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Ann Dermatol Venereol2005;132:378-83Formation médicale continue
CliniqueÉpidémiologie des carcinomes baso-cellulairesY. SCRIVENER, F. CHEBIL, B. CRIBIER
es carcinomes basocellulaires
(CBC) représentent environ
1/3 de l’ensemble des cancers
dans les pays occidentaux et constituent
probablement la tumeur maligne la
plus fréquente dans l’espèce humaine.
De plus, la plupart des études épidémio-
logiques ont pu montrer un net accrois-
sement des taux d’incidence durant ces
trois dernières décennies, à tel point
que Marks a employé l’expression
d’« épidémie silencieuse du
XXe siècle » [1]. Cet état de fait pourrait
être dû à la combinaison de plusieurs
facteurs : accroissement de l’exposition
solaire, modifications de la mode vesti-
mentaire, longévité humaine accrue et
diminution de la couche d’ozone.
Epidémiologie descriptive
L’incidence réelle des carcinomes baso-
cellulaires (CBC) est difficile à détermi-
ner. Ils sont en effet rarement inclus
dans les statistiques des registres natio-
naux ou régionaux du cancer et, lors-
que c’est le cas, ils sont le plus souvent
regroupés avec les autres cancers cuta-
nés épithéliaux, sous l’étiquette com-
mune de « carcinomes cutanés » ou
« cancers cutanés autres que
mélanomes ». Les CBC sont en effet
difficiles à recenser, car parfois détruits
sans analyse histologique préalable.
C’est ainsi qu’à Glasgow, plus de
30 p. 100 de ces tumeurs n’avaient pas
été signalées au registre du cancer écos-
sais [2]. De plus, en raison de leur mor-
talité exceptionnelle, les CBC ne sont
pas encore considérés comme un pro-
blème de santé publique et ne sont donc
pas souvent inclus dans les registres du
cancer. La plupart des chiffres sont ainsi
issus d’échantillons de population dans
une région géographique limitée ou
d’archives de laboratoire d’histopatholo-
gie. De ce fait, les données concernant
ces tumeurs sont pour la plupart enta-
chées d’importants biais.
INCIDENCE DES CBC
Incidence en fonction du lieu géographique
Elle est fortement variable. Elle dépend
du phototype des populations et du lieu
de vie.
Elle est ainsi comprise entre 1/100 000
habitants dans les populations noires
d’Afrique [3] et plus de 1 500/100 000
dans les populations blanches d’Austra-
lie équatoriale [4]. Les taux d’incidence
émanant des principales études me-
nées dans le monde sont détaillés dans
le tableau I. En France métropolitaine,
seul le registre du Haut-Rhin enregistre
les carcinomes basocellulaires de ma-
nière séparée. Leur incidence, proba-
blement sous estimée, entre 1997 et
1999 était de 81,8/100 000 chez les
hommes et de 67,6/100 000 chez les
femmes. Ainsi, dans le Haut-Rhin,
1 homme sur 11 et 1 femme sur 15 ris-
que de développer un CBC avant 75 ans
(données issues du registre des cancers
du Haut-Rhin et disponibles en ligne à
l’adresse www.arer68.org).
Incidence des CBC en fonction du phototype
Dans une même région géographique,
l’incidence des carcinomes cutanés est
nettement supérieure chez les person-
nes à peau claire par rapport à celles qui
ont la peau noire. Ainsi, au Nouveau
Mexique, l’incidence des CBC est près
de 6 à 10 fois moindre dans les popula-
tions hispaniques par rapport aux popu-
lations blanches [5]. Chez les
Afro-américains vivant aux Etats-Unis,
l’incidence estimée est de 3,4/100 000
contre 233/100 000 dans la population
à peau claire [6].
Incidence des CBC en fonction du statut socio-économique
En Finlande, les taux d’incidence sont
supérieurs dans les populations urbai-
nes par rapport aux populations rurales.
Les fermiers, forestiers et pêcheurs ont
des taux relativement bas par rapport
aux personnes ayant un plus haut ni-
veau d’étude. Cela découle peut être
d’un biais d’examen, les populations à
fort niveau d’éducation ayant un
meilleur suivi médical [7].
Incidence des CBC en fonction de la saison
Au contraire des cancers non cutanés, le
pic d’enregistrement des CBC au regis-
tre des cancers d’Oxford se situe entre
juillet et septembre, indépendamment
de l’âge, du sexe des malades et de la lo-
calisation des tumeurs [8]. Cette discor-
dance entre cancers cutanés et viscéraux
ne peut s’expliquer par les modifica-
tions de l’activité hospitalière. L’allège-
ment vestimentaire estival pourrait
favoriser le dépistage (par le malade et
par le médecin) des tumeurs cutanées
durant cette période de l’année.
Incidence des CBC en fonction de l’âge
Les CBC peuvent être observés à tout
âge, mais sont rares chez les jeunes et
nettement plus fréquents après 50 ans.
Ainsi, la proportion de CBC observés
chez des malades de moins de 40 ans
est de moins de 5 p. 100 [9, 10], tandis
qu’elle est de plus de 15 p. 100 au delà
de 80 ans [10]. L’âge moyen et l’âge mé-
dian lors de l’excision de la première tu-
meur sont élevés (respectivement de
Clinique Dermatologique, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg Cedex.
Tirés à part : Y. SCRIVENER, à l’adresse ci-dessus.E-mail : [email protected]
L
379
Ann Dermatol Venereol2005;132:378-83Épidémiologie des carcinomes baso-cellulaires
65 et 67 ans) [10]. A l’inverse, certaines
études australiennes basées sur des
questionnaires envoyés de manière sys-
tématique aux personnes inscrites sur
les listes électorales sont plutôt en fa-
veur d’une diminution de l’incidence
des CBC chez les femmes de plus de
50 ans [13, 14, 18]. Cela pourrait être ex-
pliqué, par un biais de recrutement, par
une exposition solaire moindre des jeu-
nes femmes lors des précédentes décen-
nies ou par une exposition solaire
moins importante des femmes au-delà
d’un certain âge.
L’évolution dans le temps a été marquée
par une stabilité de l’incidence des CBC
survenant chez les personnes âgées de
moins de 50 ans [12] et par une nette
progression de l’incidence des CBC
chez les personnes âgées de plus de
60 ans [11, 15]. Une grande partie de la
forte augmentation du nombre de CBC
pourrait ainsi être expliquée par le seul
vieillissement des populations étudiées.
Seules deux études européennes ont, à
l’inverse, objectivé un léger accroisse-
ment de l’incidence des CBC chez les
malades de moins de 40 ans [11, 15].
Incidence des CBC en fonction du sexe
La plupart des séries montrent une pré-
dominance des cas masculins, avec un
rapport H/F allant de 1,1 en Suisse [15] et
Grande-Bretagne [16] à 2,59 aux Etats-
Unis [5]. Cette prédominance masculine
est encore plus marquée dans les pays
tropicaux [17]. Elle a été attribuée à une
exposition solaire professionnelle plus
importante chez les hommes [13, 14]. La
tendance pourrait s’inverser, certaines
études ayant montré une augmentation
de la proportion de femmes lors des
deux dernières décennies [15]. Une légè-
re prédominance féminine a pu être
constatée dans la plus importante série
de CBC, reflétant peut être le vieillisse-
ment de la population et la durée de vie
plus longue des femmes [10].
EVOLUTION DE L’INCIDENCE DES CBC DANS LE TEMPS
L’incidence des carcinomes cutanés aux
Etats-Unis, au Canada, en Europe et en
Australie aurait augmenté de 4 à
8 p. 100 par an en moyenne durant les
deux dernières décennies [11, 12, 16]. La
plus forte augmentation a été enregis-
trée en Grande Bretagne, avec un taux
de croissance de 235 p. 100 entre 1978
et 1991 [11]. Il est probable qu’une partie
de cette augmentation soit le fait d’un
accroissement de l’activité des structu-
res qui diagnostiquent ou recensent ces
tumeurs (laboratoire d’anatomo-patho-
logie, registres du cancer), ou d’un
meilleur dépistage dans les populations
occidentales mieux informée des ris-
ques du soleil. L’augmentation plus mo-
deste des taux d’incidence (+ 11 p. 100
chez les hommes, + 2 p. 100 chez les
femmes en 5 ans) observée dans les étu-
des systématiques de populations aus-
traliennes reflète vraisemblablement
plus la variation d’incidence réelle [18].
Ainsi, l’idée d’une augmentation des
taux d’incidence est généralement ad-
mise mais elle est dans les faits très dif-
ficile à démontrer.
PRÉVALENCE
La prévalence se définit par le nombre
total de cas d’une maladie à un moment
précis et dans une population définie.
Elle dépend de l’incidence de cette mala-
die et de sa durée d’évolution. Concer-
nant les CBC, la prévalence est souvent
déduite des taux d’incidence et fait rare-
ment l’objet de mesures spécifiques.
Elle a ainsi été estimée entre 900 000 et
1 200 000 cas en 1994, pour les seuls
Etats-Unis. Le nombre de carcinomes
cutanés a été estimé à 2 750 000 cas en
1985, en Europe (sauf ex-URSS),
Amérique du Nord, Australie et
Nouvelle-Zélande. Les seules vraies en-
quêtes de prévalence ont été effectuées
en Australie. Environ 4 p. 100 des
30 000 personnes de 20 à 69 ans qui
ont été systématiquement examinées
dans le Queensland avaient un CBC [19].
MORTALITÉ
Les estimations les plus récentes suggè-
rent un taux de mortalité de l’ordre de
0,1 p. 100 des CBC [20]. La moyenne
d’âge du décès par CBC est de 85 ans.
Un refus d’intervention chirurgicale a
Tableau I. – Incidence standardisée des CBC dans le monde, classée par ordre croissant.
Pays Région d’étude Année d’étude
Hommes/100 000
Femmes/100 000
Source des données
Finlande [7] Nationale 1995 43,7 31,7 Registre du cancerPays-Bas [60] Eindhoven 1988 67,5 46,3 Registre du cancerSuisse [15] Vaud 1992 69,3 62,2 Registre du cancerFrance www.arer68.org Haut Rhin 1997-99 81,8 67,6 Registre du cancerGrande-Bretagne [61] North Humberside 1991 115 103 Registres histologiques d’un centre hospitalierCanada [11] Vancouver 1987 157 127 Registre du cancerEtats-Unis [17] Hawaï 1987 576 292 Enquête auprès des praticiensEtats-Unis [62] Rochester 1990 175 124 Etude rétrospective de dossiers hospitaliers.Australie [13] Nationale 1985 735 593 Echantillon de population (sondage téléphonique)Australie [18] Nationale 1990 849 605 Echantillon représentatif de population (sondage téléphonique)Etats-Unis [63] Arizona 1996 935 497 Registre du cancerAustralie [14] Geraldton 1987 1335 817 Examen systématique de l’ensemble de la population inscrite
sur liste électoraleAustralie [4] Queensland 1985-87 1772 1610 Examen systématique d’un échantillon de population
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Y. SCRIVENER, F. CHEBIL, B. CRIBIER Ann Dermatol Venereol2005;132:378-83
pu être documenté dans 40 p. 100 des
cas de décès par CBC [19]. Le risque mé-
tastatique est faible et a été évalué à
0,002 p. 100 des tumeurs.
Épidémiologie analytique
FACTEURS DE RISQUE INDIVIDUELS
Origine ethnique
En Australie, le risque de développer
un CBC est moindre chez les immi-
grants que chez les natifs, et ce risque
décroît avec l’âge d’arrivée [20]. Les in-
dividus originaires d’Europe du nord
ont un risque plus important de déve-
lopper un CBC que ceux originaires
d’Europe du sud.
Caractéristiques pigmentaires
La pâleur de la peau [21, 22], les yeux
clairs [1, 9], les cheveux clairs ou roux
[3, 21-23] sont des facteurs de risque de
CBC fréquemment individualisés dans
les différentes séries publiées. La pro-
pension d’un individu à développer des
coups de soleil plutôt qu’à bronzer appa-
raît aussi comme un facteur de risque
de CBC [21, 22].
Ephélides
Leur existence est un marqueur de ris-
que de l’apparition d’un CBC dans la
plupart des études cas témoin [21, 22],
surtout lorsqu’elles sont localisées aux
bras [22], au visage [20] ou quand elles
sont apparues dès l’enfance.
Nombre de naevus
Kricker et coll. ont montré que la pré-
sence de quatre naevus ou plus, d’une
taille supérieure à 5 mm et localisés sur
le dos est un marqueur de risque indé-
pendant de CBC (risque relatif 1,4) [22].
Ce facteur de risque est commun avec le
mélanome.
FACTEURS DE RISQUE COMBINANT RISQUE INDIVIDUEL ET ENVIRONNEMENTAL
Coups de soleil
Les antécédents de coups de soleil cons-
tituent un indicateur, à la fois d’une for-
te exposition solaire et, indirectement,
du phototype. C’est un événement qui
est simple à rechercher quand il s’agit
d’un coup de soleil violent et dont les in-
dividus se souviennent facilement. Il y a
une association entre l’existence de
coups de soleil douloureux [24], bulleux
[21, 24] et fréquents, et le risque de déve-
lopper un CBC, surtout si ces coups de
soleil sont survenus dans l’enfance ou
l’adolescence. Le risque relatif de CBC
varie de 2,5 à 6 fois en fonction du nom-
bre de coups de soleil et de l’âge de sur-
venue [21, 23].
Signes cutanés d’exposition solaire
L’existence d’une élastose, d’un lenti-
go, de télangiectasies solaires et/ou de
kératoses actiniques est associé à un
risque plus élevé de survenue d’un
CBC [22, 25]. En revanche, il y avait une
relation négative entre l’augmentation
du nombre et de la profondeur des rides
et le risque de développer un CBC [26].
Cette constatation émane d’une compa-
raison des rides classées selon une
échelle allant de 1 à 8 chez 118 malades
atteints de CBC et 121 témoins.
FACTEURS DE RISQUE ENVIRONNEMENTAUX
Les rayons ultra-violet solaires jouent
sans doute un rôle important dans la
survenue d’un CBC. En effet :
– il existe une relation inverse entre l’in-cidence des cancers cutanés dans la po-pulation blanche et la latitude du lieu de résidence ;– les CBC se localisent de manière pré-férentielle dans les régions de la tête et du cou ;– le taux d’incidence est très bas dans les populations de peau pigmentée ;– l’incidence des CBC augmente régu-lièrement avec l’âge des malades.
Les études d’épidémiologie analytique
se sont attachées à prouver le rôle de
l’exposition solaire dans la survenue
d’un CBC. L’étude de l’association en-
tre carcinome cutané et exposition so-
laire personnelle est très difficile à
effectuer dans les études de cohortes.
Dans ce type d’étude, il faut en effet
évaluer la durée de l’exposition solaire
dès la petite enfance et en assurer le
suivi durant toute la vie. Les études cas-
témoin, exclusivement basées sur des
questionnaires, posent quant à elles le
problème de la quantification de l’expo-
sition solaire.
Exposition solaire cumulée à long terme
À la différence de ce qui a été observé
avec les carcinomes épidermoïdes, la
plupart des études n’ont pas pu démon-
trer d’augmentation du risque de déve-
lopper un CBC chez les personnes ayant
une forte exposition solaire cumulative
[21, 27, 28]. Celui-ci pourrait même dimi-
nuer au delà d’un certain seuil d’exposi-
tion solaire [21, 27, 29]. Ainsi, les
malades dont le temps d’exposition solai-
re de loisir était supérieur à 225 heures
par an avaient un risque de développer
un CBC inférieur de 40 p. 100 par rap-
port aux malades dont l’exposition était
de moins de 75 heures par an [21].
D’autres facteurs, comme la localisation
de la tumeur ou les caractéristiques pig-
mentaires individuelles interfèrent avec
le facteur d’exposition solaire cumulati-
ve. Ainsi, la propension à développer un
CBC augmente avec le nombre d’heures
d’exposition solaire chez les personnes
qui bronzent facilement, tandis qu’elle
diminue au delà d’un certain seuil chez
celles qui bronzent difficilement [27]. De
plus, le risque relatif de développer un
CBC sur la tête et le cou et sur les mem-
bres est inversement proportionnel au
nombre cumulatif d’heures d’exposition
solaire (risque relatif respectivement de
0,38 et 0,43), tandis que ce risque aug-
menterait pour les CBC du tronc (risque
relatif de 2,39) [27].
Exposition solaire forte et intermittente(de loisirs)
Pour Gallagher et al., il y a un risque ac-
cru de développer un CBC chez les ma-
lades qui se rappellent avoir eu une forte
exposition solaire « de loisir » dans leur
enfance [20] et Kricker a montré l’exis-
tence d’un lien entre le risque de déve-
lopper un CBC et l’exposition solaire
durant les week-end [24]. Cette associa-
tion s’observe uniquement chez les per-
sonnes qui bronzent difficilement [24].
Une étude européenne a montré une
augmentation significative du risque de
CBC chez les malades qui passent leurs
vacances à la plage, comparés à ceux qui
les passent ailleurs [29]. En revanche,
Green et al. n’ont pas objectivé d’aug-
mentation du risque de CBC dans une
population passant la plupart de son
temps de loisir en plein-air [4].
381
Ann Dermatol Venereol2005;132:378-83Épidémiologie des carcinomes baso-cellulaires
Photoprotecteurs externes
Le risque de CBC des femmes qui s’ex-
posent au soleil en appliquant un écran
solaire est supérieur à celui des femmes
qui n’en utilisent pas [23, 24]. De, mê-
me, le port d’un chapeau est associé à
un risque accru de développer un CBC
de la tête ou du cou [24]. Ces données
paradoxales sont en général expliquées
par le fait que les personnes ayant le
plus de risques de cancer cutané adop-
tent de manière spontanée des compor-
tements préventifs, qui apparaissent à
tort comme un facteur de risque [23, 24].
Cet effet « néfaste » des photoprotec-
teurs externes a été infirmé dans un es-
sai randomisé australien de grande
ampleur, puisque portant sur plus de
1 600 personnes. Cette étude n’a en ef-
fet pas montré de différence significati-
ve en terme de nouveaux CBC à l’issue
des 5 années de suivi, entre le groupe
des personnes qui devaient appliquer
un photoprotecteur d’indice > 15 et cel-
les qui ne devaient pas en mettre [30].
Diminution de la couche d’ozone
L’augmentation de l’incidence des CBC
serait pour certains en partie liée à la di-
minution de l’ozone stratosphérique
[31]. Depuis la fin des années 1970, la
couche d’ozone a en effet diminué en
moyenne de 1 p. 100 par décennie dans
l’hémisphère Nord [32]. En théorie, une
diminution de 1 p. 100 de la couche
d’ozone pourrait entraîner un accroisse-
ment de 2 p. 100 de la quantité d’UVB
parvenant à la surface de la terre, ce qui
aurait pour conséquence théorique une
augmentation de 2 à 6 p. 100 de l’inci-
dence des CBC [32]. La quantité d’ UVB,
calculée sur la base de cette diminution
de la couche d’ozone aurait dû augmen-
ter de 4 p. 100 en 20 ans, ce qui n’a tou-
tefois pu être confirmé pour le moment
par les mesures au sol en Norvège ou
aux Etats-Unis. Le problème est donc
plus complexe que ne le laissent suppo-
ser de simples extrapolations.
AUTRES FACTEURS DE RISQUE
PUVAthérapie
La cohorte de référence de Stern [33, 34],
comportant 1 380 malades traités par
PUVA thérapie qui ont été suivis pen-
dant 10 ans a permis d’objectiver un ris-
que relatif de 6,9 de développer un CBC
chez les malades ayant eu plus de
260 séances, contre 50,1 pour les carci-
nomes épidermoïdes, par rapport à une
population témoin [33]. Les schémas
courts avec de fortes doses seraient
moins carcinogènes que les schémas
longs [35].
Autres lampes
L’étude cas témoin de Badjik et al. n’ont
pas montré de risque significatif entre
l’exposition à des rayonnements ultra-
violets non solaires (lampes à bronzer,
éclairage fluorescent, lumière de photo-
copieuses, lampes à souder, lampes
d’horticulture) et l’apparition d’un CBC
[36].
Radiations ionisantes
Des études cas témoin et les études de
cohorte ont montré une relation entre
l’exposition à des radiations ionisantes
et l’apparition de carcinomes cutanés, et
en particulier de CBC, plus de 20 ans
après l’exposition en moyenne [37, 38].
C’est chez les enfants que la radiothéra-
pie entraîne les risques les plus impor-
tants. Le suivi de 65.268 survivants à la
bombe atomique de 1961 à 1987 à Naga-
saki a permis la découverte de 140 can-
cers cutanés dont 67 CBC (47,9 p. 100)
[39]. Ce taux, quoique faible, est supé-
rieur à celui de la population japonaise.
La distribution de ces cancers se fait en
fonction du site d’irradiation plutôt que
selon la distribution habituelle, suggé-
rant une absence d’effet additif des ra-
diations solaires et des radiations
ionisantes [38, 39].
Immunosuppression
Une série rétrospective de 92 malades
transplantés cardiaques a montré une
prévalence des CBC de 3,26 p. 100
après un an et de 16,2 p. 100 après 7 ans
[40]. Les CBC apparaissaient 25 mois en
moyenne après la transplantation [40].
Un groupe de 1 710 malades transplan-
tés rénaux a été suivi de 1970 à 1996 par
Hiesse et al. qui ont montré une aug-
mentation du risque de carcinomes cu-
tanés, majoré depuis l’introduction de
la ciclosporine [41]. Les facteurs de ris-
que individuels et environnementaux
de développer un CBC sont les mêmes
que chez les non transplantés [64].
Les malades souffrant du SIDA ont un
risque plus élevé de développer un CBC.
Les CBC viennent en seconde position
parmi les tumeurs cutanées survenant
chez ces malades, après la maladie de
Kaposi [42]. Dans cette situation d’im-
muno-suppression acquise les CBC
sont multiples et évoluent de manière
agressive.
Arsenic
L’arsenic est un carcinogène connu
pour les CBC. Récemment, un dosage
systématique des taux d’arsenic dans les
ongles de malades atteints de carcino-
mes cutanés épithéliaux (sans toutefois
distinguer les CBC des carcinomes épi-
dermoïdes) et de sujets témoins
a été fait aux Etats-Unis. Seuls les
malades ayant un taux d’arsenic supé-
rieur au 97e percentile avaient un risque
relatif de 1,4 de développer un carcino-
me cutané [43].
Régime alimentaire
Dans une étude de cohorte portant sur
73 366 infirmières, les femmes dont
l’apport énergétique était situé dans le
1/5 supérieur avaient un risque modéré-
ment plus élevé de développer un CBC
par rapport aux femmes dont l’apport
énergétique était situé dans le 1/5 infé-
rieur [23]. Les femmes atteintes de CBC
pèsent en moyenne près de 7 kg de plus
(contre 3 kg pour les hommes) que les
cas contrôles [44]. Dans une autre étude
cas-témoin, la consommation de légu-
mes et de poisson était associée à un ris-
que moindre de développer un
carcinome cutané épithélial, tandis qu’il
n’y avait pas d’influence de la consom-
mation d’alcool [45]. La supplémenta-
tion orale en béta carotène, ainsi qu’en
vitamine A, C, D, ou E n’a toutefois pas
démontré d’effet protecteur [30, 44].
Tabac
Les données épidémiologiques sont
contradictoires. Une étude cas témoin
récente, portant sur environ 300 mala-
des ayant eu un CBC nodulaire et
150 ayant eu un CBC superficiel, n’a pas
montré de relation significative entre
l’apparition d’une de ces tumeurs et le
382
Y. SCRIVENER, F. CHEBIL, B. CRIBIER Ann Dermatol Venereol2005;132:378-83
fait de fumer [46]. En revanche, dans
une série cas témoin de plus petite
taille, portant sur des femmes âgées de
moins de 40 ans, le nombre moyen de
paquets-année fumés était comparable
chez les jeunes femmes atteinte de CBC
par rapport à des témoins [47]. Smith
et al. ont pu montrer qu’il y avait une
plus grande proportion de fumeurs
chez les malades atteints d’un CBC plus
de 1 cm de diamètre [48]. Enfin, un ris-
que relatif de 2,6 a été mis en évidence
chez les fumeurs et anciens fumeurs,
qu’ils soient occasionnels ou réguliers
[49]. Ce sur risque s’observait unique-
ment chez les femmes, et était plus éle-
vé chez les jumeaux dizygotes
qu’homozygotes, suggérant une inte-
raction entre facteurs d’environnement
et génome.
Association avec d’autres cancers
La relation entre le fait d’avoir un CBC
et le risque de développer ultérieure-
ment un cancer non cutané n’est à ce
jour pas claire. Les données des études
épidémiologiques publiées sont en effet
contradictoires. De plus, la plupart d’en-
tre elles ne prennent pas en compte les
facteurs de risque associés comme le ta-
bagisme, l’exposition solaire, la profes-
sion, les facteurs alimentaires ou
familiaux.
Deux études basées sur les données des
registres du cancer, en Suisse et en
Angleterre, n’ont pas pu démontrer d’as-
sociation entre CBC et risque de dévelop-
per un cancer non cutané [50, 51]. En
revanche plusieurs autres études font
état d’une possible association entre les
CBC et le risque de cancers viscéraux
[52-55]. Les risques relatifs (RR) sont
variables : RR de 10,1 pour les cancers
de la thyroïde chez les hommes [53], RR
compris entre 1,3 et 2 pour les cancers
du rein [53, 55], RR compris entre 1,4 et
5,6 pour les cancers du poumon [53,
55-57], RR compris entre 3 et 4 pour les
cancers des organes génitaux féminins
[53, 56], RR compris entre 2,5 et 3,3 pour
les cancers des glandes salivaires 2,5 à
3,3 [53, 57], RR de 1,8 pour les cancers de
l’intestin grêle [57], RR de 1,4 pour les
lymphomes non Hodgkiniens [52]. Les
malades dont le diagnostic de CBC était
posé avant 60 ans avaient un risque sta-
tistiquement plus grand de développer
un nouveau cancer par rapport aux ma-
lades dont le diagnostic avait été posé
après 60 ans [53].
Le risque de développer un autre can-
cer cutané est en revanche mieux do-
cumenté. Ainsi, le risque de
développer un nouveau carcinome ba-
socellulaire a été évalué à 44 p. 100
dans les trois ans, soit un risque de
10 fois celui de la population générale
[59]. Quant au risque de mélanome
subséquent il varie de 1,4 à 6,6 en
fonction des études et du sexe des ma-
lades étudiés [51, 53, 55, 57, 60].
A l’inverse, les malades ayant eu un an-
técédent de lymphome non Hodgkinien
ou une leucémie lymphoïde chronique
auraient un risque accru de développer
un CBC [58]. Cette association entre
lymphomes et CBC pourrait être due à
un facteur d’induction commun ou aux
conséquences du traitement du lym-
phome (radiothérapie ou chimiothéra-
pies). L’exposition aux rayons ultra-
violet pourrait en effet expliquer l’aug-
mentation synchrone des taux d’inci-
dence des lymphomes non hodgkiniens
et des cancers cutanés [52, 54].
Au total, les facteurs de risque de CBC
bien identifiés et validés sont, sur le
plan individuel, le phototype clair, la
prédisposition génétique et l’âge. La
forte augmentation d’incidence de cet-
te tumeur est probablement, en gran-
de partie, liée au vieillissement de la
population. Sur le plan environne-
mental, l’exposition solaire forte et in-
termittente lors des loisirs, la PUVA
thérapie, l’exposition aux radiations io-
nisantes et l’immunosuppression ac-
quise constituent aussi des facteurs de
risque.
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