5
Pour citer cet article : Lévêque C, Daneluzzi V. « Docteur, ma rotule s’est envolée ! » À propos de dou- leurs neuropathiques chez un patient cocaïnomane co-infecté par le VIH et le VHC. Douleurs (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2014.03.001 ARTICLE IN PRESS Modele + DOULER-584; No. of Pages 5 Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2014) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE « Docteur, ma rotule s’est envolée ! » À propos de douleurs neuropathiques chez un patient cocaïnomane co-infecté par le VIH et le VHC ‘‘My kneecap has flown away!’’ Talking about neuropathic pain in a cocaine-addict patient with human immunodeficiency virus and hepatitis C virus co-infection Christine Lévêque a,, Vincent Daneluzzi b a Équipe mobile d’accompagnement et de soins palliatifs, centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, 403, avenue de la République, 92000 Nanterre, France b Service de médecine interne et maladies infectieuses, centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, 403, avenue de la République, 92000 Nanterre, France Rec ¸u le 10 evrier 2014 ; accepté le 3 mars 2014 MOTS CLÉS VIH ; VHC ; Neuropathie périphérique ; Cocaïne Résumé Nous présentons le cas clinique d’un homme de 46 ans, ancien éthylique, toxico- mane par voie intraveineuse (héroïne puis cocaïne) depuis 27 ans, substitué par 40 à 60 mg/jour de méthadone, sous trithérapie anti-VIH bien suivie, et bithérapie anti-VHC depuis un an. Il est hospitalisé depuis une semaine pour une endocardite tricuspidienne à staphylocoque doré méthicilline-sensible, et présente un état douloureux rebelle avec des douleurs thora- ciques nociceptives (infarctus pulmonaires septiques multiples) ; des paresthésies et décharges électriques nocturnes (score EVA 3—4) dans le territoire des nerfs fibulaires avec troubles de sensibilité superficielle (score DN4 6/10) ; une amyotrophie des mollets, une diminution des réflexes achilléens ; une anesthésie douloureuse de la rotule gauche, intense (score EVA 8) avec des troubles sensitifs objectifs à tous les modes (score DN4 5/10). Le patient rap- porte l’extravasation d’une injection de cocaïne dans une veine superficielle croisant le trajet du nerf cutané antérieur médial de la cuisse. La gabapentine a permis de diminuer les Présenté en partie sous forme de poster au 13 e Congrès national de la SFETD, Paris, en novembre 2013. Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (C. Lévêque). http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2014.03.001 1624-5687/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

« Docteur, ma rotule s’est envolée ! » – À propos de douleurs neuropathiques chez un patient cocaïnomane co-infecté par le VIH et le VHC

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ARTICLE IN PRESSModele +DOULER-584; No. of Pages 5

Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2014) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

« Docteur, ma rotule s’est envolée ! » — Àpropos de douleurs neuropathiques chez unpatient cocaïnomane co-infecté par le VIHet le VHC�

‘‘My kneecap has flown away!’’ — Talking about neuropathic painin a cocaine-addict patient with human immunodeficiency virusand hepatitis C virus co-infection

Christine Lévêquea,∗, Vincent Daneluzzib

a Équipe mobile d’accompagnement et de soins palliatifs, centre d’accueil et de soinshospitaliers de Nanterre, 403, avenue de la République, 92000 Nanterre, Franceb Service de médecine interne et maladies infectieuses, centre d’accueil et de soinshospitaliers de Nanterre, 403, avenue de la République, 92000 Nanterre, France

Recu le 10 fevrier 2014 ; accepté le 3 mars 2014

MOTS CLÉSVIH ;VHC ;Neuropathiepériphérique ;Cocaïne

Résumé Nous présentons le cas clinique d’un homme de 46 ans, ancien éthylique, toxico-mane par voie intraveineuse (héroïne puis cocaïne) depuis 27 ans, substitué par 40 à 60 mg/jourde méthadone, sous trithérapie anti-VIH bien suivie, et bithérapie anti-VHC depuis un an.Il est hospitalisé depuis une semaine pour une endocardite tricuspidienne à staphylocoquedoré méthicilline-sensible, et présente un état douloureux rebelle avec des douleurs thora-ciques nociceptives (infarctus pulmonaires septiques multiples) ; des paresthésies et déchargesélectriques nocturnes (score EVA 3—4) dans le territoire des nerfs fibulaires avec troubles

Pour citer cet article : Lévêque C, Daneluzzi V. « Docteur, ma rotule s’est envolée ! » — À propos de dou-leurs neuropathiques chez un patient cocaïnomane co-infecté par le VIH et le VHC. Douleurs (Paris) (2014),http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2014.03.001

de sensibilité superficielle (score DN4 6/10) ; une amyotrophie des mollets, une diminutiondes réflexes achilléens ; une anesthésie douloureuse de la rotule gauche, intense (score EVA8) avec des troubles sensitifs objectifs à tous les modes (score DN4 5/10). Le patient rap-porte l’extravasation d’une injection de cocaïne dans une veine superficielle croisant le trajetdu nerf cutané antérieur médial de la cuisse. La gabapentine a permis de diminuer les

� Présenté en partie sous forme de poster au 13e Congrès national de la SFETD, Paris, en novembre 2013.∗ Auteur correspondant.

Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (C. Lévêque).

http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2014.03.0011624-5687/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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2 C. Lévêque, V. Daneluzzi

paresthésies distales et les douleurs du genou. Les mécanismes de ces douleurs neuropathiquessont discutés : neuropathie périphérique, neurotoxicité directe de la cocaïne.© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSPeripheralneuropathy;HIV;HCV;Cocaine abuse

Summary We report the case of a 46-year male with heroin and cocaine addictions and HIV-HCV co-infection, under methadone, treated in hospital for a staphyloccal endocarditis andpresenting with multiple pain sites: thoracic nociceptive pain secondary to pulmonary septicinfarctions ; bilateral unpleasant paresthesia and amyotrophy in both legs (fibular nerve terri-tory): VAS score 4/10, DN4 score 6/10; multimodal hypoesthesia coexisting with intense pain inthe left patella: VAS score 8/10, DN4 score 5/10 and a history of cocaine extravasation near thecutaneous anterior and medial nerve of the left thigh. Paresthesia in both lower limbs and painin the left patella were relieved by oral gabapentin. Mechanisms for neuropathic pain in thiscase are discussed: peripheral neuropathy, cocaine neurotoxicity.© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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ntroduction

roisième substance illicite la plus consommée en France,a cocaïne est responsable de nombreuses complicationsont les plus fréquentes et les mieux connues sont [1] : ORLar usage intranasal prolongé ; cardio-vasculaires (syndromeoronarien aigu, altérations de la fonction ventriculaireauche, troubles du rythme, dissection aortique) ; infec-ieuses bactériennes et virales (endocardites bactériennest fongiques, VIH, VHC) ; pulmonaires (toux, dyspnée,émoptysie, asthme aigu sévère, brûlures des muqueusesrachéo-bronchiques) ; enfin psychiatriques (troubles duomportement, dépendance) et neurologiques (accidentasculaire cérébral ischémique, convulsions, céphalées,ltérations cognitives).

Les complications locales de la cocaïneinjectée sont relativement peu rapportées dansla littérature, alors qu’elles sont extrêmement

fréquentes [2—4] : épuisement du capitalveineux, douleurs au point d’injection par

extravasation du produit, infections cutanées.

Nous rapportons un cas clinique de ce qui nous est apparuomme la conséquence directe d’une injection intravei-euse « ratée » de cocaïne, qui a posé des problèmes deiagnostic différentiel de douleurs neuropathiques et derise en charge médicamenteuse.

as clinique

l s’agit d’un homme de 46 ans, ancien éthylique, toxico-ane par voie intraveineuse à l’héroïne puis à la cocaïneepuis 27 ans, non sevré pour la cocaïne, substitué par0 mg/jour de méthadone et qui présente une co-infection

Pour citer cet article : Lévêque C, Daneluzzi V. « Docteleurs neuropathiques chez un patient cocaïnomane co-infhttp://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2014.03.001

ar le VIH et le VHC. L’infection par le VIH est très bienontrôlée par le traitement anti-rétroviral (trithérapie anti-IH par inhibiteurs de la transcriptase inverse, abacavirt ténofovir, et inhibiteur de protéase, atazanavir boosté

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ar le ritonavir), la charge virale VIH-1 est indétectable (<0 copies/mL) et il suit depuis 11 mois un traitement anti-HC qui semble être efficace (la PCR de l’ARN du VHC estgalement indétectable). Il est hospitalisé pour une endo-ardite tricuspidienne à Staphylocoque doré sensible à laéthicilline, traitée par oxacilline et gentamicine. Il existe

ne dénutrition importante comme en témoignent un IMC 18,5 et une albumine plasmatique à 24 g/L. La fonctionénale est normale avec une clairance estimée selon MDRD107 mL/min/1,73 m2, une azotémie à 9,9 mmol/L et uneréatininémie à 73 �mol/L. Il présente une cirrhose post-thylique (ascite, œdèmes des membres inférieurs), lesests hépatiques sont dans les limites de la normale : ASAT1 UI/L, ALAT 12 UI/L, phosphatases alcalines 72 UI/L, �GT0 UI/L, bilirubinémie 13 �mol/L, TP 73 %. Il est fait appel à’Équipe Mobile de la Douleur pour des douleurs diffuses malontrôlées malgré 60 mg/j de méthadone et des interdosese morphine par voie orale.

À l’examen : il existe des douleurs thoraciques etcapulaires nociceptives à la toux, liées à des infarc-us pulmonaires septiques multiples. Le patient décrites paresthésies bilatérales (EVA 3—4) et des déchargeslectriques nocturnes (EVA 5—6) dans le territoire deserfs fibulaires, associées à des troubles de sensibilitéuperficielle (DN4 6/10), à une amyotrophie des mollets,ne diminution des réflexes achilléens ; il existe égalementne anesthésie douloureuse isolée de la région rotulienneauche, avec des troubles sensitifs objectifs à tous les modeschaleur, tact, piqûre, diapason ; DN4 5/10), d’apparitionécente, responsable de douleurs intenses (EVA 8). Leatient rapporte l’extravasation d’une injection de cocaïneans une veine superficielle thrombosée (Fig. 1) dont le tra-et croise celui du nerf cutané antérieur médial de la cuisse :l a eu « l’impression que sa rotule s’envolait », depuis il

ne la sent plus » mais éprouve des brûlures continues ainsiue des sensations de décharges électriques, et ne supportelus le contact cutané dans la région rotulienne gauche. Son

ur, ma rotule s’est envolée ! » — À propos de dou-ecté par le VIH et le VHC. Douleurs (Paris) (2014),

apital veineux périphérique apparaît totalement épuisé.Un traitement par la gabapentine (300, 600 puis

00 mg/j) est instauré sur les arguments cliniques et per-et en une dizaine de jours de diminuer les paresthésies

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Douleurs neuropathiques chez un patient cocaïnomane co-infect

Figure 1. a : point d’injection de la cocaïne dans une veinethrombosée en regard ; b : du nerf cutané antérieur médial dela cuisse (d’après JM Chevallier, Anatomie, Appareil Locomoteur,Éditions Lavoisier, ISBN 2-257-10128-6, ©1998, avec l’aimable auto-

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TLcmic1ltl2pifit(173 notifications), et que dans un tiers des cas ces neu-

risation de l’auteur et de l’éditeur).

bilatérales (EVA 2) et les douleurs du genou (EVA 3—4). Iln’est pas pratiqué d’électro-myogramme en raison d’un étatgénéral précaire et de la coexistence d’une thrombopéniesévère (21000 et jusqu’à 6000/mm3), d’origine multifacto-rielle probable (par hypersplénisme d’une part et réactionimmuno-allergique possible à l’oxacilline d’autre part ;l’oxacilline est remplacée par l’association d’ofloxacineet clindamycine). L’évolution est marquée au 15e jourd’hospitalisation par une épistaxis abondante qui persisteaprès méchage avec anémie aiguë menacante (Hb 3,5 g/dL).Elle justifie un transfert de 72 heures en unité de soins inten-sifs, la perfusion d’immunoglobulines et la transfusion de6 CGR et un CUP. Les suites sont favorables et le patientquitte l’hôpital au 30e jour, le traitement antibiotique del’endocardite semblant efficace. Il est alors revu réguliè-rement en consultation de la Douleur. Après sept mois desuivi, il n’y a aucun signe de récupération des troubles sen-sitifs objectifs de la région rotulienne gauche. Le patient sedéclare satisfait des résultats obtenus par le traitement pargabapentine (900 mg/j) sur les signes sensitifs subjectifs etla douleur. La dose de méthadone est stable à 60 mg/jour,la consommation de cocaïne reste inchangée.

Discussion

Troubles sensitifs objectifs et subjectifsdistaux et bilatéraux

Les troubles sensitifs objectifs et subjectifs distaux et bila-téraux dans les territoires des nerfs fibulaires, associés à une

Pour citer cet article : Lévêque C, Daneluzzi V. « Docteleurs neuropathiques chez un patient cocaïnomane co-infhttp://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2014.03.001

amyotrophie et à la diminution des réflexes achilléens, fontévoquer une neuropathie périphérique d’étiologie multi-factorielle probable.

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PRESSé par le VIH et le VHC 3

ntécédents d’alcoolo-dépendancehopra et al. [5] rapportent en 2011 dans une revue de

a littérature une prévalence de la neuropathie périphé-ique chez l’alcoolo-dépendant aux USA comprise entre 25 et6 % des cas. Cette neuropathie est de type axonal avecéduction de la densité neuronale, affectant particulière-ent les fibres peu ou pas myélinisées. Les mécanismeshysiopathologiques [6] habituellement invoqués sont laarence en thiamine et les autres conséquences de la dénu-rition, bien présente et sévère chez notre patient commen atteste l’albuminémie à 24,5 g/L. Mais d’autres hypo-hèses sont formulées en faveur d’une neurotoxicité directee la consommation chronique d’alcool, comme l’activatione la microglie au niveau spinal, des lésions neuronalesirectes engendrées par un stress oxydatif avec produc-ion de radicaux libres, ou encore une stimulation de l’axeypothalamo-hypophyso-surrénalien.

nfection par le VIHlusieurs types de neuropathie périphérique peuvent êtrebservés au cours de l’évolution de l’infection par le VIH7] ; elles affecteraient jusqu’à 30 % des patients infectésans que l’on ne retrouve une autre cause de neuropathie.e type distal et symétrique, avec typiquement une topo-raphie en chaussettes et en gants, elles se manifestenturtout à des stades avancés de la maladie, quand le taux deymphocytes T CD4+ est bas et que la charge virale VIH estlevée [8] ; une corrélation positive a en effet été trouvéear certaines équipes entre l’importance de la charge viraleIH et le risque de survenue d’une neuropathie périphérique’une part, et la sévérité de la douleur neuropathique géné-ée d’autre part. Une dégénérescence axonale proximale etistale et une démyélinisation affectant tous les types debres sont observées. L’étiologie serait une infection directeu nerf et de la racine dorsale au niveau du ganglion rachi-ien où des inclusions virales ont pu être mises en évidencear certaines équipes. Les études électro-physiologiques [9]ontrent en règle générale des signes en faveur d’une neu-

opathie axonale mais il est à noter que le résultat de’EMG peut être normal alors qu’il existe des signes cliniquesatents de neuropathie distale.

raitements anti-rétroviraux’apparition de traitements anti-rétroviraux efficaces a radi-alement modifié le pronostic de l’infection par le VIH,ais ils ont été responsables d’un certain nombre d’effets

ndésirables [10], au nombre desquels figure la neurotoxi-ité [7]. Les premières observations rapportées datent de989 avec la zalcitabine (ddC) puis, dans les années 1990,a didanosine (ddI) et la stavudine (d4 T), faisant état d’uneoxicité dose-dépendante. Dans une revue des données dea Banque Francaise de Pharmacovigilance entre 1995 et005, Durrieu et al. [11] notent que sur 1110 neuropathiesériphériques impliquant 2517 médicaments, 43,6 % sontmputables aux anti-infectieux, au premier rang desquelsgurent les analogues nucléosidiques de la transcrip-ase inverse (595 déclarations), suivis par les antiprotéases

ur, ma rotule s’est envolée ! » — À propos de dou-ecté par le VIH et le VHC. Douleurs (Paris) (2014),

opathies sont graves (responsables d’hospitalisations, deéquelles, voire de mise en jeu du pronostic vital). Oopez et al. [12] ont également relevé l’exposition aux

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nti-rétroviraux comme un facteur de risque de survenue’une neuropathie périphérique chez des sujets séropo-itifs pour le VIH, conjointement avec l’âge plus élevé,’importance de la charge virale VIH et les antécédents’alcoolo-dépendance.

o-infection par le VHCes neuropathies décrites lors de l’infection par le VHCont souvent — mais non obligatoirement — associées à’existence d’une cryoglobulinémie : 78 % dans la série de

Nemni et al. [13]. Elles sont de type mono-neuropathieu neuropathie multifocale, et les mécanismes invoquésont une démyélinisation et une dégénérescence axo-ale d’origine ischémique par vascularite pour les formesssociées à une cryoglobulinémie [14]. On ignore si la co-nfection par le VHC majore réellement l’incidence deurvenue des neuropathies distales chez les sujets infectésar le VIH, si les deux virus exercent des effets neuro-oxiques additifs ou synergiques ; quand elles surviennent,es neuropathies seraient plus fréquemment associées à desaux d’ARN viral VHC plus élevés [15].

eurotoxicité de la cocaïne

a neurotoxicité de la cocaïne est suspectée pour expliquer’anesthésie douloureuse de la région rotulienne gauche :’extravasation lors de l’injection dans une veine superfi-ielle thrombosée de la cuisse a pu être responsable d’uneononeuropathie du nerf cutané antérieur médial de la

uisse, dont le trajet croise celui de la veine (Fig. 1).

La neurotoxicité directe de la cocaïne,premier anesthésique local connu, a été

démontrée cliniquement et expérimentalement.

Cette neurotoxicité est une des causes de son abandonn clinique anesthésiologique au profit d’autres moléculeslus sûres [16,17]. Kalichmann et al. [18] ont exposé in vivoe nerf sciatique de rats anesthésiés à des doses croissantese cocaïne pendant une durée de 10 minutes ou de 4 heures ;ls ont observé une diminution du débit sanguin dans le troncerveux, à la fois dose et temps-dépendante ; quarante-huiteures plus tard, ils ont procédé chez les mêmes animaux

une biopsie chirurgicale de ces troncs nerveux préalable-ent exposés, et ont montré une altération morphologique

type d’œdème et de démyélinisation, clairement dose-épendante, concluant que la neurotoxicité de la cocaïnest au moins en partie liée à des phénomènes ischémiques.ambert et al. [19] ont par ailleurs montré l’existence delocs de conduction irréversibles sur des préparations deerf sciatique de grenouille exposées directement à desoncentrations élevées de lidocaïne ou de tétracaïne, aprèseulement 4 à 5 minutes de contact, suivies de plusieurseures de « rincage » dans une solution salée de type Ringer,uggérant que le temps d’exposition directe du tronc ner-eux à l’anesthésique local participe à son effet toxique.es résultats similaires ont été obtenus par Itoh et al.

Pour citer cet article : Lévêque C, Daneluzzi V. « Docteleurs neuropathiques chez un patient cocaïnomane co-infhttp://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2014.03.001

20] sur une préparation expérimentale de nerf vague cheze lapin. Dans une étude plus récente, Yang et al. [21]nt montré une destruction des cellules de Schwann aprèsxposition à divers anesthésiques locaux, à la fois temps et

grsa

PRESSC. Lévêque, V. Daneluzzi

oncentration-dépendante. Par ailleurs, les effets intracel-ulaires des anesthésiques locaux commencent à être bienonnus [22] : augmentation du Ca2+ intracellulaire ; blocagees canaux Na+, Ca2+ et K+, mais à des concentrations biennférieures à celles utilisées en clinique anesthésiologiquet qui ne peut donc pas à lui seul expliquer l’apoptoseeuronale constatée lors de l’exposition à la lidocaïne, àes concentrations et des durées croissantes, de cellulesumaines de neuroblastome SH-SY5Y [23] ; altérations de laembrane mitochondriale de neurones du ganglion spinal

hez le rat après 5 minutes d’exposition à la lidocaïne [24].Bien qu’il s’agisse de cocaïne dans le cas de notre

atient, il nous semble que de tels mécanismes puissent êtrevoqués, bien qu’il subsiste une grande incertitude sur laoncentration finale en anesthésique local de la préparation

artisanale » injectée, étant donné la coïncidence cliniquentre l’injection, l’apparition de la douleur, l’installationes troubles sensitifs objectifs et leur pérennisation.

hoix de la gabapentine

e choix de la gabapentine pour le traitement de ces dou-eurs neuropathiques peut être discuté chez ce patient à’état général précaire, co-infecté par le VIH et le VHC, sub-titué par la méthadone et présentant une addiction nonevrée à la cocaïne.

La gabapentine a une efficacité démontrée avec un hautiveau de preuve (grade A) dans le traitement des douleurseuropathiques, et fait partie des molécules recommandéesn première intention [25]. Son profil général de sécurité estatisfaisant et les principaux effets adverses rapportés sontssentiellement neuro-psychiatriques, dose-dépendants etransitoires [26]. La pharmacologie de la gabapentine en faitne molécule particulièrement intéressante chez les sujetsrésentant une altération de la fonction hépatique, puisqueon élimination est exclusivement rénale sous forme inchan-ée [27] et qu’elle n’exerce par elle-même aucune activiténductrice ou inhibitrice enzymatique connue à ce jour,otamment sur le cytochrome P450 [28]. L’absence de liai-on aux protéines plasmatiques, notamment à l’albumine,a rend également intéressante en cas de dénutrition avecypo-albuminémie sévère [27], comme c’est le cas chezotre patient.

Dans une étude prospective randomisée [29], chez desatients présentant une neuropathie périphérique liée

l’infection par le VIH, la gabapentine s’est montréeupérieure au placebo pour réduire les scores de douleurt majorer les scores de sommeil à la 4e semaine deraitement, avec une très bonne tolérance clinique pourne dose moyenne de 1200 à 2400 mg/jour. Une autre deos préoccupations était d’éviter de possibles interactionsédicamenteuses avec les antirétroviraux du patient,

omme cela a été décrit antérieurement pour la phénytoïnet le valproate, ce qui avait conduit à recommander l’emploi’antiépileptiques non inducteurs enzymatiques [30].

Chez des toxicomanes sevrés et régulièrement substituésar la méthadone présentant une hyperalgésie au froid et àa pression lors de l’application de stimuli calibrés [31], la

ur, ma rotule s’est envolée ! » — À propos de dou-ecté par le VIH et le VHC. Douleurs (Paris) (2014),

abapentine a permis d’améliorer les seuils de réponse parapport au groupe contrôle à la 5e semaine de traitement,ans aucune sortie d’essai pour mauvaise tolérance clinique,vec une dose moyenne de 2400 mg/jour [32].

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Douleurs neuropathiques chez un patient cocaïnomane co-in

Les échanges avec le médecin traitant de notre patientont permis de vérifier qu’il n’y avait pas de mésusage de lagabapentine, comme cela est de plus en plus rapporté dansla littérature [33] chez les toxicomanes substitués par laméthadone, une prise concomitante favorisant l’effet flashlié à l’absorption de la dose de méthadone. La gabapen-tine, au contraire de la tiagabine, a échoué à démontrerune quelconque efficacité à diminuer la dépendance à lacocaïne chez des sujets substitués par la méthadone et nonsevrés, comme notre patient [34]. Il n’a effectivement pasété noté de variation de la consommation de cocaïne cheznotre patient après l’instauration du traitement.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt enlien avec cet article.

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