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10 rue du Hohwald 67000 Strasbourg Tél. : 03 88 35 76 10 ou 06 65 31 36 51 Mail : [email protected] Retrouvez toutes les informations de la Compagnie sur www.lamesnieh.com Dossier pédagogique « RUY BLAS » de Victor Hugo Mise en scène : Jacques Bachelier Co-réalisation : Centre culturel Le PréO d’Oberhausbergen

Dossier pédagogique Ruy Blas

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10 rue du Hohwald 67000 Strasbourg Tél. : 03 88 35 76 10 ou 06 65 31 36 51 Mail : [email protected] Retrouvez toutes les informations de la Compagnie sur www.lamesnieh.com

Dossier pédagogique

« RUY BLAS » de Victor Hugo

Mise en scène : Jacques Bachelier

Co-réalisation : Centre culturel Le PréO d’Oberhausbergen

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Ruy Blas Victor Hugo Mise en scène et scénographie : Jacques Bachelier Lumière et régie générale : Xavier Martayan Régisseurs : Xavier Martayan et Raphaël Siefert Distribution Ruy Blas : Stefane Marques Don Salluste de Bazan : Jacques Bachelier Don César de Bazan : Loïc Guinguand Don Guritan : Frédéric Schalck Doña Maria de Neubourg : Daphné Proisy Duchesse d’Albuquerque : Caterina Autelitano Casilda : Juliette Biry en alternance Del Basto et Camporeal : Alexandre Cantini Santa Cruz et Ubilla : Yvon Wust Albe et Covadenga : Jules Pan Gudiel et Arias : Julien Andersch Priego : Loïc Guingand Laquais : Yvon Wust Duègne : Caterina Autelitano Alcade : Alexandre Cantini Alguazil 1 : Julien Andersch Alguazil 2 : Yvon Wust Alguazil 3 : Jules Pan Madrid. 169.

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Quelques repères L’auteur : Victor Hugo Création : 8 novembre 1838 au Théâtre de la Renaissance à Paris La distribution : les grands rôles Ruy Blas M. Frédérick Lemaître Don Salluste de Bazan : M. Alexandre Mauzin Don César de Bazan M. Saint-Firmin Don Guritan : M. Féréol Doña Maria de Neubourg Mlle Louise Beaudouin Le genre : drame historique, genre intermédiaire entre la tragédie et la comédie et qui ne craint pas de mélanger les deux registres. Le contexte : Victor Hugo écrit du 5 juillet au 11 août 1838 un drame en vers spécialement pour l’inauguration du Théâtre de la Renaissance qu’il vient de fonder (et dont le directeur et Anténor Joly) avec l’appui du duc d’Orléans, fils aîné de Louis-Philippe. La pièce :

• Forme et structure : Pièce en cinq actes chacun portant un titre. Au total, vingt-sept scène (5 + 5 + 5 + 8 + 4). Trois personnages principaux et un grand nombre de personnages secondaires, dont le très important don César de Bazan, grand d’Espagne caché sous les traits de Zafari.

• Le lieu et temps : : à Madrid, dans les différentes pièces du palais royal (I,II,III), puis dans la petite chambre d’une maison (maison secrète de Salluste) (IV,V). L’action se situe sous le règne de Charles II, en mai (I), le 29 juin (II), six mois plus tard, les 29 et 30 décembre (III,IV,V) de l’année 169… L’imprécision volontaire quant à l’année permet à Hugo de faire de sa pièce un concentré des éléments du règne, et non pas simplement la chronique d’un moment précis.

• Personnages : Ruy Blas, laquais du Premier ministre, jeune homme idéaliste, amoureux de la reine ; la reine, jeune femme qui s’ennuie et tombe amoureuse de Ruy Blas en qui elle voit un homme providentiel ; don Salluste, grand d’Espagne, froid calculateur et sans pitié ; don César de Bazan, noble désargenté qui s’est fait bandit (sous le nom de Zafari) mais qui reste fidèle à son code d’honneur ; un ensemble de « grands », tous plus corrompus les uns que les autres ; des personnages caricaturaux (don Guritan, la duchesse d’Albuquerque, la duègne et un valet) qui apporte une note comique.

• Intrigue : don Salluste, grand d’Espagne et homme de pouvoir, médite dans l’ombre une terrible vengeance contre la reine qui l’ disgracié. Après avoir surpris les confidences amoureuses de Ruy Blas à son ami Zafari (alias Don César de Bazan) et s’être débarrassé de celui-ci en le faisant vendre aux barbaresques, il imagine de donner, tout en le tenant à sa merci, son valet comme amant à la reine en le faisant passer pour Don César. L’entreprise réussit et Ruy Blas devient Premier ministre et amant (de cœur) de la reine. Mais au moment où le piège va se refermer et le

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scandale éclater, Ruy Blas se démasque, tue don Salluste et se suicide, alors que la reine l’assure de son amour.

• Enjeux : éclatante illustration de la théorie du drame romantique prôné par Hugo. A côté des passages comiques, le spectateur ne peut que s’angoisser de voir un ignoble et machiavélique personnage poursuivre de sa haine deux innocents qui s’aiment d’un amour aussi impossible que romantique. Mais la pièce n’est pas que pathétique. Hugo y met aussi l’Histoire et invite à une réflexion politique : le peuple, incarné par Ruy Blas, ne peut-il pas légitimement demander des comptes à ceux qui le gouvernent et l’oppressent ? Jusqu’à quand sa parole sera t-elle muselée.

Hugo et Ruy Blas Victor Hugo a un peut plus de 25 ans lorsque, le 5 décembre 1827, il fait son entrée dans l’univers du théâtre. Entrée fracassante, s’il en est, non pas à cause de Cromwell, la pièce qu’il publie alors – elle est énorme et injouable – mais grâce à sa Préface qui l’accompagne. Dans cette Préface, Hugo, qui a vu représenter Shakespeare à Paris cette même année et qui connaît les deux Racine et Shakespeare de Stendhal (1823 et 1825) s’en prend à la dramaturgie classique et définit un nouveau genre pour la scène (aujourd’hui communément appelé « drame romantique »), dont il analyse et justifie les principes esthétiques : mise en pièce de la règle des trois unités, mélange des genres, liberté dans l’expression et le ton, libération de l’alexandrin qui s’assouplit, refus des modèles. La Préface de Cromwell, véritable manifeste, enthousiasme la jeune génération d’écrivains autour de Hugo, dont la plupart sont d’ailleurs ses amis, et le pose comme le chef de file d’un nouveau théâtre. Les luttes jusqu’en 1838 C’est sans doute le succès de la pièce d’Alexandre Dumas, Henri III et sa cour, premier drame écrit selon les principes de la Préface à être applaudi en février 1829 à la Comédie-Française, qui donne à Hugo l’envie de revenir à la création dramatique. Entre-temps, il s’est surtout consacré à la poésie. Hugo écrit alors un drame, Marion Delorme, qui, bien qu’ayant été reçu par la Comédie-Française, est interdite en juillet 1829 par la censure de Charles X, effarouchée de l’image qui est donnée de la royauté en la personne de Louis XIII. Presque aussitôt, à la fin août, Hugo se remet au travail et, en moins d’un mois, écrit Hernani. La pièce est accepté par la Comédie-Française le 4 octobre 1829 et la première a lieu le 25 février 1830. La soirée s’énonçait chaude, elle le fut. Le chahut est tel entre les tenants de la tradition classique et les jeunes romantiques emmenés par Théophile Gauthier et son « gilet rouge » qu’on en parle encore aujourd’hui comme de « la bataille d’Hernani », laquelle, en fait, se prolonge jusqu’en juin 1830, durant les trente-cinq représentations suivantes. Mais au total, c’est un succès, et le drame romantique gagne là son droit de cité, sans toutefois parvenir à désarmer entièrement ses adversaires. Les années qui suivent sont loin d’être un long fleuve tranquille pour Hugo. Si, par ailleurs, il s’affirme comme poète avec Les Feuilles d’automne (1831) ou Les Voix intérieures (1837), et comme romancier avec, notamment, Notre-Dame de Paris (1831), pour la scène, il n’en va pas de même. Globalement, le public « populaire » applaudit, mais Hugo doit constamment faire face à la censure royale, à l’hostilité presque générale des critiques de la presse majoritairement conservatrice, à quoi s’ajoutent des démêlés avec les théâtres eux-mêmes.

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La représentation de Marion Delorme dans une version remaniée, à la salle de la Porte Saint-Martin en 1831, sont houleuses. Le roi s’amuse, drame en vers dont le héros est le pathétique Triboulet, fou du roi, et qui évoque la cour de François Ier, est interdit immédiatement après la première à la Comédie-Française (novembre 1832). Viennent ensuite trois drames en prose : en 1833, Lucrèce Borgia, qui triomphe en février, et Marie Tudor, dont l’accueil est plus mitigé (novembre) représentés tous deux à la Porte Saint-Martin ; et Angelo tyran de Padoue qui, malgré les critiques, fait un triomphe à la Comédie-Française. Hugo se brouille avec les deux théâtres habituels et c’est ainsi qu’il en vient à participer, avec le soutien du duc d’Orléans, qui souhaite la création d’un second Théâtre-Français, à la fondation du Théâtre de la Renaissance pour l’inauguration duquel il écrit un drame en cinq acte et en vers Ruy Blas. Ecriture et création Victor Hugo écrit sa pièce Ruy Blas en quelques semaine du 5 juillet au 11 août 1838. Il apporte un soin jaloux aux décors qu’il dessine en bonne partie. Il insiste pour qu’on ne diminue pas le nombre des places « populaire » et qu’on ne supprime pas entre la scène et

la salle la rampe quinquets. C’est lui qui choisit Frédérick Lemaître pour le rôle de Ruy Blas et qui finit par préféré pour celui de la reine Louise Beaudoin à Juliette Drouet, sa maîtresse. Il tient lui même à expliquer leur rôle aux acteurs et à surveiller leur jeu. En fait, il assure la mise en scène de sa pièce dans les moindre détails. La première a eu lieu le 8 novembre 1838 et est applaudie. Même si au cours des représentation suivantes (surtout la 4e), il y a des remous et des sifflets à la fin du troisième acte et durant de quatrième, Ruy Blas est joué une cinquantaine de fois jusqu’au 26 mai 1839 et s’avère un succès, tant populaire que financier. Seuls, comme cela avait déjà été souvent le cas pour les pièces précédentes de Hugo, les critiques professionnels, pour des raisons politiques ou esthétiques, se montrent virulents.

Dès le mois de décembre 1838, Ruy Blas paraît chez l’éditeur parisien Delloye.

Les sources de Ruy Blas Les sources de la pièce sont extrêmement nombreuses : aussi n’en retiendrons-nous que les plus significatives. Les sources historiques Pour évoquer cette Espagne de la seconde moitié du XVIIe siècle, Hugo a minutieusement accumulé les informations. Il dispose d’abord, quant au lieux, de souvenirs personnels, puisqu’il a passé une partie de son enfance en Espagne. Il possède aussi la documentation qu’il avait déjà réunie pour Hernani. Hugo s’est particulièrement servi de trois textes : L’Etat présent de l’Espagne par l’Abbé Vayrac (1718) pour les renseignements économiques et politiques, Les Mémoires de la Cour d’Espagne de Mme d’Aulnoy (1690) pour ce qui est des mœurs et des personnages de l’entourage de Charles II et enfin Les mémoires secrètes non répertoriées jusqu’alors du marquis de Louville (1818) qui peint la décadence de l’Espagne (cf tirade de Ruy Blas Acte III,2)

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Victor Hugo a pris la liberté de faire fusionner dans sa reine trois reines différentes : Marie-Louise d’Orléans, première épouse de Charles II, jeune et charmante, Marie-Anne de Neubourg, sa seconde épouse, et Marie-Anne d’Autriche, la mère du roi, la seule à avoir eu un favori, un petit gentilhomme, Fernando de Valenzuela. Les sources littéraires L’histoire de reines se mourant d’ennui sous l’étiquette impérieuse se retrouve dans Don Carlos de Schiller, qui raconte le sort malheureux d’Elisabeth de Valois contrainte d’épouser le roi Philippe II, alors qu’elle aime l’infant Don Carlos. On retrouve ce même thème dans le drame en prose de Latouche La reine d’Espagne (1831) qui met en scène précisément Charles II et Marie-Louise d’Orléans. Il semble que l’idée du laquais dont le statut social interdit l’épanouissement de son intelligence et qui aime au-dessus de sa condition se retrouve dans les Confessions de Jean-Jacques Rousseau. Le thème du valet déguisé permet assurément d’établir un lien entre Ruy Blas et la tradition comique italienne mais il associe de façon plus évidente le drame du laquais déguisé en grand d’Espagne avec Les Précieuses ridicules (1659) de Molière et avec les intrigues que l’on retrouve dans le théâtre de Marivaux : Les Fausses Suivantes (1724), Le Jeu de l’amour et du hasard (1730) et dans l’Epreuve (1740). Le thème des amours illégitimes des reines a déjà été expérimenté par Victor Hugo, dès 1833, dans Marie Tudor, drame qui met en scène cette reine d’Angleterre (1516-1558), épouse de Philippe II d’Espagne, qui essaie de sauver son amant, Fabiano Fabiani, aventurier italien accusé injustement d’avoir comploté sa mort. On retrouve ce également ce thème dans le drame en cinq actes de Gaillardet Struensee ou le Médecin de la reine (1833). Le héros Struensee, est un médecin d’origine populaire qui, à la cour du Danemark, devient l’homme de confiance de la reine Caroline, mais aussi son amant. Il essaie de faire rendre gorge aux privilégiés du royaume avant d’être exécuté. Nombreuses sont les référence où le maître et les valets s’opposent. Il suffit d’observer le théâtre de Molière à Beaumarchais : Scapin dans les Fourberies de Scapin de Molière (1671) Sganarelle dans Dom Juan de Molière (1665) Arlequin dans l’Île des esclaves de Marivaux (1725) Figaro dans le Mariage de Figaro de Beaumarchais (1784) La vengeance de don Salluste a pu être suggéré à Hugo par celle de la marquise de la Pommeraye dans Jacques Le Fataliste de Diderot. Le caractère démoniaque de don Salluste a pu être inspiré par le premier Faust de Goethe. Hugo a dû être également influencé par les grands noms du Théâtre espagnol : Fernando de Rojas (La Célestine), Caldéron, Lope de Vega. C’est ainsi que La vie est un songe (1635), de Caldéron peut avoir laissé sa marque dans la dramaturgie de Ruy Blas par l’usage qui y est fait des retournements et des coups de théâtre.

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Résumé de la pièce Acte I : Don Salluste (le salon des Danaé au palais) Don Salluste est furieux. Lui, grand d’Espagne, président redouté du tribunal des alcades, le voilà disgracié par la reine ! Sa vengeance sera redoutable ! (I,1). Survient son cousin, don César de Bazan, grand seigneur dévoyé, connu par les spadassins qu’il fréquente sous le nom de Zafari. Il lui prêtera main forte. Grossière erreur ! Un gentilhomme réplique Don César, ne saurait se venger d’une femme (I,2). Coup de théâtre. Ruy Blas, laquais de don Salluste, reconnaît Zafari (dont il ignore en revanche le rang). Il confie à son ancien compagnon de bohême son impossible amour pour la reine. Le perfide don Salluste a tout entendu. Il a aussi remarqué une vague ressemblance entre les deux hommes. Un plan machiavélique germe aussitôt dans son esprit. Il fait arrêter don César (I,3). Et voilà Ruy Blas dépouillé de sa livrée de laquais et revêtu du manteau de son maître ! Médusé, le jeune homme est poussé par ce dernier dans la galerie où va passer la reine (I,4). Le voici promu don César de Bazan, revenu des Indes, par don Salluste qui le présente ainsi à la cour. Avant son départ le redoutable Salluste intime l’ordre à Ruy Blas, en désignant secrètement la reine : « De plaire à cette femme et d’être son amant ». Acte II : La reine d’Espagne (un salon contigu à sa chambre) Quel ennui ! L’intraitable camerera major s’emploie à faire respecter l’étiquette et la reine ne peut « ni sortir, ni jouer, ni manger » à sa guise (II,1). Comment ne pas penser alors à la lettre d’amour qu’un mystérieux jeune homme a déposé sur un banc dans le parc ? Laissée seule, la reine que la prière ne peut détourner de sa coupable inclinaison, relit le doux billet (II,2). Voici justement qu’arrive une lettre du roi apporté par Ruy Blas : « Madame, il fait grand vent et j’ai tué six loups. » Piètres mots d’amour dictés de surcroît ! Mais cette écriture, n’est-ce pas celle du mystérieux inconnu ? A divers indices la reine devine en Ruy Blas l’auteur du billet (II,3). Mais don Guritan, vieux majordome épris de la souveraine voit du plus mauvais œil l’intérêt de la reine pour le nouveau venu. Jaloux, il provoque Ruy Blas en duel (II,4). Avertie par Casilda des intentions de don Guritan, la reine éloigne le gentilhomme importun. En route pour Neubourg, à 600 lieues de Madrid (II,5). Acte III : Ruy Blas (la salle du gouvernement) Grande agitation dans la salle du conseil ! Les grands d’Espagne commentent à mi-voix la fulgurante ascension de Ruy Blas et son ascendant sur la reine. Pourtant, s’étonnent les courtisans tous deux semblent se fuir. Ils abordent ensuite les affaires publiques. Chacun entend tirer de la gestion du royaume de substantiels bénéfices ! Le ton monte (III,1). C’est alors que Ruy Blas fait irruption dans la salle et lance le très célèbre : « Bon appétit, messieurs, ô ministres intègres ! » Suivent de virulents reproches de la part de Ruy Blas qui dénonce la cupidité des conseillers et brosse avec éloquence, le tableau d’une Espagne à son déclin (III,2). Dissimulée dans un cabinet secret, la reine a tout entendu. Pleine de gratitude, elle exprime sa reconnaissance au jeune homme et lâche cet aveu : « Reine pour tous, pour vous je ne suis qu’une femme » (III,3).

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Seul, Ruy Blas exulte. Galvanisé par l’amour de sa reine, il peut tout entreprendre ! (III,4). Félicité de courte durée ! Salluste réapparaît et rappelle à Ruy Blas son état de valet. Le malheureux, désespéré, devine enfin les intentions vengeresses de Salluste envers la reine (III,5). Acte IV : Don César (une petite chambre dans la maison de Don Salluste) Comment sauver la reine, se demande Ruy Blas aux abois ? Il envoie un page prier don Guritan (revenu de Neubourg) d’empêcher la reine de quitter le palais et il sort (IV,1). Coup de théâtre. Don César, fuyant les alguazils, fait une entrée rocambolesque par la cheminée. Toujours plein d’entrain et de verve, il troque son manteau éculé contre le manteau que Ruy Blas a laissé, et se met à table (IV,2). Surviennent alors une série de quiproquos. Le laquais envoyé par Salluste remet à don César une somme d’argent destinée à Ruy Blas (IV,3). Puis une duègne, envoyée par la reine, vient s’assurer que le message reçu est bien celui envoyé par don César (alias Ruy Blas). Le vrai don César, enchanté de sa bonne fortune, ne la dément pas (IV,4). Don Guritan se présente à son tour. Même méprise sur l’identité de don César. Le duel qui les oppose est fatal pour le vieillard (IV,5). Le retour de don César fait craindre un instant à don Salluste que son terrible plan n’échoue. Croyant l’embarrasser, don César lui révèle au contraire par ses propos que rien n’est perdu. Il fait alors à nouveau arrêter don César pris pour un imposteur et un voleur (IV,6,7,8). Acte V : Le tigre et le lion (même chambre) Ruy Blas qui croit la reine sauvée, s’apprête à s’empoisonner ? (V,1) Coup de théâtre : la reine arrive. Ruy Blas l’engage à se retirer. La reine surprise et déçue s’étonne de cet accueil (V,2). Deuxième coup de théâtre. Don Salluste fait irruption dans la chambre et déclare à la reine qu’elle est perdue et qu’il lui faut abdiquer. Troisième coup de théâtre. Ruy Blas révèle à la reine sa véritable identité : « Je m’appelle Ruy Blas et je suis un laquais. » Puis il tue Don Salluste (V,3). Ruy Blas, auquel la reine n’a pas pardonné son forfait, se suicide. La reine bouleversée lui accorde alors son pardon en l’appelant par son vrai nom (V,4).

Ruy Blas un drame romantique On dit souvent que Ruy Blas est le dernier succès du drame romantique et qu’il en constitue un exemple achevé. Ruy Blas, en effet, représente une forme aboutie des principales innovations qu’a apportées le drame romantique. Un drame qui s’inscrit dans l’histoire L’histoire occupe une large place dans le genre romantique. Sa fonction, comme le précise Hugo dans la Préface de Marie Tudor, est d’éduquer le public et de ressusciter un passé susceptible de faire comprendre le présent. Il s’agit donc d’aller bien au-delà d’un conflit de cour ou de diplomatie. Le dramaturge doit restituer toute une époque et le mouvement de toute une société pour faire comprendre le présent ou le passé proche. Avec cet objectif d’éducation, il est clair que l’on retrouve pas, dans le drame romantique, la même histoire que celle privilégiée dans la tragédie classique, histoire antique, voire légendaire.

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Ruy Blas s’inscrit dans l’histoire de l’Espagne, vers 1695, à un moment qui voit la fin d’une dynastie royale et la décadence de la noblesse. Tout dans Ruy Blas exprime la défaire d’un royaume qui a été grand et ne l’est plus. L’absence du roi dit la vacuité du pouvoir ; l’ennui de la reine souligne l’immobilisme des valeurs et en quelque sorte l’arrêt du temps dans le palais ; les retours clandestins de don Salluste et de son cousin César défient les autorités policière et judiciaire de l’Etat, tout comme les incessants méfaits du bandit Matabolos ; quant au destin de Ruy Blas, un laquais devenant en six mois Premier ministre, il montre la tournure de farcesque que peut prendre l’accès aux plus hautes dignités dans un royaume en plein déclin. Mais ces stigmates de la décadence se lisent étroitement associé à ce qu’il reste des grandeurs passées. Ruy Blas, dans les trois premiers actes, laisse voir une société aristocratique et princière encadrée par de brillantes traditions et bénéficiant de très importantes sources de revenus. La première scène de l’acte III rend évident le sentiment de confiance en l’avenir de la junte du conseil privé : on se dispute avec énergie les fermes d’impôts les plus rentables. Le réalisme historique est encore marqué par la juxtaposition de la vision du palais royal, guindé dans son faste austère, et la vision de Madrid, encanaillée et menaçante. Hugo donne ainsi accès à la « totalité » d’une époque, à la « couleur locale » qu’il dit indispensable au drame, dans la Préface de Cromwell. A partir de tous ces détails d’un passé encore significatif, Ruy Blas invite le public de la monarchie de Juillet à réfléchir sur toutes les fausses grandeurs qui peuvent masquer le profond déclin de la royauté. La contestation des règles Le drame romantique se définit comme une révolution esthétique. Il s’agit de la promotion d’un nouveau genre théâtral en opposition avec l’esthétique classique surtout avec les règles qui la fondent. Les conventions classiques les plus vigoureusement éliminées ont été celles de l’unité de lieu et de l’unité de temps ; la règle de bienséance a été, elle aussi, mise à mal. Ces rupture ont placé le drame romantique sous le sceau de la liberté. Ruy Blas illustre assurément ce renouvellement dramaturgique, mais avec mesure. Même si le temps du drame représente un petit plus de six mois, il faut remarquer que l’action, dans chacun des cinq actes, se rapporte à une journée. Quant aux lieux de l’action, on peut les réduire à deux espaces, le palais royal (salon des Danaé, salon de la reine, salle de gouvernent), puis la maison secrète de Salluste. La règle de bienséance, qui interdit la mort sur scène, Hugo semble soucieux de la respecter dans Ruy Blas : les coups d’épée qui tuent don Guritan et don Salluste sont donnés en dehors de la scène. Cette modération dans l’exclusion des règles classiques est à associer au fait que Ruy Blas est un drame en vers. Hugo prend là quelques distances avec la définition du drame romantique donnée par Stendhal dans Racine et Shakespeare (1823) : « Le romantisme appliqué au genre tragique, c’est la tragédie en prose qui dure plusieurs mois et se passe en divers lieux ». Le mélange des genres Victor Hugo a fait du mélange des genres une obligation absolue car c’est le principe de départ pour instaurer ce qui lui tient le plus à cœur : la fusion du sublime et du grotesque. Cette fusion est omniprésente dans Ruy Blas. Tout peut se lire et se dire en ces termes antithétiques. On peut saisir dans chaque personnage cette dualité contradictoire. Ruy Blas est un laquais qui aspire à la grandeur ; don César a deux noms et deux histoires totalement opposées ; don Salluste a des amours avec une suivante, alors que son laquais fait vibrer le cœur de la reine ; Cette femme jeune, belle et puissante inspire deux passions qui l’une et l’autre relèvent du grotesque : Ruy Blas est le « ver de terre », don Guritan le « pauvre héron » Tous les registres dans Ruy Blas sont réversibles. Le sublime réquisitoire de Ruy Blas, à la scène 2 de l’acte III, devient grotesque à travers les commentaires qu’en fait don Salluste, deux scènes plus loin : « Cela sent son pendant et son petit génie / … C’est un

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bouffon ». Les retournements de situation, si nombreux dans ce drame, déclinent ensemble de la tragédie et celui du mélodrame. L’acte IV, aux scènes 2 ?3 ?4 et 5 apparaît au premier degré comme une suite de scènes grotesques avec toutes les complications du mélodrame. Mais la scène 7 transforme tout ce méli-mélo en piège tragique pour don César, Ruy Blas et la reine : le constat de don Salluste, « Il n’a rien dérangé / Au contraire », le précise clairement. Don César devient involontairement l’allié de son bourreau. L’acte V maintient la fusion du sublime et du grotesque, dans le pathétique grotesque du cri de la reine, « Grâce », pour sauver don Salluste qui est là pour la perdre. Ruy Blas restitue les principales aspirations du drame romantique, mais sa simplicité s’impose dans la géniale antithèse entre le sublime et le grotesque qui sous-tend tous les éléments du drame.

Les thèmes de Ruy Blas Ruy Blas se présente comme un ensemble complexe dans lequel les thèmes ne cessent de s’imbriquer les uns aux autres jusqu’à former un réseau d’une extrême densité. La vengeance de don Salluste Cette vengeance est le fil conducteur, le moteur de l’intrigue. Celle-ci se développe avec une simplicité, une linéarité et une rigueur implacable. La rancœur initiale de don Salluste résulte d’événements antérieurs au début de la pièce Durant l’acte I, Salluste cherche quelle pourrait bien être sa vengeance et finit par la trouver : il ne le dit pas explicitement, mais le vers 584 (« De plaire à cette femme et d’être son amant ») montre qu’il appliquera la loi du talion. Durant les actes II et III, le thème de la vengeance disparaît en apparence et revient au premier plan à la scène 5 de l’acte III,

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avec le rappel, au moment où tout se noue, du second billet écrit par Ruy Blas. Il repasse au second plan à l’acte IV, mais surgit avec le piège tendu à la reine grâce au rendez-vous du premier billet (V,2) et finit par se révéler en plein lumière à la fin de l’acte (la résolution). Cette vengeance se caractérise par son côté pervers, diaboliquement machiavélique. Et ruy Blas s’en fait à son insu l’instrument : plus il affirme son génie politique et acquiert de pouvoir, plus il est aimé de la reine ; plus l’amour devient manifeste entre eux, plus ils se fragilent face au chantage de don Salluste et plus ils tomberont de haut, plus le scandale sera grand, plus dure sera la chute. L’ensemble fonctionne comme un piège où chaque effort de la victime pour se dégager resserre le nœud coulant qui l’étrangle. C’est donc ce à quoi Ruy Blas tient le plus, d’une part sa passion pour la reine et d’autre part son idéal politique qui entraîne la catastrophe. Comme dès lors lutter contre une entreprise funeste dont les victimes elles-mêmes, malgré elles, se trouvent être les agents et les complices. La vengeance répond symétriquement aux griefs de Salluste envers la reine depuis la scène 1 de l’acte I. Il le dit clairement aux vers 2160-2163 : l’abandon du trône, le bannissement, le déshonneur. Comme César qui envisageait de se venger de son cousin en le ridiculisant publiquement par un scandale, Salluste vise surtout à ruiner l’image de la reine en révélant ses amours avec un laquais. Il n’évoque même pas un instant l’adultère : pour lui et pour cette société si imbue de ses préjugés de classe, c’est le fait d’avoir « dérogé » à son rang qui sera le véritable objet de scandale. La lutte faustienne entre le bien et le mal L’intrigue de Ruy Blas doit beaucoup au mythe de Faust. Hugo la bâtit en bonne partie en s’inspirant du Premier Faust de Goethe (1808), traduit en français en 1828 par Gérard de Nerval. Il reprend et adapte les principaux éléments constitutifs du thème, mais les inscrit dans une perspective tout à fait autre. Faust passe un marché avec le diable : en échange de son âme (donc de sa damnation éternelle), celui-ci lui procurera tous les plaisirs terrestres : savoir, pouvoir, amour, jeunesse… Les similitudes entre Ruy Blas et l’histoire de Faust sont évidentes. Les vers 421 (« Oh ! mon âme au démon ! je la vendrais ») et 425 (« Oui, je me damnerai ») alertent sur ce rapprochement. On comprend alors (par une lecture rétrospective de la scène 3 de l’acte I) que Ruy Blas, comme Faust, est au départ dans un déséquilibre intellectuel, social et affectif provenant du hiatus entre ses aspirations et la réalité qu’il vit. Ensuite quand, par le second billet, Ruy Blas atteste de sa condition de laquais au service de Salluste (I,4), on reconnaît là une transposition du fameux pacte par lequel Faust vend son âme au diable en échange de la jeunesse et du pouvoir. Ruy Blas lui aussi vend son âme mais il ne le sait pas. Salluste, qui dit vouloir le bonheur de Ruy Blas, l’introduit à la cour et, même que le diable procure tous les plaisirs du monde à Faust, favorise son ascension. Cette réussite sociale sert la mission de Ruy Blas « de plaire à cette femme et d’être son amant » (v 584), de même que Méphistophélès aide Faust à vaincre la pudeur d’une Marguerite inaccessible. Enfin, Quand Salluste contrecarre par sa vengeance l’amour des deux amants, Ruy Blas, tout comme le Faust de Goethe voyant qu’il a perdu Marguerite, se rebelle contre son maître, considérant que le contrat n’a été qu’imparfaitement rempli. Si l’assimilation de Ruy Blas à Faust dès le vers 421 et 425 est évidente, celle de don Salluste au démon l’est tout autant. Elle est explicite et continue tout au long de la pièce. Le vrai don César la fait dès le vers 182 (I,2) : « Vous avez toujours eu de l’esprit comme un diable » ; il récidive au vers 450 (I,3) ; au vers 1716 où il s’écrie : « Je suis chez Belzébuth, ma parole d’honneur ! » (IV,3) ; aux vers 1790 (IV,4) et 1937 (IV,7). La reine la fait au vers 590 (« le mauvais ange »), 604 (« bouche de serpent »), 612 (« cet effrayant démon »). Ruy Blas la

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fait aussi au vers 2100 (V,3) dans une exclamation où il déclare que c’est Satan qui a ouvert la porte à la reine ; au vers 2172 (« Marquis, jusqu’à ce jour Satan te protégea ») ; au vers 2210 (« Le démon ne peut plus être sauvé par l’ange ! ») Enfin Hugo écrit dans sa Note de 1838, à propos du comédien Mauzin (sans toutefois aller jusqu’à évoquer la structure de l’intrigue comme renvoyant à Faust) : « Don Salluste, c’est Satan, amis c’est Satan grand d’Espagne de première classe ; c’est l’orgueil du démon sous la fierté du marquis. » A l’origine, dans le premier grand Faust théâtral , La Tragique Histoire du docteur Faust (vers 1589) de Christophe Marlowe, l’affrontement du diable et de Faust est métaphysique : c’est le problème du salut éternel qui est posé. Ensuite chez Goethe avec Marguerite, une histoire d’amour qui vient se greffer sur le thème du salut : la révolte de Faust contre le diable résulte d’une insatisfaction sentimentale. Dans Ruy Blas, Hugo transpose l’opposition sur la plan humain. Aux vers 421 et 425, les termes de « démon » ou de « diable » sont des métaphores qui n’ont pas de résonances métaphysique. La question du salut éternel ne se pose plus : l’intrigue, pour faustienne qu’elle soit, gravite autour des thèmes de l’amour, de la morale et du politique. Ruy Blas en écrivant le second billet de la scène 4 de l’acte I, n’a pas conscience de vendre son âme au diable : il se soumet seulement à l’ordre social. Quand il vit son amour avec la reine, il ignore qu’il se fait l’instrument d’une vengeance : il ne découvre la vérité qu’au dernier moment. Ainsi si l’affrontement de Ruy Blas et Salluste ne se réduit pas à l’affrontement entre deux hommes, ce n’est pas parce qu’il y a une connotation religieuse, mais parce qu’il prend la valeur symbolique de la lutte de l’innoncence contre le machiavélisme, du bien contre le mal. Par conséquent, dans Ruy Blas, Hugo fait passer le thème de Faust du plan métaphysique au plan éthique. Rien d’interdit de voir aussi dans le couple Ruy Blas –Salluste, couple pureté-corruption, et cette fois la dimension métaphysique est remplacé par la réflexion politique.

Un couple romantique A côté de don Salluste dans le rôle du « méchant », Ruy Blas et la reine attirent à eux la sympathie du spectateur. Ils forment un couple pathétique par l’innocence de leur histoire d’amour. Chacun en les voyant ne peut que penser comme Ruy Blas : « Oh ! l’on aurait bien dû / Nous laisser en paix ! » (v. 2047 – 2048). Ils sont terriblement romantiques. Cet amour ne naît pas de la même manière chez les deux amants, même si tous deux offrent dès le départ un terrain favorable, l’un à cause de son idéalisme, l’autre de son ennui. Chez Ruy Blas Blas, c’est une sentiment qui s’impose à lui sans qu’il puisse se l’expliquer. Tout ce qu’il peut répondre à César-Zafari, c’est : « Comment cette démence en mon cœur s’amassa, / Je l’ignore. » (v. 396-397) ; « Est-ce que je sais, moi ! » (v. 421) ; »Je l’aime, voilà tout ! » (v. 436). « Et depuis, il a dans « la poitrine une hydre aux dents de flammes » (v. 354). Chez la reine, au contraire, l’amour est le produit d’une maturation. Délaissée par son mari, elle ne voit au début dans les fleur que dépose la nuit le « jeune homme inconnu » qu »un geste de commisération. Elle dira plus tard : « D’abord, je t’ai vu bon » (III,3, v 1251). Mais les risques pris par celui-ci, sa blessure et la lettre ardente qu’il lui a adressée ont vite raison de ses scrupules : « Quand l’âme a soif, il faut qu’elle se désaltère, / Fût-ce dans du poison ! » (v. 801-802). Elle s’enflamme à son tour pour et « ami dont l’ombre (l’) accompagne » et dont elle relit « sans cesse » la lettre, malgré elle. Une fois que tous deux se seront « reconnu » (II,3) à des signes qui ne trompent pas – même si ceux-ci restent du domaine du non-dit – ils seront parfaitement au clair sur le sentiment qui les unit. Jusqu’à la fin de l’acte III, d’aimer et de se savoir aimés affermit le caractère des deux amants. Encore émerveillé de ce qu’il vient de comprendre, Ruy Blas, alors qu’il s’est évanoui dans la scène précédente, accepte sans broncher le défi en duel de don Guritan (II,4). Six

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mois plus tard, il est devenu un ministre à la verve sarcastique qui ne se prive pas de donner des leçons aux grands d’Espagne dans un réquisitoire impitoyable. Tout cela, comme il le dit peu après à la reine, « Parce que je vous aime ! » ; « que pour vous sauver je sauverai le monde ! » (v 1211 et 1214). Quant à la reine, elle aussi s’est métamorphosée. Elle qui apparaît prisonnière des usages, « pauvre esprit sans flambeau dans un chemin obscur » (v 755), a manœuvré don Guritan dès la scène 5 de l’acte II pour sauver Ruy Blas d’un duel. Elle qui assistait passivement du « réduit obscur » « au conseil » « où l’on vendait l’Etat », s’est mêlée des affaires publiques en favorisant secrètement durant six mois la carrière de Ruy Blas. Elle a maintenant une opinion politique : il faut « sauver l’Etat qui tremble, et retirer du gouffre / Le peuple qui travaille » (v 1265-1266). La scène 3 de l’acte III, où pour la première fois Ruy Blas et la reine se parlent seul à seule, culmine dans l’exaltation lyrique, dans l’aveu enflammé de leur passion mutuelle, dans l’expression hyperbolique de leur dévotion et de leur admiration réciproques. C’est de l’extase où il se trouve à la scène 4 de l’acte III que Ruy Blas tire la force de tenir tête à Salluste pendant une partie de la scène suivante, jusqu’au moment où il lui faudra céder devant la pression du grand seigneur qui le tient à sa merci. Cet amour est adultère. Hugo évite l’écueil moral qui risquait de choquer le public (la bienséance externe des classiques), d’abord en évitant, même dans les propos de Salluste, de le rappeler, ensuite en insistant sur la chasteté et la pureté des relations des deux amants. Cet amour est à la fois dévouement à l’autre et confiance en l’autre. La reine « appartient » de cœur à Ruy Blas et a « foi dans (s)on honneur pour le (s)ien » (v 1272) et affirme qu’elle viendra quand Ruy Blas l’appellera, ce qu’elle fera à l’acte V. Ruy Blas, à la fin du monologue (III,4, v1297-1308) exprime exactement la même attitude : il ira jusqu’à la mort pour protéger la reine. Mais – et c’est évidemment la source du pathétique – c’est que cet amour est impossible. Une double fatalité vient le contrarier. La première est originelle et sociale : « Une fatalité dont on soit ébloui » (v 360) a voulu que le laquais aimât la femme la plus inaccessible qui fût, la reine. Tout est dit dans le vers 798 « … ver de terre amoureux d’une étoile ». La seconde est circonstancielle et dramatique (liée à l’action) : la vengeance de Salluste fait clore cet amour, mais c’est pour mieux le tuer. Ainsi, pour filer la métaphore, même si le ver de terre, Ruy Blas devient papillon (le faux César), s’approche de l’étoile et s’en fait aimer, Salluste est là pour lui rappeler (III,5 et V,3) qu’il n’est qu’un ver de terre. Le destin – on retrouve là, avec cette prescience plus ou moins ressentie de la mort au sein même du bonheur, la dimension mortifère des héros et des amours romantiques – s’acharne sur les deux amants. Leur histoire est d’autant plus belle, d’autant plus grande et d’autant plus triste… L’Histoire en question Hugo pose lui même la question de l’histoire dans la Préface de Ruy Blas « … au point de vue de la philosophie de l’histoire, qu’elle est le sens du drame ? » et il entreprend d’expliquer l’un des niveaux de lecture possibles de sa pièce. Mais on sent bien qu’au-delà de l’analyse de l’Espagne de la fin du XVIIe siècle, il vise un panorama plus vaste. Hugo ne comptait manifestement pas se laisser enfermer dans la simple reconstitution d’une époque singulière. Tout montre qu’il a cherché à généraliser. L’imprécision de la date (« 169. ») en est la première preuve. De même, dans de nombreux cas, alors qu’il dispose d’une documentation précise, il déforme les noms de lieux et de personnes. Il conçoit ses personnages, non pas comme de simples individualités, mais comme des être représentatifs, emblématiques. Le pouvoir, ici de Charles II, « est une ombre ». Salluste et les membres du conseil sont des aristocrates profiteurs, sans souci du bien commun ni civisme élémentaire : « On ne songe plus qu’à soi ». César, « bonne, brave, loyale et intelligente nature », est l’autre partie de la noblesse qui, écœurée de la situation et impuissante à modifier le cour

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des choses, se réfugie dans le fuite hédoniste, « n’ayant plus du gentilhomme que son honneur qu’il garde, son nom qu’il cache, et son épée qu’il montre ». Quant au personnage de la reine, Hugo l’a délibérément « fabriqué » par la fusion de trois reines : la véritable Maria de Neubourg, qui se mêla des affaires publiques et ne fut guère angélique ; Marie Louise d’Orléans, morte en 1689, première épouse de Charles II qui, elle, était douce, et n’eut aucun rôle politique ; Marie-Anne d’Autriche, veuve de Philippe IV, régente durant la minorité de Charles II, qui confia le pouvoir à son favori Fernando de Valenzuela. De là naît ce personnage de reine-ange, « une pure et lumineuse créature », fantasme d’héroïne romantique, presque une madone, qui pourrait apparaître comme un recours, « penchée vers ceux qui sont en dessous d’elle par pitié royale et par instinct de femme ». A partir de là, Ruy Blas apparaît presque comme une expérience de politique-fiction. « Au moment où la monarchie va s’écrouler, (quels) phénomènes peuvent être observés » ? D’où pourrait venir le salut ? Ne faudrait-il pas que, dans une période de déliquescence, se levât une force nouvelle, un génie providentiel, Ruy Blas, personnage imaginaire au nom composite (de l’espagnol Ruy, « noble », et Blas, « roturier »), figure christique par certains côtés, qui incarnerait le peuple, qui dirait leur fait aux nobles corrompus et pourrait régénérer la royauté ? Oui, mais cela suppose que le temps soient mûrs pour la démocratie… Et ils ne le sont pas, semble ajouter Hugo : l’échec de Ruy Blas n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui, partiel, de la Révolution française. Ainsi Hugo, de plus en plus soucieux du peuple, pressent la montée en puissance de la force du peuple, « qui a l’avenir et qui n’a pas le présent ». Mais lui-même, à l’époque, en 1838, tout démocrate qu’il est, croit encore en la monarchie constitutionnelle et ne deviendra républicain qu’en 1848… Laissons Hugo conclure : « Tous ces aspects sont justes et vrais, mais aucun d’eux n’est complet. La vérité absolue n’est que dans l’ensemble de l’œuvre. »

Présentation des personnages

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Propos du metteur en scène : Jacques Bachelier On peut lire Ruy Blas comme un splendide mélodrame : princesse captive, traître au baiser-poignard, héros chevaleresque, picaresques fantoches, intrigues, passions, retournements… On y peut voir une parabole politique : royauté décadente et noblesse corrompue ; peuple-génie reconnu par la reine qui en fait son ministre. Le Romantisme n’a cessé de régler ses comptes avec la Révolution, Hugo a entrepris d’en écrire le mythe.

« J’ai dans le livre, avec le drame, en prose, en vers, Plaidé pour les petits et pour les misérables. »

Quasimodo, Jean Valjean, Ruy Blas sont des héros du peuple et pour le peuple. Le drame hugolien parle au peuple. Et aux enfants. A tous ceux qui aiment qu’on leur conte des histoires… Ruy Blas, un conte de fées ? Le laquais sauvé par l’amour de sa reine, Cendrillon à l’envers ! Un conte initiatique plutôt. Prisonnier des songes, le héros entrevoit en rêve la Fleur de l’Idéal, la « fleur bleue d’Allemagne ». Cette vision le tue et le sauve, car la Reine sauve et tue, ou plutôt tue parce qu’elle sauve. Ruy Blas, l’histoire d’une damnation et d’une rédemption, le Faust de Victor Hugo. Et si Hugo était le Dante des temps modernes ! Ruy Blas serait alors une figure de l’Homme. L’Homme englué de matière et de fatalité, tapi hagard au creux du gouffre, qui ne peut détourner son œil du petit morceau du ciel resté ouvert au plafond de l’Enfer. Une étoile y scintille, dont il s’éprend éperdument. Mais la lumière de l’astre offense le démon qui a juré sa perte. Le diable manipule alors son homme-lige, le masque et le démasque, le hisse aux portes du ciel pour aimanter l’étoile, puis il les tire tous deux au fond de l’abîme. L’Ange et la Bête s’y affrontent dans un combat cosmique qui prélude la Fin de Satan.

Jacques Bachelier août 2010

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Proposition de travail en classe Question sur l’ensemble de la pièce 1) Dans la Préface de Ruy Blas, Hugo explique que « don Salluste serait le Drame, don César la Comédie, Ruy Blas la Tragédie). En vous aidant des définitions du dictionnaire, justifiez cette déclaration.

2) Quelle histoire amoureuse est à l’origine de la vengeance de don Salluste ? 3) De quel type d’homme a besoin don Salluste pour compromettre la reine ? 4) Comment s’aperçoit-il de l’utilité de Ruy Blas pour parvenir à ses fins ? 5) Quelles réalités historiques dominent l’acte II ? 6) Pourquoi et comment la reine tombe-t-elle amoureuse de Ruy Blas ? 7) Quelles sont les étapes de cet amour montrées à travers la suite des actes ? 8) En quoi les costumes successifs de Ruy Blas accompagnent-ils et racontent-ils l’histoire portée par le drame ?

9) Sous quel nom Ruy Blas fait-il une ascension sociale et politique exceptionnelle ?

10) Quelle fonction ont les titres donnés à chacun des actes ? Quelle est la particularité du titre de l’acte V 11) Associez comme il convient les lettres et les actions présentées ci-dessous Les lettres

a) Lettre signée « César » : acte I, scène 4 b) Lettre signée « Ruy Blas » : acte I, scène 4 c) Lettre sans signature : acte II, scène 2 d) Lettre signée « Carlos » : acte II, scène 3 e) Lettre anonyme : acte III, scène 2 f) Lettre adressée à don Guritan par Ruy Blas, alias don César : acte IV scène 1

Les actions a) Mort de don Guritan b) Arrivée de la reine à la « maison discrète » c) Reconnaissance par la reine du « jeune homme inconnu » d) Défaite de Ruy Blas, Premier ministre, devant Salluste e) La fortune en six mois de Ruy Blas, alias don César f) Vengeance de don Salluste

12) En quoi don César et don Guritan sont-ils à la fois semblables et opposés ? 13) Quels dénouements sont proposés par don Salluste dans la scène 3 de l’acte V ?

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14) Quelle double image de la monarchie espagnole est présentée au lecteur ? 15) Quelle représentation du peuple est donnée dans Ruy Blas ?

Questions sur l’acte 1 Un acte d’exposition 1) L’acte I commence par une longue didascalie qui donne des informations sur le lieu et le temps de l’action. Relevez ces indications spatio-temporelles. 2)L’acte I a pour titre « Don Salluste ». Faites la liste des personnages principaux présentés dans cet acte et établissez les relations qu’ils entretiennent entre eux. Puis, justifiez le choix du titre de l’acte. 3) Ce premier acte montre la colère de don Salluste et le désespoir de Ruy Blas. Expliquez les raisons de leurs états d’âme et présentez les décisions qu’ils prennent pour réagir. La métamorphose de Ruy Blas 4) Ruy Blas apparaît d’abord comme un personnage de second plan. Dites pourquoi et analysez ce choix de l’auteur. 5) A la scène 3, Ruy Blas revient sur son passé et évoque les raisons de son tourment. Identifiez le registre dominant dans cette scène et faites le portrait de ce héros romantique. tragique. 6) La fin de l’acte décrit la métamorphose de Ruy Blas. Identifiez l’accessoire qui lui permet de changer d’identité et faites la liste des objets qui, dans cet acte, vous semblent destinés à jouer un rôle dans l’action. Une esthétique romantique 7) En situant l’action de sa pièce en Espagne, Hugo répond au goût des artistes romantiques pour l’exotisme. Relevez le vocabulaire et les détails qui permettent de créer une atmosphère proprement espagnole. 8) Les dramaturges romantiques cherchent à rendre le langage des personnages plus naturel. Étudiez la façon dont Hugo disloque l’alexandrin aux vers 467 et 536-537. Analyse de la scène 1 de l’acte I, v. 1-46 Montrer comment Hugo parvient à rendre l’exposition de Ruy Blas dynamique I. Une exposition traditionnelle a. Dans cette première scène, Hugo présente les personnages principaux de la pièce. Faites la liste des personnages sur scène et indiquez les protagonistes évoqués au cours du dialogue. Observez la répartition de la parole.

b. Don Salluste expose d’emblée les motifs de sa vengeance en expliquant sa disgrâce. En vous appuyant sur les champs lexicaux, délimitez précisément les deux grands mouvements de son discours.

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c. Au théâtre, les répliques des personnages s’adressent à la fois aux autres personnages de la pièce et aux spectateurs. Dans ce passage, Hugo utilise cette technique (la double énonciation). Analysez le type de répliques employé par don Salluste et identifiez ses différents interlocuteurs. II. Un univers mystérieux et angoissant a. Hugo prend soin de ménager le mystère et l’attente. Comment s’y prend-il ? Étudiez en particulier les métaphores employées par don Salluste pour évoquer son plan.

b. Dans cette scène, la tension est forte. Identifiez les éléments qui permettent de la soutenir, dans les actions mais aussi dans le discours de don Salluste. Vous accorderez une attention particulière à la ponctuation et à l’usage que fait Hugo de l’alexandrin. III. Le drame romantique, une esthétique du mouvement a. Don Salluste a fait l’expérience de l’inconstance du sort, un thème typiquement baroque. Identifiez les figures de style qu’il utilise pour évoquer le caractère brutal de ce retournement de situation.

b. Hugo brouille d’emblée l’identification du genre de sa pièce. Étudiez l’origine sociale des personnages, le thème de l’action et précisez à quel genre ces éléments se rattachent. Montrez aussi le caractère provocant du premier vers.

c. L’auteur viole la règle de bienséance, selon laquelle le langage et les actions d’un personnage doivent être en adéquation avec son origine sociale. Montrez en quoi le langage et les remarques de don Salluste ont pu choquer les contemporains de Hugo.

Questions sur l’acte II La reine, un personnage romantique 1) A l’origine, le titre de la pièce était La reine s’ennuie. Montrez comment ce sentiment propre au héros romantique anime la reine au début de l’acte II.

2) Le lyrisme, qui permet l’expression approfondie des sentiments, est un registre privilégié dans les oeuvres romantiques. Étudiez l’expression du sentiment amoureux de la reine. Montrez comment cet amour naît et comment la reine l’exprime. Un acte romanesque 3) L’acte II est riche en péripéties. Récapitulez les rebondissements de l’action. 4) La scène 3 constitue un sommet dramatique. Analysez les émotions de Ruy Blas et de la reine et montrez comment elles s’expriment en étudiant les didascalies. 5) Comme dans l’acte I, les objets ont une fonction dramatique. Faites la liste des objets importants et précisez le rôle qu’ils jouent dans l’action. Un acte tragique et comique 6) Une menace tragique continue à peser sur l’action, et ce dès la première scène. Identifiez le personnage qui inspire de la peur à la reine et dites à quel animal il est comparé 7) Don Guritan est un personnage secondaire qui prend de l’importance tout au long de cet

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acte. Relisez les scènes 1, 4 et 5 afin de dresser son portrait. Puis, identifiez le registre auquel sa présence est le plus souvent associée. 8) Casilda et les lavandières contribuent elles aussi à modifier l’atmosphère de l’acte. Montrez comment leur présence permet de contrebalancer la montée de la tension tragique. Analyse de la scène 2 de l’acte II, v. 753-805 Étudier les différentes facettes du personnage de la reine I. Une femme troublée par ses sentiments a. Dans cette scène, la reine est seule et évoque ses sentiments à haute voix. Identifiez le type de discours théâtral qui est utilisé, ainsi que le registre dominant. Puis, présentez les diverses émotions de la reine et montrez comment elles sont liées.

b. La reine est troublée. Relevez les éléments qui, dans ses gestes et dans son discours, traduisent son agitation. Vous étudierez notamment les didascalies, les types de phrase employés et les enjambements.

c. Le personnage de la reine est rendu très humain par Hugo. Relevez les éléments qui permettent de nuancer la grandeur et la froideur traditionnellement associées aux personnages nobles dans la tragédie.

II. Une amoureuse romantique a. La reine tombe amoureuse d’un personnage chevaleresque. Soulignez les détails qui contribuent à faire de Ruy Blas son héros.

b. L’amour de la reine se cristallise à travers plusieurs objets. Identifiez-les.

c. L’amour est source de souffrance. Relevez les détails et les métaphores qui contribuent à connoter négativement les sentiments amoureux dans ce passage. Expliquez pourquoi l’amour entre la reine et Ruy Blas est impossible. III. Une héroïne tragique a. Comme l’héroïne racinienne Phèdre, Marie de Neubourg est incapable de maîtriser ses sentiments. Montrez que la reine est victime de ses passions, qu’elle ne peut contrôler son amour. B La reine appelle Dieu et la Vierge à son secours. Étudiez la place de la religion dans cette scène.

c. La reine se sent menacée par don Salluste. Montrez quelle image elle donne de ce personnage. Dites en quoi don Salluste incarne une transcendance tragique contre laquelle l’homme ne peut lutter. Questions sur l’acte 3 Un acte politique 1) Au début de l’acte III, Hugo offre une image peu flatteuse des dignitaires espagnols. Identifiez leurs défauts ainsi que les registres employés par Hugo pour les critiquer dans les scènes 1 et 2.

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2) Sous le tableau de l’Espagne décadente du XVIIe siècle, on peut reconnaître la France de 1838. Faites des recherches sur la situation politique de la France à cette époque et montrez la dimension polémique de cet acte. 3) A la fin de la scène 3, la reine s’adresse à Ruy Blas et s’exclame : « le génie est ta couronne, à toi ! » (v. 1275). Analysez la vision de l’homme et de la société que cette déclaration sous-tend. Un intermède amoureux 4) A la scène 3, la reine dévoile à Ruy Blas l’amour qu’elle lui porte. Étudiez les diverses manifestations de cet amour.

5) Les liens unissant la reine à Ruy Blas rappellent certaines caractéristiques de l’amour courtois qui anime le chevalier et sa dame. Justifiez cette analyse en étudiant les gestes des personnages et les sentiments qu’ils éprouvent 6) Le sentiment de puissance de Ruy Blas tient plus à la réciprocité de son amour qu’à sa réussite sociale. Dans les scènes 3 et 4, relevez les citations qui permettent de montrer que, dans l’itinéraire de Ruy Blas, le politique n’est qu’une étape permettant la réalisation amoureuse. Un coup de théâtre tragique 7) L’acte III est marqué par un violent coup de théâtre. Indiquez la scène où la situation se renverse, identifiez l’agent de ce renversement et dites sur quel objet il s’appuie. 8) Hugo joue sur les contrastes pour souligner l’importance de ce renversement. A l’aide d’un tableau, montrez l’évolution de Ruy Blas en confrontant les quatre premières scènes de l’acte III et la dernière. Vous étudierez son statut social, les comparaisons et les métaphores qui sont employées pour le désigner, son attitude sur scène et la manière dont il s’exprime. 9) Ce coup de théâtre est tragique : il marque pour Ruy Blas le passage brusque du bonheur au malheur. Dans la scène 5, identifiez le péché tragique dont est coupable Ruy Blas, montrez quel personnage incarne la fatalité et étudiez les détails inspirant au spectateur de la terreur et de la pitié. Analyse de la scène 2 de l’acte III, v. 1108-1158 Montrer comment Hugo donne au discours de Ruy Blas une portée universelle I. Le tableau d’un empire en déclin a L’Espagne que décrit Ruy Blas apparaît comme le royaume du crime et de la corruption. En étudiant les images, le rythme et les sonorités des vers, montrez comment Hugo souligne la violence de ce constat. Repérez à quel. b. Le déclin de l’Espagne est associé à une agonie. Relevez le champ lexical du deuil et identifiez le registre qui est ainsi introduit. c. Pour souligner la gravité de la situation, Ruy Blas évoque la grandeur passée de l’Espagne. Relevez les références faites au Saint-Empire romain germanique et repérez l’importance des antithèses dans cet extrait

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II. Un discours vivant a. À plusieurs reprises, Ruy Blas compare des hommes ou des pays à des animaux. Étudiez le bestiaire et sa fonction symbolique dans ce passage. b.Ruy Blas emploie des personnifications pour évoquer des territoires ou des peuples. Relevez-les puis analysez leur sens et leur impact sur le spectateur. c. Ruy Blas multiplie les apostrophes dans ce texte. Identifiez ses divers interlocuteurs. Étudiez particulièrement l’invocation à Charles Quint et expliquez pourquoi on peut la qualifier d’épique III. Un réquisitoire contre les puissants a. Ruy Blas emploie souvent le pronom personnel « nous ». Dites à quelle partie de la population il s’identifie et commentez sa posture. b. Le pronom personnel « nous » s’oppose au « vous » ou au « ils », qui sont mis en accusation. Repérez le registre utilisé, puis identifiez les cibles de la diatribe de Ruy Blas et dites de quoi elles sont accusées. c.Hugo désire donner à son drame une portée générale. Identifiez les périodes de l’histoire de France auxquelles ce tableau de l’Espagne pourrait correspondre et résumez la vision du pouvoir proposée par l’auteur dans ce passage. Question sur l’acte IV Un acte mélodramatique et romanesque 1)Dans l’acte IV, les péripéties sont nombreuses. Faites la liste de tous les renversements de situation. Commentez l’importance de la circulation des vêtements sur l’avancée de l’action. 2) Aux vers 1583 et 1686, don César compare sa vie à un roman. Identifiez les traits romanesques de ce personnage

3) Pour rendre la langue de ses personnages plus naturelle, Hugo cherche à assouplir l’alexandrin. Étudiez la manière dont il malmène l’alexandrin dans les vers 1887-1890. Don César, un personnage grotesque 4)Dans cet acte, c’est le registre comique qui domine, grâce au personnage de don César. Relevez les procédés comiques utilisés par Hugo dans les scènes 3 à 5. Vous commenterez en particulier l’importance des didascalies et le caractère répétitif des situations. L’arrivée de 5) Les références au corps et aux réalités matérielles sont nombreuses dans le discours de don César. Relevez des exemples précis de ce prosaïsme dans les scènes 2 à 4. 6) Dans la scène 3, don César dévoile sa vision de l’homme et de l’existence à travers son discours, mais aussi à travers les décisions qu’il prend. Résumez sa philosophie. Une atmosphère mystérieuse 7) La maison de don Salluste est un lieu mystérieux et angoissant. Analysez dans la didascalie initiale, mais aussi dans les remarques de don César, les éléments du décor qui vous semblent inquiétants.

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8) La figure du diable est très présente dans cet acte à travers différentes expressions de don César. Relevez-les et dites qui elles désignent ironiquement dans l’esprit du spectateur. 9) Dans la première scène, Ruy Blas essaie de trouver une solution pour sauver la reine, tandis que dans la dernière scène, don César se flatte d’avoir perturbé les plans de don Salluste. Évaluez l’efficacité de leur action et dites quel registre est alors introduit Analyse de la scène 2 de l’acte IV, v. 1568-1656 Montrer ce qui, dans cette scène, a pu choquer les contemporains de Hugo I. Un personnage picaresque a. Don César est un véritable comédien. Montrez comment son monologue se transforme en dialogue et observez les différents rôles qu’il endosse.

b. Le picaro est un personnage de roman espagnol qui est connu pour ses pitreries et ses nombreux voyages. Relevez les traits de don César qui le rapprochent du picaro. c. La vie de don César ressemble à un roman d’aventures. Analysez la multiplication des péripéties dans le récit de don César et étudiez les choix grammaticaux qui permettent de souligner la succession rapide des épisodes.

II. Le parti pris du grotesque a. Le thème de la nourriture occupe une place centrale dans cette scène. Analysez la façon dont il est présent, en étudiant notamment les images employées par don César. b. De la même manière, analysez la place de l’argent et sa signification dans l’économie de la pièce. c. Don César apparaît comme un personnage générant le désordre. Montrez en quoi ses actes et sa manière de parler menacent l’ordre social et moral. III. Le mélange des genres et des registres a. Les références grotesques sont propices au rire. Montrez que Hugo utilise ici les quatre types de comique (comique de mots, de gestes, de caractère et de situation). b. Dans le mélodrame, les objets jouent un rôle important et les coïncidences invraisemblables se multiplient. Étudiez cet aspect de la scène en observant le rôle des objets et les entorses faites à la vraisemblance. c. Une certaine tension persiste néanmoins. Analysez les éléments propres à rappeler la tragédie qui se trame et montrez la manière dont ils sont désamorcés par don César. Question sur l’acte V Un dénouement tragique 1) Le dénouement d’une pièce doit régler le sort des personnages qui sont impliqués dans l’intrigue. Décrivez la manière dont l’histoire se termine pour chacun des personnages dans Ruy Blas.

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2) Dans les tragédies, le dénouement précipite l’avancée vers le malheur, qui apparaît ainsi comme inévitable. Montrez comment Hugo resserre l’action dans l’acte V, en étudiant notamment le traitement de l’espace et de la temporalité. 3) Dans Ruy Blas, le dénouement est provoqué par un coup de théâtre. Identifiez le renversement final qui permet de clore la pièce.

Le réveil de Ruy Blas 4) Comme l’acte IV, l’acte V commence par un monologue de Ruy Blas. Identifiez le registre dominant dans ce monologue et analysez sa fonction dans la pièce.

5) Au milieu de la scène 3, une didascalie indique que Ruy Blas se réveille soudain et qu’il sort de sa torpeur. Relevez les indices de sa transformation et identifiez la raison de ce changement.

6) L’acte V s’ouvre sur le vers suivant : « C’est fini. Rêve éteint ! Visions disparues ! » (v. 2017). Étudiez les thèmes du rêve et de l’illusion dans cet acte et analysez la vision du monde qu’il révèle.

L’alliance des contraires 7) L’acte V s’intitule « Le tigre et le lion ». Étudiez la symbolique de ces deux animaux et dites quels personnages ils désignent.

8) Le vocabulaire religieux est très présent dans ce dernier acte. Relevez le champ lexical de la religion et montrez comment Hugo oppose les notions de Bien et de Mal à travers les trois personnages principaux.

9) Dans la préface de Cromwell, Hugo prône l’alliance du sublime et du grotesque. Analysez la présence de ces deux esthétiques dans l’acte V et dites laquelle domine finalement.

Analyse de la scène 4 de l’acte V, v. 2213-2252 Montrer en quoi cette scène est sublime et peut susciter l’admiration du spectateur I. Un dénouement tragique a. La scène est dotée d’une forte charge pathétique. Montrez quels éléments thématiques et syntaxiques (ponctuation, versification) permettent de susciter la pitié chez le spectateur. b. Le spectateur éprouve également de l’effroi. Identifiez l’action et le thème propres à faire naître cette émotion c. Au vers 2251, Ruy Blas déclare : « Je ne pouvais plus vivre. » Expliquez les raisons pour lesquelles le dénouement apparaît comme inéluctable. II. La grandeur du laquais a. Dans le dénouement, Ruy Blas apparaît d’abord comme un personnage faible et impuissant. Relevez les gestes et les expressions qui soulignent sa chute.

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b. Lorsqu’il s’adresse à la reine, Ruy Blas garde cependant toute sa dignité. Étudiez le rythme et la versification de ses deux premières répliques afin de montrer comment son discours traduit sa grandeur d’âme. c. Ruy Blas se sacrifie pour sauver l’honneur de la reine. Montrez à quelle figure biblique il est associé par cet acte. III. Le triomphe de l’amour et de la vérité a. Cette scène est un duo amoureux. Relevez le champ lexical de l’amour et identifiez le registre ainsi introduit. Puis, étudiez la manière dont les sentiments de Ruy Blas et de la reine évoluent dans ce passage. b. Le vocabulaire religieux est important dans cette scène. Relevez ce champ lexical et montrez comment il est relié au thème de l’amour. c. La pièce se termine sur le « Ruy Blas ! » de la reine et le « Merci ! » du héros. Expliquez la signification de cet échange. Montrez comment il clôt la réflexion menée par Hugo sur l’identité et le règne des apparences dans la pièce.