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67 J. TUN ORL - N°41 MARS 2019 INTRODUCTION –––––––––––––––––––––––– Le carcinome adénoïde kystique (CAK) est une tumeur épithéliale maligne rare représentant 1% de l’ensemble des tumeurs malignes de la tête et du cou et 4 à 15% des tumeurs malignes des glandes salivaires [1]. C’est une tu- meur agressive particulière par son extension péri neurale et vasculaire. L’imagerie (TDM + IRM) est indispensable pour la mise en évidence de l’invasion péri nerveuse et pour l’établissement d’un bilan d’extension locorégionale de la tumeur. L’objectif de ce travail est de décrire et d’illustrer l’apport de l’imagerie dans le diagnostic et la prise en charge des CAK de localisation cervico faciale. PATIENTS ET MÉTHODES –––––––––––––––– Il s’agit d’une étude rétrospective descriptive ayant colligé sur une période de 17 ans (2000-2016) 10 patients pris en charge pour un CAK de localisation cervico- faciale, ex- plorés par une imagerie, et chez qui la confirmation du diagnostic était histologique. RÉSULTATS –––––––––––––––––––––––––––– Durant la période d’étude, 30 patients ont été opérés d’une tumeur maligne primitive des glandes salivaires. Le type histologique prédominant était le CAK chez 10 patients soit une prévalence de 32%. L’âge médian de nos patients était de 52,5 ans avec des extrêmes allant de 23 à 73 ans. Une légère prédominance féminine a été notée avec un sex ratio de 0,4. Le délai médian de consultation était de 10,5 mois avec des extrêmes allant de 1 mois jusqu’à 6 ans. Les motifs de consultation étaient variables selon la localisation tumorale. Le site tumoral primitif était les glandes salivaires princi- CAS CLINIQUE ——————————————————————————————————————————————————————— Imagerie des carcinomes adénoïdes kystiques en ORL Imaging of adenoid cystic carcinoma of head and neck R Bouatay 1 , K Harrathi 1 , B Hmida 2 , A El Korbi 1 , M Ferjaoui 1 , A Moussa 3 , N kolsi 1 , J koubaa 1 1Service d’ORL et de CCF, 2Service de Radiologie, 3Service d’anatomie pathologique CHU Fattouma Bourguiba de Monastir, Tunisie ENT Department at Fattouma Bourguiba Hospital in Monastir, Tunisia ––––––––––––––––––––––––––––––––––– ABSTRACT –––––––––––––––––––––––––––––––––––––– THE AIM: Of this work is to describe and illustrate the contribution of imaging in the diagnosis of adenoid cystec carcinoma (ACC) of head and neck PATIENT AND METHODS: This is a retrospective study with 10 cases of head and neck ACC. The primary tumor site was the major salivary gland in 3 cases, oral cavity in 3 cases, facial bones for 2 patients, Trachea and larynx in 2 cases. All patients were explored by imaging (CT +/- MRI). The confirmation was histological in all cases. RESULTS: Imaging revealed a submucosal circumferential extension for the 2 tracheal laryngo localizations. Perineural spread was noted in 4 cases. The tumor was classified T4 in 5 cases, T3 in 2 cases, T2 and T1 in 3 cases. Lymph nodes metastasis were noted in 1/3 of cases. A surgery was performed in 6 cases followed by external radiotherapy. Exclusive radiotherapy was indicated in one case. The mean follow-up was of 36 months. Evolution was favorable with no local recurrence for 7 patients. CONCLUSION: Imaging (CT + MRI) is essential for detection of perineural spread and for the establishment of loco regional exten- sion of the tumor which determine therapeutic approach. KEYWORDS: Adenoid cystic carcinoma- Imaging- Salivary gland. ––––––––––––––––––––––––––––––––––––– RESUME ––––––––––––––––––––––––––––––––––––– BUT : Illustrer l’apport de l’imagerie dans la prise en charge des carcinomes adénoïdes kystiques (CAK) de localisation cervico faciale. PATIENTS ET MÉTHODES : ll s’agit d’une étude rétrospective ayant colligé 10 observations de CAK. Le site tumoral primitif était les glandes salivaires principales dans 3 cas, la cavité buccale dans 3 cas, le massif facial pour 2 patients et laryngo trachéale dans 2 cas. Tous les patients ont été explorés par une imagerie (TDM +/-IRM). La confirmation était histologique dans tous les cas. RÉSULTATS : A l’imagerie, Une extension sous muqueuse circonférentielle a été notée pour les 2 localisations laryngo trachéales. L’extension péri neurale était objectivée dans 2 cas. La tumeur était classée T4 dans 5 cas, T3 dans 2 cas, T2 et T1 dans 3 cas. Une atteinte ganglionnaire était notée dans 1/3 des cas. Le traitement était chirurgical suivi d’une radiothérapie externe dans 6 cas. Une radiothérapie exclusive a été indiquée dans 1 cas. L’évolution était favorable avec absence de récidive pour 7 patients, après un suivi moyen de 36 mois. CONCLUSION : L’imagerie est indispensable pour la mise en évidence de l’invasion péri nerveuse et pour l’établissement d’un bilan d’extension locorégionale de la tumeur, facteurs conditionnant l’attitude thérapeutique. MOTS-CLÉS : Carcinome adénoïde kystique-imagerie-Glandes salivaires Auteur correspondant : Bouatay Rachida Adresse e-mail : [email protected]

Imagerie des carcinomes adénoïdes kystiques en ORL

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Page 1: Imagerie des carcinomes adénoïdes kystiques en ORL

67J. TUN ORL - N°41 MARS 2019

INTRODUCTION ––––––––––––––––––––––––Le carcinome adénoïde kystique (CAK) est une tumeur épithéliale maligne rare représentant 1% de l’ensemble des tumeurs malignes de la tête et du cou et 4 à 15% des tumeurs malignes des glandes salivaires [1]. C’est une tu-meur agressive particulière par son extension péri neurale et vasculaire. L’imagerie (TDM + IRM) est indispensable pour la mise en évidence de l’invasion péri nerveuse et pour l’établissement d’un bilan d’extension locorégionale de la tumeur.L’objectif de ce travail est de décrire et d’illustrer l’apport de l’imagerie dans le diagnostic et la prise en charge des CAK de localisation cervico faciale.

PATIENTS ET MÉTHODES ––––––––––––––––Il s’agit d’une étude rétrospective descriptive ayant colligé

sur une période de 17 ans (2000-2016) 10 patients pris en charge pour un CAK de localisation cervico- faciale, ex-plorés par une imagerie, et chez qui la confirmation du diagnostic était histologique.

RÉSULTATS ––––––––––––––––––––––––––––Durant la période d’étude, 30 patients ont été opérés d’une tumeur maligne primitive des glandes salivaires. Le type histologique prédominant était le CAK chez 10 patients soit une prévalence de 32%.L’âge médian de nos patients était de 52,5 ans avec des extrêmes allant de 23 à 73 ans. Une légère prédominance féminine a été notée avec un sex ratio de 0,4.Le délai médian de consultation était de 10,5 mois avec des extrêmes allant de 1 mois jusqu’à 6 ans. Les motifs de consultation étaient variables selon la localisation tumorale.Le site tumoral primitif était les glandes salivaires princi-

C A S C L I N I Q U E———————————————————————————————————————————————————————

Imagerie des carcinomes adénoïdes kystiquesen ORL

Imaging of adenoid cystic carcinoma of head and neckR Bouatay1, K Harrathi1, B Hmida2, A El Korbi1, M Ferjaoui1, A Moussa3, N kolsi1, J koubaa1

1Service d’ORL et de CCF, 2Service de Radiologie, 3Service d’anatomie pathologiqueCHU Fattouma Bourguiba de Monastir, Tunisie

ENT Department at Fattouma Bourguiba Hospital in Monastir, Tunisia

––––––––––––––––––––––––––––––––––– ABSTRACT –––––––––––––––––––––––––––––––––––––– THE AIM: Of this work is to describe and illustrate the contribution of imaging in the diagnosis of adenoid cystec carcinoma (ACC) of head and neckPATIENT AND METHODS: This is a retrospective study with 10 cases of head and neck ACC. The primary tumor site was the major salivary gland in 3 cases, oral cavity in 3 cases, facial bones for 2 patients, Trachea and larynx in 2 cases. All patients were explored by imaging (CT +/- MRI). The confirmation was histological in all cases.RESULTS: Imaging revealed a submucosal circumferential extension for the 2 tracheal laryngo localizations. Perineural spread was noted in 4 cases. The tumor was classified T4 in 5 cases, T3 in 2 cases, T2 and T1 in 3 cases. Lymph nodes metastasis were noted in 1/3 of cases.A surgery was performed in 6 cases followed by external radiotherapy. Exclusive radiotherapy was indicated in one case. The mean follow-up was of 36 months. Evolution was favorable with no local recurrence for 7 patients.CONCLUSION: Imaging (CT + MRI) is essential for detection of perineural spread and for the establishment of loco regional exten-sion of the tumor which determine therapeutic approach.KEYWORDS: Adenoid cystic carcinoma- Imaging- Salivary gland.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––– RESUME ––––––––––––––––––––––––––––––––––––– BUT : Illustrer l’apport de l’imagerie dans la prise en charge des carcinomes adénoïdes kystiques (CAK) de localisation cervico faciale.PATIENTS ET MÉTHODES : ll s’agit d’une étude rétrospective ayant colligé 10 observations de CAK. Le site tumoral primitif était les glandes salivaires principales dans 3 cas, la cavité buccale dans 3 cas, le massif facial pour 2 patients et laryngo trachéale dans 2 cas. Tous les patients ont été explorés par une imagerie (TDM +/-IRM). La confirmation était histologique dans tous les cas.RÉSULTATS : A l’imagerie, Une extension sous muqueuse circonférentielle a été notée pour les 2 localisations laryngo trachéales. L’extension péri neurale était objectivée dans 2 cas. La tumeur était classée T4 dans 5 cas, T3 dans 2 cas, T2 et T1 dans 3 cas. Une atteinte ganglionnaire était notée dans 1/3 des cas. Le traitement était chirurgical suivi d’une radiothérapie externe dans 6 cas. Une radiothérapie exclusive a été indiquée dans 1 cas. L’évolution était favorable avec absence de récidive pour 7 patients, après un suivi moyen de 36 mois.CONCLUSION : L’imagerie est indispensable pour la mise en évidence de l’invasion péri nerveuse et pour l’établissement d’un bilan d’extension locorégionale de la tumeur, facteurs conditionnant l’attitude thérapeutique.MOTS-CLÉS : Carcinome adénoïde kystique-imagerie-Glandes salivaires

Auteur correspondant : Bouatay RachidaAdresse e-mail : [email protected]

Page 2: Imagerie des carcinomes adénoïdes kystiques en ORL

68 J. TUN ORL - N°41 MARS 2019

R. Bouatay et alIMAGERIE DES CARCINOMES ADÉNOÏDES KYSTIQUES EN ORL

pales dans 3 cas: Parotide (1 cas), sub-mandibulaire (2 cas), et les glandes salivaires accessoires dans 7 cas: La cavité buccale dans 3 cas (palais, amygdale), le massif fa-cial dans 2 cas (sinus maxillaire, région ptérygo-palatine), la trachée et le larynx dans 2 cas.Les données de l’examen physique en fonction de la loca-lisation ont été détaillées dans le tableau I:

Tableau I : Données de l’examen ORL en fonction de la loca-lisation.

Données de l’examen physique Nombre Tuméfaction parotidienne bien limitée indurée et indolore, N0 1 cas Tuméfaction submandibulaire indurée et fixée, N0 2 cas Lésion ulcérée du palais mou paramédiane mal limitée de 1cm, N0 Formation bourgeonnante du palais dur de 2cm, N0

1 cas 1 cas

Formation polypoïde charnue blanchâtre comblant la fosse nasale gauche saignante au contact, N0 Diplopie + exophtalmie + endoscopie nasale normale, N0

1 cas

1 cas

Paralysie récurrentielle gauche, N0 Paralysie récurrentielle bilatérale en fermeture, N0

1 cas 1 cas

Néoformation nécrotique du sillon amygdalo glosse gauche saignante au contact, N0

1 cas

Localisation Moyens d’exploration

Données de l’imagerie

Parotidienne TDM cervicale Masse parotidienne aux dépens de 2 lobes infiltrant

l’espace para pharyngé

Submandibulaire IRM cervicale

(1 cas) (Fig1)

Formation tissulaire bien limitée en hypo signal T1,

hyper T2 se rehaussant après Gadolinium Palatine 1er cas : TDM →

+

IRM →

Nodule hypodense + lyse osseuse ptérygoïde

Lésion en hyper signal T2 du palais mou

Palatine

2ème cas : TDM →

Masse tissulaire homogène bien limitée de 2 cm avec prise de contraste intense sans lyse osseuse

Sinus maxillaire TDM du massif facial

Processus tissulaire naso-maxillaire gauche + érosion de la paroi intersinuso-nasale

Région ptérygo

palatine (RPP)

TDM + IRM

(Fig 3, Fig4)

Processus tissulaire expansif en isogonal T1, hyper T2

se rehaussant intensément après injection de Gado + envahissement des muscles ptérygoïdiens, sinus

sphénoïde, cellules éthmoïdales postérieures + extension à la BDC à travers le FO.

Trachée TDM + IRM

cervicale (Fig 2)

Masse tissulaire s’étendant sur 6cm et réduisant

la lumière trachéale de plus de 50% Larynx TDM + IRM

cervicale

Processus tumoral sous glottique circonférentiel

suspect étendu à l’hypopharnx, œsophage et trachée + ADP + extension péri vasculaire

L’examen neurologique a objectivé une atteinte nerveuse dans 3 cas: paralysie des muscles intrinsèques et extrin-sèques innervés par le ΙΙΙ gauche dans un cas, une atteinte récurrentielle unilatérale dans un cas et bilatérale dans le 2ème cas.Une laryngoscopie directe (LD) sous anesthésie générale a été réalisée dans les 2 cas de localisation laryngo tra-chéale. Elle a objectivé dans le cas de la localisation la-ryngée, une paralysie récurrentielle (PR) unilatérale avec bombement sous glottique homolatéral sous muqueux. Dans le cas de la localisation trachéale, l’endoscopie a ob-jectivé deux cordes vocales en position paramédiane sans image de processus tumoral évident.Dans notre série, une échographie cervicale a été prati-quée dans 2 cas (localisation parotidienne et submandibu-laire). Elle a conclu à une masse parotidienne gauche dans le premier cas et submandibulaire dans le deuxième cas. Une TDM a été réalisée chez 6 patients. Une IRM a été pratiquée chez 6 patients. Le couple TDM+IRM a été réa-lisé dans 4 cas (localisations laryngo trachéale, palatine et ptérygo palatine) (Tableau II). A l’imagerie, Un hypersignal T2 a été noté dans 6 cas à l’IRM (Figure 1). Une extension sous muqueuse circonférentielle a été notée pour les 2 lo-calisations laryngo trachéales (Figure 2). L’extension péri neurale était objectivée dans 2 cas : dans le cas de la loca-lisation ptérygo palatine par extension au sinus caverneux expliquant l’atteinte du III (Figure 3, 4), et une extension péri nerveuse le long du V2 dans la localisation du sillon amygdalo glosse (Figure 5). L’imagerie préopératoire nous a permis d’évoquer le diagnostic de CAK dans 4 cas : les 2 cas de localisation laryngotrachéale devant l’aspect in-filtrant circonférentiel et dans la localisation ptérygopala-tine et du sillon amygdalo glosse devant l’aspect agressif et l’extension péri nerveuse. Elle a évoqué un adénome pléomorphe dans un cas de localisation submandibulaire.

Tableau II : Données de l’imagerie en fonction de la localisation

Données de l’examen physique Nombre Tuméfaction parotidienne bien limitée indurée et indolore, N0 1 cas Tuméfaction submandibulaire indurée et fixée, N0 2 cas Lésion ulcérée du palais mou paramédiane mal limitée de 1cm, N0 Formation bourgeonnante du palais dur de 2cm, N0

1 cas 1 cas

Formation polypoïde charnue blanchâtre comblant la fosse nasale gauche saignante au contact, N0 Diplopie + exophtalmie + endoscopie nasale normale, N0

1 cas

1 cas

Paralysie récurrentielle gauche, N0 Paralysie récurrentielle bilatérale en fermeture, N0

1 cas 1 cas

Néoformation nécrotique du sillon amygdalo glosse gauche saignante au contact, N0

1 cas

Localisation Moyens d’exploration

Données de l’imagerie

Parotidienne TDM cervicale Masse parotidienne aux dépens de 2 lobes infiltrant

l’espace para pharyngé

Submandibulaire IRM cervicale

(1 cas) (Fig1)

Formation tissulaire bien limitée en hypo signal T1,

hyper T2 se rehaussant après Gadolinium Palatine 1er cas : TDM →

+

IRM →

Nodule hypodense + lyse osseuse ptérygoïde

Lésion en hyper signal T2 du palais mou

Palatine

2ème cas : TDM →

Masse tissulaire homogène bien limitée de 2 cm avec prise de contraste intense sans lyse osseuse

Sinus maxillaire TDM du massif facial

Processus tissulaire naso-maxillaire gauche + érosion de la paroi intersinuso-nasale

Région ptérygo

palatine (RPP)

TDM + IRM

(Fig 3, Fig4)

Processus tissulaire expansif en isogonal T1, hyper T2

se rehaussant intensément après injection de Gado + envahissement des muscles ptérygoïdiens, sinus

sphénoïde, cellules éthmoïdales postérieures + extension à la BDC à travers le FO.

Trachée TDM + IRM

cervicale (Fig 2)

Masse tissulaire s’étendant sur 6cm et réduisant

la lumière trachéale de plus de 50% Larynx TDM + IRM

cervicale

Processus tumoral sous glottique circonférentiel

suspect étendu à l’hypopharnx, œsophage et trachée + ADP + extension péri vasculaire

BDC: base du crâne, FO: foramen ovale, ADP: adénopathies.

Figure 1 : IRM en coupes coronales T1+ Gado (A) et T2 (B): formation tissulaire submandibulaire droite bien limitée en hy-posignal T1, hypersignal T2 se rehaussant de façon hétéro-gène après injection de Gadolinium

Figure 2 : IRM cervicale en coupes axiales séquence T2 (A, B): masse infiltrante circonférentielle en hyper signal T2, aux dépens de la trachée cervicale étendue aux cartilages et à la glande thyroïde

L’exploration endoscopique sous anesthésie générale a objectivé un processus tumoral occupant la vallécule droite saignant au contact. Une biopsie de la masse a été réalisée et l’étude histologique a montré un papillome de la vallé-

Page 3: Imagerie des carcinomes adénoïdes kystiques en ORL

69J. TUN ORL - N°41 MARS 2019

cule sans signe de malignité (Figure 2).

Figure 3 : TDM du massif facial en coupes axiales sans (A) et avec injection de PDC (B): Processus tissulaire expansif de la région ptérygo palatine envahissant les muscles ptérygoï-diens médial et latéral, le sinus sphénoïdal, le sinus caverneux gauche (flèche noire) avec extension à la base du crâne à tra-vers le FO, lyse de l’apophyse ptérygoïde (Flèche blanche) et du corps du sphénoïde

Figure 4 : IRM du massif facial en coupes axiales T1 avec injection de Gado (A) et en séquence T2 (B, C) → Processus tissulaire en hyper signal T2, se rehaussant après Gado enva-hissant la région ptérygopalatine, le sphénoïde avec extension à la BDC et au sinus caverneux

Figure 5 : IRM cervicale en coupes axiales (A, B) en sé-quences T1 sans (A) et T2 (B): Processus tissulaire (Flèche fine) de la région amygdalienne gauche avec envahissement du SAG, de la base de langue en isosignal T1, hypersignal T2 avec extension périnerveuse distale du V2 (Flèche en gras)

Aucun de nos patients n’avait des métastases secondaires à distance après un bilan d’extension comportant radiogra-phie du thorax, échographie abdominale et une scintigra-phie osseuse faite pour 2 patients et une TDM thoraco ab-dominale réalisée chez 3 malades.Au terme du bilan d’extension locorégional et à distance,

La tumeur a été classée T4 dans 4 cas, T3 dans 2 cas, T2 dans 2 cas et T1 Dans 2 cas. Ainsi, la majorité des patients présentaient au moment du diagnostic une tumeur locale-ment avancée (stade T3 et T4). Une atteinte ganglionnaire était notée dans 1/3 des cas. Tous nos patients étaient clas-sés M0 au moment du diagnostic.L’imagerie nous a permis de planifier la conduite thérapeu-tique par l’étude des extensions tumorales. Une chirurgie d’exérèse tumorale a été réalisée dans 6 cas : Glandes salivaires principales (3 cas), Palais (2 cas) et sinus maxillaire (1 cas, tumeur classée T1N0M0) 2 patients ont eu un évidement ganglionnaire associé au même temps opératoire :- Un curage triangulaire des secteurs Ι, ΙΙ, et ΙΙΙ dans le cas de localisation parotidienne - Un curage fonctionnel droit (I – V) dans le cas de localisa-tion submandibulaireTous les patients opérés ont eu une radiothérapie adju-vante post opératoire.Une radiothérapie exclusive a été indiquée dans le cas de la localisation trachéale après trachéotomie.Une radio chimiothérapie concomitante a été indiquée chez 3 malades pour les localisations :- Laryngée (tumeur classéeT4): une laryngectomie totale a été refusée par la patiente, un traitement palliatif était in-diqué après trachéotomie en urgence pour dyspnée inspi-ratoire- Sillon amygdalo glosse (Tumeur classée T4N2b)- Région ptérygo palatine (tumeur classée T4N0) Le suivi moyen était de 36 mois (24 mois → 7 ans) pour 9 patients. Le patient présentant une localisation ptéry-go palatine a été perdu de vue. Une évolution favorable sans récidive a été observée chez 7 patients. La patiente présentant un CAK de localisation laryngée, est décédée après radio chimiothérapie. La patiente traitée par exérèse tumorale suivie de radiothérapie pour un CAK du palais, a développé 7 ans plus tard, une métastase pulmonaire unique opérée avec une bonne évolution sans récidive lo-cale associée.La surveillance post opératoire a été clinique et radiolo-gique du site tumoral et à la recherche des métastases à distance (TDM+/- IRM).

DISCUSSION –––––––––––––––––––––––––––Le CAK est une tumeur épithéliale maligne rare représen-tant moins de 1% des tumeurs malignes cervico faciales [1, 2]. Sa symptomatologie fonctionnelle n’est pas spécifique et dépend de la localisation et des extensions tumorales. La douleur est décrite dans 59,8% des cas et les pares-thésies dans 12,6% des cas et dues à la tendance de la tumeur à l’invasion péri neurale [3, 4, 5].Le CAK se développe habituellement aux dépens des glandes salivaires accessoires (35 à 70%) qui se localisent au niveau du palais, langue, sinus paranasaux, cavités na-sales, larynx et trachée [6, 7].Il existe 3 sous types histologiques des CAK : tubulaire, cribriforme et solide [8].L’envahissement périnerveux est habituel dans les CAK (20 à 80% des cas) [9].L’imagerie est d’une aide précieuse dans la détection de

R. Bouatay et al IMAGERIE DES CARCINOMES ADÉNOÏDES KYSTIQUES EN ORL

Page 4: Imagerie des carcinomes adénoïdes kystiques en ORL

70 J. TUN ORL - N°41 MARS 2019

IMAGERIE DES CARCINOMES ADÉNOÏDES KYSTIQUES EN ORL R. Bouatay et al

l’extension péri neurale qui est fréquemment asymptoma-tique [7].L’échographie est fréquemment utilisée en première inten-tion devant une tuméfaction des glandes salivaires princi-pales. Cependant, il n’existe pas des particularités écho-graphiques permettant de distinguer un CAK des autres tumeurs cervico faciales [7].A la TDM, le CAK se traduit par une masse expansive bien ou mal limitée volontiers hétérogène après injection du produit de contraste. L’injection est indispensable pour rechercher une infiltra-tion des gaines nerveuses intéressant essentiellement les nerfs maxillaire V2 et mandibulaire V3 pour les localisations naso-sinusiennes, et le nerf facial en cas de siège paroti-dien. La TDM permet de rechercher des signes indirects orientant vers une invasion péri neurale tels que l’élargissement des foramina (ovale, rond et stylo-mastoïdien) ou une convexité anormale de la paroi latérale du sinus caverneux [10].Dans certaines localisations telle que la localisation laryngo trachéale, Le CAK a une tendance à l’extension sous mu-queuse liée à la disposition des glandes salivaires acces-soires, situées entre le cartilage et la membrane fibro-mus-culaire trachéale, au niveau de la paroi postérieure. Leur infiltration circulaire péri-trachéale a souvent été décrite dans la littérature. Il se présente sur le scanner comme étant une masse intra luminale s’étendant à travers la paroi trachéale. Parfois, la lésion peut se présenter sous forme d'un épaississement pariétal diffus ou circonférentiel [11]. La TDM permet aussi d’étudier la lyse osseuse et d’établir un bilan d’extension locorégional précis.Dans notre série, la TDM a été réalisée chez 6 patients où elle a objectivé une lyse osseuse dans 2 cas (CAK du mas-sif facial), une extension au sinus caverneux dans 1 cas faisant ainsi évoquer une invasion péri nerveuse. La TDM a également objectivé une localisation sous mu-queuse circonférentielle évocatrice de CAK dans les 2 cas de localisations laryngo trachéales.L’IRM est la technique d’imagerie optimale grâce à son ex-cellent contraste. Cependant, elle n’est pas spécifique pour différencier les CAK des autres types histologiques des tu-meurs cervico faciales.L’utilisation des coupes axiales et coronales est utile à la recherche d’un envahissement de la base du crâne. L’injec-tion de Gadolinium et la saturation de graisse permet une étude de l’envahissement locorégional [7].Il est préconisé de réaliser des coupes fines millimétriques axiales T1, T2, coronales T2 STIR, axiales et coronales T1 post injection de Gadolinium avec saturation de la graisse.En T1 la lésion est habituellement en iso signal, rehaussée après injection de Gadolinium. En T2 le signal est variable suivant le type histologique [8]: • La forme cribriforme se traduit par un hypersignal T2 pouvant parfois prêter confusion avec d’autres types histo-logiques tel que l’adénome pléomorphe dans les localisa-tions parotidienne et submandibulaire. • La forme solide se traduit par un hyposignal T2L’hypersignal T2 à l’IRM a été noté chez 6 patients de notre série.

L'IRM est également utile en complément à la TDM pour l’évaluation de la localisation laryngo trachéale grâce à sa meilleure résolution spatiale (notamment sur les séquences en saturation de graisse et après injection de gadolinium), permettant de mieux apprécier l’extension sous-muqueuse longitudinale. L’intérêt majeur de l’IRM réside dans la détection de l’exten-sion péri neurale grâce à sa haute résolution spatiale.Les nerfs le plus communément envahis sont le nerf fa-cial (VΙΙ) et le nerf trigéminé (V) à cause de leur distribution au niveau des sites ou les CAK se développent fréquem-ment[7,12].Les branches maxillaires V2 et mandibulaire V3 du nerf trigeminal sont les branches les plus fréquemment atteintes et facilitent l’infiltration tumorale de la fosse ptéry-go palatine (FPP), le cavum de Meckel et le sinus caver-neux [13].Dans notre série, l’extension péri neurale a été mise en évi-dence à l’IRM dans 2 cas (V2 pour le CAK du SAG, sinus caverneux pour le CAK de la RPP).L’IRM est supérieure au scanner pour la détection de l’extension péri neurale avec une sensibilité de 95 à 100% [7, 12]. Au total, Les signes radiologiques faisant redouter une extension péri neurale sont :* Élargissement/érosion des foramina*Elargissement avec rehaussement des structures ner-veuses*Infiltration des plans graisseux entourant les nerfs (fosse ptérygo palatine)*Elargissement avec convexité de la paroi latérale du sinus caverneux*Rehaussement du cavum de Meckel *Signes de dénervation musculaire (œdème, rehausse-ment puis atrophie)La valeur diagnostique du PET/scan utilisant le Fluoro 2 Deoxy D Glucose (FDG) est limitée en matière des CAK à cause de sa faible activité métabolique [12, 14]. Le bilan clinique d'extension à distance doit rechercher des adénopathies cervicales et des métastases à distance. L'atteinte parenchymateuse pulmonaire est l'atteinte mé-tastatique la plus fréquente. Un scanner cervico thoracique est un standard dans le bilan d’extension[15].La chirurgie constitue le traitement de référence des CAK. L’objectif étant de réaliser une exérèse tumorale com-plète[6]. La radiothérapie est administrée à la dose de 60 Gy sur le lit tumoral avec un complément jusqu’à 66 Gy en cas de ré-section incomplète. L’invasion péri neurale propre au CAK impose d’inclure dans les volumes irradiés les trajets des nerfs crâniens adjacents jusqu’à leur émergence de la base du crâne. L’irradiation des aires ganglionnaires cervicales, en dehors des métastases histologiquement prouvées sur les pièces de curage, est indiquée pour les localisations à haut risque des métastases ganglionnaires [2, 16].Le CAK représente une maladie dont l’évolution est longue, et dont le principal mode évolutif est la récidive. Les don-nées de la littérature retrouvent des survies globales de 55 à 90% à 5 ans et de 30 à 70% à 10 ans [2]. Le PET- scan peut être utile pour la détection des métas-tases lorsqu’une chirurgie radicale est envisagée [17].

Page 5: Imagerie des carcinomes adénoïdes kystiques en ORL

71J. TUN ORL - N°41 MARS 2019

R. Bouatay et al IMAGERIE DES CARCINOMES ADÉNOÏDES KYSTIQUES EN ORL

Le pronostic à 5 ans varie en fonction du stade TNM, du sous type histologique, des possibilités thérapeutiques et du contrôle locorégional. Le sous type histologique solide apparait le plus défavorable [6, 17].L’invasion péri neurale est généralement associée à un pronostic réservé avec risque plus élevé de récidive locorégionale et pour certains auteurs des métastases à distance [12]. Le potentiel évolutif des CAK impose une surveillance post thérapeutique clinique et radiologique à long terme obli-gatoire. Il n'existe pas à l'heure actuelle de données de la littérature permettant de définir le rythme et le contenu du bilan pour la surveillance des patients atteints de can-cers des glandes salivaires. La réalisation d’une imagerie post-thérapeutique puis annuelle est une option moyennant IRM ou une échographie à haute définition [15].

CONCLUSION ––––––––––––––––––––––––––L'invasion locale et la propagation péri neurale des CAK

de localisation cervico faciale aggravent le pronostic et peuvent modifier les attitudes thérapeutiques; Ainsi, la détection à l'imagerie des signes d’extension péri nerveuse est essentielle pour mieux codifier la stratégie thérapeutique. Un examen vigilant des voies des nerfs crâ-niens à l'imagerie et une connaissance parfaite de l'ana-tomie de la base du crâne sont des prérequis essentiels. L’imagerie préopératoire (TDM + IRM) constitue un stan-dard dans la prise en charge actuelle de ces tumeurs etun élément de référence pour la surveillance ultérieure post thérapeutique afin de détecter une éventuelle récidive.

Déclaration de liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêts.

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