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Article original Fistules bronchiques postpneumonectomies : facteurs prédictifs Bronchial fistula postpneumonectomy: predictive factors S. Yena a, *, C. Doddoli b , S. Doumbia c , X.B. D’journo b , A. Aragon b , M. Mondini b , A. Marghli b , P. Thomas b , R. Giudicelli b , D. Sangare a , S. Soumare a , P. Fuentes b a Service de chirurgie générale et thoracique, CHU du Point « G », BP 2368, Bamako, Mali b Service de chirurgie thoracique et des maladies de l’œsophage, hôpital Sainte-Marguerite, & UPRES EA 2201, IFR Jean-Roche, Marseille, France c Faculté de médecine, pharmacie et d’odontostomatologie, Bamako, Mali Disponible sur internet le 30 septembre 2005 Résumé Objectifs. – Déterminer les facteurs prédictifs de survenue d’une fistule bronchique après une pneumonectomie. Patients et méthodes. – Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur 58 cas de fistules bronchiques colligés en 14 ans (1989–2003) après 725 pneumonectomies consécutives dans le service de chirurgie thoracique de l’hôpital Sainte-Marguerite à Marseille. Il y avait 53 cas (91,4 %) de cancers et cinq cas (8,6 %) de pathologies diverses. L’âge moyen des patients était de 61 ± 10 ans avec des extrêmes de 24 et 80 ans. Le sex-ratio H/F a été de 8,7. Le logiciel de régression SPSS (version11.5) a été utilisé pour identifier les facteurs de risque de fistule grâce à une analyse univariée puis multivariée. Résultats. – La prévalence de la fistule bronchique après une pneumonectomie a été de 8 %. Les facteurs préopératoires qui ont augmentés de façon significative le taux de fistule bronchique à l’analyse univariée ont été le tabagisme chronique (p < 0,001), l’existence de BPCO (p = 0,001) et d’un antécédent de chirurgie pulmonaire (p = 0,01). Les données opératoires comme une exérèse pulmonaire droite (p < 0,001), le type de suture bronchique réalisé (p = 0,03) ainsi que qu’une pneumonectomie élargie à l’oreillette (p = 0,03) ont été des facteurs de risque significatifs. À la régression logistique les facteurs de risque significatifs ont été le tabagisme chronique (p = 0,002), l’existence de BPCO (p = 0,003), d’une chirurgie pulmonaire antérieure (p = 0,03) et le côté droit de la pneumonectomie (p < 0,001). L’indication de la pneumo- nectomie n’a été retenue ni par l’analyse univariée, ni par la régression logistique comme facteur de risque. Conclusion. – Les facteurs prédictifs d’une fistule bronchique après une pneumonectomie sont dominés par les comorbidités respiratoires. Pour la prévenir, nous insistons sur l’arrêt du tabac, une meilleure préparation respiratoire et l’acquisition d’un protocole adapté de traitement du moignon bronchique après une pneumonectomie notamment à droite. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Objective. – To determine predictive factors of bronchial fistula following pneumonectomy. Patients and methods. – In 14 years (1989–2003), we collect 58 cases of bronchial fistula following 725 consecutive pneumonectomy in the service of thoracic surgery of the Sainte Marguerite Hospital in Marseilles. There were 53 cases (91.4%) of cancers and 5 cases (8.6%) of various pathology. The average age of the patients was of 61 ± 10 years (range 24 to 80 years). The sex ratio M/F was 8.7. The software of regression SPSS (version11.5) was used to identify the factors risk of a bronchial fistula after a univariate and multivariate analysis. Results. – The prevalence of the bronchial fistula after a pneumonectomy was 8%.The preoperative factors which increased to a significant degree the incidence of the bronchial dent to the univariate analysis were the chronic smoking (P < 0.001), the existence of COPD (P = 0.001) and of a previous thoracic surgery (P = 0.01). Operational data like a right- side pulmonary resection (P < 0.001), the type of bronchial stup carried out (P = 0.03) as and an extended pneumonectomy to the auricule (P = 0.03) were significant risk factors. With the logistic regression the significant risk factors were the chronic smoking (P = 0.002), the existence of COPD (P = 0.003), a previous pulmonary surgery (P = 0.03) and the right - side of the pneumonectomy (P < 0.001). The indication of the pneumonectomy was retained neither by the univariate analysis, nor by the logistic regression significant risk factors. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Yena). Annales de chirurgie 131 (2006) 22–26 http://france.elsevier.com/direct/ANNCHI/ 0003-3944/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anchir.2005.08.005

Fistules bronchiques postpneumonectomies : facteurs prédictifs

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Page 1: Fistules bronchiques postpneumonectomies : facteurs prédictifs

Article original

Fistules bronchiques postpneumonectomies : facteurs prédictifs

Bronchial fistula postpneumonectomy: predictive factors

S. Yena a,*, C. Doddoli b, S. Doumbia c, X.B. D’journo b, A. Aragon b, M. Mondini b,A. Marghli b, P. Thomas b, R. Giudicelli b, D. Sangare a, S. Soumare a, P. Fuentes b

a Service de chirurgie générale et thoracique, CHU du Point « G », BP 2368, Bamako, Malib Service de chirurgie thoracique et des maladies de l’œsophage, hôpital Sainte-Marguerite, & UPRES EA 2201, IFR Jean-Roche, Marseille, France

c Faculté de médecine, pharmacie et d’odontostomatologie, Bamako, Mali

Disponible sur internet le 30 septembre 2005

Résumé

Objectifs. – Déterminer les facteurs prédictifs de survenue d’une fistule bronchique après une pneumonectomie.Patients et méthodes. – Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur 58 cas de fistules bronchiques colligés en 14 ans (1989–2003) après

725 pneumonectomies consécutives dans le service de chirurgie thoracique de l’hôpital Sainte-Marguerite à Marseille. Il y avait 53 cas(91,4 %) de cancers et cinq cas (8,6 %) de pathologies diverses. L’âge moyen des patients était de 61 ± 10 ans avec des extrêmes de 24 et80 ans. Le sex-ratio H/F a été de 8,7. Le logiciel de régression SPSS (version11.5) a été utilisé pour identifier les facteurs de risque de fistulegrâce à une analyse univariée puis multivariée.

Résultats. – La prévalence de la fistule bronchique après une pneumonectomie a été de 8 %. Les facteurs préopératoires qui ont augmentésde façon significative le taux de fistule bronchique à l’analyse univariée ont été le tabagisme chronique (p < 0,001), l’existence de BPCO(p = 0,001) et d’un antécédent de chirurgie pulmonaire (p = 0,01). Les données opératoires comme une exérèse pulmonaire droite (p < 0,001),le type de suture bronchique réalisé (p = 0,03) ainsi que qu’une pneumonectomie élargie à l’oreillette (p = 0,03) ont été des facteurs de risquesignificatifs. À la régression logistique les facteurs de risque significatifs ont été le tabagisme chronique (p = 0,002), l’existence de BPCO(p = 0,003), d’une chirurgie pulmonaire antérieure (p = 0,03) et le côté droit de la pneumonectomie (p < 0,001). L’indication de la pneumo-nectomie n’a été retenue ni par l’analyse univariée, ni par la régression logistique comme facteur de risque.

Conclusion. – Les facteurs prédictifs d’une fistule bronchique après une pneumonectomie sont dominés par les comorbidités respiratoires.Pour la prévenir, nous insistons sur l’arrêt du tabac, une meilleure préparation respiratoire et l’acquisition d’un protocole adapté de traitementdu moignon bronchique après une pneumonectomie notamment à droite.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Objective. – To determine predictive factors of bronchial fistula following pneumonectomy.Patients and methods. – In 14 years (1989–2003), we collect 58 cases of bronchial fistula following 725 consecutive pneumonectomy in

the service of thoracic surgery of the Sainte Marguerite Hospital in Marseilles. There were 53 cases (91.4%) of cancers and 5 cases (8.6%) ofvarious pathology. The average age of the patients was of 61 ± 10 years (range 24 to 80 years). The sex ratio M/F was 8.7. The software ofregression SPSS (version11.5) was used to identify the factors risk of a bronchial fistula after a univariate and multivariate analysis.

Results. – The prevalence of the bronchial fistula after a pneumonectomy was 8%.The preoperative factors which increased to a significantdegree the incidence of the bronchial dent to the univariate analysis were the chronic smoking (P < 0.001), the existence of COPD (P = 0.001)and of a previous thoracic surgery (P = 0.01). Operational data like a right- side pulmonary resection (P < 0.001), the type of bronchial stupcarried out (P = 0.03) as and an extended pneumonectomy to the auricule (P = 0.03) were significant risk factors. With the logistic regressionthe significant risk factors were the chronic smoking (P = 0.002), the existence of COPD (P = 0.003), a previous pulmonary surgery (P = 0.03)and the right - side of the pneumonectomy (P < 0.001). The indication of the pneumonectomy was retained neither by the univariate analysis,nor by the logistic regression significant risk factors.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (S. Yena).

Annales de chirurgie 131 (2006) 22–26

http://france.elsevier.com/direct/ANNCHI/

0003-3944/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.anchir.2005.08.005

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Conclusion. – The predictive factors of a bronchial fistula after a pneumonectomy are dominated by respiratory co-morbidities. To preventthis complication, we insist on the stop of the tobacco, a better respiratory preparation and the acquisition of a protocol adapted of thebronchial stub after a pneumonectomy particulary on the right side.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Facteurs prédictifs ; Fistules bronchiques ; Pneumonectomie

Keywords: Predictive Factors; Bronchial Fistula; Pneumonectomy

1. Introduction

La fistule bronchique est une complication majeure et fré-quente des suites d’une pneumonectomie. Sa prévalence peutatteindre 12 % [1,2]. Malgré une amélioration régulière desconditions opératoires, sa létalité demeure préoccupante carpouvant dépasser 60 % [3]. Sa survenue en postopératoire està craindre quelle que soit l’indication de la pneumonectomie.Le problème des fistules bronchiques après une exérèse pul-monaire est d’actualité en raison de sa pratique constammentcroissante sur une population de patients de plus en plus âgésou présentant d’autres tares. À son origine, plusieurs facteursde risque ont été récemment incriminés [1,4,5]. Parmi cesfacteurs, les plus importants concernent l’indication de lapneumonectomie, les caractéristiques sociodémographiques,le terrain du patient comme le diabète, ainsi que la conduiteopératoire (voie d’abord thoracique, type de suture bronchi-que, les pneumonectomies de totalisation et les pneumonec-tomies élargies). Il nous est paru donc nécessaire de menercette étude rétrospective afin de déterminer les facteurs pré-dictifs de cette complication dans notre contexte d’exercice.

2. Patients et méthodes

Il s’agit d’une étude rétrospective qui s’est déroulée dansle service de chirurgie thoracique et de transplantation pul-monaire du CHU de Sainte-Marguerite à Marseille. Elle aregroupé 58 cas de fistules bronchiques colligés en 14 ans(1989–2003). Il y avait 52 hommes (89,6 %) et six femmes(10,4 %), soit un sex-ratio H/F de 8,7. L’âge moyen despatients était de 61 ± 10 ans et variait de 24 à 80 ans.

Ces fistules bronchiques ont été consécutives à 725 cas depneumonectomies dont les principales caractéristiques socio-démographiques et comorbidités ont été détaillées dans leTableau 1.

Les patients ont été opérés par la même équipe chirurgi-cale. Les données du suivi clinique des patients étaient sys-tématiquement consignées dans un fichier informatique stan-dard. Un bilan clinique et paraclinique incluant des examensbiologiques standards, une fibroscopie bronchique, un scan-ner thoracique et des explorations fonctionnelles respiratoi-res (EFR) étaient régulièrement réalisés chez tous les patientsde l’étude. D’autres examens spécialisés tels que la scintigra-phie pulmonaire au xénon, les épreuves d’effort cardiorespi-

ratoires étaient effectuées en fonction du terrain du patient etde l’indication de la pneumonectomie.

2.1. Définition de la fistule bronchiquepostpneumonectomie

Elle a été définie comme étant une déhiscence de la suturedu moignon bronchique après une pneumonectomie et objec-tivée par une endoscopie bronchique. Les cas de fistules dia-gnostiquées au décours d’une réintervention par vidéothora-coscopie ou thoracotomie ont été également retenus. Ont étéexclus de cette définition les fistules œsopleurales et œsobron-chiques de même que les empyèmes sans fistule bronchique.En fonction de leur délai de survenue, nous avons distinguédeux types de fistules :• les fistules bronchiques précoces qui sont celles survenues

dans un délai de 30 jours après la pneumonectomie ;• les fistules bronchiques tardives sont celles survenues au

moins 30 jours après la pneumonectomie.

Tableau 1Principales caractéristiques et comorbidités des pneumonectomies (n = 725)

Age 59 ± 10 ansSexe• Hommes 609 (84 %)• Femmes 116 (16 %)Exploration respiratoire fonctionnelle• VEMS 2,5 l ± 0,8• VEMS/CV 72,50 % ± 11,1Antécédents respiratoires pathologiques 218(30 %)• Tabac (> 20 PA) 315 (43,4 %)• BPCO 125 (17 %)• Chirurgie pulmonaire 80 (11 %)Antécédents cardiovasculaires 151(21 %)• HTA 115 (16 %)• Coronaropathie et troubles du rythme 85 (12 %)Antécédents de diabète 31 (4 %)Indications• Cancers 690 (95 %)• Pathologies infectieuses ou parasitaires 19 cas (3 %)• Autres pathologies 16 cas (2 %)

VEMS : volume expiratoire maximal seconde ; CV : capacité vitale ; BPCO :bronchopneumopathie chronique obstructive ; HTA : hypertension arté-rielle ; autres pathologies : poumon radique : quatre, emphysème : trois, mal-formation : trois, fibrose : deux, amylose : un, sténose bronchique : un, rejetde greffe : un, pneumoconiose : un.

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2.2. Variables pronostiques

Les variables suivantes ont été systématiquement mesu-rées chez tous les patients :• caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe) ;• tabagisme et comorbidités respiratoires (antécédent de

bronchopneumopathie chronique obstructive : BPCO, anté-cédent de chirurgie pulmonaire antérieure), cardiovascu-laires (antécédent d’hypertension artérielle, antécédent detroubles du rythme, antécédent de coronaropathie) et méta-bolique (diabète) ;

• données spirométriques (VEMS, VEMS/CV) ;• type de pneumonectomie :

C d’urgence ;C de totalisation ;C ou élargie (élargissement de nécessité à d’autres struc-

tures voisines : oreillette, paroi thoracique, carène parexemple) ;

• côté de la pneumonectomie (droit ou gauche) ;• type de voie d’abord (thoracotomie postérolatérale : TPL ;

thoracotomie latérale : TL ; chirurgie thoracique vidéo-assistée : CTVA) ;

• mode de traitement du moignon bronchique (type de sutureeffectué, renforcement de la suture) ;

• indication de la pneumonectomie (pathologies cancéreu-ses ou autres).

2.3. Analyse statistique

L’association entre les caractéristiques du sujet et le ris-que de développer une fistule bronchique a été mesurée parl’odds-ratio (précision donnée par l’intervalle de confiance à95 %). Une analyse univariée a été réalisée pour chacune desvariables par des tests t de Student, du v2 ou des tests exactsde Fisher. L’analyse multifactorielle a consisté en une régres-sion logistique binaire. Seules les variables pour lesquellesun p < 0,20 ont été retenues pour le modèle. Une procédurede pas à pas descendante a permis d’éliminer les variablesnon significatives au seuil de 5 %. L’adéquation au modèle aété évaluée par le test de Hosmer-Lemeshow. Le traitementdes données a été effectué avec le logiciel SPSS 11.5.

3. Résultats

3.1. Prévalence de la fistule bronchique

Le taux de fistules bronchiques postpneumonectomie a étéde 8 % (58 cas) au total. Elles sont survenues après une pneu-monectomie pour cancer dans 53 cas (7,3 %), pour une mala-die d’origine parasitaire ou infectieuse dans trois cas (0,4 %),pour un emphysème dans un cas (0,1 %) et pour une fibrosepulmonaire dans un autre cas (0,1 %). Selon leur délai desurvenue, il y avait 39 fistules bronchiques précoces (5,4 %)et 19 fistules bronchiques tardives (2,6 %).

Le taux de mortalité de la pneumonectomie après 90 joursa été de 9,4 % (68 patients). Parmi ces décès, il y avait 17 cas(25 %) de fistules bronchiques (12 précoces et cinq tardives).

3.2. Analyse univariée

En fonction de l’indication de la pneumonectomie (Ta-bleau 2), il n’y a pas eu de différence statistiquement signifi-cative du taux survenue de fistule bronchique (p = 0,2).

De façon significative, les facteurs préopératoires qui ontété associés à l’augmentation de la fréquence de fistule bron-chique ont été le tabagisme chronique à partir de 20 PA(p < 0,001), les antécédents de BPCO (p = 0,001) et d’inter-ventions chirurgicales pulmonaires antérieures (p = 0,01).

Parmi les données opératoires (Tableau 3), la pneumonec-tomie droite (p < 0,001) est apparue comme étant un facteurassocié hautement significatif à l’augmentation du taux defistule bronchique. Les autres facteurs de risque peropératoi-res qui ont été sélectionnés par l’analyse univariée ont été letype de suture du moignon bronchique (p = 0,03) et une pneu-monectomie pulmonaire élargie à l’oreillette (p = 0,03).Ailleurs, ni la voie d’abord de la pneumonectomie (conven-tionnelle ou CTVA), ni la pneumonectomie effectuée urgence,ni celle de totalisation n’ont été des facteurs de risque signi-ficatif de fistule bronchique.

3.3. Analyse multivariée

La régression logistique (Tableau 4) a retenu comme fac-teurs de risque indépendants de fistule bronchique, le taba-gisme chronique à partir de 20 PA (p = 0,03), l’existence d’une

Tableau 2Données préopératoires : analyse univariée

Données générales Fistule non (n = 667) Fistule oui (n = 58) pAge 59, ± 10,2 60,8 ± 9,9 0,3Sexe masculin 557 (91,5 %) 52 (8,5 %) 0,2Tabac (> 20 PA) 277 (41,8 %) 38 (65,5 %) 0,0005VEMS 2,5 ± 0,77 2,5 ± 0,63 0,6VEMS/CV 72,3 ± 11,1 69,0 ± 10,7 0,1BPCO 106 (15,9 %) 19 (32,8 %) 0,001Antécédent de chirurgie pulmonaire 68 (10,2 %) 12 (20,7 %) 0,01Antécédents cardiovasculaires 138 (20,7 %) 13 (22,4 %) 0,8Antécédent de diabète 27 (4,0 %) 4 (6,9 %) 0,3Indications de cancers 637 (95,5 %) 53 (91,4 %) 0,2

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BPCO (p = 0,003), les antécédents d’une chirurgie pulmo-naire antérieure et le côté droit de la pneumonectomie(p < 0,001).

4. Commentaires et discussions

La survenue d’une fistule bronchique après une pneumo-nectomie est un événement grave [1]. Sa prévention apparaîtaujourd’hui comme étant un impératif afin d’améliorer le pro-nostic de ce type d’exérèse pulmonaire quelle que soit sonindication [6–9]. Jusqu’à présent, les travaux qui ont été menéssont difficilement comparables car portant soit sur des popu-lations d’études différentes et hétérogènes, soit utilisant desméthodes d’analyses statistiques non similaires.

Notre étude n’a retenu ni le sexe, ni l’âge comme facteursde risque de fistule bronchique. Cependant, plusieurs travauxeffectués récemment ont montré qu’il existe une relation sta-tistiquement significative et indépendante entre le sexe mas-culin et la survenue de fistule bronchique après une pneumo-nectomie [7,8]. Selon ces travaux, cette différence en fonctiondu sexe peut être liée à la taille relativement plus grande de labronche souche chez l’homme que chez la femme. En effet,indépendamment du sexe, le risque de fistule bronchique seraitproportionnel au diamètre de la bronche souche [6,7]. Le dia-mètre de la bronche souche a été un facteur de risque retenupar l’analyse univariée ainsi que la régression logistique dansces études. Quant à l’âge, il n’est pas un facteur de risque ensoit quand il est envisagé isolément [10]. Cependant, c’estquand plusieurs associations morbides coexistent que l’âge

acquis a une signification statistique dans le déterminismed’une fistule bronchique [11,12]. Ce qui est fréquemment lecas au-delà de 65 ans.

Le tabagisme chronique à partir de 20 PA et la BPCO ontété sélectionnés comme étant des facteurs de risque de sur-venue d’une fistule bronchique après une pneumonectomiepar l’analyse univariée et la régression logistique. Leur rôledans l’augmentation du taux de fistule bronchique après unetelle exérèse a été déjà démontré dans plusieurs travaux [4,6–8,13]. Leur responsabilité dans la genèse d’une fistule bron-chique est en rapport avec leurs effets délétères prouvés surle processus de cicatrisation [14,15]. De même, le tabagismechronique et la BPCO sont pourvoyeurs de complications car-diorespiratoires postopératoires. La ventilation mécanique quipeut être nécessaire pour le traitement de certaines de cescomplications, est également incriminée dans la genèse defistule bronchique après une pneumonectomie [3,5,6]. Lapression induite par le respirateur sur le moignon bronchiquepar cette ventilation est un facteur favorisant de la déhiscencede la suture selon ces auteurs. Le risque de fistule bronchiqueserait plus grand à partir de la 24e heure après le début de laventilation mécanique [3].

La répartition inégale de fistule bronchique selon le côtéde la pneumonectomie est dans la littérature un des facteurssur lequel plusieurs auteurs ont eu des résultats comparables[4–6,8]. Cette différence statistiquement significative entrele côté droit prédisposant et le gauche protecteur serait dueprincipalement à des particularités anatomiques [6,7,16].Contrairement à la bronche souche droite qui reste libre dansla cavité pleurale après la pneumonectomie, la gauche serétracte dans le médiastin qui la protége. Cela explique le faitque plusieurs auteurs préconisent une protection systémati-que du moignon bronchique droit en vue d’une diminutiondu taux de fistule bronchique postopératoire. Plusieurs métho-des de renforcement de la suture bronchique ont été décritesen la matière et chaque école à ses habitudes [7,13,17,18]. Lerenforcement avec un tissu autologue vascularisé a notre

Tableau 3Données opératoires : analyse univariée

Données opératoires Fistule non (n = 667) Fistule oui (n = 58) pAbord• TPL 558 (83,7 %) 54 (93,1 %)• TL 87 (13,0 %) 2 (3,4 %) 0,09• CTVA 22 (3,3 %) 2 (3,4 %)Côté• Droit 319 (47,8 %) 47 (81,0 %) 0,000001• Gauche 348 (52,2 %) 11 (19,0 %)Pneumonectomies élargies 255 (38,21 %) 22 (37,9 %) 0,96Pneumonectomie élargie à oreillette 6 (0,9 %) 3 (5,2 %) 0,03Pneumonectomie de totalisation 52 (7,8 %) 8 (13,8 %) 0,13Type de suture bronchique• Mécanique 605 (90,7 %) 49 (84,5 %)• Points séparés 46 (6,9 %) 9 (16,4 %) 0,03• Surjets 16 (2,4 %) 0 (0 %)Renforcement de la suture 215 (32,2 %) 20 (8,5 %) 0,73Pneumonectomie d’urgence 10 (1,5 %) 1 (1,7 %) 0,60

TPL : thoracotomie postérolatérale ; TL : thoracotomie latérale ; CTVA : chirurgie thoracique vidéoassistée.

Tableau 4Analyse multivariée (test de Hosmer-Lemeshow : p = 0,736)

Variables OR IC 95 % pTabac 2,45 1,37 4,38 0,002BPCO 2,55 1,38 4,72 0,003Antécédent de chirurgie pulmonaire 2,24 1,09 4,61 0,03Côté droit 4,64 2,34 9,19 0,00001

BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive.

25S. Yena et al. / Annales de chirurgie 131 (2006) 22–26

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faveur. Dans notre série, nous avons utilisé par ordre de fré-quence décroissante, la plèvre, la graisse médiastinale ou unmuscle (intercostal ou diaphragme). Cependant, de nos jours,aucune étude statistiquement fiable n’a démontré un avan-tage réel de ces différentes méthodes de renforcement les unespar rapport aux autres. Dans certaines circonstances, le gref-fon diaphragmatique pédiculisé peut être une solution de choixpour renforcer la suture bronchique, car il est le plus souventépargné par les irradiations préopératoires [16]. Même lebénéfice de l’utilisation systématique de la suture mécaniqueest encore discuté. De fait, la recherche d’une meilleure tech-nique de traitement du moignon bronchique après une pneu-monectomie reste un problème toujours non résolu. Les don-nées récentes de la littérature plaident en faveur de la suturebronchique manuelle, notamment le surjet [3,11,19]. C’estainsi que Al-Kattan et al., sur une série de 530 sutures bron-chiques manuelles par un surjet après pneumonectomie n’ontdéploré que 1,3 % de fistule bronchique précoce [11]. Mieux,ils n’ont observé aucune fistule bronchique tardive malgréune durée de suivi moyenne de 23 mois. Avec la même tech-nique, Javadpour et al. ont eu un taux de 1,9 % de fistulebronchique [3]. Enfin, Hubaut et al. dans leurs travaux sur209 pneumonectomies pour cancers et en ne pratiquant quedes surjets au polypropylène sur la bronche souche ouverte,ont eu un taux de fistule bronchique de l’ordre 2,4 % [19].

Les réinterventions chirurgicales pulmonaires peuventaussi augmenter de façon significative le taux de complica-tions postopératoires, notamment celui de la déhiscence d’unesuture bronchique [4,20]. Les difficultés techniques de dis-section d’un poumon cicatriciel ou d’un hile pulmonaire dontelles font objet, peuvent favoriser ces complications.

Les antécédents morbides cardiovasculaires ainsi que lediabète n’ont pas été retenus par nos analyses statistiquescomme des facteurs de risque de fistules bronchiques. Demême que certaines données opératoires (la voie d’abord, lapneumonectomie réalisée en urgence, les exérèses élargies etle renforcement ou non de la suture bronchique). Ces fac-teurs n’apparaissent donc pas comme étant des éléments déter-minant de survenue d’une fistule bronchique postopératoiredans notre contexte d’exercice.

5. Conclusion

Notre travail nous a permis de montrer que plusieurs fac-teurs préopératoires et peropératoires contribuent de manièreassociée ou indépendante à l’augmentation du taux de fistulebronchique après une pneumonectomie. Les facteurs liés auterrain du patient paraissent jouer un rôle plus important dansnotre étude. Le véritable problème posé est donc celui de lasélection et de la préparation des candidats pour ce type dechirurgie. Avec une morbidité et une létalité encore élevées,une prévention de la fistule bronchique pourrait être obtenuepar un arrêt effectif du tabac avant la pneumonectomie, unemeilleure préparation des patients ayant une BPCO et l’acqui-sition d’un protocole de traitement mieux adapté du moignonbronchique particulièrement à droite.

Références

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26 S. Yena et al. / Annales de chirurgie 131 (2006) 22–26