats de cette recherche ont permis de comprendre que, bien qu’adhérant aux mêmes

idées, les trois catégories d’acteurs en font un usage différent. Ce qui permet de dire qu’ils

possèdent des schèmes cognitifs différents. Ces résultats s’inscrivent dans une perspective

gestionnaire de la socialisation, dans la mesure où ils apportent des réponses au biais managérial

constaté dans le management des vendeurs indépendants. Ils mettent en évidence trois points

importants qui reflètent la cohérence du modèle d’analyse utilisé. Le premier point est théorique,

et concerne notre approche de la socialisation organisationnelle. Une approche interactionniste et

de construction de sens qui considère la socialisation comme un processus d’échanges et

d’ajustement mutuel, ou selon les termes de Perrot et Garreau (2012) un phénomène de

l’organizing; un dispositif de régulation permettant aux acteurs de régler leur fonctionnement ; et

un contrat psychologique qui crée des obligations réciproques. Le deuxième point est

méthodologique, et s’intéresse à la valeur ajoutée apportée par la cartographie cognitive à l’étude

des phénomènes de gestion. Nous avons fait le choix des méthodes à postériori qui donnent

accès au système référentiel des sujets. Cette approche nous a permis de considérer les

principaux agents socialisateurs comme étant les plus aptes à produire la connaissance dans un

domaine encore peu connu dans les organisations de vente. Le troisième point est opérationnel,

et invite à gérer la socialisation des vendeurs indépendants et définit les implications

managériales en termes d’outils de gestion pour les managers des forces de vente.

Dans la première section, nous discutons de la pertinence des cadres théoriques et

méthodologiques utilisés, à travers les résultats obtenus sur la structure et le contenu des

schèmes, tout en apportant des réponses à nos questions de recherches. Nous proposons dans une

seconde section de discuter de la nécessité de gérer effectivement la socialisation du vendeur

indépendant, et examinons les implications managériales qui en découlent.

Page 335: Contribution de la socialisation organisationnelle au

334

SECTION 1. DISCUSSION DES RESULTATS

Pour apprécier la contribution de la socialisation organisationnelle dans le management des

vendeurs indépendant, nous avons choisi d’étudier les échanges qui s’établissent entre le

manager des ventes et ces vendeurs au moment où ces derniers entrent dans l’organisation. Etant

donné que l’intégration apparait comme une période propice à l’assimilation des éléments qui

vont constitués les comportements et attitudes futurs des nouveaux, il nous a semblé opportun

d’examiner les pratiques de socialisation qui sont mises en œuvre par les entreprises. Ainsi, en se

basant sur une revue de la littérature portant sur le management des forces de vente, la

socialisation organisationnelle, et la cartographie cognitive nous avons cherché à établir une

cohérence entre notre approche conceptuelle et méthodologique.

L’objectif de cette section est de confronter les résultats de notre recherche avec les travaux

disponibles. D’abord sur le plan théorique, en s’assurant que le cadre théorique retenu permet

d’apporter des réponses à notre question de recherche (1). Ensuite, sur le plan méthodologique,

en mettant en évidence la valeur ajoutée de la cartographie cognitive (2).

1. Comprendre le management des vendeurs indépendants en phase d’intégration

Notre approche de la socialisation organisationnelle, ainsi que des théories qui la sous-tendent

dans le cadre de cette recherche nous ont permis d’approfondir la connaissance sur le

management des vendeurs indépendants en situation d’intégration, et d’apporter des réponses a

notre question de recherche. La socialisation du vendeur indépendant est appréhendée comme un

processus dans lequel le manager et ses vendeurs échangent et construisent progressivement une

relation dont les termes sont définis par les acteurs eux.

Afin de justifier de la pertinence de cette approche de la socialisation et de l’éclairage

nécessaire qu’elle apporte au management des forces de vente, nous proposons de revenir sur les

situations de gestion qui sont mises en évidence dans nos résultats. Nous parlerons, dans un

premier temps, des mécanismes que les acteurs mettent en place pour s’ajuster mutuellement à

leur environnement de travail (1.1). Ensuite, nous évoquerons les relations conflictuelles au sein

des équipes, comme la base d’un management consensuel (1.2) Puis, nous traiterons de la

prédominance des aspects commerciaux sur le fonctionnement du vendeur indépendant (1.3).

Enfin, nous discuterons de la gestion du turnover des vendeurs indépendants (1.4).

Page 336: Contribution de la socialisation organisationnelle au

335

1.1. Une volonté de changement plus ou moins affirmée par les acteurs

Les résultats de notre recherche ont montré, à travers les situations et les préoccupations des

acteurs, que le nouveau vendeur n’agréait pas nécessairement toutes les pratiques développées

par l’entreprise d’accueil. Cependant, le vendeur pouvait s’en accommoder dans la mesure où

son objectif de départ était de satisfaire ses besoins existentiels. Ces résultats ont montré

également que l’entreprise pouvait évoluer dans ses pratiques, même si cette évolution paraissait

marginale. Il existe donc une dynamique dans le processus de socialisation du vendeur

indépendant, qui fait qu’un vendeur peut être successivement socialisé et désocialisé en fonction

des interactions et des échanges qu’il entretient avec les personnes qui l’accueillent dans

l’entreprise.

L’adoption d’une approche interactionniste et de construction de sens de la socialisation,

permet donc de mettre en évidence cette dynamique, et d’envisager des résultats imprévisibles

du processus de socialisation. Autrement dit, la socialisation du vendeur indépendant est faite de

séquences de socialisation et de désocialisation. Un vendeur est dit désocialisé lorsque, tout en

ayant une bonne connaissance des pratiques de l’entreprise, décide de ne pas les intégrer dans

son système de valeurs. Plus précisément, il accepte de vendre les produits ou les services d’une

entreprise sans pour autant qu’il en devienne un membre participant, au sens de Feldman (1976,

1981). Ce type de comportement se révèle chez le vendeur lorsqu’il occupe un emploi par défaut

(le temps de résoudre des problèmes existentiels), ou qu’il considère cet emploi comme un

tremplin vers d’autres projets professionnels. Un vendeur est dit socialisé lorsqu’il est en accord

avec les pratiques de l’entreprise, dans la mesure où celle-ci fait également évoluer ses pratiques

et tient compte de la position du vendeur dans l’entreprise. Ainsi, en acceptant d’évoluer dans

leurs pratiques, les entreprises optent pour un ajustement mutuel et redéfinissent, d’une certaine

manière, les normes de gestion qui vont guider leurs actions.

Dans un sens, le management développé par les entreprises est fait de compromis et de

tolérance à l’ambiguïté. Autrement dit, les entreprises qui aspirent au changement, vont prévoir

des compensations afin de soutenir les pratiques de gestion susceptibles de créer des désaccords

mais utiles au bon fonctionnement de l’équipe. Alors que celles qui n’apportent pas de réelles

compensations ne changent pas dans leur approche de gestion, et prennent le risque de susciter

des mécontentements. Ainsi, en proposant des compensations à leurs vendeurs, les entreprises

créent les conditions d’une adaptation mutuelle, et inscrivent leurs actions dans une logique de

régulation sociale. Selon Krohmer et al (2011) les pratiques de management mises en œuvre par

les entreprises sont considérées comme le résultat d’une régulation. Deux approches peuvent

Page 337: Contribution de la socialisation organisationnelle au

336

caractériser cette régulation, d’une part les vendeurs et les entreprises qui les emploient peuvent

s’accorder sur les règles de leur collaboration. C’est ce que Raynaud (1988) qualifie de

régulation conjointe. D’autre part, l’entreprise peut imposer ses règles de gestion, et envisager

de contrôler au maximum les espaces de liberté de ses vendeurs. Les règles proposées par

l’entreprise s’opposent donc aux règles que les vendeurs estiment conformes à leur statut. Cette

opposition est la source de conflits rencontrés fréquemment au sein des forces de vente, conflits

qui sont à la base du processus d’échanges entre les acteurs et par conséquent du processus de

régulation.

Dans un autre sens, les acteurs vont s’engager contractuellement pour fonctionner, à travers

des échanges implicites et informels qui vont créer des obligations réciproques. En effet, nous

considérons qu’au moment du recrutement, un contrat psychologique est formé entre le nouveau

vendeur et son employeur. Dans ce contrat est établie une relation d’échange réciproque dans la

quelle les acteurs échanges des éléments tangibles et intangibles (Delobbe, 2011). Selon l’auteur,

en vertu d’une norme sociale de réciprocité, toute forme d’investissement et de reconnaissance

manifestée par l’employeur au profit de l’employé a pour effet d’accroitre le sentiment

d’obligation de l’employé à l’égard de son employeur et vis versa. Ainsi, en apportant aux

nouveaux vendeurs un espace de travail aménagé, ou en leur accordant des primes ou des

avances sur commissions, les entreprises obligent ces derniers à leur accorder réciproquement

des compensations. De même que les concessions faites par les vendeurs dans le cadre de leur

travail (réunions quotidiennes) peuvent constituer une « monnaie d’échange » aux promesses

faites par l’entreprise.

Nous concluons ce propos en rappelant que l’une des difficultés qui se pose à la gestion des

vendeurs indépendants, est l’impossibilité d’utiliser les dispositifs d’animation habituels, tels que

les réunions de travail, sans que ces faits ne constituent une entrave à la liberté d’organisation.

La socialisation du vendeur indépendant permet de promouvoir au sein des forces de vente un

mode de coordination et de contrôle consensuel qui privilégie les règles (normes) définies par les

acteurs eux-mêmes. Ces règles peuvent évoluer en fonction des aspirations des acteurs et de

l’évolution de l’environnement. La socialisation apparait donc comme un dispositif de

régulation, un modèle d’influence qui permet d’orienter et d’ajuster les décisions et les actions

des managers, en l’absence d’un lien de subordination. Elle constitue de fait, selon les termes de

Garreau et Perrot (2012), un moteur de l’organisant.

Page 338: Contribution de la socialisation organisationnelle au

337

1.2. Un intérêt mesuré concernant les relations interpersonnelles

Les résultats de notre recherche ont montré l’existence de nombreux conflits dans les rapports

que les vendeurs entretiennent entre eux, mais aussi des conflits entre les nouveaux vendeurs et

leur superviseur. Ces conflits témoignent, de notre point de vue, du peu d’intérêt que les

entreprises accordent à l’intégration sociale de leurs vendeurs indépendants. Plus généralement,

ces conflits révèlent l’existence de comportements d’exclusion qui tranchent, paradoxalement,

avec l’idée d’attirer de nouveaux vendeurs dans l’entreprise. Deux types de comportement

d’exclusion intéressent particulièrement le management des vendeurs indépendants.

Le premier type concerne les comportements d’exclusion venant de l’entreprise et de ses

membres qui, à travers son organisation et son fonctionnement distille des éléments qui

permettent de signifier aux vendeurs qu’ils n’appartiennent pas à l’entreprise. Ainsi, les actes de

gestion posés par les responsables (rémunération séparée…), les évènements réservés au

personnel salarié (fête du travail par exemple), mais aussi les comportements de dédain

manifestés par certains salariés vis à vis des vendeurs indépendants, sont autant de situations

d’exclusion. Suivant cette logique, le vendeur a le sentiment qu’il est mis à l’écart du

fonctionnement de l’entreprise. Cette situation peut créer une crise d’identité chez le nouveau

vendeur, et peut avoir des répercussions sur son intégration dans l’entreprise et dans l’équipe.

En effet, en sa qualité de vendeur indépendant, le nouveau vendeur peut avoir du mal à

s’identifier à une entreprise qui ne l’accepte pas et ne le considère pas comme un de ses

membres. Cette absence d’identification peut être considérée comme un échec du processus de

socialisation, et susciter l’intention de partir. Dans la littérature, de nombreux travaux

considèrent l’acquisition d’une identité comme le résultat d’un processus de socialisation. Par

ailleurs, Perrot et al (2005) mettent en évidence les liens entre l’attribution de sens et la notion

d’identité. Selon ces auteurs, « la notion d’identité et d’identification constituent un filtre (à la

fois individuel et collectif) à travers lequel se réalise le processus de construction de sens,

permettant notamment au nouvel entrant d’interpréter l’environnement organisationnel, de s’y

ajuster, et d’en devenir un membre à part entière ». Autrement dit, lorsqu’un vendeur

indépendant est accepté comme membre d’une entreprise, il va se construire une identité

professionnelle à partir de cette entreprise. Cette identification à l’entreprise va permettre au

nouveau vendeur de donner un sens au travail qu’il fait, et de justifier sa volonté de rester.

Le second type de comportement d’exclusion émane des vendeurs. Il laisse penser que les

nouveaux vendeurs s’excluent mutuellement, car ils apparaissent comme des prestataires en

compétition auprès d’un acheteur. Ces exclusions ont lieu au sein de la force de vente, et nous

questionnent sur la pertinence et la formation d’une véritable équipe de vente constituée de

Page 339: Contribution de la socialisation organisationnelle au

338

vendeurs indépendants. Les résultats de notre recherche ont montré que les comportements

d’exclusion entre vendeurs étaient dus, en partie, au fait que les vendeurs séniors percevaient les

nouveaux vendeurs comme des concurrents. Cette concurrence entre vendeurs, par ailleurs

voulue par les responsables pour stimuler les efforts des vendeurs, est aussi source de frustration,

dans la mesure où un client initialement entretenu par un vendeur peut être attribuée à un autre

au moment du paiement de la commission en cas de vente. La constitution d’une équipe apparait,

de notre point de vue, pertinente car elle permet aux vendeurs séniors d’accomplir leur rôle

d’agent socialisateur, et aux nouveaux vendeurs d’acquérir des informations utiles pour

accomplir leurs taches. Dans la littérature réservée au management des forces de vente, la notion

d’équipe a été surtout utilisée par les professionnels de la vente. La conceptualisation de la

notion dans la littérature académique est récente et présente des perspectives de recherche dans

l’étude de la performance des forces de vente (Moon et Armstrong, 1994). Les réflexions

développées par les chercheurs, notamment l’influence que les relations interpersonnelles

peuvent avoir sur une équipe de vente, ou la façon dont l’équipe de vente participe à

l’apprentissage dans une organisation (Jones et al, 2005 ;), situent la notion d’équipe de vente au

centre des problématiques de socialisation, aussi bien dans l’apprentissage que dans ses aspects

relationnels.

L’adaptation du nouveau vendeur à son poste dépend donc de la capacité des acteurs à

s’accepter mutuellement, et à établir de bonnes relations de travail. Selon Louis et al. (1983),

« les contacts avec les pairs et avec le supérieur hiérarchique sont considérés par les nouvelles

recrues comme les éléments les plus utiles au processus de socialisation organisationnelle,

devant la formation par exemple ». Sur le plan empirique, de nombreux travaux considèrent la

relation qui est établie entre les nouvelles recrues et les membres déjà en place dans

l’organisation, comme l’une des conditions essentielles de leur adaptation (Feldman, 1981 ;

Bauer et al, 1998 ; Bauer et al, 2007 ; Menguc et al, 2007 ; Lapointe, 2013). Autrement dit, les

relations interpersonnelles ne se résument pas seulement à un rôle instrumental, qui est celui de

permettre aux nouvelles recrues d’acquérir les connaissances. Elles se traduisent aussi par

l’acceptation formelle ou pas, par les pairs, de la nouvelle recrue.

1.3. Un management orienté sur la tâche et les rôles commerciaux

Les résultats de notre recherche ont montré que les connaissances transmises aux nouveaux

vendeurs, au cours du processus de socialisation, reposaient essentiellement sur les aspects

commerciaux. Ce résultat témoigne également de l’orientation donné par les entreprises au

contenu de la socialisation du vendeur indépendant, un contenu plus axé sur les aspects

Page 340: Contribution de la socialisation organisationnelle au

339

commerciaux que sur la dimension entrepreneuriale. En effet, à la différence des vendeurs

salariés, les vendeurs indépendants sont des vendeurs à statut dont l’activité se réfère à un

ensemble de dispositions juridiques, et à une position dans l’entreprise à laquelle sont associés

des rôles. Ainsi, socialiser un vendeur indépendant c’est, entre autre, initié le nouveau vendeur

aux tâches et aux rôles qui sont attachés à son statut d’indépendant. Dans notre recherche, nous

avons choisi de travailler sur le statut d’agent commercial. L’une des caractéristiques de l’agent

commercial est d’être à la fois, entrepreneur individuel et un représentant commercial d’une ou

plusieurs entreprises auprès de leur clientèle. Il occupe donc une double position qui lui confère

des rôles différents mais complémentaires, qui ne sont pas toujours clairement établie au moment

de leur entrée dans l’entreprise. Ces rôles recouvrent l’ensemble des comportements attendus des

vendeurs dans le cadre de leurs activités.

La position de représentant commercial est celle qui suscite le plus d’intérêts pour l’entreprise

et ses dirigeants, car elle détermine la façon dont l’entreprise entend utiliser ses vendeurs pour

commercialiser ses produits auprès de sa clientèle. A cette position sont associés deux rôles

principaux. Le rôle de négociateur à travers le mandat qui est donné au vendeur de prospecter

une clientèle, de négocier, et de conclure des ventes au nom et pour le compte d’une entreprise

mandante. Ce rôle s’inscrit dans une approche transactionnelle de la vente, et repose sur la

conquête de nouveaux clients afin de minimiser ses coûts et de maximiser ses profits. La

transaction est considérée comme un évènement unique, avec un début, un déroulement et une

fin (Gundlach et murphy, 1993). Le rôle « d’ambassadeur », car le vendeur est le représentant de

l’entreprise auprès de sa clientèle et de ses partenaires économiques. Il ne se contente plus

d’établir les relations, il doit également les entretenir afin de conforter l’image de l’entreprise à

l’extérieur. Dans ce contexte, le rôle du vendeur s’inscrit dans une approche relationnelle.

Autrement dit, le rôle du vendeur est aussi de gérer la relation de l’entreprise qu’il représente

avec sa clientèle.

Dans sa position d’entrepreneur, le vendeur indépendant exerce une profession libérale et, à

ce titre il s’organise et assume les risques de son activité ainsi que les coûts de sa protection

sociale. Comme le précise Moulinier67, l’agent commercial est un entrepreneur qui,

contrairement au vendeur salarié, n’est pas subordonné aux directives de l’entreprise. Il a une

responsabilité fondamentale, celle de faire fonctionner sa « petite entreprise », pour cela il peut

endosser plusieurs rôles. Le premier rôle est celui de créateur, au sens de créer une structure

organisationnelle. Nous rappelons que le concept d’entrepreneur individuel, dans lequel nous

plaçons le vendeur indépendant, est un construit social qui résulte de la socialisation des moyens 67 René Moulinier : Manager les vendeurs (2005)

Page 341: Contribution de la socialisation organisationnelle au

340

de production. Autrement dit, lorsque que des vendeurs indépendants sont recrutés, ils sont

placés systématiquement dans cette position. Cependant, pour qu’ils franchissent le cap de la

l’entrée ces vendeurs ont besoin des personnes qui connaissent bien le métier, et qui peuvent les

aider à acquérir les connaissances nécessaires. Ensuite, le rôle de gestionnaire dans la mesure où

le vendeur indépendant doit assurer la pérennité de sa structure.

L’analyse du contenu des cartes assemblées a montré que les connaissances acquises par les

nouveaux vendeurs portaient davantage sur la position de représentant commercial, que sur la

position d’entrepreneur. Une telle orientation des connaissances a une incidence négative à court

termes sur la gestion des activités de vente, notamment dans la capacité des vendeurs à gérer

efficacement leurs ressources financières. Elle a aussi une incidence négative dans le long terme,

car les nouveaux vendeurs n’ont généralement pas une perspective d’évolution de leur structure

de vente. Par ailleurs, en privilégiant uniquement les savoirs et savoir-faire commerciaux, les

entreprises se privent également de la possibilité de voir leurs nouveaux vendeurs adopter des

comportements qui sont conformes à leur statut d’indépendant. Ces résultats tranchent avec la

volonté de nombreuses entreprises à inciter leur personnel à adopter un comportement

d’entrepreneur pour faire face aux changements incessants qui affectent l’organisation de leur

travail (Basso et Fayolle, 2009). Dans la littérature consacrée à l’entrepreneuriat, la capacité du

management à insuffler une dynamique entrepreneuriale dans l’entreprise est appréhendée à

travers le concept d’orientation entrepreneurial (Basso, Fayolle et Bouchard, 2009). Selon ces

auteurs, l’orientation entrepreneuriale est un construit qui mesure l’intensité entrepreneuriale

d’une organisation. Les travaux dans ce domaine ont exploré les cinq dimensions qui permettent

d’appréhender le concept, et surtout ses antécédents afin de le caractériser. Ainsi, Bargues et

Bouchard (2013) réalisent une étude exploratoire qui permet d’établir la relation entre les

pratiques de socialisation organisationnelle et l’orientation entrepreneuriale. Pour ces auteurs, les

pratiques de socialisation qui consistent à ne pas structurer le poste de travail du nouvel entrant,

ou à le structurer faiblement dénote d’une forte orientation entrepreneuriale. De même que, le

fait de limiter la communication des règles à respecter, indique une orientation entrepreneuriale

forte. Ces résultats montrent que des actions peuvent être initiées par les entreprises pour inciter

leurs nouveaux vendeurs à adopter des comportements d’entrepreneur. Mais, il n’est pas exclu

aussi que le vendeur initie des actions personnelles dans la recherche d’informations relatives à

sa position d’entrepreneur. L’absence de ces comportements peut apparaitre paradoxale dans les

organisations de vente, fondamentalement prédisposées à l’entrepreneuriat.

En définitif, il est souhaitable que le nouveau vendeur soit intégralement imprégné, au

moment de son intégration, de l’ensemble des connaissances qui lui permettent de maitriser son

Page 342: Contribution de la socialisation organisationnelle au

341

rôle d’agent commercial. Une orientation des connaissances transmises dans les seuls aspects

commerciaux au détriment des aspects entrepreneuriaux, aura pour conséquence de renforcer ses

aspirations à devenir salarié. Ainsi, une connaissance incomplète de son rôle alimentes les

conflits et les ambiguïtés de rôle qui, à leur tour, peuvent susciter le départ des vendeurs ou du

moins leur intention de partir.

1.4. Expliquer le turnover des vendeurs en phase d’intégration

L’analyse des cartes cognitives a montré que les résultats du processus de socialisation des

vendeurs indépendants étaient imprévisibles. Dès lors, nous pouvons considérer de façon

déductive que la socialisation ne favoriserait pas systématiquement le maintien des vendeurs

indépendants dans l’entreprise et dans l’équipe de vente. Aussi, pour avoir une bonne

compréhension du turnover des vendeurs indépendants, nous avons choisi de revenir sur les

facteurs déclencheurs du turnover (1.4.1). Puis, nous analyserons les déterminants aussi bien

des départs que du maintien des nouveaux vendeurs afin de mettre en évidence le management

mis en œuvre par les entreprises (1.4.2).

1.4.1. Les facteurs déclencheurs du turnover

Les résultats de notre recherche ont montré que les pratiques de gestion mises en œuvre par

les acteurs impliqués dans le processus de socialisation avaient une incidence sur le turnover des

nouveaux vendeurs. Mais cette influence ne conduisait pas, de façon systématique et directe, au

départ de ces derniers. En effet, certains comportements et attitudes, plus ou moins prévisibles,

permettent une meilleure compréhension de ces départs, mais aussi du maintien des vendeurs

dans l’entreprise. Nous prposons d’expliquer l’influence de la socialisation organisationnelle sur

le turnover, à travers deux concepts souvent considérés dans la littérature comme des indicateurs

d’adaptation : la satisfaction au travail et la performance du vendeur.

1.4.2. La place centrale de la satisfaction/insatisfaction

Nos résultats ont révélé qu’à la base des préoccupations répertoriées auprès des différentes

catégories d’acteurs, il y avait des concepts qui constituaient une source de satisfaction (ou

d’insatisfaction) dans le travail, pour le nouveau vendeur. Ainsi, lorsque nous parlons de

« paiement irrégulier de la commission », nous touchons à une insatisfaction du vendeur, car ce

dernier fait face à un retard de paiement qui ne correspond pas forcément à ses attentes. Cette

approche de la satisfaction au travail a été défini dans la littérature comme une relation entre ce

qu’un individu espère obtenir de son travail, et ce qu’il obtient effectivement (Pujol, 2008 ;

Page 343: Contribution de la socialisation organisationnelle au

342

Locke, 1976). Autrement dit, dans leur rapport au travail les nouveaux vendeurs sont porteurs de

valeurs qu’ils idéalisent et recherchent dans le travail. L’absence de convergence entre les

valeurs du vendeur et celles du travail proposé engendre nécessairement une insatisfaction.

Cependant, cette insatisfaction n’aboutit pas automatiquement au départ du vendeur, dans la

mesure où elle ne constitue pas un obstacle majeur à l’atteinte de ses objectifs. Darmon (1993)

souligne qu’il est important de connaitre et de comprendre les objectifs d’un vendeur. Selon

l’auteur, les vendeurs organisent leur travail en vue de satisfaire d’abord leurs propres objectifs.

Certains objectifs sont liés au travail et à la vie professionnelle, ils concernent la carrière et les

promotions auxquelles aspirent les vendeurs. D’autres objectifs sont liés à la vie personnelle et

familiale, c’est le cas des vendeurs qui s’engagent pour pouvoir s’assumer et répondre aux

besoins de leur famille. Il y a enfin des objectifs financiers, notamment pour les vendeurs qui

aspirent à des revenus importants, et qui sont constitués par leurs propres efforts. Ces objectifs

influencent profondément le comportement du vendeur. Ainsi, un vendeur à qui l’on a promis un

emploi de salarié dans une entreprise et qui ne le devient pas, aura tendance à quitter l’entreprise

si son objectif était de devenir salarié. Par contre, il va demeurer dans l’équipe si l’objectif était

de répondre à des besoins financiers.

1.4.3. La performance, comme principale cause des départs du vendeur

La littérature en management des forces de vente admet l’existence d’une relation

curvilinéaire entre la performance du vendeur et le turnover (Darmon, 2012, 1993). Autrement

dit, il y a une tendance que des « vendeurs très ou très peu performants » quittent la force de

vente, pour des raisons différentes, en comparaison des vendeurs dont la performance est

moyenne. Cependant, si les causes de départ des vendeurs très peu performants sont évidentes,

les motifs de départ de ceux qui présente un niveau de performance élevé restent complexes. Les

résultats de notre recherche permettent d’avoir quelques éléments de réponse. L’évaluation de la

performance, à travers notamment les évaluateurs et les critères d’évaluation apportent des

réponses différentes. S’agissant des évaluateurs, nous notons qu’à la différence de la satisfaction,

la performance peut être évaluée par le vendeur lui-même, et par l’entreprise à travers le

responsable commercial et le vendeur sénior qui fait office de tuteur. En effet, l’entreprise qui a

obligation d’évaluer le vendeur peut se faire une idée de sa performance à travers sa

rémunération, et décider de rester ou de partir de l’entreprise. Darmon (1993) souligne que « les

vendeurs, comme les entreprises poursuivent des objectifs qui leur sont propres, et bien entendu

différents de ceux de l’entreprise ». Lorsque le niveau de rémunération est un objectif, le vendeur

peut considérer, à travers une rémunération élevée, qu’il atteint une maitrise de la vente (estime

de soi à la tache) qui lui permet de réaliser son objectif de gain dans une autre entreprise. De

Page 344: Contribution de la socialisation organisationnelle au

343

même il arrive que certaines entreprises, qui ont fait de l’éthique un pilier de leur action, se

séparent de vendeurs performants. Par ailleurs, les critères d’évaluation de la performance

apportent également un éclairage sur le turnover des nouveaux vendeurs. Les résultats de notre

recherche mettent évidence trois critères : les ventes réalisées par le vendeur, les efforts

accomplis par le vendeur, et la fiabilité du vendeur. Les ventes représentent le résultat objectif

des activités de vente déployées par le vendeur. Elles constituent aussi la mesure par laquelle le

vendeur estime son revenu. Ainsi, un vendeur qui ne réalise pas ses objectifs est susceptible

d’être démissionné par son employeur ; ou un vendeur peut décider de sortir de la force de vente

parce qu’il considère sa rémunération insuffisante. Les efforts réalisés par le vendeur sont

appréciés à travers les activités de vente que le vendeur déploie pour obtenir des ventes. Il est

démontré que les vendeurs qui travaillent avec plusieurs entreprises dispersent leurs efforts, et

réduisent leur capacité à performer. Alors que les vendeurs qui travaillent en équipe, en

mutualisant leurs efforts aux autres vendeurs, réalisent de meilleures performances. Ainsi, un

vendeur qui ne réalise pas suffisamment d’efforts court le risque d’être démis de ses fonctions.

Enfin, le concept de « fiabilité du vendeur » met aussi en exergue le rôle attendu du vendeur,

notamment sa capacité à exercer son métier de vendeur dans le respect des dispositions qui

relèvent de son statut d’indépendant. Ainsi, le non respect de la clause d’exclusivité peut être un

motif de licenciement. En outre, les entreprises mettent en place des récompenses ou des facilités

financières qui permettent de conserver les nouveaux vendeurs.

En conclusion, nous constatons que les actions posées par les acteurs lors du processus

d’intégration ont une incidence sur la performance du vendeur et sa satisfaction au travail.

Ensuite, nous remarquons que l’insatisfaction et l’absence de performance influencent les

intentions de départs des nouveaux vendeurs, mais qu’en réalité les départs effectifs sont

déterminés par les objectifs que se fixent les vendeurs dans leur travail, et les entreprises dans

leur fonctionnement.

1.4.4. La typologie des déterminants du turnover

Le turnover en général, et celui des vendeurs indépendants en particulier renvoie à un certain

nombre de comportements et d’attitudes, qui traduisent leur propension à partir ou à demeurer

dans l’équipe de vente. Dans le cadre de cette recherche, nous avons recueilli auprès des

différents acteurs les raisons qui pouvaient motiver le départ ou le maintien d’un nouveau

vendeur. L’étude comparative des clusters montre que le turnover dépend aussi bien des

décisions des vendeurs que celles de l’entreprise, avec un nombre de déterminants plus

important émanant des vendeurs. L’analyse comparative montre également que la « performance

du vendeur » est au centre de toutes les décisions sur le turnover, aussi bien pour les vendeurs

Page 345: Contribution de la socialisation organisationnelle au

344

que pour l’entreprise. Ce qui révèle l’intérêt que les acteurs accordent aux résultats, et le rôle

central des indicateurs de performance dans le management des vendeurs indépendants. Enfin,

une analyse des caractéristiques des déterminants a permis de dresser une typologie des

déterminants du turnover chez les vendeurs indépendants. Comme le montre le tableau ci-

dessous, nous avons retenu quatre catégories pour classer les déterminants du turnover : la

rémunération, l’emploi lui-même, le management, et les considérations personnelles.

Tableau 58. Typologie des déterminants du turnover

Décision de rester Décision de partir

Rémunération

Niveau de revenu Fixe Multiplier les gains

Commissions perçues Paiements irréguliers Taux de commissionnement

Emploi

Devenir salarié Bien être dans le travail Attente d’un meilleur emploi Absence d’opportunité d’emploi Liberté d’organiser son travail Qualité de l’environnement

Conditions de travail Instabilité de l’emploi Exercer un travail difficile Statut d’agent indépendant Idées préconçues/travail indépendant Absence de plan de carrière

Management

Qualité de la supervision Climat de travail Degré de réalisation de l’objectif

Frustration des vendeurs Pression de la hiérarchie Priver les vendeurs de leurs affaires Promesses non tenues Absence de considération Absence de reconnaissance

Personnel

Travailler comme indépendant Acquérir de l’expérience Rechercher une occupation Passion du métier Subvenir à ses besoins Constituer un capital Espérer un meilleur traitement

Poursuite des études Pression de la famille et des amis

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345

§ La rémunération du vendeur

La rémunération est un facteur très déterminant du turnover des nouveaux vendeurs, car elle

est attachée à la performance du vendeur. En effet, lorsqu’ils débutent leurs activités de vente,

les nouveaux vendeurs ne disposent pas d’un revenu. Ils doivent fournir des efforts pour réaliser

des ventes, et ainsi obtenir leurs premières commissions. Mais, il arrive souvent que les vendeurs

ne soient pas satisfaits des revenus qui leur sont versés, soit parce que les commissions perçues

sont insignifiantes, soit parce que les paiements sont irréguliers.

Concernant les commissions perçues, le taux de commissionnement est à la base des

mauvaises rémunérations enregistrées par les nouveaux vendeurs à leur début. D’une part, le

niveau relativement bas des taux de commissionnement pratiqués ne permettent pas au vendeur

de se constituer un revenu satisfaisant, malgré les efforts fournis dans le travail. D’autre part, les

entreprises mettent en place des systèmes de commissionnement progressifs destinés à

encourager les ventes. Mais, ces systèmes peuvent s’avérer inadaptés aux nouveaux vendeurs,

dans la mesure où iles sont encore peu expérimentés pour réaliser des ventes importantes et

bénéficier des taux attractifs.

S’agissant des paiements irréguliers des commissions, les cartes cognitives des différents

acteurs montrent que les nouveaux vendeurs quittent leur emploi parce qu’ils attendent

longtemps avant de recevoir leurs commissions. Deux raisons sont évoquées par les acteurs, « le

défaut de règlement des clients » et « le traitement administratif des commissions ». Le défaut de

règlement est une préoccupation, car les vendeurs ne sont payés que lorsque la vente est

effectivement encaissée. Il appartient donc à l’entreprise de procéder au recouvrement de ses

créances pour assurer le paiement des vendeurs. Le traitement administratif des commissions se

réfère au retard accusé par l’entreprise pour payer les commissions des vendeurs. Pass (2011)

souligne que la commission n’est pas seulement la récompense de l’effort fourni par le vendeur,

mais elle constitue d’abord le seul revenu dont il dispose pour assurer ses charges. Par

conséquent la diligence dont fait preuve l’entreprise dans le paiement des commissions peut être

une source de satisfaction.

§ L’emploi

L’emploi regroupe les déterminants du turnover portant essentiellement sur le travail des

nouveaux vendeurs. Sur un plan général, les cartes cognitives des acteurs montrent que les

nouveaux vendeurs ont souvent une connaissance approximative de l’emploi qui leur ait proposé.

Les chaines d’argumentation développées par ces acteurs indiquent que, cette mauvaise

Page 347: Contribution de la socialisation organisationnelle au

346

connaissance de l’emploi influence, à travers d’autres variables, la décision de rester ou de partir.

Dans le cadre spécifique de l’analyse de regroupement, les déterminants qui motivent le vendeur

à rester portent sur les aspirations des nouvelles recrues, et l’environnement de travail. D’une

part, les nouveaux vendeurs estiment que le travail qu’ils exercent actuellement est un tremplin,

soit vers un meilleur emploi à l’extérieur de l’entreprise, soit vers un emploi salarié dans leur

entreprise. Cette attente est justifiée par le fait que certaines entreprises, s’appuient

essentiellement sur cette procédure pour recruter leur personnel salarié. Mais, elle découle aussi

de l’attachement culturel des individus au salariat. D’autre part, certains vendeurs demeurent

dans l’équipe vente, parce que l’environnement de travail favorise leur épanouissement ; ou tout

simplement parce qu’ils ont noué de très bonnes relations, avec leurs collègues vendeurs et

l’ensemble des personnes dédiée à la vente. Par ailleurs, les déterminants à l’origine des départs

des nouveaux vendeurs, reposent aussi bien sur l’attractivité de l’emploi que sur la perception

que ces derniers ont de leur statut de vendeur. En effet, le statut d’agent indépendant est souvent

considéré comme un statut qui ne garanti pas l’emploi. Les vendeurs diplômés sont réticents à

exercer cette fonction, car ils estiment qu’ils peuvent obtenir mieux qu’un travail d’indépendant.

Dans le même ordre d’idées, les conditions de travail inadaptées, souvent liées aux

commodités68 dont à besoin un vendeur pour exercer son activité, influencent le départ du

nouveau vendeur. Les difficultés rencontrées par les vendeurs dans la conquête des clients, ainsi

que les efforts demandés aux vendeurs quant aux résultats, peuvent être un motif de départ.

§ Le management

Le management intègre l’ensemble des déterminants du turnover relatifs à la gestion au

quotidien de l’équipe de vente. L’analyse comparative des clusters des différentes cartes montre

que, les départs des nouveaux vendeurs sont dus, en partie aux frustrations qu’ils éprouvent vis-

à-vis des personnels salariés, et de leur superviseur. En effet, les nouveaux vendeurs ont le

sentiment d’être tenu à l’écart, pour la seule raison qu’ils ne sont pas salariés de l’entreprise. La

carte cognitive montre que le manque de considération exprimé par les vendeurs, est

particulièrement manifeste dans les retards de paiement des commissions. Elle met aussi en

relief, le fait que des vendeurs peuvent être déposséder des affaires importantes, au motif que la

hiérarchie aurait contribué à l’acquisition de celle-ci. Ces comportements sont de nature à

décourager les nouveaux vendeurs qui, fautes de pouvoir entrer en possession de leurs

commissions, sont obligés de quitter l’entreprise. En outre, certaines pratiques engendrent chez

les vendeurs, des comportements qui peuvent potentiellement influencer leur départ ; la pression

de la hiérarchie sur les résultats, crée des tensions qui peuvent affecter les efforts des vendeurs 68 Moyen de déplacement, frais de vie…

Page 348: Contribution de la socialisation organisationnelle au

347

dans leur travail ; les promesses non-tenues engendrent également une perte de confiance entre le

vendeur et sa hiérarchie ; et enfin, le manque de reconnaissance ne permet pas de valoriser le

travail du vendeur. Par ailleurs, nous notons qu’un déterminant, le climat de travail, influencent

à la fois le départ du vendeur et la décision de rester dans l’équipe. Dans la force de vente

indépendante, le climat de travail est apprécié à partir des relations que les vendeurs

entretiennent entre eux, et avec leur hiérarchie. L’analyse des clusters montre que ces relations

sont, dans leur majorité, conflictuelles. Elle indique aussi que la concurrence entre vendeurs est

à l’origine de ces conflits, dans la mesure où celle-ci porte sur les clients, source de revenu.

Ainsi, lorsque les conflits sont résolus équitablement, le climat est apaisé et les vendeurs auront

tendance à demeurer dans l’équipe. Dans le cas contraire, les vendeurs mécontents vont sortir de

l’entreprise.

§ Les considérations personnelles

Les considérations personnelles recouvrent l’ensemble des préoccupations des nouveaux

vendeurs. L’analyse comparative des clusters montre que les nouveaux vendeurs peuvent quitter

l’entreprise sous la pression de la famille et les amis, ou pour poursuivre leurs études. D’une

part, la pression de la famille et des amis repose sur les interprétations que ceux-ci se font du

travail indépendant, et l’image de précarité qui y est associée. Cette position explique

l’attachement culturel des individus à l’emploi salarié. D’autre part, certains individus viennent

travailler pour un temps et repartent à leurs occupations initiales, c’est le cas des étudiants qui

généralement sont employés en temps partiel.

2. La pertinence de l’utilisation de la méthode des cartes cognitives dans cette

recherche

L’utilisation de la cartographie cognitive dans cette recherche se révèle opportune à double

titre. D’abord, parce qu’elle nous permet d’appréhender la socialisation des nouveaux vendeurs

à travers les représentations mentales des agents de socialisation, et donc de capturer le processus

cognitif et le résultat de ce processus (Denis, 1989) (2.1). Ensuite, parce qu’elle permet de traiter

la complexité qui caractérise le management des forces vente, et par conséquent de la prendre en

compte dans le processus de socialisation organisationnelle (2.2).

Page 349: Contribution de la socialisation organisationnelle au

348

2.1. Appréhender la socialisation du vendeur indépendants à partir des représentions

des acteurs

En partant du principe que la socialisation du vendeur indépendant est un construit social, il

était nécessaire que nous nous appuyions sur les représentations des acteurs impliqués dans ce

processus afin de cerner leurs préoccupations, et de distinguer celles qui sont partagées de celles

qui ne le sont pas. En effet, en tenant compte des contextes de travail, de la diversité des statuts

de vendeur et même des produits à vendre, le management à appliquer n’est pas toujours le

même dans toutes les organisations de vente, et même d’un vendeur à un autre dans une même

organisation. Ainsi, pour appréhender la façon dont les nouveaux vendeurs s’adaptent à leur

nouvel environnement, nous nous appuyons sur le concept de socialisation, et particulièrement

sur les expériences vécues et les représentations des personnes qui, dans l’entreprise, participent

au processus de socialisation (superviseurs et collègues expérimentés).

Afin de cerner la juxtaposition de nos approches théoriques et méthodologiques, nous

proposons dans un premier temps de définir le concept de représentation, et son utilisation dans

les sciences de gestion (2.1.1). Puis, nous précisons ses apports dans l’étude de la socialisation

du vendeur indépendant (2.1.2).

2.1.1. Le concept de représentation en sciences de gestion

En se référant aux définitions d’auteurs importants dans ce champ de recherche (Abric,

1988 ; Molinier, 1998), Barth (2002) définit la représentation comme « un ensemble organisé

d’opinions, d’attitudes, de croyances et d’informations se référant à un objet ou une situation ».

Le concept de représentation dont l’origine se situerait dans les sciences cognitive, a fait

l’objet de définitions « riches et variées » dans les sciences sociales (Schultz et Labbe-Pinlon,

2013). En psychologie cognitive, les représentations désignent le traitement de l’information par

l’individu en fonction de sa propre histoire69. En psychologie sociale, les représentations

correspondent à une « forme de connaissance socialement élaborée et partagée ayant une visée

pratique et courante à la constitution de la réalité commune à un ensemble social »70. Dans les

sciences de gestion, le concept de représentation est utilisé pour apprécier la façon dont les

décideurs appréhendent leur environnement concurrentiel. En marketing, les représentations sont

mobilisées pour aborder la manière dont les managers simplifient et donnent du sens au marché

(Schultz et Labbe-Pinlon, 2013 ; Chaney, 2010 ; Chabin, 2001). En stratégie ou en

69 Gallina, 2006 70 Jodelet, 1997

Page 350: Contribution de la socialisation organisationnelle au

349

entrepreneuriat, les représentations permettent de mettre en évidence la vision stratégique du

dirigeant pour son entreprise. En gestion des ressources humaines, les représentations sont un

formidable outil d’aide à la gestion (Mouret, 1993), notamment dans les démarche d’anticipation

(prévision ou prospective) comme la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

(GPEC). Selon cet auteur, « l’anticipation dote le Directeur des ressources humaines (DRH) des

outils et de processus qui font de lui un manager stratégique ».

Dans son article intitulé « le Manager Pygmalion », Lamendour (2009) analyse la relation

managériale d’un débutant et son mentor au moment de l’intégration, en s’appuyant sur les

représentations filmiques. L’auteur met en évidence deux aspects essentiels : l’essence

relationnelle du management, et la portée des représentations dans l’action managériale. En effet,

Lamendour (2009) appréhende « le management comme un processus relationnel ». Elle

souligne l’importance de la relation avec l’autre dans les recherches en management, et la

dimension formative du concept, considérée comme une compétence que l’on doit acquérir et

qui doit, par conséquent, faire l’objet d’un enseignement particulier. Ainsi, la relation

managériale est caractérisée par un temps d’apprentissage qui est marqué par les actions

conjointes du nouvel arrivant et du mentor.

Concernant la portée des représentations dans l’action managériale, l’auteur met en évidence

trois usages auxquels ce type d’analyse permet d’accéder : comprendre, agir et former. Les

représentations peuvent être utilisées comme outil de compréhension. L’auteur souligne que

« l’analyse des représentations permet d’évaluer la perception de la gestion dans une société

donnée ». Autrement dit, elles donnent à comprendre les valeurs et les pratiques que les groupes

étudiés ont en communs. Ces éléments peuvent être utiles pour l’interprétation de leur

environnement. Les représentations peuvent être également appréhendées comme un

cheminement vers l’action, dans la mesure où elles constituent le cadre d’interprétation des

situations de gestion auxquelles sont confrontés les acteurs. Ces interprétations « oriente

l’engagement des acteurs dans l’action managériale et structurent leurs comportements ». Enfin,

les représentations peuvent être utilisées comme des outils « didactiques » au service des

formations réalisées auprès des managers et des vendeurs qui ont besoin de comprendre l’action

managériale.

Page 351: Contribution de la socialisation organisationnelle au

350

2.1.2. L’apport de la cartographie cognitive à l’étude des représentations de la

socialisation du vendeur indépendant

Selon Chaney (2010), la cartographie cognitive à pour but d’appréhender les représentations

mentales. Autrement dit, elle permet de capturer, de représenter et d’analyser les représentations

d’un individu à un moment donné (Fletcher et Huff, 1990). Elle apparait donc pertinente dans le

cadre de notre recherche pour trois raisons principales. D’abord parce que, à la différence des

autres méthodes d’analyse des données textuelles, elle s’intéresse à l’individu dans son

environnement, dans une perspective holistique des choses (Calori et Sarnin, 1993). Autrement

dit, dans notre cas, elle permet de replacer le vendeur dans son environnement et de voir à un

instant donné les relations qu’il entretient avec cet environnement en termes de moyens et fins.

Ensuite, les cartes cognitives ne se contentent pas de compter et d’analyser quantitativement les

unités de texte, mais elles permettent surtout de mettre en évidence le sens et la prégnance

d’éléments cognitifs, et surtout d’analyser les relations entre ces éléments cognitifs. Enfin, le

résultat de l’analyse, la carte cognitive, s’avère être un outil de communication puissant pour les

chercheurs et les consultant (Allard-Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger, 2003). Toutefois, la

cartographie ne permet que de réaliser une photographie de la cognition d’un individu à un

moment donné, et n’appréhender qu’un aspect des représentations : le produit du processus

cognitif.

Par ailleurs, dans la mesure où la socialisation du vendeur indépendant est appréhendée

comme un processus de construction de la relation managériale, et que cette relation n’est pas la

même d’une organisation à une autre, la socialisation du vendeur indépendant peut aussi être un

objet de représentations sociales. En s’appuyant sur les travaux de Moliner (1996), Mantione,

(2001) distingue cinq conditions nécessaires à l’émergence d’une représentation sociale. La

première concerne « l’objet » des représentations, la socialisation du vendeur indépendant dans

notre cas, et s’appuie sur deux caractéristiques essentielles de cet objet : l’aspect polymorphe et

la valeur d’enjeu. Autrement dit, le vendeur indépendant peut faire l’objet de socialisations

multiformes. La diversité des forces de vente nécessite qu’elle soit construite pour assurer le bon

fonctionnement de l’organisation. La deuxième condition concerne l’existence d’un « groupe »

de référence identifié par l’interdépendance de ces membres, c'est-à-dire les individus qui

élaborent ces représentations. Dans notre recherche, ce groupe est représenté par l’équipe de

vente, composée d’un superviseur et des vendeurs (anciens et nouveaux). La troisième condition

fait référence aux « enjeux » suscités par l’objet. La définition d’une identité en ce qui concerne

l’individu par rapport à son groupe de référence ; la cohésion sociale en ce qui concerne le

groupe. Ainsi, la socialisation permet aux acteurs de se former une identité de vendeurs ou de

Page 352: Contribution de la socialisation organisationnelle au

351

manager, en même temps qu’elle crée de la cohésion en favorisant un fonctionnement

harmonieux du groupe. La quatrième condition relative à la « dynamique sociale » est incarnée

par trois éléments qui sont « le groupe, l’objet et l’autrui social ». Dans notre recherche, cette

dynamique est perceptible dans les interactions que les sous-groupes de notre population

entretiennent. Ainsi, en interagissant les uns avec les autres, les managers de vente et leurs

vendeurs s’aident mutuellement à élaborer une activité représentationnelle. La cinquième

condition concerne l’existence d’une « orthodoxie » qui régularise le fonctionnement du groupe,

et qui serait la même pour tous. La présence d’un tel système n’est pas compatible avec

l’élaboration des représentations. Concernant la relation managériale entre un manager et ses

vendeurs, un tel système n’est pas envisageable, car en management des forces de vente tout

comme dans les autres activités de management, le « one best way » est révolu. La relation

managériale n’étant pas la même d’une entreprise à une autre, nous pouvons dire qu’elle se

construit en fonction des contingences.

2.2. Les cartes cognitifs, pour réduire la complexité des schèmes cognitifs

La diversité des entreprises et des fonctions commerciales suggère que le management d’une

force de vente est un processus complexe qui nécessite un nombre important de décision et qui

fait intervenir des relations multiples dans l’organisation (Darmon, 1993, 2012). Comme toutes

les décisions de management des forces de vente, l’intégration des vendeurs indépendants est

une opération complexe qui peut s’avérer difficile à comprendre, et donc à gérer en l’état actuel

des connaissances. En introduisant la cartographie cognitive, nous avons été en mesure, non

seulement de mettre en évidence cette complexité, mais également de la réduire afin d’avoir une

bonne compréhension des échanges qui se produisent entre le manager et ses vendeurs dans cette

phase d’intégration.

Dans le cadre de notre recherche, les résultats de l’analyse de structure ont révélé

l’importance de la complexité des schèmes cognitifs des trois catégories acteurs étudiés. Cette

complexité peut s’expliquer par des raisons d’origines diverses. D’abord au niveau des

responsables commerciaux, l’analyse montre que ces acteurs sont souvent confrontés à de fortes

ambiguïtés. Par exemple, les responsables commerciaux envisagent de « gérer autrement les

vendeurs indépendant ». Cependant, on peut constater dans le même temps qu’ils ne fournissent

pas toujours toute l’information sur les emplois proposés ; ou que certains managers adoptent

plutôt un contrôle contraignant vis-à-vis de leurs vendeurs indépendants. Ainsi, ils appliquent les

règles qui régissent leur collaboration avec les vendeurs indépendants, quand celles-ci leur sont

Page 353: Contribution de la socialisation organisationnelle au

352

favorables. Cependant, ils dérogent à leur usage lorsqu’elles ne profitent pas à l’entreprise. Ce

qui laisse penser qu’ils adoptent des comportements opportunistes.

Ensuite, concernant les nouveaux vendeurs, nous constatons que ces acteurs sont confrontés à

plusieurs incertitudes au moment de leur entrée dans l’entreprise. Ils sont souvent appelés à

travailler, et à financer leur activité alors qu’ils ne disposent pas d’un revenu. Cette complexité,

bien qu’elle soit d’un niveau relativement faible (10 boucles), apparait plutôt un handicap. En

effet, on peut penser les nouveaux vendeurs qui quittent prématurément l’entreprise ont un faible

niveau de complexité cognitive, car ils ont « tendance à voir les choses de manière

dichotomique »71.

Enfin, les vendeurs séniors sont confrontés à une ambiguïté sur leur rôle de tuteur. Ils doivent

assurer un rôle important dans la socialisation des nouveaux vendeurs, alors qu’ils ne sont pas

salariés de l’entreprise. Les vendeurs séniors sont souvent partagés entre une activité qui n’est

pas officiellement rémunéré, et leur activité principale de vendeur. Cependant, ils font preuve

d’un comportement altruiste, indispensable pour apporter aux nouveaux vendeurs le soutien

nécessaire à leur intégration.

Dans la littérature, les cartes cognitives présentant des indicateurs élevés correspondrait à des

individus ayant une pensée plus ou moins complexe. Selon Eden et al (1992), cette complexité

est le signe qu’il existe potentiellement chez ces individus des conflits entre les actions qu’ils

mettent en œuvre, et les objectifs qu’ils poursuivent. Mais selon Cossette (2004), le niveau de

complexité élevé des cartes cognitives est plutôt une bonne chose. Il laisse penser que, dans

leurs représentations, les trois catégories d’acteurs étudiés possèdent des capacités qui leur

permettent d’envisager des causes multiples aux problèmes auxquels ils sont confrontés, ainsi

que les solutions à y apporter. Cette observation est conforme à l’esprit de la théorie de la

complexité cognitive qui suggère qu’un individu qui a une complexité cognitive élevé a plus de

capacité que d’autres, à proposer de meilleures solutions. Au lieu d’être un handicap, la

complexité d’un schème cognitif est plutôt considérée comme un atout, dans la mesure où elle

confère à l’individu une capacité d’adaptation importante. Cossette (2004) souligne également

qu’un schème à avantage à être complexe. Selon l’auteur, « plus une structure cognitive est

complexe, plus elle permet de faire face adéquatement à des situations différentes et nouvelles ».

Il faut remonter à Weick (1979) pour retrouver le sens profond de ce concept en management. En

effet, Weick suggère que les managers doivent intégrer la complexité dans leurs schèmes

71 Jean-Frédéric Morin (2013). Nous reprenons à notre compte cette allusion faite sur les dirigeants de grands pays sur leur perception des relations internationales.

Page 354: Contribution de la socialisation organisationnelle au

353

d’action et de pensée, et appréhender les problèmes qui se posent à l’organisation et son

environnement sous plusieurs angles. Cette approche permet au décideur de mettre en évidence

les différentes causes possibles d’un problème, afin de choisir l’action la plus adaptée à la

situation. Bartunek et al, (1983) suggèrent que la complexité cognitive conduit à un

comportement plus efficace, et à une perception plus juste des évènements, bien que cette

relation ne soit pas nécessairement linéaire et automatique. Ainsi, lorsqu’on aborde la complexité

cognitive des trois acteurs que nous avons choisi d’étudier, nous nous apercevons qu’ils adoptent

chacun des solutions qui sont plus ou moins adaptées à leurs préoccupations. Mais, pour autant

ces préoccupations ne sont pas forcément partagées. Par conséquent, il est logique de penser que

l’existence de divergences, entre les acteurs, peut affecter le processus de socialisation des

nouveaux vendeurs, qui à son tour influence le turnover.

Page 355: Contribution de la socialisation organisationnelle au

354

SECTION 2. DISCUSSION SUR LA GESTION DE LA SOCIALISATION DES

VENDEURS INDEPENDANTS

Notre recherche sur la socialisation du vendeur indépendant nous conduit à penser qu’il est

possible de renforcer le corpus managérial des forces de vente en introduisant le concept de

socialisation. La pénurie de vendeurs qualifiés sur le marché, et la très faible probabilité de

recruter des vendeurs expérimentés laisse apparaitre la nécessité d’accompagner les nouveaux

vendeurs dans leur adaptation dans le métier et dans l’entreprise. Par ailleurs, la littérature en

management des forces de vente à montré que le vendeur indépendant était à la fois un

représentant commercial, un entrepreneur individuel, et même un fournisseur de prestations.

Autant de facettes du rôle du vendeur qui traduisent la complexité des relations de travail que

ce dernier entretient avec l’entreprise. Cependant, la faisabilité d’une telle action se pose, si l’on

considère la position du vendeur dans l’entreprise à travers son statut d’indépendant. En effet, en

l’absence d’un lien de subordination, il peut être difficile de soumettre le nouveau vendeur à un

programme de socialisation, tout comme ce dernier peut difficilement trouver du temps à

consacrer à une activité qui ne lui rapporte pas.

Dans cette section, nous voulons apporter les arguments en faveur d’une formalisation des

pratiques de socialisation au sein des forces de vente, à travers une gestion effective du processus

de socialisation (1), avant de proposer les implications managériales (2).

1. La gestion du processus de socialisation

Dans une perspective interactionniste la socialisation existe naturellement à travers les

échanges fonctionnels ou non qui se construisent dans le cadre du travail. Il apparait alors

nécessaire de formaliser le processus, afin d’en avoir la maitrise.

1.1. Préexistence de la socialisation dans l’entreprise

L’utilisation de cette approche dans le cadre de notre recherche à permis de constater que la

socialisation était mises en œuvre de façon inconsciente dans ces organisations de vente, et que

cette absence de formalisation rendait nécessairement le processus incomplet. Nous rappelons

que la socialisation organisationnelle peut être appréhendée, selon qu’on la considère du point

de vue de l’organisation, ou du point de vue de l’individu. A ces débuts, la littérature sur la

socialisation est fortement marquée par la prééminence de l’organisation sur l’individu, mais

avec le développement de la GRH, l’individu n’est plus seulement un acteur passif, il participe

activement à sa propre socialisation. La tendance actuelle est plutôt à une intégration des

Page 356: Contribution de la socialisation organisationnelle au

355

positions organisationnelles et individuelles de la socialisation dans l’entreprise, et de façon

générale à l’émergence d’une approche interactionniste. Dans le paradigme interactionniste, la

socialisation existe dès lors que des individus, en interaction, collaborent dans le cadre de leur

travail pour apporter des solutions aux problèmes de gestion qui se posent à eux. Reichers (1987)

souligne que l’interaction est au centre du processus de socialisation. Ainsi, peut être qualifié de

socialisation tout échange d’informations, même informel, entre les personnes déjà en place dans

l’organisation et les nouvelles recrues, dès lors que ces derniers prennent connaissance de la

réalité de leur environnement de travail, et se forment une nouvelle identité. Selon Perrot et al.

(2005), les individus s’influencent mutuellement et participent à la construction d’une réalité

organisationnelle qui correspond à leurs aspirations profondes. Autrement dit, la réalité sociale

n’est prédéfinie d’avance, elle n’existe que par rapport aux « interactions multiples et divers »

que les individus mettent en œuvre. Ces interactions sont perceptibles dans les messages que les

entreprises et leurs membres envoient aux nouvelles recrues, et les comportements qui sont

affichés par ces derniers en retour (Lacaze, 2010). Ainsi, il est possible d’identifier, à travers le

modèle de socialisation de Van Maanen et Schein (1979), le style de socialisation mis en œuvre

par une entreprise.

La socialisation existe donc dans l’entreprise, en dehors de toute procédure formelle de

l’organisation. Elle apparait comme un processus incomplet dans la mesure où elle n’émane pas

d’une volonté stratégique de l’entreprise, mais résulte plutôt de l’héritage des pratiques passées.

Ainsi, en accordant une attention limitée à la socialisation de ses nouveaux vendeurs, l’entreprise

se prive également de la possibilité d’orienter ultérieurement leurs comportements déviants.

1.2. Formaliser nécessairement la socialisation des vendeurs indépendants

§ En vue de consolider la stratégie d’externalisation

La tendance actuelle des entreprises est d’externaliser leur force de vente pour bénéficier des

avantages que procure cette opération (notamment la transformation des charges fixes liées aux

salaires des vendeurs en charges variables). Mais cette décision, qui entraine nécessairement un

changement de la structure de vente, est souvent mise en œuvre sans qu’il soit envisagé

parallèlement une évolution de la gestion des hommes qui composent cette organisation. En

effet, la position qu’occupent les vendeurs, à l’extérieur des frontières de l’entreprise pose le

problème de leur encadrement et de façon générale, celui du management à mettre en place pour

que les objectifs poursuivis par l’entreprise restent bien défendus.

Page 357: Contribution de la socialisation organisationnelle au

356

La difficulté à laquelle sont confrontées les entreprises dans la gestion de leurs vendeurs

indépendants est principalement d’ordre juridique. Cependant, malgré le fait qu’ils soient

légalement indépendants, l’agent commercial et sont mandant sont en réalité interdépendants

dans la mesure où la réussite de l’un dépend de celle de l’autre (Anderson et Trinkle, 2005, p.

130). Aussi, travailler dans le sens du renforcement de cette relation est la voie prônée par de

nombreux chercheurs et praticiens (Anderson et Trinkle, 2005 ; Moulinier, 2005). En s’appuyant

sur l’interdépendance des acteurs, nous nous intéressons aux obligations réciproques qui sont

consignés dans le contrat. Ces obligations peuvent être appréhendées comme des normes de

comportement ou des rôles que l’on pourrait assimilés à des pratiques dans le cadre d’une

fonction. Ainsi, comme le souligne Guni72 dans sa thèse de doctorat, « tout changement

organisationnel crée des rôles complémentaires dont doit s’approprier le management ».

Autrement dit, il est nécessaire d’identifier les nouveaux rôles qui sont attachés à la gestion de

l’agent commercial, et les intégrer dans le système de gestion des forces de vente. Ces rôles vont

à leur tour suscité de nouvelles approches de gestion. Guillemin et Grenier Godard (2004)

soulignent l’intérêt de la mise en place d’un management des ressources humaines concertée

pour assurer le succès d’une opération d’externalisation et les perspectives récentes développées

dans le domaine de la gestion des ressources humaines, notamment la possibilité d’étendre la

recherche à d’autres acteurs à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise permet d’entrevoir des

solutions de gestion aux problèmes posés par l’externalisation des vendeurs.

§ En vue de maitriser le comportement du vendeur

Pour illustrer nos propos, nous avons choisi d’établir une analogie avec le concept de

positionnement en marketing.

En effet, selon la littérature en marketing le positionnement concurrentiel d’un produit

désigne la place qu’une entreprise souhaiterait voir son produit occupé dans l’esprit du

consommateur. Deux options s’offrent à l’entreprise. Elle décide de positionner volontairement

son produit, dans ce cas elle choisi la meilleure position possible sur le marché, en tenant compte

des caractéristiques et qualités de son produit, et des besoins de la population qu’elle souhaite

atteindre. L’entreprise peut aussi choisir de ne pas positionner son produit, dans ce cas le produit

sera positionner par défaut par les populations auxquels il est destiné. Dans le premier cas,

l’entreprise installe son produit dans une position qui lui permet de maitriser son comportement

72 Thèse de doctorat en sciences de gestion : La fonction des ressources humaines face aux transformations des entreprises. (2002)

Page 358: Contribution de la socialisation organisationnelle au

357

sur le marché. Dans le second cas, elle perd le contrôle de son produit sur le marché, en

abandonnant le positionnement de ce dernier « entre les mains de la clientèle ».

Dans le même esprit, la socialisation organisationnelle permet de définir les comportements et

les attitudes qu’une entreprise souhaiterait faire adopter à ses nouvelles recrues. Il va de soi

qu’une entreprise qui met en œuvre, de façon explicite, la socialisation des nouveaux arrivants

aura un meilleur contrôle sur leurs comportements ultérieurs. A contrario, une entreprise qui

n’organise pas la socialisation de ces nouvelles recrues, prend le risque de les soumettre à des

influences négatives qui peuvent à termes le desservir. Autrement dit, la nouvelle recrue est

socialisée par défaut, et les comportements qu’elle développe échappent totalement ou

partiellement à l’entreprise. A la lumière de ce qui précède, nous pouvons affirmer que le

turnover des vendeurs indépendants est du principalement au peu d’intérêt que les managers des

ventes accordent à la socialisation des nouveaux vendeurs. En laissant les nouveaux vendeurs

« se débrouiller tout seul », l’entreprise se prive des moyens qui leur permettraient de réduire le

turnover. Dans une approche similaire, Grant et Bush (1996) soulignaient déjà que le manque

d’attention au processus de socialisation, pouvait avoir des conséquences sur le niveau du

turnover des vendeurs.

2. Les implications managériales

Afin d’obtenir des nouveaux vendeurs des comportements et attitudes souhaitées, il est

indispensable que l’entreprise formalise ses pratiques de socialisation. Nous avons démontré

dans le paragraphe précédent qu’une attitude passive privait l’entreprise du contrôle des

comportements ultérieur du vendeur, alors qu’une gestion plus active de la socialisation

permettait à celle-ci d’orienter les comportements et attitudes des nouveaux vendeurs. Les

résultats de notre recherche ont montré également que parmi tous les rôles que le vendeur devait

endosser, seul le rôle de représentant commercial était pris en compte. Il est donc nécessaire

d’intégrer dans le processus de socialisation les aspects entrepreneuriaux.

Sur la base de ces observations et des résultats de notre recherche, nous proposons des pistes

de réflexion qui permettront d’orienter les actions des managers, et la possibilité de contrôler les

comportements, et notamment le niveau particulièrement élevé du turnover des vendeurs en

phase d’intégration.

Page 359: Contribution de la socialisation organisationnelle au

358

2.1. Développer un leadership spécifique

Nous avons soulignés le fait qu’il était difficile de mettre en place des actions de socialisation,

compte tenu de la nature de la relation de travail, et des impératifs de résultat pour les deux

parties. Or, les résultats de notre recherche ont montré que dans bien des situations de gestion, la

supervision pouvait être à l’origine de nombreux départs des nouveaux vendeurs. En effet, le

superviseur occupe une place centrale dans la relation contractuelle entre l’entreprise et ses

vendeurs indépendants. C’est l’interlocuteur privilégié entre ces deux entités, et par conséquent

celui qui peut le mieux défendre leurs intérêts respectifs. Mais, ce rôle d’intermédiaire confère au

superviseur des responsabilités qui nécessitent des compétences particulières et un bon

leadership.

2.1.1. Mobiliser de nouvelles compétences

S’agissant des compétences, il est souhaitable qu’un superviseur ait de bonnes connaissances

sur le plan commercial, et surtout un vécu suffisamment important dans la vente. C’est en

général ce critère prépondérant dans les forces de vente, puisque les trois quart de notre

échantillon sont des anciens vendeurs. Mais ce critère commercial ne parait pas suffisant au

regard des responsabilités qui incombent au superviseur. En effet, la supervision des vendeurs

indépendants nécessite des compétences qui vont au-delà du simple domaine commercial. Ainsi,

il serait intéressant qu’un superviseur maitrise les différents aspects des ressources humaines

(recrutement, formation, rémunération, etc.). Il apparait aussi évident qu’il soit parfaitement

informé des dispositions juridiques qui régissent la relation avec les vendeurs. Dans le cas

d’espèce, si le superviseur n’a pas une bonne connaissance du statut d’agent commercial, il est

certain que les informations qui seront transmises au nouveau vendeur seront décalées de la

réalité. Le superviseur doit donc développer des compétences variées. La littérature sur

l’externalisation des vendeurs identifie plusieurs domaines de compétences ; la gestion des

ressources humaines (Darmon, 1993, 2012 ; Leroux, 2004) ; les achats (Leroux, 2004 ; Gosse et

al, 2002) ; et le droit, notamment une maitrise des contrats (Barthélémy, 2004).

2.1.2. Partager le leadership

L’une des difficultés du management des forces de vente est le manque d’emprise des

managers sur les vendeurs du à l’éloignement physique, social et psychologique de ces derniers

des structures d’encadrement. Cet éloignement est aggravé, en ce qui concerne les vendeurs

indépendants, par les restrictions d’ordre juridiques. Ainsi, les managers des forces de vente sont

davantage des superviseurs que des leaders, dans la mesure où leur rôle consiste à s’assurer

Page 360: Contribution de la socialisation organisationnelle au

359

(surveiller) que les vendeurs mettent en œuvre les activités qui permettent d’atteindre les

objectifs fixés par l’entreprise. Pour autant, les résultats de notre recherche montre une évolution

des comportements aussi bien des nouveaux vendeurs que des responsables commerciaux. D’une

part, la carte cognitive des nouveaux vendeurs révèle l’existence d’un besoin implicite de

leadership, si l’on tient compte des attentes exprimées par ces derniers à leur arrivée dans

l’entreprise. D’autre part, le schème cognitif des responsables commerciaux met en relief la

volonté des managers d’orienter les comportements des vendeurs dans un sens qui est favorable

à l’entreprise. Ce type de management, que nous qualifions d’interventionniste, peut-il incarner

un style de leadership ? Quel leadership est adapté à la gestion des vendeurs indépendants ?

Autant de questions qui témoignent de la confusion qui persiste entre management et leadership,

et en ce qui nous concerne des difficultés à définir ce que peut être un leadership dans le

management des vendeurs indépendants.

Les chercheurs en management des forces de vente se sont particulièrement intéressés au

leadership commercial. Les premiers travaux ont consisté à établir la relation entre les différents

styles de leadership, notamment les leaderships transactionnel et transformationnel, et les divers

résultats en comportement organisationnel (Ingram et al, 2005 ; Humphreys, 2002 ; Mc Kenzie

et al, 2001 ; Shoemaker, 1999 ; Kouzes et Posner, 1987). Cette littérature est marquée par une

très grande confusion des termes utilisés par les chercheurs pour désigner le leadership (Ingram

et al, 2005). Afin de tenir compte de l’évolution de l’environnement commercial, ces auteurs

proposent une nouvelle orientation des recherches sur le leadership commercial. Celle-ci est

articulée autour de trois éléments essentiels. Le premier se réfère à la définition, et appréhende le

leadership commercial comme des « activités accomplies par ceux-là qui dans les organisations

de vente influencent les autres pour atteindre des objectifs communs en faveur de l’organisation

des ventes et de l’entreprise »73. Cette conception considère que le leadership est porté par le

responsable le plus élevé de la hiérarchie commerciale, mais admet également son extension vers

l’ensemble des managers. Ainsi, les vendeurs peuvent développer un leadership personnel dans

le cadre de leurs activités, tout comme les individus engagés dans des activités formelles ou

informelles au sein d’une équipe de vente, peuvent partager le leadership. Le deuxième élément

concerne les spécificités du travail de vendeurs. Selon Ingram et al (2005), l’éloignement des

vendeurs des structures d’encadrement s’accordent difficilement avec la mise en œuvre d’un

leadership traditionnel. Seul un leadership personnel est pertinent dans ces cas d’isolement des

vendeurs. Dans le même sens, la position charnière des vendeurs, à la fois représentant des

vendeurs auprès de l’entreprise et représentant de l’entreprise auprès des vendeurs, créent des

73 Notre traduction

Page 361: Contribution de la socialisation organisationnelle au

360

demandes conflictuelles qui nécessitent un leadership particulier. Enfin, le troisième élément

concerne la différence fondamentale que les auteurs établissent entre d’une part le leadership, et

d’autre part le management et la supervision. Pour ces auteurs, « le leadership commercial tend à

être plus proactif, orienté dans le long terme, prenant une perspective générale, et touche

davantage les individus que le management et la supervision ». Alors que « le leadership

s’intéresse à l’efficacité et à utiliser les bonne pratiques, le management et la supervision, au

contraire, s’intéressent à la performance et fait ce qui est juste de faire ».

En partant de cette approche, et conformément à la perspective interactionniste adoptée dans

notre recherche, un leadership partagé serait plus indiqué à la situation des vendeurs

indépendants. Celui-ci repose sur l’influence réciproque des acteurs et l’adoption des

comportements qui sont profitables à l’entreprise. Autrement dit, le leader serait davantage un

coach qui accompagne le nouveau vendeur dans sa prise de rôle, travaille à la constitution d’une

véritable équipe de vente et à sa cohésion, et améliore son efficacité. Le nouveau vendeur

contribuerait à ce leadership par son comportement proactif, à travers une recherche active

d’information et une capacité à l’auto-management. Dans sa revue de la littérature sur le

leadership, Plane (2015) évoque l’intérêt d’un leadership partagé, comme réponse aux

changements intervenus dans les organisations ces dernières années. En s’appuyant sur les

travaux d’Edith Luc (2004, 2010, 2014), l’auteur souligne l’importance d’un « leadership

réciproque entre les personnes mobilisées pour une cause commune ». Il met en évidence

« l’équilibre nécessaire entre un leadership vertical traditionnel et un leadership distribué,

individuel ». Par ailleurs, contrairement à Ingram et al (2005) qui soulignent les différences entre

le leadership et le management, Plane (2015) précise la position de Mintzberg ( ) pour qui le

leadership et le management serait indissociables. Elles constitueraient les deux faces d’une

seule et même réalité. Ainsi, comme nous avons appelé à un management spécifique pour les

vendeurs indépendants, il serait souhaitable d’envisager aussi un leadership spécifique.

2.2. Attirer et retenir les nouveaux vendeurs

2.2.1. Recrutement réaliste et adéquat.

Le travail de vendeur indépendant n’est pas très connu du grand public, et beaucoup

d’individus s’engagent dans ces emplois sans avoir une idée exacte de ce qu’ils vont faire. Il est

donc nécessaire que les entreprises soient plus réalistes dans leur recrutement. Ce réalisme passe

d’abord par l’utilisation des moyens plus adaptés, comme le bouche à oreille qui permet

d’atteindre une population plus ciblée, ou en organisant des journées porte ouverte dans des

établissements de gestion afin d’informer plus amplement sur les emplois. Il est aussi possible

Page 362: Contribution de la socialisation organisationnelle au

361

d’utiliser les annonces presse ou de faire intervenir les cabinets de recrutement, mais de façon

marginale. Ensuite, il est souhaitable que les informations véhiculées tout le long du processus

de recrutement soient de qualité. Les postulants manifestent un besoin important d’informations

sur l’emploi proposé ; ils veulent connaitre les conditions matérielles et financières de travail ; ils

veulent aussi avoir des informations sur les possibilités de carrière. Il est donc nécessaire que les

entreprises mettent à disposition ces informations avant les opérations de recrutement. Enfin,

nous pensons qu’il est meilleur d’attirer les candidats et les emmener à prendre ce poste, en

présentant les revenus des meilleurs vendeurs plutôt que de faire des promesses. Les revenus

permettent une prise de conscience quant aux efforts à fournir pour les obtenir, alors que les

promesses sont plus déstabilisantes lorsqu’elles ne sont pas tenues.

Par ailleurs, les résultats de notre recherche ont montré que la pénurie de vendeurs qualifiés

orientait les entreprises, soit vers des personnes très diplômés qu’il était impossible de retenir,

soit vers des personnes qui ne présentaient pas de réelles aptitudes pour la vente. Il est donc

important que les responsables commerciaux recrutent « la personne qu’il faut à la place qu’il

faut ». Les différents types d’adéquation entre l’individu et son environnement de travail

(Krysto-Brown, Zimmerman et Johnson, 2005) permettent de trouver la personne qu’il faut pour

ces emplois de vendeur indépendant. Dans le cas précis des vendeurs indépendant, il est

souhaitable de mettre un accent particulier sur l’adéquation individu/organisation, car la majorité

des départs concernent performance des vendeurs.

2.2.2. Articuler les tactiques de socialisation

Les tactiques de socialisation permettent de connaitre la façon dont est structurée la prise de

rôle des nouveaux vendeurs. La littérature distingue les tactiques organisationnelles portées par

l’entreprise, des tactiques individuelles qui émanent des nouvelles recrues. Certains travaux ont

montré que ces tactiques pouvaient se compléter ou se suppléer et améliorer la socialisation des

individus à l’organisation. Les résultats de notre recherche ont montré que les entreprises étaient

focalisées sur le rôle de commercial, au détriment des autres rôles potentiels du vendeur

indépendant. De plus, on remarque que les nouveaux vendeurs prennent des initiatives dans la

recherche d’informations, mais que ces actions restent très marginales et isolées.

En effet, à leur arrivée dans l’entreprise, les vendeurs indépendants présentent des besoins

importants compte tenu des différents rôles qu’ils doivent tenir. Il est important que l’entreprise

tiennent compte, non seulement des aspects commerciaux mais aussi de leurs comportements

d’indépendants. Il s’agit de trouver un « bon équilibre » entre les tactiques institutionnalisées et

les tactiques individualisées (Lacaze, 2010). Les premiers permettent d’accompagner le nouveau

Page 363: Contribution de la socialisation organisationnelle au

362

vendeur dans l’acquisition des connaissances et comportements utiles pour la vente, alors que les

secondes permettent de promouvoir l’autonomie, l’innovation et la créativité nécessaire au

vendeur indépendant.

Pour cela, il serait aussi nécessaire d’articuler les tactiques organisationnelles et les tactiques

individuelles, pour rechercher une meilleure efficacité du processus de socialisation. Nos

résultats montrent que, les nouveaux vendeurs prennent très peu d’initiatives concernant leur

intégration dans l’équipe ; et que les entreprises s’engagent de façon isolée dans des actions de

socialisation. Il est donc souhaitable de rapprocher les deux dimensions74 de la socialisation mis

en œuvre dans les entreprises, et les tactiques proactives développées par les nouveaux vendeurs.

Par ce moyen, il est possible d’identifier et de promouvoir les comportements proactifs des

vendeurs en fonction des tactiques organisationnelles. Le modèle des interactions entre les

tactiques des nouvelles recrues et les tactiques organisationnelles développé par Griffin et al

(2000) permet de répondre à cet objectif de rapprochement.

2.3. Adapter le management aux vendeurs indépendants

Le management des vendeurs indépendants souffre des emprunts fréquents, et quelque fois

maladroits à la gestion des vendeurs salariés. Les résultats de cette recherche nous permettent de

faire des propositions pour améliorer le management.

2.3.1. Négocier de nouvelles règles de gestion

Nos résultats ont montré que l’essentiel des décisions prises dans les forces de vente

proviennent de la hiérarchie de l’entreprise, plaçant ainsi les nouveaux vendeurs dans

l’obligation d’adhérer ou de partir. Nous prenons en exemple deux situations de gestion souvent

observées dans le management des vendeurs indépendants. La première concerne certaines

décisions, pourtant utiles au bon fonctionnement de l’organisation, mais qui peuvent s’avérer

contraignantes pour les vendeurs indépendants lorsqu’elles sont initiées unilatéralement par

l’entreprise. Ainsi, les décisions concernant l’organisation des réunions de travail quotidiennes,

ou la fixation des objectifs des vendeurs peuvent apparaitre inappropriées, car elles établissent un

lien de subordination. La seconde concerne le besoin légitime qu’éprouve l’entreprise à s’assurer

que ses vendeurs ne travaillent pas également pour la concurrence. C’est la raison d’être de la

clause de d’exclusivité annexé au contrat, qui interdit au vendeur indépendant de travailler pour

des entreprises concurrentes. Mais, pour des raisons d’image, il arrive que certains responsables

commerciaux étendent l’application de cette règle aux entreprises qui ne sont pas directement

74 Socialisation institutionnalisée ou individualisée

Page 364: Contribution de la socialisation organisationnelle au

363

concurrentes. Dans les deux cas l’entreprise a pris des décisions qui sont contraires aux règles

gestion, mais qui peuvent être utiles au bon fonctionnement de la force de vente. Mais ces

décisions peuvent être légitimées si l’entreprise associe les vendeurs à la prise de décision. Il

appartient donc au management de rechercher un compromis avec les vendeurs, afin que ces

actes de gestion n’apparaissent pas comme une exigence de l’entreprise.

Par ailleurs, dans l’optique d’une négociation, et dans la perspective d’une légitimation des

règles établies, il est souhaitable que l’entreprise prévoie des compensations. Ces contreparties

peuvent prendre plusieurs formes. Ainsi, on s’aperçoit que dans les entreprises qui mettent à la

disposition des vendeurs un espace de travail ou qui fournissent à leurs vendeurs des outils de

communication, les vendeurs sont disposés à participer aux réunions quotidiennes et à travailler

exclusivement pour une entreprise. Ce type de comportement est qualifiée par certains auteurs de

tolérance à l’ambiguïté de rôle (Reichers, 1987 ; Budner, 1962). Cette capacité des acteurs à

ignorer leur différence individuelle, facilite les interactions et améliore le processus de

socialisation.

2.3.2. Organiser le dispositif de formation des nouveaux vendeurs

La formation est le principal outil d’apprentissage mobilisé dans le processus de socialisation.

Dans la force de vente, elle est inégalement repartie entre une formation théorique (formation en

salle) et l’accompagnement sur le terrain.

§ La formation théorique

Nos résultats ont montré que, pour des raisons financières, les entreprises étaient moins

disposées ce type formation. Or, un examen des profils retenus montre que les trois quarts des

nouveaux vendeurs sont à leur première expérience dans la vente. Ce qui nécessite de former les

vendeurs sur les fondamentaux de la vente, avant de les lancer sur le terrain. Il apparait donc

important que les entreprises consacrent systématiquement les premiers instants de leur séjour à

la présentation de l’entreprise et à la formation théorique. Ces séances de formation permettent

aussi de compléter les connaissances des nouveaux dans des domaines spécifiques, tels que le

montage d’un plan de financement ou la gestion des stocks.

Par ailleurs, la formation théorique est considérée comme un élément essentiel de l’échange

réciproque entre l’entreprise et le vendeur indépendant, dans le cadre d’une relation d’emploi

qui a nécessairement évoluée (Coyle-Shapiro et Parzefall, 2005). En échange de leur implication,

les vendeurs sollicitent davantage de formation pour améliorer leur compétence, et être en

Page 365: Contribution de la socialisation organisationnelle au

364

capacité de performer et d’assurer la pérennité de leurs activités dans l’entreprise ou en dehors

(task specific self-esteem)75. Pour cela, et il est souhaitable que la formation apparaisse

davantage comme une préoccupation commune. Comme le suggère Cron al. (2005), l’entreprise

et les vendeurs doivent évoluer vers un partage de responsabilités dans la formation pour que

chacun atteigne ses objectifs dans le bien du client.

§ Le tutorat des nouveaux vendeurs

Le tutorat constitue la principale forme d’accompagnement utilisée dans les forces de vente.

Dans la pratique le tutorat prend la forme d’une activité informelle. D’une part, les vendeurs

désignés pour assumer cette responsabilité sont des indépendant, et n’appartiennent pas

juridiquement à l’entreprise. D’autre part, le tutorat peut se mettre en place de façon tacite entre

un vendeur séniors et un nouveau vendeur. Dans les deux cas, le tuteur échappe partiellement au

contrôle du responsable commercial, et son action (ou inaction) peut nuire à l’efficacité du

processus d’apprentissage. Comme le souligne les résultats de notre recherche, le tutorat des

vendeurs indépendant pose le problème de la disponibilité et l’expérience du tuteur.

La disponibilité est un facteur important, dans la mesure où le tuteur n’est pas rétribué pour le

temps qu’il consacre à la formation des nouveaux vendeurs. Il est donc souhaitable que

l’entreprise rémunère cette activité afin de stimuler le tuteur, mais aussi permettre un meilleur

suivi de son déroulement. A ce propos, Hulin (2007) souligne que la motivation est primordiale

pour assurer les fonctions de tuteur. Pour sa part, Moulinier (2005) considère le tutorat comme

une activité périphérique à l’activité principale du vendeur sénior. Il propose qu’un « budget

fixe, en plus de la commission », soit négocié chaque année pour rémunérer le tuteur.

Par ailleurs, les résultats de notre recherche ont montré que les vendeurs qui n’étaient très

expérimentés percevaient les nouveaux vendeurs comme des concurrents potentiels, et qu’ils

pouvaient être réticents à les accompagner convenablement sur le terrain. Il est donc souhaitable

que les entreprises définissent rigoureusement les critères de sélection des tuteurs. Pour cela, il

nécessaire que le tuteur apparaisse comme un modèle pour les nouveaux vendeurs. Autrement

dit, qu’il reflète un niveau de connaissances et de performance suffisamment élevé pour susciter

l’adhésion des personnes dont il a la charge. De ce point de vue, l’expérience et la performance

du vendeur constituent des facteurs déterminants dans la réussite du tutorat. Hulin (2007) indique

que « devenir tuteur nécessite de satisfaire à plusieurs conditions, comme par exemple, définir un

savoir-faire spécifique ou posséder des qualités de pédagogue ». En d’autres termes, la fonction

75 Estime de soi spécifique à la tache

Page 366: Contribution de la socialisation organisationnelle au

365

de tuteur ne s’improvise pas. Selon cet auteur, il faut réaliser « une sélection rationnelle et

former les prétendants ».

2.3.3. Motiver les vendeurs

La motivation du vendeur est un facteur essentiel pour attirer et retenir les nouveaux vendeurs

au sein de l’équipe, mais les entreprises ne se donnent pas toujours les moyens pour réaliser cette

action. Les managers commerciaux ont conscience de la difficulté qui entoure le travail des

vendeurs indépendants, dans la mesure où ceux-ci ne disposent pas d’un revenu fixe à leur début.

Il apparait donc que les nouveaux vendeurs ont besoin de motivation pour accomplir leur travail.

Cette motivation peut être envisagée différemment, et justifiée deux approches possibles de

gestion. D’une part, l’entreprise ne propose pas du tout d’aides, mais recherche avant tout des

vendeurs motivés. Le vendeur demeure dans l’équipe parce qu’il a des objectifs personnels à

atteindre, et il trouve donc dans son travail une motivation pour satisfaire ses besoins. Il

appartient donc aux managers de déceler les ressorts de cette motivation. Cependant, l’absence

d’un dispositif d’incitation prolonge inutilement le processus d’apprentissage, car les vendeurs

sont obligés de rechercher d’autres sources de revenu pour financer leurs activités de

prospection. Cette approche de la motivation est caractéristique d’une forme d’intégration

qualifiée de « sélection naturelle » (Lacaze, 2010). D’autre part, l’entreprise s’engage à proposer

des aides proportionnées en fonction de ses besoins. Les managers mettent en place des solutions

financières destinées à motiver les nouveaux vendeurs dans leur travail. Cette aide peut prendre

plusieurs formes, la forme la plus courante consiste à allouer des primes de transport, ou des

forfaits de téléphone aux vendeurs qui atteignent les objectifs fixés par l’entreprise. Cette

approche à l’avantage de prendre en compte, à la fois les besoins des vendeurs et les perspectives

de résultat de l’entreprise. Cependant, elle ne tient pas compte des capacités du vendeur à

atteindre les objectifs, étant donné leur faible niveau de connaissance. Plus rare, une autre forme

de motivation consiste, pour les entreprises, à octroyer un forfait mensuel sur une période de

trois mois. Cette approche de la motivation est, de notre point de vue, la plus adaptée à la

situation dans laquelle se trouvent les nouveaux vendeurs. En effet, cette aide doit permettre aux

vendeurs de lancer leur activité et de se constituer un portefeuille clients, nécessaire pour

s’assurer un revenu.

Pour conclure cette section consacrée à la gestion de la socialisation des vendeurs

indépendants, nous constatons globalement que le management souffre d’un déficit de

financement. Souvent, dans l’obligation de respecter leur stratégie d’externalisation, les

entreprises acceptent difficilement de financer les activités liées à la gestion des vendeurs

Page 367: Contribution de la socialisation organisationnelle au

366

indépendants. Cette réticence repose sur une interprétation limitée de la rentabilité de leurs

vendeurs. Les managers tablent davantage sur une rentabilité à court terme, alors qu’il serait

souhaitable de prendre en compte les effets à long terme d’un tel investissement. En effet, il ne

suffit plus d’évaluer le vendeur sur ses seules résultats, il faut également intégrer dans

l’évaluation de la performance des critères intangibles tels que la compétence des vendeurs

(Cappelletti, 2005). Selon l’auteur, il est essentiel que les managers commerciaux s’approprient

les méthodes de gestion déjà présentes dans l’entreprise et utilisées dans d’autres services, en les

adaptant à leurs propres besoins de gestion. Ainsi, on peut penser qu’en investissant sur la

socialisation des nouveaux vendeurs, l’entreprise réduirait sensiblement les coûts suscités par le

turnover.

Page 368: Contribution de la socialisation organisationnelle au

367

Conclusion du chapitre 6.

Ce chapitre avait pour objectif d’expliciter les résultats de notre recherche en les confrontant

aux travaux antérieurs et à la littérature en général, afin d’en avoir une meilleure interprétation.

Pour cela, nous avons organisé cette discussion autour de deux points essentiels. Le premier est

consacré à la discussion des résultats de notre recherche, alors que le second discute des

perspectives de gestion de la socialisation des vendeurs indépendants.

La discussion des résultats permet de répondre à notre question de recherche et aux questions

subsidiaires. Nous avons d’abord mis en évidence le niveau élevé de complexité des schèmes

cognitifs des trois catégories d’acteurs. Certains chercheurs ont montré qu’un tel niveau de

complexité était plutôt une bonne chose, dans la mesure où il traduit la capacité d’un individu ou

d’un groupe à faire face à des situations nouvelles et différentes (Cossette, 2004). D’autres au

contraire, estiment que cette complexité est source de conflits potentiels entre les actions et les

objectifs poursuivis par un individu (Eden et al, 1992). Par ailleurs, nous avons évoqué la

cohérence des trois cartes collectives, pour confirmer qu’elles parlent bien de la même chose, à

savoir la socialisation des nouveaux vendeurs. Nous soulignons toutefois que, malgré cette

cohérence, l’interprétation de la réalité peut être différente d’une carte à une autre dès lors que le

processus d’attribution de sens réalisé par les trois catégories d’acteurs repose sur des

expériences différentes.

Ensuite, nous avons mis en évidence le contenu des cartes cognitives collectives afin de situer

les préoccupations, et les points d’accord et de désaccords entre les acteurs. Ainsi, sur les cinq

préoccupations communes identifiées, on dénote des désaccords majeurs entre les responsables

commerciaux et les vendeurs en général (nouveaux et séniors). Alors que les vendeurs séniors,

forts de leur expérience, ont des points d’accord communs avec les nouveaux vendeurs. Dans

les trois préoccupations particulières retenues, on notera aussi des accords et désaccords au sein

catégories d’acteurs concernés. Ainsi, les responsables commerciaux sont partagés entre le statut

quo et le renouvellement des règles de gestion, les nouveaux vendeurs sont pour une majorité

dans une logique de carrière, et les vendeurs séniors sont partagés entre accompagner

bénévolement les nouveaux vendeurs et attendre une compensation. Ces points d’accord ou de

désaccords influencent directement ou indirectement le turnover des vendeurs.

Nous évaluons par la suite, notre proposition théorique générale, à la lumière des résultats

obtenus. En effet, d’un point de vue théorique nous pouvons affirmer que la persistance de

certaines pratiques de gestion, la prise en compte d’une seule dimension du statut d’agent

Page 369: Contribution de la socialisation organisationnelle au

368

commercial, et la non prise en compte des aspects relationnels témoignent du caractère

incomplet ou inadéquat de la socialisation du vendeur indépendant.

La discussion sur la gestion de la socialisation des vendeurs indépendants met en évidence

l’intérêt pratique de la socialisation organisationnelle au sein des forces de vente. Elle souligne le

rôle régulateur de la socialisation, en tant que modèle d’influence, mais aussi comme pratiques

de gestion des ressources humaines au service du contrôle social. En effet, nous suggérons que

la maitrise, par les entreprises, des comportements ultérieurs de leurs nouveaux vendeurs, et

particulièrement du turnover passent par la socialisation effective de ces derniers. Nous

soulignons que la socialisation des nouveaux vendeurs ne peut être complète que si l’entreprise

formalise ces pratiques de gestion, étant donné que celles-ci sont encore dans une large mesure

informelles.

La formalisation du processus de socialisation à des implications sur le management que les

responsables commerciaux peuvent mettre en place. Nous avons suggéré trois pistes de réflexion

qui peuvent s’avérer utile pour le management des vendeurs indépendants : Développer un

leadership commercial adapté au management des vendeurs indépendants ; Mettre en place des

outils pour attirer et retenir les nouveaux vendeurs ; Adapter le management aux vendeurs

indépendants

Page 370: Contribution de la socialisation organisationnelle au

369

CONCLUSION GENERALE

Notre thèse vise à apporter un éclairage sur le management des vendeurs indépendants, et

particulièrement à expliquer le turnover élevé de ces vendeurs en phase d’intégration, en

s’appuyant sur le concept de socialisation organisationnelle. Elle considère que la socialisation

des vendeurs indépendants est une action nécessaire si l’entreprise veut avoir le contrôle sur les

comportement et attitudes de ses vendeurs, et surmonter les difficultés juridiques auxquelles elle

est souvent confrontée dans le management de cette catégorie de vendeurs.

A travers une revue de la littérature, nous avons montré l’intérêt de recourir à la socialisation

organisationnelle pour avoir une meilleure compréhension des comportements des vendeurs au

cours de leur intégration dans l’organisation. La focalisation de notre recherche sur un

comportement particulièrement proéminent des forces de vente, le turnover très élevé des

vendeurs, nous conduit à nous intéresser à l’éclairage que la socialisation organisationnelle peut

apporter à ce dysfonctionnement du comportement des vendeurs indépendants au cours de la

période d’intégration. Nous voulons savoir si la socialisation organisationnelle peut fournir des

outils pour mieux traiter le turnover. En conséquence, la question de recherche qui a guidé cette

thèse est : la socialisation organisationnelle peut-elle fournir une clé de lecture du management

des vendeurs indépendants?

Pour répondre à cette question, nous avons construit un cadre conceptuel qui articule autour

du cadre d’analyse interactionniste de la socialisation, les théories de la régulation sociale et du

contrat psychologique. Ce cadre conceptuel permet d’appréhender la socialisation comme un

processus d’ajustement influence et de changement mutuel qui permet de réguler les

comportements des acteurs organisationnels et individuels. Ainsi, le management et les relations

de travail entre l’entreprise et ses vendeurs sont le fruit d’une construction de la réalité sociale

au moyen des interactions entre les acteurs. Sur la base de ce cadre théorique et des informations

recueillies sur le terrain, nous soutenons que le caractère incomplet ou inadéquat de la

socialisation est à l’origine des départs fréquents des nouveaux vendeurs au cours de cette

période cruciale.

La recherche empirique que nous avons réalisée avait pour objectif de mettre en évidence les

représentations des principaux acteurs de la socialisation du vendeur indépendant. Une étude

préliminaire a été menée afin de cerner, sur le terrain, le phénomène de la socialisation

organisationnelle dans les forces de vente, et de mettre en évidence les situations de gestion à

travers lesquelles le nouveau vendeur est confronté à son environnement de travail. Une étude

Page 371: Contribution de la socialisation organisationnelle au

370

qualitative basée sur la méthode des cartes cognitives nous a permis, à travers les représentations

des nouveaux vendeurs et des agents socialisateurs (superviseur et vendeurs séniors), d’identifier

les pratiques de management mises en œuvre par ces acteurs, et d’évaluer le processus de

socialisation des nouveaux vendeurs (apprentissage et intériorisation) des éléments des trois

domaines du travail, du groupe de travail et de l’organisation.

Les résultats de cette recherche sont issus de deux types d’analyse. L’analyse de la structure et

du contenu des cartes collectives. La première analyse mentionne la cohérence des schèmes

cognitifs des acteurs étudiés, tout en révélant leur complexité. Autrement dit, les trois catégories

de personnes que nous avons interrogées ont des connaissances très proches sur la socialisation

des nouveaux vendeurs. Mais la pensée relativement complexe de ces acteurs, dénote des

ambiguïtés auxquelles ils sont confrontés quant à leur perception du processus de socialisation

du vendeur indépendant. La deuxième analyse permet, à travers une étude comparative des

clusters et des concepts dominant, de mettre en évidence les principales préoccupations des

acteurs sur la socialisation des nouveaux vendeurs. Certaines préoccupations sont communes, et

portent sur les pratiques de socialisation. Elles sont marquées par la prééminence des pratiques

organisationnelles sur les pratiques individuelles, et une socialisation dont le contenu est

essentiellement axé sur les aspects commerciaux. D’autres préoccupations sont particulières à

chacun des acteurs, et constituent les éléments de différenciation entre les acteurs. Elles mettent

en relief les principes d’actions (ou inactions) qui accompagnent le processus de socialisation.

Enfin, nous avons discuté des résultats de notre recherche et de la nécessité de gérer la

socialisation des vendeurs indépendants. Dans la discussion sur les résultats, nous avons

répondus à nos quatre questions de recherche. A savoir que les entreprises intègrent leurs

vendeurs indépendants de façon aléatoire, au gré des interactions et des échanges qui se

produisent entre les nouveaux vendeurs et l’entreprise à travers ses membres. Les nouveaux

vendeurs s’intègrent en « apprenant sur le tas », et en pratiquant une forme d’auto-management

suscité par des formes d’exclusion dont ils font l’objet. Enfin, comme nous l’avons indiqué dans

le paragraphe précédent, les connaissances acquises portent surtout sur la vente. La socialisation

du vendeur indépendant est plutôt un processus continu, mais non linéaire. Le vendeur pouvant

être socialisé ou désocialisé en fonction de l’adéquation des pratiques de l’entreprise avec son

système de valeurs. Dans cette perspective, les résultats du processus de socialisation sont

imprévisibles. Néanmoins, nous dressons un état des déterminants qui expliquent la décision de

partir ou de rester.

Page 372: Contribution de la socialisation organisationnelle au

371

Concernant la gestion de la socialisation des vendeurs indépendants, nous avons souligné

l’intérêt de formaliser le processus de socialisation, et de mettre en œuvre des actions qui

permettent à l’entreprise d’avoir un contrôle sur les comportements futurs de ses vendeurs.

Au terme de cette recherche, nous observons un certain recul pour souligner les apports de la

recherche (1), mais aussi les limites (2) et les voies de recherches futures (3).

1. Les principales contributions de la recherche

1.1. Les apports théoriques

Cette recherche nous a permis de proposer une autre lecture du management des forces de

vente, à partir du concept de socialisation organisationnelle. Nous appréhendons ce concept

comme une grille de lecture qui permet de décrypter l’entrée dans l’organisation des nouveaux

vendeurs, et de mettre en évidence les comportements organisationnels qui découlent des

pratiques mobilisées par les acteurs. En effet, à partir d’une revue de la littérature, nous avons

identifié un cadre théorique commun, sous jacent à la socialisation organisationnelle et au

management des forces de vente, le contrôle organisationnel. Nous avons donc retenu

d’appréhender la socialisation organisationnelle comme un dispositif du contrôle social fondée

sur les relations sociales et les pratiques de management des ressources humaines.

Pour avoir une meilleure compréhension de ce dispositif, nous avons proposé un cadre

conceptuel qui associe, l’approche interactionniste de la socialisation organisationnelle avec les

théories de la régulation sociale et du contrat psychologique. Cette conception nous conduit à

considérer la socialisation organisationnelle comme un mécanisme de régulation, qui permettrait

de renouveler les pratiques de management des vendeurs indépendants, et donne aux acteurs

l’occasion d’établir une nouvelle relation managériale. En effet, comme le constatait déjà

Darmon (1993), « le management des forces de vente repose essentiellement sur les jugements,

les expériences passées et les traditions ; les directeurs commerciaux ne disposent que de peu de

théories, d’outils, de méthodes et de techniques pour les aider dans leurs taches ». Ainsi, nous

considérons le management des forces de vente dans une perspective de ressources humaines, et

plaçons les interactions au centre des décisions et des actions que les acteurs posent pour assurer

leur fonctionnement.

L’utilisation de cette grille de lecture nous a permis d’aborder la socialisation des vendeurs

indépendants en se référant à des réalités de gestion qui sont communes à tous les acteurs, de

façon à mettre en évidence les différences et les similitudes dans la perception du processus de

socialisation. Comme le soulignent Langevin et Naro (2003), le contrôle social réside dans les

Page 373: Contribution de la socialisation organisationnelle au

372

valeurs partagées et l’influence mutuelle des membres d’un groupe. La culture commerciale est

le terreau des valeurs sur lesquelles les vendeurs sont socialisés, auxquelles il faut ajouter les

normes juridiques qui définissent la relation de travail entre l’entreprise et ses vendeurs. Il s’agit

de vérifier que les acteurs partagent les mêmes valeurs, à la fois sur le plan commercial et sur

entrepreneurial. Ainsi, nous avons pu montrer, à travers une étude comparative, que les acteurs

ne partageaient pas forcément les mêmes valeurs, et que cette incompatibilité pouvait être à

l’origine des départs des nouveaux vendeurs en phase d’intégration.

1.2. Les apports méthodologiques

Le principal apport méthodologique de notre recherche réside dans l’utilisation même des

cartes cognitives dans la socialisation des vendeurs indépendants. Nous avons souhaité, à travers

la recherche d’une cohérence entre nos cadres théorique et méthodologique, apporter des

réponses précises à nos questions de recherche. En effet, comme nous l’avons souligné dans nos

propos, une carte cognitive est une « structure épistémologique guidant un individu ou un groupe

dans son appréhension des évènements actuels, passé futurs » (Cossette, 2004). Le modèle

dynamique proposé par Weick (1979) rend compte de la formation de cette carte cognitive.

Cossette (1994, 2004) distingue quatre processus dans ce modèle ; l’individu s’engage dans le

réel à partir de sa conception des actions qu’il met en œuvre (énactement) ; celles-ci transforme

la réalité et crée des ambiguïtés dans la mesure où elle peut être comprise différemment

(transformation) ; il est obligé de rendre cette réalité intelligible en s’appuyant sur ses

expériences passées et les interactions qu’il établi dans son environnement (attribution de sens) ;

la réalité devenue significative est emmagasinée dans l’esprit de l’individu sous la forme d’un

schème ou d’une carte cognitive. Selon l’auteur, cette carte va guider les actions de l’individu

dans son engagement dans le réel, et soutenir les interprétations concernant l’attribution de sens

des actions proposées.

En s’appuyant sur le modèle de Weick, Louis (1980) à proposé un modèle qui « rend compte

de la dynamique d’énaction et de construction de sens caractérisant l’entrée dans l’organisation »

des individus. Elle souligne qu’à leur arrivée dans l’entreprise, les nouvelles recrues sont

confrontées à une réalité qui est souvent à l’opposé des attentes qu’elles auraient formulées

initialement. Aussi, pour ajuster les comportements des nouvelles recrues, l’auteur propose un

modèle en trois étapes. Le changement, comme une différence objective entre les principales

caractéristiques du nouvel environnement et celle de ancien ; le contraste représente une

différence subjective entre le nouvel et l’ancien environnement ; et la surprise représente la

différence entre les anticipations individuelles et la découverte du nouveau contexte

organisationnel. Dans ce modèle, les interactions avec les pairs et le supérieur hiérarchique sont

Page 374: Contribution de la socialisation organisationnelle au

373

considérés, par de nombreux chercheurs, comme les éléments les plus utiles au processus de

socialisation (Fabre et Roussel, 2013 ; Louis et al, 1983). Cependant, si Louis (1980) s’attache à

nous expliquer comment les nouvelles recrues construisent leur carte cognitive, elle ne traite pas

des cartes cognitives des personnes déjà en place, dont l’action peut être entourée de nombreuses

incertitudes.

Notre apport a consisté à adjoindre à la carte cognitive des nouveaux vendeurs, celle du

responsable commercial (superviseur) et des vendeurs séniors (pairs) dans l’étude de

l’intégration des vendeurs indépendants. Les recherches traitant des processus cognitifs liés à

l’entrée dans une organisation ont jusque là privilégié l’étude des nouvelles recrues, laissant de

côté le rôle décisif de l’entreprise et ses membres. Nous avons donc souhaité, dans le cadre de

cette recherche, comblé ce gap en tenant compte des préoccupations des acteurs les plus

importants dans le processus de socialisation. En effet, tout comme les nouveaux vendeurs,

l’entreprise est confrontée, à travers ses membres, à des incertitudes. Les responsables

commerciaux et les vendeurs séniors posent des actions qui les engagent et qui transforment

nécessairement la réalité. Ils sont donc contraints à une activité de construction de sens afin de

rendre intelligible cette réalité devenue « équivoque ». Ce processus abouti au renouvellement

des cartes cognitives de ces deux catégories d’acteurs, mais il n’est pas toujours sur que cette

réalité « significative » soient partagées.

Cette approche a l’avantage de nous donner une vue plus large des processus cognitifs à

l’œuvre durant l’intégration des vendeurs indépendant. Elle permet également de déceler les

responsabilités collectives et individuelles des trois catégories d’acteurs dans la formation des

comportements déviants des nouveaux vendeurs. Par ailleurs, comme nous l’avons souligné,

l’utilisation de trois sources d’information différentes renforce, par l’effet de triangulation, la

validité des connaissances produites.

Enfin, nous abordons les apports contextuels de notre recherche. En effet, en adoptant la

méthode des cartes cognitives, nous avons fait le choix d’adapter notre recherche au contexte

culturel, juridique et socioéconomique du pays. Ainsi, sur le plan juridique, très peu de

responsables commerciaux sont disposés à utiliser en l’état les règles de droit qui régissent

l’activité des agents commerciaux, au motif que ces règles sont très contraignantes pour des

vendeurs qui sont à leur premier emploi, et qui ne peuvent donc pas s’assumer autant

professionnellement que financièrement. Par conséquent, ils adoptent un comportement plus

« paternaliste » qui consiste à accompagner le vendeur jusqu'à son adaptation effective.

Page 375: Contribution de la socialisation organisationnelle au

374

Cette approche découle aussi d’un sentiment national encore très attaché à la culture du

salariat et du contrat à durée indéterminée. En effet, les vendeurs qui sollicitent un emploi

d’indépendant dans la vente, espèrent à termes obtenir un emploi salarié. Ainsi, certaines

entreprises mettent en place des dispositifs de recrutement qui reposent sur la promesse d’un

emploi salarié pour attirer les individus à postuler pour des emplois qui « souffrent » d’une

image de précarité. Mais, il y a implicitement dans cette approche de gestion une confrontation

idéologique avec la culture des propriétaires, plus portée sur la performance des vendeurs et le

profit de l’entreprise lorsque celle-ci a une origine étrangère.

1.3. Les apports managériaux

L’outil conceptuel que nous avons élaboré permet de considérer la socialisation

organisationnelle comme un modèle d’influence qui viendrait compenser l’absence d’un lien de

subordination, et rétablir le contrôle sur les comportements des vendeurs. En effet, comme nous

l’avons souligné dans nos propos, l’un des inconvénients de l’externalisation des forces de vente

est la perte de contrôle que les managers commerciaux avaient sur leurs vendeurs. Une

socialisation effective des vendeurs indépendants serait donc un moyen qui permettrait à

l’entreprise de rétablir ce contrôle. Comme l’indique Langevin et Naro (2003), « le contrôle

social repose sur l’idée selon laquelle que dès lors que les membres de l’organisation

intériorisent ses normes et valeurs fondamentales, leur comportements est sous contrôle ». Ainsi,

nous avons pu montrer, à travers les implications pratiques que nous avons développées, l’intérêt

pour les entreprises de formaliser la socialisation de leurs vendeurs indépendants. Car, une

socialisation bien maitrisée donne aux managers la possibilité de contrôler les comportements

éventuellement dysfonctionnels de leurs vendeurs. Nous proposons des situations dans lesquelles

ce contrôle peut s’exercer.

- L’une des difficultés qui se pose à la gestion des vendeurs externalisés est l’impossibilité

d’utiliser les dispositifs d’animation habituels, tels que les réunions de travail (Briefing et

débriefing), ou les documents de suivi d’activités, tels que les fiches d’activités ou les comptes

rendus de visites, sans que ces faits ne constituent une entrave à la liberté d’organisation. La

socialisation organisationnelle peut, à travers les programmes de formation générer des outils

d’animation adaptés aux forces de vente externalisées. En effet, les actions de formation

constituent des occasions d’interactions au cours desquelles les entreprises peuvent développer

des relations avec leurs vendeurs, passer des directives ou procéder à des réglages. Certains

dispositifs d’accompagnement, tels que le « mentoring » ou le tutorat sont caractérisés par des

interactions fréquentes qui permettent au mentor de suivre l’évolution de son « protégé »,

d’évaluer les progrès réalisés par ce dernier et d’initier le cas échéant des actions correctives.

Page 376: Contribution de la socialisation organisationnelle au

375

- Certain comportements proactifs, tels que l’auto-management et l’expérimentation peuvent

constituer des outils de contrôle importants pour la gestion des vendeurs indépendants. Le

contrôle est perceptible dans les capacités que la socialisation confère à un individu à exercer sur

soi-même une influence pour se motiver à adopter les comportements requis (Manz et Snyder,

1983). Selon Vancouver et Morrison (1995), ces comportements d’auto-management incitent les

employés à adopter un rôle actif dans le contrôle de leur performance, c'est-à-dire qu’ils se fixent

librement des objectifs vers lesquels ils orientent leur comportement. Il se récompense une fois

les objectifs atteints, en se congratulant tout seul. Par ailleurs, l’expérimentation, c'est-à-dire le

fait d’apprendre « sur le tas » au contact de personnes expérimentées, permet l’acquisition de

savoir-faire qui facilitent l’auto-management. Cet outil peut se substituer au lien hiérarchique

dans la gestion des vendeurs externalisés, et favoriser l’orientation des comportements des

vendeurs.

- Au niveau stratégique, la socialisation organisationnelle peut engendrer des outils de

« différenciation » pour le management des forces de vente externalisées. En effet, selon

l’approche stratégique, la gestion des ressources humaines n’est plus seulement considérée

comme une activité qui consiste à gérer l’individu, depuis le recrutement jusqu'à son départ à la

retraite. Elle considère désormais l’individu comme une variable stratégique qui peut procurer à

l’entreprise un avantage compétitif. Dans ce contexte, la socialisation peut à travers le principe

d’identification à l’entreprise développer des outils qui permettront à l’entreprise d’attirer et de

retenir les meilleurs vendeurs. Cette approche est particulièrement intéressante pour le

management des forces de vente externalisées, dans la mesure où ces vendeurs évoluent dans une

relation d’emploi plutôt flexible, discontinue et quelque fois précaire.

- Au niveau symbolique, le dispositif de destruction et de construction de sens développé par

les organisations pour créer une identification forte de leurs membres en termes d’image, peut

constituer un outil symbolique par lequel l’entreprise va gérer son image à travers ses vendeurs

externalisés. En effet, les vendeurs externes, bien qu’indépendant sont les représentants d’une

entreprise et par conséquent ses « ambassadeurs » auprès de sa clientèle et de ses partenaires

économiques. Cependant, à cause de leur position en dehors des frontières de compétences de

l’entreprise, ils sont le plus souvent étrangers aux valeurs de l’entreprise qu’ils représentent.

L’entreprise en s’appuyant sur la socialisation va transmettre ses valeurs qui seront par la suite

mises en évidence dans le cadre de son activité.

Page 377: Contribution de la socialisation organisationnelle au

376

2. Les limites de la recherche

Nous avons réalisé ce travail en effectuant des choix, aussi bien théoriques que

méthodologiques, qui ont été justifiés, cependant des limites sont perceptibles dans la mesure où

nous n’avions pas la prétention d’être exhaustif. Ces limites sont de deux ordres : théorique et

méthodologique.

2.1. Les limites théoriques

L’utilisation d’un concept et sa capacité à rendre compréhensible de la réalité d’une situation

de gestion est parfois difficile. Bien que nous traitions principalement de la socialisation

organisationnelle et de sa dimension contrôle, certains concepts auraient pu être approfondis

pour apporter une meilleure compréhension de la socialisation des vendeurs indépendants. L’une

des premières limites a été de n’avoir pas suffisamment mis en évidence le concept de rôle

pourtant prépondérant dans les recherches sur la socialisation organisationnelle. En effet, comme

l’indique l’ensemble des définitions sur la socialisation organisationnelle (Van Maanen et

Schein, 1979 ; Perrot, 2008), l’acquisition du rôle par le nouvel entrant est au centre du processus

de socialisation. La théorie des rôles développée par Katz et Khan (1964) donne des

explications, notamment sur les difficultés des individus, à travers les conflits et ambiguïtés de

rôle, à s’approprier des rôles dans une organisation, et les conséquences sur les comportements et

attitudes. Perrot et al (2005) propose sur la base d’une recherche portant sur l’entrée des jeunes

diplômés dans l’organisation, une grille de lecture transversale de la socialisation

organisationnelle à travers la théorie des rôles. Selon ces auteurs, les conflits de rôle apparaissent

comme des déterminants clés de la réussite ou de l’échec de l’entrée dans l’entreprise. Dans

notre recherche, nous avons montré que l’une des difficultés des nouveaux vendeurs à s’adapter

à leur emploi, était justement la mauvaise compréhension que les acteurs avaient du rôle d’un

agent commercial.

2.2. Les limites méthodologiques

Dans l’établissement des cartes cognitives par des méthodes à postériori, la proposition d’un

second entretien auprès des personnes interviewées est devenue la règle pour la validation des

données discursives recueillies (Pijoan, 2008). Or, pour des raisons qui tiennent aux difficultés

rencontrées sur le terrain, nous avons adopté une démarche assez particulière dans la mesure où

nous n’avons pas interrogés les mêmes individus dans les deux entretiens que nous avons

organisés. Ainsi, l’exploration en profondeur des concepts présélectionnés s’est faite sur des

personnes différentes, avec des risques de dissonance. Cependant, pour Chabin (2001), si ce

deuxième entretien permet de réaffirmer l’importance des concepts choisis et d’assurer un seuil

Page 378: Contribution de la socialisation organisationnelle au

377

de validité recherché, il ne présente qu’un intérêt limité parce qu’il peut se créer chez le

répondant un sentiment de redondance qui va le conduire à modifier sensiblement son discours.

Par ailleurs, dans l’élaboration des cartes collectives, nous avons choisi d’établir directement

nos cartes assemblées à partir des entretiens, sans passer par l’établissement des cartes

individuelles. Cette option fait partie des possibilités qui s’offrent au chercheur, mais elle

comporte des risques notamment la perte éventuelle des spécificités individuelles (Cossette,

2004). En effet, comme l’explique cet auteur : « la démarche consistant à partir des

préoccupations individuelles pour mettre en relief une structure épistémologique collective n’est

pas sans soulever des questions, même si généralement c’est en s’appuyant sur des données

provenant des schèmes individuels qu’on construit des schèmes collectifs » (Cossette, 2008).

Autrement dit, il n’est pas toujours aisé d’expliquer comment on passe du niveau individuel au

niveau collectif.

En outre, nous avons volontairement choisi de travailler sur trois catégories d’acteurs

directement impliqués dans le processus de socialisation des nouveaux vendeur (le vendeur lui-

même, le superviseur et le vendeur sénior), nous privant par conséquent des autres agents

socialisateurs dont les cartes cognitives auraient certainement données plus de significations à

l’étude du processus d’entrée dans l’organisation des nouveaux vendeurs. Nous pensons

particulièrement à la carte cognitive du responsable d’entreprise, dans la mesure où en réalité les

décisions et les actions posées par les responsables commerciaux sont en grande partie

influencées par la hiérarchie de l’entreprise. En effet, certains entretiens ont montré des

contradictions entre les actions que les responsables commerciaux croyaient adaptées à la

situation, et les recommandations qui leur étaient faites par la hiérarchie. Ces différences de

perception, constituent des indices importants que nous n’avons pas su mettre en évidence dans

notre analyse.

Enfin, notre recherche n’est qu’une représentation à un instant T de l’entrée dans

l’organisation des nouveaux vendeurs, et des comportements qui découlent des interactions des

acteurs. Elle ne permet pas d’évaluer dans le temps l’évolution du processus de socialisation, et

la durée qu’il faut pour avoir un vendeur parfaitement opérationnel. La notion de temps apparait

donc comme un élément important du processus de socialisation, étant donné le flottement que

connaissent les vendeurs à leur arrivée et les impératifs de résultat. En effet, pour apprêter leurs

nouveaux vendeurs les entreprises s’accordent généralement une période de trois mois pendant

laquelle elles accordent une aide financière aux vendeurs, le temps de se constituer un

portefeuille clients. Or, le processus d’adaptation peut être plus ou moins long selon la nature des

Page 379: Contribution de la socialisation organisationnelle au

378

produits à vendre. Dans la littérature, le temps nécessaire à d’adaptation des nouvelles recrues

varie selon les chercheurs de 2 à 8 mois. Il serait intéressant de connaitre cette variation pour les

vendeurs indépendants.

3. Les voies de recherche futures

Au regard des limites que comporte cette étude, plusieurs voies de recherche sont

envisageables. Ces voies de recherche potentielles peuvent être conçues à travers un programme

de recherche global qui porterait sur la socialisation des vendeurs indépendant. Ainsi, nous

envisageons trois voies de recherche. La première consisterait à conforter notre approche

théorique, et l’exploiter dans d’autres situations de gestion (3.1) ; La deuxième porterait sur des

études quantitatives et longitudinales afin de conforter notre démarche méthodologique (3.2).

3.1. Conforter notre approche théorique sur la socialisation

Afin de conforter notre approche théorique sur la socialisation organisationnelle, il serait

intéressant d’appliquer notre grille de lecture à d’autres terrains de recherche. En effet, la

socialisation organisationnelle à été rarement étudiée dans cette dimension contrôle. Comme

nous l’avons souligné dans nos propos antérieurs, cette approche prône un ajustement réciproque

entre les nouveaux vendeurs et l’organisation à travers ses membres. Elle est surtout adaptée

dans des situations où les acteurs apprennent les uns des autres, et s’influencent mutuellement

sur les comportements à adopter en vue de faciliter leur collaboration. Ainsi, les nouveaux

vendeurs tout comme les responsables commerciaux et les vendeurs séniors sont, à travers leur

position respective dans l’entreprise, des agents socialisateurs. Les théories de la régulation

sociale et du contrat psychologique permettent d’expliquer le renouvellement des pratiques de

management et de la relation d’emploi. Dans cette perspective, nous prévoyons une

communication qui portera sur des employés salariés, sur un terrain qui reste à déterminer.

Par ailleurs, nous avons constaté dans notre recherche que de nombreux questionnements, qui

ne rentraient pas dans notre problématique, méritaient des approfondissements. Le rôle très

important des vendeurs séniors dans l’encadrement des nouveaux vendeurs, permet d’envisager

une étude sur les socialisations ultérieures du vendeur indépendant, dans une logique de carrière.

Dans le même esprit, la focalisation dans la présente recherche sur les agents socialisateurs

internes nous offre l’opportunité d’envisager des prolongements avec les agents socialisateurs

externes. En effet, le rôle de certains agents socialisateurs impliqués dans le travail du vendeur

peut être d’un apport décisif. Ainsi, il parait nécessaire d’étudier les apports du client ou des

intermédiaires financiers dans l’apprentissage du nouveau vendeur. De même, il est important de

prévoir une recherche sur l’influence de la famille et des amis, ou encore des institutions de

Page 380: Contribution de la socialisation organisationnelle au

379

l’Etat chargés de l’entrepreneuriat, sur l’acquisition des connaissances spécifiques et la

formation de l’entrepreneur indépendant.

3.2. Diversifier l’approche méthodologique

En adoptant la cartographie cognitive, nous avons bien conscience des limites que présentait

cette méthode. Aussi, pour améliorer la compréhension de notre objet de recherche, il est

souhaitable que des prolongements soient réalisés sur le plan méthodologique. En effet, la

difficulté à traiter certains propos contradictoires entre les responsables commerciaux et les

nouveaux par exemple, nous invite à recourir à d’autres méthodes d’analyse de données. Allard-

Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger (2007) soulignent à ce propos le caractère inapproprié

d’étudier les données issues des interactions entre individus, le recours nécessaire à l’analyse de

contenu ou l’analyse conversationnelle. Ainsi, l’utilisation de l’analyse de contenu constituerait

le premier prolongement de cette recherche. Deuxièmement, il serait intéressant d’étudier, à

travers une étude longitudinale, le processus d’entrée des nouveaux vendeurs dans l’organisation.

Une analyse de l’intégration des nouveaux vendeurs sur douze mois permettrait de situer dans le

temps les périodes critiques et les efforts fournis par les acteurs, afin de mieux appréhender les

risques de turnover. Enfin, un autre prolongement consisterait à procéder par étude de cas

multiple afin de mettre en évidence les particularités de certaines entreprises. En effet, notre

approche dans cette recherche est inter organisationnelle, elle fait abstraction de l’organisation

des ces entreprises, de leur politiques commerciales, et des conséquences qu’elles peuvent avoir

sur les processus de recrutement, la formation, ou encore sur le système de motivation.

Par ailleurs, nous avons adopté, compte tenu de la nature exploratoire de cette recherche, une

démarche abductive qui nous contraint à rechercher par la suite une inférence à partir de la

déduction, puis de l’induction si nous voulons valider notre hypothèse (Dumez, 2012). Selon cet

auteur, le raisonnement abductif n’est que la première étape d’un processus dans lequel « les

trois mode de raisonnement se combinent en pratique dans des séquences de logique de

découverte ».

Page 381: Contribution de la socialisation organisationnelle au

380

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Page 402: Contribution de la socialisation organisationnelle au

401

TABLE DES MATIERES

Resumé ........................................................................................................................................... 3

Abstract .......................................................................................................................................... 4

Remerciements. ............................................................................................................................. 5

Sommaire. ...................................................................................................................................... 6

Introduction générale. ................................................................................................................. 11

Chapitre 1. Etat de l'art sur le management des forces de vente ............................................ 35

Section 1. Le champ du management des forces de vente ....................................................... 36

1. Les fondements théoriques et conceptuels du management des forces de vente ........... 36

1.1. Le management des forces de vente : un domaine d’étude transversal .......................... 36

1.1.1. L’orientation marketing du management des forces de vente ................................. 37

1.1.2. La dimension ressources humaines du management des forces de vente ............... 38

1.2. Les courants théoriques du management des force de vente .......................................... 40

1.3. Conceptualisation du management des FDV .................................................................. 43

1.3.1. Le management des FDV : une activité de contrôle ............................................... 43

1.3.2. Le management des forces de vente : une activité entrepreneuriale ...................... 45

1.3.2.1. Définition de l’entrepreneuriat ............................................................................ 46

1.4. La force de vente, une population diversifiée ................................................................. 49

1.4.1. La diversité des formes et statuts de la force de vente ............................................ 49

1.4.2. Le statut d’agent commercial .................................................................................. 54

2. Les études empiriques sur le management des force de vente ........................................ 57

2.1. Analyse des travaux empiriques sur le management des ressources humaines des forces de vente ..................................................................................................................................... 57

2.2. Analyse de quelques travaux concernant les forces de vente externes ........................... 60

2.3. Analyse des principaux résultats attendus des actions managériales ............................. 61

2.3.1. La performance du vendeur ..................................................................................... 62

2.3.2. La satisfaction générale ........................................................................................... 67

2.3.3. Le turnover des vendeurs indépendants .................................................................. 75 Section 2. Analyse critique des travaux réalisés en management des forces de vente .......... 81

1. L’externalisation des forces de vente : définitions et limites ........................................... 81

1.1. Définitions et conceptualisation ..................................................................................... 81

1.2. Les apports de la théorie au management des vendeurs indépendants ........................... 82

1.2.1. La théorie des coûts de transaction ......................................................................... 83

1.2.2. La théorie d’agence ................................................................................................. 84

1.3. Les limites des théories économiques ............................................................................ 86

2. Conséquences managériales liées à l’externalisation des forces de vente ...................... 89

2.1. La perte de direction et le contrôle de la force de vente ................................................ 89

2.2. L’émergence d’une nouvelle relation d’emploi .............................................................. 90

2.3. L’impact de l’environnement socioculturel sur le management. ................................... 93

Page 403: Contribution de la socialisation organisationnelle au

402

Chapitre 2. Analyse de la littérature autour du concept de socialisation

organisationnelle………………………………………………………………………………98

Section 1. Fondements théoriques et conceptuels de la socialisation organisationnelle ..... 100

1. Les origines de la socialisation organisationnelles ......................................................... 100

1.1. Les apports de la sociologie .......................................................................................... 100

1.1.1. La socialisation primaire ....................................................................................... 100

1.1.2. La socialisation secondaire. ................................................................................... 101

1.2. Les apports de la psychologie ....................................................................................... 102

1.2.1. Les stades psychanalytiques de Freud ................................................................... 102

1.2.2. Les stades du développement cognitif de l’enfant ................................................ 103

1.3. L’approche interactionniste de la socialisation ............................................................ 105

2. La socialisation dans l’organisation ................................................................................. 106

2.1. Définitions et enjeux de la socialisation organisationnelle .......................................... 107

2.2. L’approche séquentielle de la socialisation organisationnelle ..................................... 110

2.2.1. Les étapes du processus de socialisation ............................................................... 110

2.2.2. Analyse du modèle séquentiel de Feldman (1976) .............................................. 113

2.3. L’approche gestionnaire de la socialisation organisationnelle ..................................... 114

2.3.1. Les premières recherches sur la socialisation organisationnelle ........................... 114

2.3.2. Analyse du modèle des tactiques de socialisation de Van Maanen et Schein (1979) …………………………………………………………………………………...115

2.4. L’approche cognitive de la socialisation organisationnelle .......................................... 119

3. Les approches récentes de la socialisation organisationnelle ........................................ 121

3.1. Les tactiques individuelles de socialisation .................................................................. 121

3.1.1. La recherche proactive d’informations ................................................................. 122

3.1.2. Les autres formes de comportements proactifs ..................................................... 124

3.2. L’approche interactionniste de la socialisation organisationnelle ................................ 125

3.2.1. L’analyse simultanée des niveaux organisationnels et individuels ....................... 126

3.2.2. L’interactionnisme symbolique ............................................................................. 127

3.3. Le contenu de la socialisation organisationnelle .......................................................... 128

3.3.1. Les domaines de socialisation ............................................................................... 128

3.3.2. La mesure de la socialisation organisationnelle .................................................... 130 Section1. Contribution de la socialisation à la gestion ........................................................... 132

1. Les développements de la socialisation dans les sciences de gestion ............................ 132

1.1. Les développements en gestion des ressources humaines ............................................ 132

1.1.1. La socialisation du personnel en contact ............................................................... 133

1.1.2. La socialisation syndicale ...................................................................................... 134

1.1.3. La socialisation organisationnelle dans le cadre de l’expatriation ........................ 136

1.2. Les développements en marketing ............................................................................... 141

1.2.1. La socialisation de l’enfant-consommateur ........................................................... 141

1.2.2. La socialisation organisationnelle du client .......................................................... 141

1.2.3. La socialisation organisationnelle du fournisseur ................................................. 142

1.3. Les développements en entrepreneuriat ....................................................................... 142

Page 404: Contribution de la socialisation organisationnelle au

403

1.3.1. Les fondements de la socialisation entrepreneuriale ............................................. 142

1.3.2. Analyse du modèle de socialisation entrepreneuriale ........................................... 144

2. Le management des forces de vente : une lecture à partir du concept de socialisation

organisationnelle ........................................................................................................................ 146

2.1. La socialisation organisationnelle : un dispositif du contrôle social ............................ 147

2.1.1. Les fondements théoriques du contrôle social : le contrôle par le clan ................. 147

2.1.2. Le contrôle par la culture et les normes sociales ................................................... 150

2.2. La socialisation organisationnelle, vecteur de régulation sociale dans la force de vente 152

2.2.1. Les pratiques des ressources humaines des forces de vente .................................. 153

§ La sélection et le recrutement ....................................................................................... 153

2.2.2. Analyse du modèle de socialisation des forces de vente (Dubinsky et al (1986) . 156 Chapitre 3. Cadre conceptuel et analytique de la recherche ................................................. 164

Section 1. La socialisation du vendeur indépendant: Un processus de construction de la

relation managériale ................................................................................................................. 165

1. Les spécificités liées à l’intégration des vendeurs indépendants ................................... 165

1.1. L’intégration, comme une étape décisive du processus de socialisation ...................... 166

1.2. L’intégration du vendeur indépendant : un processus multiple de socialisation .......... 168

1.2.1. Le vendeur indépendant : un entrepreneur économiquement socialisé ................. 168

1.2.2. La socialisation du vendeur indépendant à l’organisation .................................... 169

1.3. Les enjeux managériaux liés à l’intégration des vendeurs indépendants ..................... 172

1.3.1. Les politiques et pratiques de gestion en vigueur dans les entreprises ................. 172

1.3.2. La question de la durée du processus d’intégration d’un nouveau vendeur .......... 174

2. La relation manager / vendeur dans une perspective d’intégration ............................. 176

2.1. Définition et évolution du concept de relation managériale ......................................... 176

2.2. Une relation qui se construit sur la confiance des acteurs ............................................ 181 Section 2. Le modèle de socialisation du vendeur indépendant ............................................ 185

1. L’approche interactionniste de la socialisation organisationnelle : une clé d’analyse de

l’entrée des vendeurs indépendants dans l’organisation ....................................................... 185

1.1. L’interaction comme principal mécanisme de la socialisation organisationnelle ........ 186

1.2. Le rôle majeur des agents de socialisation ................................................................... 188

1.3. La nouvelle recrue, un agent de socialisation peu étudié ............................................. 190

2. La socialisation organisationnelle : un processus de construction de sens .................. 191

1.1. Le modèle cognitif de louis (1980) ............................................................................... 191

1.2. Le modèle interprétatif de Weick (1995) ..................................................................... 192

3. L’apport des théories de l’échange social pour appréhender la relation manager /

vendeurs indépendants en phase d’intégration ...................................................................... 195

3.1. La théorie de la régulation sociale développée par Reynaud (1988) ............................ 196

3.1.1. Les fondements théoriques .................................................................................... 196

3.1.2. La contribution de la théorie de régulation sociale au management ..................... 199

3.2. La théorie du contrat psychologique ............................................................................ 202

3.2.1. Les fondements théoriques du contrat psychologique .......................................... 202

Page 405: Contribution de la socialisation organisationnelle au

404

3.2.2. La formation du contrat psychologique ................................................................ 206

3.2.3. Les conséquences de la rupture du contrat psychologique ................................... 208

3.3. Présentation du modèle de socialisation du vendeur indépendant ............................... 209

3.3.1. Adaptation du modèle général de la socialisation organisationnelle proposé par Lacaze 209

3.3.2. Présentation du modèle de recherche .................................................................... 210 Deuxième partie: La socialisation du vendeur indépendant : une construction de la réalité

sociale . ........................................................................................................................................ 214

Chapitre 4. Epistémologie et méthodologie de la recherche .................................................. 215

Section 1. Le positionnement épistémologique de la recherche ............................................ 215

1. Positivisme versus constructivisme .................................................................................. 215

2. Le statut épistémologique de la vente .............................................................................. 218

2.1. La vente : une discipline en construction ..................................................................... 219

2.2. Management des forces de vente : un champ de recherche hétérogène et complexe. .. 220

3. Le choix du positionnement épistémologique ................................................................. 222

3.1. La socialisation organisationnelle : un construit social ................................................ 222

3.2. Notre positionnement épistémologique ........................................................................ 223

3.3. L’abduction comme démarche de recherche ................................................................ 225 Section 2. Les choix méthodologiques de la recherche .......................................................... 228

1. Le choix d’une approche qualitative ............................................................................... 228

1.1. Approche qualitative versus approche quantitative....................................................... 228

1.2. Présentation de l’étude préliminaire ............................................................................. 231

1.2.1. Objectifs et description de l’étude ......................................................................... 231

1.2.2. Méthodologie de l’étude préliminaire ................................................................... 231

2. Présentation de l’étude qualitative .................................................................................. 232

2.1. Description du terrain de la recherche .......................................................................... 233

2.2. Présentation de l’échantillon retenu ............................................................................. 234

3. La cartographie cognitive comme outil de compréhension des représentations des trois

catégories d’acteurs ................................................................................................................... 236

3.1. Présentation de l’outil ................................................................................................... 237

3.2. La construction des cartes cognitives ........................................................................... 240

3.2.1. Le choix d’une méthode de construction des cartes cognitives ............................ 240

3.2.2. Construction des cartes collectives ....................................................................... 242

3.3. La collecte de données .................................................................................................. 243

3.3.1. Les méthodes de collecte de données .................................................................... 243

3.3.2. La collecte des données par un guide d’entretien ................................................. 246

3.4. Traitement des données collectées pour la construction des cartes .............................. 250

3.4.1. Le passage de la collecte des données à l’établissement des cartes cognitives ..... 250

3.4.2. Le codage des données recueillies ........................................................................ 251

3.4.3. Fiabilité et validité du codage des données recueillies ........................................ 254

3.5. L’analyse des données .................................................................................................. 255

3.5.1. Les différents types d’analyse dans la littérature .................................................. 255

Page 406: Contribution de la socialisation organisationnelle au

405

3.5.2. L’adoption d’une méthode d’analyse adaptée ....................................................... 257 Chapitre 5. Les résultats de la recherche ................................................................................ 261

Section 1. L'aanalyse de la structure des cartes collectives des trois catégories d'acteurs . 261

1. Evaluation des indicateurs de complexité des cartes collectives ................................... 261

1.1. Evaluer la complexité des cartes à partir des indicateurs généraux ............................. 262

1.2. Evaluer la complexité des cartes à partir des indicateurs locaux ................................. 263

Les indicateurs locaux de structure nous ont également permis d’évaluer la complexité des schèmes cognitifs des trois catégories d’acteurs. Dans ce paragraphe, nous analysons les scores moyens de centralité, le nombre de boucles présentes dans une carte, et le nombre de regroupement. .......................................................................................................................... 263

2. Analyser l’organisation des cartes collectives pour caractériser les schèmes des acteurs

265

2.1. Analyse de l’organisation de la carte cognitive des responsables commerciaux ......... 266

2.1.1. L’analyse de centralité .......................................................................................... 266

2.1.2. Conséquences et explications ................................................................................ 267

2.1.3. L’analyse de regroupement (clusters analysis) ..................................................... 269

2.1.4. L’analyse des boucles ............................................................................................ 270

2.2. Analyse de l’organisation de la carte cognitive des nouveaux vendeurs ..................... 272

2.2.1. L’analyse de centralité .......................................................................................... 272

2.2.2. Conséquences et les explications .......................................................................... 273

2.2.3. L’analyse de regroupement (clusters) ................................................................... 274

2.2.4. L’analyse des boucles ............................................................................................ 276

2.3. Analyse de l’organisation de la carte cognitive des vendeurs séniors .......................... 277

2.3.1. L’analyse de centralité .............................................................................................. 277

2.3.2. Les conséquences et les explications .................................................................... 278

2.3.3. Les résultats de l’analyse de regroupement (cluster analysis) .............................. 280

2.3.4. L’analyse des boucles ............................................................................................ 282 Section 2. Analyse du contenu des cartes collectives pour explorer les préoccupations des

acteurs ........................................................................................................................................ 286

1. Les principales préoccupations des acteurs sur la socialisation des vendeurs

indépendants .............................................................................................................................. 286

1.1. Les idées relatives au recrutement des vendeurs indépendants ................................... 288

1.1.1. Les logiques de recrutement développées par les entreprises ............................... 288

1.1.2. Le choix d’un emploi d’indépendant .................................................................... 291

1.2. Les idées relatives à la formation et l’acquisition des connaissances ......................... 294

1.2.1. Accompagner sur le terrain vs formation en salle ................................................. 294

1.2.2. L’encadrement des nouveaux par les vendeurs séniors ........................................ 295

1.3. Les idées relatives aux relations interpersonnelles ....................................................... 296

1.3.1. Un climat de défiance entre vendeurs séniors et nouveaux vendeurs ................... 297

1.3.2. L’émergence des conflits au sein de l’équipe de vente ......................................... 298

1.4. Les idées relatives au statut et rôles du vendeur indépendant ...................................... 299

1.4.1. Les enjeux liés au statut d’indépendant ................................................................. 299

1.4.2. L’environnement de travail ................................................................................... 300

Page 407: Contribution de la socialisation organisationnelle au

406

1.5. La performance du vendeur .......................................................................................... 301

1.5.1. Les résultats de vente ............................................................................................ 301

1.5.2. La motivation des nouveaux vendeurs .................................................................. 302

1.5.3. Les réunions et le travail d’équipe ........................................................................ 306

2. Les concepts dominants de la socialisation des vendeurs indépendants ...................... 307

2.1. Les résultats du croisement de la centralité et du domaine .......................................... 307

2.1.1. Les concepts les plus importants de chaque carte collective ................................ 307

2.1.2. Les concepts les plus importants des trois cartes collectives ................................ 310

2.2. Analyse des préoccupations dominantes des trois cartes collectives ........................... 310

2.2.1. L’acquisition des compétences .............................................................................. 310

2.2.3. La motivation de vendeurs .................................................................................... 313

2.2.4. La maitrise des aspects techniques du travail : un concept central dans le processus de socialisation du vendeur indépendant ............................................................................. 318

Section 3. Des cartes cognitives à la socialisation du vendeur indépendants ....................... 322

1. Les préoccupations structurantes du processus de socialisation du vendeur

indépendant................................................................................................................................ 322

1.1. Un recrutement pensé pour attirer les meilleurs profils ............................................... 322

1.2. Une formation qui favorise la connaissance de la tâche plutôt que le rôle .................. 323

§ Un enthousiasme mesuré pour la formation des vendeurs ............................................... 324

§ Favoriser les connaissances liées à la pratique commerciale ........................................... 324

1.3. Des relations interpersonnelles conflictuelles .............................................................. 325

1.4. Un management fait de compromis .............................................................................. 326

2. Les préoccupations particulières, comme principes d’action des acteurs ................... 327

2.1. Une volonté de gérer différemment .............................................................................. 328

2.2. Le choix d’un travail par défaut ................................................................................... 328

2.3. La disponibilité du tuteur .............................................................................................. 329 Chapitre 6. Discussion générale ............................................................................................... 334

Section1. Discussion des résultats ............................................................................................ 334

1. Comprendre le management des vendeurs indépendants en phase d’intégration ...... 334

1.1. Une volonté de changement plus ou moins affirmée par les acteurs ............................ 335

1.2. Un intérêt mesuré concernant les relations interpersonnelles ...................................... 337

1.3. Un management orienté sur la tache et les rôles commerciaux .................................... 338

1.4. Expliquer le turnover des vendeurs en phase d’intégration .......................................... 341

1.4.1. Les facteurs déclencheurs du turnover .................................................................. 341

1.4.2. La place centrale de la satisfaction/insatisfaction ................................................. 341

1.4.3. La performance, comme principale cause des départs du vendeur ....................... 342

1.4.4. La typologie des déterminants du turnover ........................................................... 343

2. La pertinence de l’utilisation de la méthode des cartes cognitives dans cette recherche

347

2.1. Appréhender la socialisation du vendeur indépendants à partir des représentions des acteurs ...................................................................................................................................... 348

2.1.1. Le concept de représentation en sciences de gestion ............................................ 348

Page 408: Contribution de la socialisation organisationnelle au

407

2.1.2. L’apport de la cartographie cognitive à l’étude des représentations de la socialisation du vendeur indépendant ................................................................................. 350

2.2. Les cartes cognitifs, pour réduire la complexité des schèmes cognitifs ....................... 351 Section 2. Discussion sur la gestion de la socialisation des vendeurs indépendants ............ 353

1. La gestion du processus de socialisation ......................................................................... 354

1.1. Préexistence de la socialisation dans l’entreprise ......................................................... 354

1.2. Formaliser nécessairement la socialisation des vendeurs indépendants ....................... 355

2. Les implications managériales ......................................................................................... 357

2.1. Développer un leadership spécifique ............................................................................ 358

2.1.1. Mobiliser de nouvelles compétences ..................................................................... 358

2.1.2. Partager le leadership ............................................................................................ 358

2.2. Attirer et retenir les nouveaux vendeurs ....................................................................... 360

2.2.1. Recrutement réaliste et adéquat. ............................................................................ 360

2.2.2. Articuler les tactiques de socialisation .................................................................. 361

2.3. Adapter le management aux vendeurs indépendants .................................................... 362

2.3.1. Négocier de nouvelles règles de gestion ............................................................... 362

2.3.2. Organiser le dispositif de formation des nouveaux vendeurs ............................... 363

2.3.3. Motiver les vendeurs ............................................................................................. 365 Conclusion générale .................................................................................................................. 369

1. Les principales contributions de la recherche ................................................................ 371

1.1. Les apports théoriques .................................................................................................. 371

1.2. Les apports méthodologiques ....................................................................................... 372

1.3. Les apports managériaux .............................................................................................. 374

2. Les limites de la recherche ................................................................................................ 376

2.1. Les limites théoriques ................................................................................................... 376

2.2. Les limites méthodologiques ........................................................................................ 376

3. Les voies de recherche futures ......................................................................................... 378

3.1. Conforter notre approche théorique sur la socialisation ............................................... 378

3.2. Diversifier l’approche méthodologique ........................................................................ 379 Bibliographie .............................................................................................................................. 380

Annaexe ...................................................................................................................................... 407

Page 409: Contribution de la socialisation organisationnelle au

408

ANNEXES

Annexe 1: Guide d’entretien Responsables commerciaux

Age : Sexe : Secteur d’activité : Parcours scolaire : Expérience dans la profession :

Récit du recrutement

· Quels sont vos moyens de recrutement?

· Quelles informations sont échangées avec les postulants, avant et pendant le processus ?

· Quelles sont vos critères de sélection ?

Les tous premiers mois du vendeur dans l’entreprise

· Comment procédez-vous à l’accueil d’un nouveau vendeur?

· Quelles activités mettez-vous en place pour que le vendeur intègre les différents aspects

de son travail?

· Comment organisez-vous la formation de vos vendeurs ?

· Comment échangez-vous avec vos vendeurs?

· Quelle est la fréquence des échanges avec les nouveaux vendeurs?

· Quel est le contenu des échanges avec les nouveaux vendeurs ?

Les acquis de l’apprentissage

· Avez-vous été obligé de vous séparer d’un nouveau vendeur? Pour quelles raisons ?

· Combien de temps faut-il pour évaluer de la qualité d’un nouveau vendeur ?

· Quels sont les critères de performance exigés pour maintenir un nouveau vendeur ?

· Combien de temps faut- il pour qu’un vendeur soit opérationnel?

· Comment faites-vous pour suivre l’activité de vos vendeurs ?

Le contenu des apprentissages

· Connaissance acquises

Page 410: Contribution de la socialisation organisationnelle au

409

Annexe 2: Guide d’entretien Nouveaux vendeurs

Age :

Sexe :

Secteur d’activité :

Parcours scolaire :

Expérience dans la profession :

Question de départ : Pouvez-vous nous parler de votre arrivée et vos débuts dans l’entreprise et

dans l’équipe de vente?

Avant votre arrivée dans l’entreprise (recrutement)

· Comment avez- vous été informé de cette offre d’emploi ?

· Quelles informations vous avez reçu sur l’entreprise et sur l’emploi ?

· Qu’est ce qui vous a décidé à accepter cet emploi ?

Les tout premiers mois dans l’entreprise

· Comment était organisé votre apprentissage du travail ?

· Qu’avez-vous appris durant cette période ?

· Quelles actions avez-vous initié personnellement pour apprendre ?

· Quelle était la qualité de vos relations avec le superviseur et les anciens vendeurs ?

fréquence ? contenu ?

Evolution dans l’entreprise et dans l’équipe

· Combien de temps vous a-t-il fallu pour être en capacité de vendre?

· Avez-vous déjà exercé ce métier dans une autre entreprise ? si oui pourquoi êtes vous

parti ?

· Vous est-il venu à l’idée de quitter votre emploi actuel ? Pour quelles raisons ?

· Quelles raisons vous ont décidé à continuer comme vendeur indépendant ?

Page 411: Contribution de la socialisation organisationnelle au

410

Annexe 3 : Guide d’entretien vendeurs séniors

Age :

Sexe :

Secteur d’activité :

Parcours scolaire :

Expérience dans la profession :

Question de départ : Pouvez-vous nous parler de votre expérience dans l’encadrement d’un

nouveau vendeur?

Les tout premiers mois dans l’entreprise

· Comment est organisé l’apprentissage des nouveaux vendeurs?

· Qu’apprennent les nouveaux vendeurs durant cette période?

· Quelles actions ont été initiées par les nouveaux vendeurs pour apprendre ?

L’action du vendeur séniors dans l’encadrement du nouveau

· Comment procédez-vous pour accompagner les nouveaux vendeurs dans leur

apprentissage?

· Quelle était la qualité de vos relations avec les nouveaux vendeurs ? fréquence ?

contenu ?

· Comment votre action est-elle coordonnée par le responsable commercial ?

Evolution du nouveau vendeur dans la force de vente

· Combien de temps vous a-t-il fallu pour initier les nouveaux vendeurs?

· Quelles raisons selon vous motivent les nouveaux vendeurs à quitter leur emploi?

· Quelles raisons selon vous conduisent les nouveaux vendeurs à rester dans l’entreprise ?

Page 412: Contribution de la socialisation organisationnelle au

411

Annexe 4 : Les résultats de l’étude préliminaire

Les entretiens de cette étude ont lieu principalement dans deux secteurs d’activités (l’assurance

et les concessions automobiles) qui emploient en majorité des vendeurs indépendants sous le

statut d’agent commercial. Nous présentons successivement les deux analyses que nous avons

réalisées auprès des vendeurs et des responsables commerciaux. Nous mettons en évidence les

différentes pratiques qui témoignent de la présence de la socialisation dans une entreprise

(Lacaze, 2005), après avoir présenté le contexte. Nous terminons par une présentation des

principaux résultats.

1. L’analyse des entretiens avec les responsables commerciaux

1.1 Le contexte organisationnel et les impératifs économiques

Les vendeurs travaillant pour ces entreprises sont le plus souvent à leur premier emploi,

compte tenu du manque de vendeurs qualifiés sur le marché. Ce qui explique l’approche

particulière des vendeurs indépendants. Les responsables commerciaux interrogés considèrent

que le statut d’agent commercial n’est pas adaptés à leur contexte socio-économique et culturel,

et que les contextes de travail ne sont pas les mêmes : « Nous pensons que le statut d’agent

commercial ne peut être appliqué dans nos entreprises tel qu’il est prévu par la loi, car les

vendeurs que nous recrutons sont le plus souvent à leur premier emploi et ne peuvent pas

s’assumer autant professionnellement que financièrement » (Basile)

Les vendeurs travaillent donc de façon permanente et exclusive pour ces entreprises, sans

pour autant qu’ils soient comptés dans leurs effectifs : « (…) c’est des vendeurs indépendants

mais qui ont un contrat d’exclusivité par rapport aux marques que nous représentons » (Cécile) ;

« Nos conseillers vie sont exclusifs, ils ne peuvent pas travailler pour une autre entreprise (…)

d’ailleurs vous voyez bien qu’avec cette chemise au logo de l’entreprise, ils ne peuvent pas se

présenter au nom d’une autre entreprise » (Christian)

Les entreprises mettent en place un accompagnement financier, en fixant leurs vendeurs sur

site et en leur accordant des primes (transport et téléphone) qui leur permettent de lancer leur

activité. Ces primes sont restituées ou pas, lorsque le vendeur commence à percevoir ses

commissions : « (…) ils n’ont pas de fixe, ils sont payés à la commission et il y a des primes, une

prime de transport qui est donnée chaque semaine, une prime pour le téléphone » (Cécile) ; « le

vendeur indépendant est payé à la commission et on leur verse une prime pour le téléphone et le

carburant, mais c’est réglementé en fonction du nombre de prospects démarché » (Jean Prosper)

Page 413: Contribution de la socialisation organisationnelle au

412

L’exclusivité exigée par l’entreprise contraint le vendeur à travailler pour une seule entreprise,

mais l’incertitude sur le revenu oblige ces derniers à exercer parallèlement d’autres activités :

«Les vendeurs indépendants ne sont pas fiables, car ils ne fournissent pas les résultats

intéressant. Ils cumulent plusieurs contrats d’indépendant, nous sommes intransigeants sur ce

principe d’exclusivité».

L’utilisation des vendeurs externes est une opportunité pour ces responsables, mais le

contexte économique et social dans lequel ils opèrent est particulier, ce qui justifie une

adaptation du statut d’agent commercial, à la fois pour permettre au vendeur de travailler et de

gérer ses comportements.

1.2 Les procédures de sélection et recrutement

Dans la recherche du vendeur idéal, les responsables commerciaux et chefs des ventes que

nous avons interrogées expriment des avis différents concernant les qualités requises et les

procédures à adopter pour le recrutement des vendeurs indépendants. Généralement, ils émettent

des annonces presse qui contiennent des informations plus ou moins complètes.

Concernant le type de vendeur recherché, deux profils reviennent dans les discours des

répondants. Certaines entreprises optent pour des vendeurs diplômés, pour cela elles mettent en

place des procédures de recrutement destinés à attirer les meilleures candidatures. Mais dans la

perspective d’une rémunération à la commission et en l’absence d’une garantie d’emploi, ces

recrutements ne sont pas souvent consolidés, comme l’expliquent ces responsables

commerciaux: « Nous avons dans le passé organisé nos recrutement par le biais d’un cabinet

conseils, qui procédait à des recrutements en se basant sur des profils comprenant des

universitaires et des candidats provenant des écoles de commerce. (…) Mais dans la majorité

des cas, les candidats retenus ne restaient pas longtemps dans l’entreprise car leurs exigences

salariales ne correspondaient pas aux conditions de rémunération proposées par l’entreprise ».

D’autres entreprises s‘intéressent à des profils de vendeurs expérimentés dans la vente dans

leur secteur ou dans des secteurs connexes. Ils utilisent pour cela des techniques simples et

moins couteuses, comme le « bouche à oreille ». Cette technique consiste à attirer les vendeurs

de la concurrence par l’intermédiaire de ses propres vendeurs, comme le déclare ce responsable

commercial : « (…) Nous faisons participer nos vendeurs au recrutement, en leur demandant de

véhiculer l’information de postes vacants auprès de vendeurs confirmés ».

Pour certains responsables, c’est l’idée de confier le recrutement à un cabinet qui pose

problème : « Je ne suis pas d’accord avec cette formule, parce qu’un bon commercial c’est celui

Page 414: Contribution de la socialisation organisationnelle au

413

qui sait se débrouiller dans sa vie à lui. (…) un bac +3 ou +5 n’est pas forcément le meilleur, le

fait de passer par un cabinet va créer un filtre et on risque de perdre l’opportunité d’engager de

bon éléments juste parce qu’ils n’ont pas de diplôme ».

A défaut de garantir un emploi stable au vendeur, les entreprises doivent se contenter des

vendeurs aux profils atypiques, souvent éloignés des standards recherchés et qui acceptent de

vendre par nécessité : «Je suis favorable pour un recrutement qui tiendrait sur une journée au

cours de laquelle nous allons présenter l’entreprise, nous procèderont à des entretiens sur la

culture générale et notre métier, nous réaliserons des sketchs qui permettent de faire sortir de

vrais talents ».

Par ailleurs, l’information transmise au moment du recrutement n’est pas toujours complète.

Cependant, certaines entreprises mettent tout en œuvre pour que le candidat soit informé sur

l’emploi proposé. C’est le cas de cette entreprise d’assurance vie dont l’annonce de recrutement

est libellée de la façon suivante : « Avis de recrutement d’agents commerciaux non salariés ».

Mais ce réalisme affiché tranche quelque fois avec des promesses qui sont faites au vendeur

et non tenues, au point d’installer une certaine méfiance dans les relations comme le stipule ce

responsable : « on essai d’avoir des promesses réalistes qui seront tenues. J’ai remarqué que

lorsqu’on fait des promesses, les vendeurs voulaient qu’on formule cela par écrit. Il y a donc un

manque de confiance ».

Dans l’ensemble, les méthodes utilisées par les responsables commerciaux pour recruter ne

tiennent pas toujours compte de la réalité des emplois proposés. Ils mettent en place des

méthodes qui grossissent les attentes des vendeurs, mais ne répondent pas à leurs besoins. Les

vendeurs qui accèdent à ces emplois ne demeurent pas, le manque d’informations sur l’emploi et

les promesses qui sont faites lors des entretiens peuvent expliquer cette situation.

1.3 La formation à la vente et l’apprentissage du métier

La formation est un outil important de l’adaptation du nouveau vendeur, mais son utilisation

demeure marginale à cause des dépenses qu’elle suscite. L’une des craintes souvent exprimée

par les entreprises en matière de formation est le retour sur investissement, elles craignent de ne

pas profiter de l’investissement réalisé, car les vendeurs sont susceptibles de quitter l’entreprise à

tout moment. Par conséquent le temps accordé à la formation est limité, les entreprises offrent

l’essentiel de ce que doit savoir un vendeur sur les produits à vendre et les techniques de vente et

s’en remettent aux anciens, en ce qui concerne « le rouages du métier ».

Page 415: Contribution de la socialisation organisationnelle au

414

La formation constitue le premier point de rencontre entre les nouveaux vendeurs et les

responsables commerciaux, et l’occasion pour ces derniers d’expliquer les contours du travail et

les attentes de l’entreprise. La formation sur les produits est faite de façon sommaire, les

formateurs préférant une étude suivie de la documentions qui est remise aux vendeurs. Il arrive

aussi que l’entreprise programme dans l’année des séminaires de formation sur la négociation

commerciale et les techniques de communication, mais ces séances de formation qui ne sont pas

spécifiquement réservées aux nouveaux sont programmées tardivement : « Nous organisons une

formation initiale sur les techniques d’assurance vie, les techniques commerciales et les produits

pour les nouveaux ; une formation continue pour les anciens et les inspecteurs ». (Christian)

« (…) on assure la formation, quand ils arrivent ils sont informés sur ce qu’ils doivent faire.

Ensuite il y a une sorte de prise en main, donc une formation sur les produits et les outils d’aides

à la vente ». (Hughes)

« (…) Ensuite, il y a la phase deux qui passe à la formation, donc à la formation produit, c'est-à-

dire quel type de produit pour quel type de client, les garanties parce que chaque produit à ses

types de garanties (…) Normalement il est prévu une formation par produit qui va se faire par

segment de produit (…) et la formation sur le financement. Il y a les financements internes à

l’entreprise et les financements extérieurs. On essaie de créer une relation entre les banques de

la place et les commerciaux ». (Jean Prosper)

Les responsables commerciaux ont recourt aux anciens pour encadrer les nouveaux. C’est le

moyen le plus utilisé par les répondants pour permettre aux nouveaux vendeurs d’apprendre le

métier de la vente. Il consiste à placer un nouveau vendeur auprès d’un ancien qui lui servira

d’exemple ou de modèle dans son apprentissage. Cette technique de formation est plus connue

dans la littérature à travers les pratiques du tutorat, du parrainage et du mentorat. Elles sont

développées sous l’influence du modèle d’apprentissage social de Bandura (1986) qui considère

que les individus apprennent en regardant les autres et en tentant de les imiter : « Quand je

recrute un nouveau vendeur, je mets en place un plan d’induction qui consiste à faire coacher le

nouveau par un ancien. Celui-ci organise une tournée avec lui, d’abord dans l’entreprise pour

connaitre les différents services, puis sur le terrain pour connaitre les organismes de

financement avec qui nous travaillons ». (Cécile)

« (…) on a un principe maison pour les nouveau vendeurs, surtout s’ils n’ont jamais travaillé

dans ce domaine, c’est qu’on les laisse sur site pendant deux ou trois mois, ils voient comment

ca se passe et une fois sur le terrain il prenne la main ». (Hughes)

« (…) le but maintenant, ce n’est pas qu’un commercial arrive et qu’il soit mis sur le terrain

avec juste une simple formation produit et une formation administrative, mais qu’il fonctionne

Page 416: Contribution de la socialisation organisationnelle au

415

en binôme. C’est à dire on a lié un nouveau commercial avec un ancien commercial qui a déjà

de l’expérience et pendant une semaine à un mois ils vont fonctionner en binôme. Il va lui

montrer comment on rédige les dossiers, l’approche client (…) ». (Jean Prosper)

Les nouveaux vendeurs sont systématiquement formés à la maitrise des produits et des

techniques de vente et la volonté des responsables commerciaux est qu’un nouveau vendeur soit

initié au métier par un ancien. Toutefois, ils reconnaissent qu’ils n’en font pas assez.

1.4 L’intégration dans l’équipe de vente et dans l’entreprise

L’intégration est considérée comme la dernière étape du processus de recrutement. De façon

générale, l’intégration a souvent été associée à l’embauche d’un salarié, ce qui a contribué à

exclure les vendeurs indépendants de la gestion « normale » du personnel de l’entreprise. Bien

que cette pratique tant à disparaitre, les répondant reconnaissent qu’il existe encore des barrières

psychologiques qu’il faut défaire pour améliorer l’intégration du vendeur.

L’intégration administrative se réfère au processus d’accueil qui est réservé à tout nouvel

arrivant et consiste à présenter au nouveau vendeur les services avec lesquels il va collaborer

pour accomplir sa mission : « (…) la première phase d’intégration commence par la

présentation de l’entreprise, les procédures administratives. Il s’agit de savoir comment ca

fonctionne, comment on remplit un dossier administratif, comment est ce qu’on renseigne le

dossier du client et quels sont les éléments à fournir dans le dossier. Il y a aussi les différents

services (…) les procédures de ces services ». (Jean Prosper)

L’intégration dans l’équipe de vente comprend toutes les actions qui permettent au nouveau

vendeur de se familiariser et de se faire accepter par les autres membres de l’équipe. Il s’agit

d’une intégration sociale qui consiste à « établir des relations » avec les vendeurs déjà en place

(Lacaze et Roger, 2000). Les responsables commerciaux favorisent ces premiers contacts en

désignant un accompagnateur à chaque nouveau vendeur : « (…) en suivant le plan d’induction

dont j’ai fait allusion tout à l’heure (…) j’accompagne personnellement le nouveau sur le terrain

ou je les faits suivre par un ancien (…) cette présence du responsable ou d’un collègue est

nécessaire pour mieux l’intégrer dans le groupe et auprès des clients ». (Cécile)

Mais aussi en organisant des rencontres entre nouveaux et anciens commerciaux qui sont des

occasions d’échanges et de partage : « (…) Après chaque recrutement, nous organisons une

réunion qui permet aux commerciaux de se connaitre et de se forger un esprit d’équipe ».

(Christian)

Page 417: Contribution de la socialisation organisationnelle au

416

L’intégration dans l’entreprise : les actions qui permettent de valoriser le vendeur et de le considérer comme un membre effectif de l’entreprise. Pour certains, cela consiste à associer les vendeurs aux activités qui leur étaient interdites : « Chaque fin d’année on a une cérémonie

groupe où tous les employés sont conviés y compris les vendeurs qui bénéficient des mêmes

privilèges que les salariés ». (Cécile) Pour les autres, il s’agit de donner accès à certains avantages…

« (…) Ils peuvent désormais bénéficier des prêts bancaires que nous garantissons (…) ils ont

droit aux présents le 1er

mai comme tous les travailleurs » (Christian)

D’autres enfin, pensent que l’intégration des vendeurs indépendants est rendue difficile car les

vendeurs s’auto-exclus simplement : « (…) Il y a un réel problème d’intégration parce que les

vendeurs indépendants ne se sentent pas comme des employés de l’entreprise (…) on y travail au

quotidien en créant une véritable relation de confiance (…) J’ai constaté que tous les vendeurs

revenaient vers moi lorsqu’ils avaient besoin d’une information ; J’ai compris qu’ils avaient

peur de questionner les services concernés parce qu’ils n’étaient pas salariés de l’entreprise ».

L’intégration des nouveaux vendeurs est formalisée par la visite de l’ensemble des services

avec les quels ils vont collaborer. Elle est complétée par des actions qui consistent à prendre en

compte le vendeur dans la vie de l’entreprise, même si il existe encore des barrières

psychologiques qui poussent les vendeurs à s’auto-exclure.

2. L’analyse des entretiens avec les vendeurs

2.1 Le contexte socio-économique et le choix du parcours professionnel

Les personnes interrogées estiment qu’ils sont devenus vendeurs indépendant à cause des

responsabilités qui leur incombaient, et donc il fallait qu’ils s’assument financièrement. Mais, ils

considèrent aussi qu’ils sont restés dans leur emploi pour des raisons financières et la liberté que

leur offre le statut d’indépendant.

Les répondants éprouvent le besoin de se prendre en charge pour répondre à des besoins

personnels. Par conséquent, ils prennent le premier emploi qui leur ait proposé.

« Je ne suis pas arrivé dans la vente par vocation. Je venais à peine d’obtenir mon B.T.S et

j’attendais un enfant, alors j’ai pris le premier emploi qui m’était proposé ». Pour sa part, un

autre vendeur explique : « j’étais en deuxième année d’une école de commerce et je n’avais pas

d’argent pour subvenir à mes besoins, j’ai donc décidé de chercher un emploi et je suis devenu

vendeur indépendant. Ce n’est pas ce que je voulais, mais je n’avais pas d’autres choix ».

Page 418: Contribution de la socialisation organisationnelle au

417

Il arrive aussi que le choix du parcours professionnel soit déterminé par les conditions de

précarité dans lesquelles vivent certains diplômés qui, malgré leur diplôme ne trouve pas un

d’emploi à la mesure de leur formation. Certains vendeurs se disent informés des conditions de

travail, mais ils à leurs besoins existentiels : « J’ai été informé du type de travail que j’allais

réaliser et des modalités de la rémunération par commissions, mais il fallait que je fasse quelque

chose pour m’assumer ».

« J’ai fait des études de sociologie et comme je ne trouvais pas de travail correspondant à mes

références, j’ai accepté de vendre des voitures ».

Cependant, s’ils sont arrivés par hasard dans la vente, les vendeurs qui ont décidés de rester

dans cette activité et de continuer comme vendeur indépendants évoquent l’appât du gain :

« C’est vrai que le travail est dur au départ, il est même contraignant. Mais une fois que je me

suis adapté et que mes commissions ont atteint des niveaux importants, je ne pouvais plus

envisager travailler comme salarié dans l’entreprise que représente ou ailleurs »

Ils estiment aussi que la liberté d’organisation que leur confère le statut d’indépendant est un

atout pour la gestion de leur activité et au-delà, de leur carrière. Même si, il faut le souligner

cette liberté est contrainte, car en réalité ces vendeurs sont juridiquement indépendants mais

économiquement dépendant ( ) : « Je suis maitre de mes mouvements, je ne suis pas obligé de

pointer à huit heures et je peux gérer mes clients chez moi dès lors que je dispose de mon fichier

client ».

La perspective de devenir vendeur indépendant est un choix contraint pour de nombreux

vendeurs, compte tenu des conditions de travail à la limite de la précarité. Mais une fois, les

difficultés de départs surmontées ceux qui décident de rester avancent deux arguments comme la

possibilité d’avoir des revenus importants et la liberté dans le travail.

2.2 Les procédures de recrutement et leur contenu

Les répondants affirment ne pas posséder d’informations suffisantes avant et au moment des

entretiens de recrutement. Par conséquent, ils ignorent souvent le type d’emploi qui leur est

proposé et les conditions dans lesquels ils vont exercer. Dans la littérature, Matthews et Redman

(2001) rappellent que les entreprises conçoivent des annonces qui contiennent des informations

qui ne correspondent pas au potentiel du candidat recherché, ce qui laisse la porte ouverte à un

recrutement de vendeurs de moindre qualité.

Page 419: Contribution de la socialisation organisationnelle au

418

Pour les vendeurs interrogés la diffusion d’informations n’est pas faite de façon optimale, et

ils ont le sentiment que l’entreprise dissimule volontairement ces informations pour attirer un

maximum de candidatures : « J’ai été recruté par un cabinet (…) avec tout le flou qu’il y a

dessus. On nous disait qu’on allait travailler pour entreprise prestigieuse (…) au moment du

recrutement il y a comme une nébuleuse, on vous dit c’est l’entreprise qui se chargera, ensuite

on vous dit que vous allez travailler pour une entreprise importante (…) Ce n’est que lorsque

débute la formation qu’on vous apprend que vous allez travailler comme vendeur indépendant ».

(Patrick)

L’entreprise attend le plus souvent que la sélection soit effective pour libérer l’information sur

la nature du travail à réaliser et le statut juridique des vendeurs. Les vendeurs sont devant le fait

accompli : « Au départ je ne savais pas ce qu’un vendeur indépendant, c’est après lorsqu’il était

question de nous expliquer en quoi consistait notre travail que j’ai fini par comprendre ».

(Fabien)

Les répondants reconnaissent qu’ils sont le plus souvent demandeurs sur le marché de

l’emploi, ce qui explique qu’a ce stade du processus de recrutement ceux qui acceptent de

continuer le font par défaut car ils n’ont vraiment pas le choix : « (…) on vous dit que vous allez

être vendeur indépendant, vous allez être payé à la commission et vous découvrez que le taux de

commissionnement s’élève à 1% de la valeur hors taxes et encore si vous ne faites pas de

remises ». (Patrick)

« Quand j’ai commencé, je ne savais pas que j’allais être indépendant. J’ai accepté ce

travail »(Albert)

Il arrive très souvent que la promesse d’un engagement définitif soit exprimée lors d’un

entretien afin de motiver les candidats diplômés qui présentent des profils intéressants : « (…) Ils

m’ont fait la promesse de me faire signer un CDI si je réalisais mes objectifs, mais j’ai constaté

qu’il n’en était rien alors je suis parti » (Mireille)

« (…) la promesse de devenir vendeur salarié n’est pas systématique, elle dépend de la situation

économique de l’entreprise ».

En phase de recrutement, le vendeur ne dispose pas toujours de l’information sur l’emploi

qu’il est appelé à occuper et les conditions de travail. Il découvre progressivement l’offre de

travail qui lui est faite et sa décision est motivée, soit par une promesse d’emploi salarié, soit par

les possibilités de gains qui s’offrent à lui.

Page 420: Contribution de la socialisation organisationnelle au

419

2.3 La formation à la vente et l’apprentissage du métier

Les répondants considèrent que les formations sont proposées de façon restrictive. Si l’on

considère l’hétérogénéité des profils retenus lors des recrutements, on s’aperçoit qu’il existe un

besoin énorme de formation que les entreprises n’ont pas toujours l’intention de satisfaire en

totalité. Tout au plus, les vendeurs nouvellement engagés peuvent être encadrés par des anciens

qui veulent bien les aider, car ces vendeurs ne reçoivent pas de rémunération pour le travail

accompli.

Dans la palette des formations qui sont généralement destinées au vendeur, seuls les

formations sur les produits sont le plus souvent privilégiées. Les autres formations (négociation,

communication) sont étalées dans l’année car nécessitant des intervenants externes et souvent

des moyens importants ; « (…) nous n’avons pas été formé en tant que tel, l’entreprise nous

fourni une documentation que nous sommes tenus d’étudier afin de passer des tests de

connaissance ». (Fabien)

« (…) nous avons un mois de formation » (Albert)

Pour les personnes interrogées l’accompagnement est le moyen le plus fiable pour apprendre

le métier, mais l’évaluation à postériori du nouveau vendeur n’est pas systématique.

L’accompagnement peut être réalisé sur initiative du responsable ou à la demande du nouveau

auprès d’un ancien. Dans la réalité, l’accompagnement du nouveau vendeur se fait au gré des

contacts qu’il aurait établi : « (…) on m’a confié à un ancien qui m’a expliqué le travail (…)au

départ on partait le matin ensemble, il me montrait comment il prospectait, comment il réalisait

les entretiens avec les clients, comment il faut convaincre (…) comment aborder le client,

comment se comporter vis-à-vis d’un rejet (…) et puis aussi les procédures en interne

concernant l’achat jusqu'à la livraison, les taches que doit accomplir le commercial quand le

contrat est signé, le mode de paiement du véhicule, comment négocier les reprises… » (Fabien)

« (…) j’ai eu de la chance, j’ai trouvé quelqu’un qui a accepté de me suivre un moment »

(Patrick)

Pour certains répondants, le vendeur indépendant doit pouvoir assurer ses propres besoins en

formation, car de celle-ci dépend sa performance dans le travail : « (…) malheureusement,

l’entreprise est là pour faire CFA, elle n’a pas l’ambition de former (…) le fait d’être

indépendant, c’est un peu comme l’étudiant qui sort d’un lycée organisé et qui se retrouve livré

à lui-même dans une université. Il est perdu et a besoin d’une prise en main (…) le besoin de

formation est là, mais c’est aux gars de se former eux-mêmes car pour une entreprise une

formation ca coûte de l’argent et elle n’est pas prête à le faire à tout moment » (Patrick)

Page 421: Contribution de la socialisation organisationnelle au

420

Les vendeurs considèrent que la formation qui leur est prodiguée est insuffisante et que

l’apprentissage qu’ils font auprès des anciens est essentiel dans l’acquisition des savoir-faire et

savoir-être. Cependant, ils estiment que le vendeur doit s’impliquer dans sa formation pour être

compétitif.

2.4 L’intégration dans l’équipe et dans l’entreprise

La formation d’une véritable équipe de vente au sein des forces de vente indépendantes est

souvent remise en cause par l’existence d’un climat de défiance entre les vendeurs et quelque

fois entre les vendeurs et leur responsable.

Les personnes interrogées estiment que lorsque les responsables commerciaux ne sont pas des

vendeurs de métier, ils ne sont pas proches des vendeurs : « le management n’est pas optimal, il

faut que l’encadrement soit outillé (…) le responsable commercial doit d’abord être un

vendeur » (Alexis)

« (…) généralement c’est des gens qui arrivent là par hasard (…) y a en qui connaissent un peu,

qui ont du métier, mais il y a aussi ceux qui sont là parce que c’est du copinage (…) vous avez là

un responsable commercial qui n’est pas vendeur à la base, c’est un ancien militaire. Qu’est ce

que vous voulez qu’il apporte, il n’a pas l’étoffe d’un vendeur » (Patrick)

En outre, il arrive que certains responsables se comportent en concurrent vis-à-vis des

vendeurs au lieu d’être un partenaire : « les relations sont tendues avec le responsable

commercial (…) si nous avons un problème avec un client, il s’approprie le dossier, réalise la

vente à notre place et encaisse la commission » (Alexis)

Il y a aussi une certaine défiance entre les anciens vendeurs et les nouveaux qui compliquent

l’intégration de ces derniers : « les jeunes qui arrivent ne font pas d’efforts pour se rapprocher

des anciens afin d’apprendre le métier » (Albert)

Par ailleurs, les vendeurs indépendants d’une même entreprise sont directement concurrents

sur le marché, ce qui crée un climat de tension interne : « (…) l’intégration du point de vue des

collègues est fermée (…) l’une des raisons c’est la concurrence, car celui qui arrive vient nous

prendre une partie du marché » (Alexis)

«(…) c’est une concurrence féroce (…) vous êtes d’avoir une bonne ambiance parce que c’est

une équipe commerciale, mais n’empêche que y en a qui sont tentés d’aller sur les plates bandes

des autres (…) ici la prospection ne se repartie pas de manière géographique (…) »

« Je m’intéresse aux résultats de l’équipe, mais je pense pas qu’on travaille en équipe. La

preuve c’est qu’il y a constamment des disputes sur des clients »

Page 422: Contribution de la socialisation organisationnelle au

421

« Il ya quelque fois des tensions entre collègues dû à la compétition » (Roger)

Les répondants reconnaissent qu’ils ont dû s’investir personnellement pour établir des

relations au sein de l’équipe et de l’entreprise : « (…) personnellement je suis repassé voir

certains chefs de services et poser des questions sur le financement, je suis allé aussi dans les

ateliers discuter avec les responsables sur les problèmes mécaniques » (Roger)

« (…) moi, je me dis toujours que c’est la personne elle-même qui doit favoriser son

intégration » (Albert)

L’intégration des vendeurs au sein de leur équipe est rendue difficile par le climat de défiance

et la concurrence auxquelles ils sont soumis dans leur activité. Il appartient donc au vendeur de

rechercher les moyens qui lui permettent de mieux s’intégrer et d’accomplir efficacement son

travail.

3. Synthèse des résultats

En résumé, il ressort de cette étude exploratoire sur la socialisation des vendeurs indépendants

que :

Il n’y a pas de socialisation anticipée, car les individus ne désirent pas spontanément appartenir à

la corporation des vendeurs indépendants. Ceux qui acceptent de prendre cet emploi, le font pour

des raisons économiques et sociales. Ils ne disposent pas de connaissances préalables pour

exercer ce métier.

La socialisation a lieu essentiellement à travers les interactions voulues ou non entre les

nouveaux vendeurs et les personnes déjà en place dans l’entreprise. Les vendeurs apprennent à

partir de la confrontation qu’ils ont avec la réalité dans les situations de gestions suivantes :

diffusion de l’information, entretien de recrutement, accueil des nouveaux vendeurs, formation

en salle, l’accompagnement sur le terrain, réunion quotidienne de travail.

Les responsables commerciaux sont amenés à utiliser des moyens de recrutement sophistiqués

pour attirer les meilleurs profils. Cependant, ils reconnaissent ne pas faire assez d’efforts en

matière de formation pour des raisons économiques. Ils affirment l’existence de barrières

psychologiques qui peuvent constituer un frein à l’intégration des nouveaux vendeurs.

Les vendeurs affirment ne pas connaitre l’emploi qui leur ai proposé au moment où ils prennent

connaissance de l’emploi. Ils affirment prendre ces emplois pour des raisons économiques, mais

qu’ils demeurent pour deux raisons : la promesse d’un emploi salarié et les gains espérés.

Page 423: Contribution de la socialisation organisationnelle au

422

Depuis son entrée dans l’entreprise le nouveau vendeur est confronté à son environnement de

travail, à travers les situations de gestion suivantes :

§ L’annonce de l’offre d’emploi

§ L’entretien de recrutement

§ L’accueil et présentation de l’entreprise

§ Réunions quotidiennes / hebdomadaires

§ La formation en salle

§ L’accompagnement sur le terrain

§ La prospection en équipe

§ Les fêtes en entreprise / détentes de l’équipe / etc.

Tableau récapitulatif des concepts évoqués au cours des entretiens

Thèmes abordés

Responsables commerciaux Vendeurs indépendants

Contexte socio-économique

et organisationnel.

- manque de vendeur qualifiés

-vendeur à leur premier emploi

- vendeurs permanents et exclusifs

- accompagnement financier

- besoin de s’assumer

- conditions de vie précaire

- appât du gain

- la liberté d’organisation

- gestion activité et carrière

Le recrutement et son

contenu

- bouche à oreille/cabinet

- Profils atypiques

- information incomplète/complète

- promesses difficile à tenir

- information insuffisante

- information dissimulée

- choix du travail par défaut

- promesses non tenues

La formation à la vente et

l’apprentissage du métier

- formation sommaire

- étude de la documentation

- programmation tardive

- le recours aux anciens

- formation restrictive

- accompagnement non évalué

- apprentissage lent

- prise en main personnelle

L’intégration dans l’équipe

et dans l’entreprise

- barrières psychologiques

-accueil et présentation des services

- ouverture aux activités réservées

aux salariés

- auto-exclusion des vendeurs

- climat de défiance

- concurrence interne

- responsable distant

- effort personnel d’intégration

Page 424: Contribution de la socialisation organisationnelle au

423

Annexe 5: Listes complètes des résultats de l’analyse de regroupement

Tableaux des responsables commerciaux

GROUPE 1 Gérer autrement ...maintenir la gestion actuelle Qualité d’expression et de la communication

Bouche à oreille…l’annonce presse Disposer d’un espace de travail

Cibler les vendeurs expérimentés…diplômés Forte productivité

Définition d’une période d’essai Formation à la vente

Réunir quotidiennement les vendeurs Qualité de l’environnement de travail

Présence d’un fixe dans la rémunération Décision de rester dans l’équipe

Degré d réalisation de l’objectif Maintenir le vendeur…s’en séparer

Recruter par la DRH…le service commercial Acquérir des compétences

Recruter un indépendant…salarié Recruter journées portes ouverte…cabinet conseil

Concentrer le management sur le commercial Multiplier les gains

Niveau scolaire Cibler les talents

Maitriser les aspects techniques du travail Contrôler strictement l’activité des vendeurs

Expérience acquise dans la vente Prime de transport

Harmoniser le recrutement de l’entreprise Contexte de travail

Promettre un emploi salarié Renouveler les règles de travail

Connaissance effective…connaissance approximative de l’emploi proposé.

Sélection des candidat-vendeurs

Information véhiculée à l’entretien Minimisation des coûts

Devenir salarié de l’entreprise Attendre un meilleur emploi

Coopter par les anciens

GROUPE 2

Multiplier les emplois clandestins Défaut de règlement des clients

Accorder des prêts financiers Performance du vendeur

Conditions de travail Proposition d’emploi extérieur

Décision de quitter l’entreprise Paiement irrégulier des commissions

Bien être dans le travail Rechercher d’autres emplois d’indépendant

Motiver le travail Traitement administratif des commissions

Disposer d’un revenu Attitudes de fermeture des responsables

Instabilité de l’emploi Frustration des vendeurs

Fiabilité du vendeur Promesses non tenues

Violer la clause d’exclusivité Candidat hautement diplômés

Faire des efforts dans le travail Poursuivre les études

Ventes réalisées par le vendeur

GROUPE 3 Contrat d’exclusivité Pénurie de vendeurs qualifiés

Différences culturelles Esprit d’équipe

Page 425: Contribution de la socialisation organisationnelle au

424

Procédures de rupture simplifiées Négocier les modalités de travail

Relation de confiance Sentiment d’être tenu à l’écart

Statut d’agent indépendant Changer de culture de travail

Impliquer le vendeur Comportement d’auto-exclusion

Rémunérer à la commission Participer aux activités sociales

Etroitesse du marché de l’emploi

GROUPE 4 Accompagnement le vendeur sur le terrain…le former en salle

Connaitre les produits

Echanger avec le superviseur Echanger avec les vendeurs séniors

Echanger avec les clients Initier des occasions de rencontre

Programme de formation de l’entreprise Visiter les services de l’entreprise

Transmettre des informations pertinentes Echanges avec acteurs de la chaine de vente

Connaitre l’entreprise S’ouvrir aux autres…s’isoler

Tableaux des nouveaux vendeurs

GROUPE 1

Besoin de s’assumer Disposer d’un revenu élevé Choisir de travailler comme indépendant Promesse d’un emploi salarié Multiplier les gains Maintenir le vendeur…s’en séparer Liberté d’organiser son travail Conjoncture économique Etablir de nouvelles relations Etablir des relations avec les autres vendeurs Performance du vendeur Acquérir une expérience professionnelle Décider de rester dans l’équipe Rechercher une autonomie financière Constituer un capital Passion du travail Subvenir à ses besoins Situation de précarité Notoriété et image de l’entreprise Espérer un meilleur traitement Relever les challenges Responsabilités familiales Devenir salarié Perte d’un emploi Absence d’opportunité d’emploi Politique sociales de l’entreprise Motiver le vendeur Fixe minimal

GROUPE 2

Décision de quitter l’entreprise Absence de reconnaissance

Conditions de travail Climat de travail

Commissions perçues Absence de considération

Consulter le fichier client Ventes réalisées par le vendeur

Absence d’un plan de carrière Travailler en équipe…travailler seul

Recherche un emploi complémentaire Esprit d’équipe

Page 426: Contribution de la socialisation organisationnelle au

425

Concurrence entre vendeurs Travail administratif

Acquérir des compétences Défaut de règlement du client

Différence de traitement des vendeurs Remboursement du client

Relations avec les administratifs Système de gestion

Traiter les litiges avec les clients Partialité de la hiérarchie

Gestion de la relation client Statut d’indépendant

Proposition d’emploi à l’extérieur Faire des efforts dans le travail

Exercer un travail difficile Taux de commissionnement

Conflit dans l’équipe Sentiment d’être tenu à l’écart

Paiement irrégulier de la commission Rémunération à la commission

Frustrer le vendeur Priver le vendeur des actions initiées par lui

Travailler sur les mêmes clients Pression de la hiérarchie

Promesse non tenues

GROUPE 3

Information véhiculée lors du recrutement Connaitre l’entreprise Connaissance de l’emploi proposé Disponibilité du formateur Annonce presse…bouche à oreille Disposer de l’information en temps réel Accompagner le vendeur sur le terrain…le former en salle

Dynamisme du vendeur

Connaitre les produits Absence d’outils de communication Echanger avec les vendeurs séniors Connaitre les besoins des clients Attentes du vendeur Programme de formation Maitriser les aspects techniques du travail Créer des barrières psychologiques Rechercher l’information…l’attendre Coopter par un responsable de l’entreprise Echanger avec le superviseur Visiter les services de l’entreprise Réunir quotidiennement les vendeurs Connaitre les procédures de vente Connaitre les techniques de vente

GROUPE 4 Recruter par un cabinet conseil…le service commercial

Prime de transport

Cibler les candidats diplômés…expérimentés Aide financière temporaire

Négocier avec la hiérarchie Niveau scolaire

Posséder un carnet d’adresse Confiance en soi

Réaliser sa première vente Etablir de nouvelles règles de travail

Qualité de la supervision Sélectionner les candidats vendeurs

Résoudre les conflits dans l’équipe Contrôler l’activité des vendeurs

Prospecter la clientèle Expérience acquise dans la vente

Degré de réalisation de l’objectif

Page 427: Contribution de la socialisation organisationnelle au

426

Tableaux des vendeurs séniors

GROUPE 1

Programme de formation peu structuré Cibler les vendeurs diplômés…expérimentés Accompagner le vendeur sur le terrain Travailler en équipe … Connaitre des produits Echanger avec les séniors Connaitre de l’entreprise Dimension commerciale… Connaitre des techniques de vente Recruter par un cabinet…service commercial Rechercher l’information…l’attendre Organiser des réunions quotidiennes Qualité de la supervision Résoudre les problèmes entre vendeurs Concurrence entre vendeurs Posséder un carnet d’adresses Compétition sur le terrain Prospecter les clients Sélection des candidats vendeurs Evaluer le nouveau vendeur Annonce presse…bouche à oreille Echanger avec le superviseur Connaissance de l’emploi proposé Contrôler les activités des vendeurs Information véhiculée lors du recrutement Inviter le vendeur à se remettre en cause Maitriser les aspects techniques du travail Expérience acquise dans la vente Connaitre les procédures de vente Formation à la vente Formation sur site Esprit d’équipe Transmission d’un savoir faire pratique Performance collective Confiance réciproque des membres Prédisposer à la vente Percevoir le nouveau comme un concurrent... Auto-formation du vendeur

GROUPE 2

Pression de la hiérarchie Instabilité de l’emploi Décider de quitter l’entreprise Conflits entre vendeurs Conditions de travail Frustration des vendeurs Exercer un travail difficile Promesse d’emplois non-tenus Idées préconçues sur le vendeur indépendant

Ne pas clarifier les règles de travail

Pression de la famille et des amis Ne pas atteindre les objectifs Conflits avec le superviseur Absence de soutien financier Proposition d’emploi à l’extérieur Taux de commissionnement

GROUPE 3

Ventes réalisées par le vendeur Passion du métier de vendeur Disposer de l’information sur le travail Reconnaissance des clients Acquérir des Compétences Attente d’un meilleur emploi Performance du vendeur Rechercher une occupation Décision de rester dans l’équipe Liberté d’organiser son travail Qualité de la relation avec la hiérarchie Bien être dans le travail

Page 428: Contribution de la socialisation organisationnelle au

427

Niveau scolaire Accorder des prêts financiers Faire des efforts dans le travail Devenir salarié Maintenir le vendeur…s’en séparer Degré de réalisation de l’objectif Disposer d’un revenu élevé Réussite des anciens vendeurs

GROUPE 4

Compensation financière et matérielle Respecter les normes de l’entreprise Statut d’agent indépendant Manque à gagner financier Gérer en bon père de famille…gérer une affaire

Rémunération à la commission

Qualité des relations avec les nouveaux Vendeur expérimenté…vendeur peu Encadrer les nouveaux vendeurs… Comportement d’aide Temps que le vendeur séniors consacre Régulariser sa situation administrative Disponibilité du formateur

GROUPE 5

Climat de travail Mauvaise compréhension du travail à faire Dynamisme du vendeur Expérimenter la réussite…l’échec Motiver le nouveau vendeur S’ouvrir aux autres…paraitre suffisant Formation des barrières psychologiques Etablir des relations dans l’équipe Implication du vendeur

Page 429: Contribution de la socialisation organisationnelle au

428

Annexe 6. Cartes des clusters des responsables commerciaux

Cluster 1.

3 Gérer autrementles vendeurs ...

maintenir la gestionactuelle

4 l'annonce presse... le bouche à

oreille

5 cibler desvendeurs

expérimentés ...diplômés

6 Définition d'unepériode d'éssai

7 Réunirquotidiennement les

vendurs

8 Avoir un fixe dansla rémunération

11 Degré deréalisation de

l'objectif

13 Recruter par lala DRH ... le

service commercial

14 Recruter unindépendant ... un

salarié

15 Concentrer lemanagement sur le

commercial

16 niveau scolaire

17 Maitriser lesaspects techniques

du travail

18 expérienceacquise dans la

vente

24 Harmoniser lerecrutement

34 Promettre unemploi salarié

36 Connaissance del'emploi proposé

38 Informationvéhiculé àl'entretien

43 Devenir salariéde l'entreprise

44 coopter par lesanciens

46 Qualité del'expression et dela communication

48 Disposer d'unespace de travail

50 Forteproductivité

53 formation à lavente

54 Qualité del'environnement de

travail

55 Décider de resterdans l'équipe

57 Maintenir levendeur ... s'en

séparer

60 Acquérir descompétences

63 Recruter par desjournées portes

ouvertes ... cabinetconseil

64 Multiplier lesgains

66 cibler lestalents

68 Contrôlerstrictementl'activités du

vendeur

70 Primes detransport

72 Contexte detravail

73 Renouveler lesrègles de travail

79 sélection descandidats-vendeurs

81 Minimiser lescoûts

83 Attendre unmeilleur emploi

-

-

-

-

-

Cluster 2.

2 Multiplier lesemplois clandestins

12 Accorder desprêts financiers

19 Conditions detravail20 Décider de partir

21 Bien être dansl'entreprise

22 motiver levendeur

27 Niveau de revenupeu satisfaisant

28 instabilité del'emploi occupé

29 Fiabilité duvendeur

31 violer la claused'exclusivité

32 Faire des effortsdans le travail

39 Ventes réaliséespar le vendeur

47 Défaut derèglement des

clients

56 performence duvendeur

58 Propositiond'emploi àl'extérieur

65 Paiementirrégulier descommissions

67 Rechercher unautre emploi

complémentaire

69 Traitementadministratif des

commissions

76 Attitudes deferméture desresponsables

77 frustration desvendeurs

78 promessesnon-tenues

80 candidatshautement diplômé

88 Poursuivre lesétudes

-

-

-

-

Page 430: Contribution de la socialisation organisationnelle au

429

Cluster 3.

23 Acompagner sur leterrain ... former

en salle

25 Echanger avec lesuperviseur

35 Echanger avec lesclients

40 programme deformation del'entreprise

42 transmettre desinformations

pertinente sur letravail

52 Connaitre lestechniques de vente

59 connaitrel'entreprise

61 connaitre lesproduits

62 E<changer avecles vendeurs séniors

82 Initier desoccasion derencontres

84 Visiter lesservices del'entreprise

85 Echanger avec lesacteurs de la chainede commercialisation

87 s'ouvrir auxautres ... s'isoler

Cluster 4.

1 contratd'exclusivité

9 Différencesculturelles

10 procédure derupture simplifiée

26 Relation deconfiance

30 Statut d'agentindépendant

33 impliquer levendeur

37 Rémunérer à lacommission

41 Etroitesse dumarché de l'emploi

45 Pénurie devendeurs qualifiés

49 Esprit d'équipe 51 Négocier lemodalités de travail

71 sentimentd'exlusion

74 changer laculture de travail

75 comportementd'auto-exclusion

86 Participer auxacitivités sociales

-

-

-

-

Page 431: Contribution de la socialisation organisationnelle au

430

Annexe 7. Cartes des clusters des nouveaux vendeurs

Cluster 1.

4 Besoin des'assumer

5 Choisir detravailler commeindépendant ...

salarié

11 Multiplier lesgains

12 Libertéd'organiser son

travail

13 Etablir denouvelles relations

23 Performance duvendeur

28 Décider de resterdans l'équipe

29 constituer uncapital

30 subvenir à sesbesoins

31 Notoriété etimage del'entreprise

36 Relever leschallenges

40 Devenir salarié

49 Absenced'opportunités

d'emploi

51 motiver levendeur

57 Disposer d'unrevenu élevé

58 Promessse d'unemploi salarié

68 Maintenir lacollaboration ... la

rompre

69 conjonctureéconomique

70 Relation avec lesautres vendeurs

71 Acquérir uneexpérience

professionnelle

72 Rechercher uneautonomie financière

73 Passion dutravail

78 Situations deprécarité

83 Epérer unmeilleur traitement

84 Responsabilitésfamilliales

85 Perdre un emploi

89 Politique socialede l'entreprise

98 Fixe minimal

-

-

Cluster 2.

8 Décider de partir

de l'entreprise

9 Conditions de

travail

10 Commissionsperçues

16 Consulter lefichier client

17 absence d'un plande carrière

18 rechercher unemploi

complémentaire

19 Concurrence entrevendeur

21 Acquérir des

compétences

22 Différence detraitement des

vendeurs

24 Relations avec

les administratifs

25 Traitement des

litiges avec lesclients

26 Gestion de larelation client

27 Propositiond'emploi àl'extérieur

32 Exercer untravail difficile

34 Conflits entre

vendeurs

38 Paiement

irrégulier de lacommission

39 Frustrer levendeur

47 travailler surles mêmes client

50 Promesses nontenues

52 Absence dereconnaissance

59 Climat de travail

60 Absence deconsidération

64 Ventes réaliséspar le vendeur

65 Travailler enéquipe ...

travailler enindividuel

66 Esprit d'équipe

75 Travailadministratif

81 Défaut règlementdu client

82 Remboursement duclient

86 Système de

gestion

87 Partialité de lahiérarchie

88 Statut d'agentindépendant

91 Faire des effortsdans le travail

93 Taux decommissionnement

95 Sentimentd'exclusiont

97 Rémunération àlacommission

101 Priver le

vendeur descommissions dues

103 Pression de lahiérarchie

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

Page 432: Contribution de la socialisation organisationnelle au

431

Cluster 3.

1 Informationvéhiculée lors du

recrutement

2 connaissanceeffective ...

appriximative del'emploi proposé

7 Annonce presse ...le bouche à oreille

14 Accompagner surle terrain ...

former en salle

15 Connaitre lesproduits

33 Echanger avec lesvendeurs séniors

35 Attentes duvendeur

37 Maitriser lesaspects techniques

du travail

43 Rechercherl'information ...

l'attendre

44 Echanger avec lesuperviseur46 Réunions

quotidiennes detravail

53 Connaitre lestechniques de vente

54 Connaitre del'entreprise

55 Disponibilité duformateur

56 Disposer del'informations en

temps réel

74 Dynamisme dunouveau vendeur

77 Absence d'outilsde communication

80 Connaitre lesbesoins des clients

96 Programme deformation

99 Créer desbarrières

psychologiques

100 Coopter par unresponsables de

l'entreprise 104 Visiter lesservices del'entreprise

105 Connaitre lesprocédures de vente

-

-

-

-

Cluster 4.

3 recruter par uncabinet conseil ...

le servicecommercial

6 Cibler descandidats diplômés

... expérimentés

20 Négocier avec lahiérarchie

41 Posseder uncarnet d'adresse

42 Réaliser sapremière vente

45 Qualité de lasupervision

48 Résoudre lesconflits dans

l'équipe

61 Prospecter laclientèle

62 Degré deréalisation de

l'objectif

63 Prime detransport

67 Aide financieretemporaire

76 Niveau scolaire

79 Confiance en soi

90 Etablirdenouvelles règles

de travail

92 Séléctionner lescandidats- vendeurs

94 Contrôlerl'activité du

vendeur

102 Expérienceacquise dans la

vente

Page 433: Contribution de la socialisation organisationnelle au

432

Annexes 8. Cartes des clusters des vendeurs séniors

Cluster 1.

1 Programme deformation peu

structuré3 Accompagner le

vendeur sur leterrain ... le

former en salle

4 connaitre lesproduits

5 connaitrel'entreprise

6 connaitre lestechniques de vente

10 Rechercherl'information ...

l'attendre

13 Qualité de lasupervision

14 concurrence entrevendeurs

19 Compétition surle terrain

23 sélection descandidats-vendeurs

24 annonce presse... bouche à oreille

25 connaissance del'emploi proposé

26 Informationvéhiculé lors du

recrutement

30 Maitriser lesaspects techniques

du travail

31 Connaitre lesprocédures de vente

32 Formation sursite

33 Transmission d'unsavoir faire

pratique

39 Confianceréciproque des

membres

49 Percevoir lenouveau comme un

concurrent ... unéquipier

50 Cibler lesvendeurs diplômés

... expérimentés

52 Travailler enéquipe ...

travailler enindividuellement

53 Echanger avec lesvendeurs séniors

57 Dimensioncommerciale ... les

aspectsentrepreneurials

64 recruter par uncabinet conseil ...

le servicecommercial

67 Organiser desréunions quotidienne

68 Résoudre lesconflits entre

vendeurs

69 Posséder uncarnet d'adresses

70 Prospecter lesclient

71 Evaluer lenouveau vendeur

74 Echanges avec lesuperviseur

75 Contrôler lesactivités des

vendeurs

77 Inviter levendeur à se

remettre en cause... le renvoyé

78 expérienceacquise dans la

vente83 Formation à la

vente

84 Esprit d'équipe

88 Performancecollective

89 Prédisposer à lavente

92 Auto-formation duvendeur

-

-

-

-

-

Cluster 2.

15 Pression de la

hiérarchie

17 Décider de partir

18 conditions de

travail

41 Exercer un

travail difficile

42 idées préconçues

sur le travail

d'indépendant

43 Pression de la

famille et des amis

46 Conflit avec le

superviseur

58 Proposition

d'emploi à

l'extérieur

59 Instabilité de

l'emploi

66 conflits entre

vendeurs

72 frustration des

vendeurs76 promesse non

tenue

85 Ne pas Clarifier

les règles de

travail

86 Non atteinte des

objectifs

90 Absence de

soutien financier

96 Taux de

commissionnement

Page 434: Contribution de la socialisation organisationnelle au

433

Cluster 3.

7 Ventes réaliséespar le vendeur

8 Disposer del'Information sur le

travail

9 Acquérir desCompétences

16 Performance duvendeur

20 Décider de rester

21 qualité de larelation avec la

hiérarchie

22 niveau scolaire

35 Faire des effortsdans le travail

37 Manitenir levendeur ... s'en

séparer

44 Niveau de revenuélevé

45 Passion du métier

56 Reconnaissancedes clients

60 Attente d'unmeilleur emploi

61 Rechercher uneoccupation

65 libertéd'organiser son

travail

73 bien-être dans letravail

80 Accorder des prêtfinanciers

91 Devenir salarié

93 Degré deréalisation de

l'objectif

95 Réussite desanciens vendeurs

Cluster 4.

2 Compensationfinancière et

matérielle

28 Statut d'agentindépendant

29 Gérer en bon pèrede famille ... Gérer

une affaire

36 qualité desrelations avec les

nouveaux

47 Encadrer les

nouveaux vendeurs... les laisser sedébrouiller seuls

48 Temps consacré àla vente

51 Disponibilité duformateur

54 Respecter les

normes de travail del'entreprise

55 Manque à gagnerfinancier 79 Rémunération à la

commision

81 Vendeursexpérimentés

82 Comportement

d'aide

94 Régulariser sasituation

administrative

-

-

Cluster 5.

11 climat de travail

12 Dynamisme duvendeur

27 motiver levendeur

34 Formation desbarrières

psychologiques38 Impliquer le

vendeur

40 Mauvaisecompréhension du

travail à faire

62 Expérimenter laréussite ... l'échec

63 s'ouvrir aux

autres ... paraitresuffisant

87 Etablir desrelations dans

l'équipe

-

-

Page 435: Contribution de la socialisation organisationnelle au

434

Annexe 9. Carte cognitive collective des nouveaux vendeurs

1 Informationvéhiculée lors du

recrutement

2 connaissanceeffective ...

appriximative del'emploi proposé

3 recruter par uncabinet conseil ...

le servicecommerc ial

4 Besoin des 'assumer

5 T ravail ler commeindépendant ...

salarié

6 Cibler descandidats diplômés

... expérimentés

7 Annonce presse ...le bouche à oreille

8 Déc ider de partirde l 'entreprise

9 Conditions detravail

10 Commissionsperçues

11 Multiplier lesgains

12 Libertéd'organiser son

travail

13 Etablir denouvelles relations

14 Accompagner surle terrain ...

former en salle

15 Connaitre lesproduits

16 Consulter lefichier c l ient

17 absence d'un plande carrière

18 rechercher unemploi

complémentaire

19 Concurrence entrevendeur

20 Négocier avec lahiérarchie

21 Acquérir descompétences

22 Différence detraitement des

vendeurs

23 Performance duvendeur

24 Relations avecles administratifs

25 T raitement deslitiges avec les

c lients

26 Gestion de larelation c lient

27 Propositiond'emploi àl 'extérieur

28 Décider de res terdans l 'équipe

29 constituer uncapital

30 subvenir à sesbesoins

31 Notoriété etimage del'entreprise

32 Exercer untravail diffic i le

33 Echanger avec lesvendeurs séniors

34 Confl its entrevendeurs

35 Attentes duvendeur

36 Relever leschallenges

37 Maitriser lesaspects techniques

du travail

38 Paiementirrégulier de lacommiss ion

39 Frustrer levendeur

40 Devenir salarié

41 Posseder uncarnet d'adresse

42 Réaliser sapremière vente

43 Rechercherl 'information ...

l 'attendre

44 Echanger avec lesuperviseur

45 Qualité de lasupervis ion

46 Réunionsquotidiennes de

travail

47 travail ler surles mêmes c lient

48 Résoudre lesconfli ts dans

l'équipe

49 Absenced'opportunités

d'emploi

50 Promesses nontenues

51 motiver levendeur

52 Absence dereconnaissance

53 Connaitre lestechniques de vente

54 Connaitre del'entreprise

55 Disponibil i té duformateur

56 Disposer del'informations en

temps réel

57 Disposer d'unrevenu

58 Promessse d'unemploi salarié

59 Climat de travail

60 Absence deconsidération

61 Prospecter lac lientèle

62 Degré deréalisation de

l'objectif

63 Prime detransport

64 Ventes réaliséspar le vendeur

65 T ravail ler enéquipe ...

travail ler enindividuel

66 Esprit d'équipe

67 Aide financ ieretemporaire

68 Maintenir lacollaboration ... la

rompre

69 conjonctureéconomique

70 Relation avec lesautres vendeurs

71 Acquérir uneexpérience

profess ionnelle

72 Rechercher uneautonomie financière

73 Pass ion dutravail

74 Dynamisme dunouveau vendeur

75 T ravailadministratif

76 Niveau scolaire

77 Absence d'outi lsde communication

78 Situations deprécarité

79 Confiance en soi

80 Connaitre lesbesoins des clients

81 Défaut règlementdu c lient

82 Remboursement duc lient

83 Epérer unmeil leur traitement

84 Responsabil i tésfamill iales

85 perte d'un emploi

86 Système degestion

87 Partialité de lahiérarchie

88 Statut d'agentindépendant

89 Politique soc ialede l 'entreprise

90 Etablirdenouvelles règles

de travail

91 Faire des effortsdans le travail

92 Séléc tionner lescandidats- vendeurs

93 T aux decommiss ionnement

94 Contrôlerl 'activité du

vendeur

95 Sentimentd'exclusiont

96 Programme deformation

97 Rémunération àlacommiss ion

98 Fixe minimal

99 Créer desbarrières

psychologiques

100 Coopter par unresponsables de

l'entreprise

101 Priver levendeur des

commiss ions dues

102 Expérienceacquise dans la

vente

103 Pression de lahiérarchie

104 Vis iter lesservices del'entreprise

105 Connaitre lesprocédures de vente

-

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Page 436: Contribution de la socialisation organisationnelle au

435

Annexe 10. Carte cognitive collective des vendeurs séniors

1 Programme deformation peu

structuré2 Compensation

financ ière etmatériel le

3 Accompagner levendeur sur leterrain ... le

former en salle

4 connaitre lesproduits

5 connaitrel 'entreprise

6 connaitre lestechniques de vente

7 Ventes réaliséespar le vendeur8 Disposer de

l 'Information sur letravail

9 Acquérir desCompétences

10 Rechercherl 'information ...

l 'attendre

11 c limat de travail

12 Dynamisme duvendeur

13 Qualité de lasupervis ion

14 concurrence entrevendeurs

15 Pression de lahiérarchie

16 Performance duvendeur

17 Déc ider de partir

18 conditions detravail

19 Compétition surle terrain

20 Déc ider de rester

21 qualité de larelation avec la

hiérarchie

22 niveau scolaire

23 sélec tion descandidats-vendeurs

24 annonce presse... bouche à oreil le

25 connaissance del 'emploi proposé

26 Informationvéhiculé lors du

recrutement

27 motiver levendeur

28 Connaitre les tatut d'agentindépendant

29 Organisationparticulière se son

activité

30 Maitriser lesaspects techniques

du travail

31 Connaitre lesprocédures de vente

32 Formation surs ite

33 T ransmiss ion d'unsavoir faire

pratique

34 Formation desbarrières

psychologiques

35 Faire des effortsdans le travail

36 qualité desrelations avec les

nouveaux

37 Manitenir levendeur ... s 'en

séparer

38 Impliquer levendeur

39 Confianceréc iproque des

membres

40 Mauvaisecompréhens ion du

travail à faire

41 Exercer untravail diffic ile

42 idées préconçuessur le travaild'indépendant43 Pression de la

famille et des amis

44 Niveau de revenu

45 Pass ion du métier

46 Confl it avec lesuperviseur

47 Encadrer lesnouveaux vendeurs

... les laisser sedébrouil ler seuls

48 T emps quel 'anc ien vendeur neconsacre pas à faire

son travail

49 Percevoir lenouveau comme un

concurrent ... unéquipier

50 Cibler lesvendeurs diplômés

... expérimentés

51 Disponibi l i té duformateur

52 T ravail ler enéquipe ...

travailler enindividuellement

53 Echanger avec lesvendeurs séniors

54 respecter lesnormes de travail de

l 'entreprise

55 Manque à gagnerfinanc ier

56 Reconnaissancedes cl ients

57 Dimens ioncommerc iale ... les

aspectsentrepreneurials

58 Propos itiond'emploi àl 'extérieur59 Ins tabili té de

l 'emploi

60 Attente d'unmeil leur emploi

61 Rechercher uneoccupation

62 Expérimenter laréussite ... l 'échec

63 s 'ouvrir auxautres ... paraitre

suffisant

64 recruter par uncabinet conseil ...

le servicecommerc ial

65 l ibertéd'organiser son

travail

66 confl i ts entrevendeurs

67 Organiser desréunions quotidienne

68 Résoudre lesconfli ts entre

vendeurs

69 Posséder uncarnet d'adresses

70 Prospecter lesc lient

71 Evaluer lenouveau vendeur

72 frus tration desvendeurs

73 bien-être dans letravail

74 Echanges avec lesuperviseur

75 Contrôler lesactivités des

vendeurs

76 promesse nontenue

77 Inviter levendeur à se

remettre en cause... le renvoyé

78 expérienceacquise dans la

vente

79 Rémunération à lacommision

80 Accorder des prêtfinanc iers

81 Vendeursexpérimentés

82 Comportementd'aide

83 Formation à lavente

84 Esprit d'équipe

85 Ne pas Clarifierles règles de

travail 86 Non atteinte desobjectifs

87 Etablir desrelations dans

l 'équipe

88 Performancecollec tive

89 Prédisposer à lavente

90 Absence desoutien financier

91 Devenir salarié

92 Auto-formation duvendeur

93 Degré deréalisation de

l 'objectif

94 Régulariser sas ituation

administrative

95 Réussite desanc iens vendeurs

96 T aux decommiss ionnement

-

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Page 437: Contribution de la socialisation organisationnelle au

436

Annexe 11. Carte cognitive collective des responsables commerciaux

1 contratd'exclusivité 2 Multipl ier les

emplois clandestins

3 Gérer autrementles vendeursindépendants

4 le bouche àoreille ...

l 'annonce presse

5 c ibler desvendeurs

expérimentés ...diplômés

6 Définition d'unepériode d'éssai

7 Réunirquotidiennement les

vendurs

8 Avoir un fixe dansla rémunération

9 Différencesculturelles

10 procédure derupture s implifiée

11 Degré deréalisation de

l 'objectif

12 Accorder desprêts financ iers

13 Recruter par lala DRH ... le

service commercial

14 Recruter unindépendant ... un

salarié

15 Concentrer lemanagement sur le

commerc ial

16 niveau scolaire

17 Maitriser lesaspects techniques

du travail

18 expérienceacquise dans la

vente

19 Conditions detravail

20 Décider de partir

21 Bien être dansl 'entreprise

22 motiver levendeur

23 Acompagner sur leterrain ... former

en salle

24 Harmoniser lerecrutement

25 Echanger avec lesuperviseur

26 Relation deconfiance

27 Niveau de revenu

28 instabil i té del 'emploi occupé

29 Absence defiabil i té du vendeur

30 Statut d'agentindépendant

31 violer la c laused'exclusivité

32 Faire des effortsdans le travail

33 impliquer levendeur

34 Promettre unemploi salarié

35 Echanger avec lesc lients

36 Connaissanceeffective ...

approximative del 'emploi proposé

37 Rémunérer à lacommiss ion

38 Informationvéhiculé àl 'entretien

39 Ventes réaliséespar le vendeur

40 programme deformation del 'entreprise

41 Etroitesse dumarché de l 'emploi

42 transmettre desinformations

pertinente sur letravail

43 Devenir salariéde l 'entreprise

44 coopter par lesanc iens

45 Pénurie devendeurs qualifiés

46 Qualité del 'express ion et dela communication

47 Défaut derèglement des

c lients

48 Disposer d'unespace de travail

49 Esprit d'équipe

50 Forteproductivité

51 Négocier lemodalités de travail

52 Connaitre lestechniques de vente

53 formation à lavente

54 qualité del 'environnement de

travail

55 Décider de resterdans l 'équipe

56 performence duvendeur

57 Maintenir levendeur ... s 'en

séparer

58 Propos itiond'emploi àl 'extérieur

59 connaitrel 'entreprise

60 Acquérir descompétences

61 connaitre lesproduits

62 échanger avec lesvendeurs séniors

63 recruter par desjournées portes

ouvertes ... cabinetconseil

64 Multipl ier lesgains

65 Paiementirrégulier descommiss ions

66 cibler lestalents

67 Rechercher unautre emploi

complémentaire

68 Contrôlers trictementl 'activités du

vendeur

69 T raitementadministrati f des

commiss ions

70 Primes detransport

71 sentimentd'exlus ion

72 Contexte detravail

73 Renouveler lesrègles de travail

74 changer laculture de travail

75 comportementd'auto-exclusion

76 Atti tudes deferméture desresponsables

77 frustration desvendeurs

78 promessesnon-tenues

79 sélection descandidats-vendeurs

80 candidatshautement diplômé

81 Minimiser lescoûts

82 Initier desoccas ion derencontres

83 Attendre unmeilleur emploi

84 Visiter lesservices del 'entreprise

85 Echanger avec lesacteurs de la chainede commerc ial isation

86 Partic iper auxacitivités soc iales

87 s'ouvrir auxautres ... s 'isoler

88 Poursuivre lesétudes

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