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Publié 23 : Published by: Publicación de la: Faculté des sciences de l’administration 2325, rue de la Terrasse Pavillon Palasis-Prince, Université Laval Québec (Québec) Canada G1V 0A6 Tél. Ph. Tel. : (418) 656-3644 Télec. Fax : (418) 656-7047 Édition électronique : Electronic publishing: Edición electrónica: Marylène Paradis Vice-décanat à la recherche Faculté des sciences de l’administration Disponible sur Internet : Available on Internet Disponible por Internet : http://www4.fsa.ulaval.ca/cms/site/fsa/accueil/recherche/publica tions/documentsdetravail [email protected] DOCUMENT DE TRAVAIL 2014-003 Le Canada face aux investissements directs étrangers (IDE) : enjeux, défis et stratégies Document collectif Responsable : Zhan SU Série électronique mise à jour : On-line publication updated : Seria electrónica, puesta al dia 05-2014

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Publié 23 : Published by: Publicación de la:

Faculté des sciences de l’administration 2325, rue de la Terrasse Pavillon Palasis-Prince, Université Laval Québec (Québec) Canada G1V 0A6 Tél. Ph. Tel. : (418) 656-3644 Télec. Fax : (418) 656-7047

Édition électronique : Electronic publishing: Edición electrónica:

Marylène Paradis Vice-décanat à la recherche Faculté des sciences de l’administration

Disponible sur Internet : Available on Internet Disponible por Internet :

http://www4.fsa.ulaval.ca/cms/site/fsa/accueil/recherche/publications/documentsdetravail [email protected]

DOCUMENT DE TRAVAIL 2014-003 Le Canada face aux investissements directs étrangers (IDE) : enjeux, défis et stratégies Document collectif Responsable : Zhan SU

Série électronique mise à jour : On-line publication updated : Seria electrónica, puesta al dia

05-2014

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Avant-propos

C’est avec grand plaisir que j’organise ce recueil qui réunit dix travaux réalisés

par les étudiants au MBA en gestion internationale sous ma supervision au cours de la session d’automne 2013. Ces travaux ont déjà fait l’objet d’un colloque public de la Chaire Stephen-A.-Jarislowsky en gestion des affaires internationales, intitulé « Le Canada / le Québec face aux investissements directs étrangers (IDE) : enjeux, défis et stratégies », le 2 décembre 2013 à Québec.

Riche en ressources naturelles, proche du marché américain et ouvert sur le

monde, le Canada demeure toujours un pays de choix pour les investissements directs étrangers (IDE). Cependant, la récente acquisition de l’albertaine Nexen par l’entreprise étatique chinoise, CNOOC, la prise de contrôle de l’entreprise canadienne Progress Energy par Petronas de la Malaisie ou l’implantation de Jilin Jien Nickel Co. dans le Nord-du-Québec sont autant de projets qui ont suscité bien des controverses au Canada en matière de la retombée économique, de la sécurité nationale et du soutien public aux fleurons nationaux. Ces débats font ressortir clairement l’importance de comprendre la nouvelle réalité socio-économique et géopolitique de l’IDE et soulèvent aussi la question de la nécessité d’actualiser le fondement de la gestion de l’IDE dans le contexte de la mondialisation.

Les dix travaux portent sur un ensemble de thèmes interreliés permettant de mieux

comprendre les enjeux et les défis que représente l’IDE pour le Canada ainsi que les stratégies et les actions à mener pour l’encadrer :

Bonne lecture!  Dr. Zhan Su Professeur de management international Titulaire de la Chaire Stephen-A.-Jarislowsky en gestion des affaires internationales Faculté des sciences de l’administration Université Laval

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TABLE DES MATIÈRES

I.  IDE DANS LE SECTEUR ÉNERGÉTIQUE CANADIEN .......................... 1 Simon Lefebvre, Simon Nadeau, Kawrantin Roudaut et Thibault Wansch

II.  INVESTISSEMENTS CANADIENS DANS LE MONDE .......................... 24 Léa Seris, Elke Hoogmartens, Marie-Pascale Hamelin et Maria Makarova

III.  SÉCURITÉ ÉCONOMIQUE ET NATIONALE DANS LE CONTEXTE DE LA MONDIALISATION ................................................. 44 Guillaume Daneau, Nene Mariama Dalanda Bah et Vincent Voyer

IV.  LES BESOINS EN RESSOURCES NATURELLES DE L’INDE ET DE LA CHINE ................................................................................................ 60 Gabriel Conea, Majdouline Ibnoueddine, Tania Lefrançois, Rita El Otmani et Simon P. Boily

V.  LES MULTINATIONALES INDIENNES ................................................... 81 Lucie Bernier, Laurie Ferland-Caouette, Marc-André De Montigny, Anthonie Maude Perron et Louis-Philippe Préfontaine-Dastous

VI.  LES MULTINATIONALES CHINOISES : PROFIL ET PRÉSENCE AU CANADA .................................................................................................. 98 Kevin Chabbal, Kahina Hanis et Aline Hofmans

VII. LES MULTINATIONALES RUSSES ........................................................ 122 David Hervoil, Laura Kayali, Bénédicte Sorce, Gabrielle Tremblay et Manon Van Gucht

VIII. POLITIQUES DES ÉTATS-UNIS ENVERS LES IDE ............................ 153 Pauline Mary, Lauren Constant, Amerine Waldmann, Morgane Rispal et Vincent Maudire

IX.  POLITIQUES DE L’AUSTRALIE ENVERS LES INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS ...................................... 174 Alexandre Robitaille-Lachance, Joëlle-Audrey Bile, Etienne Pelsy, Olivier Lafond, et Vincent Devrand

X.  VERS UNE POLITIQUE CANADIENNE PLUS EFFICACE ENVERS LES INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS ............ 191 Andriantsitovianarivelo H. Rabearivelo, Aurélie Blaser, Thibaut Fillon Cécile Perrin et Mehdi Yahiaoui

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I. IDE DANS LE SECTEUR ÉNERGÉTIQUE CANADIEN

Simon Lefebvre, [email protected] Simon Nadeau, [email protected]

Kawrantin Roudaut, [email protected] Thibault Wansch, [email protected]

Résumé

Le secteur énergétique canadien est crucial en ce qui concerne les IDE entrants

considérant les ressources abondantes du Canada et la demande mondiale d’énergie qui continuera à croître significativement au cours des prochaines décennies. Il convient de procéder à une recherche très documentée afin de bien discerner les éléments cruciaux. Une analyse extensive de la situation actuelle sera par la suite possible, pour finalement être en mesure de critiquer les lacunes décelées. Des propositions en vue d’une gestion plus efficace pourront ainsi être présentées. Ce rapport est clairement structuré pour bien mettre en valeur l’information. Tout d’abord seront introduits les principaux sujets, soit les IDE et le secteur énergétique canadien. Ensuite, un portrait détaillé de l’industrie énergétique canadienne sera dressé afin de bien cibler la recherche nécessaire et les enjeux cruciaux pour l’analyse. Puis, les caractéristiques importantes du secteur énergétique canadien seront explorées, notamment son attractivité, la gestion politique des ressources, les systèmes de redevances, les retombées et la position actuellement prônée par le gouvernement fédéral. Par la suite seront explorées les polémiques engendrées par les IDE dans le secteur énergétique canadien, au niveau du contrôle des ressources par des états étrangers ainsi que de la déficience des systèmes de redevances. Finalement, à la suite de l’analyse de tous les éléments mentionnés, il sera possible d’explorer différentes avenues qui pourraient inspirer le Canada en vue de mieux gérer ses IDE entrants dans le secteur énergétique et exploiter plus efficacement ses ressources énergétiques tant prisées.

MISE EN CONTEXTE Les IDE sont un sujet d’actualité très chaud en 2013 et les impacts sociaux,

économiques et environnementaux qu’ils induisent sur le Canada et le monde sont cruciaux. Ils affectent notamment la croissance nationale des pays industrialisés ou en développement, mais sont aussi un catalyseur du capitalisme d’État dans cette ère où la puissance et l’appropriation des ressources sont primordiales pour la pérennité des nations. Il n’est donc pas étonnant que le dossier des IDE soit aussi sensible, sans oublier qu’il s’agit dans bien des cas de relations directes entre deux pays en ce qui concerne l’exploitation de ressources et les retombées engendrées.

Ce rapport se penchera plus précisément sur le secteur énergétique du Canada et les IDE entrants qu’ils suscitent. Seront traités plusieurs aspects essentiels qui permettront d’offrir au lecteur une vue claire d’ensemble de la situation. Tout d’abord, nous présenterons un état de la répartition et la concentration des ressources énergétiques sur le territoire canadien en 2013. Ensuite, les principales caractéristiques du secteur énergétique canadien seront étayées, telles que l’attractivité, les redevances, les retombées, la gestion politique et la position du gouvernement actuel sur les IDE, ainsi que les pays injectant des IDE.

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Puis, nous expliquerons les principales polémiques associées aux IDE dans le secteur énergétique du Canada, notamment le contrôle des ressources par des états étrangers et les redevances insuffisantes. Suivront nos propositions en la matière à la suite de nos analyses afin de proposer des pistes d’amélioration au Canada en vue de mieux gérer ses IDE entrants dans le secteur énergétique et exploiter plus efficacement ses ressources énergétiques tant prisées . Mais avant toute chose, voici une brève ouverture pour bien comprendre les concepts fondamentaux étudiés dans ce rapport.

Secteur énergétique canadien

Vaste sujet que celui du secteur énergétique canadien. En effet, nous avons accès au Canada à une multitude de sources d’énergie, allant de l’hydroélectricité au nucléaire sans oublier les énergies fossiles. Toutes n’ont pas la même importance ni le même impact sur le Canada sur les investissements, le développement, les polémiques diverses et la pérennité. Considérant la tendance actuelle mondiale, le cas des énergies fossiles est crucial et mérite d’être exploré en profondeur. C’est pourquoi, afin que ce rapport soit le plus complet possible tout en étant clair et concis, nous nous limiterons uniquement aux ressources énergétiques non renouvelables, plus particulièrement les énergies fossiles.

Par définition, une énergie non renouvelable est toute « source d'énergie qui ne se renouvelle pas assez rapidement pour être considérée comme inépuisable à l'échelle de l'homme » (Ac. Bordeaux, 2013). Ces sources d’énergie englobent notamment les énergies fossiles, résultant du stockage de matières organiques dans les couches géologiques (Écomet, 2013) durant de longues périodes et libérant leur énergie par combustion. Les combustibles fossiles riches en carbone tels que le pétrole, le charbon et le gaz naturel sont les principales sources de ce type d’énergie. La limitation de notre analyse à ces énergies en particulier est nécessaire. D’une part afin d’être plus complet sur le sujet que nous traiterons, à savoir les IDE dans le secteur énergétique canadien, et d’autre part afin d’avoir une vision d’ensemble, certes non générale, mais tout de même sérieusement représentative des enjeux existants dans ce secteur.

Tel qu’illustré dans le graphique suivant, plus de 85 pour cent de l’énergie primaire canadienne est produite en ayant recours à des sources d’énergie non renouvelables. Pour cette raison, la limitation à ces énergies ne sera pas préjudiciable. Et non seulement nous nous concentrerons seulement sur les énergies fossiles, mais spécifiquement sur le gaz naturel et le pétrole considérant les proportions plus que significatives.

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Figure 1: Production d’énergie primaire, selon La Source, 2011

Source: Ressources Naturelles Canada, 2013

Investissement direct étranger

Avant de commencer, voici une courte définition des IDE d’après l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), les IDE sont : « Objectif d’une entité résidant dans une économie ("investisseur direct") d’acquérir un intérêt durable dans une entité résidant dans une économie autre que celle de l’investisseur ("entreprise d’investissement direct"). La notion d’intérêt durable implique l’existence d’une relation à long terme entre l’investisseur direct et l’entreprise et l’exercice d’une influence notable sur la gestion de l’entreprise. »

Voici les quatre formes possibles afin de procéder à un IDE:

- La création d'une entreprise ou d'un établissement à l’étranger, aussi nommé « greenfield » ;

- L'acquisition d'au moins 10 pour cent du capital social d'une entreprise étrangère déjà existante ;

- Le réinvestissement de ses bénéfices par une filiale ou une succursale située à l’étranger ;

- Les opérations entre la maison mère d'une firme transnationale et ses filiales (souscription à une augmentation de capital, prêts, avances de fonds, etc.).

1. PORTRAIT DE L'ÉNERGIE AU CANADA ET DANS LE MONDE

Les ressources canadiennes n’étant pas toutes concentrées au même endroit, il s’ensuit que les retombées économiques qu’elles engendrent ne le sont pas non plus. Ainsi, nous exposerons d’une part qu’elles sont les régions canadiennes dans lesquelles les ressources sont concentrées, et d’autre part, nous vérifierons si les bénéfices économiques tirés de leur exploitation desservent de manière relativement équitable l’ensemble du pays ou uniquement les régions concernées.

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1.1 Production canadienne & Dominance de l’Alberta Voici des graphiques indiquant clairement la répartition géographique de la

production d’énergie au Canada selon le type d’énergie, en l’occurrence le pétrole et le gaz naturel. De plus, le tableau suivant montre quelques statistiques qui en disent long sur la puissance du Canada en ce qui concerne la production d’énergie. Ces données sont issues d’un rapport publié par Ressources naturelles Canada pour l’horizon 2013-2014:

Figures 2 & 3 : Production Canadienne de Pétrole et Gaz naturel, par Province, 2012

Source : Ressources Naturelles Canada, 2013 Une analyse sommaire de ces figures démontre que les ressources sont

inégalement réparties au sein du territoire. L’ouest du Canada, notamment l’Alberta, est extrêmement bien fourni en ressources fossiles, alors que l’Est en est dépourvu (bien que le Québec, très riche en cours d’eau, soit un très grand producteur d’hydroélectricité.). Cependant, nous nous concentrerons sur les énergies fossiles non renouvelables, à savoir le gaz naturel et le pétrole. D’ailleurs, il est crucial de mentionner que le Canada se trouve en cinquième position mondialement en ce qui concerne la production de ces sources d’énergie, ainsi qu’en 18e et troisième position respectivement en ce qui concerne les réserves de gaz naturel et de pétrole (RNCan, 2013).

1.2 État de La Consommation d’Énergie dans le Monde et Prévisions Le secteur de l’énergie est particulièrement important pour le Canada, mais

également partout dans le monde. Il incombe tout d’abord de dresser un portrait de la demande énergétique non seulement canadienne, mais aussi mondiale.

En effet, avec une démographie mondiale grandissante et un taux d’urbanisation accéléré, les besoins énergétiques se feront de plus en plus importants. Considérant une hausse prévue de 19,4 pour cent du taux d’urbanisation mondial entre 2010 et 2050 (ONU, 2010), l’énergie requise pour fournir la population urbaine sera inévitablement exponentiellement croissante dans le futur. Il s’ensuit, selon la U.S Energy Information Administration, que la consommation totale d’énergie dans le monde devrait connaître une hausse significative de 56 pour cent d’ici 2040.

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Occasionnant à eux seuls une hausse de 90 pour cent de leurs besoins en énergie, les pays en voie de développement seront des consommateurs particulièrement plus exigeants lors des prochaines décennies.

Cette demande sera notamment remarquable dans les secteurs d’énergies fossiles comme le pétrole et le gaz naturel. Effectivement, leurs demandes devraient subir respectivement des hausses de 38 pour cent et 64 pour cent d’ici 2040 (USEIA, 2013). Considérant cette impressionnante hausse de la demande énergétique, les pays du monde se tourneront donc majoritairement vers les plus grands producteurs d’énergie sur la planète qui sont actuellement la Chine, la Russie, les États-Unis et le Canada (World Bank, 2013). La gestion de l’énergie restera donc un aspect fondamental de l’économie mondiale, mais principalement pour celle des pays producteurs.

2. CARACTÉRISTIQUES DU SECTEUR ÉNERGÉTIQUE CANADIEN

Après avoir exposé une vue d’ensemble des ressources énergétiques canadiennes, les secteurs clés ainsi que les opportunités futures, il est intéressant par la suite d’explorer plus en détail le fonctionnement de ces industries et de quelles façons les instances gouvernementales gèrent les retombées pour le peuple canadien. De plus, l’état et l’importance des IDE dans ce secteur seront étayés. Il importe cependant avant tout d’exposer pourquoi le secteur énergétique canadien est attractif pour des IDE entrants, selon différents facteurs.

2.1 Attractivité du secteur énergétique canadien Si l’on regarde la provenance des entreprises qui investissent dans le secteur

énergétique canadien, on remarque que beaucoup proviennent d’Asie, notamment de la Chine (PetroChina Company Limited, CNOOC) et du Japon (Toyota Tsusho Corp.). Ces pays consomment plus de pétrole et de gaz naturel qu’ils n’en produisent, tel qu’en témoigne le tableau suivant dont les données sont extraites du site web www.indexmundi.com :

Tableau 1: Profils nationaux Asiatiques, Pétrole & Gaz naturel,

Pays Production

barils pétrole /jour

Consommation barils pétrole

/jour Balance

Production gaz naturel

(milliards m3)

Consommation gaz naturel

(milliards m3) Balance

Chine (2011)

4,073,000 9,400,000 - 5,327,000 102,5 129 - 26,5

Japon

(2010) 131,800 4,452,000 - 4,320,200 3,397 100 3,297

Source : IndexMundi, 2013

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En prenant pour exemple la Chine et le Japon, on constate donc qu’il est nécessaire pour certains pays de se tourner vers les ressources énergétiques d’autres États afin de satisfaire les besoins de leurs consommateurs locaux.

La question est donc de savoir ce qui peut pousser ces pays qui ont besoin de gaz naturel et de pétrole à se tourner vers les ressources produits au Canada. Voici ci-dessous quelques une de ces raisons qui sont exposées par Martin Pelletier dans un article paru en janvier 2013 sur le Financial Post :

Le Canada est ouvert aux IDE : ça peut paraître évident, mais mentionnons que seulement 7 pour cent des réserves pétrolières et de gaz naturel se trouvent dans des pays autorisant les investissements étrangers d’entreprises privées, dont le Canada fait partie.

Le Canada offre un environnement stable : Le Canada est également l'un des rares endroits dans le monde où il y a une redevance et un régime d’imposition équitable, avec un cadre transparent et régulé concernant les forages, ainsi qu’une base de données très détaillée sur les activités sismiques.

Une expertise canadienne : Le Canada offre des technologies de pointe qui sont très attrayantes pour certains pays qui détiennent énormément de ressources, mais qui n’ont pas la capacité de les exploiter : que ce soit dans la prospection, le forage, ou l’acheminement des ressources, ces pays-là peuvent utiliser l’expertise canadienne pour exporter par la suite cette technologie dans leur pays d’origine. Ce transfert de technologie peut se faire par l’acquisition de petites entreprises, ou via des joint-ventures, par exemple.

Enfin, le Canada mène une politique favorable aux IDE dans le secteur énergétique. On peut voir que le gouvernement fédéral canadien ainsi que les provinces misent sur ces IDE, comme peuvent en témoigner l’importance des dépenses publiques en Recherche et Développement et Démonstration (R-D-D) sur l’énergie.

Ces dernières s’élèvent en effet à 0,07 pour cent du PIB canadien, ce qui place le pays à la 5e place mondiale en termes de dépenses dans ce secteur, derrière la Finlande, la Hongrie, le Danemark et le Japon. La somme des dépenses fédérales et provinciales atteint le chiffre symbolique du milliard de dollars pour l’année 2011-2012 (RNCan, 2013).

Si ces chiffres doivent être nuancés (l’intégralité des investissements n’est pas uniquement consacrée à la promotion des ressources naturelles afin d’attirer les IDE), il n’en demeure pas moins que ces investissements attestent de la volonté du gouvernement canadien d’attirer davantage des fonds étrangers dans le secteur énergétique.

En effet, ces fonds permettent d’assurer une prospection toujours plus importante et optimale des ressources, tout en améliorant les infrastructures déjà présentes, créant un cercle vertueux de croissance et attirant toutes entreprises ou investissements étrangers au sein du secteur énergétique canadien.

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Figure 4: Dépenses publiques canadiennes en R-D-D sur L’Énergie (Millions $ CA)

Source : Ressources Naturelles Canada, 2013

Le graphique précédent en dit long sur la politique menée par les provinces et le gouvernement fédéral. Depuis 2007, on constate une hausse des dépenses générales en R-D-D (en dépit d’une légère baisse depuis 2010), dont les investissements ont doublé jusqu’à 2012.

2.2 Gestion politique des ressources Commençons tout d’abord par expliquer comment sont coordonnées les politiques

fédérales et provinciales. Voici à cet égard les grands principes directeurs de la politique énergétique du Canada tels que définis par le ministère des Ressources naturelles du Canada : « Les gouvernements provinciaux sont les gestionnaires directs de la plupart des ressources du Canada et ont compétence sur la gestion des ressources de leur territoire. »

En revanche, le gouvernement fédéral gère la réglementation du commerce interprovincial et international. Aussi, Ottawa est responsable via l’Office national de l’énergie, de l’intérêt public canadien, ainsi que de la sûreté et la sécurité des ressources possédées par le pays.

Si l’on comprend bien que l’exploitation des ressources soit de la responsabilité des provinces, il n’en demeure pas moins que le gouvernement fédéral reste maître pour tout ce qui concerne le commerce international de l’énergie canadienne. C’est donc lui qui définit la politique d’IDE du Canada.

La variété et la quantité colossale de ses ressources confèrent au Canada le statut de puissance énergétique mondiale. Afin d’en exploiter les avantages, les investissements étrangers sont cruciaux, en ce qu’ils permettent de concrétiser le large éventail des possibilités économiques offertes par lesdites ressources. Ces IDE permettent de maintenir et d’assurer l’efficacité et l’innovation du système énergétique.

Aussi, il est important de souligner que les exportations de produits énergétiques occupent une place majeure dans la balance commerciale du Canada, ce qui en fait donc un secteur stratégique qu’il est important de pérenniser.

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À cet égard, on peut donc se demander quelle est la politique menée par le gouvernement et les provinces afin d’attirer les IDE, autant que les raisons qui poussent les entreprises étrangères à investir dans le secteur énergétique canadien.

Ces choix sont autant dictés par une nécessité de la part des gouvernements ou entreprises d’investir par manque de ressources, que par un environnement favorable offert par le gouvernement canadien.

2.3 Retombées économiques du secteur énergétique À la suite à la récente crise économique mondiale de 2008, certains pays ont su

profiter de l’industrie énergétique pour stimuler leur économie. Les récents développements aux États-Unis des gaz de schistes en sont un bon exemple. Cette industrie est notamment créatrice d’emploi et recèle d’un fort potentiel pour attirer les IDE étrangers.

Dans le cas du Canada, ce secteur est d’autant plus important, car le pays est considéré comme l’une des superpuissances mondiales en matière de ressources naturelles exploitables. En effet, environ 155 milliards de dollars canadiens (soit 9,1 pour cent du PIB) sont imputables au secteur de l’énergie au Canada. Cette industrie permet entre autres de créer 335 500 emplois directs, soit 1,9 pour cent du total des emplois au Canada et 161 000 emplois indirects seulement dans l’industrie des grands travaux pour l’électricité, le pétrole et le gaz naturel. Il faut par contre mentionner que d’autres industries (fabrication d’équipement et services financiers par exemple) génèrent aussi de l’emploi indirect découlant des investissements dans l’industrie de l’énergie (RNCan, 2013). Le secteur énergétique couvre également 24,6 pour cent du total des investissements canadiens et 27,8 pour cent du total des exportations au pays (StatCan, 2013).

De par les taxes et impôts prélevés sur les profits des entreprises œuvrant dans l’industrie énergétique, le Canada va également chercher d’importantes retombées économiques. Les gouvernements fédéraux, provinciaux et territoriaux reçoivent ainsi d’importantes recettes directement des industries de l’énergie. Entre 2007 et 2011, les recettes publiques annuelles moyennes de l’industrie énergétique au Canada ont totalisé 26,6 milliards de dollars canadiens (RNCan, 2013) répartis comme suit : impôt sur les bénéfices (6,7 milliards); impôts indirects (2,4 milliards); redevances (13,3 milliards); ventes de terres publiques (4,2 milliards).

Finalement, considérant que les industries pétrolières et gazières devront faire face toutes les deux à d’importantes hausses au niveau de leur demande, le Canada est clairement en position confortable afin de maximiser l’exploitation de ses ressources d’énergies fossiles qui sont actuellement et resteront très attrayantes aux yeux des investisseurs et des compagnies ces ressources. Pour le moment, on constate que ces industries représentent 16,5 pour cent du total des recettes publiques perçues par le gouvernement canadien (RNCan, 2013). Également, il est pertinent de mentionner que les dépenses en immobilisations publiques et privées au Canada associées aux industries du pétrole et du gaz naturel représentent 60,4 pour cent du total des dépenses énergétiques pour le pays (StatCan, 2013).

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À la lecture de ces statistiques et données, il apparaît évident que les ressources d’énergies fossiles canadiennes sont très importantes pour l’économie canadienne. Cependant, les programmes de redevances au Canada, grâce auxquels le pays retire une partie des profits des entreprises exploitant les ressources, sont généralement peu avantageux tels qu’expliqués dans la prochaine sous-section.

2.4 Redevances en Alberta Tel que mentionné précédemment, nous nous concentrons particulièrement sur

l’Alberta, considérant sa part majoritaire dans le secteur énergétique canadien. Il est très intéressant d’explorer la structure de son programme de redevances ou les entreprises canadiennes et étrangères doivent se soumettre s'ils désirent exploiter le pétrole et le gaz naturel albertain. Le programme de redevances albertain présente plusieurs caractéristiques particulières qui, comme vous le constaterez, n’avantagent pas nécessairement les Canadiens.

Tout d’abord, le programme albertain est structuré par paliers, et les entreprises qui exploitent les ressources énergétiques fossiles sont soumises à des taux de redevances très avantageux tant que celles-ci n’ont pas atteint le seuil de rentabilité. Ce taux est au maximum de neuf pour cent avant d’être rentable (Nikiforuk, 2012), et descend jusqu’à un pour cent dans le cas du pétrole des sables bitumineux (Anderson, 2011) considérant les investissements initiaux requis supérieurs au pétrole conventionnel. Les paliers suivant le seuil de rentabilité dépendent quant à eux du prix du baril de bitume, tel qu’expliqué dans le prochain paragraphe. Les taux varient de 25 pour cent pour un prix de 55 $ le baril jusqu’à 40 pour cent à 120 $ le baril.

Ensuite, le taux de redevances en Alberta est indexé au prix du baril de bitume (Nikiforuk, 2012), ce qui induit une volatilité pouvant affecter à la baisse les redevances. Il est aussi important de mentionner que le bitume n’est pas du pétrole, il s’agit d’un produit dérivé obtenu par la distillation du pétrole brut. Son prix est calculé par la Canadian Association of Petroleum Producers et les prix ne sont pas simples à obtenir. Le manque de transparence au niveau du calcul du prix du bitume est problématique afin de s’assurer que les redevances versées au Canada sont suffisantes.

Finalement, deux autres particularités du programme albertain sont cruciales et désavantagent sans doute les Canadiens. Il s’agit des faits que les redevances doivent être versées en dollars canadiens et que les compagnies peuvent verser leurs redevances en argent ou en bitume (Leach, 2012). Les flux monétaires associés à ce secteur industriel sont donc incertains.

2.5 Loi sur Investissement Canada En ce qui concerne la législation canadienne relativement aux IDE entrants, la

pièce maîtresse est la Loi sur Investissement Canada (LIC). Cette loi fût homologuée initialement en 1985 sous le gouvernement de Brian Mulroney, et les barèmes monétaires sont mis à jour annuellement afin de suivre l’inflation.

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De plus, comme elle protège les ressources du Canada, entre autres, de devenir propriété d’états étrangers à travers des IDE de compagnies étatiques, ces dernières resteront aussi strictement contrôlées alors qu’éventuellement les entreprises privées auront droit à un seuil plus élevé d’ici quelques années d’après des propos officiels.

Le but de la LIC est de permettre au gouvernement canadien de procéder à un examen minutieux des propositions d’investissements significatifs afin de s’assurer que la transaction présente avant tout un avantage net pour le Canada (Art. 2) (Gouv. du Canada, 2013). En 2013, le seuil d’examen est fixé à 344 millions de dollars canadiens. Ainsi, toute transaction présentant des enjeux évalués égaux ou supérieurs à ce montant est automatiquement soumise à la LIC et le Canada peut décider de l’annuler si elle n’est pas jugée avantageuse pour les Canadiens.

La LIC a fait l’objet d’une couverture médiatique significative à la fin de 2012 alors qu’ont été soumises deux propositions d’IDE très importantes au Canada. Tout d’abord l’acquisition de la compagnie albertaine Nexen par l’entreprise étatique chinoise CNOOC Limited (Chinese National Off-shore Oil Company) pour un montant de 15,1 milliards de dollars canadiens. Ainsi que l’acquisition de Progress Energy Resources, basée à Calgary telle que Nexen, par Petronas, propriété étatique de la Malaisie, pour une somme de 6 milliards de dollars canadiens. Malgré le fait que le Canada affirme ne pas vouloir perdre le contrôle de ses ressources aux mains d’autres pays, ces deux acquisitions ont été acceptées par le gouvernement à la suite de leur examen (McCarthy & Chase, 2012). En effet, bien que ces compagnies soient détenues par leur pays respectif et que les montants des transactions dont il a été question étaient colossaux, le gouvernement canadien a jugé que ces IDE respectaient l’avantage net du Canada et a donc permis les transactions selon la LIC.

2.6 Position actuellement prônée par Le Canada Cependant, il est crucial de mentionner que ces deux cas d’examens

gouvernementaux ont probablement affecté l’image du Canada dans le monde en ce qui concerne son ouverture face aux IDE, et plus particulièrement ceux qui sont proposés par des compagnies qui sont contrôlées par un pays étranger. Rappelons que le Canada veut assurer sa sécurité énergétique en protégeant ses ressources et en ne les abandonnant pas au profit d’autres états. Cependant, le gouvernement de Stephen Harper est aussi conscient de la nécessité d’IDE entrants au pays afin de maximiser l’exploitation des ressources considérant les réserves avantageuses canadiennes.

C’est pourquoi, après le battage médiatique de 2012 concernant les deux acquisitions mentionnées précédemment, le premier ministre a cru bon, au cours d’un discours officiel en décembre de la même année, de lancer un message afin de réitérer l’ouverture du Canada aux IDE (Beatty, 2012), tout en la clarifiant et en mentionnant d’éventuels ajustements en vue de stimuler les IDE tout en continuant de contrôler les IDE effectués par des entreprises d’État. Voici une traduction résumant les propos les plus importants avancés par Stephen Harper lors de ce discours (Harper, 2012) : « Le Canada est ouvert aux IDE, mais n’est pas à vendre. Surtout pas à des entreprises étatiques, ainsi leur seuil d’examen restera le même.

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Par contre, le seuil d’examen des IDE proposés par des entreprises privées augmentera à 1 milliard d’ici 4 ans, témoignant ainsi de l’ouverture du Canada. Aussi, n’oublions pas que nous avons tout de même accepté la majorité des propositions d’IDE au cours des dernières années malgré les procédures d’examen gouvernemental effectuées. »

En augmentant significativement le montant seuil d’examen gouvernemental pour les entreprises privées, le Canada démontre qu’il est toujours ouvert aux IDE, tout en indiquant aux pays étrangers que les ressources canadiennes doivent avant tout profiter au peuple canadien et non aux populations étrangères. Cependant, bien que le discours ait été prononcé et largement diffusé, une baisse significative a été enregistrée en ce qui concerne les IDE dans le secteur énergétique canadien en 2013.

2.7 Baisse drastique des IDE dans le secteur énergétique canadien En 2011, ayant attiré 2,7 pour cent des IDE mondiaux, le Canada se classait

sixième sur 16 en termes d’entrée de flux d’IDE avec un total de 607,497 millions de dollars américains (Statistics Canada, 2012). Sur l’ensemble de ces flux d’IDE entrants au Canada, 58 pour cent ont été investis dans les secteurs du pétrole et du gaz (115,929 millions de dollars américains). Il importe aussi de mentionner qu’entre 2000 et 2012, les IDE dans le secteur énergétique canadien ont connu une croissance de plus de 292 pour cent, la Fusion & Acquisition (F&A) ayant été la forme juridique la plus utilisée. Aussi entre 2008 et 2013, encore une bonne partie, 26 pour cent pour être exact, des IDE investis dans le secteur énergétique canadien ont été effectués sous forme de F&A (Prentice, 2013).

Cependant, il est très intéressant de constater qu’entre novembre 2012 et novembre 2013, les flux d’IDE entrants dans le secteur énergétique ont connu une chute brutale de 92 pour cent, passant de 27 milliards de dollars canadiens à seulement deux milliards (Prentice, 2013). Les F&A reliées au secteur canadien de l‘énergie sont le type d’IDE qui ont le plus considérablement diminué, passant de 66 milliards de dollars canadiens à 8 milliards, une chute de près de 88 pour cent.

Cette diminution peut s’expliquer comme étant la réaction mondiale à la politique canadienne impliquant la LIC, qui a été grandement médiatisée à la fin de 2012. Tel qu’on peut le constater, le discours du premier ministre du Canada n’a pas eu le succès escompté.

3. POLÉMIQUES DES IDE DANS LE SECTEUR ÉNERGÉTIQUE CANADIEN

À la suite des sujets traités et des informations documentées dans la section précédente, il est facile de constater que le secteur énergétique canadien n’est en 2013 pas exploité à son meilleur potentiel. Et les IDE entrants dans ce secteur n’échappent pas à la règle, essuyant de lourdes diminutions au cours de la même année seulement. À cet égard, certains prônent une ouverture croissante du Canada aux IDE. Par ailleurs, dans le même climat alarmant, il est possible de discerner différentes polémiques actuellement associées au secteur énergétique canadien.

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Ces polémiques concernent principalement la part de contrôle étranger grandissante en ce qui concerne les entreprises canadiennes de ce secteur, le rôle non négligeable et de plus en plus important de la Chine et de ses entreprises étatiques, sans oublier une exploration plus en profondeur et une analyse critique des systèmes de redevances canadiens sur l’exploitation des ressources. On peut donc voir ici la complexité des enjeux politiques ambivalents propres au secteur énergétique. Il convient de présenter un aperçu des principaux pays injectant des IDE dans le secteur énergétique du Canada, ainsi que ces enjeux.

3.1 Principaux investisseurs et pays d’origine des IDE

3.1.1 États-Unis

Les États-Unis sont les premiers partenaires du Canada en termes d’IDE dans le secteur énergétique, ce qui rend le Canada dépendant de cet acteur. En effet, avec un montant dépassant les 100 milliards de dollars (US) en 2011(USEIA, 2012) la relation bilatérale Canada - États-Unis est considérée comme étant la plus importante coopération mondiale dans le secteur énergétique. Les principales entreprises américaines sur le marché canadien sont Chevron, Conoco Phillips, Devon Energy et ExxonMobil. Voici un graphique illustrant cette relation :

Figure 5: Balance commerciale, États-Unis et Canada, 2011 (milliards $ US)

Source: USEIA – Canada Week, 2012

3.1.2 Europe

Les entreprises européennes sont, pour leur part, les deuxièmes grands acteurs sur le secteur énergétique canadien avec Shell, Statoil (le gouvernement norvégien détient 67 % des actions de Statoil), Total (Français) et BP (EIA).

3.1.3 Chine

Avec ses grands groupes mondiaux sous une entité « Entreprises d’État » ou « State-Owned Enterprise » (SOE), les entreprises Chinoises telles que PetroChina et sa société mère China National Petroleum Corporation (CNOOC), Sinopec Group, et State Grid sont de plus en plus présentent sur le marché Canadien.

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La forte demande du marché chinois pour les ressources énergétiques dans les années à venir va amener les IDE chinois à croître dans les pays producteurs et cela aurait comme effet de rééquilibrer les flux d'IDE bilatéraux, qui favorisent actuellement la Chine.

3.1.4 Canada

Les principales entreprises canadiennes des secteurs pétrolier et gazier sont : Canadian Natural Resources, Suncor (incluant Petro-Canada) (40 pour cent des parts sont détenus par des Américains), Imperial Oil, Nexen (détenue par la CNOOC), Cenovus, et Husky (USEIA, 2012).

3.2 Contrôle étranger versus contrôle canadien

La provenance des entreprises selon leurs zones géographiques permet d’avoir une vue d’ensemble des principaux acteurs d’IDE dans le secteur de l’énergie canadien. Cependant, cette vision est en quelque sorte biaisée, car elle ne différencie pas les principaux actionnaires dans chacune des entreprises d’énergie au Canada. Ainsi, l’analyse suivante de l’actionnariat de chacune des 50 plus grosses entreprises d’énergie au Canada (Vanderklippe, Yukselir, & Cockburn, 2012) permettra de séparer les entreprises qui sont sous le contrôle étranger et ceux qui sont sous le contrôle canadien (incluant la participation de l’État canadien).

Figure 6 : Propriété des 24 plus grosses entreprises du secteur énergétique au Canada

Source: Vanderklippe, N., Yukselir, M. & Cockburn, C., 2012 Selon l’étude menée par Calgary Bank Peters & Co, sur les 50 plus grandes

sociétés d’énergies analysées au Canada, 32 sont sous le contrôle canadien (Vanderklippe, Yukselir, & Cockburn, 2012).

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De plus, il est possible de constater que les entreprises étrangères ont pris des participations importantes dans le secteur des sables bitumineux. Par exemple, l’entreprise canadienne Suncor estime que près de la moitié de ses actions ne sont pas détenues par des Canadiens, mais par des investisseurs étrangers, dont environ 40 pour cent appartiennent à des Américains (Vanderklippe, Yukselir, & Cockburn, 2012).

3.3 La Chine : Une Menace?

Au sein de l’intensification des IDE dans le secteur énergétique canadien observé depuis ces dix dernières années, 50 pour cent des IDE chinois ont été investis précisément dans ce secteur. Les acquisitions au sein de ces IDE initiés par la Chine ont suscité un débat mouvementé au sein de la population et la classe politique canadiennes. En effet, nouvel acteur présentant strictement des entreprises contrôlées par l’état et investissant massivement ces dernières années à travers les IDE dans le secteur énergétique canadien, la Chine fait polémique quant à ses réelles intentions de fond qui motivent cette tendance remarquée.

Tableau 2: IDE important de La Chine au Canada, 2009-12 ($ US)

Transaction Montant Date PetroChina takes 20% in a Royal Dutch Schell PLC’s shale gas

project in Groundbirch,BC 1 milliard Février 2012

PetroChina has a proposed venture with Encana for 50% of their Cutbank Ridge natural gas assets 5,4 milliards Février 2012

PetroChina takes100% controlling position of Mackay River and Dover oil sands (bought from Athabasca Oil Sands Corp.) 680 millions Janvier 2012

Sinopec acquires Calgary-based Daylight Energy 2,2 milliards Octobre 2011China National Offshore Oil Corporation buys Opti Canada 2,1 milliards Juillet 2011

Sinopec invests in Enbridge’s pipeline project (Total 11 investors) 100 millions Janvier 2011 Penn West Energy Trust enters into a joint venture with China

Investment Corp. for 45% of oil sands properties 1,23 milliard Mai 2010

State Grid International Development Ltd. purchased 10% in Quadra Mining Ltd. (QML) and 50% in Sierra Gorda project 1,5 milliards Mai 2010

Sinopec buys 9% of Syncrude 4,56 milliards Avril 2010 Sinopec purchases Swiss–Canadian company Addax Petroleum

Corp. 8,3 milliards 2009

PetroChina agrees to buy a 60% stake in two undeveloped oil sands properties held by Athabasca Oil Sands Corp. 1,9 milliard 2009

Source: The Conference Board of Canada, 2012

Cependant, malgré ces IDE importants, la Chine est en 2013 encore

statistiquement un acteur mineur dans le secteur énergétique canadien. Par contre, un rapport publié par The Conference Board of Canada avance que la Chine sera éventuellement le troisième plus grand investisseur d’IDE au Canada dans le secteur énergétique avant 2015, après les États-Unis et l’Europe, et pourrait facilement prendre la deuxième place après les États-Unis dès 2020.

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Il s’ensuit que d’après Glen Hodgson, vice-président Senior et économiste en chef du Conference Board du Canada : « In our view, Chinese investments are in the Canadian national interest. China is seeking to invest in countries that can meet its growing demand for resources. Canada is looking to diversify the export markets for these same resources […] ». Ainsi, malgré une part actuelle relativement mineure des IDE entrants dans le secteur énergétique, il importe au Canada de rester vigilant, surtout considérant que le gouvernement canadien prétend ne pas vouloir dilapider les ressources énergétiques canadiennes à des états étrangers et que la Chine contrôle l’ensemble de ses entreprises œuvrant à l’international.

3.4 Systèmes de Redevances déficients

Les systèmes de redevances canadiens dans le secteur énergétique fossile font l’objet de plusieurs critiques. Ce rapport se concentre plus particulièrement sur le programme de redevances albertain, mais considérant que l’Alberta endosse un tel programme afin d’être concurrentielle vis-à-vis de ses homologues canadiens (Hudy & McDowell, 2010), on peut facilement extrapoler l’analyse aux autres programmes provinciaux tels que ceux de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan.

Tout d’abord, les redevances exigées aux entreprises exploitantes sont beaucoup trop faibles au Canada. Par exemple, les compagnies étrangères exploitant les ressources énergétiques canadiennes empochaient en 2012 plus de 40 pour cent des profits reliés à ces industries, c'est-à-dire au-delà de deux fois plus que ce qui est observé en moyenne pour l’économie canadienne, tous secteurs confondus (Weber, 2012). Ensuite, un rapport de l’OCDE a démontré en 2008 que les compagnies en Alberta retiraient 53 pour cent des revenus nets de leurs exploitations (Nikiforuk, 2012). En comparaison, ce taux est significativement plus faible en Norvège où il chute à 22 pour cent d’après le même rapport. Aussi, il est alarmant pour les Canadiens de constater que le Canada est le seul pays à exiger des redevances maximales inférieures à 50 pour cent des profits de ces industries. En 2011, à titre d’exemple, la Louisiane et le Nouveau-Mexique aux États-Unis, pays pourtant voisin du Canada, ont respectivement empoché 64 pour cent et 58 pour cent des profits reliés à leur industrie du pétrole conventionnel (Kaufmann, 2013). L’Alberta pour sa part a retiré seulement 39 pour cent des profits de la même industrie.

Par la suite, rappelons que les taux de redevances albertains sont indexés aux cours mondiaux du bitume, ce qui les rend très volatils et nuit à maximiser le retour de valeur sur l’exploitation des ressources pour les Canadiens. En effet, si les cours augmentent, pas de problème, malgré un taux relativement faible à la base. Cependant, en cas de cours désavantageux, les redevances seront significativement moins élevées. Rappelons que les taux varient de 25 pour cent pour un prix de 55 $ le baril de bitume jusqu’à 40 pour cent à 120 $ le baril. Si l’on sait que 40 pour cent de redevances sont déjà un taux faible comparativement à ce qu’on observe ailleurs dans le monde, surtout la Norvège avec son taux d’imposition très élevé d’environ 70 pour cent sur les profits des compagnies pétrolières (Grandia, 2013), il est alarmant de constater que ce taux peut descendre encore bien plus bas.

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Aussi, comme les redevances sont exigées en devise canadienne, elles sont évidemment soumises à un risque de change qu’on ne peut négliger. En effet, globalement, les devises les plus couramment utilisées dans les transactions reliées aux énergies fossiles sont depuis longtemps le dollar américain et plus récemment le yuan chinois (Schortgen Jr., 2012). Cependant, si l’on considère que les réserves actuelles de devises étrangères de la Chine sont en grande majorité en dollars américains (Yu, 2013), on peut estimer que le dollar américain est la devise la plus importante dans l’industrie de l’énergie fossile. Ainsi, si le dollar américain présente un cours avantageux comparativement au dollar canadien, les redevances canadiennes du secteur énergétique seront grandement affectées à la baisse à valeur équivalente en dollars américains.

Finalement, le système par paliers actuellement utilisé en Alberta offre des taux sérieusement plus avantageux aux entreprises qui n’ont pas atteint le seuil de rentabilité en ce qui concerne leurs investissements pour procéder à l’exploitation des ressources canadiennes. Ainsi, on ne peut négliger la possibilité évidente que certaines entreprises limitent leur exploitation afin de retarder le moment où ils deviennent véritablement rentables. Ou encore, la motivation créée par ce palier initial très avantageux à falsifier les états financiers et les documents comptables induit un risque de perte fiscale évident et se traduirait par une réduction des redevances qui devraient normalement être versées au peuple canadien pour l’exploitation de leurs ressources.

4. VERS UNE EXPLOITATION PLUS EFFICACE

Notre analyse de la situation actuelle des IDE dans le secteur énergétique nous a permis de mieux comprendre les enjeux primordiaux qui s’y rattachent. Il est certain qu’une analyse beaucoup plus poussée et complète serait nécessaire afin d’être en mesure de proposer la solution idéale qui devrait être adoptée par le Canada afin de maximiser sa part de la valeur créée par l’exploitation de ses ressources tout en augmentant son flux entrant d’IDE dans ce secteur, sans toutefois dilapider ses ressources au profit d’autres pays. Nous sommes par contre en mesure de proposer quelques avenues qui pourraient inspirer le Canada et ses provinces dans cette voie.

4.1 Pour une politique d’ouverture aux IDE Comme nous avons pu le constater auparavant, les marchés émergents,

notamment l’Asie Pacifique, ont des besoins de plus en plus fort en gaz et en pétrole. Et le Canada n’est pas le seul pays à pouvoir répondre aux besoins des pays évoqués. Effectivement, si la demande est forte, l’offre l’est tout autant. La Russie, l’Iran, l’Arabie Saoudite par exemple, possèdent également des quantités considérables de ressources, et les avantages compétitifs dans le secteur pétrolier et gazier ne sont pas l’apanage du Canada. Ces pays jouissent en effet d’une proximité géographique (voire politique et culturelle, notamment religieuse) avec certains pays d’Asie qu’il convient de ne pas négliger.

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La concurrence de plus en plus forte des autres acteurs internationaux du secteur énergétique qui ont également la volonté d’approvisionner ces marchés avec leurs propres ressources naturelles pousse donc le gouvernement canadien à entreprendre les mesures nécessaires pour faire valoir ses énergies.

Les motivations sont non seulement économiques (on l’a vu, les IDE ont des effets extrêmement positifs sur l’économie canadienne, et sont une condition nécessaire pour permettre l’exploitation des ressources se trouvant sur le sol canadien), mais aussi politiques : les ressources, surtout énergétiques, accordent au pays qui les détient un pouvoir d’influence non négligeable.

La volonté du Canada d’ouvrir davantage son secteur énergétique ne se traduit pas uniquement par une augmentation des IDE, mais également par une diversification encore plus importante de l’origine géographique des investissements. En effet, plus la diversification sera importante, plus le Canada diminuera sa dépendance envers ses investisseurs.

On peut prendre à titre d’exemple la situation avec les États-Unis, auprès desquels le Canada souhaiterait réduire sa dépendance. Les États-Unis sont le premier partenaire commercial du pays dans le secteur énergétique (voir ci-dessus), et ces derniers ont de plus en plus les moyens de s’affranchir du Canada : d’une part, il leur est possible de diversifier leurs sources d’approvisionnement, et d’autre part leur indépendance énergétique se concrétise de plus en plus.

Il ne serait donc pas sage de compter uniquement sur des investissements qui vont sans doute se réduire dans les années à venir.

4.2 Mieux gérer les investissements et les retombées À la lumière des informations et statistiques mises en évidence dans ce rapport, il

nous apparaît clair que les programmes de redevances canadiens ne sont pas efficaces et ne maximisent pas la rétention de la valeur des ressources canadiennes. Une uniformisation sous trois aspects des programmes nous semblerait bénéfique pour les Canadiens, additionnée d’un taux significativement plus élevé.

Tout d’abord, éliminer l’indexation aux cours mondiaux du baril de bitume évincerait la volatilité associée aux taux de redevances albertains. Puis, exiger le paiement des redevances en dollars américains enraierait le risque de change auquel sont soumises les redevances actuellement. Ensuite, le retrait des paliers de taux, en particulier le palier initial associé à la période prérentabilité, serait efficace pour éliminer des discordances fiscales et des taux de redevance ridiculement bas. Bref, augmenter pour un taux de redevances uniforme de 60 à 70 pour cent sur les profits de l’industrie canadienne des énergies fossiles semble acceptable (Nikiforuk, 2012), tel qu’en témoignent aussi les taux exigés par des pays tels que les États-Unis et la Norvège qui ont été énoncés précédemment.

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Cependant, il serait aussi important que les provinces canadiennes fassent front commun, car la concurrence interprovinciale actuelle est néfaste aussi bien pour le peuple canadien dans son ensemble que pour les populations provinciales. L’exemple de l’Alberta qui présente en 2013 un sixième déficit budgétaire consécutif malgré ses ressources abondantes est éloquent (Wingrove, 2013). En effet, les taux de redevances albertains actuels sont concurrentiels pour attirer des investissements. Par contre, à son désavantage supplémentaire, la province qui est la seule à ne pas percevoir de taxe de vente provinciale impose en plus un faible taux d’imposition corporatif. Ces équations s’annulent et font en sorte d’engendrer un déficit, et l’Alberta se voit même dans l’obligation de couper dans ses services publics pour amortir la situation. On voit clairement que non seulement ces Canadiens ne reçoivent pas la juste part de la valeur de leurs ressources, mais en plus ils en défraient les coûts et conséquences plus qu’autre chose.

Il est aussi intéressant d’aborder le sujet du Alberta Heritage Fund, qui a été créé initialement en 1976 pour recueillir les redevances de l’industrie énergétique et les faire fructifier afin d’assurer une retraite confortable aux citoyens albertains (Gouv. de l’Alberta, 2013). Par contre, en 2011, le fonds souverain n’avait reçu aucun dépôt depuis plus de 20 ans (Anderson, 2011), et au contraire a subi plusieurs retraits et ne détient que 16,4 milliards de dollars américains en décembre 2013 (SWF Institute – AHF, 2013), un montant actuariellement clairement insuffisant pour fournir des pensions respectables tout en générant des retours sur investissements même minimaux. Autrement dit, ce fonds souverain se gruge petit à petit. Ce qui est dommage, car il s’agissait d’un bon moyen pour les Canadiens d’optimiser l’exploitation de leurs ressources d’énergies fossiles et les retombées importantes économiques qu’elle engendre, tout en créant de la valeur en les réinvestissant.

En effet, en injectant une majorité des redevances du secteur énergétique dans son fonds souverain, l’Alberta serait en mesure de maximiser sa rétention de valeur et pourrait par la suite encaisser des bénéfices sur les investissements de ces redevances, qui pourraient entre autres servir à stimuler l’économie provinciale en finançant des entreprises, locales ou étrangères, intéressées à exploiter les ressources d’énergies fossiles albertaines. De cette façon, non seulement l’Alberta (et le Canada par le fait même) serait en mesure d’augmenter les retombées économiques associées à son secteur énergétique, mais ces retombées permettraient de stimuler davantage une exploitation efficace des ressources, et ce de façon durable. Il n’y a bien sûr pas de recette miracle et une lourde structure administrative serait nécessaire. Mais force est d’admettre que cette avenue semble intéressante jumelée à des taux de redevances uniformes et bien sûr, beaucoup plus élevés.

4.3 Inspiration de l’Australie et de la Norvège On ne peut conclure ce rapport sans pousser un peu plus loin notre exploration des

moyens employés par d’autres nations afin d’exploiter efficacement leurs ressources et en retenir le plus de valeur possible pour leur peuple. Nous nous sommes intéressés à deux pays en particulier, car leurs systèmes pourraient influencer positivement certains éléments significatifs du système canadien qui pourraient gagner à être revisités.

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Il s’agit de l’Australie et de la Norvège, qui a déjà été évoquée quelques fois précédemment dans ce rapport.

Rappelons auparavant qu’au Canada, la LIC impose un examen gouvernemental si une proposition d’IDE atteint ou surpasse 344 millions de dollars canadiens en 2013. Cependant, tel que ce fut le cas avec Nexen, le gouvernement canadien a procédé à son examen après que les actionnaires de Nexen avaient déjà majoritairement accepté l’offre de la CNOOC avec une prime très avantageuse de 61 pour cent sur le prix courant du titre boursier de l’entreprise canadienne (Beatty, 2012). Ainsi, en cas d’annulation par le gouvernement canadien à la suite de l’examen pour authentifier le bénéfice net du Canada, les procédures coûteuses enclenchées par la CNOOC et Nexen auraient été vaines et la réputation canadienne en aurait sans doute encore plus sévèrement pâti. Sans oublier que l’offre de CNOOC a été subite et que le Canada a dû réagir à la transaction en cours au lieu d’explorer la possibilité d’un investissement par une compagnie détenue par la Chine (Francis, 2012).

En ce qui concerne l’Australie, sa législation sur les IDE proposés par des entreprises étatiques est particulièrement intéressante au niveau de la protection des ressources et la transparence des propositions d’IDE, car elle exige que toute entreprise étatique désirant investir en Australie fasse avant tout approuver son projet par le gouvernement (Francis, 2012). En procédant ainsi, le Canada s’assurerait d’être mis au courant en détail de chaque IDE proposé par une entreprise étatique, ce qui répondrait à son désir de protéger ses ressources, tout en allégeant la lourdeur et l’incertitude administratives associée à la procédure d’examen gouvernementale post-négociation. La politique canadienne serait donc plus sûre, légère, claire et transparente.

Ensuite, le cas de la Norvège est particulièrement intéressant. Effectivement, plusieurs éléments sont impressionnants en ce qui concerne l’exploitation des ressources énergétiques fossiles norvégiennes. D’emblée, il faut par contre mentionner que la Norvège exploite entre autres elle-même ses ressources, et attribue le reste strictement à des entreprises privées (Persily, 2011). Elle est donc inspirante plus au niveau de sa gestion et son exploitation efficaces et durables de ses ressources qu’au niveau de sa gestion et son ouverture en ce qui concerne les IDE d’entreprises étrangères, privées ou étatiques.

En bref, la Norvège possède à 67 pour cent Statoil (Cattaneo, 2012), une multinationale pétrolière et gazière qui exploite une partie des ressources pétrolières norvégiennes et aussi présentes ailleurs dans le monde. Statoil est notamment implantée en Alberta au Canada et exploite les sables bitumineux avec beaucoup de succès après avoir acquis une entreprise canadienne en démarrage (par le fait même, il s’agit d’un autre exemple d’IDE entrant d’une entreprise étatique qui apparemment était au bénéfice net des Canadiens). En plus d’être majoritairement propriétaire d’une entreprise étatique, qui lui fournit des dividendes très intéressants (Persily, 2011) en exploitant en partie ses propres ressources efficacement ainsi qu’ailleurs dans le monde, rappelons que la Norvège impose les entreprises privées du secteur énergétique, dont elle a accepté l’implantation pour exploiter ses ressources, à environ 70 pour cent sur leurs profits. N’étant pas des redevances, mais bien des impôts (Persily, 2011), la Norvège se prémunit ainsi de toute indexation ou tout lien avec les cours mondiaux de bitume, pétrole et gaz naturel.

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Un autre élément significatif est que les ressources norvégiennes sont considérées par le gouvernement comme étant avant tout la propriété du peuple norvégien. C’est pourquoi les impôts exigés par la Norvège sont aussi avantageux pour son peuple, et c’est aussi pourquoi le pays injecte la totalité de ces retombées économiques dans son fonds souverain gouvernemental (Persily, 2011), le Goverment Pension Fund – global, aussi surnommé avec raison le Petroleum Fund. Il s’agit du plus important fonds souverain au monde détenant 818 milliards de dollars américains en décembre 2013 (SWF Institute - NGPFG, 2013), et il est prévu atteindre 1 billion de dollars américains (mille milliards) d’ici 2020 (Grandia, 2013). Les maigres 16,4 milliards de dollars américains d’Alberta Heritage Fund sont loin derrière. Ces résultats impressionnants grâce à la gestion efficace, rentable et durable des ressources que la Norvège est parvenue à instaurer et maintenir.

Puis, le système norvégien d’attribution des contrats d’exploitation est fait en sorte que la Norvège n’attribuera pas nécessairement un contrat à l’entreprise la plus avantageuse financièrement, mais bien à celle qui présentera l’expérience, l’expertise et le plan d’affaires les plus pertinents et solides pour optimiser l’exploitation de ses ressources (Persily, 2011). Le pays maximise ainsi la création de valeur de ses ressources précieuses et ses bénéfices en redevances pour son peuple.

Pour résumer, la politique de préautorisation de l’Australie et la gestion efficace de la Norvège qui exige sur les profits de l’exploitation de ses ressources d’énergies fossiles par les meilleures entreprises des impôts élevés en vue de les réinvestir pour soutenir son peuple sont deux exemples étrangers dont le Canada pourrait s’inspirer en vue d’optimiser sa gestion des IDE dans son secteur énergétique au potentiel indéniable et crucial pour le peuple canadien.

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II. INVESTISSEMENTS CANADIENS DANS LE MONDE

Léa Seris, [email protected]

Elke Hoogmartens, [email protected] Marie-Pascale Hamelin, [email protected]

Maria Makarova, [email protected]

Résumé

Les entreprises canadiennes les plus dynamiques ont profité du mouvement de mondialisation en cherchant des investissements avantageux dans les pays étrangers. L’investissement direct à l’étranger apparaît aujourd’hui comme le moyen privilégié par les Canadiens pour mener leur activité à l’étranger. En effet, c’est une source importante de création de richesse et de liens commerciaux. Ainsi, les investissements directs canadiens à l’étranger ont augmenté de manière exponentielle ces 20 dernières années. En 1991, ils ont dépassé la barre des 100 milliards de dollars, pour se chiffrer à plus de 710 milliards en 2012. Avec des IDE sortants supérieurs à 40 % de son PIB, le Canada est l’un des pays qui investissent le plus à l’étranger. Cependant, alors que de nombreux pays développés exploitent déjà le potentiel des pays émergents, les investisseurs canadiens ne s’éloignent que très lentement des États-Unis et du Royaume-Uni, leurs partenaires historiques.

Il est opportun de se demander pourquoi le Canada n’investit pas plus dans les pays émergents. Quels sont les problèmes rencontrés dans ces régions? Des solutions sont-elles envisageables?

1. PORTRAIT DE LA SITUATION ACTUELLE

Les investissements canadiens dans le monde ont réellement commencé avec la libéralisation des échanges au niveau international, c’est-à-dire, après la Seconde Guerre mondiale. Ces investissements se sont intensifiés par la suite, principalement grâce à la conclusion de l’Accord de Libre-Echange nord-américain en 1994, ainsi qu’à d’autres accords avec les pays d’Amérique du Sud, puis avec l’Europe. La valeur des actifs financiers canadiens à l’étranger a ainsi fortement augmenté ces 15 dernières années.

D’après Statistique Canada, il y a trois types d’investissements canadiens à l’étranger : les investissements directs qui visent le contrôle d’entreprises, les placements de portefeuille qui visent un simple gain de capital, ils correspondent « aux actions étrangères et aux titres d’emprunts étrangers détenus dans le cadre de fonds de pension et de fonds commun de placement » et les autres investissements qui regroupent « les combinaisons de prêts, de dépôts, de réserves de change, de provisions et d’avoirs en actifs divers ».

Notre étude s’intéresse aux investissements directs du Canada à l’étranger qui est le mode d’investissement à l’étranger le plus utilisé par le Canada.

Les investissements directs à l’étranger (IDE) sont ceux « qui confèrent à l’investisseur une influence réelle sur la gestion d’une entreprise exploitée en dehors de sa propre économie » (FMI).

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Les entreprises canadiennes les plus dynamiques ont profité du mouvement de mondialisation en cherchant des investissements avantageux dans les pays étrangers. En effet, l’investissement direct à l’étranger est une source importante de création de richesse : il permet d’améliorer l’avantage concurrentiel des entreprises en leur faisant réaliser des économies d’échelles importantes. Il permet aussi la création de liens commerciaux bénéfiques pour le pays investisseur : d’après l’OCDE, 1 $ US investi à l’étranger rapporte 2 $ US d’exportations futures dans les pays développés et 7 $ US dans les pays en développement.

L’importance du profit directement réalisé par les entreprises canadiennes en raison de leurs investissements directs à l’étranger est aussi un facteur à considérer : en 2012, ils ont rapporté 42 milliards de dollars.

Les IDE canadiens à l’étranger ont dépassé la barre du milliard de dollars par an en 1950, celle des 10 milliards en 1975 et celle des 100 milliards en 1991. Leur croissance a toujours été constante. Les seules années où ils ont diminué sont 2003 (choc pétrolier) ainsi que 2007 et 2009 (crise des subprimes).

Depuis 1997, le Canada est un investisseur direct net à l’étranger : il y a plus d’IDE sortant du Canada que d’IDE entrant au Canada. Cette position s’est maintenue même pendant les années où ces investissements ont diminué.

En 2012, les investissements directs du Canada à l’étranger représentaient 711,621 $ CA, soit plus de 40 % du PIB national, ce qui est au-dessus de la moyenne mondiale de 33,07 %. Le Canada est ainsi le dixième investisseur mondial : il représente plus de 3 % des investissements directs à l’étranger au niveau mondial (UNCTAD).

Les investissements s’effectuent environ entièrement dans des filiales de sociétés canadiennes situées à l’étranger. Les investissements dans les coentreprises et les succursales ne représentaient même pas 10 % des investissements en 2010 (chiffres les plus récents).

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Depuis 2011, l’augmentation des investissements directs canadiens à l’étranger n’est plus principalement liée à de nouvelles fusions et acquisitions de la part des entreprises canadiennes. Ainsi, en 2012, plus de la moitié des IDE canadiens correspondaient à des bénéfices réinvestis.

1.1 Les Industries Visées par les Investissements Canadiens D’après Statistique Canada les industries les plus prisées par les investissements

directs à l’étranger du Canada sont : la finance et l’assurance, les ressources énergétiques et minérales, la gestion, ainsi que la fabrication.

1.1.1 La finance et l’assurance

En 2012, les investissements directs à l’étranger du Canada dans le secteur de la finance et de l’assurance représentent environ 40 % des investissements totaux, soit plus de 284 milliards de $ CA. La part des investissements dans ce secteur augmente d’année en année.

L’importance des investissements dans le secteur financier est liée au fait que lorsque les multinationales canadiennes veulent investir à l’étranger, elles passent d’abord par des sociétés de portefeuille intermédiaires ou d'autres institutions financières avant d’investir dans une industrie particulière.

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1.1.2 Les ressources énergétiques et minérales

En 2012, les ressources minières, pétrolières et gazières représentent plus de 18 % des investissements totaux, soit environ 134 milliards de $ CA. Sur ce montant, 49 % sont à destination de l’industrie du pétrole et du gaz, 38 % vont à l’extraction minière et 13 % servent aux activités de soutien des deux pôles précédents. La part importante de ces investissements est liée au fait que les entreprises canadiennes font partie de celles qui ont l’expertise et les connaissances les plus poussées dans ces domaines en raison des ressources naturelles considérables du Canada. Elles tirent ainsi profit de cet avantage en poursuivant leur activité à l’étranger, principalement en Europe et en Amérique (autre qu’États-Unis). En effet, depuis 2009, les États-Unis ne sont plus la zone privilégiée de ces investissements.

Alors que le Canada produit environ 3,2 millions de barils par jour, le pétrole est l’énergie dans laquelle le pays investit le plus. En effet, près de la moitié de sa consommation (1,8 million de barils par jour) est étrangère. Alors, pourquoi est-ce que le Canada a besoin de pétrole étranger alors qu’il en produit assez pour subvenir à ses besoins? Cela est lié au fait qu’il est compliqué de ramener du pétrole de l’ouest du pays (où se fait la grande partie de l’exploitation), vers l’est. De plus, la majorité de la production nationale correspond à du pétrole brut lourd, alors que les raffineries utilisent principalement du pétrole léger. En effet, il est plus économique de raffiner du pétrole léger puisque le prix de revient d’un baril de pétrole lourd est supérieur de 20 $ US. D’où la nécessité de l’industrie pétrolière canadienne d’investir dans des pays qui disposent d’importantes réserves de pétrole léger, tels que la Norvège, le Nigeria ou le Moyen-Orient

1.1.3 La gestion d’entreprises et de sociétés

En 2012, plus de 92 milliards de $ CA ont été investis par le Canada à l’étranger pour la gestion d’entreprises et de sociétés. Cela représente près de 13 % des IDE totaux. Ces dépenses permettent aux entreprises canadiennes de détenir des titres ou des actifs financiers d’entreprises étrangères afin de participer aux décisions de la direction. Elles sont nécessaires au bon fonctionnement des filiales, des coentreprises et des succursales que les entreprises canadiennes possèdent à l’étranger.

1.1.4 La fabrication

Depuis le début des années 2000, les investissements canadiens à l’étranger dans le secteur de la fabrication ont grandement diminué. Alors qu’ils représentaient plus de 30 % des investissements totaux en 2000, soit plus de 113 milliards de $ CA, ils en représentent moins de 10 % en 2012, ce qui correspond à moins de 70 milliards de $ CA. Cette forte diminution est étonnante compte tenu du fait que les entreprises canadiennes ont de plus en plus d’incitations à exercer leurs activités à l’échelle mondiale puisque c’est sur les marchés internationaux que le rendement des activités industrielles et de consommation tend à devenir le plus important. Cette diminution résulte sans doute de la stagnation des revenus dans l’industrie de la fabrication au Canada depuis 2000.

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1.2 Les Pays Visés Par Les Investissements Canadiens Les IDE canadiens s’effectuent principalement à destination des États-Unis, de

l’Union Européenne et des autres pays d’Amérique du Nord. La part des investissements en Asie et en Amérique du Sud tend à diminuer depuis le début des années 2000.

1.2.1 Les États-Unis

Les États-Unis représentent la première destination des IDE du Canada. En 2012, ils représentaient 40,7 % des investissements, soit plus de 289 milliards de $ CA. Le Canada représente 9 % des IDE entrants aux États-Unis. C’est le quatrième pays qui y investit le plus. Cette situation est liée aux relations économiques privilégiées qu’entretiennent le Canada et les États-Unis, non seulement en raison de leur proximité géographique, mais aussi en raison de leurs accords commerciaux : le premier accord de libre-échange entre les deux pays a été signé en 1989 et les réglementations en matière d’investissement ont été davantage libéralisées avec l’Accord de libre-échange nord-américain en 1994.

Cependant, même si les États-Unis sont le partenaire historique commercial du Canada, depuis les années 1980, la proportion des IDE du Canada à sa destination est en baisse : les entreprises canadiennes se tournent de plus en plus vers les marchés de l’Union européenne et ceux des pays en développement.

1.2.2 L’Europe

L’Europe est le deuxième partenaire le plus important du Canada en termes d’IDE. En 2012, elle représente 26,1 % de ses investissements, soit plus de 186 milliards de $ CA. Le Canada est le deuxième pays qui investit le plus en Europe, après les États-Unis. Il représente ainsi 12 % des IDE entrants en Europe.

Les pays européens où le Canada investit le plus sont le Royaume-Uni (plus de 46 % des investissements dans cette zone), l’Irlande et le Luxembourg. Tout comme les États-Unis, le Royaume-Uni est un partenaire commercial historique du Canada.

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Cependant, les investissements directs qui y sont faits par le Canada diminuent ces dernières années en raison des avantages fiscaux et de la souplesse des législations financières que présentent d’autres pays européens comme l’Irlande, le Luxembourg ou encore la Hongrie.

1.2.3 L’Amérique du Nord (autre que les États-Unis)

Même si la signature de l’Accord de libre-échange nord-américain a entraîné l’augmentation des investissements directs du Canada au Mexique, cette augmentation n’est pas comparable à celle observée dans les Caraïbes ces dernières années. En effet, le Canada n’est que le cinquième investisseur direct le plus important au Mexique puisqu’il ne représente que 3,4 % des investissements directs étrangers y entrant.

Actuellement, la Barbade, les îles Caïmans et les Bermudes représentent plus de 14 % des investissements directs totaux du Canada à l’étranger en 2012, soit plus de 101 milliards de $ CA. Ces pays sont attractifs en raison du fait qu’ils correspondent à des « centres financiers offshore » : on y trouve beaucoup d’institutions financières, la majorité des transactions qui y sont faites et la majorité des institutions financières sont contrôlées par des étrangers, l’économie nationale n’est pas représentative de l’économie domestique, le système de taxation est faible ou nul et l'on y trouve le secret bancaire ainsi qu’une législation financière souple. C’est pourquoi la majorité des investissements directs bancaires canadiens se concentre là-bas.

1.2.4 L’Asie et l’Océanie

Si l’Asie et l’Océanie sont des régions qui comportent des intérêts certains pour les investisseurs canadiens, cette zone reste cependant délaissée par ceux-ci. En 2012, elle attire seulement 8,9 % de leurs investissements directs.

C’est l’Australie qui est principalement visée par les investissements dans cette zone : en 2012, c’est le cinquième pays où le Canada investit le plus avec près de 27 milliards de $ CA. Les investissements s’effectuent principalement dans l’industrie minière, mais on y retrouve également des filiales d’entreprises canadiennes telles que Bombardier et McCain.

La Chine (incluant Hong-Kong) est le second pays le plus attrayant de la région : c’est le douzième pays dans lequel le Canada investit le plus, avec un peu plus de 11 milliards de $ CA en 2012. Malgré les belles perspectives qu’elle offre pour les investisseurs canadiens en raison de la structure de son marché, notamment pour le secteur de la fabrication, certains facteurs freinent les investissements directs en Chine, comme le contexte légal changeant, les mesures protectionnistes ou encore la faible protection de la propriété intellectuelle.

L’Inde, alors qu’elle offre un potentiel d’investissement intéressant en matière de technologie de l’information et des télécommunications, n’attire quant à elle qu’un demi-milliard de $ CA en 2012. En effet, les investisseurs manquent de confiance dans le pays en raison des problèmes environnementaux (déchets électroniques, utilisation de matériaux toxiques) et techniques (manque d’eau et d’énergie) que le pays présente.

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1.2.5 L’Amérique Centrale et du Sud

L’Amérique Centrale et du Sud représentent seulement 5,5 % des investissements du Canada à l’étranger. Les investissements s’effectuent principalement au Chili, qui est le huitième pays où le Canada investit le plus, avec plus de 13,5 milliards de $ CA en 2012, et au Brésil, douzième pays d’investissement canadien avec presque 10 milliards de $ CA en 2012.

Le Chili est privilégié par les investisseurs canadiens en raison de l’accord de libre-échange conclu entre les deux pays. C’est une zone attractive pour les industries minières, celle des services, ainsi que celle de la fabrication.

Le Brésil est un pays attractif pour toutes les industries. Cependant, le poids et la complexité de sa fiscalité, les délais administratifs et les lois relatives au travail limitent les investissements étrangers.

1.2.6 L’Afrique

En 2012, l’Afrique ne représente que 0,5 % des investissements directs canadiens à l’étranger. Ces investissements sont réalisés par l’industrie minière afin d’exploiter les ressources de ce continent. Le faible niveau d’investissement dans cette zone peut s’expliquer par les difficultés environnementales et sociales rencontrées par les entreprises canadiennes présentes.

2. LES PROBLÈMES RENCONTRÉS PAR LES INVESTISSEURS CANADIENS À L’ÉTRANGER

Nous venons de voir les secteurs et régions privilégiées par les investissements canadiens. Le Canada cherche une diversification en Asie et dans les pays émergents. Nous allons nous intéresser aux investissements canadiens dans trois pays émergents : le Brésil, la Chine et l’Inde. Ces pays représentent une part faible des investissements directs à l’étranger totaux canadiens. Cependant, leur potentiel est fort, d’une part en raison de leur population élevée, d’autre part en raison de leur croissance rapide ainsi que des intérêts que le Canada y trouve. Ces pays pouvant bénéficier de l’expertise canadienne, une situation « gagnant-gagnant » est possible. Le faible taux d’investissement s’explique en grande partie par les barrières que le Canada rencontre dans ces pays. Nous allons étudier de plus près la situation de ces trois pays pour comprendre les freins aux investissements. Nous présenterons aussi le cas de la Birmanie, qui révèle un autre type de défis intéressants.

2.1 Le Brésil Le Brésil se classe au douzième rang des IDE canadiens en 2012 avec un montant

de 9 793 millions $ CA, soit une part de 1,4 % des investissements totaux, ce qui montre un léger recul de 0,8 % par rapport à 2011. C’est la deuxième plus grande destination d’IDE d’Amérique latine après le Chili. Le Canada investit moins au Brésil que le Brésil au Canada. Le marché du Brésil est très attrayant par le secteur minier, manufacturier, agraire, ainsi que pour l’industrie de la science et de la technologie qui sont dynamiques et innovatrices.

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Le pays dispose de l’une des plus importantes concentrations de minerais dans le monde, il est présentement le cinquième producteur minier à l'échelle internationale avec plus de 7 800 d’entreprises actives et près de 1 800 mines en exploitation. Malgré cela, sa production minière est jugée basse si l’on considère son potentiel géologique. Les IDE du Canada au Brésil proviennent principalement des entreprises d'exploration minière : aujourd’hui, il y a au moins 500 entreprises canadiennes actives au Brésil (Alcan, Apotex, Brascan, Banque de Montréal, Banque Scotia, Golder and Associates, Hatch, Husky Injection Moulding, SEA Systems, Yamana Gold, GE Canada, Kinross), dont plus de 50 sont dans le secteur minier. Petrobras est le plus important partenaire canadien du pays. Il y a plusieurs occasions d’affaires, c’est le cas par exemple de la fabrication d'équipements destinés aux mines à ciel ouvert. Ces machineries et équipements sont fabriqués directement dans le pays, par des filiales de sociétés internationales ou par des sociétés brésiliennes utilisant des technologies importées. Les Canadiens peuvent être très compétents sur certains marchés de niche notamment en ce qui a trait à l'équipement et aux services conçus pour les mines souterraines, comme les appareils de forage, les systèmes de communication souterraine, les ventilations... Cependant, les firmes canadiennes rencontrent des freins à leurs investissements au Brésil.

Le gouvernement joue un rôle de régulateur dans les industries d’intérêt public et celles jugées stratégiques. Il exerce un contrôle sur les anciennes activités, désormais privatisées, soit : les télécommunications, l’électricité, l’approvisionnent en eau, la navigation côtière, le transport terrestre et aérien, l’industrie du film, l’industrie pétrolière et gazière ainsi que celle de la santé. La permission de l’état est nécessaire avant d’opérer dans l’industrie bancaire, celle de la raffinerie pétrolière, l’industrie minière, le transport en général et la santé. Un amendement de la constitution en 1995 a mis fin à la distinction entre le capital étranger et domestique, cependant la détention étrangère dans certains secteurs reste limitée. Elle se trouve restreinte à hauteur de 30 % dans le secteur des communications (télévision, journaux, radio), à hauteur de 20 % dans le secteur de l’aviation, tandis que le secteur de santé est totalement fermé. Le secteur minier qui est stratégique pour le Canada est limité aussi. L’exploration et l’extraction des ressources minérales doivent être menées par des entreprises brésiliennes ou des entreprises étrangères incorporées au Brésil. Les entreprises étrangères ont le droit d’ouvrir une entreprise locale et de la contrôler entièrement. Cependant, ce n’est pas le cas pour les opérations qui se font sur les côtes ou à proximité des frontières : à 150 mètres de la côte, les entreprises du secteur minier doivent être détenues à plus de 51 % par des Brésiliens, car ce sont des endroits stratégiques, proches des zones portuaires. De plus, deux tiers des employés doivent être résidents, et les projets doivent être validés par le conseil de défense nationale. La propriété de terres rurales est également contrôlée, d’autant plus sur les côtes. Quant au transport côtier, il doit être mené par des firmes locales exclusivement, ce qui revient à un coût de transport plus élevé pour les entreprises étrangères. Il existe par ailleurs plusieurs problèmes logistiques reliés au transport, essentiellement en raison de la qualité parfois défaillante des routes, ports et aéroports.

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Le processus législatif de l’industrie minière pose également certains problèmes. Bien que semblable à celui de l’Amérique du Nord, la complexité de la bureaucratie rend les délais administratifs extrêmement longs. La première étape du processus est l’acquisition d’un territoire et son exploration. Par la suite, il faut obtenir une licence d’exploitation minière afin de construire une mine et de commencer l’activité, ainsi qu’une licence environnementale. Le traitement de ces licences peut s’étaler sur des années, ce qui créé un grand risque pour les firmes étrangères, surtout en raison des fonds investit dans la phase d’exploration. En juin 2013, le gouvernement a annoncé une révision du code minier actuel afin d’augmenter la pression sur l’industrie minière. En plus d’un système de taxe complexe, le gouvernement compte faire passer les taxes payées au gouvernement pour le secteur minier de 2 à 4 % (augmentation relative, les taxes étant de 12 % en Australie par exemple). Le processus de délivrance de licence va également changer. Dans le but d’augmenter les investissements et la compétition, les licences seront octroyées lors d’enchères, au plus offrant. Par conséquent, face au risque de ne pas obtenir de licence d’exploitation, les entreprises vont être découragées et vont moins investir dans l’exploration et la découverte des mines.

Un autre frein aux investissements est le manque de confiance des Brésiliens dans les firmes étrangères. En 2004, il a été démontré que les firmes transnationales sont celles envers lesquelles les Brésiliens ont le moins confiance parmi toutes les institutions brésiliennes. Cette réalité a mis une certaine pression sur les entreprises qui doivent chercher un partenaire local. Elles doivent désormais accroître leurs dépenses en communication, ainsi que leurs engagements envers les communautés locales. L’entreprise canadienne Kinross Gold, entreprise d’exploitation minière d’or a notamment dû prendre des engagements envers la population brésilienne pour le respect de l’environnement.…

Les relations entre le Brésil et le Canada dans le secteur minier ont par ailleurs été récemment touchées par un scandale d’espionnage politique. Effectivement, la chaîne brésilienne TV Globo a rendu publics des documents révélant un programme d’espionnage du Canada en territoire brésilien. Selon le réseau de télévision, le programme d’espionnage canadien, nommé Olympia, permettait de surveiller les communications du ministère des mines brésilien pour vérifier les contacts du Brésil avec d’autres groupes comme Petrobras, au Brésil ou à l’étranger. La présidente brésilienne Dilma Rousseff a fermement condamné les révélations de ce cas d’espionnage. Le gouvernement canadien n’a donné aucun commentaire sur l’affaire et aucune excuse publique n’a été présentée.…………………………………………………………..

2.2 La Chine

Bien que l’investissement bilatéral entre la Chine et le Canada ait connu une forte croissance ces dernières années, il demeure modeste par rapport au niveau d’investissement que chaque pays reçoit du reste du monde, ce qui indique qu’il y a beaucoup d’opportunités d’expansion. La Chine (hors Hong-Kong) est la vingt et unième destination des IDE canadiens avec une part de 0,6 % des investissements totaux en 2012. Il y a plus de 12 110 projets d’investissement direct composant le stock d’IDE du Canada en Chine, selon les statistiques chinoises.

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La Chine investit cependant presque le triple du montant des investissements canadiens au Canada, les Chinois étant attirés par le pétrole canadien. La relation n’est pas d’égal à égal, ce qui cause l’inquiétude du gouvernement canadien qui souhaite avoir de l’influence pour bénéficier d’avantages en Chine. Les deux pays possèdent des intérêts communs dans plusieurs secteurs et de nombreuses possibilités d’investissements restent inexploitées au Canada et en Chine. Alors que la Chine pourrait profiter des compétences canadiennes pour soutenir son développement dans les secteurs de l’énergie, des matières premières, de l’alimentation, des services financiers, de l’ingénierie, de l’aérospatiale et du transport, ainsi que des études supérieures, l’IDE demeure limité dans plusieurs secteurs que le gouvernement chinois considère comme stratégiques. Bien que quelques secteurs de l’économie le soient, à juste titre, le Canada et les entreprises canadiennes ne représentent pas une menace pour un pays aussi grand que la Chine.

Jusqu’à maintenant, la Chine a profité de l’expertise canadienne pour son propre développement dans plusieurs secteurs. En premier lieu, les sociétés d’assurance canadiennes ont apporté leur support aux ménages et aux entreprises chinoises pour faire face aux limites des assurances nationales. De plus, les entreprises canadiennes de services miniers ont aidé la Chine dans la prospection d’opportunités dans le secteur minier et l’exploitation minière de manière durable. Enfin, les produits canadiens de transport, à la fine pointe de la technologie (aéronefs, véhicules ferroviaires) et les services d’ingénierie durables ont contribué à ce quela Chine développe ses infrastructures de manière viable. Les multinationales canadiennes dans ces domaines aspirent à établir des partenariats d’investissement avec la Chine. Les investissements étrangers devraient d’autant plus être les bienvenus, car la faiblesse des transports chinois impacte les investisseurs étrangers : en 2011, il y a eu une collision de deux trains sur les routes ferroviaires à grande vitesse en Chine de l’Est. Un des trains de l’accident était construit par une coentreprise entre la Chine et Bombardier. Or, Bombardier possède des contrats pour 3 milliards de $ CA sur le réseau ferroviaire chinois. Après cet évènement, le manufacturier canadien a vu son action baisser de 5 %, les investisseurs étant préoccupés de l’avenir du groupe en Chine. Pour le Canada, il est clair que la Chine doit relâcher les restrictions sur l’IDE dans les secteurs des services financiers, des mines, de l’aérospatiale et du transport.

Dans le secteur gazier, au cours des dernières années, la Chine a activement mis en valeur ses produits de base, surtout l’exploitation de métaux, de minéraux et du charbon, ainsi que l’exploitation pétrolière et gazière, la production et le raffinage. Ce sont des occasions d’affaires pour les entreprises minières canadiennes et les fournisseurs de services miniers. On peut néanmoins, facilement démontrer qu’il existe des entraves dans cette industrie. Les entreprises canadiennes doivent établirdes accords d’entreprise commune avec des partenaires chinois pour mener des activités d’exploitation et de production dans les sites miniers. Or les entreprises canadiennes sont en générale de petite et de moyenne taille, et ne possèdent donc pas les ressources nécessaires pour satisfaire les exigences minimales de fonds et ne présentent pas assez d’intérêts pour les entreprises chinoises qui vont préférer un seul partenaire étranger important. Les investisseurs étrangers font aussi face à une forte réglementation, parfois floue à l’échelle locale ainsi qu’à des difficultés concernantles transferts de permis d’exploration et de production.

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Ces documents ont ainsi autrefois été utilisés par les partenaires locaux comme outil de marchandage. La Chambre de commerce du Canada a communiqué son espoir que la Chine puisse égaliser les règles pour la participation canadienne dans le secteur minier.

Dans le secteur des services financiers, dans lequel les entreprises canadiennes sont fortement présentes, le processus d’octroi de permis est un sujet sensible pour l’industriedes assurances. Par exemple en octobre 2008, la Chine a suspendu la distribution de nouveaux permis sans divulguer les raisons ni sa date de levée. Par ailleurs, les firmes d’assurance vie étrangères sont confrontées à des problèmes pour faire approuver l’expansion de leurréseau de succursales. D’un côté, la commission chinoise de réglementation des assurances (CIRC) a autorisé l’admission des entreprises étrangères à l’obtention simultanée de multiples approbations de succursales. Mais de l’autre côté, ces approbations ne peuvent être que consécutives. L’expansion se voit de ce fait ralentie. Ces mesures jugées protectionnistes favorisent les sociétés d’assurance nationales, ce qui va contre l’engagement dela Chine envers l’OMC. Un autre élément de restriction réside dans le fait qu’une banque étrangère n’est autorisée à investir que dans deux banques chinoises, avec une participation en capital maximale étant fixée à 20 %. Le Canada espère que le niveau de participation puisse être augmenté à 49 %.

Un autre secteur dans lequel la Chine maintientdes obstacles sur l’IDE canadien est celui de l’aérospatiale et du transport. Des obstacles majeurs sont notamment en place concernant le fer et l’acier. Il y a une exigence de transfert technologique : les entreprises étrangères souhaitant investir dans les entreprises chinoises de ce secteur doivent ainsi posséder des techniques brevetées ou une autre forme de propriété intellectuelle dans la transformation de l’acier. De plus, la participation étrangère dans le contrôle des entreprises de fer et d’acier n’est pas autorisée. Enfin, une forme de discrimination est observée sur l’acier contre les importations d’équipement et de technologies étrangères, en raison du soutien à l’utilisation d’équipements et de technologies locaux.

2.3 L’Inde

Les IDE canadiens en Inde sont modestes. C’est la quarante et unième destination avec une part de 0,1 % des IDE canadiens totaux en 2012. Le Canada est importateur net des IDE indiens. Les secteurs majeurs d’investissement en Inde sont les installations énergétiques, les services, le pétrole et le gaz, les télécommunications et technologies de l’information, ainsi que la finance. Plusieurs entreprises importantes sont déjà bien implantées en Inde. Le premier ministre canadien Harper avait estimé 14 nouveaux accords commerciaux et d’investissements s’élevant à 2,5 milliards de $ CA pour 2012. La suppression des barrières aux investissements entraînerait un gain entre 6 et 15 milliards $ US pour le Canada. Un Accord sur la promotion et protection des investissements étrangers (APIE), en cours de négociation devrait améliorer la situation. En effet, l’Inde a des intérêts avec le Canada : elle pourrait bénéficier des compétences canadiennes dans le secteur de la finance, énergétique (surtout minier) et des compétences technologiques générales. Avec une population de 1,2 milliard, en croissance, le pays a besoin de ressources en énergie.

Il devient donc un client potentiel pour le Canada qui espère construire le « Northern Gateway gaz pipeline » qui fournirait la région Asie Pacifique en gaz.

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L’Inde est légèrement plus fermée aux IDE que la moyenne mondiale. Les IDE en Inde sont limités dans de nombreux secteurs stratégiques. Dans le secteur minier, la participation dans les activités d’exploration de charbon est limitée à 74 % dans les entreprises privées et à 49 % dans les entreprises étatiques. Les investissements dans le fer, le manganèse, le chrome, le gypse, le soufre, le cuivre, le zinc, l’or et le diamant sont restreints. La participation dans le capital est aussi établie à 74 % dans les projets d’infrastructure aéroportuaire, d’entretien des voies maritimes et de chemins de fer, ainsi que dans les projets hydroélectriques et les installations industrielles. Les secteurs suivants sont complètement fermés aux IDE : énergie atomique, loterie, agriculture (sauf exception), activités de plantations (sauf pour le thé), logement et immobilier d'entreprise (sauf exception), ainsi que fabrication de cigares. Les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques qui dépassent les limites de pourcentage ou ne répondent pas à d’autres directives peuvent être adressés au « Foreign Investment Promotion Board » du ministère des Finances, pour approbation, ainsi qu’au comité du cabinet sur l'investissement étranger. L’état est ainsi un régulateur incontournable, nous pouvons voir son influence à travers le cas d’une entreprise canadienne. En 2011, le Canadien Research In Motion (RIM), qui fabrique le smartphone Blackberry, a annoncé qu'il ne fournirait pas aux autorités indiennes les moyens techniques de contrôler les messages émis ou reçus par les téléphones appartenant à des entreprises. L'Inde a fixé à RIM un ultimatum pour que le fabricant canadien trouve une solution permettant aux services de sécurité indiens d'avoir accès aux données qui circulent via les services de courriels et de messageries instantanées de son, et a ensuite fait des menaces concernant la fermeture de deux services de messagerie de BlackBerry.

Un autre problème auquel sont confrontées les entreprises canadiennes est celui de la propriété intellectuelle : la protection des droits intellectuels existe dans certains secteurs comme celui des sciences, cependant l'application légale reste une préoccupation majeure. Un bon développement a été observé en 2005 lorsqu’une loi a introduit les brevets dans les produits pharmaceutiques, les produits chimiques, la biotechnologie et la nourriture. Cependant, les droits de propriété intellectuelle sont limités et concernent presque exclusivement les nouveaux produits chimiques.

2.4 La Birmanie Le cas de la Birmanie est intéressant, car on y rencontre un autre type de problème

qui limite les investissements étrangers. Ce problème concerne les droits de l’homme et l’éthique, sujets sensibles dans certains pays d’Asie. Il n’y a pas d’information disponible sur les accords majeurs et les investissements entre la Birmanie et le Canada : elles sont considérées comme étant « des informations sensibles ». Les compagnies minières internationales font la file afin d’investir en Birmanie. Cependant, la réglementation n’est pas transparente, les revenus du secteur minier sont récoltés par le gouvernement central, et la question de la distribution des ressources est difficile à évaluer. En 2007, des exploitations de mines ont été faites dans des conditions désastreuses, sans se soucier des dégâts naturels et humains causés ni de la violation des droits de la communauté. Aucun mécanisme juridique ne faisait respecter des lois.

À titre d’exemple, les effets néfastes étaient : l’accaparement des terres, la disparition du patrimoine culturel et religieux, la perte des moyens de subsistance et la dégradation de

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l’environnement. Le 13 décembre 2007, le « Règlement sur les mesures économiques spéciales » visant la Birmanie est entré en vigueur au Canada afin de répondre à la gravité de la situation humanitaire et des droits de la personne en Birmanie.

Depuis 2010, il y a eu un progrès sur le plan des droits humains et de la démocratie. Des prisonniers politiques ont été libérés, le gouvernement a initié des négociations de paix et signé des cessez-le-feu avec la plupart des groupes ethniques armés dans le pays, et l’opposition a pu accéder au parlement. Ainsi, le 24 avril 2012, le Canada a allégé son régime de sanctions contre la Birmanie, à la suite des développements positifs favorisants la réforme, et des investissements seraient désormais envisageables. Ce cas montre que la stabilité politique et l’éthique sont un élément de base pour investir dans un pays.

3. LES SOLUTIONS ENVISAGEABLES POUR LES INVESTISSEURS CANADIENS

3.1. La Politique Canadienne D’Investissement Extérieur

La politique canadienne d’investissement extérieur vise à promouvoir l’exportation de biens et de services. Ainsi, le Canada a déployé un réseau de commissaires chargés du commerce dans des missions à l’étranger, en vue d’aider les entreprises canadiennes à se lancer sur les différents marchés.

Exportation et développement Canada ainsi que la Corporation commerciale canadienne ont comme rôle de soutenir financièrement les exportations canadiennes, surtout en ce qui a trait aux grands projets d’infrastructure et aux approvisionnements principaux. De plus, Exportation et développement Canada s’engage à financer les IDE sortant du Canada et grâce à de nouvelles modifications réglementaires : prochainement, l’organisme sera de plus en plus en mesure d’investir dans des fonds privés de capitaux propres et de capital-risque pour aider les entreprises canadiennes à prendre de l’expansion et à avoir une présence plus importante sur les marchés étrangers, notamment surtout les marchés émergents.

3.2. La Politique De Négociation D’Accords Sur La Promotion Et La Protection Des Investissements Étrangers (APIE)

Il y a plusieurs risques lorsqu’une entreprise investit à l’étranger : instabilité

politique, institutions juridiques peu développées, régimes de réglementation incertains ou encore expropriations possibles. Le gouvernement du Canada a mis en place une politique de négociation d’Accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) qui permettent d’instaurer des conditions plus transparentes et plus prévisibles pour les Canadiens qui investissent à l’étranger.

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Le Canada compte 21 APIEs en vigueur actuellement (Russie, Pologne, République Tchèque et Slovaquie, Argentine, Hongrie, Ukraine, Lettonie, Philippines, Trinité-et-Tobago, Barbade, Équateur, Égypte, Roumanie, Venezuela, Panama, Thaïlande, Arménie, Uruguay, Liban, Costa Rica et Croatie). Ces APIEs garantissent une protection d’environ 60 % des investissements réalisés à l’étranger par les entreprises canadiennes. Pour lier le gouvernement hôte à des obligations contraignantes en ce qui concerne le traitement réservé aux investisseurs étrangers, les APIEs cherchent à instituer un cadre juridique stable, qui contribue à promouvoir et protéger les investissements étrangers en mettant en place des règles claires ainsi que des mesures d’application efficaces pour les faire respecter. Ainsi, les gouvernements s’engagent à respecter une série d’obligations, notamment en ce qui a trait au traitement non discriminatoire, à l’expropriation, au transfert de fonds, à la transparence, au respect des procédures et au règlement des différends.

En conclusion, l’APIE permet au Canada de protéger l’investissement de ses entreprises à l’étranger. Les sanctions prévues étant réciproques, cela renforce également le statut du Canada en tant que pays stable, où les conditions d’investissement sont prévisibles. Les APIEs intensifient ainsi les courants d’investissements entre les pays qui y adhèrent. En effet, en l’absence d’APIEs, les investisseurs canadiens dépendent des lois et des institutions du pays hôte, ce qui accroît largement leur exposition aux risques, et bien que la tendance générale soit en faveur d’une ouverture plus large des pays à l’IDE, il existe toujours d’importants risques pays.

Le Canada évalue les pays avec lesquels il envisage de conclure un APIE selon les intérêts commerciaux et économiques, la protection offerte aux investisseurs, l’application de la règle de droit, la qualité de la réglementation et l’ampleur de la corruption. Il prend aussi en compte la volonté du pays d’accroître ses IDE entrants et sortants, sa politique commerciale, ainsi que la probabilité de parvenir à un accord de qualité. En instaurant des conditions équitables, ouvertes et sûres pour l’investissement canadien à l’étranger, le Canada s’assure de répondre à un bon nombre de questions fondamentales auxquelles les organisations canadiennes doivent faire face lorsqu’elles investissent à l’étranger. L’APIE est un accord à long terme qui permet, en plus d’accroître la sécurité des échanges, d’améliorer les relations bilatérales entre le Canada et les autres pays, ce qui rend les investissements davantage prospères.

Les investisseurs canadiens ont ainsi de nombreux intérêts à tirer parti de la protection offerte par les APIEs et à s’appuyer sur l’ensemble des obligations qu’ils contiennent ainsi que les recours qu’ils offrent en cas de non-respect. En effet, la prévisibilité et la sécurité qu’offrent les APIEs peuvent grandement stimuler les investissements canadiens. Cependant, même si les APIEs sont des instruments de libéralisation, ils ne suppriment pas complètement les restrictions à l’investissement dans le pays étranger.

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3.3. Le Cas du Brésil Le Brésil, qui représente une priorité pour le gouvernement du Canada, est au

centre de la stratégie d'engagement dans les Amériques. Ayant de hauts taux d’imposition, une bureaucratie très lourde, de multiples problèmes logistiques ainsi que des limites aux investissements étrangers, le Brésil adopte une politique interventionniste au niveau commercial, ce qui en fait un marché difficile à pénétrer. Du côté canadien, la volonté d’approfondir des relations économiques bilatérales est beaucoup plus marquée. En avril 2010, les deux pays ont signé l’Accord-cadre de coopération en matière de science, de technologie et d’innovation. Le Canada a ratifié puis accordé immédiatement les fonds pour financer cette entente alors que de son côté, le Brésil l’a ratifié, mais n’a encore jamais octroyé les ressources financières nécessaires pour rendre concret les effets que doivent engendrer cet accord. Cet exemple décrit bien le manque d’intérêt des Brésiliens quant à l’approfondissement de leurs relations économiques avec le Canada.

Lors de la visite du premier ministre canadien Stephen Harper au Brésil en août 2011, il y a eu plusieurs annonces qui devraient favoriser l’environnement d’investissement entre les deux pays. Il y a eu une discussion concernant une entente bilatérale sur le transport aérien, avantageux aux voyageurs et aux entreprises. Les deux pays ont convenu de rendre accessibles les droits d’exploitation des services aériens aux transporteurs en attendant, la ratification officielle de l’entente. D’autre part, il y a eu un dialogue sur l’énergie qui offrirait au Brésil et au Canada, des occasions de partager leurs expériences et de leurs technologies. L’intervention sur place d’institutions gouvernementales peut jouer un rôle bénéfique. Par exemple, « Exportation et développement Canada (EDC) » joue un rôle actif au Brésil depuis plus d’une décennie. Depuis 2000, EDC a facilité dans ce pays des exportations et des investissements du Canada d’une valeur supérieure à 20 milliards de $ CA. En 2012, elle a fourni des services à 345 entreprises (comparé à 169 en 2000).

Un traité d’investissement réciproque favorisant un cadre juridique bilatéral serait une solution profitable aux deux pays et installerait une relation « gagnant-gagnant ».

3.4. Le Cas De La Chine Les investissements canadiens en Chine sont susceptibles d’augmenter de façon

très importante puisque la Chine devrait devenir la plus importante économie du monde d’ici 2020. Le gouvernement canadien a annoncé la conclusion des négociations relatives à un APIE, ce qui veut dire que le cadre d’investissement sera plus stable et plus sûr, en plus de contribuer à la création d’emplois et à la croissance économique des deux pays. Ceci revient à dire qu’il y aura une meilleure libéralisation du mouvement des personnes, des capitaux, des produits et des services, y compris dans des domaines comme la coopération réglementaire, la logistique, la propriété intellectuelle, les investissements, les règles et les normes, la concurrence, les recours, la science et la technologie. La relation soutenue entre les gouvernements des deux pays reste cruciale, surtout aux échelons plus élevés, puisqu’il faut se rappeler que le Canada a été un des premiers pays à reconnaître le régime communiste de la Chine.

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Finalement, pour diminuer le plus possible les nombreux problèmes soulevés (le vide législatif, l’interprétation inconsistante des règlements, la bureaucratie, le manque de respect des contrats et le manque de transparence), la signature d’un traité d’investissement réciproque ainsi qu’un cadre juridique bilatéral sont cruciaux.

3.5. Le Cas de L’Inde En 2013, le Canada et l’Inde ont commencé des négociations pour en venir à

conclure un APIE et ils s’engagent à travailler ensemble de façon prioritaire. Le cadre de cet APIE permettra de déterminer et d’évaluer les impacts environnementaux qui sont susceptibles de découler des retombées économiques relatives à la signature de cet APIE. De surcroît, cela permettra de renforcer la capacité institutionnelle de l’Inde en vue de s’attaquer à ses problèmes environnementaux urgents : la qualité de l’air, les déchets dangereux et les substances toxiques. La signature trop souvent reportée de cet APIE aboutira à des négociations qui devront se dérouler selon la pratique habituelle du Canada en reprenant le schéma de l’ALÉNA avec les produits, les services et les investissements.

4. CONCLUSION

Le portrait de la situation actuelle des investissements du Canada dans le monde montre clairement une croissance quant à la position d’investisseur direct net du Canada. Les profits tirés de ces investissements directs du Canada à l’étranger ont une pente ascendante, excepté pour les années de crise de 2001 et 2009. Les filiales, qui engendrent plusieurs milliards de dollars, sont les genres d’exploitations privilégiées par les investissements directs canadiens alors que les coentreprises et succursales engendrent une part de revenus plus faible. La finance et les assurances, les ressources énergétiques et minérales suivies de la gestion sont les industries prioritaires. La part des investissements dans l’industrie de la fabrication est en diminution constante même si le secteur reste stratégique. Par ordre d’importance, les IDE canadiens s’effectuent aux États-Unis, en Europe, en Amérique du Nord, en Asie et en Océanie, en Amérique centrale et du Sud et en Afrique.

Les investisseurs canadiens au Brésil, en Chine et en Inde rencontrent diverses restrictions. Les APIEs sont une bonne solution pour protéger les investissements directs étrangers entrants et sortants et établir une situation « gagnant-gagnant ». Il est important de s’assurer d’un cadre juridique multilatéral pour faciliter les investissements canadiens dans le monde, particulièrement dans les pays émergents où le contexte légal changeant, la complexité administrative et d’autres obstacles majeurs deviennent des handicaps dans l’approche des marchés et donc des investissements directs à l’étranger.

La signature d’accords commerciaux internationaux multilatéraux est une autre façon d’améliorer les IDE. Les accords les plus importants du Canada sont l’Accord instituant l’organisation mondiale du commerce et l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Ces deux accords donnent des avantages aux investisseurs canadiens à l’égard de l’établissement, l’expansion, l’acquisition, la gestion, le comportement, l’exploitation, la vente et les investissements dans les pays signataires.

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Plus récemment, en 2013, à la suite de nombreuses négociations engagées depuis 2009, la conclusion d’un accord de libre-échange avec l’Union européenne devrait être signée ce qui est de loin un partenariat commercial des plus ambitieux qui serait signé par le Canada. Ayant pour objectif de réduire les barrières au commerce en éliminant les droits de douane et en harmonisant la réglementation et les normes, cet accord couvrirait presque tous les secteurs d’activité, autant les biens, les services que les investissements. Les quotas de production dans le domaine agricole resteraient cependant protégés. L’estimation de la progression des échanges commerciaux à la suite de cet accord est de 20 %, ce qui devrait générer environ 35 milliards de dollars de gain supplémentaire et favoriser les investissements directs.

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III. SÉCURITÉ ÉCONOMIQUE ET NATIONALE DANS LE CONTEXTE DE LA MONDIALISATION

Guillaume Daneau, [email protected] Nene Mariama Dalanda Bah, [email protected]

Vincent Voyer, [email protected]

Résumé

L’acquisition des compagnies canadiennes par des entreprises étatiques étrangères a créé une polémique au sein de l’opinion publique et politique canadienne. Le contrôle des fleurons nationaux ainsi que les compagnies dans les secteurs clés par des compagnies étrangères ont soulevé des inquiétudes par rapport au risque que le Canada perde sa souveraineté économique. De plus, nous assistons de plus en plus à une délocalisation croissante des firmes nationales vers les pays qui ont un faible coût de main-d’œuvre. Le gouvernement canadien pour se prémunir contre l’éventuelle perte de contrôle sur ses industries adopte des lois restrictives aux investissements étrangers. Ces lois sont contestées par des organisations internationales reconnues, mais permettent d’assurer la sécurité économique du pays. Dans le contexte de la mondialisation ont-elles encore leurs raisons d’être?

MISE EN CONTEXTE

À la suite de la Deuxième Guerre mondiale, les investissements directs étrangers

(IDE), notamment ceux des États-Unis, sont devenus une préoccupation de premier ordre pour le gouvernement canadien. En effet, des pressions populaires régnaient concernant la dépendance des multinationales canadiennes envers les investisseurs américains. Cette situation représentait une menace potentielle pour la souveraineté du pays. Dans cette optique, le gouvernement canadien mit sur pied la Commission d’enquête sur les perspectives économiques du Canada en 1955. Celle-ci se solda, en 1957, par le Rapport Gordon qui conclut que le Canada était trop permissif en matière d’investissements étrangers. À la suite des recommandations de la Commission, le pays se munit d’un cadre légal pour faire face aux potentielles menaces. En 1973, la Loi sur l’examen de l’investissement étranger (LEIE) fit son apparition. Cette loi fut la première version de la Loi sur investissement Canada (LIC) qui régit les IDE de nos jours (Côté, 2012). En plus de cette dernière, il y a le règlement sur la sécurité nationale qui accorde un droit de veto au gouvernement. Par ailleurs, le gouvernement canadien se dissocie régulièrement des autres pays quant à son approche des IDE. Par exemple, il inclut fréquemment des clauses spéciales dans les accords de libre-échange et a été le seul pays du G-20 à ne pas signer la Convention de Washington avant 2006. Le gouvernement canadien démontrant donc sa réticence à l’ouverture de son marché, entraînant le mécontentement de la communauté internationale et d’institutions internationales telles l’OCDE et l’OMC.

Le Canada a été un exportateur international pendant plus de vingt ans. Ce n’est que depuis 2009 que le pays a une balance commerciale négative (StatCan, 2013). Une partie de ce changement peut être expliquée par l’accroissement des IDE au pays.

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Effectivement, alors que le Canada diminuait ses investissements à l’étranger, les capitaux entrants ont plus que triplé en valeur depuis les vingt dernières années (StatCan, 2013). Le Canada semble être un marché de plus en plus attrayant et de nouveaux arrivants commencent à y démontrer de l’intérêt. En effet, entre 2004 et 2009, les IDE en provenance des États-Unis ont passé de 64,1 % à 52,5 % du total des investissements directs étrangers. Cela représente une baisse de 11,6 % en 5 ans et confirme, du même coup, la tendance voulant que le Canada devienne graduellement moins dépendant de son voisin du sud. Les régions d’où provient l’augmentation d’investissements au Canada sont l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud qui représentait 0,5 % des IDE en 2004 et 2,8 % des IDE en 2009; et l’Asie avec l’Océanie qui représentait 5 % des IDE en 2004 et 9,6 % en 2009. En outre, il est intéressant de constater que la Chine, l’Inde et la Russie ont tous connu une augmentation de leurs investissements au Canada de plus de 100 % entre la période 2004 à 2009 (StatCan, 2013). En résumé, les tendances économiques internationales envers le Canada ont considérablement évolué depuis les vingt dernières années. Le gouvernement canadien semble pris au dépourvu par les nouveaux investisseurs sur son marché qui pourraient porter atteinte à la sécurité nationale.

Figure 1 : Balance commerciale du Canada Figure 2 : Position d’IDE du Canada

Sources : Statistiques Canada Foreign direct Investment et International trade 

1. PRÉSENTATION DE CAS OÙ LA QUESTION DE SÉCURITÉ A ÉTÉ REMISE EN QUESTION :

1.1 Procédure légale Le processus légal pour se protéger contre les investissements étrangers est

relativement simple. Une entreprise étrangère, étatique ou non, divulgue son intention d’acquisition au Canada. Normalement, si l’investissement dépasse les 344 millions (LIC, 2013) la demande devra être soumise à l’examen en vertu de la LIC. Le processus d’examen de la Loi sur Investissement Canada repose sur la théorie de l’avantage net.

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L’avantage net est étudié sous les six variables principales suivantes: l’effet de l’investissement et la nature économique, l’importance de la participation, l’effet sur la productivité, l’effet sur la concurrence, la compatibilité avec les politiques et la contribution à la compétitivité (CPRP, 2007). Après 60 à 75 jours, le ministre donne sa réponse. L’investissement peut être bloqué pour deux cas : il ne donne pas d’avantage net pour le pays ou il porte atteinte à la sécurité nationale. Dans le premier cas, le demandeur a certains recours d’appel comme le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CERDI). Dans le second cas, il n’a pas d’option et le gouvernement n’est pas obligé de justifier ses résultats qui sont classés confidentiels. En plus du procédé d’examen, le gouvernement se muni de nombreux Accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) qui servent à énoncer plus clairement les obligations des parties prenantes et de renforcer la transparence des processus. Par ailleurs, le contrevenant aux décisions rendues s’expose à de lourdes peines. Finalement, par le passé, il y avait plusieurs barrières dans différents secteurs jugés comme stratégiques notamment : les télécommunications, le secteur financier, l’industrie culturelle, les secteurs miniers, etc. Cependant, au cours des dernières années, plusieurs barrières sont tombées et il ne reste plus que le secteur culturel qui possède des protections supplémentaires. Il est notable que, bien que le gouvernement n’identifie plus ces secteurs comme stratégiques, celui-ci reste sensible aux investissements et conserve toujours des outils pour se protéger.

1.2 Acquisition de compagnies canadiennes par des entreprises étatiques

étrangères : Avec la mondialisation, on assiste à une nécessité d’avoir des entreprises globales

et une consolidation dans le secteur des ressources naturelles. La crise financière de 2008 a réduit la disponibilité du capital des partenaires commerciaux traditionnels du Canada. Les compagnies étrangères étatiques des pays émergents comme la Chine arrivent « à tirer leur épingle du jeu » avec des moyens financiers importants et un soutien politique continu. Dans ce contexte, le Canada fait face à l’influence croissante d’un « nouveau type d’investisseur », il s’agit des entreprises étatiques des pays émergents.

En observant les statistiques des investissements étatiques au Canada lors de la dernière décennie, nous remarquons deux faits :

- Les investisseurs viennent tous des pays émergents essentiellement de la Chine - Le secteur énergétique canadien est la principale cible

Les deux exemples les plus récents et les plus médiatisés sont le rachat de Nexen

par la compagnie étatique chinoise CNOOC et celui de la Progress Energy Resources par la société d’État malaisienne Petronas (Ciardullo, 2013). Ces acquisitions ont soulevé des polémiques dans l’opinion publique et politique canadienne.

L’une des raisons de cette polémique était la nationalité de ces investisseurs. On leur reprochait le fait qu’ils n’avaient pas les mêmes valeurs que le Canada. Ces valeurs concernaient entre autres le système politique (non-respect des règles de la démocratie, violation des droits de l’homme); la protection de l’environnement et le management des entreprises (droit du travail).

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Également, ces transactions créent un risque de distorsion dans le jeu de la libre concurrence dans les marchés. Les entreprises étatiques peuvent recevoir le support de leur gouvernement, ce qui fausserait les règles de la compétition au détriment des compagnies privées canadiennes. Plusieurs observateurs s’interrogent sur la priorité des intérêts poursuivis par ce type de partenaires. Leurs investissements dans les domaines stratégiques (Mines ; pétrole) au Canada soulèvent la question de savoir si ce sont des objectifs commerciaux, politiques ou géostratégiques qui motivent ces opérations. Ces transactions avec des compagnies étatiques peuvent être interprétées comme des achats d’actifs canadiens par des gouvernements étrangers. Certaines critiques affirment que ces opérations sont un moyen d’accumulation stratégique de ressources pour le pays d’origine. Le défi pour le pays hôte est de se rassurer qu’il n’y aura pas d’interférence politique dans la gestion des entreprises acquises.

Un autre fait soulevé par les opposants à la transaction Nexen-CNOOC est que le gouvernement chinois n’aurait pas autorisé une opération de cette ampleur pour des investisseurs canadiens en Chine. C’est-à-dire que les entreprises canadiennes peuvent investir dans plusieurs domaines en Chine à l’exception de certains, dont le secteur énergétique qui reste sous contrôle étatique. Les défenseurs de cette approche suggèrent que le Canada intègre la condition de réciprocité d’investissement dans les domaines stratégiques parmi les critères d’analyse de l’avantage net de la LIC. Plusieurs observateurs considèrent l’acquisition des compagnies canadiennes par des SOE comme étant un retour en arrière. En effet, il n’y a pas si longtemps, à peine plus d’une décennie, la tendance était à la privatisation puisqu’on considérait les entreprises étatiques comme inefficaces. De plus, les secteurs visés par ces investissements sont principalement les industries énergétiques telles que les sables bitumineux. Ces derniers sont considérés comme des ressources stratégiques, car leur production est dominée par environ quinze pays dans le monde. Avec l’acquisition de Nexen et la Progress Energy Resource, le premier ministre Harper a affirmé que le Canada a atteint un seuil où plus de contrôle sur les sables bitumineux par des gouvernements étrangers ne serait pas un bénéfice net pour la nation (Radio Canada 2012).

L’appréhension causée par les investissements des entreprises étatiques dans de grosses firmes canadiennes est relativisée par certains analystes. Ils affirment qu’il y a une différence entre contrôler la ressource et contrôler l’entreprise. Le contrôle des ressources stratégiques est possible au moyen de la structure des redevances; de la réglementation du travail et de l’environnement et des règles de la concurrence. Toutes ces politiques doivent être bien pensées et cohérentes. Des spécialistes, tels que Willie Sparks, affirment qu’il y aurait un coût d’opportunité important si le Canada refusait le partenariat commercial avec les SOE des pays émergents. Les relations d’affaires avec ces SOE asiatiques sont un moyen pour l’économie nationale de se diversifier et de baisser sa dépendance vis-à-vis du partenaire américain. Également, les engagements fermes pris par CNOOC seraient être bénéfiques pour le Canada. Ceux-ci étant (Walker, 2013) :

- Établir à Calgary le siège social de CNOOC Amérique du Nord et central. Ce siège va gérer les opérations globales de Nexen et ceux de CNOOC dans la région (environ huit milliards de dollars des actifs de CNOOC)

- Garder l'équipe de management actuelle et les employés

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- Améliorer les dépenses d’investissement sur les actifs de Nexen - Coter les actions de CNOOC à la bourse de Toronto (TSX) - Augmenter l’engagement communautaire et social

En plus, le gouvernement a fait plusieurs efforts pour faciliter les relations

commerciales avec la Chine. La conclusion de la FIPA (Foreign Investment Promotion and Protection Agreement) en septembre 2012 et la visite du premier ministre Harper en février de la même année sont des exemples de ces efforts. Le refus de l’acquisition de Nexen par CNOOC aurait porté préjudice aux rapports commerciaux entre les deux partenaires.

1.3 Achat de fleurons nationaux par des entreprises étrangères : Nous considérons comme fleurons nationaux, des entreprises qui ont fait partie de

l’histoire du Canada, qui sont bien implantées dans leur communauté et représentent des modèles de réussite et de fierté canadienne. Beaucoup de citoyens considèrent ces compagnies comme faisant partie de l’identité nationale. Avec la mondialisation, les besoins en capitaux s’accentuent afin de rester compétitifs sur le marché global. Dans ce contexte, plusieurs de ces champions économiques nationaux n’ont pas été capables de se démarquer ou de se rapprocher entre eux afin de créer des groupes de tailles suffisantes sur le plan mondial. En ce sens, nous pouvons notamment donner l’exemple de la fusion avortée en 2006 entre Falconbridge et Inco (Pelouas, 2006). Cette incapacité à s’associer a offert aux sociétés étrangères des opportunités d’alliance stratégique et de prise de contrôle de certaines industries.

L’histoire canadienne de Falconbridge a commencé en 1928. Au fil des années, la société avait réussi à occuper une place importante dans le secteur minier mondial : quatrième producteur mondial de cuivre et de nickel, cinquième dans le zinc. Elle jouait un rôle important dans le développement économique et commercial de la région nord de l’Ontario. Elle a été rachetée, en 2006, par le groupe Suisse Xtratra. Inco était un autre géant de l’industrie minière canadienne créé au début des années 1900. En 2006, elle était numéro deux mondial dans la production du Nickel. Elle a été acquise la même année par le groupe brésilien Companhia Vale do Rio Doce (CVRD).

Ces acquisitions ont suscité plusieurs critiques. Ces ventes sont considérées comme des pertes stratégiques, car ces compagnies représentaient des pièces maîtresses de l’économie nationale. Ces sociétés avaient une forte influence sur le marché local et mondial de matières premières et représentaient donc des leviers pour l’économie canadienne. Historiquement, le Canada est considéré comme une nation ayant ses assises sur ses ressources naturelles. Certains observateurs affirment qu’à cette allure, il risque de perdre son statut de plaque tournante pour les matières premières. Les réticences étaient également justifiées par l’incertitude quant à l’engagement social et environnemental des nouveaux actionnaires. Les sociétés acquises étaient de généreuses donatrices, commanditaires d’activités communautaires et influentes pour les œuvres de bienfaisance.

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Pour le cas spécifique de Vale, la société fait l’objet de révoltes des écologistes, des paysans et même des employés à travers le monde (Revelli, 2010). En 2010, quelques années après le rachat, les employés d’Inco Vale ont déclenché une grève parce que les acheteurs (Vale) n’avaient pas tenu leur promesse de maintenir les avantages des employés. Les négociations ont traîné, car les décisions se prenaient maintenant au Brésil. De ce fait, il était plus difficile de mettre la pression. Les employés ont eu le sentiment qu’Inco n’était plus qu’une filiale parmi tant d’autres. Des craintes sont également suscitées par le risque de perte d’activités et d’emplois en raison du déplacement potentiel des sièges sociaux. À titre d’exemple, quelques mois après le rachat d’Inco par la compagnie brésilienne, les employés locaux ont vu arriver une dizaine de cadres étrangers. D’autres fonctions telles que les activités de recherche et développement, les services de consultation juridiques et comptables pourraient aussi être affectées par ce mouvement.

Par contre, on ne peut pas nier que le secteur minier canadien a besoin des capitaux étrangers pour rester compétitif et se développer. En plus, ce sont de bonnes affaires pour les investisseurs, car les rendements sont importants. Il y a des opportunités de recyclage des retours sur investissements de la part des actionnaires en alimentant le capital local. Cela permettrait à d'autres entreprises canadiennes de financer des acquisitions à l'étranger. Ce capital international peut servir à financer des projets et à développer des entreprises de manière plus rapide et plus avantageuse que si le pays se repliait sur lui-même. Malgré ces avantages, plusieurs analystes se demandent si la souveraineté économique du Canada ne serait pas menacée par les acquisitions des fleurons nationaux.

1.4 Achat d’une compagnie opérant dans un secteur clé Nous considérons comme secteur clé, un secteur d’activité qui donne une

visibilité ou une reconnaissance du pays sur le plan international. La définition se rapproche de celle des fleurons nationaux, mais se distingue par son domaine d’activité qui est considéré comme stratégique. Bien que l’information lors de l’examen sur les investissements étrangers reste confidentielle, nous croyons que la transaction en 2008 où Alliant Techsystems Inc voulait faire l’acquisition de MacDonald, Dettwiler & Associates Ltd fut refusée pour cette considération. En effet, MacDonald, Dettwiler & Associates Ltd est une compagnie aérospatiale canadienne qui est connue pour avoir construit le bras canadien Canadarm installé sur la station spatiale internationale. Ce bras conçu avec les dernières technologies démontrait sur le plan international l’expertise canadienne. Selon plusieurs experts, la vente de la compagnie à une entreprise d’armement américaine aurait porté un coup fatal au secteur de l’aérospatial au Canada puisque la majorité des employés auraient été transférés aux États-Unis (Radio Canada, 2008). De plus, MacDonald, Dettwiler & Associates Ltd a développé Radarsat. Radarsat est un système de satellite qui permet d’observer l’arctique Canadien. Selon certains, la vente de cette technologie aurait pu nuire à la souveraineté du Canada. Dans un communiqué du Bloc Québécois, on pouvait lire : « Si cette vente devait être approuvée, elle pourrait compromettre très sérieusement les domaines reliés à la technologie de Radarsat et au bras robotique spatiale, tant au plan scientifique, qu'économique ou stratégique. » (Radio Canada, 2008)

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Aussi, le ministre Prentice a finalement déclaré : « J'ai pris la décision de rejeter la transaction proposée mardi. À mon avis, la transaction proposée ne procurait pas un avantage net au Canada. » (Radio Canada, 2008) Bien que certains estiment que la transaction fut refusée pour la question de sécurité nationale, la décision officielle a été établie sur la base de l’examen sur les investissements étrangers. Ce fut le premier refus de l’État à la suite de l’établissement de la LIC.

On peut donc conclure dans ce cas que le processus légal laisse une marge de manœuvre à l’état quant aux critères de décisions. Le ministre a dit que la transaction n’était pas à l’avantage net du Canada. Par contre, il ne mentionne pas sur quels critères il s’est basé pour appuyer sa décision. De plus, il y avait des préoccupations sur plusieurs facteurs soit : la perte d’expertise, l’atteinte à la sécurité nationale et la perte d’une entreprise de notoriété internationale. On peut donc penser que pour des raisons stratégiques et politiques, le gouvernement a préféré s’en tenir à l’avantage net au lieu d’utiliser la question de sécurité nationale.

1.5 Achat de compagnies dans les anciens secteurs protégés Bien que le Canada ait enlevé certaines restrictions dans plusieurs secteurs, l’État

démontre, par ses actions, qu’il est toujours sensible aux IDE dans certaines industries. Effectivement, deux acquisitions dans des secteurs qui étaient anciennement protégés ont été refusées dernièrement. Le premier cas a été très médiatisé et concernait Potash Corp. En 2010, BHP Billiton PLC voulait acheter Potash Corp. pour un montant de 38,6 milliards de dollars. Toutefois, la province de Saskatchewan s’était fortement opposée à cette acquisition. Celle-ci estimait que la transaction lui aurait fait perdre près de huit milliards de dollars en taxes et redevances. À la suite des pressions populaires, le ministre Tony Clement a communiqué à BHP Billiton PLC que, selon lui, la transaction ne représentait pas un avantage net puisque trois critères dans la LIC n’étaient pas remplis. En effet, ceux-ci concernaient la capacité du Canada à faire face à la concurrence sur les marchés mondiaux, la productivité, le rendement et l’innovation au Canada ainsi que le niveau général de l’activité économique du pays. Il donna un délai de 30 jours à l’entreprise pour présenter une demande d’acquisition adaptée. À la suite de cette requête, BHP retira son offre. Toutefois, Potash Corp, qui produit 30 % de la potasse mondiale, sera de nouveau visée par des investissements étrangers dans un avenir proche (Guigné, 2010). Encore une fois, le ministre a bloqué la transaction citant que cette dernière ne semblait pas amener un avantage net au pays. Il semble cependant y avoir des raisons de contrôle stratégique de la ressource derrière cette décision.

Une autre transaction très récente a été bloquée. Le 7 octobre 2013, Accelero a fait la demande d’achat de la compagnie de télécommunications Allstream. Cette transaction a été refusée pour cause d’atteinte à la sécurité nationale. C’est la première fois que le gouvernement utilise cette clause de la LIC pour rejeter une demande d’acquisition. Le secteur des télécommunications a longtemps fait l’objet de protections supplémentaires en ce qui a trait aux investissements étrangers. Dernièrement, le gouvernement a annoncé qu’il enlevait les barrières à l’investissement dans ce secteur. C’est pourquoi ce fut très étonnant de constater le refus de la demande d’acquisition d’Accelero.

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Dans le communiqué du ministre Moore, on pouvait lire: « MTS Allstream operates a national fibre-optic network that provides critical telecommunications services to businesses and governments, including the Government of Canada » (Globe and mail, 2013) Comme la compagnie est un fournisseur du gouvernement canadien, l’acquisition d’Allstream aurait pu permettre à Accelero d’intercepter des communications confidentielles portant sur la sécurité nationale. Accelero s’étonna de la décision d’autant plus qu’elle s’était pliée aux demandes du gouvernement tout au long du processus : « Throughout this process, we were comforted by Industry Canada that our filings were in order, our submissions complete and constructive, and our proposed binding undertakings serious and substantive so that the transaction would mee the 'net benefit' test. » (Newswire, 2013), a dit le cofondateur d’Accelero.

Dans ces deux cas, on peut constater que, malgré l’élimination des barrières sectorielles sur les investissements directs étrangers au Canada, une réticence du gouvernement persiste quant aux acquisitions dans ces secteurs. À l’aide d’outils légaux plus ou moins transparents, l’État peut refuser des transactions sans avoir à en divulguer la raison, notamment à l’aide de l’examen sur la sécurité nationale. Ces méthodes, bien que controversées, permettent d’assurer le contrôle des industries dans le pays.

1.6 La notion de nationalité des entreprises

La nouvelle division internationale du travail a un impact sur les compagnies canadiennes, mais aussi sur les entreprises étrangères opérant au Canada. C’est ainsi qu’on assiste à d’importantes délocalisations de la part des firmes nationales afin de rester compétitifs. Par ailleurs, des sociétés étrangères, dans le souci de se rapprocher de leur clientèle et d’améliorer leur marge, investissent et s’installent de plus en plus au Canada.

L’une des compagnies canadiennes les plus citées dans le cadre de ses délocalisations est Bombardier. Nous pouvons, par exemple, parler du déménagement, en 2006, d’une partie de la production de Bombardier Aéronautique au Mexique (Tison, 2011a). Cette décision fut justifiée par une nécessité de diminuer les coûts de production et se traduisit par un transfert de plus de 600 emplois. Certaines PME québécoises, fournisseurs de Bombardier, ont même songé à le suivre pour être proches du client et garder les contrats. En 2008, Bombardier Transport investit 250 millions de dollars à Querétaro pour des installations d’assemblage (Bombardier, 2013a). En cinq ans, elle a multiplié par 10 le nombre d’employés au Mexique, alors que le nombre de licenciements ou de mise à pied au Canada, pour manque de contrat, se compte par centaines (Tison, 2011b). Au mois de novembre 2012, les employés de son usine de La Pocatière ont déclenché une grève pour dénoncer les activités de sous-traitance internationale de leur employeur. Bombardier venait d’annoncer son intention de transférer aux É.-U. et dans d’autres pays l'exécution des activités de production, notamment pour les contrats avec la Chicago Transit Autorithy, le New Jersey Transit et la Société de Transport de Montréal (STM). Ces activités auraient pu créer plus de 700 emplois dans la région. Les grévistes réclamaient que « Bombardier se comporte en bon citoyen corporatif et respecte ceux qui l’ont aidé à grandir » (TVA Nouvelles, 2012).

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En 2013, la société a transféré au Mexique la production de ses motos marines et plus de 500 emplois ont été touchés au Québec (Bérubé, 2012).

Toujours, dans la même perspective, l’entreprise n’a pas hésité à déplacer en Europe le centre de gravité de sa division ferroviaire. Cela, dans le but d’être proche de ses principaux clients puisque l’Europe représente le premier marché mondial dans ce secteur. C’est à la suite de ce mouvement que Jean Bergé, patron de Bombardier Transport France a affirmé : « Nous sommes français en France, Allemands en Allemagne, Italiens en Italie » (Lion, 2010). La Chine bénéficie également de cette tendance de délocalisation. Bombardier compte aujourd’hui plus de 4000 employés dans ce pays. Il faut souligner que la Chine lui apporte aussi beaucoup de marchés : un tiers de la flotte aérienne chinoise, soit plus de 100 appareils et plus de 80 trains à très grande vitesse (Bombardier, 2013b). En six ans, l’achat de pièces et de services dans des pays à bas coûts chez Bombardier transport est passé de 50 millions $ US à plus de 1 milliard US (La Presse canadienne, 2011). En 2013, elle compte environ 71 700 employés dans le monde dont 36 500 en Amérique du Nord (Bombardier, 2013c).

Par ailleurs, nous observons que des multinationales étrangères contribuent activement à la création de richesse et d’emplois au Canada. Nous pouvons citer l’exemple de Toyota qui est présent dans la plupart des provinces via ses concessionnaires ou ses usines de fabrication (pièces détachées, véhicules). Cette société automobile japonaise emploie des milliers de Canadiens. Près de la moitié, des véhicules vendus au Canada sont produits sur le territoire national. Ces voitures sont conçues pour répondre aux besoins spécifiques des Canadiens, notamment pour affronter les hivers rigoureux. Toyota est également très engagée au sein des communautés dans lesquelles elle travaille. Cet engagement se réalise à travers plusieurs organismes (fondation Toyota Canada, classe verte Toyota Evergreen, etc.). Son sens de la responsabilité sociale se concrétise par des actions sur trois secteurs : l’éducation, l’environnement et la sécurité.

À travers ces exemples, il apparaît que les multinationales, quelles que soient leurs nationalités, cherchent à réaliser leur production dans un pays où leur efficience est maximisée. L’amélioration de la compétitivité est un but commun à toutes les entreprises. Les compagnies canadiennes comme Bombardier ont des filiales dans tous les continents (à l’exception de l’Océanie). Des compagnies étrangères apportent une contribution non négligeable au développement du Canada. La nationalité des entreprises n’a donc vraisemblablement plus une grande importance, ce sont les activités et la valeur créée pour les pays qui importent.

2. ÉVOLUTION DE LA SITUATION DES IDE DANS LE MONDE

Depuis le début du siècle, la situation financière des différentes économies du monde a connu des soubresauts importants affectant, au passage, les investissements directs à l’étranger. Les traces laissées par la dernière crise financière sont encore bien présentes et la reprise sera plus longue que prévu en raison, principalement, de la fragilité économique globale et des politiques économiques incertaines. Par conséquent, les IDE globaux ont connu une baisse de 18 % pour se situer à 1,35 billion $ en 2012. Aussi, les estimations tendent vers une reprise graduelle d’ici les prochaines années : 1,6 billion (2014) et 1,8 billion (2015) (UNCTAD, 2013).

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Figure 3 : Évolution des entrées et des sorties des IDE

Source : OCDE International direct investment statistics database Les fluctuations globales des dernières années peuvent être regroupées en 3

grandes périodes (voir figure 3). Premièrement, les années 90 sont caractérisées par une très forte croissance expliquée par l’effervescence entourant la propagation des moyens de technologies. Deuxièmement, les années 2000-2003, avec l’éclatement de la bulle Internet, connurent une crise importante qui fut prolongée par les attentats du 11 septembre 2001 et la Xénophobie arabe qui s’ensuivit. La troisième période, entre 2004 et 2007, fut caractérisée par une importante reprise de l’économie et des IDE dans le monde. En effet, la montée en puissance des pays émergents tels que ceux du BRICS (Brésil, Russie, Chine et Afrique du Sud), de même que ceux constituant le MIKT (Mexique, Indonésie, Corée du Sud et Turquie), galvanisa le marché et contribua à la forte montée des IDE. Cependant, la récente crise financière de 2007 prit de court les marchés mondiaux et diminua considérablement les entrées et les sorties de capitaux.

La récession, causée par la récente crise, eu des impacts considérables sur l’ensemble des marchés et affecta profondément les transferts d’IDE. Tout d’abord, elle affaiblit les finances des entreprises, affectant même les institutions les plus solides telles que les géants de l’industrie automobile américaine GM, Ford et Chrysler. Ensuite, elle a grandement touché le secteur bancaire, qui a depuis augmenté ses exigences en matière de financement. De plus, un certain pessimisme relatif aux investissements s’est installé et les États ont commencé à être plus sélectifs en matière d’IDE. En ce sens, ce phénomène est facilement visible en portant attention à l’évolution des politiques des IDE dans le monde dans le graphique suivant (Figure 4).

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Figure 4 : Évolution des changements des politiques nationales relatives aux IDE

Source : UNCTAD Investment policy monitor : a periodic report. Ainsi, il est possible de constater que le taux de libéralisation des marchés est en

baisse depuis le tournant des années 2000 et que les restrictions et les réglementations ont connu une croissance soutenue durant la même période. Deux phénomènes viennent expliquer ces droites. D’une part, tel que mentionné précédemment, la récente crise a entraîné une plus grande vigilance de la part des États concernant l’évaluation des IDE sur leurs territoires. D’autre part, la montée en importance des pays émergents favorise l’implantation de mesures libérales et l’ouverture des marchés aux investissements internationaux. Atténuant la baisse significative des politiques d’investissement enregistrée depuis le tournant des années 2000. Par ailleurs, l’année 2012 a été déterminante pour les pays émergents qui ont accueilli, pour la première fois de l’histoire, plus d’investissements que leurs semblables développés avec 52 % de tous les IDE dans le monde (ONU, 2013). Toutefois, ce changement marquant a entamé et entraînera de profonds bouleversements sur la scène internationale avec l’arrivée de nouvelles entités telles que les organisations à caractère étatique. Il sera donc intéressant de demeurer à l’affût des réactions internationales face à cette nouvelle ère de perturbations économiques, sociales et politiques.

2.1 Analyse des politiques de sécurité économique et nationale par l’OCDE La situation actuelle caractérisée principalement par une hausse des politiques

sélectives des IDE s’avère préoccupante. En ce sens, l’OCDE a entamé un processus de réflexion intitulé Freedom of Investment, National Security and Strategic Industries afin de faire le point sur le sujet. Le groupe constitué des pays membres de l’organisme, de même que les pays composants le BRICS et certains pays affiliés a été en mesure de tirer quelques conclusions. Tout d’abord, un constat général est ressorti de la discussion à savoir qu’il n’y a pas de définition unique du principe de sécurité nationale en raison des différentes politiques nationales. Toutefois, quelques principes communs demeurent et les participants ont été en mesure de s’entendre sur trois grandes lignes directrices.

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Le premier principe repose sur la proportionnalité. Les restrictions sur les investissements ne devraient pas être plus coûteuses ou plus discriminatoires que ne le demandent les objectifs relatifs à la sécurité. Aussi, elles ne devraient pas prévaloir sur d’autres politiques plus efficaces pour l’évaluation d’un investissement spécifique. Le deuxième principe se réfère à la prédictibilité des politiques et la nécessité de demeurer le plus transparent possible lorsque vient le temps de prendre une décision relative à la sécurité économique ou nationale. Sur ce point, il est compréhensible qu’un certain niveau de confidentialité doive demeurer entre les investisseurs et la législation nationale. Toutefois, dans un souci de transparence et d’anticipations des répercussions d’une décision, il est crucial de communiquer le plus d’information possible. Le troisième fondement a trait à la responsabilisation des instances juridiques afin d’éviter toute source de biais partisane. Autrement dit, éviter les interférences politiques non nécessaires ou non régulières lors du jugement d’un investissement étranger. Somme toute, malgré le consensus obtenu lors de cette discussion, le projet de l’OCDE demeure à sa phase embryonnaire et n’a donc pas force de loi sur les politiques nationales. Néanmoins, l’objectif futur du projet sera d’établir un processus de dialogue et de révision au sein de même des autorités nationales afin de tenter d’uniformiser et d’éclaircir les politiques nationales des pays (OCDE, 2007)

2.2 Cas des États-Unis Afin de mieux comprendre les législations canadiennes en matière de gestion des

IDE, il s’avère important d’analyser la situation de son principal partenaire commercial : les États-Unis. Notre voisin du Sud demeure le chef de file en matière d’investissement avec 168 billions de dollars entrants et 329 billions de dollars sortants malgré un déclin marquant (respectivement 26 % et 17 %) au profit des pays émergents (ONU, 2013).

Au pays de l’oncle Sam, les politiques relatives aux investissements sont organisées de manière à ce que les bénéfices obtenus soient supérieurs aux coûts engendrés. En ce sens, les entreprises étrangères sont, en théorie, traitées au même degré d’impartialité que les entreprises américaines. Toutefois, les investissements relatifs à certains secteurs clés et ceux touchant les différents paliers gouvernementaux sont rigoureusement contrôlés et réservés aux entreprises locales. En effet, malgré une culture d’ouverture aux IDE très marquée, les Américains ont des normes très strictes reliées à certains domaines spécifiques. Leur position en matière de restriction d’IDE s’exécute autour du principe de menace crédible pour la sécurité nationale.

L’organisme responsable des interventions liées à la sécurité est le Commitee of Foreign Investment in United States (CFIUS). Celui-ci a reçu, du Président des États-Unis, le mandat de réviser les investissements pouvant mettre en péril la sécurité économique et nationale du pays sous la loi Exon-Florio Amendment to the Defense production Act of 1950. Celle-ci se veut un moyen de régir les investissements étrangers réalisés au sein des firmes américaines existantes, via les fusions, les acquisitions ou les prises de contrôle. Par contre, elle ne réglemente pas les nouvelles entreprises s’établissant sur le territoire américain. Également, la loi Exon-Florio ne définit pas explicitement en quoi consiste la sécurité nationale puisque le Congrès américain se réserve le droit d’interpréter le terme selon les circonstances (Jackson, 2013).

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Bref, le comité a comme objectif premier d’établir un équilibre dynamique entre les IDE et les politiques à caractère protectionniste afin d’obtenir une situation optimale qui avantagera à la fois l’économie américaine et l’entreprise étrangère.

Afin de déterminer la légitimité d’une proposition d’investissement, ou un dossier en cours, le CFIUS exécute un processus d’analyse composé de trois étapes. Il dispose de 30 jours afin de procéder à la révision du dossier et de 45 jours pour conduire une analyse en profondeur. Par la suite, le rapport est envoyé au Président des États-Unis qui aura 15 jours pour trancher. Ce dernier étant la seule personne en mesure d’interrompre ou d’annuler une acquisition ou une fusion. (Jackson, 2013) Cette procédure a vertement été critiquée ces dernières années lors de deux évènements forts médiatisés : la tentative de rachat d’Unocal et la vente de P&O (Peninsular&Oriental Steam Navigation Co.).

Le premier cas, qui eut lieu en 2005, concernait le rachat de la compagnie pétrolière californienne Unocal Corporation par la Chinese National Off-shore Oil Company (CNOOC) dont le capital est entièrement contrôlé par le gouvernement chinois. Bien que l’offre d’achat de la multinationale asiatique ait été la plus généreuse, la vente a été avortée à la suite des critiques émises par le Congrès américain. En effet, celui-ci voyait en la transaction une menace directe à la sécurité économique du pays. Les raisons avancées étaient la grande dépendance du pays à l’or noir et la montée en puissance de la Chine sur le plan international. Les opposants à la transaction craignaient donc de dépendre du gouvernement chinois dans l’un des secteurs d’activités les plus importants pour l’économie américaine, le transport. Le CFIUS a donc fait appel à l’amendement Exon-Florio et le Président Georges W. Bush a ultimement imposé son droit de veto. Unocal a finalement été acquise par sa compatriote Chevron Texaco pour la somme de 16,4 G$, soit 2,1 milliards de moins que l’offre chinoise (Byrne, 2006).

Le second cas controversé s’est déroulé l’année suivante lorsque l’opérateur portuaire Dubaï Ports World s’est porté acquéreur de P&O, compagnie britannique opérant sur le territoire américain, pour la somme de 6,8 G$. La polémique entourant la transaction avait pour cause les différentes préoccupations du peuple américain en lien avec la sécurité nationale. En effet, celui-ci craignait que le fait de donner accès aux ports à une compagnie arabe favorise l’apparition de nouveaux actes terroristes similaires à ceux du 11 septembre 2001. Le comité a donc étudié le dossier et le Président Bush a finalement tranché, après un délai additionnel spécial, en faveur de la transaction, à condition que DPW se départisse de ses accès aux 6 ports américains (Byrne, 2006).

Finalement, ces deux situations ont incité le gouvernement à entamer des procédures administratives afin d’ajuster leurs politiques pour améliorer le processus de traitement des IDE et pour accroître le pouvoir décisionnel du CFIUS (Byrne, 2006). L’analyse des cas américains nous permet donc de tracer un parallèle avec la situation canadienne. Ainsi, tel que son vis-à-vis américain, le gouvernement du Canada devra continuer de tenir compte des intérêts nationaux lorsqu’il analyse un IDE. De plus, il devra faire attention à ne pas tomber dans le piège des politiques protectionnistes. Bref, il devra être en mesure de trouver un juste équilibre entre les deux.

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3. CONCLUSION ET DÉBAT

À l’issue de l’analyse de la situation présentée dans ce document, il est possible de comprendre que la question de la sécurité économique et nationale demeure d’actualité de même qu’une source de grandes polémiques. La gestion actuelle du gouvernement en matière d’investissements directs à l’étranger demeure opaque et imprévisible pour les parties prenantes tout comme pour la population. Malgré l’ouverture récente de certains secteurs, dits stratégiques, le gouvernement canadien conserve un processus d’examen très pointilleux comparativement à la majorité des autres pays développés. Par ailleurs, le Canada, devenu principal importateur de capitaux étrangers, se doit de revoir et d’adapter ses politiques afin d’attirer de potentiels investisseurs. Toutefois, il doit également apprendre à composer avec l’arrivée de joueurs non traditionnels tels que les SOE qui bénéficient d’un appui de taille de la part de leur gouvernement national et de la rigueur de leur économie. Des pays tels que la Chine et le Brésil démontrent des intérêts grandissants envers les ressources du Canada et ce dernier devra trouver le juste milieu entre développement économique et sécurité. À ce niveau, la Loi sur Investissement Canada demeure un outil de taille afin d’éclaircir le jugement des autorités, mais devra vraisemblablement subir quelques ajustements. Somme toute, il est possible de déterminer, à la lumière de cette brève analyse, que les SOE peuvent représenter de bons partenaires commerciaux dans la mesure où la législation en place est adéquate et où les intérêts des parties sont davantage économiques que géostratégiques.

Par ailleurs, le document présenté se veut une introduction à un processus de réflexion relatif aux IDE et à leurs impacts sur la sécurité. Ainsi, tel qu’abordé par M. Mudambi, lors du Colloque sur le Capitalisme d’État tenu le 23 et 24 novembre 2013, les multinationales sont caractérisées par 3 grandes composantes : séparabilité, mobilité et valeur. De même, une tendance générale de connectivité globale a fait son apparition avec la propagation de la division internationale du travail (Mudambi, 2013). Dans cette mesure, où les activités semblent s’organiser davantage en terme de spécialité qu’en terme de nationalité, est-il toujours pertinent de parler de fleurons nationaux? Également, quels sont les traitements que le Canada devra réserver aux entreprises étatiques désirant s’implanter sur son territoire? Finalement, quelles seront les nouvelles règles à adopter en matière de gestion des nouveaux joueurs issus des pays émergents et en émergences? Ces pistes de réflexion pourront certainement aider le Canada à profiter des investissements internationaux et à demeurer compétitif sur la scène mondiale.

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IV. LES BESOINS EN RESSOURCES NATURELLES DE L’INDE ET DE LA CHINE

Gabriel Conea, [email protected]

Majdouline Ibnoueddine, [email protected] Tania Lefrançois, [email protected]

Rita El Otmani, [email protected] Simon P. Boily, [email protected]

Résumé

En Chine comme en Inde, la croissance de l’économie et l’augmentation de la

population ainsi que de l’urbanisation ont provoqué une forte pression sur la demande en ressources naturelles, notamment sur les ressources énergétiques et minières. La Chine fait face à un déficit croissant dû à une demande énergétique exponentielle, essentiellement en terme de charbon, de pétrole et de gaz naturel. Concernant les ressources minières, la consommation de cuivre, de zinc et de nickel dépasse la production nationale, entraînant d’importants déficits. Quant à l’Inde, la croissance de la demande énergétique est principalement due aux besoins croissants en électricité, ce qui entraîne une consommation accrue en charbon et en gaz naturel. Pour les ressources minières, nos recherches ont soulevé un risque de pénurie en aluminium et différents risques concernant la production d’acier. Les gouvernements de la Chine et de l’Inde ont implanté diverses mesures afin de faire face à ces risques puisque ces ressources sont essentielles au soutien de la croissance de ces deux pays émergents. Ces mesures encouragent notamment les investissements directs étrangers, ce qui occasionne des défis importants pour le Canada, un pays riche en ressources naturelles. Le Canada est particulièrement attrayant puisque le risque politique y est faible et que le climat économique est propice aux investissements.

En cette période de mondialisation, les investissements directs étrangers sont de

plus en plus fréquents et importants. En effet, par le biais de la création de joint-ventures ou de fusions/acquisitions les entreprises sont de nos jours de plus présentes à l’international et cette réalité influence les investissements directs étrangers. Les investissements peuvent être de plusieurs natures dont certains concernent l’approvisionnement et l’exploitation de ressources naturelles. Certains pays ont une population importante tout en étant grandissants. Cette réalité suppose des enjeux et des défis futurs en ce qui a trait aux ressources naturelles. En effet, où ces pays doivent s’approvisionner en cas de manque de ressources et comment doivent-ils le faire? C’est le cas par exemple de l’Inde et de la Chine qui sont les deux pays les plus populeux du monde et qui vont être aux prises avec de grands défis d’approvisionnement en ressources naturelles. Le Canada est un grand pays avec de grandes réserves de ressources naturelles et une population relativement faible. Il sera donc ici question dans ce rapport de faire état sur les besoins de l’Inde et de la Chine en termes de ressources naturelles. Puis, une analyse sera établie afin de déterminer en quoi le Canada pourrait être intéressant pour ces deux pays à savoir si les investissements directs étrangers apparaissent comme une solution pour ces deux pays.

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1. BESOINS EN RESSOURCES NATURELLES DE LA CHINE

1.1 Trois Facteurs de la Croissance de la Demande en Ressources Naturelles

1.1.1 La Croissance De L’Économie

Le pays a maintenu une forte croissance économique au cours des dernières années, avec une croissance moyenne du PIB de 10,50 % entre 2004 et 2012, la plus forte croissance annuelle moyenne du PIB par habitant selon l'OCDE. D’après les prévisions, cette croissance devrait continuer jusqu’en 2030 (OCDE/IEA, 2012). De plus, la chine a connu une industrialisation rapide basée principalement sur l’industrie lourde qui consomme à elle seule 80 % de l’énergie disponible.

1.1.2 La Croissance De La Population

Actuellement, la Chine est composée de près de 1,3 milliard d’habitants. Les estimations de la population prévoient 3 scénarios possibles pour la démographie chinoise. Dans le meilleur des cas, le nombre total de la population devrait baisser pour atteindre 1,2 milliard d’habitants pour 2050, un autre scénario quant à lui prévoit une augmentation soutenue de la population pour atteindre 1,6 milliard d’habitants d’ici 2050 (United Nations, China National Bureau of Statistics, 2011).

1.1.3 La Croissance De L’Urbanisation

Force est de noter que l’urbanisation de la Chine croît à un rythme sans précédent. Si les tendances actuelles se maintiennent, la population urbaine de la Chine atteindra le milliard en 2030. En 20 ans, les villes chinoises auront 350 millions de personnes de plus, un chiffre équivalent à l'ensemble de la population des États-Unis aujourd'hui (McKinsey, 2011).

1.2 Les Besoins de la Chine en Ressources Énergiques

1.2.1 Charbon

Bien que le gouvernement chinois ait entrepris des plans ambitieux pour promouvoir l'utilisation de solutions plus écologiques, nous croyons que le charbon restera la pierre angulaire du portefeuille de l'énergie du pays au cours de la prochaine décennie. Contrairement au pétrole et le gaz, le charbon est généralement moins cher à exploiter et plus facile à transporter. En 2040 les prévisions annoncent que la chine restera dépendante au Charbon comme étant source principale de production d’électricité. Cependant, la part de son utilisation passera de 77 % à 63 % (OCDE/IEA, 2012).

Il est important de noter que la Chine est le plus grand producteur de charbon dans le monde et détient la troisième réserve mondiale. Le charbon y représente environ 70 % de la consommation totale d'énergie primaire.

Le pays a ressenti un déficit pour la première fois en 2009 comme le montre le graphique (OCDE/IEA, 2012) et pourrait être expliqué par une consommation effrénée qui devrait se poursuivre pour atteindre 4.8 milliards de tonnes en 2020 (Business monitor international, 2013) comparativement à 4 milliards en 2011.

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1.2.2 Pétrole

La consommation de pétrole devrait continuer à augmenter pour atteindre 12,1millions de b/j en 2017 faisant apparaître un déficit de 7,2 millions de barils de pétrole par jours (Business monitor international, 2013). L'EIA prévoit par ailleurs que la Chine va devoir importer environ 75 % de son pétrole brut en 2035. Pourtant, la Chine a détenu une réserve importante de pétrole de 20,4 milliards de barils de pétrole en 2012, en hausse de plus de 4 milliards de barils en comparaison à 2009, soit la réserve la plus élevée dans la région Asie-Pacifique (Oil & Gas Journal (OGJ).

La production de pétrole de la Chine à l’international a sensiblement augmenté, au cours de la dernière décennie, passant de 140 000 barils/jour en 2000 à plus de 1,5 million de barils par jour de production de pétrole en 2011 (OCDE/IEA, 2012). La CNP prévoit par ailleurs d’augmenter la part de production de pétrole à l’international de 20 à 30 % d’ici 2015 (PFC Energy, 2012).

Figure 1 : Production de pétrole de la Chine

Source : Business Monitor International

1.2.3 Gaz Naturel

La production de gaz va continuer à croître (de108.4bcm en 2012 à 135.7bcm en 2017). Cependant, la consommation du gaz naturel va suivre également suivre le même rythme pour atteindre 221.7bcm (milliard de mètres cubes) en 2017 et générer donc un déficit de 85 milliards de mètres cubes (Business monitor international, 2013).

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La Chine est devenue à ce titre un importateur net de gaz naturel pour la première fois en près de deux décennies en 2007 et a importé sa première cargaison de GNL pour intensifier par la suite son volume d’importation jusqu’à atteindre 586 milliards de pieds cubes / an en 2011.

1.3 Politiques et Nouvelles Mesures

1.3.1 La Diversification Des Types D’énergies Et Des Sources D’approvisionnement

Le gouvernement tente de réduire la consommation interne de pétrole en mettant l’accent sur l’utilisation d’autres sources d’énergie. La stratégie énergétique vise le développement de nouveaux types d’énergies : liquéfaction du charbon (CTL); développement d’infrastructures pouvant accueillir le gaz naturel (sous forme de gaz et liquide [GNL]); puisqu’environ la moitié des importations de gaz naturel de la Chine sont sous forme de GNL; production de CBM (coal bed methane) et d’éthanol; et promouvoir la production d’énergies renouvelables.

La Chine qui est de plus en plus dépendante des importations d'énergie tente de diversifier ces sources d’approvisionnement. Pour ce qui est du pétrole, l'Arabie saoudite et l'Angola sont classés comme les deux plus grands importateurs de la Chine et représentent ensemble près d'un tiers du total des importations de pétrole brut. Les principaux importateurs de GNL sont l’Australie, l’Indonésie et le Qatar. La Chine importe de l’énergie également de la Russie, d’Asie Centrale, d’Afrique et d’Amérique latine. Comme alternative aux exportations, l’État chinois soutient ses firmes multinationales pour optimiser leur porte-folio énergétique international avec l’acquisition d’actifs dans des compagnies à l’étranger monde, mais également à travers les investissements directs à l’étranger et la formation de coentreprises internationales pour faciliter le transfert de technologies et de connaissances.

1.3.2 La Réforme du Secteur Énergétique En Termes d’Infrastructures

L’accent est mis sur l’amélioration de l’efficience énergétique en améliorant les infrastructures et en fermant les usines illégales (surtout dans le secteur du charbon) ainsi que celles qui utilisent des moyens de production obsolètes, polluants et inefficaces.

Le

gouvernement chinois s’est rendu compte de la nécessité de moderniser l’équipement du secteur industriel, plus grand consommateur d’énergie, afin d’en améliorer l’efficience énergétique. Ceci requiert des investissements majeurs dans le développement de nouvelles technologies avec une recherche accrue en matière d’efficience énergétique, d’innovation et de coopération technologico-scientifique, d’où l’importance de stimuler les investissements directs étrangers.

1.3.3 La Reconception de la Politique et de la Sécurité Énergétique

Il s’agit de l’intégration de trois points essentiels (énergie, économie et politique étrangère)

dans le but de créer le « système » de sécurité énergétique chinois. Ceci

suppose de réduire la consommation, de coordonner le secteur de l’énergie avec le développement durable et de se tourner progressivement vers les technologies vertes.

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Cependant, la structure de consommation énergétique de la Chine est encore, puisque reposant sur principalement sur le charbon (70 % de la consommation totale de la Chine), en contradiction avec ce modèle scientifique de développement.

1.4 Les Besoins de la Chine en Ressources Minières

De façon générale, la consommation dépasse largement la production dans presque tous les types de métaux en Chine. La croissance de la consommation des métaux connaîtra un léger ralentissement au cours des années à venir avec la consommation de l'acier étant la plus durement touchée, mais le marché des métaux restera malgré tout un marché significatif qui croit plus rapidement que la plupart des pays du monde et la Chine resteront fortement dépendants de minerai de fer à haute teneur (contenu de 62 %) de pays étrangers. La croissance dans le secteur de l'automobile augmentera le besoin en plomb et dans une moindre mesure celui de l'aluminium. Pour le moment, le pays reste très dépendant des importations de pays comme le Brésil, l’Australie, le Niger, et d’autres. Dans ce qui suit, ne seront traitées que les ressources où la Chine a actuellement un déficit.

1.4.1 Le Cuivre

Le pays est le plus grand producteur et consommateur de cuivre au monde, représentant 28,5 % et 43,2 % du total mondial respectivement en 2012. Avec un déficit persistant dans la production de cuivre. Le graphique de la figure 2 indique une balance négative depuis plusieurs années et qui s’est accentuée en 2009 (Business Monitor International, 2013). Le pays a représenté une proportion croissante des importations mondiales au cours de la dernière décennie, avec 41,8 % en 2012 et les prévisions indiquent un déficit plus important d’ici 2017 (Business Monitor International, 2013).

Figure 2 : Production, Consommation Et Balance Du Cuivre En Chine (KT)

Source : Business Monitor International, 2013

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1.4.2 Le Zinc

Il faut noter que le zinc repose sur le secteur de l'acier pour la grande majorité de la demande globale. Le métal est un élément fondamental dans la fabrication de l'acier galvanisé. Étant donné que l’acier sera le métal le plus touché dans le futur, le zinc le sera aussi. Le graphique de la figure 3 montre quand même le creusement de la balance atteignant un déficit de 752 kilotonnes en 2017 puisque la consommation, même ralentie, continuera à croître avec une moyenne de 4 % d’ici 2007 au lieu de la croissance à deux chiffres enregistrée la dernière décennie (Business Monitor International, 2013).

Figure 3 : Production, Consommation Et Balance Du Zinc En Chine (KT)

Source : Business Monitor International, 2013

1.4.3 Le Nickel

La Chine est le plus grand producteur, consommateur avec respectivement 33 % et 47 % des parts en 2012, mais également le plus grand importateur de nickel dans le monde avec des importations de l’ordre de 25 % du total mondial dans la même année. Les prévisions sur le graphique indiquent que la production de nickel va croître à un taux annuel moyen de 7,4% pour atteindre 890 000 tonnes en 2017 (Business Monitor International, 2013), tandis que la consommation augmentera de 6,7 % par an sur la même période, pour atteindre 1,15 million de tonnes (mnt). On peut facilement en déduire le déficit en 2017 qui sera d’environ 275 kilotonnes (Business Monitor International, 2013).

1.4.4 L’Uranium

On remarque que la part du nucléaire dans les ressources de la Chine est passée de 1,3 % à 9,7 % de 1973 à 2012 (Banque Mondiale, 2013). La Chine a généré environ plus de 70 térawatts heure (TWh) d'énergie nucléaire en 2010, soit environ 2 % de la production nette totale. La Chine essaie de promouvoir activement l'énergie nucléaire comme une source d'énergie propre et efficace de production d'électricité (Banque Mondiale, 2013).

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Figure 4 : Production, Consommation et Balance du Nickel en Chine (kT)

Source : Business Monitor International

Bien que la capacité nucléaire de la Chine soit de 12,5 GW, elle ne représente

qu'une petite fraction de la capacité de production installée. Bon nombre des principaux développements qui ont lieu dans le secteur de l'électricité chinoise, implique l’utilisation l'énergie nucléaire. Aujourd’hui, le pays compte 17 réacteurs nucléaires de puissance en service, 30 en construction, et encore plus sur le point d’être conçu.

1.5 Les Mesures prises par la Chine pour Remédier aux Déficits en Ressources Naturelles

La politique chinoise en termes de métaux a pour but de garantir l’approvisionnement à long terme. La Chine a supprimé la taxe de 17 % existante sur l’importation des matières cuprifères (minerais et ferrailles de cuivre), par contre elle n’a pas annulé celle sur le cuivre affiné, ceci favorise les importations de minerais et soutient les raffineurs chinois. La troisième session plénière du 18e congrès du Parti communiste chinois a été conclue avec les changements suivants :

- Le gouvernement veut améliorer les pratiques opérationnelles des entreprises étatiques;

- Éliminer les coûts excédentaires et garantir une plus grande transparence dans la fixation des prix;

- Le secteur privé sera mieux pris en compte dans l'attribution des nouveaux projets;

- les entreprises d'État devront se réorganiser ou être consolidées.

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Le gouvernement chinois prévoit d'augmenter la capacité nucléaire à au moins 70 GW d'ici 2020 et de construire des stocks d'uranium stratégiques grâce à des achats à l'étranger ainsi que le développement de la production nationale (Business Monitor International, 2013).

Pour le nickel raffiné en Chine, il est largement tiré par l'expansion de la production de la plus grande raffinerie du pays, Jinchuan des métaux non ferreux qui prévoit d'étendre la capacité de production de 90 mille tonnes par an (kT par an) à 300 kT par an en 2014. Le ministère de l'Industrie et de la Technologie de l'information a également annoncé des plans pour 150kT supplémentaires de la capacité de nickel raffinée en 2013 (Business Monitor International, 2013).

Des subventions en termes d’énergie pour les entreprises productrices sont prévues afin de réduire leurs coûts et les encourager à produire plus.

Les importations : la Chine, par le biais de ses compagnies d’état, s'intéresse à l’acier brésilien, au fer argentin, au cuivre du Chili, au nickel de Cuba et aux ressources minières de l’Australie. Plus récemment, elle s’intéresse à l’uranium nigérien et de façon plus générale aux ressources africaines.

2. BESOINS EN RESSOURCES NATURELLES DE L’INDE

2.1 Trois Facteurs de la Croissance de la Demande en Ressources Naturelles

2.1.1 La Croissance De L’Économie

Le ralentissement et la stagnation de l’économie mondiale au cours de la dernière année ont affecté l’économie indienne, les prévisions de croissance ayant été révisées à 5 % pour 2013 (Banque Mondiale, 2013). La croissance fulgurante que le pays a connue ces dernières années devrait toutefois reprendre dans le moyen terme, notamment grâce à une reprise de l’activité économique mondiale et à un regain des investissements (Banque Mondiale, 2013). Ainsi, l’économie est prévue croître de 6,1 % durant l’année fiscale 2014 et de 6,7 % durant l’année fiscale 2015 (Banque Mondiale, 2013).

2.1.2 La Croissance De La Population

Actuellement, l’Inde est composée de près de 1.2 milliard d’habitants, dont près du quart n’a pas accès à l’électricité (OCDE/IEA, 2012). Grâce à sa jeune démographie – âge moyen de 26,2 ans-, l’Inde est censée surpasser la Chine en 2025 comme pays le plus populeux du monde (OCDE/IEA, 2012). La population est prévue croître en décélérant, augmentant de 1,24 % entre 2010 et 2015, 1,08 % entre 2015 et 2020, 0,94 % entre 2020 et 2025 et de 0,8 % entre 2025 et 2030 (Nations Unies, 2012). En 2020, la population de l’Inde est prévue atteindre approximativement 1,35 milliard, et en 2030, 1,48 milliard d’habitants (Figure 5).

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Figure 5 : Prévision de la croissance de la population en Inde

Source : Nations Unies

2.1.3 La Croissance De L’Urbanisation

Environ 377 millions d’Indiens habitent en zone urbaine, soit près de 31 % de la population. Cette proportion est plutôt faible lorsque comparée avec des pays émergents comme la Chine (45 %), l’Indonésie (54 %), le Mexique (78 %) et le Brésil (87 %) (gouvernement de l’Inde, 2013). La proportion d’habitants vivant en zone urbaine devrait atteindre 40 % en 2030 (Banque Mondiale, 2013). Ainsi, les prévisions annoncent qu’en 2031, environ 600 millions d’Indiens vivront en zone urbaine, une augmentation de plus de 200 millions en 20 ans (Gouvernement de l’Inde, 2013).

2.2 Les Besoins en Ressources Naturelles du Secteur Énergétique

2.2.1 Électricité

En 2009, le secteur de l’électricité représentait 38 % des besoins d’énergie totaux de l’Inde et cette proportion est censée atteindre 47 % en 2035 (OCDE/IEA, 2012). Les principales sources de génération d’électricité sont le charbon (71 %), l’hydroélectricité (15 %), le gaz naturel (10 %) et le nucléaire (4 %) (OCDE/IEA, 2012). La capacité de production provient principalement du charbon (56 %), de l’hydroélectricité (20 %), des énergies renouvelables (12 %), du gaz naturel (9 %) et du nucléaire (2 %) (OCDE/IEA, 2012). La consommation d’électricité est censée augmenter de 6 % par année entre 2013 et 2020 (Economist Intelligence Unit, 2013). Lors du onzième Five-Year Plan implanté par le gouvernement et venu à échéance en 2012, 86 % de la capacité ajoutée provenait de nouvelles centrales thermiques, soulignant l’importance de l’approvisionnement en charbon et en gaz naturel (OCDE/IEA, 2012).

2.2.2 Charbon

Le charbon conservera le titre de première source de génération d’électricité en 2030, sa contribution diminuant toutefois de 71 % aujourd’hui à 67 % (BP Statistical Review, 2013). Actuellement, représentant 42 % de la demande totale en énergie, cette proportion est prévue demeurer inchangée d’ici 2035 (OCDE/IEA, 2012). La production nationale augmentera aussi afin de tenter de répondre à la croissante demande, conservant ainsi le titre de carburant le plus produit au pays.

Tableau 1

Prévision De La Population, 2010-2030, Inde

Année Population 2010 1 205 625 2015 1 282 390 2020 1 353 305 2025 1 418 744 2030 1 476 378

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Ainsi, d’ici 2030, la production est prévue croître de 107 %, représentant 67 % de l’énergie produite en 2030 (BP Statistical Review, 2013). Actuellement, le troisième plus grand consommateur et producteur au monde, l’Inde est prévue devenir le deuxième plus grand consommateur de charbon au monde en 2025, tout juste derrière la Chine (OCDE/IEA, 2012). Malgré tout, l’Inde sera fortement dépendante des importations, son déficit étant estimé à 62,957 ktoe en 2011 et à 205,822 ktoe en 2020 (Economist Intelligence Unit, 2013).

2.2.3 Nucléaire

Il y a présentement 20 centrales nucléaires en Inde, représentant 2 % de la capacité de génération d’électricité (Economist Intelligence Unit, 2013). Grâce aux centrales en cours de construction, la capacité nucléaire de génération d’électricité devrait doubler d’ici les prochaines années (OCDE/IEA, 2012). D’ici 2020, 30 centrales nucléaires devraient être opérationnelles, représentant ainsi 4,1 % de la capacité nationale (Economist Intelligence Unit, 2013). La production est censée passer de 4 GW en 2009 à 51 GW en 2035 (OCDE/IEA, 2012).

Les réserves nationales d’uranium sont par contre elles aussi limitées, représentant seulement 1,5 % des réserves mondiales (OCDE/IEA, 2012). Elles sont aussi de qualité inférieure ainsi que située en territoire difficilement accessible, soulignant l’importance des importations dans l’avenir.

2.2.4 Pétrole

En 2035, l’Inde est censée être le troisième plus grand consommateur de pétrole brut au monde après la Chine et les États-Unis (OCDE/IEA, 2012). La demande de produits pétroliers est prévue croître de 6 % par année, tandis que la production nationale est censée rester stable (Business Monitor International, 2013). Les réserves en hydrocarbures étant très limitées – 0,3 % des réserves mondiales –, l’Inde est déjà et deviendra de plus en plus dépendante des importations pour répondre à la croissante demande (OCDE/IEA, 2012). La dépendance aux importations étant déjà de 75 %, cette proportion devrait atteindre 92 % en 2035 (OCDE/IEA, 2012).

2.2.5 Gaz naturel

Propulsée par la croissance de la production d’électricité, la demande de gaz naturel est prévue croître de 19,2 % durant les cinq prochaines années (gouvernement de l’Inde, 2013), ayant finalement triplé d’ici 2035 (OCDE/IEA, 2012). Les réserves nationales étant limitées – 0,6 % des réserves mondiales - le pays devient très dépendant des importations pour répondre à la demande (OCDE/IEA, 2012). Durant l’année fiscale 2011-12, 28 % de l’approvisionnement en gaz naturel provenait des importations. Cette proportion devrait atteindre 70 % en 2017 (OCDE/IEA, 2012).

2.3 Politiques et Nouvelles Mesures

L’organisation gouvernementale Planning Commission a formé un comité d’expert, le Integrated Energy Policy (IEP) chargé de préparer une politique énergétique soutenant la croissance du pays.

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Ainsi, c’est avec une vision à long terme – plus de cinq ans- que le comité tente d’établir des stratégies énergétiques. Cette organisation est aussi responsable de développer, d’implanter et de superviser des plans stratégiques avec une vision pour les cinq années suivantes, chacun incluant une section importante sur les besoins énergétiques et les objectifs de soutenabilité. Le 11e Five-Year Plan, qui est venu à échéance en 2012, a ajouté 62,3 GW à la capacité nationale, ce qui lui a permis d’atteindre une capacité de 199 GW. 86 % de cette contribution provenait de centrales thermiques au charbon et au gaz naturel (OCDE/IEA, 2012). Le 12e Five-Year Plan - 2012-2017- prévoit l’ajout de 76 GW à la capacité de génération d’électricité, dont 83 % proviendrait de centrales thermiques au charbon (OCDE/IEA, 2012). Afin de soutenir la demande, ce plan vise à augmenter la production de charbon de 33 % d’ici 2017 (OCDE/IEA, 2012). Présentement, 13 GW de capacité au gaz naturel est en construction et pourrait s’ajouter à la capacité durant le 12e Five-Year Plan (OCDE/IEA, 2012).

Le conseil du premier ministre sur les changements climatiques (Prime Minister’s Council on Climate Change) a implanté un plan environnemental, le National Action on Climate Change. Ce plan comporte huit « missions », dont deux concernent l’énergie : le Jawaharlal Nehru National Solar Mission (JNNSM) et le National Mission for Enhanced Energy Efficiency (NMEEE). La première mission établit des objectifs d’augmentation de la contribution de l’énergie solaire dans le secteur énergétique et la seconde vise à contracter la demande d’énergie à l’aide de programmes d’efficacité énergétique, tels que la promotion d’équipement à forte efficience énergétique.

Des centaines de programmes et mesures sont implantées afin de répondre à la croissante demande. La majorité de ces programmes visent à augmenter l’offre d’énergie, mais certains visent aussi à contracter la demande. Ces programmes visent notamment l’investissement dans les infrastructures à l’aide de modernisation des équipements et de construction d’installations supplémentaires. De plus, certaines mesures ont comme objectif d’augmenter la contribution des énergies propres à la capacité nationale, notamment grâce au nucléaire, à l’énergie solaire et l’énergie éolienne. Malgré tout, la demande est en si forte croissance qu’aucune mesure ne peut suffire à y répondre adéquatement, et c’est pourquoi la consommation de toutes les ressources énergétiques va continuer d’augmenter durant le court, moyen et long terme (voir annexes X et Y), obligeant le pays à avoir recours aux investissements directs étrangers et aux importations.

2.4 Les Besoins en Ressources Naturelles du Secteur Minier Tout comme le secteur des ressources énergétiques, l’industrie des ressources

minières indiennes connaît actuellement des déficits importants pour certaines des ressources clés pour son économie et son développement. Ceci est surtout attribuable à une demande croissante et à des mesures gouvernementales de plus en plus sévères touchant l’exploration minière en Inde. Notre travail se concentre plus spécifiquement sur les métaux, lesquels sont d’une importance capitale pour la croissance de l’urbanisation du pays. Les métaux les plus importants, autant pour l’Inde que pour sa relation commerciale avec le Canada, sont l’aluminium, le cuivre, l’acier, le zinc et le nickel. Cependant, pour la pertinence de ce rapport, nous nous sommes concentrés uniquement sur ceux qui connaissent un déficit, soit l’aluminium et l’acier.

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2.4.1 Aluminium

Actuellement, le degré d’autosuffisance de l’Inde en aluminium, c’est-à-dire le ratio entre la production et la consommation, est de 78 % (Government of India, 2013). De ce fait, le pays connaît un déficit pour ce métal, qui aura même tendance à augmenter de façon significative dans les prochaines années (Business Monitor International, 2013). La figure 6 montre effectivement que le déficit en aluminium connaîtra une croissance soutenue d’ici à 2017. À partir de 2013, on prévoit que la quantité d’aluminium nécessaire à l’utilisation augmentera, notamment en raison de la croissance économique prévue en Inde.

En effet, l’augmentation de la consommation d’aluminium avoisinera les 6,6 % jusqu’en 2017 (Business Monitor International, 2013). À l’inverse, la production, elle, connaîtra un ralentissement, notamment en raison des nouvelles mesures environnementales qui ont été imposées par le gouvernement indien sur les opérations minières. Le déficit en aluminium de l’Inde est donc en voie de persister et même de se renforcer dans les prochaines années, ce qui fait que le pays deviendra un importateur net pour cette matière première (Business Monitor International, 2013).

Figure 6 : Un Déficit Croissant dans la Balance Production/Consommation de

l’Aluminium

Source : Business Monitor International

2.4.2 Acier

L’acier occupe une place très importante dans l’économie indienne, car ce métal est vu comme étant la porte d’entrée du pays vers l’urbanisation. Dans les prochaines années, l’Inde devrait devenir un important producteur de cette ressource. En effet, l’augmentation de la population et de la consommation en général encouragera les producteurs d’acier à augmenter leur production. De plus, la demande provenant des industries de la construction et des infrastructures ne cesse de s’accroître, ce qui assurera à l’Inde une bonne croissance, comme le démontre le graphique de la figure 7 (Business Monitor International, 2013).

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Figure 7 : Besoin Grandissant d’Acier dans les Industries de la Construction et des Infrastructures

Source : Business Monitor International

Toutefois, l’industrie de l’acier indienne éprouve actuellement des problèmes. D’abord, il y a actuellement des restrictions de plus en plus sévères sur l’extraction du minerai de fer dans certaines régions du pays, qui ont été mises en place pour lutter contre l’exploitation minière illégale (KPMG, 2012). Ceci a grandement affecté les réserves locales et a forcé les producteurs d’acier à se tourner vers l’importation pour s’approvisionner, ce qui a provoqué une dépendance croissante à l’importation (figure 8) (Business Monitor International, 2013).

De surcroît, le déficit grandissant dans la production de charbon en Inde, dont il a été question précédemment, oblige les exploitants à s’aventurer à l’extérieur du pays afin de se garantir des actifs miniers (Business Monitor International, 2013). Cette situation est également dépeinte dans la figure 8.

D’autre part, l’industrie indienne de l’acier est compétitive et sujette à des fluctuations cycliques qui sont en partie attribuables à des déséquilibres régionaux entre la production et la consommation (Marketline, 2013). Ainsi, bien qu’il soit prévu que la production d’acier en Inde augmente annuellement de 6,3 % d’ici à 2017, les risques d’observer un déficit continuent d’être bien présents, principalement à cause des déficits en fer et en charbon (Business Monitor International, 2013).

La diminution attendue dans la production de fer pourrait représenter une opportunité pour d’autres pays exportateurs de fer, qui pourraient vendre ce minerai à des aciéries indiennes (KPMG, 2102).

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Figure 8 : Augmentation de la Dépendance à l’Importation de Fer et de Charbon

Source : Business Monitor International En somme, on s’attend donc à ce qu’il y ait un risque pour la production de l’acier

dans les prochaines années en raison des déficits d’approvisionnement en fer et en charbon.

2.5 Mesures Prises Par l’État pour Combler le Déficit

Le gouvernement indien implante actuellement des mesures afin de combler le déficit grandissant de ses ressources minières clés. Globalement, la politique du pays et d’augmenter la réserve disponible de métaux à travers des changements dans les politiques d’exploitation minière. Le processus d’allocation des mines est en voie d’être simplifié et des efforts sont investis afin d’augmenter la rapidité du développement desdites mines. Pour ce faire, l’Inde vise à impliquer davantage les entreprises du secteur privé dans les opérations minières et incite les compagnies indiennes à faire des investissements directs à l’étranger dans le secteur des ressources minières (OECD, 2012).

Afin de préserver ses ressources, l’État indien met en place des mesures visant à décourager l’exportation de matières premières. Ultimement, le but est de favoriser la croissance de l’industrie de l’acier en Inde (OECD, 2012), étant donné son importance pour l’économie indienne. Pour ce faire, le gouvernement impose également des législations pour améliorer la production et encourager l’exploration du minerai de fer, telle que la création d’infrastructures, l’accès à des fonds de financement pour les explorations minières, et finalement, l’incitation à procéder à des investissements dans des coentreprises internationales (Government of India, 2012).

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2.6 Conclusions sur les Besoins de l’Inde en Ressources Naturelles En somme, ce que l’on retient de la situation actuelle des besoins en ressources

naturelles de l’Inde est qu’en raison de la croissance de l’économie, de l’accroissement de la population et de la montée de l’urbanisation, la production de certaines ressources d’une importance capitale n’arrive plus à suffire à la consommation. Cette situation amène des déficits majeurs et croissants et force l’Inde à se tourner vers les importations et les investissements directs à l’étranger afin de s’approvisionner en quantité suffisante. À l’heure actuelle, l’Inde fait du commerce avec cinq principaux pays, c’est-à-dire la Chine, les Émirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite, la Suisse et les États-Unis (CIA The World Factbook, 2013).

D’autre part, étant donné le déficit important en charbon et l’augmentation des importations qui s’est ensuivie, les compagnies indiennes ont commencé à procéder à des investissements directs à l’étranger dans ce secteur. Ainsi, l’Inde a formé des relations commerciales avec les États-Unis, l’Indonésie et l’Afrique du Sud relativement à cette industrie (OCDE/IEA 2012). De plus, un survol de l’actualité internationale permet de constater que l’Inde est actuellement à la recherche d’opportunités pour acquérir des entreprises d’extraction de charbon en Indonésie, en Australie et en Colombie (United Press International, 2013). Finalement, la société d’étal Coal India Limited (CIL) est en attente d’une réponse de la part du gouvernement sud-africain relativement à une offre d’acquisition qu’elle lui a faite pour des mines sur son territoire (NDTV Profit, 2013).

En terminant, la Chine est, depuis quelques années, en transition de son statut d’usine du monde vers une économie davantage basée sur le savoir-faire et les compétences, tandis que l’Inde est en voie de prendre sa place. Dans son 12th Five-Year Plan, dont il a été question précédemment, le gouvernement indien a inclus une section complète intitulée The Manufacturing Plan, dont le mandat est d’élaborer des stratégies visant à accélérer la croissance de l’industrie manufacturière en Inde. Son objectif primaire est que ce secteur devienne le pilier de la création d’emplois au cours de la prochaine décennie (Government of India, 2012). Ainsi, il est sans conteste que l’Inde aura besoin de plus en plus de ressources minières et énergétiques afin de subvenir à la demande de son ambitieux plan.

3. LE CANADA FACE AUX BESOINS EN RESSOURCES NATURELLES DE L’INDE ET DE LA CHINE

Tout d’abord, il important de mentionner que le Canada est le deuxième plus

grand pays du monde avec une superficie totale de 9 984 670 km2. Il possède donc de grandes réserves d’énergie et de ressources minières. Avec une population totale de 35 millions d’habitants, il est clair que le Canada détient grandement plus de ressources minières et énergiques qu’il en a besoin. Bref, il apparaît ainsi comme un acteur intéressant pour ses ressources naturelles

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Faits Saillants – Ressources Énergétiques Selon le CIA The World Factbook, le Canada serait le 6e plus grand producteur de

pétrole brut et le 3e plus grand producteur de gaz naturel. Plus explicitement, l’industrie canadienne des gaz et du pétrole a atteint une valeur totale de 77,5 milliards $ en 2012 (Marketline 2013). Le volume de la production a atteint 1,49 milliard de barils équivalents pétrole. Pour cette même année, les exportations canadiennes de pétrole ont atteint 876,79 millions de barils. Le Canada a connu une baisse annuelle moyenne de la valeur totale de la production de gaz et pétrole de 1,3 % par rapport à 2008, principalement dû à une baisse du prix de baril. D’autre part, la production canadienne en termes de volume a connu une constante croissance annuelle moyenne de l’ordre de 1,7 % par rapport à 2008. Donc, les volumes produits ont connu une hausse tandis que la valeur a connu une baisse. Bref, le Canada est un acteur majeur dans cette industrie et un leader mondial dans le domaine. Il pourrait ainsi intéresser les investisseurs étrangers tels que la Chine et l’Inde qui ont tous de grands besoins en ressources énergétiques.

Faits Saillants - Ressources en Minerai Le Canada possède également de grandes réserves de ressources minières et une

grande variété. D’après les données de Ressources naturelles Canada, la valeur de la production de minéraux canadiens a connu une forte croissance depuis 1998 où la valeur est passée de 18,7 milliards $ à 46,9 milliards $ en 2012. Par contre, le PIB réel de ce secteur a atteint en 2012 une valeur de 53 milliards $, une baisse de 11,1 % par rapport à 2007. C’est donc dire qu’en valeur réelle, le Canada a connu une baisse de la valeur de la production. Néanmoins, pour l’économie canadienne, le secteur minier est un des rares secteurs à apporter une contribution positive à la balance commerciale (152,3 milliards $ au total depuis 2001). En 2012, la valeur des exportations canadiennes des métaux et des minéraux a été de 92,5 milliards $. En 2012, les cinq principaux produits minéraux exportés ont été, par ordre d’importance, l’or, le fer et l’acier, l’aluminium, le charbon et, finalement, la potasse et le potassium.

Figure 9 : Principaux produits minéraux canadiens exportés

Source : Ressources Naturelles Canada

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3.1. Le Canada : Un Leader Mondial De L’industrie Minière

Le Canada est un leader mondial de l’industrie minière. En effet, il figure parmi les dix plus grands producteurs mondiaux pour ce qui est de 13 produits miniers (Ressources naturelles Canada 2013). En raison de ses grandes réserves de ressources minières, le Canada a pu développer une expertise, un savoir-faire et des technologies lui permettant une extraction minière plus efficace et efficiente. Ces aspects lui confèrent donc ce statut de leader mondial en ce qui a trait à l’extraction minière.

Concernant les besoins futurs de l’Inde et de la Chine, il est possible de constater d’ores et déjà plusieurs ressources minières, dont l’Inde et la Chine dont ils auront besoin dans un avenir rapproché. On a qu’à penser au nickel, zinc, aluminium, fer/acier, cuivre, uranium dont le Canada figure parmi les plus grands producteurs (voir tableau y). Pour ce qui de la valeur de la production, les trois principaux produits miniers extraient par le Canada sont : la potasse, le charbon et l’or. Bien qu’un produit minier, le charbon est généralement considéré comme une ressource énergétique plutôt qu’une ressource minière. Ainsi, le minerai de fer serait la troisième production en termes de valeur en importance au Canada. Principalement, le fer et l’acier sont produits dans l’est du pays (Ontario, Québec, Terre-Neuve-et-Labrador). L’or est extrait dans plusieurs provinces figurant parmi les principaux produits miniers extraits du Yukon, du Nunavut, du Manitoba, de l’Ontario et du Québec. On peut donc dire que la production de l’or est géographiquement dispersée (de l’est du pays à l’ouest du pays).

Figure 10 : Classement Mondial de la Production Canadienne par Volume

Source : Ressources Naturelles Canada

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4. CONCLUSION : LE CANADA ET LES INVESTISSEMENTS DIRECTS À L’ÉTRANGER

En 2012, les investissements directs étrangers au Canada ont atteint une valeur de près de 634 milliards de dollars et la valeur des investissements du Canada a été de 711,6 milliards de dollars (Statistique Canada 2013). Pour ce qui est de l’industrie minière, le Canada reçoit 58,5 milliards $ en investissements directs étrangers (IDE), 9,2 % de tous les IDE au Canada en 2012 (Ressources naturelles Canada 2013) et 19,1 % en incluant l’industrie du pétrole et du gaz naturel (Statistique Canada 2013). En somme, les ressources naturelles du Canada contribuent à générer des investissements directs étrangers à près de 20 % de tous les investissements au Canada. C’est donc dire que les ressources naturelles sont une partie importante des IDE et qu’elles suscitent un intérêt certain de la part d’investisseurs étrangers.

Concernant l’Inde et la Chine, toujours par rapport aux données compilées par Statistique Canada, les investissements de ses deux pays représentent 2,4 % du total des IDE au Canada en 2012 (3,7 et 12 milliards $ respectivement). Ces deux pays ne représentent pas une part importante des IDE. Par contre du côté de la Chine, on décèle une tendance qui est à la fausse. En effet, depuis 2008, les investissements directs étrangers au Canada depuis la Chine ont augmenté passant de 5,6 milliards à 12 milliards de dollars en 2012, une hausse de 114 %. Pour ce qui est de l’Inde, les investissements ont diminué entre 2008 et 2012 passants de 6,5 milliards à 3,7 milliards de dollars, une baisse de 43 % de la valeur de 2008. Bien que les investissements de la Chine aient fortement augmenté d’un côté ceux de l’Inde ont, quant à eux, nettement diminué. Doit-on ici déceler une tendance? À savoir, est-ce que l’Inde s’est tournée vers d’autres alternatives pour combler ses besoins en ressources naturelles?

Tout d’abord, il est important de faire part des anomalies pouvant survenir lorsqu’on analyse les IDE seulement sous la base des valeurs. En effet, lorsqu’une grande transaction est effectuée, il est certain que pour une année donnée la valeur va être grandement modifiée et ne dégagera pas nécessairement une tendance. Par exemple, dans le cas de l’Inde, en prolongeant l’horizon, il est possible de constater la valeur est passée de 171 millions de dollars en 2005 à 3,7 milliards en 2012 et une année record à 6,5 milliards de dollars en 2008. Ainsi, on constate une forte croissance par rapport à 2005. Par exemple, on constate en 2007 une hausse fulgurante (1,9 milliard de dollars par rapport à 211 millions de dollars l’année précédente). Cette hausse s’explique par la transaction majeure de l’entreprise indienne Essar Global qui a acquis en avril 2007 Algoma Steel, une entreprise oeuvrant dans la production primaire d’acier, pour une somme totale de 1,79 milliard de dollars (Sillicon India News, 2008). Pour ce qui est de 2008, l’acquisition de Novelis, une entreprise oeuvrant dans la production d’aluminium, par Hindalco pour somme totale de six milliards de dollars (Economic Times, 2008) permet d’expliquer ces écarts entre les différentes années. D’autre part, ces dernières acquisitions (Algoma steel et Novelis) témoignent bien de l’intérêt de l’Inde envers le secteur minier canadien, envers ses ressources naturelles.

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En somme, le Canada s’avère intéressant pour des investissements directs étrangers dans les secteurs de l’énergie et des mines et plus particulièrement l’Inde et la Chine. En effet, ces deux pays auront des besoins croissants à combler en raison de leur grande population et de leur ressource restreinte. Le Canada possède de grandes quantités de ressources qui pourraient intéresser ses deux pays telles que du nickel, du zinc, de l’aluminium, du fer et de l’acier, du cuivre, de l’uranium, du charbon et du pétrole. L’Inde et la Chine pourraient être intéressées à acquérir des entreprises canadiennes afin d’obtenir des connaissances technologiques et du savoir-faire dans le domaine de l’extraction minière et de pétrolière. Également, le Canada est un pays politiquement stable ayant une forte législation permettant de protéger les investissements. Il s’agit donc d’un pays où le climat d’investissement est sécuritaire.

« The combination of Canada’s abundant natural resources and

secure investment climate has helped to establish the country as a global mining centre. » (Deloitte, 2013)

Bref, ces aspects du Canada (sa grande quantité de ressources, son climat

d’investissement sécuritaire et ses connaissances dans les domaines de l’industrie minière et pétrolière) contribuent à le rendre grandement intéressant au niveau des IDE. La récente acquisition majeure de l’entreprise canadienne Nexen, une entreprise oeuvrant dans l’extraction pétrolière et gazière, part une entreprise d’État chinoise (CNOOC limited) pour une somme totale de 15,1 milliards de dollars en 2013 laisse présager que les IDE visant des ressources naturelles issues de l’Inde et de la Chine devraient continuer. Reste à savoir s’ils vont augmenter et s’ils vont susciter des débats au sein de la population canadienne en ce qui a trait au débat entourant la sécurité nationale (ressources stratégiques, savoir-faire stratégiques, etc.).

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5. BIBLIOGRAPHIE

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V. LES MULTINATIONALES INDIENNES

Lucie Bernier, [email protected]

Laurie Ferland-Caouette, [email protected] Marc-André De Montigny, [email protected]

Anthonie Maude Perron, [email protected] Louis-Philippe Préfontaine-Dastous, [email protected]

Résumé

Avec l’arrivée d’un contexte économique favorable et l’ouverture de l’économie indienne, nous avons pu assister à l’émergence de plusieurs multinationales de l’Inde qui ont développé leurs opérations à l’étranger et qui ont conquis de nouveaux marchés, en particulier auprès des pays industrialisés. Dans une première partie, ce rapport fait état de la typologie et du profil général des multinationales indiennes, initiatrices d’IDE et issues majoritairement de grands groupes privés familiaux. On aborde la performance de ces firmes, qui ont su tirer avantage de leur expertise managériale unique, ainsi que leurs principales motivations pour s’implanter à l’international. La seconde partie examine les opportunités, les défis et certaines controverses que représentent les IDE indiens au Canada. La suite du rapport met donc l’emphase sur le potentiel encore inexploité au sein des relations d’affaires Canada-Inde et leurs intérêts communs à collaborer dans l’optique de renforcir l’IDE indien au Canada.

MISE EN CONTEXTE Au cours des deux dernières décennies, l’Inde a vu son économie et sa présence

sur le marché international croître de façon impressionnante. La rupture opérée en 1991 par le gouvernement à travers ses réformes économiques a fortement contribué à la libéralisation interne de l’économie et à son ouverture sur l’extérieur. En effet, elles entraînent une réduction des barrières non tarifaires, abaissent les droits de douane, introduisent la convertibilité du rupee pour les opérations courantes, ainsi qu’une libéralisation partielle des opérations de capital et des dispositions autorisant et stimulant l’IDE (Chauvin, S., 2005).

C’est ainsi que l’on peut distinguer les multinationales indiennes présentes sur les marchés internationaux, entre celles s’étant internationalisées lors de ce que Pradhan (2007) appelle la « première vague » d’IDE de l’Inde vers les marchés internationaux, ce qui correspond aux années 70, 80 jusqu’au milieu des années 90, et la « deuxième vague » correspondant à l’ouverture du pays au marché international dans les années 90. Les mouvements d’IDE durant la première vague ont été essentiellement réalisés par un nombre limité de très grandes entreprises familiales, investissant surtout dans les pays en développement (Pradhan, 2007). La libéralisation de l’économie et ainsi l’ouverture de l’Inde à l’international au début des années 90 ont marqué l’entrée dans la « deuxième vague d’IDE », caractérisée par une forte croissance du nombre d’entreprises indiennes réalisant des IDE ainsi que par une forte diversification des profils d’entreprises. Cette diversification se remarque notamment par une diversification des secteurs d’activités concernés : la première vague d’IDE se faisait à 94 % au sein du secteur manufacturier en 1980 et ne représentait plus que 58 % en 2006 (Saikia, 2012) tandis que le secteur des services qui représentait 4 % des IDE en 1987 est passé à 38 % en 2006 (Pradhan, 2007).

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Nous nous sommes intéressés aux caractéristiques et modes d’internationalisation des multinationales à compter de la « deuxième vague » dans une première partie, nous analyserons la situation actuelle des multinationales au Canada ainsi que les opportunités et défis auxquels les 2 pays font encore face aujourd’hui en vue d’un renforcement futur de l’IDE indien au Canada.

1. LES MULTINATIONALES INDIENNES ET L’IDE DANS LE MONDE

1.1 Des Grands Groupes Privés Familiaux Comme le souligne Pradhan (2009), ce sont les entreprises privées qui ont été

initiateurs des IDE indiens, à l’exception de quelques entreprises publiques opérant dans le secteur de l’énergie. Les deux premiers projets d’IDE remontent aux années 60 avec l’installation d’une usine textile en Éthiopie par le groupe Birla en 1960, et ensuite avec l’ouverture d’une filiale détenue à part entière par le groupe Tata en Suisse en 1961 (Pradhan, 2009).

À titre indicatif, Pradhan (2009) a établi une liste des 18 tops multinationales indiennes dans l’IDE indien vers le marché international (Tableau 1).

Tableau 1:

Company Name Foreign assets

Oil and Natural Gas Corpo. 22 % Tata Group 51 % Videocon Indus. 71 % Ranbaxy Lab. 69 % Dr. Reddy’s Lab 63 % HCL Tech. 12 %Hindalco Indus. 14 % Sun Pharma 34 % Reliance Indus. 1 % Suzlon Energy 15 % Larsen & Toubro 3 % Wipro Tech. 9 % Bharat Forge Ltd. 19 % Patni Computer Systems Ltd. 13 % Hexaware Tech. 48 % Bioson Ltd. 17 % i-Gate Global Solutions Ltd. 54 % Max India Ltd. 8 % Top 18 20 %

Part Des Avoirs Étrangers Des Principales Multinationales Indiennes, 2006

(Pradhan, 2009)

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Comme on peut l’observer, parmi ces entreprises, 5 détiennent plus de 50 % de leurs avoirs à l’étranger : Videocon, Ranbaxy, Dr Reddy’s, i-Gate Global et Tata. Par ailleurs, parmi ce top 18, 17 sont privées et une seule est étatique (ONGC). Enfin, toutes ces entreprises sont cotées à la bourse indienne.

Il est aussi important de souligner qu'un bon nombre des MNL qui investissent à l'étranger représentent des firmes regroupées. La forme la plus courante de ces firmes en Inde est celle des groupes familiaux tel que Bharti, Tata et autrefois Infosys. En effet, près de 75 % des acquisitions effectuées entre 2000 et 2008 ont été initiées par des groupes plutôt que des compagnies indépendantes.

Parmi le top 18 des multinationales indiennes établies par Pradhan (2009), le profil sectoriel de ces firmes s’établit comme présenté dans le Tableau 2. On peut noter une dominance en nombre des multinationales au sein des secteurs tertiaire et secondaire.

Tableau 2 :

primaire/secondaire/tertiaire primaire secondaire tertiaire

17 % 11 % 33 % 39 %

Profil Sectoriel Des MNL Indiennes (Pradhan, 2009)

1.2 Forces Des Multinationales Indiennes - Une Expertise Managériale Unique Nayyar (2008) distingue des facteurs conjoncturels et des facteurs de long terme

ayant contribué à la construction et au rayonnement de l’Inde en tant que générateur d’IDE dans le monde.

Les facteurs d’ordres conjoncturels sont avant tout liés à la libéralisation du régime politique à partir des années 90 comme nous l’avons mentionné auparavant. À ceci s’ajoute l’accès des firmes indiennes aux marchés financiers. La dérégulation financière a en effet élargi l’accès au marché des capitaux domestiques : au fur et à mesure, les banques ont assoupli leurs règles et autorisé l’extension du crédit aux entreprises indiennes aux investissements dans les joint-ventures (nouvelles ou existantes). Ces facteurs conjoncturels d’ordre permissifs (Nayyar, 2008) ont fortement contribué à donner aux firmes indiennes l’accès au marché international.

En parallèle, il est important de considérer le rôle joué par des facteurs ayant posé un cadre de construction des firmes indiennes sur le long terme. En premier lieu, les restructurations majeures (exprimées à travers une explosion des investissements, OPA et fusions) qui ont été opérées en Inde pendant les années 90 accompagnées d’une vague d’acquisitions de technologies étrangères - acquises avec la volonté d’intégrer ces technologies dans une approche de développements de capacités R et D de long terme - marquent une période d’apprentissage déterminante pour le monde des affaires indiennes. C’est en effet durant cette période qu’émerge la compétitivité du pays et la motivation des entrepreneurs de s’attaquer aux marchés étrangers.

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Par ailleurs, Nayyar (2008) souligne l’importance de la période d’industrialisation de l’Inde qui s’étend notamment entre les années 50 jusqu’aux années 80. C’est durant cette période que le pays a développé un système d’éducation supérieur, à l’origine de l’émergence de qualités entrepreneuriales clés pour l’Inde. En effet, la littérature s’accorde sur le fait que l’Inde possède une expertise managériale unique, qui lui donne un avantage compétitif à l’international. Balasubramanyam (2013) parle notamment d’un fort instinct et d’une expertise entrepreneuriale caractéristique aux Indiens, qu’il rattache directement à l’histoire et la culture indienne. En effet, le pays, marqué par le système des castes et des communautés, est propice au développement d’entrepreneurs : les Parsis étaient la caste spécialisée dans les échanges commerciaux, et étaient déjà fortement tournés vers l’international avec de nombreux échanges avec la Grande-Bretagne dès le XIXe siècle. Cette caractéristique a doté les Indiens d’une capacité à commercer dans deux cultures radicalement différentes, expliquant leur efficience managériale.

Par ailleurs, la présence d’une diaspora indienne puissante et bien implantée au sein des pays d’accueil d’investissement direct étranger tels qu’aux États-Unis et en Grande-Bretagne a fortement contribué à intégrer une orientation “anglo-saxonne” dans le management indien (Balasubramanyam, 2013).

1.3 La Corruption En Inde - Facteur De Frilosité Dans Les Partenariats Internationaux

Au classement 2013 du “Transparency International’s Corruption Perception

Index”, l’Inde se classe 94 sur 177 pays, ce qui n’est pas favorable à ses affaires. Les autres pays du BRICS se classent comme suit : 72e pour l’Afrique du Sud et le Brésil, 80e pour la Chine et 127e pour la Russie. La corruption en Inde est particulièrement marquée dans les secteurs de la construction, de l’ingénierie et des mines. Par ailleurs, les affaires en B-to-gouvernement sont plus problématiques qu’en B-to-B (Goold, 2012). Ce phénomène qui désavantage l’Inde sur les marchés internationaux donne cependant aux entreprises indiennes qui refusent la corruption et sont reconnues pour leur intégrité possèdent un véritable avantage compétitif sur leurs concurrents à l’international.

1.4 Performance À L’étranger Comme on peut le voir dans la figure ci-dessous, on peut s'apercevoir que

certaines multinationales indiennes tirent très bien leur épingle du jeu en rivalisant avec les plus grandes entreprises de ce monde. En effet, huit d’entre elles figurent au classement du Fortune 500 en 2013. Les quatre premières sont des entreprises du secteur pétrolier et de l’énergie : Indian Oil, Reliance Industries, Bharat Petroleum et Hindustan Petroleum (Tableau 3).

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Tableau 3 :

List Rank Company Name (INDIA) Revenues ($b) Profits ($b) 88 Indian Oil 85.5 0.8 107 Reliance Industries 74.4 3.8 229 Bharat Petroleum 44.8 0.3 260 Hindustant Petroleum 39.9 0.1 298 State Bank of India 36.9 0.1 316 Tata Motors 34.7 1.8 369 Oil & Natual Gas 30.9 4.5 471 Tata Steel 24.8 -1.3

List Rank Company Name (Canada) Revenues ($b) Profits ($b) 276 Suncor Energy 38.6 2.8 282 Royal Bank of Canada 38.2 7.4 341 Power Corp. Of Canada 32.9 0.9 344 George Weston 32.8 0.5 370 Magna International 30.8 1.4 378 Toronto-Dominion Bank 30.2 6.3 381 Manulife Financial 30.0 1.6 424 Onex 27.4 -0.1

Comparaison Du Classement Des Compagnies Indiennes Vs Canadiennes

(Classement Fortune Global 500 en 2013)

1.5 Quelles Sont Les Motivations Principales Des Multinationales Indiennes Dans Leurs Implantations À L'étranger?

1.5.1 L’influence gouvernementale

Il y a plusieurs facteurs de motivation poussant les entreprises indiennes à s’établir à l’international. Tout d’abord, le gouvernement a joué un grand rôle dans le passé dans la prise de décisions des entreprises de s’implanter à l’étranger. Il faut se remettre en contexte afin de comprendre ce phénomène au début des années 50. À cette époque, le gouvernement indien n’était pas favorable à l’exportation vers les autres pays dus au régime politique restrictif de l’Inde, ce qui a eu un impact décisif dans les investissements directs à l’étranger. Plusieurs grandes entreprises qui avaient pris beaucoup d’expansion dans le pays décidèrent donc de s’implanter à l’étranger afin de favoriser l’exportation de leurs produits. En effet, selon Merchant et Kudaisya, la restriction gouvernementale à la fin des années 50 a été un facteur déterminant dans le projet d’expansion à l’étranger du Groupe Birla que nous avons mentionné précédemment (Kanungo, 2010).

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1.5.2 L’accès à la Technologie

Ensuite, on peut croire que l’accès à la technologie est également source d’incitation pour les multinationales indiennes de s’implanter à l’étranger. En effet, l’Inde est un pays réputé pour ses avancées technologiques, mais reste que ce pays est encore en voie d’industrialisation et en voie de développement ce qui a pour conséquence que l’Inde n’a pas les mêmes capacités en matière technologique que les grandes puissances de ce monde. Pour ce faire, plusieurs multinationales indiennes ont acquis des entreprises étrangères afin de comprendre ce qui faisait leur succès technologique pour ensuite pouvoir implanter et adapter cette technologie dans leurs entreprises. On peut citer pour exemple Tata Motors qui a acquis la compagnie sud-coréenne Daewoo en 2004 (Tata, 2013). Cette acquisition visait le développement dans cette partie du monde, mais surtout l’accès à leur technologie grâce à l’achat de l’usine de fabrication. On peut aussi penser à Infosys qui a acquis la totalité de la compagnie australienne Expert Information Services Pty. Ltd en 2003 (Infosys, 2003) dans le but de s’établir en Australie étant donné leur base de clients déjà bien établie.

1.5.3 L’accès au marché

Une autre motivation importante : l’accès au marché. En effet, plusieurs multinationales indiennes ont fait des acquisitions d’entreprises dans des pays où elles n’étaient soit pas implantées ou où leur présence n’était pas dominante. On peut penser aux exemples mentionnés ci-haut, tel que Daewoo et Infosys, pour appuyer cet argument, mais il y a aussi plusieurs autres exemples comme dans le domaine des produits pharmaceutiques. Dr Reddy’s a acquis Betafarm (ICMR, 2006) en Allemagne et Bharat Forge qui a acquis Federal Forge (Sarita Iyer, 2005) aux États-Unis, tous deux afin d’accéder le marché de ces pays.

1.5.4 L’accès aux matières premières

Par la suite, il est clair que l’accès aux matières premières et à l’espace est une autre grande motivation pour les multinationales indiennes. Il faut dire que le pays est surpeuplé, ce qui a pour effet de créer une rareté sur certaines matières premières dans le pays et surtout d’engendrer une pénurie d'énergie. En effet, il n’est pas rare de voir de nombreuses pannes de courant durant une semaine en Inde, ce qui peut être très contraignant pour les entreprises locales. On peut penser à l’événement du 30 juillet en Inde où une panne d’électricité a touché environ 300 millions d’habitants et le lendemain près de 700 millions étaient touchés par cette coupure d’électricité. Ces facteurs peuvent, sans aucun doute, jouer un grand rôle dans la prise de décision des dirigeants des multinationales de vouloir s’implanter outre-mer. En effet, selon une revue de l’OTAN de Michael Kugelman « l’Inde sera le troisième plus grand consommateur d’énergie au monde d’ici 2030. Mais, comme l’a montré de façon spectaculaire la panne d’électricité géante de l’été 2012, le pays a beaucoup de mal à faire face à cette demande. »

1.5.5 Une devise peu avantageuse

Plusieurs étudiants indiens choisissent d’aller étudier à l’étranger et ne reviennent pas, considérant l’avantage des devises étrangères par rapport à la roupie qui prend peu de valeur depuis ces dernières années. On peut penser que c’est une approche que les entreprises indiennes pourraient tenter.

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Étant donné la faible appréciation de la devise, il est facile d’exporter, mais difficile d’importer. Ainsi, il s’ensuit un faible pouvoir d’achat dans les devises étrangères pour les entreprises. De plus, si la tendance se poursuit, la main-d’œuvre qualifiée se fera de plus en plus rare si celle-ci décide de suivre ses prédécesseurs en restant à l’étranger. D’ailleurs, selon la Tribune.fr « en deux ans, la monnaie du pays a perdu plus de 40 % de sa valeur depuis juillet 2013 ».

1.5.6 Autres motivations

Il existe bien d’autres motivations autres que celles mentionnées plus haut. Parmi celles-ci, on peut penser à la logistique, soit l’accès à un emplacement stratégique qui améliorerait la gestion des opérations de l’entreprise. Il y a aussi l’accès à de nouveaux produits qui n’existent pas en Inde, une motivation parallèle à l’accès à de nouvelles technologies.

1.6 Où Réalisent-Elles Leurs Investissements Directs Étrangers?

Par ordre d’importance, l’IDE indien se dirige en 2011 principalement vers l’Asie (35,29 %), l’Europe (31,25 %) et l’Amérique à 19,54 % (voir Figure 1).

Figure 1:

Répartition Géographique Des IDE Indiens, ISB (2011)

1.6.1 Une distribution géographique dépendante du secteur

Le régime politique restrictif de l’Inde a été un facteur décisif dans les investissements directs à l’étranger. Selon une étude analysant 24 multinationales indiennes réalisées par Indian School of Business et Vale Columbia Center en 2009, celles-ci avaient au total 441 filiales étrangères dans 75 pays différents.

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Tata Group était présent dans 44 pays, avec 157 filiales et Ranbaxy Pharmaceutical Limited dans 31 pays avec 47 filiales. La distribution géographique de ces filiales diffère par secteur. En effet, l’Europe possédait la plus large concentration de firmes dans le secteur énergétique, alors qu’elle avait très peu d’entreprises indiennes en ingénierie et construction. Tandis que le Moyen-Orient présentait la plus grande concentration dans cette catégorie, mais aucune filiale dans le secteur énergétique.

1.6.2 Les pays développés visés en priorité par l’IDE indien

Pour ce qui est de la destination géographique, au début des années 2000 l'Inde comptait près de 75 % de ses investissements directs étrangers dans des pays industrialisés. Quant aux pays en voie de développement, ils investissaient à plus de 80 % dans des économies en transitions ainsi que d'autres pays en voie de développement. On remarque donc que l’Inde sort du lot en investissant dans des pays industrialisés tandis que les pays en voie de développement tendent à investir entre eux. Cela traduit bien les motivations des multinationales indiennes qui sont de pénétrer de nouveaux grands marchés et d'acquérir de nouvelles technologies. Durant la 2e vague, l’Inde a compris que le secteur de la technologie était un secteur porteur pour le pays et qu’elle n'avait pas intérêt à s'implanter dans des pays où la demande en logiciels et technologie est faible. Elle investit donc dans des pays où la demande pour son produit est florissante, dans la perspective d’améliorer sa position dans la chaîne de valeur.

L’Europe se retrouve au 2e rang en tant que destination la plus importante en termes d’IDE, représentant le tiers, soit 31 % du stock d’IDE dans le monde entier à la fin de 2010. Un total de 42 % des firmes indiennes sont concentrés en Europe du Nord : cette concentration se porte notamment sur 3 pays qui sont le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Russie (Haiyan Zhang et al, 2012).

1.7 Quels Sont Les Modes D’investissement? Historiquement, Kathuria (2010) a démontré que sur les 250 investissements

recensés de 1992 à 1999, la grande majorité était composée de joint-ventures (JV) à 65 % et le reste de Wholly Owned Subsidaries (WOS), soit 35 %. Les facteurs identifiés pour expliquer ce résultat sont principalement la taille et l’âge des compagnies indiennes investissant à l’étranger. On précisait que plus la compagnie était grosse et jeune, plus elle favorisait les WOS. Tandis qu’une compagnie plus vieille et petite avait plus de chance de s’orienter vers les JV. Cela s’explique par le fait que les petites compagnies avaient souvent tendance à vouloir acquérir du nouveau savoir lors de leur implantation à l’étranger, ce qu’une JV pouvait offrir grâce à l’apport de ses partenaires à l’étranger. De plus, les compagnies plus vieilles étaient plus conservatrices et optaient pour ce mode plus traditionnel d’investissement. Les JV étaient prisées lors de la première vague d’investissement, car le gouvernement avait mis en place des mesures limitant le pourcentage de détention d’une compagnie étrangère par les firmes indiennes. La limite de détention du capital était généralement limitée à 49 % et faisait en sorte que les compagnies étaient des investisseurs minoritaires.

Le choix de méthode d’entrée, soit le WOS ou la JV est importants autant pour les pays investisseur que les pays hôtes, car leurs retombées ne sont pas les mêmes pour les deux parties, tout dépendant le choix.

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En effet, un investissement direct effectué sous forme de joint-ventures avantage généralement le pays hôte, car il fait directement profiter l’économie locale par un partenariat.

Il est aussi impératif de mentionner que les statistiques en lien avec les méthodes d’entrée ont été développées en 2010, mais avec des données de 1992 à 1999. Dès lors, on remarquait le début de l’engouement pour les WOS de la deuxième vague d’investissements, qui autrefois était majoritairement composée de joint-ventures. Cet effet a été principalement mené par la déréglementation gouvernementale. Depuis celle-ci, confirme la tendance illustrée par Kathuria où les firmes indiennes considèrent comme essentiel le contrôle des entités afin de garder une mainmise sur les avantages découlant des acquisitions. Celle-ci s'illustre à travers les données de la Reserve Bank of India concernant les IDE indiens sortants présentés dans le tableau suivant.

Figure 2 :

Évolution Des Méthodes D’investissement Des IDE Indiens

Figure 3 :

IDE Indiens À L’étranger Entre Juin 2011 Et Octobre 2013

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Entre juin 2011 et octobre 2013, on remarque que parmi les 12 469 transactions recensées (equity, garanties et prêts), 76 % étaient des WOS et seulement composé à 24 % de Joint-Venture.

Parmi ces transactions, 115 étaient liées au Canada et 55 % étaient faites avec des WOS contrairement à 45 % par des JV. Cet écart moins significatif que la tendance mondiale peut s'expliquer par le manque d'expérience des Indiens sur le marché canadien, facteur qui a été identifié dans la littérature (Nayyar, 2008) comme un déterminant promouvant le choix d'une JV pour un investisseur. De plus, cet auteur a aussi signifié qu'un pays possédant de nombreuses ressources naturelles, telles que le Canada, détient un meilleur pouvoir de négociation face à la forme des IDE. Puisque les pays hôtes profitent généralement plus d’une joint-venture étant donné le partage de connaissances obligatoire, il est évident que les entreprises canadiennes qui désirent obtenir des investissements étrangers de l’Inde doivent prendre en compte le favoritisme des Indiens pour les WOS, tout particulièrement s'ils n'œuvrent pas dans les ressources naturelles.

Selon l’analyse de Nayyar (2008), parmi les 306 acquisitions internationales recensées effectuées par des firmes indiennes (entre 2000 et 2005), 15 firmes étaient responsables de 98 des 306 acquisitions, soit 32 %. De ces 306 acquisitions reportées, 72 ne comportent aucune information sur le pourcentage acquis par les firmes indiennes. Pour les 234 acquisitions restantes (figure 4), on remarque que les acquisitions faites par les firmes indiennes visent principalement l'acquisition de la totalité du contrôle ou, du moins, le contrôle effectif (à plus de 50 %) des firmes acquises.

Figure 4 :

Pourcentage de détention lors de 234 acquisitions par des firmes indiennes

Type d'acquisition Entreprises Pourcentage

Acquisition de moins de 50 % 33 14,1 %

Acquisition de plus de 50 %, mais moins de 100 % 41 17,5 %

Acquisition de 100 % 160 68,4 %

Total 234 100,0 %

Pourcentage de détention lors de 234 acquisitions par des firmes indiennes

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2. LES MULTINATIONALES INDIENNES AU CANADA: OPPORTUNITÉS ET DÉFIS

2.1 Un Potentiel Encore Inexploité Ce n’est que depuis une dizaine d’années que le Canada et l’Inde effectuent

mutuellement des investissements directs. En 2007, l’achat d’Algoma Steel par les Indiens a été un investissement déterminant dans leur présence au Canada. Depuis ce temps, l’Inde a effectué plusieurs acquisitions représentant près de 4.4 milliards de dollars en 2011, plaçant l’Inde au 13e rang parmi les pays effectuant le plus d’IDE au Canada.

Malgré la croissance récente des échanges et investissements entre les deux pays, une table ronde de chefs d’entreprises Inde-Canada s’accorde sur la constatation que le potentiel de ces échanges demeure sous-exploité.

Pendant que les États-Unis et l’Europe sont la proie des investisseurs indiens, les compagnies canadiennes commencent à attirer leur attention. Il est important de savoir que l’économie de l’Inde n’est pas exclusivement liée aux compagnies d’outsourcing et de technologie. Les sociétés corporatives des secteurs de l’automobile, de la pharmaceutique, des banques et des logiciels sont les nouvelles prises des investisseurs indiens. De plus, récemment, il y eut plusieurs investissements dans le secteur primaire, soit les mines, l’énergie et l’électricité, le gaz et l’huile, le chimique, l’acier, l’aluminium et d’autres métaux, etc. (voir Tableau 3).

Considérant l’abondance des ressources naturelles du Canada et l’expertise dans le secteur chimique, automobile et technologique. Il est à prévoir une augmentation des investissements indiens sur le marché canadien.

Par exemple, des prévisions démontrent que près de 2,5 milliards de dollars pourraient être déboursés pour l’achat d’actions de compagnies œuvrant dans les sables bitumineux pour satisfaire leurs besoins en énergie extraterritoriale. Par ailleurs, le secteur financier indien planifie des acquisitions de petits acteurs du marché canadien, des entreprises en franchises plus particulièrement. L’accroissement des investissements indiens ne fait pas de doute, mais la question est plutôt de savoir quand s’effectueront ses acquisitions.

2.2 Revue Des Principaux Mouvements D’IDE De l’Inde Vers Le Canada Depuis 2000

Nous avons recensé 14 IDE réalisés par des multinationales indiennes au Canada

entre 2000 et 2011 (voir tableau 3). Dans plus de la moitié des cas, il s’agit d’acquisitions réalisées dans les secteurs primaires et secondaires. Nous n’avons recensé qu’une seule joint-venture majeure – Tata Steel et New Millenium Capital en 2009 pour 30 millions USD – signe de la volonté des multinationales de prendre le contrôle sur leurs entités étrangères. Dans les 5 cas restants, il s’agit d’ouverture de filiales au Canada par des entreprises indiennes spécialisées dans les services de l’information et des technologies (secteur tertiaire).

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On peut noter que les acquisitions menées entre 2005 et 2010 par ces multinationales indiennes représentent 26 % du montant d’IDE entrant au Canada de l’Inde sur cette même période, qui était de 23,9 milliards USD. 8 acquisitions représentent donc le quart des IDE indiens au Canada: ceci souligne bien l’importance de ces acquisitions, mais également le potentiel inexploité d’un renforcement de ces IDE vers le Canada.

Tableau 3 :

Liste des grands investissements au Canada par des MNL indiennes Au regard du classement Global Fortune 500 de 2013, nous avons vu que 8

entreprises indiennes figuraient au classement, dont Indian Oil parmi les 100 premières. Si l’on compare avec les entreprises canadiennes on s’aperçoit que les plus importantes multinationales indiennes, au niveau du revenu annuel, ont un grand pas d’avance. En effet, la meilleure compagnie canadienne se classe 276e tandis que l’on en retrouve 3 entreprises indiennes parmi le top 250 (voir Tableau 3).

2.3 Le Canada: Un Cadre Avantageux Pour L’IDE Indien Le Canada est le 4e pays le plus attractif pour les investissements étrangers en

2013 selon le Foreign Direct Investment Confidence Index (A.T. Kearney, 2013) derrière les États-Unis, la Chine et le Brésil. Il était en 20e position en 2012. Ce qui explique l’ascension du Canada dans ce classement est principalement son prompt rétablissement de l’économie canadienne, à l’essor pétrolier et du gaz naturel dans l’ouest du pays, ainsi que la bonne performance du secteur manufacturier canadien. Selon le rapport du cabinet A.T. Kearney (2013), « le Canada est le seul pays du G7 à avoir récupéré ses pertes en termes de PIB et d’emplois depuis la récession ».

2.3.1 Un contexte politique et économique favorable

À la suite de l’étude des bénéfices sur un possible accord de partenariat économique global vers la fin de l’année 2010 entre les deux pays, le Canada a effectué depuis une série de négociations. Le gouvernement Harper a rappelé au cours de l’année 2013 ces négociations en vue de finaliser cet accord commercial.

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Ce projet d’accord porte sur plusieurs aspects tels que : la facilitation du commerce, la diminution des obstacles techniques au commerce, une amélioration du commerce de services entre les deux pays y compris l’admission temporaire des gens d’affaires et des télécommunications et services financiers.

Les compagnies indiennes peuvent profiter de la stabilité de l’économie du Canada et du fort potentiel économique qu’offre le Canada en s’établissant près des États-Unis. Le système bancaire canadien a été classé le plus sécuritaire au monde par le rapport ICCC 2013, pour sa sécurité financière, la présence de liquidité sans défaut de paiement et sa transparence.

Le Canada offre un climat d’affaires hautement concurrentiel et d’importants avantages sur le plan des coûts et offre l’avantage de la proximité avec le marché des États-Unis. En effet, cela donne aux compagnies étrangères une porte d’entrée sur l’Amérique du Nord et avec la proximité des frontières des États-Unis et tout en diminuant les coûts de transport et en facilitant les transactions commerciales. Par exemple, dans le secteur pétrolier qui représente le gouvernement et l'industrie s'activent à augmenter les exportations vers le seul marché actuel, les États-Unis. Selon Economic Intelligence Unit, le Canada sera, de tous les pays du G7, le meilleur endroit pour faire des affaires au cours des cinq prochaines années (2010-2014). En 2010, de tous les pays du G7, le Canada devrait avoir le taux d’imposition des nouveaux investissements des entreprises le plus faible et il instaurera d’ici 2012 le taux le plus faible d’imposition du revenu des sociétés prévu par la loi. En mars 2010, KPMG a également confirmé que le Canada se classait en tête des pays industrialisés pour ce qui est de la compétitivité sur les coûts. De fait, le Canada bénéficie d’un avantage de 5 % sur ce plan par rapport aux États-Unis. Dans son budget de 2010, le Canada a éliminé tous les tarifs restants sur les intrants manufacturiers, les machines et le matériel pour devenir le premier pays du G20 à offrir une zone en franchise de tarifs pour les fabricants.

2.3.2 Proximité culturelle

Le climat social est très stable en comparaison avec l’Inde, la diversité culturelle du Canada favorise et facilite l’immigration. Le Canada a une population très instruite, le pays détient un fort bassin de savoir. On a compté que 64,1 % des adultes âgés de 25 à 64 ans possédaient un titre d'études postsecondaires en 2011. On retrouve 16 universités canadiennes parmi le top 400 reconnues à travers le monde. Tel que mentionné dans le rapport sur la religion et les Canadiens, d’un point de vue culturel, les Canadiens sont plus distants et de moins en moins religieux, contrairement aux Indiens.

2.3.3 Des ressources naturelles attrayantes

Les ressources naturelles sont très abondantes au Canada dû à la grandeur du territoire du pays. Selon les ministères des Ressources naturelles du Canada, le pays possède 10 % des forêts du monde, soit 53,8 % de la superficie totale du Canada. Du côté des minéraux, beaucoup de gisements demeurent non explorés. Par ailleurs, en 2011, la production minérale canadienne a atteint un chiffre record de 50,9 milliards de dollars. Les principales sources de minerais sont la potasse, le fer, l’or, le charbon, etc. De plus, la production de pétrole passera de 3,2 millions de barils/jour en 2012 à 6,7 millions d'ici 2030.

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2.3.4 La technologie à l’honneur

Plusieurs domaines prioritaires ont été énoncés dans l’Accord de libre-échange et dans les négociations en cours. On parle ici de la nanoscience et la nano médecine pour lequel une entente de coopération entre une compagnie en Alberta et un laboratoire indien serait en jeu. Des technologies de l’information et des communications qui feront l’objet entre autres d’un partenariat entre le Centre de recherche sur les communications Canada (CRC) et le Center for Development of Telematics (Inde) au niveau public. Du renforcement de la recherche en biotechnologie et en santé et finalement des énergies durables et les technologies propres (Jarilowsky, 2010).

2.4 Des Intérêts Communs A Exploiter Et Optimiser Le but étant de trouver les marchés potentiels que le Canada veut développer et

que l’Inde est intéressée à investir pour soutenir son marché interne et sa croissance démographique. Le Canada détient une expertise dans le secteur chimique, de l’automobile et de la technologie. Le Canada détient une abondance de ressources naturelles comme le pétrole, le gaz et des minéraux. Le Canada a actuellement une politique d’immigration avantageuse pour combler sa croissance et c’est également le pays du G7 qui a le taux d’imposition le plus faible pour les nouveaux investissements des entreprises. Du côté de l’Inde, elle est intéressée à faire des IDE dans le secteur de l’automobile, pharmaceutique, bancaire et technologique. Elle désire développer des fusions-acquisitions dans le secteur primaire des mines, de l’énergie, de la chimie et de la transformation des métaux comme l’acier et l’aluminium. L’Inde possède une main-d’œuvre anglo-saxonne et qualifiée. Près de 1 million d’Indiens sont déjà présents sur le territoire canadien.

2.5 Controverses Un des principaux avantages des IDE au Canada comme à l’international est

certainement l’augmentation de l’offre de produits peu coûteux qui sont substituts aux produits de marque et à prix élevés des entreprises locales. Néanmoins, la présence de multinationales étrangères, dans le cas présent provenant de l’Inde, cause de grandes préoccupations en particulier dans certains secteurs, tels l’industrie pharmaceutique. En effet, tel que Pradhan le mentionne, les compagnies pharmaceutiques indiennes sont reconnues pour produire des médicaments génériques qui sont ensuite achetés par les pays développés à prix modique. Évidemment, cela entraîne des répercussions sur la sécurité et la santé de la population. Dans le contexte où les États-Unis et le Canada doivent faire face à des coûts de la santé toujours plus élevés, l’achat de médicaments génériques produits par les multinationales indiennes devient une alternative abordable afin de réduire les coûts des systèmes de santé. Il est intéressant de se pencher sur la polémique des médicaments de la multinationale Ranbaxy au Canada publiée dans La Presse : « Des médicaments vendus aux malades à la suite de tests bidon. D'autres, pleins d'impuretés ou qui se dégradent trop vite. Des mensonges à répétition et de faux rapports – artificiellement vieillis à la vapeur – pour berner les inspecteurs ».

Malgré tout, les médicaments du géant pharmaceutique continuent d’être mis en vente au pays, alors qu’ils sont proscrits aux États-Unis faisant suite à plusieurs fraudes et

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à des inspections d’usines ne répondant pas à la qualité, ce que dénonce la FDA (Food and Drug Administration). Bien entendu, cette situation provoque plusieurs inquiétudes auprès de l’Ordre des pharmaciens qui craint à une totale apathie de la part de Santé Canada.

Selon CBC, une deuxième polémique liée au secteur des technologies de l’information a récemment fait surface au cours des dernières années, pointant du doigt les grandes multinationales indiennes présentes au Canada, tel TCS (division de Tata), iGATE, ou encore Cognizant, sous-traitants d’importantes institutions financières (BMO, CIBC, TD Canada Trust, Manulife, RBC) qui exploitent le système canadien de visa de travail temporaire sans créer de réel bénéfice ni valeur. Ces entreprises font l’objet de violentes critiques, car elles sont accusées d’engager des travailleurs indiens temporaires non qualifiés qui sont transférés au Canada, dont les CV sont falsifiés, présentant des diplômes parfois inexistants ainsi que des aptitudes exagérées afin de répondre aux exigences de visa et d’emploi. En effet, selon la loi actuelle, certaines entreprises peuvent raccourcir le long processus du visa de travail temporaire de leurs employés étrangers en recevant une exemption appelée « transfert intracompagnie », sous la condition que ces derniers possèdent des compétences spécialisées ou des habiletés managériales particulières.

Lors de recrutements, ces mêmes entreprises discriminent les travailleurs canadiens davantage compétents en les excluant des processus d’embauche et dans d’autres cas, en procédant à plusieurs licenciements, au profit de main-d’œuvre meilleur marché, mais qui s’avère incapable de performer, causant des délais et des erreurs majeures dans divers projets. Bien entendu, cela vient mettre en doute l’intégrité et le code d’éthique de ces entreprises, qui sont après tout les développeurs des logiciels informatiques et autres outils technologiques supportant une grande partie du système bancaire canadien.

2.6 Entraves Au Développement De L’IDE Indien Au Canada Le rapport sur un accord de partenariat économique global entre le Canada et

l’Inde (Chambre des communes, 2013) fait état également des barrières qui entravent le commerce et l’investissement entre le Canada et l’Inde, notamment les obstacles tarifaires et non tarifaires. Il mentionne, au nombre de ces obstacles : la bureaucratie et la corruption; les infrastructures inadéquates; les mesures sanitaires et phytosanitaires; les mesures concernant l’investissement et la complexité du système de gouvernement fédéral indien.

2.7 Vers Un Renforcement De L’IDE Indien Au Canada Un accord de libre-échange envoie un signal très important d’ouverture des

frontières, de transparence et de pratique non discriminatoire favorable pour les deux parties. On remarque d’importantes opportunités dans l’intégration des deux économies et de l’accroissement des échanges.

Les politiques d’immigration du Canada mettent beaucoup en valeur les attitudes en technologie, ce qui facilite les permis de résidence permanente ou temporaire aux

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personnes détenant de telles compétences. Il y a même des provinces qui se battent entre elles pour attirer plus d’investisseurs en technologies de l’information.

L’avantage pour les deux pays d’un accord de libre échange est d’une part la promotion du Canada comme le point d’entrée pour le marché nord-américain et de l’Inde comme le point d’entrée pour le marché asiatique. D’autre part, l’abondance des ressources naturelles et primaires que possède le Canada et la demande croissante générée par la croissance démographique de l’Inde et par son intérêt dans la diversification de ses investissements à l’étranger. L’objectif d’un protocole et d’un accord bilatéral pour les secteurs de la science et de la technologie est d’assurer que cet accord soit conclu pour maximiser les bénéfices commerciaux des deux pays. Les deux gouvernements doivent s’assurer que les divergences du Canada avec l’Inde en matière de politique étrangère n’interfèrent pas avec des secteurs où les deux pays ont des intérêts communs (Jarislowsky, 2010).

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VI. LES MULTINATIONALES CHINOISES : PROFIL ET PRÉSENCE AU CANADA

Kevin Chabbal, [email protected] Kahina Hanis, [email protected] Aline Hofmans, [email protected]

Résumé :

Pour cette conférence publique portant sur les investissements à l’étranger, nous nous sommes intéressés aux multinationales chinoises. Dans notre rapport, nous faisons un état des lieux des multinationales chinoises à l’étranger, leur essor, les défis et enjeux qu’elles auront dans les prochaines années. Ces multinationales se sont internationalisées tardivement, mais grâce à une coopération active avec les firmes étrangères elles rattrapent leur retard, notamment le retard technologique. Ces multinationales peuvent avoir souvent un soutien de poids dans les négociations, mais beaucoup de stéréotypes persistent quant aux entreprises chinoises dites étatiques. Dans ce rapport, nous nous sommes plus particulièrement à leur comportement au Canada. Pourquoi le Canada devient-il un acteur privilégié pour les multinationales chinoises? Dans quel secteur les IDE chinois se dirigent-ils? Des traités bilatéraux sont souvent signés entre les gouvernements pour faciliter les échanges, le Canada et la Chine n’y échappent pas. Nous nous sommes intéressés à l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) entre ces deux pays, et sur sa légitimité ou non. L’opinion publique est un acteur important dans les IDE car elle peut être un contre-pouvoir, nous verrons que ce traité n’a pas que des avis favorables au niveau de la population. Enfin, nous ferons des recommandations afin de pouvoir faciliter les échanges entre ces deux pays.

MISE EN CONTEXTE La Chine à la fin des années 70 s’ouvre à la mondialisation, elle est passée d’une

économie fermée, où seulement 7 % du PIB était représenté par le commerce extérieur (gouvernement canadien, 2013). Ce sont de multiples réformes du parti communiste chinois, qui vont accélérer son ouverture. La politique en place avant ces réformes était très protectionniste, et visait seulement à combler les besoins du pays. Ces réformes ont apporté des capitaux étrangers, car la main d’œuvre chinoise était peu coûteuse et très nombreuse. La chine a utilisé ces capitaux pour apprendre, signer des accords de coopérations avec des firmes étrangères et acquérir en moins de 30 ans la technologie, le savoir-faire que l’on connaît aujourd’hui.

D’autres facteurs clés peuvent expliquer l’explosion de cette croissance, les barrières douanières ont été abaissées, l’orientation sur une économie socialiste en 1992 a également été prépondérante dans l’évolution sur le marché mondial de la Chine. La réforme de change sur le Yuan en 1994 a aussi contribué à toute cette mécanique d’ouverture sur les marchés, ainsi qu’à la dépréciation par rapport au dollar et à l’Euro que l’on connaît aujourd’hui. L’accession à l’OMC en 2001, lui ouvrira des portes et ne fera que renforcer son incroyable croyance…

Les multinationales sont bien loin de l’image que l’on avait d’elles, celle d’entreprises de produits simples fabriqués par une main-d’œuvre peu qualifiée. La réalité est toute autre. La Chine a adopté une stratégie de transfert de technologie efficace et a appris des pays développés.

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On pourra bientôt dire que « l’élève a dépassé le maître », grâce à des investissements constants en Recherche et Développement (cf. Figure 1). Récemment, la Chine a accéléré les investissements en R et D en investissant dans des technologies de pointe comme l’a fait LENOVO en faisant l’acquisition d’une branche d’IBM.

Le présent rapport se divisera en deux parties principales. Dans un premier temps, nous tenterons de dresser le profil des multinationales chinoises en les décrivant par des chiffres, en donnant leur localisation et les secteurs qu’elles touchent, en décrivant les formes d’entreprises qu’elles prennent et en analysant leur présence sur la scène internationale. La deuxième partie de ce rapport analysera la présence des multinationales chinoises au Canada. En analysant les intérêts communs des deux protagonistes que sont les multinationales chinoises et le Canada ainsi que la réglementation présente au Canada, nous tenterons de répondre à une question :

Figure 1

R et D dans le monde (source : The World Database)

1. LE PROFIL DES MULTINATIONALES

1.1 Les multinationales en chiffres L’internationalisation des firmes chinoises est un phénomène assez récent apparu

au début des années 80 dans un monde de plus en plus globalisé. Soutenus par une croissance importante du PIB national, par des réformes ainsi que par une volonté d’ouverture internationale du gouvernement chinois, le nombre d’investissements directs étrangers chinois n’a fait que croître pour atteindre en 2012 un total cumulé de participation à l’étranger de 87,78 milliards US $ en terme de flux (CNUCED, 2013), ce qui a permis à la Chine de se glisser au 3e rang des pays réalisant le plus gros volume d’investissements à l’étranger derrière le Japon et les USA (Bureau national des statistiques, 2013).

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Cependant, malgré leur forte croissance, le montant des stocks des investissements directs étrangers sortants reste limité (UNCTAD 2011). En effet, en termes de stocks, le montant des IDES s’élève à 531,94 milliards de dollars US, portant la Chine à la treizième position mondiale (cf. Figure 2). Cette position s’explique par un démarrage tardif des investissements directs étrangers chinois.

Figure 2 : Montant IDE Chinois de 1982 à 2012 (Source : Cnuced)

Le nombre d’IDES chinois est de plus en plus important, certes, mais il est également intéressant de montrer que ces multinationales chinoises jouent au premier plan internationalement. En effet, si l’on regarde le Fortune Global 500, d’année en année, de plus en plus d’entreprises chinoises sont entrées dans ce classement. En 2013, le classement des plus grandes entreprises mondiales par chiffre d’affaires recensait 95 sociétés chinoises, soit 16 de plus qu’en 2012, avec SinopecGroup et China National PetroleumCorp classées respectivement 4e et 5e.

Le Boston Consulting Group propose également un classement, the 2013 BCG New Global Challengers, identifiant les 100 entreprises globales issues des régions à développement rapide dont la croissance et la globalisation sont fortes.1 Parmi les 17 pays qui se partagent le classement en 2013, on observe que, comme l’année précédente, la Chine et l’Inde enregistrent le score le plus haut avec 30 et 20 entreprises chalengeurs respectivement (cf. Figure 3).

1 Revenus annuels >$ 1 millard ; revenus étrangers>500 millions

0

20

40

60

80

100

120

140

19822000200120022003200420052006200720082009201020112012

IDEChinoissortants IDEchinoisentrants

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Figure 3 : 2013 BCG 100 Global Challengers

1.2 Localisation et secteurs d’activités La Chine compte aujourd’hui plus de 4425 multinationales réparties dans plus de

117 pays. La figure 4 illustre les répartitions des multinationales chinoises à travers le monde.

On observe que l’Asie est la destination préférée des multinationales avec plus de 61 % de répartition, même si l’on observe une baisse de 5 % par rapport à 2011 au profit de l’Europe, l’Afrique, l’Amérique du Nord et l’Amérique latine qui ont connu une croissance de 1% respectivement. (BBVA & Ministry of Commerce, 2012) De plus, les destinations telles que les paradis fiscaux des Caraïbes attirent les multinationales chinoises afin de les utiliser comme plateforme pour investir dans des pays tiers (Xavier Richet, 2012). Plus loin, si l’on compare les destinations ciblées par les multinationales chinoises ainsi que les secteurs qu’elles occupent, comme le montre la figure 5, on observe clairement une diversification de la stratégie des multinationales chinoises. En effet, le secteur principalement touché par les multinationales chinoises s’implantant en Afrique, Amérique latine et du Nord est le secteur des ressources naturelles alors que les firmes s’implantant en Asie se spécialisent dans les secteurs de l’industrie, de l’automobile, des services et de la chimie.

Figure 4 : Destinations des IDE sortants chinois en 2011

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Figure 5 : Les investissements directs chinois à l’étranger en 2011 (Source : Capital Dragon)

1.3 Les types d’entreprises Les entreprises chinoises qui investissent à l’étranger peuvent se diviser en 3

types :

- les entreprises étatiques - les entreprises semi-publiques - les entreprises privées

1.3.1 Les entreprises étatiques

Dans les années 90, l’État central chinois s’est désengagé de petites et moyennes entreprises publiques, mais en contrepartie a renforcé son contrôle dans les plus grandes. Dès 2012, 117 entreprises publiques ont été placées sous la supervision privilégiée du gouvernement central (Thierry Pairault, 2013). L’autre partie des entreprises étatiques : la majorité d’entre elles sont sous le contrôle des autorités locales. En termes de montant investi, les entreprises étatiques représentent la forme de multinationales chinoises la plus répandue dans le monde. Elles détiennent en moyenne 80 % du stock d’investissement direct chinois à l’étranger. Or seuls 9 % de projets proviennent de ces entreprises centrales (MOFCOM, 2011).

L’internationalisation des entreprises étatiques chinoises débuta en 1999 avec le lancement de la politique de sortie du territoire. Du fait de leur statut étatique, ces entreprises bénéficient davantage des aides du gouvernement chinois se traduisant en des objectifs à long terme. En effet, les motivations notamment en termes d’accessions aux ressources naturelles expliquent en partie les moyens mis en place par l’État chinois. Cependant, malgré le soutien tant financier qu’intangible, comme l’accès à l’information, le succès de l’internationalisation des firmes chinoises repose davantage sur leurs stratégies, leurs projets et la concurrence domestique. Le rôle de l’État dans l’internationalisation des firmes chinoises est important certes, mais n’est en aucun cas vecteur du succès garanti (HEC Paris, 2010).

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De plus, la notion de contrôle de l’état sur ces entreprises est à nuancer, en effet la mondialisation, entraînant une décentralisation des centres de décision, diminue fortement le contrôle du gouvernement chinois enfin ces entreprises doivent faire face à plusieurs défis. Sur le plan interne, un problème de ressources se fait sentir dans un univers où la corruption reste présente, les cadres à haut potentiel n’hésitent donc pas à se tourner vers les entreprises privées. Sur le plan externe, les entreprises étatiques chinoises se voient confrontées au protectionnisme des États récepteurs des IDE chinois, ceux-ci exprimant de nombreux doutes et du scepticisme. Ils craignent que les multinationales chinoises aient des intérêts différents que ceux purement économiques, pouvant mener à une forme d’ingérence.

1.3.2 Les entreprises semi-publiques

Les années 90 vont voir apparaître le phénomène de désengagement de l’État chinois dans un grand nombre d’entreprises à l’exception des secteurs clés liés aux ressources.

Ce désengagement est resté dans certains cas un désengagement partiel et a fait émerger la notion d’entreprise semi-publique. Pékin conclut des cessions de parts et permit l’entrée au capital d’investisseurs privés locaux ou étrangers (Organisation France-Chine, 2009).

L’État reste néanmoins un actionnaire important de ces entreprises, mais permet que l’image de ces firmes soit moins associée à celle du Parti communiste chinois. De plus, l’objectif social se voit estompé au profit d’objectifs purement économiques, permettant à ces firmes de supprimer des activités sans valeur ajoutée. Cette nouvelle gouvernance a permis à ces entreprises une réelle restructuration permettant une allocation des ressources financières et humaines plus optimisée.

Même si sur le plan stratégique et décisionnel ces firmes sont plus autonomes, elles bénéficient de l’appui de Pékin lors d’investissements à l’étranger, ceci donnant un avantage certain par rapport aux entreprises privées.

1.3.3 Les entreprises privées

Bien que minoritaires en termes de montant d’IDE, les projets d’internationalisations des entreprises privées sont les plus nombreux (plus de 80 %). Les entreprises privées chinoises ne cessent d’accroître leur internationalisation. Cette tendance peut s’expliquer par plusieurs facteurs :

Révision de la propriété privée assurant aux actionnaires une sécurité face à la nationalisation

L’ouverture du pays permettant aux experts étrangers ainsi qu’aux étudiants chinois diplômés à l’étranger de mettre à profit leurs savoir-faire dans ces entreprises, plus attractives pour ces profils.

Une meilleure image externe. Ces entreprises ne sont pas associées au Parti communiste chinois permettant aux firmes privées de jouir d’un meilleur accueil et de réduire les barrières à l’entrée.

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À titre d’illustration : François Hollande a accueilli chaleureusement le 25 juin 2013 des dirigeants de multinationales privées chinoises. « L'Élysée reçoit en grande pompe les vedettes de l'entreprise privée chinoise », titrait Le Monde. Néanmoins, sur certains secteurs d’activité telle que les télécommunications la caractéristique privée des entreprises chinoises n’enlève en rien le scepticisme à leur égard.

Il existe plusieurs raisons du succès de l’internationalisation des firmes privées chinoises comme l’entreprise Lenovo qui a racheté la filiale personal computer d’IBM ou encore l’expansion internationale de la société ZTE. Néanmoins, malgré l’entrée de la Chine à l’OMC ces entreprises privées doivent faire face en interne à une concurrence accrue face aux entreprises étatiques.

1.4 Les multinationales chinoises à l’étranger

1.4.1 Motivations d’expansion

Plusieurs raisons poussent les entreprises chinoises à s’internationaliser. Nous retiendrons ici 4 raisons principales :

1.4.1.1 La recherche de ressources naturelles

La recherche de ressources naturelles est la raison principale de l’internationalisation des entreprises chinoises. On observe en 2012 que 59 % des FDI chinois réalisés concernaient l’accès à des ressources naturelles (Le monde). Par la recherche de ces ressources naturelles, la Chine veut s’assurer l’accès aux ressources nécessaires au maintien d’un taux de croissance annuel à deux chiffres, et plus particulièrement l’accès aux ressources pétrolières (Xavier Richet). Alors que la Chine était en 1980 le plus gros exportateur pétrolier dans l’Asie du Sud Est, la croissance rapide de la Chine a obligé le pays à consommer de plus en plus d’hydrocarbures et en l’espace de 20 ans, la Chine est devenue en septembre 2013 le plus gros importateur de l’or noir (EIA, 2013) (cf. Figure 6). Afin de s’assurer une réserve permanente de pétrole, la Chine a effectué ces dernières années de nombreux accords tels que des rachats, des partenariats et des échanges de prêts avec des entreprises dans des pays tels que le Tchad, Singapour, le Brésil, l’Angola et bien d’autres par l’intermédiaire des trois pétroliers chinois Sinopec, CNPC et CNOOC.

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Figure 6 : Sources d’approvisionnement chinoises en pétrole (2008-2009)

Mais le pétrole n’est pas la seule matière première que l’Empire chinois recherche par l’internationalisation de ses entreprises. Entre 2000 et 2010, les entreprises chinoises ont réalisé 369 opérations dans le monde en recherchant surtout le fer, le cuivre et le charbon (PwC). L’Australie a été en 2009 sa principale cible avec des investissements chinois dans les mines de charbon, du cuivre et du fer, par exemple le géant chinois Chinalco investissant en février 2009 19,5 milliards $ US dans Rio Tinto, le grand groupe minier Australien. En 2011, le groupe minier chinois Shenhua conclut un accord lui donnant accès à 40 % des ressources en charbon de coke située dans le gisement de TavanTolgoi (Mongolie) (Le Figaro). Depuis 2009, l’Afrique est également devenue un partenaire clé de la Chine. En effet, en échange de biens de consommation vendus à prix réduit, la Chine a la possibilité d’acheter les matières premières de l’Afrique. En 2012, selon le vice-ministre des Affaires étrangères Zhai Jun, plus de 800 entreprises ont investi pour un total de 15,3 milliards de dollars en Afrique dans la construction d’infrastructures. Finalement et principalement, l’Amérique du Sud est devenue une destination privilégiée pour la Chine dans la recherche de matières premières. En échange de prêts (37 milliards en 2010), les pays latino-américains exportent leurs matières premières vers la Chine. La Chine s’approvisionne en matières premières dans 4 pays principaux : Le Venezuela, le Brésil, l’Équateur et l’Argentine.

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1.4.1.2 L’accès aux marchés

Une deuxième raison de l’internationalisation des firmes chinoises est la recherche de nouveaux marchés (Xavier Richet, 2012). Les entreprises chinoises affrontent une concurrence accrue au niveau national et les limites de la demande de produits chinois dans les industries tels que le textile et les vêtements, l’équipement de football et les appareils électriques ont été atteints (Ping Deng, 2004) menant à un excès de production. Afin d’écouler cet excès de production, les entreprises n’ont pas d’autre choix que d’étendre leurs horizons vers d’autres marchés. Cependant, de nombreux pays ont adopté des barrières tarifaires à l’encontre des exportations chinoises rendant l’accès à ces marchés difficile. Par exemple, l’Union européenne imposa en 1994 des quotas d’importation concernant les jouets produits en Chine afin de protéger les entreprises européennes. Afin de contourner ces barrières tarifaires, les entreprises chinoises n’ont pas d’autres choix que de s’installer dans le pays cible par le biais de filiales internationales. Afin d’illustrer ce phénomène, Haier Group Corporation décida d’implanter ses usines de productions et d’assemblage aux États-Unis afin de contourner les quotas d’importation imposés par le gouvernement chinois. Il est également important de noter que les entreprises chinoises s’installent également dans des pays n’étant pas soumis à des barrières tarifaires aussi élevés afin d’exporter leur bien depuis ce pays vers les US par exemple.

1.4.1.3 La recherche d’efficience

De nombreuses entreprises chinoises doivent leur succès à des partenariats réalisés avec des entreprises étrangères s’implantant en Chine. Cependant, on observe que les entreprises chinoises aspirent à une meilleure maîtrise de la chaîne de valeur dans laquelle elles interviennent, en réduisant les intermédiaires et en réalisant par eux même l’ensemble des activités de la chaîne de valeur depuis la conception du produit ou du service jusque sa distribution (Hay, Milelli, Shi, 2007). Voilà pourquoi la recherche d’actifs stratégiques indispensables à cette intégration horizontale (compétences et technologie) est nécessaire. Dans ce cas précis, les multinationales chinoises auront tendance à investir dans les pays développés afin d’augmenter leurs connaissances en technologies de pointe. Les réserves accumulées par la Chine lors des dernières années ont permis à de nombreuses entreprises d’acquérir des firmes étrangères. Comme exemple, citons l’investissement réalisé par China Bicycles Corporation of Shenzhen. Afin d’apprendre comment construire des modèles répondant aux hautes spécifications demandées par les consommateurs nord-américains et européens, l’entreprise racheta une compagnie américaine de vélo et transféra la technologie vers ses entreprises situées à Shenzen (Ping Deng, 2004).

En plus d’une volonté d’intégration verticale nécessitant la recherche de technologies, il est important également d’identifier un nouveau phénomène participant à l’internationalisation des entreprises chinoises dans leur recherche d’efficience. Alors que peu présent dans les premières phases d’internationalisation, l’augmentation des coûts de main-d’œuvre chinoise (+17,1 % en 2012) (voir Figure 7) est un phénomène incitant les entreprises à externaliser une partie de leur chaîne de valeur vers les pays asiatiques tels que le Vietnam ou la Corée du Nord (Xavier Richet, 2013).

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Figure 7 : Coûts de la main-d’œuvre chinoise (source : cours de stratégie de l’entreprise internationale, Zhan Su)

1.5 Les stratégies d’internationalisation Avant les années 2000, les investissements à l’étranger se montraient timides,

basés sur l’exportation et l’accès aux ressources naturelles. Depuis la réforme du going out, les stratégies d’internationalisation s’en voient modifiées pour devenir plus organisées. Celles-ci prennent différentes formes en fonction de l’enjeu majeur et la localisation du projet défini par les FMN chinoises.

Les prises de participation majoritaires et les fusions-acquisitions restent les stratégies d’internationalisation préférées des entreprises chinoises. En effet, elles permettent un contrôle total, notion culturellement importante en Chine. Dans un rapport de PwC, on constate en 2011 une augmentation de 14 % des fusions et acquisitions par les FMN chinoises. Plusieurs exemples récents montrent le caractère florissant des acquisitions chinoises. Les plus populaires étant le rachat de la branche PC d’IBM par Lenovo et celui de Volvo par Geely (Jean-Paul Larçon, HEC Paris, 2011).

Si l’acquisition est la forme d’internationalisation privilégiée des entreprises chinoises, elle n’en reste pas moins compliquée à mettre en place et se traduit souvent par un douloureux échec. On se souvient du cas de CNOOC pour l’offre de rachat de l’américain UNOCAL, ou encore le rachat du Sud-coréen Ssangyong Motors par Shanghai AutomotiveIndustry qui s’est traduit par un dépôt de bilan de l’entreprise sud-coréenne. Différentes causes externes ou internes sont à l’origine de ses déboires. On peut citer en causes externes l’hostilité des citoyens, l’opposition des firmes locales sur le secteur en question aboutissant à une pression des politiques pouvant alors retarder ou annuler les projets d’acquisitions en invoquant la sécurité nationale.

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Aussi, les causes internes ne sont pas à minimiser, management d’équipes multiculturelles, règles de fonctionnement et culture d’entreprise incomprise en sont des exemples (Business in Korea, 2009).

Bien qu’en termes de montant investi, les stratégies de prises de participation et les fusions-acquisitions soient majoritaires, elles restent minoritaires en nombre de projets. Le Greenfield investissement, ou en d’autres termes l’implantation de filiales, est la stratégie la plus répandue. Les exemples sont nombreux, en 2007 le géant chinois SINOPEC crée la filiale SINO-CANADA assurant l’accès aux ressources pétrolières dans cette région. Les avantages sont importants notamment autour de l’isolement des risques. En effet, la société mère étant une entité juridique distincte, les risques émanant de sa filiale sont en quelque sorte confinés dans cette dernière. Cette forme d’internationalisation assure un contrôle total des sociétés mères chinoises sur ses filiales.

Les stratégies d’alliances sont un peu choisies par défaut, ces alliances sont souvent mises en place pour contrer le scepticisme et les barrières à l’entrée des IDE. En effet, les alliances stratégiques avec des partenaires locaux permettent de donner une meilleure image au projet, car ce dernier n’est pas uniquement associé à la FMN chinoise. Il existe de nombreux avantages à la formation d’alliance : l’apprentissage technologique et managérial, la réduction des risques et les économies d’échelle en sont quelques exemples. Dans ce genre de stratégie, il est important que les partenaires partagent les mêmes intérêts, car les conséquences pourraient être dramatiques, en atteste le conflit qui a opposé Danone et Wahaha (Zhan Su, 2013). Sur un autre secteur, Huazei Technologies s’est allié à Microsoft Corp pour développer l’offre de smartphones sur le continent africain. Ainsi les compétences techniques de Microsoft notamment son système d’exploitation et les aptitudes de Huazei à produire à moindres coûts ont permis à ces 2 entreprises d’accéder à un nouveau marché (Le Figaro, 2013).

En conclusion, la stratégie d’internationalisation de la Chine connaît un nouvel essor. Elle est passée d’une gestion de ses excédents à une réelle stratégie structurée et tend à devenir plus harmonieuse. Les fusions-acquisitions, bien que majoritaires en termes de montant investi et très médiatisé, restent une part restreinte par rapport au nombre de projets. De plus en plus, les entreprises chinoises se tournent vers les alliances stratégiques pour différentes raisons explicitées précédemment. Ces nouvelles stratégies d’expansion font apparaître plusieurs défis, que les FMN chinoises doivent prendre en compte.

1.6 Les forces et les faiblesses L’entrée de la Chine dans l’OMC a été un tremplin significatif pour les IDE

chinois à l’étranger. La Chine a beaucoup cherché auparavant à subvenir à ses besoins en termes de ressources naturelles, en adoptant des stratégies de low-cost, de grenier du monde avec peu de besoins en main-d’œuvre qualifiée. Maintenant, la Chine entre dans le cercle fermé des grands pays de ce monde et devrait représenter avec l’Inde, autres pays des BRICS un pilier central dans la nouvelle organisation du commerce en 2025 (PwC, 2010).

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Les défis sont multiples, certains étant plus importants que d’autres, pour mener à bien l’internationalisation des firmes chinoises présentant pour l’heure de réelles faiblesses:

1.6.1 « Un accès au financement compliqué » (Yu Cheng Wang, 2012)

Il est une idée reçue que les entreprises chinoises ont de grandes ressources, et des moyens financiers considérables. Il est convenu que pour les grandes entreprises possédant le soutien de l’état (entreprise étatique ou semi-publique), ce cas est avéré. Cependant, pour la majeure partie des entreprises chinoises étant des PME, la recherche de financement s’avère très compliquée, elles ne peuvent donc pas s’internationaliser ne trouvant pas les fonds nécessaires pour avoir une stratégie efficace.

1.6.1.1 Un problème d’image

Dans le monde occidental, on a une image négative des investisseurs chinois du fait du régime politique du pays. On a beaucoup de stéréotypes sur le communisme, la peur de l’espionnage industriel, de l’implantation dans tous les secteurs.

La corruption est également un stéréotype collé aux entreprises chinoises, car même si ce n’est plus un problème pour les multinationales effectuant des investissements en Chine, il n’en reste pas moins un obstacle à l’image des firmes multinationales chinoises. En effet, les multinationales chinoises subissent dans des pays comme au Canada une image négative. Comme exemple, citons le géant chinois des télécoms ZTE qui a vu son contrat avec la Zambie résilié pour soupçons de corruption en septembre 2013 (Agenceecofin, 2010). Le cas de Huawei avec l’opérateur belge Belgacom (Journal de l’économie, 2013) en est un autre exemple. Ces faits de corruption peuvent nuire à l’image des investisseurs chinois. Au Canada, par exemple, l’opinion publique pourrait mettre en doute la véracité de contrats remportés par exemple dans le milieu énergétique. Nuançons cependant que la corruption existe partout dans le monde, dans les pays occidentaux et que les entreprises y ont recours pour assouvir leurs intérêts.

Un manque de capacité managériale à l’international

Les ressources humaines restent un réel obstacle pour les multinationales chinoises, ne s’adaptant pas encore aux dimensions culturelles de chaque pays. En effet, il existe une pénurie de cadres dans ce domaine permettant de s’adapter aux différents marchés du travail dans les pays où les firmes multinationales s’installent. À court terme, la crise a permis de trouver une solution en recrutant des salariés étrangers, mais sur le long terme, il n’est pas sûr que la main d’œuvre chinoise puisse répondre à ce défi.

De plus, il faut des personnes qualifiées à l’internationale connaissant les lois du travail dans les pays, les rémunérations, les politiques de formation et cela peut prendre du temps. La Chine ne s’est ouverte au monde des affaires que depuis une trentaine d’années. De plus, le management chinois ne vise pas à la prise d’initiative, le management est très hiérarchique et manque d’innovation.

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Des capacités technologiques en retard

La Chine ne maîtrise pas encore la totalité de la chaîne de valeur, ce qui pèse sur l’internationalisation de ces firmes. En effet, la Chine maîtrise la distribution, la production, mais il lui reste « beaucoup de faiblesse » (Xavier Richet, 2013) venant d’autres maillons de la chaîne. On a notamment parlé de la R et D, la Chine essayant de rattraper son retard par rapport aux firmes occidentales. Il faudra également que la logistique soit optimisée avec de nouvelles usines d’assemblage pour limiter les coûts. Il reste encore beaucoup de travail à la Chine, mais elle va parvenir très rapidement à maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur. C’est d’ailleurs pour cette raison que de nombreuses entreprises chinoises choisissent de s’internationaliser.

Une arrivée tardive sur les marchés

Les entreprises chinoises s’internationalisent de plus en plus, leur arrivée tardive résulte par le fait de leur retard sur la chaîne de valeur, du financement, de la technologie. Ce retard engendre une méconnaissance des marques chinoises à l’internationale. La connaissance des firmes chinoises, de leur savoir-faire, et de l’image qu’elles véhiculent sera donc également un défi majeur. En effet, demandez à 10 Français 5 marques chinoises, aucun ne pourra vous en citer. Le défi sur le long terme est d’avoir des firmes chinoises dans le top 100 des marques les plus connues (Interbrand top 100 par exemple) et d’augmenter la publicité de ces firmes afin de se faire connaître et reconnaître.

Cependant, les multinationales chinoises peuvent s’appuyer sur de réelles forces afin de rattraper leur retard et combler leurs faiblesses :

1.6.1.2 Un contexte économique propice et une traversée de la crise sans trop d’embûches

La chine possède toujours une forte croissance impressionnante malgré la crise financière. Les multinationales chinoises ont dès lors pu profiter de ce contexte favorable pour combler leurs retards sur les grandes firmes multinationales étrangères occidentales. Elles ont su résister à la crise et se développer sur de nouveaux marchés.

Des multinationales opportunistes

Les multinationales chinoises ont été opportunistes pendant la crise, se dirigeant vers de nouveaux marchés. L’Amérique du Nord et l’Europe étant en baisse de régime, elles se sont tournées vers l’Amérique latine qui s’est sentie à l’écart des échanges avec l’Amérique du Nord et l’Amérique Centrale. L’ALENA et le MERCOSUR n’ont pas amélioré la situation de cette région comme il fut espéré, cette frustration a permis à la Chine de devenir un partenaire majeur pour l’Amérique latine. Les multinationales ont concentré leurs investissements dans les pays des BRICS, de l’Afrique, et elles ont maintenant une place prépondérante en Asie.

Un sens des affaires et un soutien de poids :

Il n’est plus à prouver que les multinationales chinoises ont le sens des affaires, rien que sur leur marché national. Elles savent utiliser les coopérations qu’elles ont faites dans le passé ou encore maintenant avec des investisseurs étrangers afin de progresser dans la chaîne de valeur.

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De plus, elles possèdent une part importante de capitaux propres et l’état leur procure un soutien de poids dans certaines négociations, en termes de gage financier. L’état possède également l’une des plus grandes réserves de devises au monde, et appuie financièrement ces grandes multinationales (source : conférence « le capitalisme d’État »).

Un état chinois actif pour ses multinationales

L’état chinois est très actif dans l’internationaliser ses entreprises et celui-ci aspire à une grande présence des multinationales chinoises dans d’autres pays par le biais de projets. En effet, la Chine a signé de multiples traités bilatéraux afin de faciliter les IDE chinois, et à chaque visite d’état du président chinois, de nombreux chefs d’entreprises chinois font également le déplacement.

Des groupes d’entreprises à l’assaut des pays et l’appel « tous azimuts aux investissements chinois»

Un nouvel élan apparaît pour les multinationales chinoises, qui s’allient de plus en plus pour s’internationaliser dans les pays étrangers. En effet, des multinationales créent des alliances pour « mieux pénétrer le marché européen », par exemple avec l’Aigo Entrepreneurs Alliance (AEA). Cela permet une meilleure efficacité, un meilleur poids la communication, une réduction des risques d’internationalisations et des investissements (MOFCOM, 2012).

De plus, beaucoup de pays européens demandent à la Chine et à ses multinationales d’investir en masse sur leur sol. Ce qui représente une véritable opportunité et une force de positionnement sur la scène internationale pour les multinationales chinoises. On le voit par exemple avec le Royaume-Uni, quand David Cameron invite les entreprises chinoises à investir en masse sur son sol (L’express, 2013).

Nous l’avons vu, les multinationales chinoises jouissent de nombreuses forces et surtout de l’appui de l’état chinois qui permet à ces entreprises de prospérer sur la scène internationale. Attirées par la présence de ressources naturelles en grande quantité, les entreprises chinoises se tournent de plus en plus vers le Canada comme terre d’accueil de leurs investissements. La section suivant étudiera plus en détail ce domaine.

2. LES MULTINATIONALES CHINOISES AU CANADA

2.1 Quelques chiffres En 2013, selon KPMG, le Canada est devenu une destination majeure des

investissements à l’étranger chinois dépassant l’Australie en raison du rachat de NEXEN pour cette année-là (2012, KPMG). La Chine occupe une place du top 10 des acteurs les plus importants en termes d’investissements directs étrangers au Canada. En effet, elle se positionne à la neuvième place (gouvernement du Canada, 2012) des pays qui investissent le plus au Canada. Le Canada est l’un des 4 pays développés dans le monde ou l’on connaît une augmentation des flux entrants (+14 %) alors que d’autres puissances économiques subissent de fortes baisses (-35 % É.-U., -36 % Europe) selon les rapports des Nations Unies sur le commerce et le développement en 2012 (UNCTAD, 2012).

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Figure 8 : Évolution des IDE sortants entre la Chine et le Canada (source : Statsca)

En ce qui concerne les montants des investissements chinois au Canada, ils sont en constante évolution depuis 2005. C’est d’ailleurs ce que souligne Wang Lijun, président du Canada China Chamber of Commerce, en disant que « La Chine est en voie de devenir l’acteur le plus important du Canada en termes d’IDE » (Montréal International, 2013). En effet, des accords ont été signés entre les deux pays et notamment le 09/09/2012 avec un Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE), visant à augmenter les investissements directs à l’étranger (gouvernement du Canada, 2012). Pour définir le rapport de force concernant IDEs, on peut dire que la Chine investit plus au Canada que le Canada ne le fait en Chine.

Selon notre source (Asiapacific, 2012), le montant des investissements chinois au Canada était en 2012 de 43,8 milliards de dollars US en termes de stock et de 12 milliards de dollars pour les flux (Asia Pacific, 2012). Ce montant est l’investissement effectué par 183 entreprises chinoises. Nous savons que les investissements chinois à l’étranger en 2012 représentaient 77,22 milliards de dollars US de flux (MOFCOM, 2012), ce qui voudrait dire que 1/7 des investissements étrangers au Canada est effectué par des entreprises chinoises.

Les acquisitions au Canada par les pays autres que la communauté européenne, les É.-U., et le Japon restent peu élevées. Rien qu’en 2012, dans la catégorie « autres pays », il y avait seulement 128 acquisitions alors que les É.-U. en font 379. Les autres pays représentent 17,78 % des acquisitions au Canada. On imagine mal que la Chine soit à l’origine de ces 128 acquisitions, elle n’est donc pas un acteur majeur des acquisitions au Canada. Les principales acquisitions sont dans le secteur des « services aux entreprises et autres industries de services » avec 32 % des acquisitions dans ce secteur suivi par le « commerce de gros et de détail » 21,5 %, les ressources primaires représentent seulement 13 %. Ces acquisitions pour le Canada sont majoritairement effectuées en Ontario pour 41,25 % d’entre elles, suit le Québec 17,78 %, la Colombie-Britannique avec 16,36 %. Ces 3 provinces elles seules représentent 75 % des investissements pour le Canada, les autres provinces bénéficient des 25 % restant (gouvernement du Canada, 2012).

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2.2 Des intérêts communs En 2013, le Canada s’est glissé à la quatrième place du classement mondial du

A.T Kearney FDI Confidence Index reflétant l’attractivité des pays en termes d’investissements étrangers. Cette ascension au classement de 16 places s’explique par trois facteurs principaux : le prompt rétablissement de l’économie canadienne, l’essor pétrolier et du gaz naturel ainsi que la bonne performance du secteur manufacturier (Montréal International, 2013).

Si le Canada est devenu un pays attractif pour les investissements étrangers, c’est également parce que le pays espère supprimer les droits de douane dans le secteur industrie d’ici 2015 (A.T Kearney). Il existe donc une réelle volonté d’ouverture internationale. Le Canada est également attractif de par sa force de main-d’œuvre qualifiée et éduquée, son gouvernement et sa monnaie stable et son réseau de transport bien développé.

Grâce à ses atouts, le Canada cherche de plus en plus à attirer les investisseurs étrangers surtout la Chine. La politique « Go Global » de l’état chinois encourage les entreprises chinoises à l’investissement étranger qui vise l’acquisition de matières premières que la Chine ne possède pas, qui permet l’exportation de produits que seule la Chine peut produire et qui permet de perfectionner les connaissances en R et D, et de développer des modèles de gestion avancée. (Michael Grant, 2012).

On observe dès lors que les deux pays présentent des intérêts communs et complémentaires. D’un côté, le Canada possède de nombreuses réserves en ressources naturelles qui suscitent l’intérêt de la Chine comme nous l’avons vu dans la seconde partie, mais qui n’a pas toujours les ressources financières pour les exploiter, au contraire de la Chine. De plus, le Canada cherche à diversifier ses marchés d’exportation alors que la Chine cherche elle à diversifier ses sources d’approvisionnement (Michael Grant, 2012). Accueillir les ides chinois au Canada permettra au pays d’accueil également d’augmenter la productivité du Canada par le biais de 2 mécanismes (HEC Canada) permettant à leur tour de favoriser la croissance économique.

L’imitation : les entreprises chinoises en s’implantant au Canada apportent leurs technologies, leur processus de production et leurs pratiques de gestion qui peuvent être imités par les entreprises locales lorsque celles-ci agissent avec les MNEs en tant que fournisseur ou client

La concurrence : l’entrée des multinationales chinoises sur le territoire Canada a comme conséquence d’augmenter la concurrence locale. Les entreprises locales n’ont donc pas d’autre choix que de faire meilleure utilisation de leurs ressources et de leur technologie afin de devenir plus efficientes si elles veulent rester compétitives Les investissements étrangers, quelle que soit leur origine, permettent de favoriser

la création d’emploi dans le pays d’accueil, et les IDE chinois ne font certainement pas exception à cette affirmation.

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Cependant, le transfert des méthodes et conditions de travail chinoises vers le Canada peut susciter au Canada des craintes vis-à-vis du traitement des travailleurs. Voilà pourquoi ce sujet sensible doit être correctement encadré, comme nous le verrons dans la prochaine section.

En ce qui concerne les secteurs dans lesquels la Chine investit, on remarque tout d’abord que l’essor du Canada dans les secteurs du pétrole et du gaz a suscité un vague d’intérêt des compagnies privées étrangères pouvant investir dans ce secteur. La Chine n’y est pas restée indifférente puisqu’entre 2010 et 2012, les firmes pétrolières et de gaz ont investi 38,2 milliards de dollars en acquisitions, joint-ventures et en actions à travers le pays. L’investissement chinois le plus significatif de ces dernières années est celui de la compagnie CNOOC qui a investi 15,1 milliards pour l’acquisition de la compagnie pétrolière canadienne Nexen Inc. (A. T Kearney).

Ensuite, d’autres secteurs ont également été pris d’assaut par les entreprises chinoises investissant dans les secteurs de l’énergie renouvelable, des technologies de l’information et des communications, de la transformation des aliments, des produits pharmaceutiques, de la médecine naturelle et de la fabrication de pointe.

2.3 Réglementation en matière d’investissements étrangers au Canada

2.3.1 La réglementation des investissements étrangers

Comme nous l’avons vu précédemment, les investissements directs à l’étranger dans les économies favorisent l’économie du pays, permettent également de gagner en productivité, dans l’innovation, et cela a un impact direct sur la croissance économique du pays.

Tout d’abord, abordons la loi actuelle sur les investissements étrangers datant de 1985. En effet, la « Loi sur Investissement Canada » a remplacé cette année-là, la Loi sur l’examen de l’investissement étranger (LEIE). Cette ancienne loi était jugée trop protectionniste, avec un manque de transparence évident sur les investissements et une rapidité d’exécution inexistante. La « Loi sur Investissement Canada » a permis de réaliser des améliorations majeures par rapport à l’ancienne loi (LEIE). Cependant, cette loi reste très critiquée au Canada. En effet, dans les autres pays on autorise l’investissement étranger sans trop de contraintes, la seule condition étant que l’investissement ne soit pas à l’encontre des intérêts du pays (France par exemples ou Australie), ou ne portant pas atteinte à la sécurité nationale (USA). Ce n’est pas le cas au Canada.

2.3.2 L’investissement direct et sa complexité

Au Canada, il y a toujours ce sentiment de protectionnisme à l’encontre des investissements étrangers. L’approche est différente, l’investissement est soumis à un examen avant toute opération et l’investisseur doit prouver que l’acquisition/l’investissement sera à « l’avantage net » du Canada. En d’autres termes, le manque de souplesse est évident, l’examen prend du temps, et cela freine les investisseurs. De plus, comme nous l’avons rappelé un IDE favorise l’économie d’un pays et sa croissance, cette condition est en contradiction avec l’approche économique.

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Un « avis d’investissement » doit être fait systématiquement, freinant l’exécution d’investissement, qu’importe le seuil de l’investissement, le contrôle freine les IDE.

Cependant, la « Loi sur Investissement Canada » vise à moins de protectionnisme avec très peu de rejet (essentiellement des entreprises culturelles). La loi sur Investissement Canada examine les demandes d’investissements et possède une très bonne image. Elle est indépendante et n’a pas de pression politique à son encontre. Sauf dans le cadre de gros investissements où le ministre fédéral de l’industrie peut demander à examiner celui-ci dans le but de prouver « l’avantage net » pour le Canada (Michael Grant, 2012).

2.3.3 Une loi à améliorer

Nous nous interrogeons dans notre analyse sur la teneur d’un « avis d’investissement » obligatoire alors que très peu d’investissements depuis 28 ans ont été refusés. L’examen devrait également avoir des critères spécifiques avec la mise en place de cette démarche dans des « domaines publics », sur de gros investissements à hauteur d’une certaine somme d’argent, ou si l’investissement touche un domaine pouvant atteindre la sécurité nationale et les intérêts de l’état. De plus, le motif que l’investissement doit être à « l’avantage net » du Canada doit être revu, se conformer aux autres pays avec pour refus le motif « d’atteinte aux intérêts du Canada » ou à la « sécurité nationale ». Cela faciliterait les démarches, et seuls une commission, un membre du gouvernement pourraient rendre un refus par ce motif. Redéfinir la notion « d’entreprise culturelle » semble également nécessaire. En effet, elle pose des problèmes et des confusions pour les investissements. Même si une entreprise a une faible part de « culturelle », elle aura le statut « d’entreprise culturelle », et ce même si son activité est complètement différente à ce domaine (source : gouvernement Canada, 2012).

2.4 Un Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) entre la Chine et le Canada :

Cet accord vise à améliorer les investissements étrangers, à les protéger et bien

entendu les augmenter. L’APIE entre les deux pays a été signé le 24 septembre 2012 et vise à mettre sur un même pied d’égalité les investisseurs locaux et étrangers vis-à-vis du pays hôte. En d’autres termes, que les entreprises chinoises ne connaissent aucun motif discriminatoire par rapport aux investisseurs locaux (APIE, 2012).

Cependant même si cet accord a été signé entre les deux pays en novembre 2013, il n’a toujours pas été ratifié. C’est un sujet sensible créant la polémique auprès de l’opinion publique, les classes politiques et les entrepreneurs canadiens. En effet, même si les IDE créent de l’emploi, contribue à la croissance du pays, l’opinion publique voit ici un « risque de pillage » de ses ressources naturelles et parle de désinformation sur l’APIE. Il n’y a pas eu de débat parlementaire, aucun vote, de nombreuses voix se sont levées et des pétitions continuent d’affluer. Ce traité est jugé inégalitaire, les investissements en Chine étant inférieur à ceux des Chinois au Canada, on n’est pas sûr de l’avantage à en tirer pour le Canada. Les craintes sur la mainmise des ressources naturelles par les IDE chinois font peur, l’influence de ces investissements sur le long terme est redoutée. De plus, ce traité bilatéral permet à chacun de faire des recours en justice ce qui fait effraye la société canadienne, pensant que les investisseurs chinois

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réclament des dommages et intérêts dans certains dossiers de refus, sans en être informés. (Radio-Canada, 2012)

2.5 Propositions pour une meilleure intégration des IDE chinois au Canada Précédemment, nous avons vu que la Chine et le Canada partageaient des intérêts

complémentaires, voire communs. C’est pourquoi il est important pour le Canada d’attirer les IDE chinois et les intégrer de la meilleure façon à l’environnement canadien. Des mesures peuvent être prises en ce sens, permettant d’influer sur le volume et la nature des IDE chinois entrants.

Or, selon le cadre d’action pour l’investissement de l’OCDE, le Canada figure parmi les pays qui appliquent le plus de restrictions. Ces restrictions prennent 3 formes dans la Loi sur Investissement Canada :

Limitation de la participation étrangère au capital. Un mode de sélection opaque : clauses qui stipulent que les projets des

investisseurs étrangers doivent être examinés par le ministre de l’Industrie, posant une importante question sur la nature arbitraire de ce mode de sélection.

Restrictions au personnel étranger, notamment dans les fonctions managériales des FMN étrangères. Néanmoins, le discours de Trône de mars 2010 constitue une date importante pour

l’ouverture du Canada aux IDE étrangers. Ce discours transmet l’intention et la nécessité du Canada à ouvrir davantage son territoire à l’investissement étranger.

Cependant, de nombreuses évolutions doivent être envisagées. L’une des principales mesures à prendre pour mieux intégrer les IDE chinois serait à défaut de supprimer ces barrières, les clarifier notamment sur les notions d’avantages économiques. Cette notion abstraite ne permet pas de comprendre les raisons d’un refus de prise de participation ou de fusion-acquisitions des entreprises étrangères. Rendant les modalités de sélection plus opaques et donc un risque plus important pour les FMN quant au choix du Canada.

Michael Grant dans un rapport sorti en 2012 suggère « d’appliquer le critère de l’intérêt national d’une manière qui exigera du gouvernement fédéral qu’il prouve qu’un investissement nuit à l’intérêt national, par opposition à l’obligation de l’investisseur étranger de prouver l’avantage net ». De plus, il préconise moins d’ingérence politique pouvant amener à des refus d’investissement arbitraires, ayant pour but des considérations politiques de court terme.

Nous ajouterions à ces recommandations d’accompagner les FMN chinoises dans leur transition aux normes comportementales et organisationnelles canadiennes. De plus, une meilleure intégration passe également par la mise en place de mesures en lien avec la responsabilité sociale et environnementale. Un des points de départ serait de s’appuyer sur le rapport 2011 de l’OCDE sur les Principes directeurs à l’intention des multinationales. Ces mesures permettront à terme de faire émerger un standard.

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Selon une étude de Fondation Asie Pacifique, 75 % des Canadiens s'opposeraient à l'acquisition, par une entreprise d'État chinoise, d'une compagnie canadienne de premier plan. On remarque que l’opinion publique exprime de nombreuses craintes vis-à-vis de ces investissements chinois.

Ceux-ci craignent qu’un secteur entier soit dominé par l’état chinois, présent dans les entreprises chinoises publiques et que les conditions de travail ne soient pas respectées dans les usines. Il est donc nécessaire de s’assurer du respect des droits du travail canadien. Dès lors, l’intégration des IDE chinois serait source d’intérêt pour les deux pays.

3. CONCLUSION

Tout au long de ce rapport, ainsi que lors de la conférence publique, nous nous sommes efforcés de dresser le profil des multinationales Chinoises le mieux que possible. N’étant présentes que depuis peu sur la scène internationale, le montant des IDE chinois a tout de même atteint un montant de 87,78 milliards de dollars US en termes de flux en 2012, portant la Chine à la troisième place des pays réalisant le plus gros volume d’investissements à l’étranger derrière le Japon et les États-Unis. Cette montée en puissance a été possible grâce à un soutien du gouvernement chinois présent derrière ses entreprises étatiques ou semi-publiques offrant à celles-ci un appui considérable. Les raisons de l’internationalisation de ces grandes entreprises telles que Sinopec, Shunha ou même Haier Group Corparation sont multiples. Tout d’abord, celles-ci cherchent les ressources naturelles, telles que le pétrole, le charbon ou les minerais, nécessaires à maintenir un taux de croissance à deux chiffres. Ensuite, l’accès aux marchés et plus particulièrement aux pays présentant de fortes barrières aux exportations chinoises pousse les multinationales chinoises à acquérir des firmes nationales, à construire des filiales à l’étranger ou même à se tourner vers des stratégies d’alliance et de joint-venture afin de contourner ces barrières. Finalement, la recherche d’efficience et avec celle-ci une meilleure maîtrise de l’ensemble des processus de la chaîne de valeur sont une troisième raison pour laquelle les entreprises chinoises élargissent leurs horizons. Cependant, les multinationales chinoises présentent encore, à l’heure actuelle, certaines faiblesses qui pourraient nuire à leur expansion. Nous en avons identifié cinq : un accès au financement compliqué, une image négative de la part de l’opinion publique étrangère, un manque de capacité managériale à l’international ainsi qu’une arrivée tardive sur les marchés. Cependant, le contexte économique propice et une traversée de la crise des entreprises chinoises soutenues par un gouvernement sont deux des forces principales que possèdent ces multinationales chinoises avides de reconnaissance internationale.

Dans un deuxième temps, nous nous sommes intéressés au Canada comme terre d’accueil aux multinationales chinoises. Après avoir dressé quelques chiffres clés, nous avons énuméré les intérêts communs des deux pays dans ces échanges bilatéraux. D’un côté, le Canada, attractif entre autres de par sa main-d’œuvre qualifiée, sa stabilité politique et monétaire ainsi que de par son réseau de transport développé, présente de nombreuses ressources naturelles, suscitant les convoitises des multinationales chinoises aux grandes capacités financières. De plus, la présence des IDE chinois au Canada permettrait d’augmenter la productivité par le biais de l’imitation et de la concurrence.

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Afin de réglementer les échanges, la loi sur investissement Canada a été signée en 1985. Cependant, celle-ci nécessiterait des améliorations. En effet, « l’avantage net », devant être avancé par les investisseurs étrangers devrait être supprimé pour une autre clause stipulant la nuisance à l’intérêt national devant être prouvé par l’état fédéral.

Plus particulier à la Chine, la loi APIE vise à traiter les multinationales chinoises sans aucune discrimination, donnant à celles-ci toutes leurs chances. Nous pouvons donc observer une réelle volonté de la part du gouvernement canadien d’accueillir ces nouvelles multinationales chinoises, même si l’opinion publique n’a pas toujours le même avis. Pour cela, nous recommandons aux multinationales chinoises de se conformer aux exigences culturelles et administratives ainsi que managériales du Canada afin de redorer leur blason face à l’opinion publique, permettant alors une meilleure intégration des IDE chinois dans le pays du sirop d’érable et des caribous.

Aujourd’hui, le Canada travaille de plus en plus sur l’intégration des IDE, notamment chinois. Néanmoins, une question reste très présente. Quel est le degré d’ouverture que doit pratiquer le Canada afin de rester indépendante commercialement et financièrement, mais tout en profitant des avantages d’un monde de plus en plus globalisé?

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Sous oublier les nombreuses informations recueillies lors du Colloque sur le capitalisme d’État.

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VII. LES MULTINATIONALES RUSSES

David Hervoil, [email protected]

Laura Kayali, [email protected] Bénédicte Sorce, [email protected]

Gabrielle Tremblay, [email protected] Manon Van Gucht, [email protected]

Résumé

À l’heure actuelle, le Canada travaille principalement avec les États-Unis.

Cependant, le pays tente de diversifier ses investissements à l’étranger et explore d’autres possibilités. Concernant ses investissements directs à l’étranger (IDE), le Canada a tout intérêt à considérer la Russie comme une option stratégique. En effet, une relation de « donnant-donnant » pourrait grandement favoriser ces deux pays. À travers cet exposé, un aperçu des multinationales russes sera donné de manière à décrire leurs particularités, leurs ambitions et l’intérêt que celles-ci auraient à poursuivre des IDE au Canada. Ce rapport s’articule autour de cinq questions : Qui sont ces multinationales? Pourquoi s’internationalisent-elles? Où le font-elles? Comment procèdent-elles à leur internationalisation? En quoi les FMN russes sont-elles attirantes pour le Canada? La littérature au sujet des multinationales russes est encore très récente et est très peu abondante. Cependant, divers auteurs semblent prêter un intérêt grandissant à la Russie, conscients des enjeux qui y sont liés.

MISE EN CONTEXTE

Au cours de ces dernières années, la Russie est parvenue à se démarquer sur la scène mondiale en exploitant ce qu’elle possède de plus précieux, à savoir un incroyable réservoir de ressources naturelles. Cela a été rendu possible notamment grâce à la mise en place d’alliances stratégiques et d’acquisitions tout à fait judicieuses. Bien que certaines zones d’ombres persistent concernant les multinationales russes, celles-ci tendent à être de plus en plus transparentes. En effet, leur avenir dépend de cette démarche vers un mode de gestion moins opaque, étant donné que les investisseurs étrangers sont bien souvent réticents face à cette trop grande opacité. À travers ce document, nous nous sommes attachés à donner un aperçu de ces multinationales en présentant leur histoire, leur mode d’internationalisation, ainsi qu’en soulignant leurs motivations à investir davantage à l’étranger.

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1. QUI SONT CES MULTINATIONALES RUSSES ?

1.1 Fin De La Période Soviétique L’avènement de l’économie de marché en Russie a sonné le glas de la présence

desdites « multinationales rouges » provenant de l’URSS (Gutman, 1990 ; Hamilton, 1986 ; McMillan, 1987 ; Sokolov, 1991, cités par Andreff, 2011). Ces dernières disposaient en 1990 de pas moins de 175 filiales à l’étranger. Dès 1991, lors de la période de transition, la profonde récession ressentie à l’échelle mondiale a entraîné des conséquences désastreuses sur ces multinationales, qui ont manqué cruellement de liquidités et qui n’ont donc pas pu continuer à financer leurs filiales étrangères. Elles ont vu leur taux d’investissement à l’étranger (IDE) se réduire ou cesser pendant plusieurs années (Svetlicic, 1997, cité par Andreff, 2011). Elles ont également perdu la plupart, voire l’ensemble, de leurs débouchés dans le Comecon. En outre, elles ont expérimenté une réduction de crédit, dit credit crunch, une pénurie de devises convertibles, ainsi qu’une désorganisation de la production et des réseaux de distribution.

Le sort de ces multinationales rouges a été affecté de deux manières différentes : d’une part, certaines ont fait faillite, d’autre part, un certain nombre d’entre elles ont été rachetées par des investisseurs étrangers. Dans un contexte si désastreux, la privatisation et la restructuration de ces entreprises ont primé sur toute tentative d’investissement étranger (Andreff, 2011).

L’avènement de firmes multinationales s’est produit de manière spontanée lors du démantèlement de l’URSS et de sa division en 15 États nationaux. Ainsi, ces firmes russes sont en quelque sorte nées internationales, elles qui ont encouru une multinationalisation institutionnelle (Liutho, 2001, cité par Andreff, 2011). Ce processus a été revigoré par une reprise des IDE à partir des années 1994 (Andreff, 2002). Cependant, il faudra attendre les années 2000 pour pouvoir réellement parler d’une convalescence pour la Russie aux conséquences du krach financier de 1998 et d’une ouverture prospère aux IDE. C’est également à ce moment-là qu’a eu lieu la véritable multinationalisation de la plupart des 100 plus grandes firmes russes (Andreff, 2003).

Un certain nombre de caractéristiques vont différencier les multinationales russes de l’époque de la plupart des multinationales présentes dans les pays développés. Tout d’abord, elles ne sont pas toutes privatisées, et l’État bénéficie encore d’une marge d’influence parfois considérable sur leur stratégie. Ensuite, leur taille et leur nombre de filiales étrangères sont relativement minimes face à ceux de nombreuses multinationales occidentales. De plus, leurs IDE sont pour la plupart concentrés dans leur région géographique avoisinante, et leurs investissements concernent la plupart du temps le secteur secondaire, et non pas le secteur tertiaire. Finalement, en termes de qualité et de profitabilité, la production de ces multinationales russes est moins efficiente que celle des multinationales occidentales.

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1.2 Une Typologie Des Multinationales Russes Afin de présenter les principales multinationales russes, il est possible de

reprendre la typologie élaborée par Liutho et Vahtra (2007, cités par Andreff, 2011). Les deux notions principales rattachées à cette typologie sont le niveau de transparence que représente la firme, estimé grâce au rating publié dans la Standard and Poor’s Russian Transparency and Disclosure Survey, ainsi que le niveau de contrôle ou de propriété exercés par l’État sur ladite firme.

Cette typologie a donné lieu à quatre sous-catégories de multinationales russes, et nous permet de cerner les enjeux liés au capitalisme d’État en Russie. Selon Andreff (2011), certaines multinationales russes exercent ce que l’on peut caractériser de soft power venant se substituer aux forces militaires.

Tout d’abord, nous retrouvons lesdits « patriotes non transparents ». Il s’agit des FMN (firmes multinationales) sur lesquelles l’État exerce un haut degré de contrôle, et qui disposent bien souvent d’avantages stratégiques considérables en termes de ressources naturelles. Citons à titre d’exemple l’entreprise pétrolière russe Rosneft.

Ensuite, la seconde typologie rassemble les « patriotes transparents ». Il s’agit des entreprises qui, bien que dévoilant partiellement leurs comptes et leur stratégie, restent entièrement ou en partie sous le contrôle de l’État. Gazprom en est le meilleur exemple.

Troisièmement, nous avons les « indépendants non transparents », qui regroupent les firmes qui ne sont que très peu ou pas du tout contrôlées par l’État, mais dont le mode de gouvernance laisse à désirer sur certains points, donnant lieu à des pratiques peu transparentes, telles que des investissements étrangers par le biais de paradis fiscaux. Evraz group et Severstal font partie de cette catégorie.

Quatrièmement, nous avons les « indépendants transparents », qui sont indépendants de toutes considérations politiques et étatiques, et qui sont donc totalement privatisés. Norilsk Nickel, Lukoil et UC Rusal sont trois multinationales russes qui peuvent être considérées comme faisant partie de ces indépendants transparents.

1.3 Six Leaders Principaux En Russie Nous avons identifié six leaders principaux sur le marché russe, caractérisés par

leurs positions hautement compétitives au niveau mondial, dans leurs secteurs économiques respectifs. Ces six multinationales russes concentrent leurs activités dans l’exploitation des ressources naturelles. La Russie bénéficie en effet d’une dotation significative dans ce type de ressources, comme nous l’avons déjà mentionné. Premièrement, le secteur pétrolier et gazier est représenté par Lukoil et Gazprom. Ensuite, le secteur métallurgique est quant à lui représenté par Severstal, United Company Rusal, Norilsk Nickel et Evraz group.

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1.3.1 Les indépendants non transparents

Severstal est la plus grande entreprise sidérurgique en Russie. Il s’agit d’une multinationale intégrée verticalement recelant de capacités significatives tout au long de la chaîne de production métallurgique. Le chiffre d’affaires de Severstal s’élevait à 2 672 659 milliers d’euros en 2012 (La Tribune, 2012). Le marché de Severstal s’oriente davantage sur l’extérieur, et principalement en Occident, comparativement aux autres multinationales russes opérant dans ce secteur. Cette firme s’est rapidement engagée dans des IDE, et cela s’est premièrement manifesté lors de son entrée sur le marché nord-américain, considéré comme l’un des marchés de l’acier les plus développés au monde. À ce propos, le groupe Deloitte affirme en 2008 : « The company’s development strategy in the North American market provides for further concentration on high value-added products, focus on new customers and development of quality high-tensile steel products ». En outre, Severstal a notamment acquis en 2004 le sidérurgiste américain en faillite Rouge Industrie (Lalibre, 2006). L’Europe occidentale constitue un autre marché d’intérêt pour Severstal. En effet, en 2006, la multinationale a acquis plus de 70 % de Lucchini, le deuxième groupe d’acier italien. Ces acquisitions sont principalement motivées par l’obtention d’un accès à de nouvelles technologies et l’augmentation de la valeur ajoutée de la production (LaLibre.be, 2006). Entre 2007 et 2012, la firme a continué son expansion en acquérant des parts au sein de firmes américaines et africaines principalement (Severstal, 2012).

Evraz Group est une multinationale russe travaillant dans le secteur du fer et de l’acier. Elle a été créée à Moscou en 1992 et est actuellement présente dans divers pays, à savoir les É.-U., l’Ukraine, le Canada, la République Tchèque, l’Italie et l’Afrique du Sud (Evraz, 2013). Le chiffre d’affaires de la multinationale s’élevait à 14 625,26 millions de dollars en 2012. Depuis sa création, l’entreprise a entrepris de nombreuses acquisitions à l’étranger, ce qui lui a permis de renforcer significativement sa position au niveau mondial. En 2005, celle-ci poursuivait une stratégie d’expansion à l’international, et plus particulièrement dans des marchés prometteurs tels que les États-Unis ou l’Europe. Elle visait également à achever son intégration verticale dans le domaine de la métallurgie et à maintenir sa position de leadership dans la production de vanadium. Très rapidement, ces objectifs ont été atteints. En effet, la firme a réalisé plusieurs acquisitions en Europe depuis 2005 (Italie et République Tchèque) et a également acquis l’un des leaders dans la production d’acier aux États-Unis (Oregon Steels Mills). Depuis, Evraz a continué à renforcer sa présence aux États-Unis et en Europe via plusieurs acquisitions stratégiques. En 2008, la firme a également manifesté son intérêt pour le marché chinois et est parvenue à acquérir un des leaders du secteur métallurgique chinois : Delong Holding. Si nous nous fions à la typologie mentionnée supra, Evraz group fait partie de la catégorie des indépendants non transparents. En effet, ses pratiques de gestion laissent à désirer étant donné que Roman Abramovich, actionnaire principal du groupe (Evraz, 2013), effectue des transactions douteuses, et que la gestion de l’holding Evraz Group est menée par la société Lanebrook Ltd située dans un paradis fiscal : Chypre (LaLibre, 2013).

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1.3.2 Indépendants transparents

Norilsk Nickel fait partie des six plus grands producteurs métallurgiques dans le monde au niveau de son volume de production (Deloitte, 2008). Il s’agit d’ailleurs aujourd’hui du producteur no 1 mondial de nickel (17 % de l’offre mondiale) et de palladium (40 %) (Norilsk Nickel, 2012). La firme produit également du platine et du cuivre. En 2012, le chiffre d’affaires de Norlisk Nickel s’élevait à 14,122 millions de dollars (Norilsk Nickel, 2012). Étant donné que l’entreprise a toujours disposé de ressources riches quantitativement et qualitativement parlant, les IDE n’ont pas été une priorité pour elle de prime abord. Cependant, au début des années 2000, Norilsk Nickel a considérablement changé sa perspective stratégique. Son premier objectif a été celui-ci : « The realization of growth potential through search, exploration and development of world-class mineral resource deposits » (Deloitte, 2008). En outre, la firme a voulu développer une stratégie d’acquisitions à l’international. C’est l’acquisition d’une part majoritaire dans la firme américaine Stillwater Mining Company en 2003 qui a initié ce mouvement, confortant la position de Norilsk sur le marché américain. Au cours de l’année 2006, plusieurs accords ont été réalisés par Norilsk, notamment avec Rio-Tinton, un groupe minier multinational anglo-australien, ainsi qu’avec BHP Biliton, une entreprise minière de taille colossale. Dans le courant de l’année 2007, l’activité internationale de Norilsk s’est fortement développée, avec une préoccupation particulière pour le développement du business lié au nickel. En mars de cette année-là, la firme a acquis des actifs à la firme American OM Group, pour un montant de 408 millions USD. Cette transaction lui a permis d’accéder aux technologies les plus avancées dans le domaine de la production du nickel. En août 2007 a eu lieu une acquisition phénoménale dans l’histoire des multinationales russes, celle de la firme LionOre Mining International Ltd, qui a permis a Norilsk de conforter sa position sur l’échiquier mondial, élargissant sa réserve de nickel en Australie, et lui donnant notamment accès à l’Afrique du Sud. Finalement, en octobre 2007, la firme a conclu une série d’accords avec les Canadian Royalties, lui procurant une part minoritaire dans la firme canadienne. Ces nombreuses acquisitions ont permis à Norilsk Nickel d’être aujourd’hui présente dans 9 pays répartis sur les 5 continents. Alors que les sites de production se situent en Russie, en Finlande, au Botswana et en Afrique du Sud, il existe un bon nombre de bureaux représentant la firme en Chine, aux É.-U., en Russie, au Royaume-Uni et en Suisse. Norilsk Nickel réalise actuellement la plus grande partie de ses ventes de Nickel en Europe (55 %). Ensuite, le reste de ses ventes se divisent entre le l’Amérique du Nord (11 %), l’Asie (25 %) et la Russie (9 %). À l’heure actuelle, la firme investit énormément dans le domaine de la Responsabilité Sociétale des Entreprises en mettant notamment au point des processus de production moins polluants et présentant une moindre consommation d’énergie. L’entreprise russe a d’ailleurs reçu plusieurs prix pour son comportement responsable (Norilsk Nickel, 2012).

Lukoil a été l’une des premières entreprises russes à connaître le processus de globalisation. Actuellement, il s’agit de l’une des multinationales russes les plus avancées en ce qui concerne le nombre d’actifs qu’elle détient à l’étranger, et elle représente l’une des plus grandes réserves de gaz et de pétrole dans le monde. Cette multinationale a vu le jour en 1991 et était initialement publique sous l’URSS. Elle a été privatisée en 1993 et a connu à partir des années 2000 une croissance remarquable (Lukoil, 2013).

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En 2012, la firme affichait un revenu net de 11 millions de dollars, soit une augmentation de 1 million de dollars par rapport à l’année 2011. Lukoil représente 18,6 % de la production pétrolière au niveau national russe, et est la première entreprise pétrolière indépendante en ce qui concerne les réserves pétrolières et gazières du pays. Lukoil poursuit actuellement une stratégie d’expansion, principalement via des alliances stratégiques. Cela s’est particulièrement fait ressentir au cours des 15 dernières années, au cours desquelles Lukoil a investi en Europe de l’Est par l’achat de plusieurs raffineries en Ukraine, en Roumanie et en Bulgarie, ainsi que par l’acquisition de 2000 stations-service dans cette région. Grâce à ces nombreuses acquisitions, elle dispose désormais d’un réseau international considérable, elle qui est active dans plus de 40 pays. Ces dernières années, le groupe russe a investi dans le domaine RSE ainsi qu’en R et D (Lukoil, 2012). Récemment, le CEO de Lukoil, Vagit Alekperov, a d’ailleurs déclaré que la création de divers débouchés pétroliers sur toute la planète est en train de devenir une activité importante pour Lukoil.

United Company Rusal est le producteur numéro 1 mondial d’aluminium. Le groupe a été créé en 2007 par la fusion de deux producteurs russes d’aluminium, Rusal et Sual, ainsi qu’avec l’entreprise suisse Glencore. Cette fusion a permis à la firme d’agrandir sa part d’actifs étrangers, qui s’élevaient à 4,15 billions USD à la fin de l’année 2006, et lui a également permis d’améliorer son processus d’intégration verticale (Deloitte, 2008). Elle a été rendue nécessaire pour deux raisons principalement. Tout d’abord, les équipements hérités par la firme à la suite de l’époque soviétique étaient relativement obsolètes. De plus, l’approvisionnement en matières premières n’était pas suffisant. Il fallait donc trouver sur le marché des opportunités en vue de prévenir les fluctuations du marché ainsi que les éventuelles perturbations dans la chaîne d’approvisionnement. En 2008, Rusal était présente dans 18 pays répartis sur les 5 continents. Grâce à son expansion à travers le globe, Rusal est devenue la plus grande entreprise dans le secteur de l’aluminium au niveau mondial. En ce qui concerne le degré de transparence, Rusal a été récemment caractérisée comme l’une des entreprises russes les plus ouvertes, conformément aux critères de transparence qui ont été déterminés pour les pays émergents par l’organisation internationale anticorruption Transarency International (Rusal, 2013). En août dernier, le chiffre d’affaires de l’entreprise s’élevait à 550 millions USD (Le Monde, 2013). La firme a dernièrement rencontré certaines difficultés. En effet, étant donné la chute des prix de l’aluminium, combinée au coût élevé de l’électricité, les usines vont devoir réduire leur cadence et leurs effectifs. En 2013, 3000 employés ont été licenciés en son sein. Une de réduction de 9 % de la production est d’ailleurs prévue pour Rusal d’ici fin 2013 (Le Monde, 2013).

1.3.3 Les patriotes transparents

Ensuite, sous la catégorie des patriotes transparents, nous retrouvons principalement Gazprom. Gazprom est la seconde plus grande multinationale russe en termes d’actifs détenus à l’étranger. Ses réserves de gaz naturel et sa production s’élèvent respectivement à 17 % et 20 % environ sur l’échelle planétaire. Elle bénéficie de réseaux internationaux géographiquement très avantageux. Il s’agit d’une multinationale pour laquelle l’État russe bénéficie encore d’une participation majoritaire.

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Malgré le fait qu’elle se classe parmi les trois meilleures entreprises en termes de capitalisation et de volume de production, Gazprom désirait au départ se concentrer sur son marché domestique uniquement. Ce n’est que très récemment que la multinationale a réellement commencé à exploiter son statut de leader mondial dans le secteur de l’énergie. Ainsi, comme l’a affirmé le vice-chairman Alexei Miller en 2007, « today’s business is globalizing fast and goes beyond industrial and national markets. Therefore, two years ago Gazprom decided to start building a global energy company. Now, it will not be an exaggeration to say that the transformation of Gazprom from a “national champion” to a global energy business leader has become a fact ». En 2006, Gazprom présentait des chiffres assez prometteurs. Le montant de ses actifs étrangers s’élevait à 10,6 billions de dollars, et ses ventes à l’étranger étaient de l’ordre de 67 billions de dollars.

Depuis 2013, cette multinationale enregistre des recettes amoindries. Cela est premièrement dû à la diminution de la demande européenne. Depuis la crise relative à l’enjeu gazier qui est survenue en 2009, à cause d’un affrontement entre l’Ukraine et la Russie, l’Europe a en effet réalisé une diversification au niveau de ses fournisseurs. Ce conflit avait mené à une interruption des livraisons gazières vers l’Ukraine de la part de la Russie dès janvier 2009, ainsi qu’à une rupture totale des approvisionnements gaziers russes à travers l’Ukraine vers l’UE (Europa, 2012) entre le 7 et le 20 janvier 2009, incitant l’Europe à revoir ses réseaux d’approvisionnement. Ensuite, cela est également dû à la révolution du gaz de schiste aux É.-U., qui pourrait lui permettre de devenir prochainement un exportateur net. Le gaz de schiste a fortement impacté les É.-U., dont la balance commerciale démontre actuellement un certain affranchissement du pays envers la Russie, leur besoin d’importation en gaz s’étant considérablement réduit (Courrier International, 2013). Finalement, la Russie est également menacée par l’augmentation de la concurrence mondiale provenant des exportateurs de gaz naturel liquéfié.

Ces alternatives ont provoqué une diminution mondiale des prix du gaz, ce qui a poussé certains partenaires européens de Gazprom à faire réviser leurs contrats avec la multinationale en évitant la coutumière indexation de ceux-ci en fonction du prix du pétrole. Ainsi, ces contrats modifiés présentent désormais la fixation d’une proportion accrue (environ 25 %) du contrat au prix du marché comptant au lieu de maintenir une indexation en fonction du prix du pétrole. En outre, la Pologne, la Lituanie et l’Ukraine représentent selon l’Agence Internationale de l’Énergie des réserves considérables de gaz de schiste et constituent donc une menace pour la Russie. D’autres pays tels que la Roumanie, la Bulgarie et la Hongrie disposeraient également de certaines quantités de gaz de schiste, certes moins abondantes, mais tout de même conséquentes. Toute cette dynamique pourrait dans les années à venir mener à l’avènement d’une nouvelle dynamique des marchés de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est (David Grodzki,2013).

Dernièrement, en septembre 2013, la Commission européenne a ouvert une procédure antitrust à l’encontre de Gazprom. Cette dernière accuse la multinationale d’avoir « imposé des prix non équitables en établissant un lien entre les prix du gaz et du pétrole et en empêchant un commerce du gaz entre les pays importateurs (lesdites clauses de destination), interdisant donc leurs efforts de diversification »

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(David Grodzki, 2013). Ce fait est menaçant pour la Russie, ainsi que pour Gazprom, qui pourrait se voir contrainte à une amende de l’ordre de 10 % de son chiffre d’affaires.

1.4 Transparence Une problématique essentielle de la Russie concerne son degré de transparence

sur la scène mondiale. Lorsque le système soviétique était encore en vigueur, les multinationales russes étaient caractérisées par une forte opacité. En effet, celles-ci adoptaient bien souvent une stratégie de dissimulation de l’information (Andreff, 2011). Bien que bon nombre de ces entreprises aient évolué vers une plus grande transparence, beaucoup soulignent encore l’insuffisance d’informations concernant les activités des multinationales russes à l’étranger. Alors que d’autres pays émergents tels que la Chine mènent une stratégie d’internationalisation relativement explicite, celle de la Russie reste encore très implicite.

Cette non-transparence est bien souvent encouragée par l’État. En effet, l’État exerce encore un très fort contrôle dans le secteur de l’énergie, et plus particulièrement dans celui du gaz. L’État utilise d’ailleurs ses entreprises comme des pions sur la scène politique. Selon certains auteurs, Gazprom représenterait une arme politique pour Vladimir Poutine (Trends Tendance.be, 2013). Les agissements liés à cette multinationale ont parfois été fortement controversés, notamment lorsque celle-ci a décidé d’arrêter de livrer en gaz certaines ex-républiques soviétiques comme l’Ukraine, comme nous l’avons déjà mentionné. En effet, la politique étrangère de rapprochement avec l’Europe menée par ce pays a été considérée d’un mauvais œil par Moscou. L’indéniable tension russo-ukrainienne a particulièrement inquiété l’UE, fortement dépendante des vis-à-vis du gaz russe. D’après Guillemoles et Goldthau (2007; 2008, cités par Laïdi, 2009), Vladimir Poutine a fait de Gazprom « la pierre angulaire de la relance du pays, mais aussi son principal outil d’influence à l’extérieur du pays ». Ce fait concerne notamment les relations entretenues entre la Russie et l’UE, « cette dernière envisageant la puissance gazière de la Russie à la fois comme une opportunité et une menace » (Loirec & Noilhan, 2006; cités par Laïdi, 2009).

Le fait que l’État ait la main mise sur certaines entreprises russes et qu’il ne délivre pas facilement de l’information les concernant rebute beaucoup de pays étrangers, et plus particulièrement l’Europe. À titre d’exemple, Angela Merkel avait refusé en mars 2007 l’entrée d’actionnaires russes à la direction du consortium aérospatial EADS, étant donné que ces activités font également partie du secteur sensible de la défense (Courrier International, 2007). Dès lors, le contrôle de l’État peut parfois être une barrière pour l’internationalisation de la Russie, et plus particulièrement lorsqu’il s’agit de créer une alliance. En effet, lorsqu’il est question d’alliance, l’entreprise étrangère s’attend à un partage d’information, mais dans le cas de la Russie, ce partage d’information peut se révéler complexe (Fillipov, 2010). Dès lors, si la Russie souhaite intensifier son internationalisation, il serait judicieux pour elle de travailler sur une plus grande transparence dans ses activités. Cependant, en 2011, la tendance semble s’inverser : la conférence de Bruxelles encourage une intégration plus étroite de la Russie en Europe. En effet, le fait que la Russie ait intégré l’OMC cette même année et qu’elle ait gagné en stabilité politique à la suite de la réélection de Vladimir Poutine encourage l’UE à améliorer ses relations avec la Russie.

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Cette entrée à l’OMC va d’ailleurs indéniablement « booster » le PIB du pays (PR Newswire, 2011). La zone euro étant en période de crise, elle a tout intérêt de s’unir avec la Russie dont l’économie est caractérisée par une certaine croissance. La Russie étant d’ores et déjà très convoitée par la Chine, l’UE n’a pas de temps à perdre et se doit à tout prix se forger une place et de définir plus précisément ses relations commerciales avec la Russie. L’UE a d’ailleurs bien plus besoin de la Russie que la Russie n’a besoin de l’UE, étant donné sa dépendance énergétique. En outre, la Russie met en place un bon nombre de mesures de manière à créer et à améliorer ses relations avec les pays étrangers. Créé en 2008, l’Institut des études d’intégration nationale est une organisation publique à but non lucratif située à Moscou et destinée à promouvoir des relations plus étroites entre la Russie et ses voisins. Pour cela, l’organisation met en place des tables rondes, des conférences et des séminaires à travers l’UE et le reste du monde (PR Newswire Europe, 2011).

Cependant, si l’on reprend la liste des vingt multinationales les plus importantes, on remarque que seules six d’entre elles sont contrôlées par l’État russe. Sovcomflot, Atomredmetzoloto et Zarubezhneft sont totalement contrôlées par l’État. Gazprom l’est à 50,002 %, Inter Rao UES à 60,02 % et Rosneft à 75,2 %. L’ampleur de la mainmise de l’État sur les multinationales russes est donc un phénomène à nuancer (Deloitte, 2008).

1.5 Perspectives De Croissance Deux scénarios de croissance ont été envisagés pour décrire l’évolution de la

Russie dans les prochaines années. Premièrement, selon un scénario pessimiste, la Russie devrait connaître une croissance se situant entre 2,5 % et 3 % environ jusqu’en 2025, et ensuite une croissance moindre à partir de 2026, et pour les 5 années à venir, jusqu’en 2030. Le premier ministre souligne que ces chiffres sont liés aux estimations de la dynamique de l’économie mondiale (LesEchos, 2013). Il est important de souligner que ces chiffres ont été révisés depuis le printemps dernier, où la croissance estimée était de l’ordre de 4 à 4,2 % entre 2013 et 2030. Deuxièmement, selon un scénario modérément optimiste, une moyenne de 3,5 % de croissance par an pourrait être atteinte sur cette même période, voire même jusqu’à 5 ou 5,3 %, selon des révisions davantage optimistes (Oulioukaev, cité par LesEchos, 2012).

Les prévisions de croissance sur le long terme sont moins optimistes en raison de la baisse des investissements opérés sur le marché, et elles sont passées de 4,7 % à 4,3 % au printemps dernier (LesEchos, 2012). Plusieurs raisons sont à même d’expliquer le pessimisme qui habite la Russie actuellement. En effet, la croissance industrielle n’évolue pas depuis le début de l’année 2013. En outre, les investissements ont chuté, et la Russie est victime d’importantes fuites de capitaux. Il ne faut pas omettre que ce climat difficile est sans doute également lié au système bureaucratique russe, caractérisé par des démarches lourdes, un climat d’affaires affecté par la corruption, ainsi qu’un système judiciaire « souvent soupçonné d’être instrumentalisé » (LesEchos, 2013).

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2. OÙ LES FMN RUSSES S’IMPLANTENT-ELLES ET QUELLES SONT LEURS MOTIVATIONS?

Il est difficile, si ce n’est impossible, de s’interroger sur les marchés et pays de prédilection des firmes multinationales (FMN) russes sans se pencher sur leurs motivations. C’est la raison pour laquelle nous avons pris le parti de répondre en même temps aux questions « où » et « pourquoi ». La diversification géographique et les raisons de l’internationalisation des FMN russes ont en commun qu’elles varient en fonction des industries, de la taille des FMN dont on parle, mais aussi et surtout du stade d’avancement de leur stratégie d’internationalisation. Il serait réducteur de faire des généralités.

2.1 Une Évolution Des Motivations Au Fil Du Temps Dans les années 1990, l’expatriation des activités des FMN russes se résumait à

une fuite des capitaux. Dans une Russie nouvellement convertie à l’économie de marché, le climat d’investissement intérieur n’était pas des meilleurs, les démarches administratives étaient lourdes et restrictives et l’accès aux devises difficile. Andreff (2011) parle d’un « exode vers des climats d’investissements étrangers plus stables, moins risqués et plus accueillants qu’en Russie ». Il est vrai que le soupçon de fuite des capitaux pèse encore sur certaines des FMN privées les plus importantes, qui fuiraient à l’international pour contourner un risque politique – le gouvernement russe ne reculant pas devant les pratiques d’expropriation, par exemple. Ceci étant dit, l’exode vers des environnements moins hostiles n’est plus du tout le moteur principal de l’internationalisation de ces entreprises. Dans les années 2000, les motivations de l’internationalisation commencent à changer. Les FMN russes exportent leurs activités pour les mêmes raisons que les FMN d’autres nationalités : parce qu’elles n’ont pas le choix. La mondialisation de l’économie a changé la donne, et les entreprises, quelles qu’elles soient, doivent investir à l’international pour pouvoir rester compétitives. Les FMN russes s’internationalisent donc pour être en mesure de saisir des opportunités, de se diversifier, et surtout de survivre dans un environnement de compétition globalisée (Deloitte, 2008).

2.2 Le « Neighboring Effect » (Kuznetsov, 2013) Beaucoup des FMN russes sont ce que l’on pourrait caractériser de « régional »,

c’est-à-dire qu’elles sont surtout implantées dans les pays et les régions proches de la Russie. Plus de 66 % des actifs des 20 multinationales russes les plus importantes (cfr annexe 1) sont situés en Europe et en Asie Centrale. Les quatre pays d’Europe continentale les plus attractifs pour les IDE russes sont l’Allemagne, l’Italie, la Bulgarie et la Roumanie. Sur les 66 % des actifs détenus en Europe et en Asie Centrale, 28 % le sont dans des anciennes républiques soviétiques. La Russie et la Biélorussie ont fondé en 1991 la Communauté des États indépendants (CEI), une entité de coopération intergouvernementale dans les domaines politique, économique et militaire. La CEI comprend, outre ses membres fondateurs, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Moldavie, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, l’Ukraine et le Turkménistan.

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Les pays membres de la CEI, et plus particulièrement la Biélorussie, l’Arménie et le Kazakhstan, font partie des marchés de prédilection des FMN russes. Par exemple, avant de s’intéresser au Moyen-Orient, à l’Afrique ou, dans une moindre mesure, à l’Amérique latine, Lukoil a développé l’exploration et la production d’hydrocarbures dans la « zone postsoviétique traditionnelle » (Deloitte, 2008). La Russie est le premier investisseur étranger en Biélorussie. Ceci n’est pas étonnant et peut s’expliquer par des distances géographiques, économiques, culturelles et institutionnelles relativement limitées - ces distances étant des facteurs clés à prendre en considération lors d’une implantation à l’international. La langue officielle de la plupart de ces pays est le russe, et les gouvernements ont des liens politiques étroits avec le Kremlin. Des incitatifs sont mis en place par le Kremlin pour encourager les investissements russes dans les pays de la CEI, dans le cadre d’une volonté politique d’intégration régionale des anciennes républiques soviétiques. Par ailleurs, l’union douanière Russie-Kazakhstan-Biélorussie mise en place en janvier 2010 a facilité les investissements dans ces pays, notamment en réduisant les barrières commerciales. Le fait que les FMN russes commencent par investir chez leurs voisins n’est également pas étonnant d’un point de vue théorique. En effet, elles suivent, à leur insu ou en connaissance de cause, le modèle Uppsala. Selon ce modèle, la première étape de l’internationalisation se fait dans des pays proches géographiquement et culturellement, ce qui est le cas ici.

2.3 Les Deux Moteurs Principaux De l’Expansion Des FMN Russes : La Recherche De Ressources Naturelles Et De Nouveaux Marchés

Cependant, les FMN les plus importantes ne se contentent pas d’attiser les régions

avoisinantes de la Russie. En effet, Lukoil, dont nous avons déjà parlé, est présente dans plus de quarante pays. Les États-Unis sont un autre des marchés de prédilection des FMN russes et concentrent 19,3 % des actifs étrangers des vingt multinationales russes les plus importantes (cfr annexe 2). Si les États-Unis sont si attractifs, c’est parce qu’ils représentent à la fois la perspective d’un marché de plus de 300 millions de consommateurs et un vivier important de ressources naturelles.

En analysant le classement des 20 plus grandes multinationales, classées par le montant d’actifs détenus à l’étranger, nous pouvons constater que l’une des principales motivations à l’internationalisation des multinationales russes sont les ressources naturelles. C’est ce que John Dunning appelle le resource-seeking. Les FMN russes, et plus particulièrement les entreprises minières, pétrolières et gazières, cherchent en effet à contrôler et exploiter des matières premières et des ressources naturelles – ou leurs fournisseurs – à l’étranger afin d’assurer une diversification des lieux de production et d’approvisionnement. Sécuriser l’approvisionnement est crucial. Cela passe par exemple par l’achat de raffineries de pétrole. Pour les entreprises d’hydrocarbure, une diversification internationale est indispensable, car elles se doivent de maintenir une certaine réserve de pétrole et de gaz. Lukoil est un très bon exemple de cette volonté de diversification des entreprises russes. En 2005, l’entreprise acquiert Canadian Nelson Limited, ce qui lui permet d’accéder aux ressources de la partie ouest du Kazakhstan. La multinationale peut également, grâce à cette acquisition, produire du gaz en Azerbaïdjan et en Ouzbékistan. Lukoil possède des usines d’extraction et de production en Russie, aux États-Unis, au Kazakhstan, en Ouzbékistan, en Azerbaïdjan, en Égypte et en Irak.

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Elle possède également des raffineries en Ukraine, en Roumanie, en Bulgarie et en Italie. La recherche de ressources naturelles à l’étranger peut également être motivée par des coûts de production trop élevés dans le pays d’origine. C’est le cas pour des entreprises comme Norilsk ou Alrosa : ce sont des coûts de forage en augmentation qui les ont poussées à investir à l’étranger. Pour UC Rusal, c’est le fait que la production russe soit insuffisante pour remplir ses capacités de traitement (Kutzenov, 2013).

Lorsque les FMN sont dans la première phase d’internationalisation, elles cherchent également à conquérir de nouveaux marchés. C’est ce que John Dunning appelle le market-seeking. C’est particulièrement vrai pour l’industrie manufacturière, pour qui les IDE servent de relais d’exportation sur les marchés étrangers. Cela leur permet également de contourner les barrières commerciales, les restrictions tarifaires et les mesures antidumping (Andreff, 2011). Quand la Russie ne faisait pas partie de l’OMC, les entreprises russes ne pouvaient s’assurer que leurs exportations ne soient pas discriminées, et faire des alliances stratégiques avec des entreprises sur place permettait de contourner le protectionnisme. Aux États-Unis et en Europe, les grosses compagnies d’hydrocarbures installent des entités de production directement sur les marchés à conquérir pour les sécuriser. Elles achètent des entités de traitement, des réseaux de distribution et de stockage, ainsi que des infrastructures de transport. L’achat de réseaux de stations essence leur permet d’avoir accès aux consommateurs finaux et de diversifier la distribution.

2.4 À Un Stade Plus Avancé d’Internationalisation, Les FMN Russes Cherchent l’Efficacité Et Des Savoir-Faire Technologiques.

Les investissements à l’étranger dans le but de bénéficier de coûts de production

moindres, et donc d’une meilleure efficacité que l’on appelle l’efficiency-seeking, ne constituent pas la préoccupation première des FMN russes. Néanmoins, quand celles-ci ont atteint un stade plus avancé d’internationalisation, quand leur expansion en termes de géographie et de taille leur permet de se faire une place dans la compétition internationale, ce type de préoccupation commence à devenir important. L’expérience et un réseau de production d’une certaine taille sont deux facteurs qui déclenchent une recherche d’efficacité à travers l’internationalisation. Alrosa, producteur de diamants russe, a par exemple décidé de diversifier sa base de ressources afin d’optimiser la production grâce aux différences de minage, de conditions climatiques, de taxes et de régulations douanières. Les FMN russes vont également chercher des marchés où le coût du travail est plus faible qu’en Russie. L’internationalisation en Asie Centrale répond en partie à ce type d’exigences. En effet, si on compare le salaire annuel moyen d’un salarié de la République tchèque à celui des États-Unis, celui-ci est de 16 922 USD alors qu’aux États-Unis, le salaire moyen s’élève à 54 450 USD (cfr annexe 3). L’Ukraine est également attractive pour ce même type de raisons. Gloria Jeans, l’un des leaders russes de l’industrie du textile et de l’habillement, possède plusieurs usines en Ukraine (Deloitte, 2008). Cependant, l’Asie Centrale n’est pas la seule région où le coût du travail est profitable pour les FMN russes. Acron, une entreprise qui fabrique des engrais, est le plus gros investisseur russe en Chine en raison d’un coût du travail très faible (Kutzenov, 2012).

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Le contrôle de l’État crée également une barrière en ce qui concerne l’accès à l’innovation. En effet, il possède la plupart des organisations publiques de recherche et de développement et le secteur privé ne peut pas en bénéficier ou participer à la recherche alors que ce dernier aurait sans doute beaucoup à apporter en termes de R et D. De plus, l’État ne motive pas l’innovation dans la mesure où les droits de propriété intellectuelle sont très peu développés en Russie et cela rebute beaucoup de chercheurs russes. En outre, étant donné que certaines entreprises sont totalement ou partiellement détenues par l’État, celles-ci ne sont guère motivées à innover. En effet, elles ne connaissent pas la pression que subissent les entreprises privées pour lesquelles l’innovation continue constitue une véritable condition de survie. Dans le cas des entreprises publiques, l’État est toujours là pour assurer leurs arrières et la nécessité d’innover n’est dès lors pas perçue comme essentielle par ces dernières. Pourtant, la Russie bénéficie d’une forte base scientifique et d’un bon système d’éducation. Elle a toutes les cartes en mains pour pouvoir innover. Cependant, ses activités d’innovation restent très décevantes. C’est pourquoi un des grands défis de la Russie à l’heure actuelle est de combler l’écart entre l’input et l’output dans le domaine de l’innovation et de la connaissance (Fillipov, 2011).

L’effondrement de l’empire soviétique n’a pas été bénéfique à la recherche en Russie. Les centres de R et D ne communiquent pas leurs avancées aux entreprises et la compétition sur le marché russe n’est pas assez acérée pour pousser les entreprises à innover. C’est la raison pour laquelle les FMN russes s’internationalisent également pour avoir un accès rapide à des innovations technologiques et à des savoir-faire qu’elles ne peuvent acquérir en Russie. C’est ce qu’on peut surnommer le technology-seeking - ou strategic-asset seeking. Ce type de stratégie est surtout le fait d’entreprises qui ont déjà une expérience internationale. Les marchés visés sont surtout ceux des pays développés, censés offrir de meilleures opportunités de transfert de technologie. Les FMN russes procèdent alors par acquisition d’entreprises où la technologie et le savoir-faire sont déjà existants, comme nous l’avons déjà évoqué. Les multinationales spécialisées dans la machinerie sont particulièrement ferventes de ce type d’acquisition, qui leur permet de moderniser leur matériel de production et de pallier à leurs manquements. Cependant, les entreprises liées à la métallurgie, et à l’acier en particulier, sont sans doute les plus actives en termes de technology-seeking (Kutzenov, 2010). Pour ce qui est des vingt multinationales russes les plus importantes, 25,6 % des avoirs à l’étranger sont le fait d’entreprises d’acier (cfr annexe 4). Leurs préoccupations étant largement liées à la recherche d’avoirs stratégiques, nous pouvons en conclure que, dans le top 20, près d’une entreprise sur quatre s’exporte dans le but d’acquérir des savoir-faire. Evraz a par exemple acheté moult entreprises basées aux États-Unis ou au Canada (e.g : acquisition d’IPSO Inc. En 2008). À l’origine, Evraz faisait seulement du trading de métaux, mais petit à petit elle a acquis un arsenal de production et d’extraction pour étendre ses activités et avoir un accès aux consommateurs finaux de produits en acier. Les technologies acquises lui servent, non seulement à pouvoir être un rival sérieux des FMN occidentales sur les marchés développés, mais également à être réutilisées pour le marché russe. Evraz construit en effet des rails pour Russian Railways à l’aide des savoir-faire intégrés à travers ses acquisitions.

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Néanmoins, s’il est nécessaire d’évoquer ce phénomène de technology-seeking, qui est bien présent, il faut préciser qu’il est relativement minoritaire, car la plupart des FMN russes opèrent dans des secteurs qui requièrent des ressources plus que des savoir-faire technologiques de pointe. Le développement de nouveaux produits n’est pas vraiment une priorité et l’innovation n’est pas garante d’un avantage compétitif.

Pour les FMN bien implantées à l’international se trouvant à un stade avancé du processus d’internationalisation, la volonté, dans le cadre d’une stratégie globale, d’une intégration internationale de la chaîne de valeur est un moteur d’internationalisation. Cela consiste à répartir dans différents pays les divers segments d’amont en aval de leur activité, pour reprendre une fois de plus les termes d’Andreff. Au travers de fusions-acquisitions transnationales, les FMN peuvent consolider leur compétitivité sur des marchés étrangers en développant un arsenal de production global. Lukoil veut par exemple contrôler autant le raffinage que le marketing pour les consommateurs finaux, notamment en Europe et aux États-Unis, qui sont des régions stratégiques de vente (Deloitte, 2008). Gazprom essaye en Europe, pour pallier les velléités de diversification d’approvisionnement de la Commission européenne, et s’assurer un accès direct aux consommateurs finaux, notamment pour ce qui est du gaz. Pour ce faire, l’entreprise augmente ses parts dans les systèmes européens de transport et de stockage ainsi que dans les infrastructures et réseaux de distribution.

3. COMMENT LES FNM RUSSES S’INTERNATIONALISENT-ELLES?

3.1 Différentes Stratégies L’internationalisation des firmes russes se poursuit par étapes : elle débute par une

exportation sur des marchés encore incertains. Ensuite, si ces exportations se révèlent être un succès, elles les accompagnent d’IDE. En termes d’exportation, la Russie est le deuxième producteur mondial de pétrole et de gaz naturel (respectivement 6,3 % et 23,4 % des réserves mondiales) (Locatelli, 2010), et est donc un acteur incontournable des marchés internationaux d’hydrocarbures et un fournisseur essentiel pour l’UE. L’industrie gazière russe reste dominée par Gazprom. En 2012, elle a exporté 138 milliards de mètres cubes de gaz en Europe (Gazprom, 2012). Il est important de préciser que le modèle de développement des ressources en hydrocarbures russe a beaucoup évolué au cours des dernières années, notamment d’un point de vue organisationnel : il y a eu une montée en puissance des compagnies d’État au sein de la production, le secteur des hydrocarbures a donc été peu à peu repris en main par l’État russe.

Les compagnies russes mènent une politique active d’internationalisation dont l’objectif est de devenir capables de rivaliser avec les principaux leaders actuels (Shell, ExxonMobil, BP), principalement en termes d’accès aux ressources. Pour ce faire, deux stratégies sont appliquées : soit une stratégie de diversification du portefeuille des réserves, notamment au Kazakhstan et au Turkménistan pour l’Asie centrale, en Libye et au Nigeria pour l’Afrique, au Venezuela pour l’Amérique latine, et en Iran et Irak pour le Moyen-Orient. Ceci s’applique notamment au cas de Lukoil ayant poursuivi cette stratégie dans ces régions du monde.

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L’autre option est une stratégie d’intégration dans le « downstream », secteur qui se réfère à l’affinage de pétrole brut et le traitement et la purification du gaz naturel brut. Là encore, Gazprom est un bon exemple de réussite: l’entreprise a profité de la libéralisation des marchés gaziers de l’UE pour mener une politique de création de joint-ventures et de prises de participation directes dans certaines entreprises occidentales: prenons l’exemple de la création du Gazoduc South Stream - qui est en concurrence directe avec le projet Nabucco (Erdogdu, 2010). Celle-ci résulte d’une importante joint-venture à 50 %-50 % entre Gazprom et Eni, qui est la société nationale italienne d’hydrocarbures et le client le plus important de Gazprom.

Bien que la répartition des FMN russes soit très concentrée, principalement dans le domaine des ressources naturelles et dans les industries minières et manufacturières traditionnelles, certaines d’entre elles ont décidé de suivre une stratégie plus globale: elles commencent par effectuer une intégration internationale de leurs chaînes de valeur. Elles achètent ensuite des actifs à l’étranger en procédant à des fusions ou des acquisitions transnationales dans les industries liées aux ressources naturelles dans divers pays, comme les É.-U., le Canada, l’Italie, la Suisse et l’Afrique du Sud. Enfin, si elles jugent qu’il est pertinent et utile de le faire, elles investissent à l’étranger en R et D.

3.2 Stratégies d’Innovation Deux modes d'internationalisation sont privilégiés par les multinationales russes.

Le premier mode est dit « domestic ». Ce mode d’internationalisation peut être motivé soit par l’innovation-seeking, ou bien être innovation-driven. Il est important de préciser que les multinationales russes poursuivent des stratégies d’internationalisation dans le but d’acquérir des technologies. En effet, selon The World Bank KEI (Knowledge Economy Index), le principal problème pour la Russie en ce qui concerne l’économie du savoir réside dans le fait qu’elle axe ses dépenses vers un processus d’acquisition d’innovation plutôt que dans l’innovation en tant que telle, et elle n’investit guère dans l’éducation. Ces dernières années, la Russie s’est toutefois rendu compte de l’importance de l’innovation et du rôle que joue celle-ci dans la survie de ses entreprises (Filipov, 2011).

Domestic Innovation-Seeking Internationalisation

Ce type d’internationalisation repose sur un mode d’entrée préalable sur les marchés voisins afin d’y acquérir les firmes qui présentent un certain degré d’innovation. Étant donné que de manière générale, les pays qui se trouvent directement à proximité de la Russie ne disposent pas de capacités technologiques plus avancées que celles présentes domestiquement, les firmes russes entreprennent relativement rarement ce type de stratégie. Cependant, elle reste à considérer étant donné que de nombreuses firmes multinationales russes désirent rétablir leur chaîne de valeur dans la Communauté des États indépendants (CEI), qui rassemblait en 1991 onze pays de l’ancienne URSS. L’intérêt de la Russie pour ces pays peut être légitimé par une recherche d’actifs (asset seeking), ainsi que par un désir d’efficience (efficiency seeking). Nous pouvons citer à titre d’exemple l’holding russe Elektrozavod qui a acquis un ancien institut de recherche détenu par l’état ukrainien dans le domaine des transformateurs électriques.

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Le conglomérat russe OMZ (Uralmash-Izhora Group), une industrie lourde et manufacturière russe a acquis entre 2002 et 2003 un certain contrôle sur Korall, une centrale de construction ukrainienne. Dans les deux exemples précités, la Russie est parvenue à intégrer dans son réseau entrepreneurial des divisions de R et D provenant de l’étranger.

Domestic Innovation-Driven Internationalisation

Ce type d’internationalisation peut être observé dans la CEI. Dans ce cas de figure, la Russie, disposant de compétences technologiques avancées, offre des solutions innovantes aux marchés moins avancés, bien que celles-ci soient déjà présentes dans les marchés développés. Par exemple, les firmes russes présentes dans l’industrie de la téléphonie mobile ont implanté avec succès ladite local optimizer strategy (Ramamurti, 2008, cité par Frolow et Settelerbum, n.d.), permettant d’offrir des services à bas coûts pour des consommateurs disposant de peu de pouvoir d’achat en Russie et dans la CIE. L’expansion de Vimplecom, MTS et Megafon dans les marchés avoisinants constituent d’autres exemples de cette stratégie en application dans des pays émergents. Dans les années 2000, Vimpelcom a pénétré les marchés russe, ukrainien, kazakh, uzbek, tadjik, géorgien, arménien, kirghize, vietnamien et cambodgien. MTS dispose d’opérations similaires en Ouzbékistan, en Ukraine, en Arménie, et au Turkménistan. Finalement, Megafon est présent au Tadjikistan, en Ossétie du Sud, et en Abkhazie.

L’industrie de la téléphonie présente un haut degré de technologie et des évolutions constantes au fil du temps. Son marché est hautement régulé et présente des barrières à l’entrée substantielle. Les opérateurs téléphoniques russes sont parvenus à établir des partenariats avec des acteurs clés (producteurs et fournisseurs) présents sur ce réseau complexe afin de répondre à la demande de leurs clients, friands de la haute technologie. Il est intéressant de préciser que la technologie et l’innovation à l’origine de l’expansion des firmes russes de télécommunication dans la CIE ont été développées en collaboration avec des partenaires occidentaux, en vue de bénéficier de leur expertise en la matière. Toute une série d’alliances et de partenariats a ainsi été réalisée afin d’accéder à la technologie et au savoir-faire de ces pays occidentaux. Précisons également que la CIE peut servir comme « plateforme » de test afin de constater si certains produits innovants valent la peine d’être lancés sur le marché domestique russe. En 2006, par exemple, la filiale biélorusse d’une entreprise russe de télécommunications (MTS) a lancé une aire de communication 3G à Minsk, la capitale, en partenariat avec Siemens. Étant donné que ce test s’est avéré concluant, MTS a lancé la 3G dans le marché domestique, en Russie, dans la seconde moitié de l’année 2008.

Le second mode d’internationalisation est celui dit « global ». Dans ce cas-ci, les firmes vont tenter de s’implanter au sein de pays occidentaux plus avancés en termes de technologies et d’innovations. Au sein de cette stratégie d’internationalisation dite globale, nous distinguons deux modes : Innovation-seeking et Innovation-driven (Frolow et Settelerbum, n.d.) .

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Global Internationalisation Innovation-seeking

En suivant ce premier mode d’internationalisation, la firme tend à s’internationaliser dans des marchés avancés d’un point de vue technologique en ayant la ferme intention d’acquérir leurs technologies et leur savoir-faire. Cette stratégie d’internationalisation est très largement répandue au sein des multinationales russes et bon nombre d’exemples peuvent être cités, notamment parmi les firmes exerçant dans le secteur de la métallurgie et des exploitations minières. Ces dernières tentent de tirer profit de leur production à bas coûts pour pouvoir acquérir des actifs à l’étranger. Ces acquisitions leur permettent de rester compétitives face aux multinationales occidentales (Ramamurti, cité par Frolow et Settelerbum, n.d.). De grandes entreprises russes telles que Evraz, Rusal, Severstal ont suivi ce mode d’internationalisation afin de consolider leur production, augmenter leur part de marché, ouvrir des portes sur de nouveaux marchés et acquérir de nouvelles technologies. En effet, le niveau de R et D a souvent été considéré comme très bas dans l’industrie métallurgique russe. Cependant, depuis 2000, les firmes métallurgiques tentent d’améliorer cet aspect de manière à capturer une valeur plus importante sur le produit final.

De manière générale, il est nécessaire pour les FMN russes d’aller chercher la technologie à l’étranger, car la R et D n’est pas suffisamment développée en Russie. Ceci est dû notamment à la mauvaise communication entre les centres R et D de l’ère soviétique et les centres de production, ainsi qu’au manque de pressions exercées sur les firmes pour innover. De plus, le système russe est caractérisé par une très forte rigidité ne favorisant guère la R et D. Concernant l’acquisition d’actifs à l’étranger, plusieurs exemples peuvent être cités tels que Renova Group qui a acquis en 2006 et 2007 deux entreprises suisses spécialisées en ingénierie, Sulzer AG et OC Oerlikon. Cette acquisition leur a permis d’avoir accès à des technologies de pointe telles que des technologies de stockage de données (Frolow et Settelerbum, n.d.).

Bien que bon nombre de ces acquisitions aient permis à plusieurs FMN russes d’atteindre leurs objectifs, il est important de souligner que celles-ci n’ont pas toujours mené à un succès. Ce fut le cas pour GAZ group qui en 2006 a acheté LDV, un producteur anglais de vannes. Le groupe souhaitait adapter ces vannes anglaises pour le marché russe, mais 3 ans après l’acquisition, GAZ a dû abandonner ce projet, car il ne parvenait pas à adapter le design du produit de LDV aux spécificités russes et s’est donc lancé dans la production de sa propre vanne (Skolkovo, cité par Serge Frolow et Alex Settelerbum, n.d.). Cet exemple illustre bien le fait que l’acquisition d’une entreprise hautement avancée au niveau technologique n’est qu’une première étape dans le processus d’internationalisation. En effet, le grand défi pour l’acquéreur est de pouvoir intégrer ce savoir et ces compétences (Frolow et Settelerbum, n.d.).

Global Innovation Innovation-driven

Ensuite, la seconde méthode, Innovation-driven, vise à faire usage de son ownership avantage. Ce dernier peut être soit une technologie unique ou un savoir-faire. Bien que la plupart des entreprises russes soient caractérisées par un bas niveau technologique, il existe cependant quelques exemples de firmes ayant poursuivi cette stratégie d’internationalisation, principalement dans le secteur des TI.

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Un bon exemple est celui de Sitronics, une entreprise travaillant dans la télécommunication, les technologies d’information et le développement d’appareils microélectroniques. Cette firme a investi énormément en R et D et sur ses 10 000 employés, pas moins de 3500 travaillent dans le domaine de la R et D. L’entreprise possède un large réseau de centres R et D se situant principalement en Russie et Europe. En accordant une si grande importance à la R et D, la firme est parvenue à créer des brevets et d’autres modes de propriété intellectuelle commercialement viables. Grâce à cela, la firme a gagné en crédibilité et a pu mettre en avant les ressources qu’elle possède pour pénétrer d’autres marchés et est désormais présente sur les 5 continents (Frolow et Settelerbum, n.d.).

4. LE CANADA FACE AUX MULTINATIONALES RUSSES

4.1 Sommes-Nous Attirants Pour Les IDE Russes? Afin de déterminer si un pays est attirant pour les IDE, nous devons en analyser le

marché en considérant la demande des consommateurs, les compétiteurs, les forces et les faiblesses légales, politiques, ainsi que plusieurs autres facteurs. Il est important d’analyser les ressources et l’efficience du pays. Premièrement, le Canada constitue une belle opportunité pour la Russie puisqu’il offre une porte d’entrée vers de nouveaux marchés comme les É.-U. et le Mexique. Cela est dû à l’existence de l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Celui-ci facilite le commerce entre les pays participants, ce qui contribue à augmenter le bassin de consommateurs en vigueur. Deuxièmement, le Canada est attrayant en termes de ressources naturelles, comme nous l’avons plusieurs fois mentionné. Le pays possède plusieurs ressources exploitées par la Russie, notamment dans le domaine de l’extraction de pétrole et de gaz naturel, dans les raffineries de pétrole, dans le processus de première transformation de métaux et dans la production de produits métalliques (cfr annexe 5). Il s’agit là de secteurs canadiens qui ont su profiter des IDE étrangers par le passé. En outre, le Canada a une économie stable puisque la banque centrale du Canada a pour mission de contrôler le niveau de l’inflation du pays pour qu’il respecte un seuil déterminé entre 1 % et 3 %. Le Canada ajuste sa politique monétaire principalement en fonction de cet objectif. Ce niveau d’inflation faible signifie également que les taux d’intérêt nominaux et réels sont plus bas. Ceci permet une réduction du coût d’emprunt et constitue un avantage pour les entreprises qui souhaitent se financer. Étant donné que le pouvoir d’achat sera maintenu dans le temps, les entreprises et les ménages sont plus à même de procéder à des planifications à long terme. Ceci permet une meilleure allocation des ressources économiques et financières.

Le Canada a également une population éduquée, ce qui peut être un atout si les postes requis au sein de la compagnie demandent un haut niveau de qualifications. Par contre, cela peut constituer un désavantage si la compagnie requiert une main-d’œuvre ouvrière, surtout si nous ajoutons à ce problème le manque de main-d’œuvre qui sera un enjeu majeur au Canada dans les années futures, à cause de la population vieillissante. De plus, le Canada est un pays où le coût de la main-d’œuvre est élevé, ce qui constitue un désavantage pour la Russie.

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Il est possible de le constater puisque les multinationales s’internationalisent principalement en Asie Centrale et en Europe de l’Ouest, ce qui confirme qu’un faible coût de production et de main-d’œuvre constituent des moteurs pour les IDE. La Russie aurait tout intérêt à choisir la République Tchèque dont le taux horaire de la main d’œuvre manufacturière est de 6,81 $, plutôt que le Canada qui possède un taux horaire de 24,23 $ (cfr annexe 6). Puisque les multinationales russes œuvrent principalement dans le domaine ouvrier, cela pourrait constituer un désavantage.

Toutefois, le Canada se classe en 13e position des pays ayant le plus de restrictions aux IDE selon l’OCDE index. La Russie est en 10e position de cette même liste, ce qui implique qu’elle possède des politiques un peu plus restrictives que le Canada. (cfr annexe 7) Cet indice mesure le caractère restrictif des pays envers les IDE. Ce calcul est effectué en mesurant l’accès aux fonds propres, les mécanismes d’approbation des IDE, les restrictions à l’emploi, ainsi que les restrictions opérationnelles du pays. Cet indice aide grandement les investisseurs à percevoir l’attractivité de différents marchés. En général, selon ce classement, le Canada et la Russie ont des progrès à faire en termes d’attractivité pour les IDE, d’autant plus que ceux-ci sont bénéfiques pour tout pays, puisqu’ils permettent de stimuler l’économie, d’attirer de l’innovation technologique, de l’innovation dans les procédés de production et de gestion, et ils contribuent également ainsi à un environnement compétitif. Malgré la moins bonne performance du Canada au classement des restrictions quant aux IDE, celui-ci reste toutefois bien perçu par la communauté internationale. En effet, le Canada se classe en 4e place du FDI confidence index en 2013. (Laudicina, Peterson &, Gott, 2013) Cette étude classe les pays selon l’impact qu’ont la politique, l’économie et les modifications de réglementations sur les IDE internationaux.

Le Canada connaît quelques exceptions à ce jour. Une de celles-ci est la multinationale russe Evraz qui s’est implantée dans le pays en 2008 en faisant l’acquisition de la compagnie canadienne IPSCO pour 4,025 billions $ (Reuters, 2008). Evraz, comme nous l’avons déjà mentionné, est un leader dans le domaine de l’acier et de recyclage d’acier au Canada et aux États-Unis et est également une des plus grandes compagnies intégrées verticalement de ce secteur. Evraz a non seulement profité d’un coût d’implantation au Canada plus faible, mais également de la technologie existante en procédant à cette acquisition.

4.2 En Quoi Les IDE Sont-Ils Positifs Pour Le Canada Et Devrait-On Accepter Les Investissements Russes Au Canada?

Le Canada fait face à un problème de démographie, nous possédons une pyramide

de population inversée (cfr annexe 8). C’est-à-dire que la pondération de la population vieillissante est plus importante que la pondération de jeunes. Donc, si nous continuons à ce rythme à long terme, nous allons observer une diminution de la population active et une diminution du nombre de travailleurs. Par le fait même, nous ferons face à une diminution de la productivité, ce qui entraînera une perte de PIB. Si le Canada veut contrer cet effet, voir même augmenter le PIB potentiel de son économie, deux options s’offrent à lui. La première est d’augmenter le nombre de travailleurs afin de produire plus de biens et services. Cependant, dans le cas du Canada, cette alternative n’est pas possible puisqu’à long terme nous allons avoir de moins en moins de population active.

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La deuxième option est d’augmenter la productivité du pays, c’est-à-dire d’être capable de produire plus qu’auparavant avec les mêmes facteurs de production, ressources naturelles, travailleurs, etc. Les IDE permettent d’augmenter la productivité d’un pays, que ce soit en apportant de la nouvelle technologie, de nouveaux procédés de manufacture ou managériaux. De plus, ces IDE apportent un environnement compétitif et qui pousse les entreprises vers l’innovation. Une étude réalisée sur plusieurs pays par le Conference Board of Canada nous montre l’existence d’une corrélation entre les IDE et la productivité. (cfr annexe 9) En ce sens, le Canada a donc tout à fait intérêt à accepter les IDE puisque c’est une façon d’augmenter le PIB potentiel de l’économie. Afin d’être plus concrets, revenons sur notre exemple canadien Evraz. La compagnie emploie actuellement plus de 4400 employés en Amérique du Nord. (Bloomberg Buisnessweek, 2013) Evraz est entre autres située à Régina en Saskaschewan, c’est la plus grande compagnie d’acier de l’ouest du Canada, qui a effectivement des répercussions positives sur l’économie du secteur. Evraz occupe également une place importante dans la communauté grâce à Evraz place, leur stade, qui génère un impact de 75 millions $ annuellement pour la ville de Régina et de ses environs. Cette branche de la compagnie emploie 3100 personnes dans la province qui génèrent environ 50 millions $ de revenus d’emplois. L’impact de ces événements sur le tourisme de la région offre des opportunités importantes pour plusieurs autres domaines de l’économie de celle-ci. D’ailleurs, la Province de la Saskatchewan a connu une croissance du taux d’emploi 62 % supérieur à la moyenne du Canada durant les années 2007 à 2012 (Elliott, 2013). Ainsi, les IDE ont des répercussions positives sur l’économie du marché.

5. RECOMMANDATIONS ET CONCLUSION

Il va sans dire que la Russie et son développement constituent un enjeu géopolitique et économique majeur de ce troisième millénaire (Millet, 2010). Il s’agit en effet du plus grand pays du monde, disposant d’une dotation en ressources naturelles tout autant colossale. Cependant, ce pays suscite autant des sentiments de crainte que d’espoir sur la scène mondiale. Churchill (cité par Millet, 2010) affirmait d’ores et déjà la chose suivante à propos de la Russie en 1939 : « I cannot forecast to you the action of Russia, it’s a riddle wrapped in a mystery inside an enigma. »

La Russie est l’héritière d’un espace en profonde mutation, qui a été marqué en 1991 par la fin de l’État centralisé (Millet, 2010). Ce passé historique très marquant implique que la Russie éprouve encore aujourd’hui la volonté de conserver une mainmise sur ces régions désormais décentralisées. Malgré les ruptures historiques qu’on lui connaît, la Russie présente indéniablement certaines constantes. Tout d’abord, sur le plan politique, on ne peut réfuter la présence au pouvoir de personnalités autoritaires qui ont marqué l’histoire de la Russie. Ensuite, on remarque un contraste assez important entre son incroyable réservoir de ressources, tant naturelles qu’humaines, et l’exploitation qui en est faite, bien souvent limitée.

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Actuellement, le développement de la Russie constitue un enjeu majeur non seulement pour le pays lui-même, mais également pour les économies occidentales. La Russie se retrouverait donc face à une double problématique, soulevée par Millet : d’une part, elle rencontre le devoir de fonder un modèle capable d’offrir des conditions de vie acceptables pour l’ensemble de sa population, et d’autre part, elle satisfait le besoin d’acquérir une certaine légitimité sur la scène mondiale par l’adoption de standards managériaux, politiques, juridiques et économiques relativement compatibles avec ceux des économies occidentales, dont le Canada, afin de faire de leur diversité non pas un écueil, mais une force créatrice. Il s’agit là d’une démarche qui n’est évidemment pas absolument unilatérale, mais qui suscite une collaboration généralisée entre la Russie et ses partenaires commerciaux.

Toutefois, il est inutile de noircir le tableau de manière excessive, et nous nous devons de préciser les efforts déjà consentis par la Russie. En effet, le pays est déjà parvenu à acquérir une certaine légitimité vis-à-vis du Canada. Depuis l’accession de la Russie à l’OMC, que nous avons déjà mentionnée, le Canada peut écouler certains de ses produits et services sur le marché russe, dans un climat d’affaires davantage transparent, puisqu’encadré par toute une série de règles. Ce cadre constitue un élément qui peut rassurer le Canada dans la mise en place de relations commerciales avec la Russie.

Avec la reprise de l’économie mondiale qui semble être de vigueur de manière graduelle depuis quelques années maintenant, la Russie pourrait rebondir. La Russie présente, comme nous l’avons mentionné, un secteur privé récent et relativement vigoureux qui tend à s’affirmer sur la scène mondiale. Une relation donnant-donnant tend ainsi à s’établir entre la Russie et le Canada. En effet, la Russie pourrait notamment avoir besoin du Canada pour atteindre son plein potentiel, elle qui nécessite des capitaux étrangers, des partenariats et de la technologie (Affaires étrangères et Commerce international Canada, 2010). Les entreprises canadiennes pourraient quant à elles profiter des débouchés offerts par la Russie dans de nombreux domaines. Dans le cadre de la modernisation des infrastructures agricoles et industrielles de la Russie, le Canada pourrait trouver des débouchés très intéressants. En outre, le transport, et le développement de l’infrastructure et du matériel industriel en général constituent des points d’intérêt pour le Canada. Le Canada devrait ainsi considérer les nombreuses possibilités d’exportation et d’investissement qui existent vis-à-vis de la Russie, notamment dans les secteurs de la production agricole et agroalimentaire, dans l’exploitation minière, dans la foresterie, dans l’immobilier et dans les technologies de l’information et des communications. La Russie présente en effet de nombreux secteurs riches en potentiel et dans la lignée des intérêts du Canada en Russie. Ceci est valable notamment pour les secteurs touchant aux matériaux et services d’exploitation du pétrole et du gaz. En effet, il ne faut pas omettre d’une part que la Russie est l’un des plus grands producteurs pétroliers et gaziers mondiaux; et d’autre part, que les entreprises canadiennes de services pétroliers jouissent d’une forte expansion et que leur potentiel de croissance reste considérable, « notamment dans l’exploitation des gisements marins du plateau continental arctique de la Russie et dans la région de l’île de Sakhaline » (Affaires étrangères et Commerce international Canada, 2010). Citons à titre d’exemple l’entreprise canadienne Services Pétroliers M.T Inc qui oeuvre dans ce secteur.

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En ce qui concerne les matériaux, les minéraux et les services connexes, « les fournisseurs canadiens de matériel et de services se sont bâti une excellente réputation de fournisseurs de matériel et de technologies de pointe fiables. Diverses entreprises russes de premier plan cherchent à étendre et à diversifier leurs activités, ce qui crée des occasions dans les services d’exploitation minière, comme l’élaboration de plans d’arpentage et d’extraction en vue de l’exploitation de gisements de minéraux » (Affaires étrangères et Commerce international Canada, 2010). Par exemple, l’entreprise canadienne Tenke Mining Corporation qui oeuvre dans l’exploitation de minéraux pourrait trouver des intérêts en Russie. Au niveau de l’agriculture, la croissance de la consommation des produits de la pêche, combinée avec une demande de produits axée sur la qualité, notamment concernant les denrées alimentaires telles que la viande, entraîne l’avènement d’opportunités considérables pour l’industrie agroalimentaire canadienne. Pour ce qui est du secteur agricole, il va sans dire que dans les prochaines années, la demande russe de machines et d’équipements agricoles devrait augmenter, dans un souci de modernisation. Bien que la technologie canadienne propose des machines à un prix plus élevé, la qualité, la fiabilité et la productivité bien reconnues de celle-ci font qu’elle nécessite moins de main d’œuvre et donc qu’elle laisse présager de bons résultats en termes de rendement sur investissement. Finalement, dans le domaine du bâtiment et de la construction, des opportunités sont également à saisir par le Canada, c’est du moins ce que prétend l’office des affaires étrangères au Canada (2010) : « en raison de la demande de nouveaux logements, qui devrait connaître un regain de croissance et dépasser l’offre vu la reprise économique, et de l’intérêt croissant pour les maisons à ossature en bois de haute qualité, moins chères que les maisons classiques en briques et en ciment, il y a des débouchés considérables pour les distributeurs canadiens. Des occasions s’offrent aussi dans le cadre de grands projets de construction liés au sommet de l’APEC, qui aura lieu à Vladivostok en 2012, et aux Jeux olympiques d’hiver de Sotchi, en 2014 ».

Cependant, quelques efforts seraient à consentir de la part du Canada. Premièrement, le Canada devrait rassurer et encourager les potentiels investisseurs canadiens en renforçant l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE). Deuxièmement, le Canada devrait s’attacher à améliorer ses relations avec la Russie de manière à ce que cette dernière pense en premier lieu au Canada lorsqu’elle souhaite faire des affaires. De plus, établir de telles relations permettra au Canada d’obtenir de meilleures informations concernant notamment les moments opportuns pour faire des affaires en Russie. Enfin, les délégués commerciaux au Canada auraient pour tâche de fournir des informations toujours plus pertinentes et précises concernant le potentiel commercial en Russie aux entreprises canadiennes, de manière à faire réaliser à ces dernières que la Russie constitue un véritable lien stratégique entre l’Asie de l’Est et l’Europe.

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ANNEXES

Annexe 1 : Top 20 des multinationales russes en fonction de leurs actifs détenus à l’étranger.

Annexe 2 : Distribution géographique des actifs détenus à l’étranger du top 20 des plus grandes multinationales, 2011 (billion $ US)

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Annexe 3 : Comparaison de la rémunération directe horaire du temps travaillé dans le secteur manufacturier au niveau international, 2010 (dollars EU)

Annexe 4 : Répartition des avoirs étrangers des vingt principales FMN russes, par industrie (2011)

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Annexe 5 : Secteurs de l’industrie des ressources naturelles au Canada

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Annexe 6 : Comparaison de la rémunération directe horaire du temps travaillé dans le secteur manufacturier au niveau international, 2010 (dollars EU)

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Annexe 7: Indice des politiques restrictives sur les IDE, 2012

Annexe 8 : Pyramide d’âge de la population du Canada en 2011

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Annexe 9 : Étude du Conference Board of Canada expliquant la relation entre les IDE et la productivité du travail.

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VIII. POLITIQUES DES ÉTATS-UNIS ENVERS LES IDE

Pauline Mary, [email protected]

Lauren Constant, [email protected] Amerine Waldmann, [email protected] Morgane Rispal, [email protected]

Vincent Maudire, [email protected]

Résumé

« We are open for business ». C'est le message clé que transmettait Barack Obama lors du SelectUS Summit en novembre dernier à l'attention des investisseurs étrangers du monde entier. En accueillant plus de 167 milliards de dollars d'investissements directs étrangers en 2012 (soit 12 % des IDE entrants mondiaux), les États-Unis restent toujours une place attractive pour les investisseurs. En effet, le gouvernement met en œuvre de nombreuses incitations pour faire valoir les avantages à investir sur le territoire. Ces investissements, même s'ils ne représentent qu'environ 1 % du PIB, sont extrêmement profitables pour le pays, notamment en termes d'emploi, de création de richesses ou de développement d'innovation. Les États-Unis, une porte ouverte à tous les investisseurs étrangers? Si l'on se penche vers les réglementations envers les IDE entrants, la réponse à cette question est cependant à nuancer. Certaines entreprises se sont vues refuser de façon arbitraire l'accès au marché américain sous la justification d'atteinte à la « sécurité de l'État », et ces entreprises provenaient de l'Asie (notamment la Chine) et du Moyen-Orient. De façon paradoxale, les États-Unis mènent de fortes politiques de contrôle d'entrée des investisseurs dans le pays. Dans cette étude, nous allons ainsi analyser cette politique développée envers les IDE pour comprendre les réactions des États-Unis face à un nouvel ordre mondial et une nouvelle répartition des forces, notamment par la montée en puissance des BRICS.

Nous verrons donc dans une première partie en quoi les États-Unis s’inscrivent bien

en tant que leader sur le marché mondial des IDE et les retombées économiques des IDE dans le pays, avant d’analyser le développement d’une nouvelle répartition des forces mondiales et d’observer la stratégie paradoxale des États-Unis face à ces nouveaux enjeux.

1. LES É.-U. : LEADERS DES FLUX D’IDE

1.1 Une position de leader affirmée des entrées d’IDE

1.1.1 Situation actuelle des IDE

Les États-Unis occupent la place de leader en terme d’IDE entrants, et ce depuis plusieurs décennies. En effet, en 2012, ils représentent à eux seuls 17 % des entrées d’IDE à l’échelle globale – à titre indicatif, l’Europe entière ne comptabilisait que le double avec 34 % (OECD, 2013). La différence est encore plus flagrante lorsque l’on compare les flux d’IDE entrants des États-Unis vis-à-vis des autres économies développées (OECD, 2013). Par exemple, les États-Unis attiraient plus d’IDE que la Belgique, le Royaume-Uni, le Canada et l’Allemagne réunis (cf. Figure 1) (OECD, 2013).

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Figure 1 : Évolution des flux entrants d’IDE par pays de 2007 à 2011 (en millions de $ US)

Cependant, les récentes crises économiques et financières ont violemment impacté

l’économie américaine. Ainsi, les flux d’IDE entrants sont en baisse, puisqu’ils représentaient environ 34 % des flux entrants à eux seuls en 2000. En effet, en 2012, les États-Unis ont reçu près de 166 milliards de $ US, un chiffre nettement en baisse vis-à-vis des résultats de 2007 (306 milliards $ US) à la suite de la crise des Subprimes, ou bien de 2000 (314 $ US) avec l’éclatement de la bulle internet (cf. Figure 2) (OECD, 2013).

Figure 2 : Évolution des flux entrants d’IDE aux É.-U. de 1995 à 2012

(en millions de $ US)

Ces IDE proviennent en majeur parti des pays développés avec en tête de liste

l’Europe (majoritairement du Royaume-Uni, de la Suisse, de la France, de l’Allemagne, du Luxembourg, et des Pays-Bas), le Japon et le Canada. Globalement, ces acteurs constituent le « top 8 » des investisseurs aux États-Unis (Cf. Figure 3) (U.S. Bureau of Economic Analysis, 2013).

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Figure 3 : Flux entrants d’IDE aux États-Unis par acteur de 1992 à 2012 (en millions de $ US)

Les investissements ne ciblent pas de façon égale les différents secteurs de

l’économie américaine. En effet, trois secteurs constituent les plus gros receveurs d’IDE aux US – à savoir le secteur manufacturier (environ 33 %), financier (environ 21 %) et du commerce de gros et de détail (14 %) (Cf. Figure 4) (James K. Jackson, 2012). De plus, il est intéressant de noter que la tendance est relativement constante depuis 1997, mais on observe une légère hausse dans les industries de l’information et du secteur public.

Figure 4 : Répartition des flux entrants d’IDE par secteurs de 1997 à 2010

(en milliards de $ US)

1.1.2 Les nouvelles tendances

1.1.2.1 Les projets greenfields, source de richesse économique

L’investissement dans des projets dits greenfields correspond à la création d’entreprises par des investisseurs étrangers dans un pays d’accueil. Ces investissements sont encore faibles par rapport aux autres types d’IDE utilisés, et les fusions-acquisitions restent majoritaires à plus de 80 % en moyennes (OFII – D.J. Ikenson, Insourcing Companies : How They Raise Our Games, 2013). Mais ils sont une source importante de création d’emplois et de revenus pour l’économie du pays d’accueil.

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En 2010 aux États-Unis, 55 milliards de dollars ont été investis dans plus de 1 300 projets greenfields, ce qui a engendré la création de plus de 123 000 emplois. Ces investissements représentaient alors près de 30 % des IDE entrants totaux, soit le double par rapport à 2006 (OFII, 2011). Cette part n'a pas cessé d'augmenter depuis 2006, avec un pic à 50 % en 2009 et elle s'élèverait à 38 % en 2012 selon FDI markets.

Figure 5 : Projets Greenfields vs Total IDE Entrants

Les projets greenfields sont plus appréciés des Américains, car leurs retombées sur l'économie, notamment en nombre d'emplois créés, sont beaucoup plus importantes que d'autres types d'investissement. Alors que les fusions-acquisitions ou les rachats d'entreprises continuent à exploiter des entreprises déjà existantes, les projets greenfields créent de nouvelles entreprises, donc de nouveaux emplois et de nouvelles activités et participent au dynamisme de l'économie.

Des investissements dans des secteurs traditionnels et nouveaux

Toujours au 1er semestre 2011, les investissements en nombre d'emplois créés se concentrent principalement dans les industries du métal et de l’automobile avec 6618 et 6063 emplois créés (OFII, 2011). Plus généralement en 2012, les investissements greenfields dans les pays développés concernent surtout les secteurs tertiaires à 51 % (notamment le domaine de l'électricité-gaz-eau et les services commerciaux) et secondaire à 42 % (notamment les transports et l'équipement électrique et électronique) (UNCTAD, 2013). Cependant, on remarque une nouvelle tendance vers le développement de projet greenfields dans les énergies renouvelables. Cette évolution s'intègre dans celle plus globale de la politique américaine, comme le souligne Obama dans son discours d'investiture en 2012 et lors du SelectUSA Summit en novembre 2013 : « We've pursued an all-of-the-above energy strategy, and we are producing more traditional energy, more renewable energy than ever before, more natural gas than anyone in the world, and we have cut our carbon pollution in the process. »

Pour le 1er semestre 2010, fDi markets a dénombré 648 projets greenfields, dont 54 étaient directement liés au secteur de l’énergie (plus de 8 %). Ces investissements touchent les domaines de l’énergie éolienne et solaire, les voitures électriques et hybrides, le carburant alternatif, l’énergie géothermale, les batteries rechargeables. Ces investissements ont compté pour environ 9,6 milliards de dollars estimés, ce qui représente environ 30 % des investissements greenfields.

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Sur les années 2012-2013, toujours selon fDi markets, le secteur des énergies renouvelables et alternatives occupe la 3e place parmi le top 10 des secteurs attirant le plus d'investissements, après le secteur du charbon, pétrole et gaz naturel (soit 85 milliards de dollars, qui représentent 12 % des capitaux totaux investis dans le top 10).

La participation croissante des BRICS

Si l'on s'intéresse à la période de janvier à juin 2011, on observe que les premiers pays investisseurs par rapport aux nombres d'emplois créés sont souvent les mêmes qui investissent le plus aux États-Unis en valeur totale. On trouve cependant la Russie et la Chine en 6e et 10e position : les BRICS investissent de plus en plus dans les projets greenfields, et sur le marché américain qui présente le plus d'opportunités dans ce domaine. De 2 milliards de dollars investis en 2006 (6 % des greenfields totaux), les BRICS participent en 2010 à près de 8 milliards des investissements greenfields (14 %), avec un pic en 2008 avec 22 milliards de dollars (24 %) (OFII, 2011).

1.1.2.2 Investir dans l’énergie verte, un marché en pleine expansion

Un marché attractif pour les investisseurs

Développer les énergies renouvelables est un objectif partagé par de nombreux pays dans le monde actuellement. Ainsi les États-Unis, premier pays d'accueil des IDE en énergie verte, ont lancé le programme de « New Energy for America » qui prévoit que les énergies renouvelables représentent 25 % des énergies totales exploitées d'ici 2025. Par comparaison, cette part s'élève à 20 % pour l'UE et 15 % pour la Chine d'ici 2020. D'après une étude menée par l'US Partnership for Renewable Energy Finance en mars 2013, plus de 300 milliards de dollars ont été investis dans ces énergies depuis 2004. On estime que le marché va connaître une forte expansion dans les prochaines années (cf. figue pour l’énergie solaire et éolienne) et sera une source importante de création d'emploi.

Pour les investisseurs étrangers, investir dans les énergies renouvelables aux États-Unis est une vraie opportunité. Les coûts d'équipement pour exploiter ces énergies ont chuté depuis les années 1990 (de 40 % en 20 ans pour l'énergie du vent et 90 % pour l'énergie solaire) (EIA) alors que les prix à la vente restent dans la moyenne par rapport à ceux du charbon, du gaz ou du nucléaire (Foley, 2013). La consommation d'énergie verte est en hausse dans tous les secteurs (+ 60 % entre 2001 et 2012) (EIA). D'autre part, le gouvernement a développé une réelle politique pour encourager ce type d'investissement, notamment par des crédits d'impôt et des garanties de prêt.

Les principaux marchés qui attirent le plus d'IDE dans l'énergie verte sont ceux de la production d'électricité, le secteur des ventes et marketing, et la manufacture (EIA).

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1.1.3 Des retombées économiques positives aux États-Unis

Bill Clinton durant une interview pour le Financial Times en octobre 2011 : « for $ 1 billion invested in a new coal plant, you get fewer than 900 jobs; for solar you get 1,900 jobs, for wind turbines 3,300 jobs and (for) retrofitting buildings 7,000 –8,000 jobs ».

Selon fDi markets, le nombre d'emplois crées a augmenté de 60 % entre 2010 et 2011 grâce aux investissements dans ce secteur (35 000 emplois créés en 2011). Les IDE dans le secteur des énergies traditionnelles créent un peu plus d'emplois (7 000 en plus pour 2011), mais la tendance est globalement à la baisse (- 23 % entre 2010 et 2011).

1.2 Les Impacts Economiques Des IDE Aux États-Unis

Les IDE entrants permettent d’apporter des capitaux pour financer des actifs physiques, tels que des usines de production, des équipements liés à la recherche et au développement (R et D) ou des entrepôts. Quelle que soit la forme que prennent ces investissements, ces derniers influencent l’économie américaine en termes de production, d’emploi, d’exportations et de R et D, d’après les statistiques du Bureau of Economic Analysis (BEA) concernant les filiales américaines dans lesquelles les entreprises étrangères détiennent une participation majoritaire, ce qui représente la grande majorité des filiales américaines détenues par des entreprises étrangères.

1.2.1 Hausse de la valeur ajoutée

Entre 2010 et 2011, la production en valeur ajoutée des filiales américaines a augmenté de 11,4 % pour atteindre 736 milliards de dollars. Cela représente 4,7 % de la production privée américaine.

La valeur ajoutée par ces filiales a augmenté plus rapidement en 2011 que l’ensemble de l’économie américaine. Ainsi, la part de valeur ajoutée par les filiales dans l’industrie privée américaine est passée de 5,9 % à 6,3 %, ce qui reflète l’acquisition d’entreprises américaines par des investisseurs étrangers et la concentration de filiales dans des industries qui se développent rapidement en 2011, comme les secteurs minier et manufacturier. (U.S. Department of Commerce & Council of Economic Advisers, 2013).

1.2.2 Création d’emplois dans l’industrie et les services

En 2011, les filiales américaines employaient environ 5,6 millions de personnes aux États-Unis, ce qui représentait 5 % des emplois dans le secteur privé.

Les emplois dans le secteur manufacturier représentent un tiers des emplois des filiales américaines, soit 2,1 millions d’emplois en 2011 ou 17,8 % des emplois dans l’industrie américaine au total. Les secteurs les plus importants dans l’industrie en termes d’emplois sont ensuite le commerce en gros qui employaient 546,600 personnes en 2011, le commerce de détail avec 488 500 personnes et enfin l’administration, l’assistance et la gestion des déchets avec 482 200 personnes.

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Il s’est avéré que pendant la récession de 2009, le taux d’emploi des filiales américaines est resté plus stable que celui de l’ensemble du secteur privé. En outre, il a augmenté de 0,9 % en 2007 et 2011 alors que celui du secteur privé américain a chuté de 5,3 %. Dans le secteur manufacturier en particulier, le taux d’emploi des filiales américaines a baissé de 1,5 % entre 2007 et 2011 tandis que celui du secteur manufacturier américain a chuté de 15,4 %. Ainsi, la part des filiales américaines dans l’ensemble de l’emploi manufacturier aux États-Unis est passée de 14,8 % en 2007 à 17,8 % en 2011 (U.S. Department of Commerce & Council of Economic Advisers, 2013).

Figure 6 : Le Taux d’Emploi entre 2007 et 2011

1.2.3 Hausse des salaires

Figure 7 : Les Compensations Annuelles par Employé en 2011

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Les filiales américaines engagent en général des personnes hautement qualifiées et proposent d’excellents salaires. En effet, les salaires et autres formes de compensation étaient en moyenne supérieurs à 77 000 dollars par employé américain en 2011 alors qu’ils étaient en moyenne égaux à 58 000 dollars pour les employés dans l’économie américaine.

Ainsi, les compensations dans les filiales américaines sont supérieures à la moyenne américaine (U.S. Department of Commerce & Council of Economic Advisers, 2013).

1.2.4 Hausse des exportations

Les filiales américaines représentent une part disproportionnée des exportations américaines par rapport à leur nombre d’employés. En effet, en 2011, elles exportaient 303,7 milliards de dollars de biens, c’est-à-dire 20,5 % des exportations américaines au total, la seconde part la plus importante depuis 1995.

Les filiales américaines réussissent en moyenne à maintenir leurs exportations en temps de crise, car elles exportent en majorité vers la compagnie mère et ses autres filiales : ces exportations représenteraient 59 % en 2011 de leurs exportations totales (U.S. Department of Commerce & Council of Economic Advisers, 2013).

1.2.5 Hausse de l’investissement dans la R et D

Les filiales américaines investissent largement dans la recherche et le développement. En 2011, elles ont dépensé 45,2 milliards de dollars en R et D, ce qui représente 15,9 % des dépenses totales en R et D des entreprises américaines. Depuis 1997, les dépenses en R et D des filiales américaines ont grimpé de 163 %, c’est-à-dire quasiment le double des 87 % de croissance parmi les dépenses en R et D des entreprises américaines.

Les investissements en R et D ont été réalisés en majeure partie dans le secteur manufacturier qui représentait 69,9 % des dépenses totales en R et D par les filiales américaines et presque 68,5 % des dépenses en R et D de l’ensemble des firmes américaines dans le secteur manufacturier (U.S. Department of Commerce & Council of Economic Advisers, 2013).

Figure 8 : Les Dépenses en R et D de 2007 à 2011

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1.3 Pourquoi Les États-Unis Sont Une Destination Attractive Pour Les IDE ? Les États-Unis sont une destination de plus en plus attractive pour les IDE. En

effet, selon l’indice de confiance concernant les IDE du cabinet A.T. Kearney, sorti en juin 2013, les États-Unis sont devenus le pays qui fait l’objet du plus grand nombre de prospections d’investissements. C’est la première fois que les États-Unis occupent la place de numéro un depuis 2001 (A.T. Kearney, 2013).

1.3.1 Une politique d’investissement ouverte

Depuis des années sous les différentes administrations présidentielles, les États-Unis ont toujours maintenu une politique d’investissement ouverte qui offre un traitement national aux entreprises, quel que soit leur pays d’origine. Le président Obama a réaffirmé en 2011 l’engagement du pays pour une politique d’investissement ouverte : « In a global economy, the United States faces increasing competition for the jobs and industries of the future. Taking steps to ensure that we remain the destination of choice for investors around the world will help us win that competition and bring prosperity to our people. » (Office of the Press Secretary, 2011)

Une étude montre que l’accès aux marchés est un des facteurs qui déterminent de façon significative les décisions des multinationales de s’implanter aux États-Unis. Ainsi, si une entreprise choisit de s’installer sur les marchés où elle vend, cela va lui permettre de mieux comprendre comment les consommateurs locaux utilisent ses produits (Gerlowski, Friedman, & Silberman, 2006).

Enfin, les normes commerciales du pays sont parmi les plus transparentes et les moins restrictives grâce aux protections de la propriété intellectuelle entre autres. Ainsi, exporter des États-Unis est relativement simple et bon marché (United States Department of Commerce).

1.3.2 Une économie importante

Les États-Unis possèdent la première économie mondiale et une large demande pour une variété de produits grâce à des revenus domestiques médians de 51 017 dollars. (DeNavas-Walt, Proctor, & Smith, 2013).

1.3.3 Une importante protection de la propriété intellectuelle

D’après l’indice d’innovation mondiale 2013, les États-Unis se sont classés cinquièmes des pays les plus innovants (WIPO, Cornell University & INSEAD, 2013). Les frais du gouvernement pour obtenir un brevet américain sont parmi les moins élevés dans les pays industrialisés. De plus, le « U.S. Patent and Trademark Office » s’engage à protéger les investissements des entreprises dans leurs marques et leur réputation. Ainsi, ce régime de propriété intellectuelle permet aux États-Unis d’offrir un environnement stable et prévisible pour investir, ce qui permet de faire des affaires plus facilement. La Banque Mondiale a classé en 2013 les États-Unis quatrième sur 185 pays concernant la facilité de faire des affaires (U.S. Department of Commerce & Council of Economic Advisers, 2013).

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1.3.4 Une main-d’œuvre qualifiée grâce à des universités réputées

La main d’œuvre est hautement qualifiée et innovante grâce à un réseau d’universités réputées. En effet, ces dernières assurent la disponibilité d’employés qualifiés pour toutes les entreprises qui opèrent aux États-Unis.

De plus, les universités américaines qui font de la recherche sont très bien classées : 15 des 20 meilleures universités du monde sont situées aux États-Unis. Ces universités sont des partenaires essentiels pour les entreprises qui investissent dans la R et D aux États-Unis (U.S. Department of Commerce & Council of Economic Advisers, 2013).

1.3.5 Des infrastructures qui facilitent les flux de biens et services

Les États-Unis possèdent des infrastructures de qualité : ports, transport ferroviaire, aéroports et un important réseau de routes qui permet de distribuer l’ensemble du marché américain, mais aussi de faire des États-Unis une base pour les exportations (U.S. Department of Commerce & Council of Economic Advisers, 2013).

2. LES POLÉMIQUES LIÉES AUX INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS AUX ÉTATS-UNIS

Les pays en développement, et notamment les BRICS, s'intègrent progressivement aux échanges internationaux. Ainsi pour la 3e année consécutive, plus de la moitié des flux d'IDE mondiaux sont tournés vers les économies en développement et en transition et les pays développés attirent maintenant 42 % des flux mondiaux (UNCTAD, 2013). Ces pays investissent donc de plus en plus dans les pays développés, et notamment aux États-Unis : les BRICS ont investi plus de 15 milliards de dollars en 2012, et ils représentent près de 10 % des IDE entrants totaux. Exception des baisses en 2006 et 2009, ces investissements sont toujours en augmentation et ont été multipliés par 7 entre 2002 et 2012. La Chine et l'Inde sont les plus grands investisseurs, mais ce sont les investissements chinois qui augmentent beaucoup plus rapidement. En 2012, ils ont investi à eux deux plus de 10 milliards de dollars dans le secteur manufacturier, alors que le Brésil a investi plus de 2 milliards de dollars dans la vente de gros. Le troisième secteur est celui de la finance, qui attire plus de 2 milliards de dollars pour la même année 2012 (US BEA). Ces pays en développement cherchent ainsi à investir à l'étranger, notamment la Chine qui le fait de façon massive. Ils entrent progressivement dans le marché mondial des flux d'IDE et sont des partenaires commerciaux dont il faut tenir compte pour les prochaines années.

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Figure 9 : Balance of Payments and Direct Investment Position Data Données en millions de dollars et (pourcentage par rapport aux IDE entrants totaux)

Pas de donnée enregistrée pour la Russie

Source : bea.gov

Tableau : Répartition des IDE Entrants par Secteur (en millions de dollars US)

Source : bea.gov

Les États-Unis ont été pendant longtemps recherchés par les investissements

étrangers, mais ils commencent à souffrir de la concurrence des pays émergents et en développements, notamment provenant des pays du BRIC.

Ainsi, plusieurs sujets de préoccupations naissent, notamment ceux liés à l’ingérence étrangère dans les affaires intérieures, mais aussi ceux qui transparaissent de certains financements opaques ou occultes et surtout ceux provenant de la protection des secrets industriels et donc de l’ordre de la sécurité nationale de la superpuissance américaine.

Bien que le pays offre aux investisseurs certains avantages au niveau de sa politique de taxation et de réglementation, après les attentats du 11 septembre 2001, le développement du sentiment d’insécurité et la multiplication de « lois patriotiques », le spectre d’interprétation de l’amendement Exon-Florio s’est encore plus élargi. Cet amendement Exon-Florio peut induire une forme de nationalisme économique puisque la loi ne définit aucunement la notion de « sécurité nationale ».

2017(2,7%)

1566(3%)

2631(2%)

4615(4,4%)

3920(1,7%)

4585(2,1%)

4617(1,5%) 3343

(2,3%)

9458(4,8%)

14600(6,5%)

15367(9,6%)

‐2000

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

14000

16000

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

TOTAL BRICSSouth AfricaBrazilChinaIndia

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En effet, le Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis analyse l’impact sur la sécurité nationale de certaines acquisitions américaines par les intérêts étrangers puis soumet le projet qui peut nuire à la sécurité nationale au Président qui peut suspendre ou non l’acquisition d’une firme américaine, si ce dernier reconnaît que l’étranger pourrait menacer la sécurité nationale. Il existe un « flou » autour de cet amendement puis qu’il n’existe pas de liste précise des secteurs industriels exempts du champ d’application d’Exon-Florio. Ainsi, la sécurité nationale peut donc être définie de manière très large.

La montée en puissance de la Chine préoccupe et inquiète profondément certains pays de l’Occident. Les entreprises chinoises sont souvent des entreprises contrôlées par l’État chinois et sont souvent suspectées de remplir les objectifs stratégiques de ce dernier plutôt que de maximisation des bénéfices des entreprises dans lesquelles elles investissent. La Chine est aussi un rival idéologique, ce qui inquiète puisque les investissements chinois aux États-Unis peuvent agir comme un cheval de Troie entraînant ainsi des préoccupations rationnelles concernant les subventions, le piratage et l'espionnage économique (P.Sauvant, 2012).

Plusieurs investissements provenant d’entreprises chinoises ont ainsi été bloqués pour des motifs de sécurité nationale, cette manœuvre considérée comme protectionniste pourrait néanmoins nuire à leurs propres intérêts dans le futur même si leur véritable intention est de protéger les intérêts des entreprises et industries de leur pays.

En effet, plusieurs projets d’investissements dans des secteurs « sensibles » ont suscité certaines polémiques. Ainsi, le chinois Cnooc (China National Offshore Oil Corporation) n’a pas pu acquérir le pétrolier Unocal en 2005. La principale raison de cet échec était la violente opposition du Congrès américain qui déclarait que le projet d'acquisition constituait une menace pour la « sécurité de l'État ».

L’acquisition d'Unocal Corporation a alors été remportée par la deuxième compagnie pétrolière des États-Unis, à savoir Chevron Corporation pour un prix inférieur à l’offre initiale faite par Cnooc, les actionnaires d'Unocal ont alors perdu 5 dollars US par action. La bataille s’est essentiellement jouée par l’entremise des équipes de lobbying que les deux acquéreurs avaient engagé. À la suite de cet échec, le Chinois a déclaré qu’à l’avenir, il prendrait soin de lancer une campagne de lobbying avant même d’entrer en pourparlers avec la cible (Lohr, 2005).

Sous le prétexte de la « sécurité de l’État » se cache la mentalité occidentale de « protection de l'investissement »; ces pays ne souhaitent pas que des entreprises chinoises investissent et acquièrent leurs entreprises mêmes si celle-ci est au bord de la faillite et nécessite un rachat d’urgence pour survivre, ils auront tendance à favoriser les entreprises américaines plutôt que chinoises, peu importe la perte financière qui en découlera.

Plus récemment, l’accès au port de New York a été refusé au fonds souverain du Qatar. La raison en est que les fonds souverains sont souvent source de préoccupations puisque leurs fonds sont constitués par les dotations des États de l’Asie et du Moyen-Orient qui disposent de ressources importantes et s’intéressent particulièrement aux fleurons nationaux des pays occidentaux.

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Par ailleurs, ils sont réputés pour manquer de transparence et présenter un risque particulier pour la sécurité nationale et ils peuvent avoir des intérêts tournés essentiellement vers le développement des entreprises qui les contrôlent entraînant ainsi un transfert des technologies et du savoir-faire. Face à cela, les états destinataires sont enclins à trouver des subterfuges pour privilégier les investissements domestiques et privés (Filippova, Juin 2011).

Citons un autre exemple parlant, celui de la société chinoise Xise International Investment Co. Ltd qui, en 2009, a été obligé de renoncer à son projet de fusion-acquisition de la société américaine First gold Corp et à l'accord de coopération dans l'exploitation d'une mine d'or. Le CFIUS (Committee on Foreign Investment in the United States) s’est justifié en expliquant que la mine d’or se trouvait trop près d’une base militaire et que cela constituait une menace pour la sécurité nationale. Cette raison n’a que très peu convaincu les autorités chinoises puisque la mine est à plus de quatre-vingts kilomètres de la base militaire, mais surtout qu’il y a depuis des années d'autres sociétés étrangères qui exploitent les mines des environs.

Ces nombreuses polémiques qui découlent des tentations d’investissements d’entreprises étrangères aux États-Unis nous démontrent ainsi que certains pays, et principalement les États-Unis, adoptent un comportement assez hostile à l’égard de certains pays du BRIC, dont la Chine, en particulier. Les contrôles pratiqués par les États-Unis sont ainsi majoritairement indirects et souvent informels. Ceci s’explique par l’inquiétude des pays occidentaux face à la montée en puissance des BRIC et leur désir croissant d’investir à l’étranger.

Face à ces inquiétudes en matière de sécurité nationale, les États-Unis ont mis en place un certain nombre de lois et de réglementations permettant un contrôle de ses investissements étrangers.

3. UNE POLITIQUE PARADOXALE ENVERS LES IDE

L’histogramme ci-dessous présente les indices d’ouverture ou de fermeture des pays aux IDE en fonction de leur degré de contrôle. Les États-Unis se placent un peu au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE et de façon assez surprenante ont un degré de contrôle bien plus élevé que les pays d’Europe de l’Ouest par exemple. Or, compte tenu du discours officiel du pays en matière de développement du libre-échange, ce degré de contrôle (comparable à celui exercé par le Kirghizstan) est a priori inattendu.

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Figure 10. Indices de restriction en matière d’IDE selon les pays, 2012 (OCDE)

La politique commerciale des États-Unis a pour objectif principal de promouvoir l’ouverture des marchés. Dans ce contexte, leurs négociations en commerce international visent à supprimer les obstacles au commerce des biens et services, ainsi qu’aux investissements étrangers et à développer un système commercial fondé sur des règles. Toutefois, les États-Unis ont mis en place un cadre visant à mieux contrôler la question des investissements directs à l’étranger.

La tendance générale en matière d’IDE, a été pendant des décennies de fortement protéger les investisseurs, sachant qu’historiquement les États-Unis étaient émetteurs d’investissement à l’étranger. Or, un changement majeur est advenu lorsque, dans les années 2000, les États-Unis ont reçu plus de flux d’investissement entrants que sortants (Gagné & Morin, 2006).

L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) signé en 1994, entre le Canada, le Mexique et les États-Unis a un rôle important à jouer dans l’évolution de la politique américaine en matière d’investissement. Le chapitre 11 de cet accord régional est consacré à l’investissement et il a servi de modèle pour les traités bilatéraux en matière d’investissement (Bilateral Investment Treaties BIT) entre les États-Unis et des pays en développement. Après l’ALENA, les BIT et les accords de libre-échange (ALE) conclus ont tous pour objectif de prohiber la discrimination, l’expropriation, ils empêchent l’interdiction de transfert d’argent, des exigences de performance ainsi que les violations du minimum standard de traitement. Afin de s’assurer que ces obligations soient tenues, ils donnent droit aux investisseurs des nations signataires d’entamer des actions d’arbitrage envers le gouvernement hôte (investor-state provisions) (Gagné & Morin, 2006). De la même manière, les accords de libre-échange bilatéraux comportent des régulations sur le traitement et la protection de l’investissement à l’étranger.

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Avec l’adoption par le Congrès de la loi sur la promotion du commerce, Trade Promotion Authority (TPA) en 2002, cette politique a entamé une évolution. Cette loi définit précisément les objectifs des États-Unis pour les négociations en matière d’IDE. Plus particulièrement, le TPA renforce l’idée que les États-Unis doivent « réduire ou éliminer les barrières artificielles à l’investissement étranger » tout en soulignant que les « investisseurs étrangers [ne doivent pas] se voir accorder de plus grands droits concernant la protection de l’investissement que les investisseurs des États-Unis aux États-Unis ».

En vertu du TPA, lors de l'examen de la législation approuvant et mettant en œuvre un nouvel accord commercial, le Congrès peut approuver ou rejeter la législation, mais doit le faire sans amendement et dans un délai déterminé. Cependant, le TPA a expiré en juillet 2002, et il est d’actualité de le renouveler (Trade Promotion Authority).

Les États-Unis poursuivent leur politique visant à multiplier les accords entre pays : ils ont signé des accords de libre-échange (ALE) qui sont actuellement en vigueur avec 20 pays du monde (Office of the United States Trade Representative (Executive Office of the President)). Ils sont également en cours de négociation pour un accord régional transpacifique, le Trans-Pacific Partnership Agreement (TPP) qui vise à promouvoir les échanges commerciaux et l’investissement entre les États signataires.

Ils ont également conclu une quarantaine de traités d’investissement bilatéraux, actuellement en vigueur (Trade Compliance Center). Parmi les principales caractéristiques de ces traités, on peut mentionner : un large champ d'application; le traitement national et NPF avant et après l'établissement, sous réserve des exceptions sectorielles convenues; l'observation de certains critères de traitement et de protection en ce qui concerne les investissements visés; des règles en matière d'expropriation et d'indemnisation; le libre transfert des fonds; l'interdiction d'imposer certaines prescriptions de résultat; le règlement des différends par voie d'arbitrage international.

Les États-Unis ont également mis en place près d’une cinquantaine d’accords-cadres concernant le commerce et l’investissement (Trade and Investment Framework Agreements (TIFA)) qui définissent un cadre stratégique et des principes permettant le dialogue sur les questions concernant le commerce et les investissements entre les États-Unis et l’autre partie. Ils sont décrits comme un « forum » permettant aux États-Unis et à l’autre partie de se rencontrer et de discuter de leurs intérêts mutuels afin d’améliorer leur coopération et de développer des opportunités pour le commerce et l’investissement (Trade & Investment Framework Agreements). Ces accords-cadres ont été mis en place avec de nombreux pays, et ont des degrés de développement différents.

Sous l’administration d’Obama, un intérêt tout particulier est porté à l’investissement avec la mise en place depuis 2011 de la politique SelectUSA, un programme du département du Commerce, qui vise à attirer les investissements sur le sol américain. SelectUSA se concentre sur 32 pays qui représentent 90 % de l’investissement américain (Landler M. , 2013). Cela s’illustre tout d’abord par une série d’incitations : en matière de financement et de mesures fiscales avantageuses (par exemple le Business Energy Tax Credit) ainsi que par la mise en place de plate-forme d’information et d’assistance visant à aider les potentiels investisseurs dans leur démarche (Select USA Incentives).

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Ces ressources sont disponibles en ligne, et le gouvernement met à la disposition des entreprises une liste de contacts directs. Cette politique s’est illustrée par le sommet sur l’investissement qui a eu lieu le 31 octobre et le 1er novembre 2013 à Washington dont le mot d’ordre, donné par le Président, est « we are open for business ». Ce sommet a permis de mettre en relation les investisseurs avec les principaux acteurs américains en matière d’IDE (notamment les membres de l’Administration et des États et les chefs d’entreprise).

En parallèle du cadre juridique encadrant les négociations commerciales, les États-Unis se sont dotés d’instances visant à faciliter le commerce international. On peut citer principalement The Office of the United States Trade Representative (USTR) qui a un rôle important à jouer. Il s’agit d’une agence gouvernementale responsable de développer et de coordonner le commerce international américain ainsi que les politiques en matière d’IDE. L’USTR relève du Secrétariat général de la présidence et il travaille en étroite collaboration avec le Congrès. Aux termes de la Constitution des États-Unis (article I, section 8), le Congrès est responsable en dernier ressort de la réglementation du commerce avec les nations étrangères, alors que le Président a la responsabilité et le pouvoir d'engager des négociations et de conclure des accords avec les gouvernements étrangers. L'USTR fournit régulièrement des informations au Congressional Oversight Group (Groupe de supervision du Congrès) composé de membres de plusieurs commissions du Congrès et présidé par le Président de la Commission des voies et moyens de la Chambre des représentants et de la Commission des finances du Sénat (USTR).

Toutefois, bien que la politique du pays vise à promouvoir et encadrer les investissements, il existe des restrictions sectorielles qui visent à empêcher les IDE pour certains secteurs clairement identifiés. Il s’agit des activités relatives à l'énergie atomique; des droits de passage pour les oléoducs, ou de l'extraction du charbon, du pétrole ou de certains autres minéraux; et certaines activités relatives à la pêche. La plupart des autres mesures fédérales sectorielles qui limitent l'IED, où le soumettre à la réciprocité, concernent les services, notamment les services de transport aérien et maritime et les services financiers. Des restrictions en matière de traitement national peuvent s'appliquer à l'admissibilité au bénéfice du financement public de la R et D; aux prêts d'urgence à des fins agricoles; et aux prêts, aux garanties et à l'assurance contre les risques politiques pour l'investissement. Des mesures restrictives s'appliquent également au niveau des États, en particulier pour les services immobiliers et financiers.

Les lois les plus importantes en matière de restriction de l’investissement pour des secteurs donnés sont les Energy Acts et l’Aviation: ownership restrictions and foreign repair stations pour les secteurs de l’énergie et de l’aviation (Commission Européenne pour le commerce).Concernant le secteur de l’énergie, la loi la plus importante est l’Atomic Energy Act (AEA) signée en 1946. L’AEA stipule que toute opération concernant des matériaux nucléaires requiert l’obtention d’une licence. Or, cette licence ne peut être attribuée à une personne étrangère ou à une corporation à gouvernance étrangère. À cet effet, la Nuclear Regulatory Commission interprète l’AEA comme interdisant la propriété à 100 % d’un équipement nucléaire par une personne étrangère ou une corporation. En revanche, elle autorise la détention de licence à 50 % à des corporations étrangères.

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Pour le secteur de l’aviation, la loi américaine requiert que les compagnies aériennes américaines soient sous le contrôle de citoyens américains afin d’obtenir leur licence. Pour les corporations de compagnies aériennes, 75 % des droits de vote doivent être détenus par des citoyens américains et deux tiers du conseil d’administration doivent être composés de citoyens américains. Enfin, les conditions de détention d’une compagnie aérienne risquent fort d’être revues à la hausse dans le contexte de la réévaluation du FAA Reauthorisation Act.

Les États-Unis ont également mis en place des lois et des organes de contrôle tels que le CFIUS (Committee on Foreign Investment in the United States) dont le rôle a été accentué depuis sa création. Le CFIUS a été créé en 1975, il est chargé d’examiner les projets d’acquisitions d’entreprises américaines par des étrangers, dès lors que celles-ci ont un impact sur la sécurité nationale des États-Unis. Dans les années 1980, l’intervention du Président a été couplée au rôle du CFIUS par l’amendement Exon Florio, qui a été adopté par le Congrès en réaction au nombre croissant d’acquisitions d’entreprises américaines par des firmes japonaises. Exon Florio est un amendement à la loi Defence Production Act de 1950, il autorise le Président à suspendre ou interdire des acquisitions d’entreprises américaines par des étrangers qui pourraient nuire à la sécurité nationale (Kornecki L. , 2013). En 2007, la loi FINSA (Foreign Investment and National Security Act) est venue étendre davantage le champ d’action du CFIUS. La loi FINSA autorise, en effet, le CFIUS à examiner les transactions ouvertes, à savoir les fusions, acquisitions ou reprises d’entreprises qui résultent en un contrôle étranger sur un « US business » afin d’en évaluer l’impact sur la sécurité nationale.

Le CFIUS fait des recommandations, soumises in fine à l’arbitrage du Président des États-Unis dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours. Il peut influer sur une opération d’acquisition et aller jusqu’à défaire un projet d’investissement : disposant d’un délai de 30 jours pour rendre son avis après examen d’une transaction, il peut également décider d’enquêter sur une transaction de sa propre initiative, sans saisie préalable par une partie.

Pour le moment, le Président des États-Unis et le CFIUS n’ont bloqué qu’un seul projet d’IDE dans les années 1990. Néanmoins, bon nombre d’investisseurs renoncent à leur projet après avoir rempli leur dossier auprès du CFIUS. En effet, ils se disent incertains quant à l’issue de leur requête, ils préfèrent donc se retirer par crainte d’un avis négatif qui endommagerait l’image de l’entreprise (Commission Européenne pour le commerce). Par ailleurs, le CFIUS a augmenté son temps d’évaluation des projets soumis ainsi que le nombre d’accords d’atténuation des risques (mitigation agreements) comme condition d’acceptation de la candidature. Enfin, une nouvelle condition est apparue pour l’acceptation par le CFIUS les « evergreen provisions », qui dotent l’administration américaine de la capacité à rouvrir les termes des conditions d’acceptation et même de défaire l’investissement dans certaines circonstances.

Par ailleurs, la multiplicité des lois sur le commerce en fonction des États complique également la donne en matière d’investissement (eMarketer, United States In-Depth PESTLE Insights, 2013) (eMarketer, United States In-depth PESTLE insights, 2013). En effet, les entreprises désireuses d’investir sur le territoire américain doivent adhérer à de nombreuses lois fédérales et étatiques.

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Le caractère non uniforme de ces réglementations rend dans la pratique difficile pour une entreprise à remplir les critères nécessaires dans plus d’un État. Il y a en effet, des restrictions spécifiques en matière d’IDE au niveau de l’État, ce qui bien sûr doit être pris en compte lorsqu’une entreprise souhaite investir dans une région donnée.

4. CONCLUSION

En conclusion, les États-Unis se maintiennent en position de leader en terme d’entrée d’IDE et ce depuis plusieurs décennies. L’économie américaine bénéficie grandement de ces flux d’investissements puisqu’ils permettent notamment de générer davantage d’emploi, d’exportations, de compensations salariales, d’efforts en R et D, etc. Les secteurs qui bénéficient de ses investissements sont principalement le secteur manufacturier, financier et de la grande distribution. Cependant, de nouveaux secteurs innovants attirent de plus en plus d’IDE comme le développement de l’énergie verte ou bien le secteur de l’information. Cependant, avec les différentes crises financières et économiques et le nouvel ordre mondial, l’économie américaine doit faire face à une concurrence accrue face à de nouveaux acteurs et sa position de leader s’en voit fragilisée – i.e. essor des BRICS et des pays en voie de développement.

Afin d’attirer davantage d’IDE, les États-Unis ont mis au point plusieurs politiques d’incitations. On peut par exemple citer la politique d’investissement ouverte (SelectUSA), un environnement économique attractif, un encadrement fédéral et étatique, des incitations financières, une infrastructure développée et le fort degré de protection de la propriété intellectuelle. Cependant, cette politique « incitative » se heurte à plusieurs inconvénients comme les restrictions sectorielles (énergie, transport aérien, services financiers), des procédures complexes pour les investisseurs étrangers et un certain pouvoir de blocage de l’exécutif (CFIUS et le véto du président). Enfin, il est important de noter la présence d’une certaine « zone grise » entre ces deux positionnements. Celle-ci est liée au principe de sécurité nationale – elle permet littéralement aux États-Unis de prioriser ou de refuser un projet par rapport à un autre s’ils considèrent qu’il n’est pas dans l’intérêt du pays. Par exemple, on peut citer le CFIUS qui entretien un flou autour du principe de la sécurité nationale et des secteurs dits « sensibles » (exemple du CNOOC) ou bien des méfiances face à l’origine des investissements (i.e. CFIUS vs OPEC, méfiance vis-à-vis des entreprises étatiques chinoises ou de fonds souverains du Moyen-Orient). Quoi qu’il en soit, la position dominante des États-Unis dans l’économie mondiale leur permet clairement de jouir d’une position privilégiée en termes d’entrée d’IDE étranger.

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5. BIBLIOGRAPHIE

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IX. POLITIQUES DE L’AUSTRALIE ENVERS LES INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS

Alexandre Robitaille-Lachance, [email protected] Joëlle-Audrey Bile, [email protected]

Etienne Pelsy, [email protected] Olivier Lafond, [email protected]

Vincent Devrand, [email protected]

Résumé L’Australie a toujours été un pays de choix pour attirer les capitaux étrangers, ceci

s'explique en partie grâce aux nombreuses ressources dont dispose ce pays continent. Ces apports sont vitaux pour son économie. On observe depuis quelques années un vif intérêt des entreprises étatiques, qui voient dans ces ressources une façon d'alimenter leur croissance nationale. Le volume croissant de ces IDE entrants en Australie, notamment dans le secteur des ressources naturelles par des entreprises étatiques chinoises, entraîne des polémiques. L’Australie cherche à satisfaire investisseurs étrangers et population australienne. Ainsi, l’Australie a mis en place des mesures permettant de contrôler une portion des investissements qui seraient contraires à l’intérêt national. Les politiques sont efficaces dans la mesure où elles ont diminué le nombre de nouveaux projets d’investissement, surtout dans le domaine des ressources naturelles. Plusieurs spécialistes avancent toutefois que cela se fait au prix d’une croissance économique ralentie et augmente la dette externe. Il est important de comprendre pourquoi l’Australie constitue un exemple pour le Canada en termes d’IDE. Dans ce contexte, expliquer comment ces pays sont comparables devient un passage obligé. Cela nous permet d'effectuer l’examen de leur différence de législation en termes d'IDE et d'introduire des pistes de réflexion. Il y a plusieurs éléments intéressants pour le législateur. Le renversement du fardeau de la preuve est un message positif pour les investisseurs. Le processus australien est plus court et plus transparent donc plus rassurant. Ils n’ont qu’un seul interlocuteur qui rend des avis indépendants dépassionnant le débat politique.

Notions Préliminaires Entreprise publique (entreprise étatique) : Une personne morale qui est créée par

un gouvernement en vue de participer à des activités commerciales pour le compte de ce dernier qui peut y exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent (Investopedia, 2013). Une entreprise publique (entreprise étatique) peut être entièrement ou partiellement détenue par un gouvernement et est généralement réservée à participer à des activités commerciales (La Commission des Communautés Européennes, 1999).

Fonds souverain (SWF) : Sommes d'argent provenant des réserves d'un pays, qui sont mises de côté à des fins d'investissements qui bénéficieront à l'économie et aux citoyens du pays. Le financement d'un fonds souverain (SWF) vient de réserves des banques centrales qui s'accumulent en raison des excédents budgétaires et commerciaux, et mêmes des recettes générées par les exportations de ressources naturelles. Les types d'investissements acceptables inclus dans chacun des SWF varient d'un pays à l'autre; des pays avec des problèmes de liquidité par exemple limitent leurs placements à des instruments de la dette publique très liquide (Investopedia, 2013).

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Dans notre monde globalisé et de plus en plus interdépendant, les investissements entrants et sortants sont maintenant de plus en plus importants pour la croissance économique d’un pays. C’est le cas de l’Australie qui possède des flux de capitaux dans les deux sens à des niveaux historiquement élevés. Attirer les investisseurs, notamment pour valoriser les ressources naturelles qu’offre ce pays continent, est un fondement essentiel de la croissance économique de ce pays.

1. HISTOIRE ET ÉVOLUTION DES IDE EN AUSTRALIE

1.1 Présentation Générale de l’Australie Avant de commencer notre étude, un rappel des informations clés est utile pour

mieux comprendre la position de l’Australie sur l’échiquier mondial. L’Australie est un pays développé de l’hémisphère Sud. Il s’agit d’un pays continent et également de la plus grande île au monde avec une superficie de 7,6 millions de kilomètres carrés. En 2012, elle est peuplée de 22,68 millions d’habitants avec une densité moyenne de 3 habitants/km², se classant parmi les taux les plus faibles de la planète. Comme la majorité des pays développés, l’espérance de vie est élevée (82 ans) et le revenu moyen par habitant s’élève à 59,570 USD. Ce revenu est passé pour la première fois au-dessus du revenu moyen des pays de l’OCDE en 2007, témoignant de la bonne vigueur économique du pays durant la dernière décennie.

En effet, économiquement, elle se situe à la douzième place des puissances économiques mondiales avec un produit intérieur brut de 1,521 milliards AUD (Banque Mondiale, 2012). Elle est membre du G20 et son économie a été l’une des plus performantes des pays développés pendant et depuis la crise financière mondiale. Elle entre dans sa 21e année de croissance consécutive et connaît depuis 1991 une croissance moyenne annuelle de 3,5 % (Banque Mondiale, 2012). Au 2e trimestre 2013, elle a enregistré une croissance solide de 2,6 % du PIB (Le Figaro Economie, 2013). De plus, l’Indice de Développement Humain est de 0,938 ce qui la classe 2e mondialement, juste derrière la Norvège. Le taux de chômage est faible et se situe depuis un an entre 5,1 % et 5,2 % de la population active ce qui équivaut à une situation de quasi-plein-emploi. La dette de l’État fédéral est de 9,6 % du PIB, l’une des plus faibles des pays industrialisés. Enfin, 69,3 % de son économie provient des Services, 27,8 % de l’Industrie, et 2,9 % de l’Agriculture (Nations Unies, 2012).

Historiquement, elle a obtenu son indépendance par rapport à l’Angleterre en 1901, est membre du Commonwealth et est une monarchie parlementaire avec la reine Élisabeth II à sa tête. Il s’agit d’une démocratie libérale stable ou la langue officielle est l’anglais et la monnaie, le dollar australien, est comparable au dollar canadien (1,00 CAD = 1,03691 AUD). C’est un pays multiculturel du fait d’une immigration diversifiée. La capitale est Canberra et les plus grandes villes sont Sydney, Melbourne, Brisbane et Perth (Banque Mondiale, 2012).

Géographiquement, l'Australie se divise en six États et chacun possède un chef du gouvernement appelé premier ministre (Australian Government, 2013).

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1.2 L’Évolution du Commerce International

Ce pays continent est peuplé depuis plus de 50,000 ans par les Aborigènes et a été visité régulièrement par les explorateurs, mais ce n’est qu’en 1770 qu’une partie de l’île sera revendiquée par la Grande-Bretagne. Les débuts économiques de l’Australie sur le plan mondial sont timides et commencent avec le commerce de la laine. Ce n’est qu’à partir de la découverte et l’exploitation des ressources naturelles, notamment la ruée vers l’or dans les années 1850, que l’Australie va connaître un vrai boom économique sur la scène internationale. Moins connue médiatiquement, l’Australie a également joué un rôle fondamental dans les deux guerres mondiales en aidant les Alliés à vaincre les Allemands et les Japonais en Europe. Du fait de sa proximité dans la zone pacifique, elle a renforcé sa présence et son autorité dans cette région. L’après-guerre instaure une période de prospérité économique sans précédent et ce n’est qu’au début des années 1990 qu’une récession s’installe d’où la mise en place d’importantes réformes développées plus tard dans ce rapport (Encyclopédie Larousse, 2012).

En 2012, sa balance commerciale atteignait -65 milliards USD et ses principaux clients étaient la Chine (29,1 %), le Japon (19,4 %), la Corée du Sud (8,3 %), l’Inde (5 %) et les États-Unis (3,7 %). Ses principaux fournisseurs étaient la Chine (18,1 %), les États-Unis (12,8 %), le Japon (8,5 %), Singapour (6,2 %) et l’Allemagne (4,7 %). On remarque une forte tendance à commercer avec les pays asiatiques par le fait que 61 % de ses principaux clients se situaient dans cette région. Pour comparaison, il y a 30 ans, la Grande-Bretagne représentait 40 % de son commerce extérieur pour ne représenter que 3 % aujourd’hui (France Diplomatie, 2013). Durant les deux derniers siècles, l'Australie s'est développée grâce aux apports en investissements étrangers notamment pour combler le déficit de l'épargne intérieure par rapport aux besoins d'investissement nationaux. Ces capitaux étrangers ont permis aux Australiens de profiter d’une croissance économique plus forte, d'emplois et d’un niveau de vie plus élevé, sans quoi ces conditions n’auraient pas été possibles. En 2012, elle se situe au 7e rang des pays qui accueille le plus d’IDE avec 549 milliards USD, représentant environ 2 % des stocks mondiaux et ce chiffre a doublé ces 5 dernières années. C’est un des pays de l’OCDE les plus ouverts aux investissements directs étrangers avec 36 % du PIB australien pour une moyenne OCDE de 23 % (United Nations Publication, Report 2013). En 2010, la répartition des stocks d’IDE en Australie par industrie révélait que 31,9 % se focalisaient sur le secteur de l’extraction minière avec 151,065 millions USD investis. Les autres secteurs où les IDE se concentrent sont l’Industrie avec 18,7 % (88,481 millions USD) et le secteur de la finance/assurance avec 14,3 % (soit 67,653 millions USD) (Trade & Investment NSW Government, 2010).

De nos jours, les raisons qui attirent les capitaux étrangers en Australie sont multiples. Une constante croissance économique, l’innovation de classe mondiale (Centres de recherches et infrastructures développés, brevets convoités, etc.), un emplacement géographique stratégique (près de l’Asie-Pacifique), un environnement d’affaires favorable et une main-d’œuvre hautement qualifiée pour ne citer que les motivations les plus évidentes (Austrade.gov.au/invest, 2013).

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Les secteurs en plein boom où les opportunités sont florissantes se situent dans la fabrication de pointe, la haute technologie, la biotechnologie, l’énergie renouvelable, les services financiers, les TIC, la construction, ainsi que le tourisme, mais c’est bien l’extraction des ressources naturelles qui tirent la croissance économique de l’Australie vers le haut.

1.3 L'Investissement Direct Étranger en Australie dans le Secteur des Ressources Naturelles

 

L’économie australienne est donc fortement entraînée par les IDE, particulièrement dans les secteurs miniers et gaziers, avec près de 270 milliards AUD investis. 45 % des exportations australiennes proviennent du secteur des minerais et l’Australie se caractérise comme étant le premier exportateur mondial de fer et d'alumine (32 % de la production mondiale), d'aluminium (6 % production mondiale) et de bauxite (40 % de la production mondiale). Elle est également première productrice mondiale de sables minéraux (50 % de la production mondiale) qui sont un composant essentiel du titane. Elle est également troisième productrice mondiale d'or (12 % de la production mondiale), et première productrice mondiale de diamants avec 36 % de la production mondiale ainsi que sixième productrice mondiale et première exportatrice mondiale de charbon. L’année 2012 reste d’ailleurs marquée par la baisse des prix du fer et du charbon ralentissant la croissance de son PIB compte tenu du poids respectif de ces deux minerais dans la balance commerciale (respectivement 20 % et 15 % du total des exportations en 2011-2012) (France Diplomatie, 2013).

Un pays qui possède autant de ressources que l’Australie suscite un intérêt pour les capitaux étrangers, notamment ceux des pays qui en ont besoin comme la Chine. Cette demande, de plus en plus croissante, est observée de près par les autorités australiennes qui tentent d’allier intérêts économiques indispensables, mais aussi de se protéger face aux problèmes que peuvent engendrer ces IDE.

2. MESURES ET POLÉMIQUES

Même s’ils représentent un pourcentage minime des IDE entrants totaux dans le pays, les influx de capitaux en provenance de la Chine et de ses entreprises publiques dans le secteur des ressources naturelles sont en pleine croissance depuis que ce géant asiatique a instauré sa politique d’investissements massifs à l’étranger (Andreas Wilkes, 2013).

Cependant, d’après un sondage fait par le Lowy Institute Poll 2013, 57 % de la population australienne trouve que le pays accepte trop d’investissements directs à l’étranger de la part de la Chine, un chiffre qui se maintient depuis 2010 (Daojiong, 2013). L’Australie ne peut accepter aveuglément l’ensemble des IDE entrants sans exercer un certain contrôle afin d’assurer le respect de l’intérêt national et de protéger sa sécurité nationale. À l’aide de ses politiques et de sa réglementation, l’Australie cherche à atteindre un juste équilibre entre la satisfaction des investisseurs étrangers et celle de la population australienne.

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La crise économique de 2008 a eu un effet sur le volume des IDE chinois en Australie, mais depuis 2010 celui-ci a recommencé à croître, l’intérêt des entreprises chinoises à investir dans les ressources naturelles en Australie est toujours bien présent. Le contexte économique difficile a rendu les capitaux internationaux plus rares, rendant plus attrayants les investissements en provenance de la Chine. Présentement, The Australian Trade Commission fait la promotion d’opportunités dans les secteurs économiques clés du pays tels que : l’énergie propre, l’innovation, les infrastructures majeures, les infrastructures touristiques, la science de l’agriculture, la technologie de transformation des aliments, les services et le domaine des nouvelles technologies de communication (The Australian Trade Commission, 2013). Malgré les efforts afin d’attirer les IDE, l’Australie demeure très réglementée et continue de surveiller les investissements majeurs dans les secteurs clés de l’économie et particulièrement ceux en provenance des entreprises étatiques.

L’historique de réglementation des IDE en Australie débute en 1975 avec l’adoption du Foreign Acquisitions and Takeovers Act qui sera suivi du Foreign Acquisitions and Takeovers Regulation en 1989. Ces lois dictent entre autres l’acquisition substantielle d’une entreprise australienne qui vaut plus de 100 millions AUD, la mise en place d’une nouvelle entreprise de plus de 10 millions AUD et tous les investissements en provenance des entreprises étatiques étrangères. Il y a eu un amendement en 2006 pour augmenter les montants accordés aux États-Unis en lien avec l’accord de libre-échange qui lie les deux pays. L’évaluation des IDE est faite par le Foreign Investment Review Board (FIRB) qui sert de conseiller au gouvernement et la décision finale est prise par le trésorier en tant que représentant de l’État. Dans une majorité des secteurs, les IDE de petite taille n’ont pas à être évalués par le gouvernement et les IDE de plus grandes tailles sont généralement approuvés à moins qu’ils soient jugés comme étant contraires à l’intérêt national. L’intérêt national qui comprend entre autres des notions de retombées économiques, de sécurité nationale est évalué sous forme de cas par cas. Au sein de ces lois, tous les secteurs de l’économie australienne ne se voient pas accorder le même niveau de supervision face aux investissements étrangers, les secteurs des médias, de l’aviation civile, des aéroports, banquier et financier et des télécommunications comportent de la réglementation spécifique à chacun d’eux. Pour ce qui est des IDE provenant des Entreprises étatiques, six principes dictent leurs acceptations depuis 2008 (ITS Global, 2008) :

1. Les opérations de l’entreprise étatique sont indépendantes du gouvernement étranger.

2. Le respect de la loi et des comportements standards d’entreprise, qui réagit aux lois du marché.

3. L’Investissement n’entrave pas la concurrence ou ne concentre pas trop les activités d’un secteur.

4. L’entreprise étatique payera des taxes et va dans les sens des politiques gouvernementales.

5. Il ne s’agit pas d’un risque pour la sécurité nationale 6. Détermination de l’impact sur les opérations, sur la contribution à l’économie et à

la communauté.

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En 2011, l’Australie était considérée comme un pays qui maintenait un régime restrictif quant à l’admission des investissements étrangers selon un classement fait par l’OCDE (Bath, 2012). Cependant, ce grand pays d’Océanie pratique aujourd’hui une politique de plus grande ouverture dans le secteur des ressources naturelles. Étant un leader mondial dans ce secteur, le pays accueille les IDE et la compétition afin de créer un environnement optimal au développement d’une industrie de haut niveau à l’international (Drysdale, 2009). Cette ouverture existe depuis de nombreuses années, mais elle avait diminué dans les années 1970 quand les prix relatifs des ressources naturelles ont connu de grandes fluctuations et ont encouragé des mesures nationalistes. Cette période a fait perdre des parts de marché dans ce secteur à l’Australie alors que plusieurs acheteurs se sont tournés vers d’autres marchés, ce qui a mené à la réouverture de ce secteur quelques années plus tard.

La vague d’intérêt portée aux ressources naturelles et aux entreprises australiennes opérant dans ce secteur par les entreprises publiques chinoises a mené à l’élaboration des six principes mentionnés plus tôt afin, d’assurer la transparence de celles-ci (ITS Global, 2008). Une des craintes liées à ces influx de capitaux est que les entreprises étatiques aient des visées autres que celles qui encouragent normalement les entreprises privées à investir dans de nouveaux marchés. Il existe notamment une perception extérieure que Beijing poursuit une approche stratégique dans leurs IDE, surtout dans le domaine des ressources naturelles. Les entreprises qui investissent en Australie doivent reconnaître l’importance du système basé sur le marché qui prévaut dans le pays, dans lequel les compagnies sont redevables aux actionnaires et où les décisions d’investissement ou de vente sont dirigées par les forces du marché et non par d’autres stratégies parallèles ou par des considérations non commerciales (Bath, 2012). L’évaluation des retombées économiques s’étend aussi aux politiques de l’entreprise envers l’environnement, envers les employés et envers l’ensemble des parties prenantes.

Il existe une crainte, parfois injustifiée (Drysdale, 2009), dans l’opinion publique de voir ces entreprises publiques investir dans des ressources naturelles à l’extérieur de leur pays. Cet inconfort tend à amener les décideurs politiques dans les pays développés à augmenter la réglementation et le contrôle vis-à-vis de ces investisseurs étatiques étrangers, ce qui entraîne un renforcement de la perception que la réglementation prime sur les solutions du marché et risque de nuire à l’attraction d’IDE dans ces mêmes pays à long terme (Drysdale, 2009).

Le test d’intérêt national permet d’évaluer en cas par cas les IDE qui pourraient avoir un impact négatif sur l’économie et la communauté. Les IDE doivent reconnaître les besoins et aspirations de la population australienne sans quoi ils risquent d’être refusés. Certains acteurs au sein des secteurs clés peuvent être considérés comme étant d’intérêt national, ce fût le cas de la bourse Australian Securities Exchange (ASX) qui devait fusionner avec la bourse de Singapour Singapore Exchange à la suite d’un accord survenu en 2010. La décision a été renversée en 2011 par le trésorier du gouvernement Wayne Swan qui a refusé d’entériner la décision considérant que celle-ci n’était pas dans l’intérêt du pays (Curran, 2011). Pour justifier que cette fusion allait contre l’intérêt national, le représentant du gouvernement a mentionné que le pays allait perdre sa souveraineté sur les systèmes de compensation et que ça risquait de compromettre les objectifs de la ville de Sydney de devenir un centre financier régional.

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Tel que mentionné préalablement, les IDE sont également évalués par rapport à leurs impacts sur la sécurité nationale du pays, cela passe d’abord par le contrôle très serré de tout investissement dans les secteurs de la défense et de l’armement. Le gouvernement australien a l’obligation de protéger les secteurs d’intérêts liés à la sécurité nationale, un droit endoctriné par le droit international. Ce critère de contrôle s’applique principalement aux secteurs mentionnés, mais il peut également être utilisé dans d’autres secteurs comme ce fût le cas en 2009, lorsque le gouvernement et ses instances de surveillance ont refusé l’application de l’entreprise chinoise Minmetals Non-Ferrous Metals Co Ltd (CNMC) qui désirait acheter la totalité de l’entreprise australienne Oz Minerals Ltd. Le critère de sécurité nationale a été soulevé, car l’entreprise possédait des opérations minières dans le Woomera Prohibited Area, un territoire utilisé pour tester les nouveaux armements. L’entente a finalement eu lieu en excluant les opérations sur cette portion du territoire et en imposant certaines contraintes (Bath, 2012).

3. EXAMEN DES MESURES PRISES

Tel que vu dans les sections précédentes, l’Australie a de bonnes raisons de croire que ses politiques restreignant les IDE dans le domaine des ressources naturelles en provenance des entreprises publiques et des fonds souverains (SWF) étrangers, plus particulièrement de ceux de la Chine, ont leurs raisons d’être. Mais plus concrètement, quels ont été les impacts réels de ces politiques? Ont-elles influencé de façon positive ou négative l’environnement des investissements et l’économie en général en Australie?

D’un point de vue comptable, une entrée nette de capitaux sur un territoire – un surplus du compte capital – est équivalente à un déficit du compte courant – investissement domestique supérieur à l’épargne totale. Un déficit du compte courant est quant à lui un signe de vigueur économique, car un pays en pleine croissance présentera des opportunités intéressantes d’investissement qui ne peuvent être complètement comblées par l’épargne domestique et qui doivent par conséquent être comblées par un flux plus important de capitaux étrangers (Shapiro, 2010). C’est le cas de l’Australie qui présente un déficit de son compte courant depuis plus de 50 ans, également en raison d’autres facteurs comme un déficit persistant de sa balance commerciale – imports supérieurs aux exports (The Economist, 2007).

Il serait ainsi logique de croire qu’en limitant l’entrée des IDE – une diminution du surplus du compte capital – l’Australie verrait son déficit de compte courant diminuer, le tout au prix d’une croissance économique ralentie. En effet, lors de l’établissement des politiques, les six principes étaient susceptibles de réduire la croissance économique en Australie, et pas seulement en raison de l'effet dissuasif des coûts de transaction du processus d'approbation, mais parce que les décisions prises limiteraient nécessairement les investissements de la Chine, qui est en train de devenir une importante source d'investissements étrangers pour l'Australie, surtout dans le secteur des ressources naturelles (ITS Global, 2008).

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C’est en partie ce qui est arrivé. À titre d’exemple, entre mars 2010 et juin 2013, le déficit du compte courant est passé de 16,551 millions AUD (Australia Department of Treasury and Finance) à 9,350 millions AUD (Australia Department of Treasury and Finance), ce qui représente une baisse de 43,5 %. Cela a bien sûr été compensé par une baisse du surplus du compte capital qui tend aussi à varier selon les cycles économiques de l’Australie comme démontré dans le tableau suivant. On constate tout de même que celui-ci a une croissance négative sur plusieurs années, tout comme le compte courant.

Figure 1 Flux de Capitaux Total en Australie

Cependant, comme démontré dans le tableau suivant, il n’y a pas de variations dans le taux de croissance du PIB qui peuvent directement être expliquées par l’implantation des mesures. Les constantes diminutions et augmentations sont plutôt dues au caractère cyclique normal d’une croissance de PIB, qui varie selon les cycles économiques d’un pays. La tendance à moyen terme est cependant à la baisse.

Figure 2 Taux de Croissance du PIB

Une autre identité comptable prouve que lorsqu’un déficit du compte courant

n’est pas comblé par des investissements étrangers, il doit être comblé par de la dette étrangère. Le tableau suivant démontre qu’en effet, la dette externe de l’Australie s’est accrue de façon significative entre 2008 et 2013.

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Figure 3 Dette Externe de l'Australie

En 2008, on estimait que ces politiques diminueraient les investissements

étrangers totaux dans le pays de 5,5 milliards AUD par année, ce qui représente environ 0,6 % du PIB (ITS Global, 2008). Le tableau suivant présente les montants annuels des IDE entrants en Australie. Entre 2007 et 2008, il y a eu une légère diminution des IDE entrants suivie d’une augmentation régulière jusqu’en 2012. Au total, les IDE entrants ont enregistré une croissance de 6,7 % entre 2007 et 2012, une statistique tout à fait respectable et contraire aux prédictions.

Figure 4 Stock d'IDE en Australie (Milliard AUD)

Ces politiques n’ont donc pas diminué le montant total des IDE entrants en Australie ni leur provenance. En effet, l’Australie s’attendait à voir les IDE en provenance de la Chine diminuer et se rediriger plutôt en Afrique et en Amérique Latine (Drysdale, 2009), mais ceux-ci ont plutôt augmenté de 46,4 % entre 2008 et 2012, la plus haute croissance enregistrée. De plus, la Chine voit 13,2 % de ses IDE partir vers l’Australie, ce qui en fait sa destination la plus populaire.

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Le montant des IDE chinois en Australie a certes augmenté, mais un changement important est que leur nombre de projets en Australie a quant à lui diminué, ce qui est une conséquence des politiques australiennes. Les Chinois investissent donc davantage dans certains de leurs projets existants, mais en abandonnent d’autres et font moins de demandes d’investissement qu’auparavant. Restent que les IDE en provenance de la Chine ne représentent que 3 % des IDE totaux en Australie, ce qui ne représente pas une menace majeure.

Bien que ce choix de politiques soit justifiable, notamment sous l’argument de ne pas mêler intérêts économiques et politiques des pays, il est à noter que même les investisseurs du secteur public qui ont adopté de bonnes pratiques concernant les IDE seront pénalisés par des procédures lourdes et sévères, au même titre que les investisseurs ayant de mauvaises pratiques. Cela constitue une faiblesse des nouvelles politiques. En ce sens, une analyse au cas par cas serait certes plus laborieuse, mais ne pénaliserait pas les bons investisseurs publics. De plus, plusieurs éléments des politiques ont été critiqués comme étant trop vagues et devraient être précisés (ITS Global, 2008).

Somme toute, les mesures prises par l’Australie sont beaucoup moins restrictives que celles prises par d’autres pays comme la Chine, le Mexique, la Russie, l’Inde et l’Islande (ITS Global, 2008). D’autres mesures encore plus sévères pourraient être prises dans le futur. Selon plusieurs experts, les principes ne vont pas au cœur du problème politique : il faut trouver la meilleure façon d'attirer les investissements des entreprises étatiques et SWF des économies étrangères qui sont essentielles pour le développement économique de l'Australie, tout en minimisant les risques d'exploitation économiques et politiques par une puissance étrangère. D’un autre côté, lors d’une entrevue par courriel avec Sérgio Giovanetti Lazzarini, Conférencier lors du Colloque International des HEI et Professeur à l’IIER au Brésil, celui-ci a assuré que « If those kind of policies are applied to a developed country like Australia, with good institutions, it is very unlikey that Chinese FDI will represent a credible threat. It is just a matter of creating good and fair conditions for competition and local investment. Eventually this may end up benefitting the local economy ».

En ce sens, comment le Canada peut-il aujourd’hui tirer profit des politiques australiennes en matière d’IDE en les adaptant et en les intégrant à leur réalité économique?

4. DANS QUELLE MESURE LES DEUX PAYS SONT COMPARABLES :

4.1 Similarités entre le Canada et l’Australie : Le Canada et l’Australie sont des pays de petite taille avec des populations

respectives d’environ 35 et 22 millions en 2013 et qui ont un niveau de vie similaire. Dans leur structure économique, les deux pays se distinguent par un haut niveau d`importation de produits de composition technologique. Les équipements de transport et de matériel électrique représentent à peu près la moitié de leurs importations. Ces deux pays sont dotés de considérables ressources naturelles. À ce sujet, le secteur primaire (agriculture et minerais) occupe une place majoritaire dans leurs exportations (Tarek M. Harchaoui).

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Les accords de libre-échange permettent de créer plus de débouchés pour les entreprises et d’être plus concurrentiel à l’échelle internationale. À cet égard, les deux pays ont des implications similaires. En effet, le Canada est actuellement impliqué dans 10 accords de libre-échange, dont l'Accord de Libre-Échange Nord-Américain (ALENA). Les accords encore en négociation sont au nombre de douze. L’Australie en comparaison, est impliquée dans sept accords, dont l’accord de libre-échange ASEAN-Australie-Nouvelle-Zélande, et en négocie neuf autres.

Les deux pays partagent des besoins en capitaux qui sont similaires. En effet, le Canada et l’Australie ont une balance commerciale déficitaire qui motive le besoin d’un afflux de capitaux constant. Les autorités publiques tendent donc à encourager les IDE pertinents pour la croissance économique de leur pays respectif. Ils se heurtent cependant à une opinion publique réfractaire aux IDE.

Figure 5 Opinion des Canadiens et des Australiens Envers les IDE

Ce graphe illustre jusqu’à quel point l’opinion publique est opposée à toute forme d’investissement étranger. Cependant, cette opinion est à nuancer, car elle est soumise à un paradoxe : bien que les avis reconnaissent les bienfaits des IDE en termes de création de nouveaux emplois et de croissance, un sentiment double de nationalisme et de crainte les pousse à vouloir garder les entreprises sous un contrôle national (Switzer, 2008). Les gouvernements doivent donc jongler entre cette opinion publique et leur politique d’encouragement des IDE. C’est de leurs réactions différentes face à l’opinion publique que naît la différence de législation.

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4.2 Différence de Législations IDE L’intérêt national australien : Cet examen permet au gouvernement d’évaluer et

de juger si les propositions d’investissement sont contraires à l’intérêt national. Cette évaluation se fait au cas par cas et s’appuie sur plusieurs facteurs : la sécurité nationale, le maintien d’une compétition saine, les autres politiques gouvernementales (incluant les taxes), l’impact de l’investissement sur l’économie et la communauté et le caractère de l’investisseur, s’il opère sur une base de commerce et de transparence (Australian government ).

L’avantage net : Examen par le ministre visant à déterminer si l’investissement projeté est à l’avantage net du Canada. Celui-ci s’appuie dans son évaluation, sur la structure de gouvernance et l’orientation stratégique de l’entreprise étrangère. Ainsi des éléments comme l’emploi de Canadiens, l’innovation et le développement technologique sont pris en compte. Il est souvent demandé que l’investisseur prenne certains « engagements » quant aux opérations futures de l’entreprise canadienne. Ainsi ce processus d’évaluation est continu pendant toute la durée de l’investissement puisque l’investisseur doit rendre compte des engagements pris, au ministre.

La sécurité nationale : Cette mesure additionnelle a été mise en place en 2008.Cet examen a potentiellement une application élargie puisqu’il s’applique à tous les investissements y compris ceux non soumis à l’examen de l’avantage net. Il s’agit d’une évaluation du ministre sur le potentiel préjudice que l’investissement peut causer à la sécurité nationale (Holden, 2007).

Les deux Pays ont tous deux soumis à notifications les IDE des entreprises étatiques

Canada : Dans le cas où l’investisseur est d’un pays non membre de l’OMC tout investissements supérieurs à 5 millions CAD, dans le cas d’une acquisition directe du contrôle, ou supérieure à 50 millions CAD dans le cas d’une acquisition indirecte du contrôle. Dans le cas où l’investisseur est d’un pays membre de l’OMC, toute acquisition directe du contrôle supérieure à 344 millions CAD (indexé tous les ans). L’investissement indirect n’est pas assujetti à un examen.

Australie : Pour les investisseurs américains, dans des secteurs sensibles ou gouvernementaux le seuil s’élève à 248 millions AUD (indexé tous les ans). Dans les autres secteurs, on monte jusqu'à 1,078 millions AUD (indexé tous les ans) pour les investisseurs non américains, le seuil est de 248 millions AUD (indexé tous les ans).

Canada : Le ministre n’a pas obligation de dévoiler publiquement les raisons de son refus ou de son soutien à une proposition d’investissement. Les étapes du processus d’évaluation ainsi que les données finales ne sont pas rendues publiques pour des raisons de confidentialité (Schwanen, 2011).

Australie : Le processus de transparence est bien respecté, les données sur les propositions d’investissements acceptées ou refusées sont disponibles au public. Le ministre doit expliquer publiquement pourquoi la proposition d’investissement n’a pas passé le test et quelles ont été les étapes du processus d’évaluation pour en arriver à ce résultat.

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L’Australie et le Canada adoptent des démarches différentes d’évaluation qui influent sur la décision. En effet, l’Australie adopte un test négatif, car le gouvernement détermine ce qui est contraire à l’intérêt national. Dans le cas du Canada, c’est l’investisseur qui fait la démarche de prouver que son investissement sera à l’avantage net du Canada. Cela pourrait expliquer que jusqu’à 2007, il n’y ait jamais eu de refus de proposition d’investissement au Canada (Holden, 2007).

5. PISTE DE RÉFLEXION POUR LE CANADA

5.1 Rendre le Processus Plus Transparent et Plus Court Une des forces du processus de sélection des IDE australiens est sa transparence,

chaque critère et chaque étape sont explicités. Par exemple, il est clairement stipulé que les critères de sécurité nationale et de concurrence seront examinés. Il existe une législation particulière pour les investissements venant d’entreprises étatiques cependant de nombreux exemples de critères sont explicités tels que le caractère purement commercial de l’investissement, le fait que l’entreprise continue d’être listée en Australie, etc. De plus, la durée du processus est limitée dans le temps. Ainsi, un investisseur saura qu’il a une période de 30 jours à 90 jours avant de recevoir la position du gouvernement, alors qu’au Canada cette durée est de 45 jours prolongeables unilatéralement sur décision ministérielle.

Enfin, le gouvernement australien doit publiquement notifier sa décision et expliquer les motivations de ses choix. Cela permet de créer une somme de cas qui affinera les critères et permettra aux investisseurs de mieux préparer leurs dossiers (Australian government ).

5.2 Préciser les Critères du Concept de Bénéfice Net ou Passer au Concept d’Intérêt National

L’Australie utilise la formule d’intérêt national pour parler d’une partie des

critères qu’elle utilise pour juger les investissements directs à l’étranger. L’intérêt national regroupe en grande partie les critères avancés par le Canada dans son critère du bénéfice net. Cependant, cette différence de formulation n’est pas neutre. En effet, demander à des entreprises de démontrer le bénéfice net de leurs investissements éclaire l’idée qu’a priori les investissements ne sont pas au bénéfice net du Canada, et que par extension, ces investissements ne sont pas les bienvenus sauf pour les cas particuliers. La position australienne est inverse. Le fait que ce soit à l’État de démontrer qu’un investissement va à l’encontre de l’intérêt national démontre la position australienne que tous les investissements sont bons a priori, mais dont certains cas particuliers pourraient ne pas convenir. Ce message idéologique par nature est plus clair et mieux perçu par les investisseurs (Holden, 2007).

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5.3 Créer un Organisme de Sélection des IDE Au Canada, c’est le ministre qui a le pouvoir sur la décision finale d’accepter

l’investissement. Pour ce faire, il peut prendre conseil auprès de son administration, du Bureau de la concurrence ainsi qu’une consultation des provinces dans lesquels l’investissement va voir un impact. Il y a ainsi un nombre important d’acteurs qui rentre dans le processus de décision, ce qui peut être un facteur de complexité pour les investisseurs. La démarche australienne est de limiter le plus possible cette complexité par la création d’un bureau de révision des investissements indépendant. Ce bureau émet des avis auprès du ministre qui sont généralement suivis. Cela permet d’avoir une procédure standardisée rapide et lisible par tous (Foreign Investment Review Board, 2013).

5.4 Rendre cet Organisme des IDE Indépendant Les investissements directs des entreprises étatiques posent des problèmes

politiques, car la population locale a souvent à tort ou à raison peur des conséquences de ces investissements. Ainsi, le risque politique est très fort pour l’investisseur et il a besoin d’être rassuré sur l’indépendance de l’analyse qui sera faite de son projet. C’est dans cette optique que l’Australie a rendue indépendante l’organisme qui va rendre des avis sur ces investissements. Cela permet dans les phases exploratoires de dépassionner le débat. De plus, le pouvoir politique qui prend la décision finale peut le faire avec des éléments les moins biaisés possible (Visser, 2011).

 

6. EXEMPLE DE MISE EN PLACE DE CES MESURES SUR UN CAS RÉCENT : LE CAS NEXEN

6.1 Présentation de l’Investissement Nexen est une société pétrolière canadienne basée à Calgary qui a des activités

dans l’extraction de pétrole en Alberta, mais aussi dans d’autres gisements autour du monde notamment aux É.-U. et en Afrique. CNOOC a annoncé le 23 juillet 2012 qu’elle souhaitait racheter Nexen pour un montant estimé autour de 15 milliards USD (Rocha, 2013). Très vite, des voix se sont élevées contre cet investissement, car CNOOC est détenue en majorité par le gouvernement chinois. Plusieurs motifs de questionnement ont été évoqués. Le respect de l’environnement, des peuples autochtones l’indépendance énergétique ont par exemple été au cœur des polémiques. Les partis d’opposition ont demandé le rejet de l’investissement à cause de problèmes vis-à-vis de la sécurité nationale (Croteau, Le NPD s'oppose à l'acquisition de Nexen par une société d'État chinoise, 2012). Le débat a duré plus de 7 mois avant que CNOOC reçoive finalement un avis positif pour son investissement.

À titre d’exemple, nous avons imaginé ce qu’aurait été le processus de sélection de l’investissement Nexen-CNOOC avec une réglementation proche de celle de l’Australie.

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6.2 Processus Plus Court et Motifs de Rejet L’affaire Nexen-CNOOC a duré plus de 7 mois ce qui est extrêmement long pour

un investisseur. En Australie, la législation stipule que le processus ne doit pas durer plus de 90 jours (The Foreign Investment Review Board, 2012).

Il existerait plusieurs motifs de rejet de l’investissement CNOOC-Nexen avec la législation australienne. Le premier est le fait que la gestion de la société ne sera plus faite dans l’intérêt de Nexen, mais celle du groupe CNOOC. Ce motif a par exemple été utilisé pour refuser l’investissement de Shell dans Woodside Petroleum, la plus importante entreprise énergétique du pays (GAYLORD, 2001).

Une autre obligation des investisseurs en Australie est de continuer à lister leur compagnie à la bourse de Sydney, or l’accord entre Nexen et CNOOC prévoit de retirer la cotation de Nexen de la bourse de Toronto (Rocha, 2013).

6.3 Motifs d’Acceptation L’investissement CNOOC-Nexen n’est pas de nature à mettre en péril la sécurité

nationale canadienne, Nexen n’est pas la plus grande compagnie du Canada et une grande partie de ses actifs sont localisés à l’étranger. De plus, ces actifs ne sont pas près de bases militaires ce qui est un motif de rejet pour les Australiens.

L’investissement n’est pas de prime abord contraire à l’intérêt national canadien, en effet, CNOOC avait déjà investi près de 3 milliards CAD dans des projets canadiens sans que de majeurs problèmes ne soient posés (CBC news, 2012).

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X. VERS UNE POLITIQUE CANADIENNE PLUS EFFICACE ENVERS LES INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS

Andriantsitovianarivelo H. Rabearivelo, [email protected]

Aurélie Blaser, [email protected] Thibaut Fillon, [email protected]

Cécile Perrin, [email protected] Mehdi Yahiaoui, [email protected]

Résumé :

La situation du Canada concernant les IDE entrants est paradoxale : si le Canada

dispose de nombreuses ressources permettant d’attirer les IDE, celui-ci est classé par l’OCDE comme l’un des pays les plus restrictifs au monde envers les IDE. Ainsi, le Canada ne bénéficie pas des nombreux effets positifs des IDE sur la productivité, l’innovation, la venue des capitaux, l’emploi ou la croissance.

Trois freins semblent expliquer ce paradoxe. Sur le plan législatif, la Loi sur

Investissement Canada (LIC) est peu claire, contre-productive et peut décourager les investisseurs. Sur le plan politique, les discours et les orientations du gouvernement ne permettent pas de clarifier la position canadienne envers les IDE. Sur le plan administratif, la concertation entre les niveaux fédéraux et provinciaux n’est pas optimale et marque une absence de complémentarité et un partage des compétences pas toujours bien défini.

Pour aller vers une politique canadienne plus efficace en matière d’IDE, il existe des

possibilités sur ces trois plans. Dans la LIC, le critère de sécurité nationale pourrait être défini, ou explicité, comme c’est le cas aux États-Unis. La notion d’« avantage net » de la LIC pourrait être mieux détaillée dans le discours politique pour réduire l’incertitude des investisseurs face à ce test. Sur ce point, l’exemple de l’Australie est riche d’enseignements. La concertation entre les paliers gouvernementaux pourrait elle aussi être optimisée. Au niveau administratif, la conservation de la valeur comptable dans la méthodologie d’évaluation de la transaction paraît cruciale pour ne pas décourager les investisseurs.

1. PANORAMA GÉNÉRAL DES IDE AU CANADA

Tout d’abord, commençons par rappeler qu’on nomme investissement direct à l’étranger (IDE) « toute opération se traduisant par une création d'entreprises à l'étranger ou une prise de participation dans des firmes étrangères » (Crozet, Abdelmalki, Dufourt, & Sandretto, 1997, p. 118). L’OCDE ajoute que pour être considérée comme IDE, la prise de participation doit se traduire par un pouvoir de décision effectif dans la gestion de l’entreprise.

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Ensuite, on peut séparer les flux d’IDE en deux grandes catégories, les IDE sortants et les IDE entrants. Ces derniers seront l’objet principal de notre étude.

En termes de montant, en 2011, le Canada avait un stock d’IDE entrant de 586 999 M USD (soit l’équivalent de 34 % de son PIB) et un stock d’IDE sortant de 660 746 M USD (soit l’équivalent de 38 % de son PIB)2.

Concernant les provenances et les destinations géographiques des IDE, en 2011, 52 % des IDE entrants au Canada proviennent des États-Unis et 29 % d’Europe. 41 % des IDE sortants sont destinés aux États-Unis et à 22 % à l’Europe3.

En 2010, ce sont l’Ontario et l’Alberta qui attirent le plus les IDE (respectivement 32 % et 28 % du total), viennent ensuite le Québec et la Colombie-Britannique (13 % et 12 %) (Institut de la statistique du Québec, 2011, p. 1).

En ce qui concerne les provenances et destinations sectorielles des IDE, en 2012, 53 % des IDE sortants se concentraient dans le secteur finance, banque et assurance. C’est ce même secteur qui concentrait le plus d’IDE entrants en 2012 (33 %), devant la fabrication (29 %).

Si le Canada a un flux d’IDE entrant en pourcentage du PIB (2,4 %) supérieur à la moyenne de l’OCDE (1,3 %) et des pays du G20 (1,5 %)4, de nombreuses critiques sont formulées à l’égard de la politique canadienne envers les IDE. Face à ses critiques, nous pouvons nous demander comment le Canada peut être plus attractif en termes d’IDE.

2. LE PARADOXE CANADIEN : UN PAYS À LA FOIS ATTIRANT ET RESTRICTIF POUR LES IDE

2.1 Le Canada, Un Pays A Priori Attirant Pour Les IDE De façon générale, trois facteurs principaux incitent une entreprise à investir dans

un pays : l’opportunité que le pays représente en termes de marché, de ressources et d’efficience. En effet, on distingue deux grands types d’IDE : L’IDE horizontal (à la recherche de marchés) et l’IDE vertical (à la recherche de ressources). Pour le Canada, le marché n’est pas un incitatif majeur. En effet, le Canada possède une faible densité de population, une faible croissance de celle-ci ainsi qu’un fort vieillissement de la population. En revanche, évoquer les facteurs incitatifs suivant: ressources et efficience est pertinent.

2 Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD), 2013, Most Recent FDI

Statistics for OECD and G20 Countries : http://www.oecd.org/daf/inv/TablesofFDIstatistics_master.xls. Consulté le 24/10/2013.

3 Statistiques Canada : http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/130509/t130509a001-fra.htm. Consulté le 24/10/2013.

4 Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD), 2013, Most Recent FDI Statistics for OECD and G20 Countries : http://www.oecd.org/daf/inv/TablesofFDIstatistics_master.xls. Consulté le 24/10/2013.

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2.1.1 Ressources naturelles

Le Canada est un pays riche en ressources naturelles. Il est le troisième producteur mondial de gaz naturel et le deuxième pays possédant les plus grandes quantités prouvées de réserves de pétrole au monde (BP, 2012).

Le territoire canadien est également pourvu de vaste étendue de forêt d'où ses larges ressources en bois. Enfin, le territoire canadien regorge de ressources minières.

La richesse du Canada en ressources naturelles est un des facteurs qui attire les capitaux étrangers. D’après le gouvernement canadien : « Pour la période 2012-2020, plus d’une centaine de projets, évalués à au moins 1 milliard de dollars chacun, sont annoncés. Ils touchent à l’exploitation pétrolière, gazière et minière ainsi qu’aux métaux primaires. Ceci complète un noyau déjà bien établi de grandes multinationales présentes au sein de ces industries. Ce noyau a déjà contribué à créer un vaste bassin, toujours croissant, d’experts et de technologies dans des secteurs manufacturiers de pointe au soutien du développement, de la transformation et de la gestion rentables et durables des ressources. » (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), 2012, pp. 5–6)

Ainsi, le Canada a sur son territoire de nombreuses sources de matières premières considérées comme stratégiques. Cela explique la forte demande d'investissement direct étranger dans ce secteur.

2.1.2 Capital humain

La main d’œuvre au Canada constitue un avantage important, car comparé aux autres pays du G7 (i.e. G8 hors Russie) son coût n’est pas excessif, stable, et la main d’œuvre est qualifiée.

Le coût horaire du travail (hourly compensation cost) au Canada en 2011, en dollars US, est de 36,56 $, ce qui est dans la moyenne du G7. En effet, ce coût est de 47,38 $ pour l’Allemagne, 42,12 $ pour la France, et entre et 35 $ et 37 $ pour l’Italie, le Japon, les États-Unis et le Royaume-Uni (Bureau of Labor Statistics, 2012).

Le coût de la main-d’œuvre canadienne est aussi stable. Selon l’OCDE, entre 2005 et 2012, celui-ci a augmenté de 12,98 % au Canada, ce qui est la plus petite augmentation des pays du G7 à l’exception du Japon, la moyenne du G8 hors Russie étant 14,97 %5.

Ensuite, la main d’œuvre du Canada est qualifiée puisque d’après une étude OCDE datant de 2012, en 2010 le Canada est le pays du G7 qui compte le plus de diplômés d’études postsecondaires, avec 51 % de la population âgée de 25 à 64 ans. La moyenne du G7 est de 31 %6.

5 Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD), 2013b, Labour: Hourly

Earnings - Main Economic Indicators : http://www.oecd-ilibrary.org/fr/economics/data/labour/hourly-earnings_data-00044-en;jsessionid=1n0i02o6091us.delta. Consulté le 08/11/2013.

6 Ressources humaines et développement des compétences Canada : http://www4.rhdcc.gc.ca/[email protected]?iid=29#M_7. Consulté le 08/11/2013.

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En revanche, la main d’œuvre au Canada ne semble pas être assez nombreuse, c’est pourquoi des politiques d’immigrations sont mises en place7, visant à accueillir de nouveaux travailleurs qualifiés. Ainsi, le Canada est le pays du G7 qui a la part la plus importante de travailleurs étrangers dans la population active (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), 2012). Ceci confère d’ailleurs à la main d’œuvre canadienne une variété de cultures qui lui donne une valeur ajoutée.

2.1.3 Qualité des infrastructures

Des infrastructures de qualité, que ce soit pour le transport des personnes ou des marchandises, pour les télécommunications ou pour le système bancaire et financier, sont essentielles pour attirer les investisseurs, car elles facilitent l’implantation de la firme dans le pays choisi. Les infrastructures forment des moyens, donnés par les pays, pour les entreprises pour prospérer. Le Canada possède de bonnes infrastructures (voir Tableau 1 ci-dessous). Il arrive en huitième position pour l’indice de la performance de la logistique établie par la Banque mondiale.

Les infrastructures canadiennes sont en constantes améliorations. En 2007, le Plan Chantiers Canada a été lancé par le ministre des Transports, des Infrastructures et des Collectivités. Ce plan vise à l’amélioration des infrastructures. Son échéance est prévue en 2014, mais les améliorations ne s'arrêtent pas là, un autre plan prend la relève. En effet, « le plan d’action économique de 2013 établit un nouveau plan Chantiers Canada pour construire des routes, des ponts, des métros, des trains de banlieue et d’autres infrastructures publiques en collaboration avec les provinces, les territoires et les municipalités. Ce nouveau plan prévoit plus de 53 milliards de dollars de fonds nouveaux et existants pour les infrastructures provinciales, territoriales et municipales »8.

7 Citoyenneté et immigration Canada :

http://www.cic.gc.ca/francais/ministere/media/communiques/2013/2013-02-27.asp. Consulté le 08/11/2013.

8 Plan d’action économique du Canada : http://www.actionplan.gc.ca/fr/nouvelles/etablir-nouveau-plan-chantiers-canada. Consulté le 07/10/2013.

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Tableau 1 :

Pays Note attribuée pour 2012 Rang

Singapour 4,15 1

Pays-Bas 4,15 1

États-Unis 4,14 3

Suède 4,13 4

Finlande 4,12 5

Japon 4,11 6

Danemark 4,07 7

Canada 3,99 8

Suisse 3,98 9

France 3,96 10

Tableau 1 : L’indice De La Performance De La Logistique Est Réalisé Par La Banque Mondiale Et Reflète La Qualité De L'infrastructure Commerciale Et Des Transports. Les notes attribuées vont de 1=faible à 5=élevée. Source: http://donnees.banquemondiale.org/indicate.

Concernant les infrastructures financières, le Canada possède un système bancaire des plus solides. Le Forum économique mondial a désigné le système bancaire du Canada comme étant le plus sûr au monde pour 2011 ainsi que pour les trois années précédentes et selon le Moody’s Investor Service, le système bancaire du Canada est le premier du monde pour sa solidité financière. Cette solidité bancaire et financière est attirante pour les investisseurs avec : un coût en capital bien inférieur aux moyennes historiques même après la crise, une offre de solutions financières et de gestion du risque concurrentiel, une expertise spécialisée dans maints secteurs (exploitation minière, énergie, gestion des actifs et du patrimoine, assurances, services bancaires et technologies de l’information financière), des centres financiers internationaux ( Toronto, Vancouver, Montréal et Calgary).

On voit donc émerger pour les investisseurs bien des avantages à investir au Canada si l'on s'intéresse aux infrastructures. Mais les avantages à investir au Canada ne s'arrêtent pas à cela. Le gouvernement canadien joue également sur sa politique fiscale pour attirer les IDE.

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2.1.4 Politique fiscale

Selon la Banque mondiale et le cabinet PriceWaterhouseCoopers (Preston et al., 2013), le Canada est un pays à la fiscalité avantageuse pour les entreprises. Il se classe en 2011 au huitième rang mondial en termes de compétitivité fiscale avec un taux de 26,9 % quand la moyenne mondiale est de 44,7 % ou que la moyenne européenne est de 42,6 %. L’étude remarque que la tendance historique pour le Canada est à la baisse et que cette tendance devrait se poursuivre, au moins à court terme.

De plus, l’étude note que le Canada a réalisé des efforts d'harmonisation de taux entre les différents niveaux de gouvernement (fédéral, provincial et communal), ce qui rend plus lisible et mieux compréhensible la politique globale.

Ainsi, nous avons démontré que le Canada possède de nombreux atouts pour les investisseurs étrangers. Grâce à ces atouts, le magazine Forbes a écrit en octobre 2011 que le Canada était « le meilleur pays pour faire des affaires »9.

2.2 Le Canada Reste Un Pays Restrictif En Termes D’IDE Dans Certaines Industries Stratégiques

2.2.1 Un indice de restriction aux IDE élevé

Malgré le cadre d’investissement attractif que peut représenter le Canada, il fait toujours partie des pays définis comme « restrictifs » aux IDE par l’OCDE.

L’indice de restriction aux IDE est un indice créé par l’OCDE, qui, comme son nom l’indique, mesure le degré de restrictions face aux IDE d’un pays donné. L’indice est actuellement calculé dans 57 pays, dont tous les pays de l’OCDE et du G20, couvre 22 secteurs de l’économie10 et tient compte de 4 principales restrictions (Kalinova, Palerm, & Thomsen, 2010, p. 9) :

les limitations des prises de participation étrangères au capital

les filtrages et autorisations administratives obligatoires

les restrictions visant le personnel étranger

les autres restrictions aux opérations des filiales de groupes étrangers

Une pondération est attribuée aux différentes restrictions selon leur degré d’importance pour chaque pays et ces données sont ensuite agrégées en un seul indicateur compris entre 0 et 1. Plus l’indice est élevé, plus le pays est considéré comme restrictif et inversement.

L’indice, développé en 2003 a été mis à jour en 2006 puis plus récemment en 2010. L’indice actualisé prend en compte plus de secteurs, révise la manière dont les restrictions sont pondérées et comprend plus de pays que les années précédentes où l’indice de restrictions aux IDE fut calculé.

9 Site Internet de Forbes : http://www.forbes.com/sites/kurtbadenhausen/2011/10/03/the-best-

countries-for-business/. Consulté le 14/11/2013. 10 Organisation de coopération et de développement économiques :

http://www.oecd.org/investment/fdiindex.htm. Consulté le 13/11/2013.

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D’une manière générale, l’élargissement du nombre du secteur ainsi que la révision mode de calcul des pondérations des restrictions améliorent la compréhension et la cohérence de l’indice, le rendant plus transparent et finalement permettant une meilleure comparaison entre les pays (Kalinova et al., 2010, pp. 5–6).

Au vu de la mise à jour effectuée en 2010, une comparaison en termes absolus avec les résultats de 2006 n’est pas appropriée, un changement dans la réglementation pouvant grandement affecter l’indice. C’est justement le cas du Canada, qui a vu son indice fortement réduit en 2010, comparativement à 2006 ou 2003, principalement par la suppression des exceptions au traitement national dans les services financiers (Kalinova et al., 2010, p. 15), qui a éliminé les limites discriminatoires à la propriété étrangère tout en conservant le droit de prendre des mesures pour des raisons prudentielles (Investment Division OECD, 2009, p. 6).

Alors que le Canada figurait parmi le top 5 des pays les plus restrictifs en termes d’IDE en 2003 et 2006 (deuxième en 2003 et cinquième place en 2006) (Audet & Gagné, 2010, p. 9), il pose aujourd’hui, moins de restrictions qu’il y a quelques années. Il reste cependant dans les pays qui sont considérés comme « restrictifs » puisque son indice en 2012 surpasse largement la moyenne des pays de l’OCDE, et légèrement celles des autres pays non membres de l’OCDE.

L’indice de restrictions aux IDE n’est pas une mesure complète du climat d’investissement d’un pays. En effet, d’autres facteurs entrent en ligne de compte notamment la façon dont la réglementation est implémentée ou la propriété de l’État dans des secteurs clés du pays11. Alors même que l’indice n’est pas parfait au vu des modifications effectuées et des mises à jour qui seront encore nécessaires les prochaines années, une tendance se dessine concernant la performance des pays à attirer les IDE : les pays les plus restrictifs ont tendance à recevoir moins d’IDE relativement à la taille de leur économie et vice-versa. Le Canada a donc tout intérêt à réduire les barrières aux IDE qui sont encore actuellement présentes, afin d’atteindre un meilleur potentiel en terme d’attractivité des IDE.

2.3 Des restrictions concentrées sur certains secteurs de l’économie D’après les recommandations de l’OCDE pour 2013, la réduction des barrières

aux IDE devrait être une priorité pour le Canada, recommandations déjà formulées les années précédentes, qui n’ont rencontré qu’une réactivité très limitée. L’OCDE recommande, premièrement, de réduire le poids de la réglementation dans des secteurs particuliers comme l'énergie et d’autres industries de réseau, et dans un second temps de réduire les obstacles aux IDE (Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), 2013, p. 138). Les principales restrictions aux IDE touchent des industries stratégiques, à savoir principalement l’industrie des télécommunications, du transport aérien, de la radiodiffusion, mais également le marché de l’électricité et les industries de réseau, dont les restrictions sont justifiées par des motifs non économiques impliquant la sécurité et la souveraineté nationale.

11 Organisation de coopération et de développement économique :

http://www.oecd.org/investment/fdiindex.htm. Consulté le 13/11/2013.

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2.3.1 L’industrie des télécommunications

En 1993, la loi sur les télécommunications est promulguée, et les restrictions à l’investissement étranger dans ce secteur, déjà établies en 1987, sont intégrées dans la loi (Industrie Canada, 2010a, p. 4). Afin de pouvoir exercer son activité au Canada, une entreprise de télécommunication doit être « une entité constituée, organisée ou prorogée sous le régime des lois fédérales ou provinciales et qui est la propriété de Canadiens et sous contrôle canadien »12, propriété et contrôle canadien se définissant comme 80 % des intérêts avec droits de vote, ou dans le cas d’une personne morale, 80 % des administrateurs de nationalité canadienne, finalement une entreprise non contrôlée par des non-Canadiens13. De plus, en 2010, L’OCDE souligne que parmi les 3 pays qui limitent l’investissement et la propriété étrangère s’appliquant à tout le domaine des télécommunications publiques, le Canada a les restrictions les plus sévères (Industrie Canada, 2010a, pp. 6–7). Le gouvernement canadien a donc exprimé sa volonté d’ouverture aux investissements étrangers en proposant trois options afin de réformer les restrictions existantes en 2010. Malgré quelques progrès observés, notamment la suppression des limitations des participations étrangères sur les satellites en 2010 (Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), 2013, p. 70), les restrictions dans le domaine des télécommunications restent encore trop importantes comparées aux membres de l’OCDE, nuisant ainsi à la compétitivité du Canada dans le secteur des télécommunications.

Finalement, le secteur de la télécommunication représentant près de 43,9 milliards en 2012 (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), 2013, p. 12) reste un secteur sensiblement stratégique, le gouvernement ayant récemment refusé l’acquisition de Allstream de Manitoba Telecom Services (MTS) par Accelero Capital Holdings (Accelero Capital) invoquant la sécurité nationale fondée sur la Loi sur Investissement Canada (LIC)14, loi ambiguë restreignant également l’investissement étranger.

2.3.2 L’industrie du transport aérien

D’une manière générale, dans le domaine du transport aérien, seuls des « Canadiens »15 peuvent se voir délivrer des licences pour l’exploitation d’un service aérien commercial, que ce soit dans le service intérieur, le service international, ou le service international à la demande16. Jusqu’en 2009, un investisseur étranger ne pouvait détenir plus de 25 % des actions avec droit de vote dans un transporteur aérien canadien, une législation a cependant été approuvée en 2009, portant de 25 à 49 % le plafond des participations étrangères (Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), 2013, p. 70). Le Canada possède une excellente industrie aérienne représentant près de 34,9 milliards du PIB (Conseil des aéroports du Canada, 2013, p. 2).

12 Parlement du Canada, 1993, L.C. 1993, ch. 38, art. 16(2). 13 Parlement du Canada, 1993, L.C. 1993, ch. 38, art. 16(3). 14 http://www.dwpv.com/fr/Resources/Publications/2013/Canada-Cites-National-Security-

Concerns-in-Turning-Down-Foreign-Investment-in-the-Telecom-Sector. Consulté le 14/11/2013.

15 Parlement du Canada, 1996, L.C. 1996, ch. 10, art. 55. 16 Parlement du Canada, 1996, L.C. 1996, ch. 10, art. 61, 69 et 73.

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De par ses restrictions à la propriété étrangère qui demeurent, le Canada limite la compétitivité dans ce secteur, limitant ainsi la possibilité pour les compagnies aériennes canadiennes de devenir des transporteurs aériens de plus grandes tailles.

2.3.3 Radiodiffusion

Dans le secteur de la radiodiffusion, la loi sur la radiodiffusion est on ne peut plus claire : « le système canadien de radiodiffusion doit être, effectivement, la propriété des Canadiens et sous leur contrôle »17, ce qui signifie, comme dans le secteur des télécommunications, une participation étrangère maximale de 20 %.

2.3.4 Marché de l’énergie et ressource naturelle

En ce qui concerne la législation de l’énergie et des ressources naturelles, celle-ci se partage au niveau fédéral et provincial. En effet, les provinces sont en général, propriétaires des ressources naturelles et sont donc des acteurs important pour ce qui concerne les investissements étrangers, malgré le fait que les questions énergétiques de nature interprovinciale ou internationale relève normalement du palier fédéral et donc de l’Office Nationale de l’Énergie (ONE) (Stikeman Elliott, 2011, p. 157).

Nous l’avons souligné au début de ce présent document, le Canada est un pays riche en ressources naturelles, dont l’exploitation présente de vifs débats politiques. Certaines affaires médiatisées auraient contribué à décourager les investissements étrangers dans le secteur des ressources naturelles et de l’énergie, c’est notamment le cas de l’affaire PotashCorp en 2010, dont l’offre d’achat hostile par l’entreprise anglo-australienne BHP Billiton a été rejetée au regard de la Loi sur Investissement Canada. Cette affaire a permis de mettre en lumière le manque de transparence et de prévisibilité du processus décisionnel de la Loi sur Investissement Canada (Fournier-Simard & Oliver, 2011, p. 18).

On observe cependant d’importantes transactions étrangères dans le secteur de l’énergie. En effet, nous apprenons en octobre dernier que Petronas, entreprise Malaysienne, va investir 36 milliards de dollars sur trente ans dans un projet de gaz naturel liquéfié au Canada18, investissement représentant un des plus gros investissements directs étrangers au Canada. Les modalités d’acceptation des projets d’investissements étrangers restent cependant floues. M. Harper, premier ministre du Canada déclarant à la suite de la transaction de Petronas que « chaque investissement serait jugé selon ses mérites et qu'il serait déterminé s'il sert les intérêts de l'économie canadienne »19, déclaration qui, comme nous le verrons, appuie le manque de transparence de la Loi sur investissement Canada.

17 Parlement du Canada, 1991, L.C. 1991, ch. 11, art. 3.1.a. 18 http://tvanouvelles.ca/lcn/economie/archives/2013/10/20131006-211905.html. Consulté le 18

novembre 2013. 19 Idem.

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2.4 Qui En Subit Les Conséquences

2.4.1 Le Canada souffre d’une faible productivité

La productivité stagne au Canada depuis 20 ans. Or, d’après l’OCDE, une des causes de ce piétinement est le manque d’IDE dans la Recherche et Développement qui permettrait pourtant de stimuler l’innovation et par la même d’améliorer les gains de productivité des entreprises canadiennes qui mettraient en pratique les processus de production innovants (Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 2012).

Cette faible productivité frappe d’abord le secteur des services. Elle est en partie le fruit des restrictions posées aux IDE dans des secteurs comme les télécommunications. En effet, elles limitent l’arrivée de nouveaux concurrents qui pourraient inciter toute l’industrie des télécommunications au Canada à innover et gagner en efficacité afin de rester compétitifs. De même que les entreprises locales canadiennes pourraient imiter les processus de production, les technologies et les techniques de gestion des multinationales pour également gagner en productivité. On parle ici de retombées horizontales, puisque toute l’industrie s’en trouve stimulée (Audet & Gagné, 2010).

Dans le secteur manufacturier, des études d’Industrie Canada et Statistiques Canada ont également constaté que l’entrée d’investisseurs étrangers au capital d’entreprises industrielles canadiennes a substantiellement contribué à augmenter leur productivité (Baldwin & Gu, 2005).

De manière plus générale, les entreprises locales clientes ou fournisseurs de multinationales qui s’implanteraient au Canada bénéficieraient de transfert de compétence dans leur relation commerciale avec les multinationales ce qui amélioreraient leur productivité. On parle ici de retombées verticales puisque l’amélioration de la productivité gagnerait toute une chaîne de production (Wang, 2010).

2.5 Cette faible productivité contribue à ralentir la progression du niveau des vies des Canadiens

La productivité est précieuse dans la mesure où c’est un ingrédient essentiel de

l’amélioration du niveau de vie des habitants d’un pays. En effet, il y a une corrélation entre les deux variables. Des travailleurs plus productifs peuvent recevoir de leur entreprise des revenus plus importants sans que cela nuise à la compétitivité de l’entreprise. Cette hausse de revenus se traduit par des gains de pouvoir d’achat qui offrent un plus large choix de consommation pour les travailleurs et leur famille.

S’il ne résout pas ses problèmes de productivité, le Canada risque donc de voir le niveau de vie de ses habitants stagner.

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2.6 Des opportunités à saisir Les IDE ont de nombreux effets positifs sur une économie (de Mello, 1997,

Feenstra, R.C et Markusen, J.P 1994). Ils apportent des capitaux pour les entreprises nationales dans lesquelles les étrangers investissent. Cela permet d’accélérer leur croissance quand ses capitaux sont utilisés pour moderniser l’appareil productif, augmenter la production, recruter des employés supplémentaires, démarcher plus de clients.

Les IDE s’accompagnent de transferts de technologie et de compétence en provenance de l’entreprise qui acquiert vers celle qui est acquise. Dans le cas d’une entreprise multinationale qui acquiert une petite ou moyenne entreprise locale, cette dernière va bénéficier de compétences marketing, commerciales, organisationnelles qui amélioreront sa productivité.

La venue d’IDE sur un territoire implique la venue d’entreprises étrangères qui viennent augmenter la concurrence de leur secteur. Cette concurrence stimule la recherche d’efficacité et l’innovation des entreprises concurrentes locales pour qu’elles restent compétitives.

Tous ces effets participent à doper la croissance et l’emploi, voilà pourquoi le Canada se doit d’être attractif envers les IDE.

3. ANALYSE DES POLITIQUES : UN CADRE QUI EXPLIQUE LE PARADOXE

3.1 La Loi Sur Investissement Canada

3.1.1 Présentation générale

Depuis quelques années, les politiques canadiennes en matière d’investissements étrangers sont au centre des débats. Comme souligné précédemment, en 2010, le gouvernement fédéral a bloqué l'acquisition de PotashCorp, entreprise d’engrais chimique, par l’entreprise anglo-australienne BHP Billiton en considérant que le Canada n'allait pas retirer d’« avantages nets » de cette transaction.

Les règlements régissant les investissements directs étrangers au Canada sont traités dans la Loi sur Investissement Canada20 (LIC), qui date de 1985, mais a été revue à de très nombreuses reprises, notamment au cours des dernières années.

L’objectif global de cette loi est de :

maximiser les avantages des IDE tout en répondant à d’importants enjeux de politique publique;

20 Parlement du Canada, 1985, L.R.C. (1985), ch. 28 (1er suppl.).

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donner au gouvernement la latitude d’examiner les transactions, d’évaluer leurs « avantages nets » et les menaces qu’ils pourraient faire peser sur la culture et la sécurité nationale du Canada, et en dernier ressort d’interdire les investissements qui ne seraient pas dans l’intérêt du pays.

La règle générale de la loi est qu’un investissement privé étranger au Canada s’effectue sans intervention du gouvernement (c’est le cas de la majorité des investissements) sauf dans les 3 cas que nous allons détailler ci-dessous, à savoir :

Cas no 1 : Le montant de l’investissement est important;

Cas no 2 : L'acquisition se fait dans le secteur culturel et dépasse un certain seuil;

Cas no 3 : L’acquisition peut menacer la sécurité nationale.

Enfin, nous verrons que les investissements venant des sociétés d’État étrangères font l’objet d’un régime spécial.

Cas no 1 : Le montant de l’investissement est important

Il y a examen de la demande si la valeur de la transaction dépasse les seuils suivants21 :

en Millions de $ CA Membre de l'OMC Non Membre de l'OMC

Acquisition Directe 344 5

Acquisition Indirecte Pas d'examen 50

Concernant ce tableau, on peut noter que :

Une acquisition indirecte est définie dans la loi comme « une acquisition des actions d'une compagnie incorporée à l'extérieur du Canada, qui détient une ou des filiales au Canada. »22;

Il existe une proposition pour relever le seuil de 344 M$ à 1000 M$ d’ici 2015 concernant les acquisitions directes par des membres de l’OMC.

Si la valeur de l'acquisition dépasse ces seuils, le ministre de l'Industrie examine les « avantages nets » que peut retirer le Canada de cet investissement, c’est-à-dire s’il peut générer :

un effet positif sur la croissance économique;

une importante participation canadienne dans l’entreprise;

21 Site Internet d’Industrie Canada : http://www.ic.gc.ca/eic/site/ica-lic.nsf/fra/h_lk00050.html.

Consulté le 8 novembre 2013. 22 Parlement du Canada, 1985, L.R.C. (1985), ch. 28 (1er suppl.).

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un effet positif sur la productivité, la performance, la technologie et l’innovation canadiennes;

un effet positif sur la concurrence : l’acquisition ne doit pas menacer l’existence du secteur d’activité canadien actuel. L’acquisition doit permettre au Canada d’être plus performant sur les marchés mondiaux.

Cas no 2 : L'acquisition se fait dans le secteur culturel et dépasse un certain seuil

Pour une acquisition directe d’une entreprise culturelle (journaux, livres, films, musiques) canadienne, il y a examen si la valeur est supérieure à 5 M$. Pour une acquisition indirecte, le seuil est de 50 M$.

Dès lors, le ministère du Patrimoine canadien évalue l’investissement et détermine s’il est compatible avec les objectifs culturels du Canada, à savoir :

Promouvoir, créer et préserver les contenus canadiens;

Encourager la participation à la vie culturelle;

Consolider les liens entre les Canadiens;

Favoriser la citoyenneté active et la participation à la collectivité.

Si l’investissement est jugé compatible avec ces objectifs alors il peut s’effectuer. Sinon soit l’investissement est rejeté, soit des conditions lui sont posées.

Cas no 3 : L’acquisition peut menacer la sécurité nationale

Si le gouvernement canadien estime que l’acquisition de l’entreprise canadienne par la firme étrangère pourrait nuire à la sécurité nationale alors le ministère de l’Industrie et le ministère de la Sécurité publique sont alors saisis pour déterminer si l’acquisition représente une menace pour la sécurité nationale.

En résumé, la grande majorité des IDE au Canada se fait sans même avoir besoin de demander l’aval du gouvernement (du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013, 2,81 % des cas ont été soumis à examen). D’autre part, les cas soumis à examens obtiennent très souvent un avis favorable. Au total, les exemples de rejets sont rarissimes.

Enfin, il existe dans la Loi sur Investissement Canada des dispositions spéciales concernant les acquisitions d’entreprises canadiennes par des sociétés d’État étrangères. En effet, le gouvernement fédéral a décidé de les décourager. Les sociétés d’État étrangères doivent prendre des engagements concernant leur investissement.

Le gouvernement assume cette approche protectionniste, car ce type d’investissement ne génère pas suffisamment d’avantages nets pour le Canada. En effet, les sociétés d’État étrangères ne sont pas axées sur la recherche de gains économiques, donc ne participent pas activement à la croissance, la productivité, l’innovation et donc à la compétitivité du Canada.

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3.2 Une loi qui n’atteint pas les objectifs proclamés

3.2.1 Une loi destinée à protéger les intérêts canadiens

Le gouvernement canadien veut protéger l’économie du pays (sa croissance, sa compétitivité, son taux de chômage), son identité (à travers le secteur culturel), et sa sécurité nationale.

Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement dispose donc de la LIC et de ses deux outils majeurs : les trois cas d’examen de demandes d’IDE vus plus haut et le régime spécial pour les sociétés étrangères.

Par ailleurs, il peut sembler légitime que le gouvernement canadien tienne à conserver le contrôle (quantitatif et qualitatif) des IDE qu'il est disposé à accepter en s’appuyant sur des critères subjectifs, c’est à dire ne répondant pas forcément à une règle mathématique. C’est pour cela que la loi gravite autour des concepts d’« avantages nets » et de « sécurité nationale » dont nous reparlerons plus bas.

En effet, il est compréhensible que le gouvernement ne souhaite pas abandonner des enjeux économiques importants au seul jugement des tribunaux ou de l'administration sans un contrôle politique.

Le Canada veut par exemple pouvoir contrôler de manière non objective les IDE dans certains secteurs stratégiques qu’il cherche à protéger comme l'électricité, les télécommunications ou le transport aérien.

Une loi peu claire et parfois contre-productive qui décourage les volontés

d'investissements étrangers

Nous allons démontrer ici que la volonté de l’État de vouloir contrôler au maximum les IDE a contribué à créer une loi, la LIC, qui manque de transparence, de prévisibilité, qui est parfois contre-productive et dont le champ d’application est trop vaste. En conséquence, la LIC obtient des résultats opposés aux objectifs affichés, à savoir la maximisation des avantages des IDE.

a) Une loi floue

La LIC est une loi floue dans la mesure où elle repose sur le critère d’« avantage net » qui est un concept inventé par l’état, et donc la définition est vague, comme nous l’avons vu. Ainsi, ce concept peut être utilisé avec subjectivité.

Ensuite, le 3e pilier de la LIC repose sur la « sécurité nationale ». Ici encore, ce concept de sécurité nationale n’est jamais défini dans la loi et ses lignes directrices n’ont jamais été développées par le gouvernement.

Enfin, pour améliorer la transparence de la loi et de son processus d’application, le ministre doit publier un rapport annuel qui doit permettre aux potentiels investisseurs de mieux appréhender les procédures. Cependant, il n’y a qu’un rapport disponible, celui de l’année 2009/2010 (Industrie Canada, 2010b), et ce rapport ne présente pas d’explication réelle sur les motifs qui ont poussé aux décisions prises pendant l’année.

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b) Une loi qui créée un manque de prévisibilité pour les investisseurs

Premièrement, les délais de décisions varient fortement et peuvent être longs (délai moyen pour l’examen des avantages nets de 70 jours en 2009) et dépendent des objections faites par le gouvernement et des négociations entre les deux parties.

Concernant les futures modifications que les autorités souhaitent apporter à la loi, on peut noter que d’ici 2015, la valeur utilisée pour déterminer si la transaction dépasse le seuil passera de la valeur comptable à la valeur d’affaires (i.e. la valeur totale de l’entreprise) (Fournier-Simard & Oliver, 2011). Ainsi, même si le seuil sera réévalué à cette occasion de 344 millions $ à un milliard, le calcul de la valeur sera complexifié et sujet à débat.

c) Une loi qui peut parfois être contre-productive

L’application de la loi peut parfois rentrer en contradiction avec les avantages nets. En effet, prenons le cas où le gouvernement force une entreprise à prendre certaines mesures pour accepter la transaction. Si le gouvernement demande à augmenter le nombre d’emplois au Canada par exemple, alors il réduit l’efficience et la compétitivité de l’entreprise étrangère et donc l’intensification de la concurrence. À long terme, les avantages globaux pour le Canada sont aussi réduits.

Par ailleurs, on peut se demander si les récentes acquisitions par des sociétés d’État asiatiques dans des secteurs que l’on peut considérer comme stratégiques (pétrole) ainsi que l’acquisition de certains grands noms canadiens ne prouvent pas l'inefficacité de la loi qui aurait dû repousser ces transactions. On peut citer par exemple l’investissement de PetroChina dans les actifs de gaz de schiste en Colombie-Britannique détenus par Shell Canada (Turner, Glossop, & Murray, 2012).

d) L’exemple de l’affaire U.S. Steel23

L’affaire U.S. Steel montre le flou juridique dans lequel la LIC plonge les parties prenantes. En 2007, l’américain U.S. Steel s’est vu autoriser le rachat de l’entreprise sidérurgique canadienne Stelco, si les emplois et la production étaient maintenus au Canada. L’État canadien a exigé cela à travers des engagements écrits, mais restés secrets. Mais après la crise de 2008 qui a frappé l’automobile et la sidérurgie, U.S. Steel a décidé de licencier une partie de ses employés canadiens, ce qui a déclenché une bataille judiciaire considérable qui s’est étalée sur plusieurs années et qui s’est soldée par une nouvelle promesse d’U.S. Steel de maintenir la production. Tout récemment, en octobre 2013, U.S. Steel a tout de même mis à pied 47 employés canadiens pour restructuration.

23 Voir entre autres http://www.reuters.com/article/2013/10/29/us-ussteel-hamilton-

idUSBRE99S17I20131029, et Le Canada et l’investissement direct étranger : entre ouverture et inquiétude (Côté, 2012).

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La loi canadienne montre ainsi ses limites quand il s’agit d’empêcher réellement un investisseur de licencier ses employés. Si ses engagements sociaux ont pu être remis en cause si longtemps par U.S. Steel, c’est bien que la loi ne permette pas de trancher les débats. En l’occurrence, la différence de contexte économique entre le moment où l’IDE est accepté et le moment où les engagements exigés en retour doivent être respectés a été problématique et est laissée de côté par la loi.

En conclusion, cette loi est à bien des égards contre-productive, son principal défaut est d’être peu claire et peu objective, ce qui va à l’encontre de ce que recherchent les investisseurs.

3.3 Les Politiques La Loi sur Investissement Canada propose un cadre législatif relativement vague

et au fonctionnement obscur pour de nombreux observateurs. À cet égard, les investisseurs étrangers, en particulier, ne disposent pas d’un outil qui leur garantisse de façon certaine et transparente des opérations pérennes en territoire canadien. À défaut d’un contexte légal clairement favorable, peut-être les politiques canadiennes mises en œuvre sont-elles plus encourageantes en la matière. Nous allons ici présenter l’organisation politique relative aux investissements directs étrangers entrants : qui définit la politique, qui la met en œuvre et par quels moyens. Cette présentation nous permettra d’évaluer si le politique arrive à pallier les lacunes du cadre législatif pour attirer les investissements directs étrangers au Canada.

3.3.1 Le partage des compétences en matière d’investissement direct étranger

Le système politique canadien est organisé selon le mode fédéraliste. En d’autres termes, les pouvoirs législatifs et exécutifs sont distribués entre un gouvernement fédéral et les gouvernements des territoires fédérés du Canada (provinces et territoires). Certains pouvoirs sont exclusifs à un palier gouvernemental, et d’autres sont partagés; et cela a une influence lorsqu’il est question d’IDE.

Les Lois constitutionnelles de 1867 à 1982 définissent la répartition suivante entre les paliers24 :

Les « domaines d’intérêt national » définis par les articles 91 et 92(10) relèvent exclusivement du pouvoir fédéral. Pour ce qui nous intéresse, cela porte sur la réglementation du trafic et du commerce, le service postal, les pêcheries, les traversiers, les banques, les brevets d’invention et les droits d’auteur, et les travaux qui relient les provinces, qui vont au-delà des limites d’une province, ou qui sont à l’intérieur d’une province, mais à l’avantage du Canada ou à celui de plus d’une province;

24 Ces informations ont été rassemblées et synthétisées à partir de celles présentées par le Bureau

du Conseil privé : http://www.pco-bcp.gc.ca/aia/index.asp?lang=fra&page=federal&sub=legis&doc=legis-fra.htm. Consulté le 29 octobre 2013.

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En outre, d’après l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, le pouvoir fédéral dispose d’un pouvoir résiduaire « relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignée aux législatures des provinces » (en italique dans le texte);

En vertu des articles 92, 92A et 93, les « questions d’intérêt local » sont de la compétence exclusive du palier provincial. Cela concerne, entre autres, la propriété et les droits civils, l’incorporation des sociétés et les ressources naturelles;

Il existe également des compétences partagées par les différents paliers de gouvernement. Selon les articles 94A et 95, c’est notamment le cas de l’agriculture et de l’immigration.

Enfin, sur la base du processus de révision judiciaire, les tribunaux nationaux ont également une influence sur les compétences de chaque palier gouvernemental. Ainsi, bien que certains domaines ne soient pas définis par les Lois constitutionnelles, le pouvoir judiciaire a décidé que ce qui a trait à l’environnement ou la santé « [relève] de divers pouvoirs législatifs, tantôt fédéraux, tantôt provinciaux. »25.

En somme, un investissement étant « toute opération se traduisant par une création d'entreprises à l'étranger ou une prise de participation dans des firmes étrangères » (Crozet et al., 1997, p. 18), une telle opération sur le territoire canadien est susceptible d’interpeller l’un et l’autre des paliers gouvernementaux. Ainsi, bien que la Loi sur Investissement Canada relève de la réglementation du trafic et du commerce et donc d’une compétence fédérale, sa mise en œuvre fait que les gouvernements provinciaux ont potentiellement leur mot à dire en vertu de leur compétence en matière de propriété et droits civils, par exemple. On en déduit que des politiques en matière d’investissement direct étranger entrant doivent être définies à la fois par le gouvernement fédéral et chaque gouvernement provincial ou territorial.

3.4 Organisation politique du Canada en matière d’investissement direct étranger entrant

Comme nous venons de le constater, bien que la réglementation soit du ressort

exclusif du gouvernement fédéral, la définition de la politique canadienne relativement aux IDE entrants et sa mise en œuvre sont partagées entre le pouvoir fédéral et celui des entités fédérées. Nous allons donc présenter ici de quelle manière cette mise en œuvre est organisée entre ces paliers et qui en sont les acteurs principaux.

La Loi sur Investissement Canada ne précise pas de façon explicite qui est responsable de définir la politique en matière d’investissement direct étranger. D’après son article 4, « [l]e ministre est chargé de l’administration de la présente loi ». Ce ministre est défini par l’article 3 comme « [l]e membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada chargé par le gouverneur en conseil de l’application de la présente loi ».

25 Idem.

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Dans les faits, c’est le premier ministre du Canada qui définit la politique à mettre en œuvre en matière d’investissement direct étranger entrant. Celle-ci est généralement présentée dans les discours de politique générale du gouvernement tels que le Discours du Trône ou dans les présentations de politique spécifique telles que le Plan d’action économique du Canada ou encore Investir au Canada.

La mise en œuvre effective de la LIC et des politiques est dévolue à différents ministères, sous la responsabilité du ministre membre du Cabinet associé. Ainsi, Industrie Canada applique la Loi pour créer un environnement « [propice] à la concurrence, à l'innovation, à l'investissement et à l'entrepreneuriat et qui suscite la confiance des consommateurs, des investisseurs et des entreprises »26. Ce ministère met donc la politique en œuvre dans l’ensemble des secteurs de l’économie, par son agence Investir Canada. Une exception particulière cependant, les questions relatives à la culture sont la prérogative de Patrimoine canadien depuis 199927. D’autre part, conformément à l’article 6 de la LIC, un directeur des investissements est censé conseiller chacun de ces ministères dans la mise en œuvre de la Loi et des politiques. Par ailleurs, la Direction générale de l’investissement au Canada et le Service des délégués commerciaux du Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement ont pour mission de conseiller les étrangers désirant investir sur le territoire canadien28. Enfin, certaines agences indépendantes comme Exportation et développement Canada sont, entre autres, responsables de soutenir ces investisseurs29.

Passée cette présentation générale de l’organigramme, il apparaît difficile pour l’investisseur de prévoir comment va se passer l’évaluation de son dossier. En effet, il n’y a pas d’information disponible précisant sur la base de quel critère le gouvernement reprend le dossier des mains de l’administration d’Investir Canada. Autrement dit, il n’est pas possible de déterminer à partir de quand un dossier sort du système administratif traditionnel pour devenir un dossier politique. Ce constat, combiné avec la subjectivité des critères d’évaluation, crée une incertitude quant au processus de décision qui peut freiner le désir d’investir des étrangers dans les entreprises canadiennes.

D’autre part, en ce qui concerne les provinces et territoires, on retrouve une organisation relativement similaire. Le premier ministre établit les grandes lignes des politiques, et c’est principalement l’équivalent d’un ministère de l’économie qui est responsable de les mettre en œuvre. Dans le cas du Québec, cela s’est par exemple manifesté dans un Plan stratégique en 2009 (gouvernement du Québec, 2009). Malgré la répartition des compétences entre paliers gouvernementaux qui permet au pouvoir fédéré d’influencer la politique en matière d’IDE sur son territoire, cette influence se fait essentiellement de façon indirecte, et la portée des politiques dans ce domaine est relativement limitée.

26 Site Internet d’Industrie Canada : http://www.ic.gc.ca/eic/site/icgc.nsf/fra/h_00018.html.

Consulté le 29 octobre 2013. 27 Site Internet de Patrimoine canadien :

http://www.pch.gc.ca/fra/1359663580616/1359663698131. Consulté le 30 octobre 2013. 28 Site Internet du Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du

Développement http://www.international.gc.ca/investors-investisseurs/iic-iac/about_us-a_notre_sujet.aspx?lang=fra. Consulté le 29 octobre 2013.

29 Site Internet d’Exportation et développement Canada : http://www.edc.ca/FR/About-Us/Pages/default.aspx. Consulté le 30 octobre 2013.

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Certaines provinces ont également mis en place des agences gouvernementales responsables d’appuyer les investisseurs étrangers qui veulent s’établir sur leur territoire; c’est notamment le cas du Québec avec sa Banque de développement économique (BDEQ)30.

Notons pour finir que le Conseil de la fédération réunit depuis 2003 les premiers ministres des Territoires fédérés du Canada pour « promouvoir la coopération entre les provinces et les territoires et favoriser des rapports fructueux entre les gouvernements »31. On constate cependant que le premier ministre du Canada semble relativement distant de ce forum, et que les questions d’investissement direct étranger ne semblent pas abordées, alors qu’il s’agirait d’un lieu idéal pour coordonner les politiques entre les paliers gouvernementaux.

En conclusion, sur le plan organisationnel, les politiques en matière d’investissement direct étranger entrant sont essentiellement mises en œuvre par le biais des institutions fédérales. Les gouvernements fédérés peuvent établir des politiques qui traitent indirectement du sujet, mais leur influence en la matière est relativement limitée. Enfin, alors qu’il semble exister une volonté des gouvernements fédérés de se concerter sur les domaines qui touchent l’ensemble du Canada, les forums existants paraissent boudés par le palier fédéral et amènent donc peu de synergies.

3.4.1 Des politiques vagues et des orientations floues

Nous avons vu que la Loi sur Investissement Canada proposait un cadre législatif relativement vague. Alors que les programmes et discours politiques auraient pu permettre de réduire les zones d’incertitude et rassurer les investisseurs étrangers, ceux-ci ne répondent malheureusement pas à ce souhait. Il ressort de l’analyse du discours de politiques générales et les réponses spécifiques aux investissements étrangers au Canada du gouvernement fédéral que celui-ci entretient le vague de la LIC, avec des orientations floues. Bien que cela ne porte pas préjudice aux petits investissements, le Canada paraît une cible relativement moins attractive dès que cela concerne des investissements majeurs.

Il ressort ainsi que l’évaluation des dossiers d’investissement, lorsqu’il y a lieu, semble toujours soumise à une forte subjectivité. S’il existe un cadre organisationnel relatif aux IDE, le gouvernement ne précise cependant jamais qui, effectivement, évalue les dossiers ni selon quels critères. Pierre d’achoppement principale, le fameux « avantage net pour le Canada » de la LIC ne trouve pas plus de précision de la part de l’exécutif fédéral, et fait l’objet de nombreuses critiques32.

30 Pour plus de détails sur sa mission, voir :

http://www.economie.gouv.qc.ca/objectifs/informer/politiques-strategies-plans-daction/page/politiques-et-orientations-17413/?tx_igaffichagepages_pi1[mode]=single&tx_igaffichagepages_pi1[backPid]=81&tx_igaffichagepages_pi1[currentCat]=&cHash=036da742ba9c158f97f2495d782c5e2d.

31 Site Internet du Conseil de la Fédération : http://www.conseildelafederation.ca/fr/a-propos. 32 Voir entre autres Redéfinir l’investissement étranger direct au 21e siècle (Mulcair, 2013).

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Bien que quelques lignes directrices générales soient offertes par les institutions fédérales, aucun critère objectif d’évaluation n’est proposé33. Par exemple, le « gouvernement veillera à ce que les secteurs liés aux ressources naturelles restent ouverts aux investissements étrangers lorsqu’ils sont axés sur le marché et dans l’intérêt à long terme des Canadiens et Canadiennes » (gouvernement du Canada, 2013, p. 8), mais aucun document ne précise en quoi consiste objectivement cet « intérêt à long terme ».

Il ressort en outre une tendance protectionniste dans la politique mise en œuvre par le gouvernement. Ainsi, le « gouvernement prend des mesures pour s’assurer que [les] ressources [du Canada] ne tombent pas entre les mains de gouvernements étrangers » (gouvernement du Canada, 2013, p. 8). Qui plus est, bien que promoteur de l’ouverture des marchés34 et malgré l’existence du forum multilatéral que représente l’Organisation mondiale du commerce en la matière, le Canada préfère mettre de l’avant ses négociations bilatérales, tant au sujet de l’ouverture des marchés que de la protection des investissements (ministère des Affaires étrangères du commerce et du développement, 2012; ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), 2012, p. 10). Il en ressort principalement que le Canada semble privilégier les échanges commerciaux aux investissements, d’une part, et que s’il promeut les investissements émanant du Canada vers l’étranger, il paraît beaucoup plus protectionniste dès qu’il s’agit d’investissements étrangers entrants.

En résumé, alors que le Canada dispose de nombreux atouts pour attirer les investisseurs étrangers, il propose un cadre législatif trop vague et met de l’avant des politiques et un discours qui ne pallient pas ses faiblesses. En effet, la loi et le discours flous limitent la prévisibilité pour les investisseurs étrangers, le manque de transparence dans la chaîne décisionnelle et des critères d’évaluation des IDE, ainsi que le manque de synergie entre les paliers gouvernementaux tendent à réduire l’efficacité de la politique d’attraction des investissements étrangers. L’ensemble de ces facteurs crée un contexte peu rassurant pour les investisseurs et nuit à l’exploitation optimale du potentiel canadien.

33 Pour des précisions sur le critère d’« avantages nets », voir l’article 20 de la Loi sur

Investissement Canada ou les précisions d’Industrie Canada : http://www.ic.gc.ca/eic/site/ica-lic.nsf/fra/lk81130.html. Consultées le 29 octobre 2013.

34 Voir entre autres Investir au Canada 2012 (Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), 2012); et Réponse du Gouvernement au premier rapport du Comité permanent du commerce international - Négociation en vue d’un Accord économique et commercial gloabal (AECG) entre le Canada et l'Union européenne (Gouvernement du Canada, 2012).

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4. VERS UNE POLITIQUE CANADIENNE PLUS EFFICACE ENVERS LES IDE

4.1 Vers Des Notions D’avantage Net Et De Sécurité Nationale Plus Objectives

4.1.1 La notion davantage nette

Le gouvernement du Canada accepte ou refuse un IDE en fonction de la notion d’« avantage net » et de ses quatre critères :

un effet positif sur la croissance économique;

une importante participation canadienne dans l’entreprise;

un effet positif sur la productivité, la performance, la technologie et l’innovation canadiennes;

un effet positif sur la concurrence : l’acquisition ne doit pas menacer l’existence du secteur d’activité canadien actuel. L’acquisition doit permettre au Canada d’être plus performant sur les marchés mondiaux.

Cependant, ce concept est flou et peu objectif pour deux raisons :

L’impact recherché est non mesurable : la loi parle d’effets « positifs » ou « importants », mais ces notions sont très vagues et non quantifiées. Par exemple, un effet positif peut être simplement supérieur à 0, mais peut aussi améliorer l’existant. D’autre part, comment isoler l’impact du seul IDE au niveau de la croissance d’une entreprise par exemple;

On recherche un impact sur des notions floues. En effet, comment définir la technologie, l’innovation, la croissance ? On peut par exemple se demander si tous les moyens sont bons pour atteindre ces objectifs, si le type de croissance (durable par exemple) n’est pas aussi important que la simple augmentation du PIB.

Le critère davantage net est donc une notion utile pour le gouvernement qui veut garder la latitude de décider comme il l’entend; mais pour l’investisseur, cette notion n’est pas du tout gage de certitude, d’objectivité et donc de réussite.

L’exemple de l’Australie en la matière est intéressant. En effet, l’Australie se base sur la notion d’intérêt national, notion vague certes, mais mieux définie dans la loi qui cite les secteurs faisant l’objet de restrictions par exemple. D’autre part, en Australie c’est au gouvernement de prouver le caractère négatif de l’IDE, au Canada c’est à l’investisseur le caractère positif de l’IDE. Le ministre australien doit aussi exposer publiquement les raisons d’un refus, alors que le caractère public n’est pas présent au Canada.

Les États-Unis ont une réglementation beaucoup plus souple. Il n’existe en effet pas de seuil déclenchant automatiquement un examen. En revanche, certains secteurs clairement définis font l’objet de restrictions (compagnies aériennes, le transport maritime, les médias, les communications et les pêches).

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Par conséquent, même en conservant des seuils de déclenchement automatique d’examen, il est possible comme le montre l’exemple australien de mieux définir et d’expliquer plus clairement les attentes du gouvernement canadien par rapport aux avantages nets pour ne pas dissuader les investisseurs. Pour cela, il importe donc de :

Définir des critères d’évaluation des dossiers qui soient mesurables de façon objective, et qui ne dépendraient donc plus totalement du seul jugement de l’évaluateur (par exemple, X emplois directs créés sur Y années; x % de baisse du prix à la consommation; Z $ CA supplémentaires dans la recherche de pointe; etc.);

Définir ces critères d’« avantage net pour le Canada » dans le discours politique, à défaut de le faire dans la loi. Le processus législatif rend toute modification de la loi hasardeuse, quand bien même y aurait-il consensus sur la nécessité de la modifier. Définir ces critères dans le discours offre un pis-aller qui permet d’avoir une perspective relativement claire, au moins le temps que le gouvernement est en place.

4.1.2 Le critère de sécurité nationale

Comme nous l’avons vu, un des trois cas qui déclenche un examen de l’IDE est l’atteinte à la sécurité nationale. Cependant, la LIC et les politiques canadiennes ne définissent à aucun moment ce qu’est la sécurité nationale.

Par conséquent, il faudrait que la LIC définisse clairement d’une part le concept de sécurité nationale, à savoir de quelle sécurité s’agit-il, économique ou militaire, par exemple. D’autre part, la LIC devrait clairement définir quand il y a atteinte à la sécurité nationale, c’est-à-dire à quel moment le gouvernement peut légitimement invoquer ce critère.

Aux États-Unis, tous les investissements nuisibles à la sécurité nationale sont rejetés, et comme pour le Canada, la notion de « sécurité nationale » n’est pas définie. Il existe cependant une liste de facteurs à prendre en compte pour définir si une transaction menace la sécurité nationale, ce qui donne une meilleure visibilité.

4.2 Clarifier L’administration Des Investissements Directs Étrangers Entrant Au Canada

Nous avons vu précédemment que l’organisation politique autour du sujet des

investissements directs étrangers entrant n’est pas optimale. D’une part, la chaîne décisionnelle n’est pas claire, d’autre part le faible niveau de communication entre paliers gouvernementaux réduit les synergies qui pourraient rendre la politique plus performante. Nous pensons que certaines actions de la part du gouvernement fédéral permettraient d’optimiser la mise en œuvre de la politique :

Rendre l’organigramme décisionnel plus transparent en ce qui concerne l’évaluation des dossiers. Cette action devrait aller de pair avec la clarification des critères d’évaluation. À l’heure actuelle, l’investisseur étranger sait que son dossier est ordinairement évalué par l’administration d’Investir Canada, mais le gouvernement est susceptible d’intervenir et aucun critère n’est mis de l’avant pour informer sur le risque de

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politisation de sa candidature. D’autre part, le risque constant de politisation crée un effet d’incertitude sur la stabilité des évaluations en fonction des changements de gouvernement. Les critères identifiés montrent à l’investisseur qu’il a un interlocuteur administratif direct et stable dans le ministère où se fait l’évaluation, d’une part, et que, s’il reste toujours possible que le ministre intervienne, l’évaluation se fait de façon relativement indépendante du gouvernement en place malgré tout et assure donc une certaine stabilité de celle-ci, d’autre part;

Formaliser des forums de négociation entre paliers gouvernementaux en matière d’IDE. Nous l’avons vu, la répartition des pouvoirs exécutifs fait que le gouvernement fédéral ne peut mettre en œuvre seul la politique en la matière. Pourtant, il apparaît que la coordination entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux est relativement faible. Nous pensons que le Conseil de la Fédération devrait être utilisé par le gouvernement fédéral pour définir une politique pour attirer les investissements directs étrangers en concertation avec les provinces et territoires. Si la politique générale reste la chasse gardée du gouvernement fédéral, les décisions sur sa mise en œuvre impliqueraient beaucoup plus les entités fédérées, favorisant leur adhésion à la politique et améliorant donc les synergies.

4.3 Vers Un Effort De Transparence

4.3.1 Conserver la valeur comptable et non la valeur d'entreprise

Nous avons vu précédemment que les autorités canadiennes souhaitent apporter des modifications à la LIC d’ici 2015, notamment concernant la méthode utilisée pour évaluer la valeur de l’entreprise ciblée par l’investissement.

En effet, aujourd’hui pour déterminer cette valeur d’entreprise, on utilise la valeur comptable de celle-ci, c’est-à-dire celle qui est inscrite à l’actif du Bilan. Dans le projet de modification de la LIC, c’est la valeur totale de l’entreprise qui est prise en compte, c'est-à-dire qu’il faudra par exemple tenir compte dans cette méthode de la valeur de la main d’œuvre, du savoir-faire, de la propriété intellectuelle et d’autres actifs incorporels.

Ceci a plusieurs conséquences. D’une part, pour le potentiel investisseur, cela rendra plus compliquée l’évaluation de la valeur de la cible. Il en va de même pour le gouvernement qui devra lui aussi vérifier le calcul. D’autre part, cette évaluation est plus subjective que la valeur comptable, donc nous pouvons imaginer que son calcul sera plus facilement sujet à débats à cause des divergences de mode de calcul par exemple.

Ainsi, il y aura un manque de clarté et de prévisibilité pour l’investisseur, pour qui il sera encore plus difficile de savoir si sa transaction va faire ou non l’objet d’un examen. Dans un souci de simplification, nous recommandons donc de conserver la valeur comptable de l’entreprise pour les évaluations.

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4.3.2 L’importance du rapport annuel

Les autorités canadiennes ont ajouté à la LIC l’article 38.1 en 2009. Cet article stipule que le ministre est tenu de publier un rapport annuel sur l’application et sur l’administration de la loi :

« Le directeur présente au ministre, pour chaque exercice, un rapport sur l’application de la présente loi, sauf la partie IV.1; le ministre rend le rapport public. »

À la lecture de cet article, nous pouvons remarquer que l’article 38.1 de la LIC ne précise pas le contenu et la teneur du rapport. Par ailleurs, depuis 2009, un seul rapport a été publié, celui de 2009-2010.

Par conséquent, nous recommandons de créer un rapport qui permet clairement à l’investisseur de comprendre les mécanismes d’approbation ou de refus d’une transaction. Ce rapport pourrait par exemple contenir des exemples précis d’examens de transactions en montrant clairement les motivations qui ont commandé la décision prise. En outre, dans un souci de transparence, il est important que ce rapport annuel soit effectivement publié de façon annuelle.

5. CONCLUSION

Pour conclure, malgré les nombreux atouts du Canada pour attirer les investissements directs étrangers, celui-ci fait partie des pays considérés comme restrictifs aux IDE. Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer le caractère restrictif aux investissements directs étrangers du Canada. La LIC et le discours flou des politiciens sur le sujet limitent la prévisibilité pour les investisseurs étrangers. Le manque de transparence dans la chaîne décisionnelle et dans les critères d’évaluation des dossiers, ainsi que le manque de synergie entre les paliers gouvernementaux tendent à réduire l’efficacité de la politique d’attraction des IDE.

L’ensemble de ces facteurs crée un contexte peu rassurant pour les investisseurs et nuit à l’exploitation optimale du potentiel canadien. Face à ces critiques, nos recommandations sont de trois ordres : politiques, légales et administratives. Concernant l’aspect politique, il est nécessaire de définir une notion davantage nette, plus objective (critères d’évaluation des dossiers objectifs et mesurables), en explicitant cela dans le discours politique. Sur le plan légal, le besoin de définition du concept de sécurité nationale est criant. Enfin, sur le plan administratif, trois recommandations apparaissent nécessaires :

délivrer un rapport annuel clair sur les différents mécanismes d’approbation et de refus des transactions;

conserver la valeur comptable et non de la valeur d’entreprise;

rendre l’organigramme décisionnel plus transparent.

Ces mesures permettraient de clarifier et simplifier la loi, et de réduire l’incertitude pour les investisseurs, permettant ainsi au Canada d’êtres plus attractifs en matière d’IDE.

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