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dossier Cancer du testicule Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - n o 4 - octobre-novembre-décembre 2013 132 Formes rares de tumeurs germinales de l’adulte Rare testicular germ cell tumors in adults S. Culine*, P. Camparo** * Service d’oncologie médicale, hôpital Saint-Louis, Paris, et université Paris 7. ** Centre de pathologie, Amiens. LE POINT DE VUE DU CLINICIEN Biopsie ganglionnaire sous médiastinoscopie Histologie Granulomes sans nécrose caséeuse en rapport avec une sarcoïdose Suivi Programme de surveillance (stade I clinique) Régression des adénopathies en 18 mois Pas de rechute tumorale à 3 ans CAS CLINIQUE n o 1 : une association rare Jeune homme de 30 ans Orchidectomie inguinale gauche Séminome pur, 5 cm pT2 (invasion lymphovasculaire) Atteinte du rete testis Taux préopératoire de β -hCG libre = 0,18 ng/ml (N < 0,1) Pas d’adénopathie rétropéritonéale sur le scanner QUE DÉCIDEZVOUS ? 1 - TEP-FDG 2 - Biopsie du ganglion lymphatique 3 - Chimiothérapie (carboplatine, ASC = 7 × 1) 4 - Chimiothérapie (BEP [bléomycine + étoposide + cisplatine] × 3 ou EP [étoposide + cisplatine] × 4) 5 - Radiothérapie médiastinale RÉPONSE - 2 Le scanner thoracique montre des adénopathies paratrachéale droite, hilaires et sous-carénaires.

Formes rares de tumeurs germinales de l’adulte

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Page 1: Formes rares de tumeurs germinales de l’adulte

d o s s i e r

Cancer du testicule

Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013132

Formes rares de tumeurs germinales de l’adulte Rare testicular germ cell tumors in adultsS. Culine*, P. Camparo**

* Service d’oncologie médicale, hôpital Saint-Louis, Paris, et université Paris 7.** Centre de pathologie, Amiens.

LE POINT DE VUE DU CLINICIEN Biopsie ganglionnaire sous médiastinoscopie

Histologie • Granulomes sans nécrose caséeuse en rapport avec une sarcoïdose

Suivi • Programme de surveillance (stade I clinique) • Régression des adénopathies en 18 mois • Pas de rechute tumorale à 3 ans

CAS CLINIQUE no 1 : une association rare

Jeune homme de 30 ans

Orchidectomie inguinale gauche• Séminome pur, 5 cm• pT2 (invasion lymphovasculaire)• Atteinte du rete testis • Taux préopératoire de β -hCG libre = 0,18 ng/ml (N < 0,1)

Pas d’adénopathie rétropéritonéale sur le scanner

QUE DÉCIDEZVOUS ?

1 - TEP-FDG

2 - Biopsie du ganglion lymphatique

3 - Chimiothérapie (carboplatine, ASC = 7 × 1)

4 - Chimiothérapie (BEP [bléomycine + étoposide + cisplatine] × 3 ou EP [étoposide + cisplatine] × 4)

5 - Radiothérapie médiastinale

RÉPONSE - 2

Le scanner thoracique montre des adénopathies paratrachéale droite, hilaires et sous-carénaires.

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Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013 133

Formes rares de tumeurs germinales de l’adulte

LE POINT DE VUE DE L’ANATOMOPATHOLOGISTE

L’association d’une tumeur germinale (TG) et d’une sarcoïdose, bien que rare, est une éventualité (1, 2). Ces 2 pathologies par-tagent une épidémiologie similaire chez les patients jeunes, mais, alors que les TG sont issues de précurseurs connus (néoplasie germinale intratubulaire), la ou les causes exactes de la sarcoïdose demeurent incon-nues. La composante immunitaire de cette dernière est probable (ces pathologies sont le plus souvent corticosensibles). L’association d’une TG et d’une sarcoïdose pose en fait 3 problèmes diff érents.

✓ Dans le cas d’une sarcoïdose connue, une localisation testiculaire de la maladie ne pourra se distinguer aisément d’une authentique TG sans examen histologique. Il n’existe en eff et pas de marqueur sérique fiable permettant de distinguer les 2. L’élévation des LDH est inconstante et non spécifi que dans les TG (en particulier les séminomes) et l’élévation de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, lorsqu’elle existe, ne permet pas d’éliminer le diag-nostic de TG. L’aspect radiologique (et en particulier à la TEP) peut être faussement inquiétant devant une lésion infl ammatoire telle que la sarcoïdose. L’histoire clinique, quand bien même les localisations testi-culaires de la sarcoïdose surviennent le plus souvent tardivement dans l’histoire

de la maladie, ne permet pas d’éliminer un séminome chez le sujet âgé. Le traitement chirurgical d’une masse testiculaire dans le cas d’une sarcoïdose est donc justifi é devant une masse de progression rapide, la biopsie étant formellement proscrite en cas de suspicion de TG.

✓ Dans le cas d’une TG diagnostiquée, comme dans le cas présent, l’existence de lésions ganglionnaires ou viscérales sera a priori considérée comme le témoin d’une dissémination métastatique. Là encore, les marqueurs sériques ou l’aspect radio-logique seront utiles, mais non suffi sants. En revanche, une preuve diagnostique pourra ici être apportée par une biopsie, si elle est réalisable, d’autant plus facilement proposée que la localisation métastatique paraît inhabituelle. La biopsie montrera, dans le cas d’une sarcoïdose, l’aspect caractéris-tique de granulome à cellules géantes de type sarcoïdosique. Cet aspect ne pourra être confondu avec la présence de cellules syncitiotrophoblas-tiques parfois observées dans les séminomes ou les chorio-carcinomes. La présence d’une localisation métastatique d’une

TG sera facilement démontrée par l’examen histologique, éventuellement complété par des examens immunohistochimiques spécifi ques (PLAP, CD117, OCT3 et 4, Sall4).

✓ Enfi n, la coexistence d’une sarcoïdose et d’une TG demeure sans explication. De fait, des lésions infl ammatoires chro-niques granulomateuses avec nécrose non caséeuse et réaction histio cytaires et gigantocellulaires telles que décrites dans la sarcoïdose sont observées à distance de certaines pathologies tumorales (en parti-culier lymphomateuses). Cependant, l’asso-ciation d’une TG et d’une sarcoïdose reste suffi samment trop rare pour permettre de conclure à un lien de causalité.

Localisation testiculaire d’une sarcoïdose.

Association d’une TG et d’une sarcoïdose ✓ Réelle incidence inconnue

Hypothèse physiopathologique : réponse immune à la présence de cellules tumorales ?

En clinique ✓ La sarcoïdose peut survenir avant, de façon

concomitante ou après le diagnostic de TG

✓ L’existence d’adénopathies médiastinales sans atteinte ganglionnaire rétropéritonéale doit faire évoquer le diagnostic de sarcoïdose

✓ Nécessité d’une preuve histologique

CONCLUSION1. Gupta R, Senadhi V. A diag-nostic dilemma: metastatic testicular cancer and systemic sarcoidosis - a review of the literature. Case Rep Oncol 2011;4(1):118-24.

2 . R a y s o n D, B u r c h PA , Richardson RL. Sarcoidosis and testicular carcinoma. Cancer 1998;83(2):337-43.

R é f é r e n c e s

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Cancer du testicule

Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013134

Homme de 36 ans

Adénopathie sus-claviculaire gauche

Orchidectomie gauche par voie inguinale• Tératome pur, 6 cm• pT1• Atteinte du rete testis

LDH préopératoire : 12 N, AFP hCG normaux

LDH postopératoire : 6 N

QUE RECOMMANDERIEZVOUS ?

1 - TEP-FDG

2 - Biopsie ganglionnaire

3 - Chimiothérapie (BEP × 3)

4 - Chimiothérapie (BEP × 4)

5 - Chirurgie (toutes les adénopathies pathologiques)

RÉPONSE - 4 et 5

Scanner thoraco-abdomino-pelvien.

CAS CLINIQUE no 2 : tumeur bénigne ou maligne ?

LE POINT DE VUE DU CLINICIEN

QUE RECOMMANDERIEZVOUS ?

1 - TEP-FDG

2 - Biopsie du ganglion lymphatique

3 - Chimiothérapie (carboplatine, ASC = 7 × 1)

4 - Chimiothérapie (BEP × 3 ou EP × 4)

5 - Radiothérapie (champ médiastinal)

RÉPO

NSE

- 5

Chimiothérapie (4 cycles de BEP)

LDH = 1,5 N

Appréciation de la réponse au scanner thoraco-abdomino-pelvien : augmentation de la taille de toutes les lésions

Chirurgie • Résection complète des lésions rétropéritonéales : tératome mature • Résection incomplète au niveau médiastinal : tératome mature • Résection complète des adénopathies cervicales : tératome mature

Suivi : pas de rechute à 6 ans

• � �Leibovitch I, Foster RS, Ulbright TM, Donohue JP. Adult primary pure teratoma of the testis. The Indiana experience. Cancer 1995;75(9):2244-50.

• � � Simmonds PD, Lee AH, Theaker JM, Tung K, Smart CJ, Mead GM. Primary pure teratoma of the testis. J Urol 1996;155(3):939-42.

• � � Heidenreich A, Moul JW, McLeod DG, Mostofi FK, Engelmann UH. The role of retroperitoneal lymphadenectomy in mature teratoma of the testis. J Urol 1997;157(1):160-3.

• � � Rabbani F, Farivar-Mohseni H, Leon A, Motzer RJ, Bosl GJ, Sheinfeld J. Clinical outcome after retroperitoneal lymph adenectomy of patients with pure testicular teratoma. Urology 2003;62(6):1092-6. Review.

P o u r e n s avo i r p l u s . . .

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Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013 135

Formes rares de tumeurs germinales de l’adulte

LE POINT DE VUE DE L’ANATOMOPATHOLOGISTE

Les tératomes testiculaires purs forment un groupe hétérogène au sein des TG. Il convient de distinguer les formes de l’enfant des formes de l’adulte. Les pre-mières sont observées avant l’âge de 4 ans et sont issues de reliquats blastémateux, comme leurs corollaires ovariens. Il s’agit de tumeurs toujours bénignes pour lesquelles une orchidectomie, éven-tuellement partielle en cas de reliquat testiculaire signifi catif, peut être proposée. Aucun traitement complémentaire n’est nécessaire et elles ne prédisposent pas aux autres formes de TG. À l’inverse, les tératomes de l’adulte sont des tumeurs authentiquement malignes appartenant au groupe des TG non sémino-mateuses. Elles partagent avec celles-ci une origine commune (issue de lésions totipotentes de néoplasies germinales intratubulaires [NGIT]) et un pronostic agressif, avec en particulier un potentiel métastatique.Les tératomes purs de l’adulte sont rares (moins de 4 % des TG), peut-être plus fré-quents dans des localisation extratesticu-laires (rétropéritonéales ou médiastinales). Ces tumeurs sont composées des diff érents contingents des feuillets embryonnaires (ectoderme, endoderme et mésoderme) à

diff érents stades de maturation. La nature de ces différents contingents est sans valeur pronostique, et la distinction entre tératome mature et tératome immature a été abandonnée dans la classifi cation de l’OMS de 2004.Tout comme pour les autres formes de TG, la présence d’emboles vasculaires constitue le principal élément pronos-tique des formes localisées au testicule (pT1/pT2 N0M0). Les métastases issues des tératomes peuvent se développer soit sous forme de tératomes, soit sous d’autres formes histologiques de TG (essentiellement tumeur vitelline, mais également carci-nome embryonnaire, choriocarcinome, voire séminome) [1]. Des études de perte d’hétérozygoties démontrent l’existence d’un profil génétique commun entre la tumeur primitive tératomateuse et la localisation métastatique, quelle que soit sa forme histologique (2). Ce poten-tiel métastatique “aberrant” s’explique par l’origine de ces tumeurs (NGIT toti-potente).Ces tumeurs résistent à la chimiothérapie et à la radiothérapie. Dans le cas d’un tératome testiculaire pur, il apparaît donc justifi é de proposer précocement un trai-

tement chirurgical des éventuelles locali-sations métastatiques (rétropéritonéales ou autres), d’autant plus que ces tumeurs n’expriment pas les marqueurs sériques habituels des tumeurs germinales (LDH, hCG ou AFP) et ne sont pas identifi ables à la TEP.En l’absence d’exérèse chirurgicale com-plète, ces tumeurs continuent à progresser, parfois de façon importante (growing tera-toma), ou à essaimer à nouveau sous forme métastatique.Afi n de valider l’exérèse complète dans le cas d’un traitement chirurgical, des curages ou des métastasectomies, un examen extemporané est possible sur les berges d’exérèse ou les zones chirurgicalement suspectes.

Localisation métastatique ganglionnaire d’un tératome pur.

Le tératome pur du testicule est une maladie maligne (une TG non séminomateuse [NSGCT])

Le traitement du tératome est chirurgical

Que faire en pratique ? ✓ Stade I : surveillance plutôt

que curage lombo- aortique ?

✓ Stade II/III avec des marqueurs sériques élevés : chimiothérapie + chirurgie

✓ Stade II/III avec des marqueurs sériques bas : chirurgie en pre-mière intention ?

CONCLUSION 1. Rabbani F, Farivar-Mohseni H, Leon A, Motzer RJ, Bosl GJ, Sheinfeld J. Clinical outcome after retroperitoneal lympha-denectomy of patients with pure testicular teratoma. Urology 2003;62(6):1092-6.

2 . J o n e s T D, Wa n g M , Sung MT et al. Clonal origin of metastatic testicular tera-tomas. Clin Cancer Res 2006;12:5377-83.

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Cancer du testicule

Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013136

CAS CLINIQUE no 3 : association de malfaiteurs

LE POINT DE VUE DU CLINICIEN Curage ganglionnaire modifi é

Histologie • PNET isolée au niveau de 3 des 9 ganglions retrouvés

Suivi • Programme de surveillance • Pas de récidive à 2 ans et demi

Jeune homme de 22 ans

Orchidectomie gauche par voie inguinale• Tumeur mixte, 7 cm, pT2• Carcinome embryonnaire (40 %)• Tératome (30 %)• PNET (Primitive neuroectodermal tumor)

Marqueurs sériques préopératoires normaux

QUE RECOMMANDERIEZVOUS ?

1 - TEP-FDG

2 - Radiothérapie (para-aortique)

3 - Chimiothérapie (BEP × 3)

4 - Chimiothérapie (autre protocole)

5 - Curage ganglionnaire rétropéritonéal

RÉPONSE - 5

Masse para-aortique gauche sur le scanner thoraco-abdomino-pelvien.

• � �El Mesbahi O, Terrier-Lacombe MJ, Rebischung C et al. Chemotherapy in patients with teratoma with mali-gnant transformation. Eur Urol 2007;51(5):1306-11.

• � � Ehrlich Y, Beck SD, Ulbright TM et al. Outcome ana-lysis of patients with transformed teratoma to primi-tive neuro ecto dermal tumor. Ann Oncol 2010;21(9):1846-50.

p o u r e n s avo i r p l u s …

1. Kum JB, Ulbright TM, Williamson SR et al. Molecular genetic evidence supporting the origin of somatic-type malignancy and teratoma from the same progenitor cell. Am J Surg Pathol 2012;36(12):1849-56.

2. Mikuz G, Colecchia M. Teratoma with somatic-type mali-gnant components of the testis. A review and an update. Virchows Arch 2012;461(1):27-32.

3. Al-Hader AA, Jain A, Al-Nasrallah N, Einhorn LH. Metastatic Malignant Transformation of Teratoma to Primitive Neuroectodermal Tumor (PNET ): Results With PNET-based Chemotherapy. Am J Clin Oncol 2013; [Epub ahead of print].

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Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013 137

Formes rares de tumeurs germinales de l’adulte

Tératome avec transformation maligne ✓ Plus souvent observé dans les méta-

stases que dans les sites primitifs de tumeurs germinales

✓ Histologies

– sarcomes le plus souvent (rhabdomyosarcomes et PNET)

– adénocarcinomes

– leucémies

✓ La présence de l’isochromosome 12p dans toutes les composantes, germinales et non germinales, témoigne de leur origine commune

Que faire en pratique ? Chirurgie ✓ Stades I et II : curage ganglionnaire

✓ Masses volumineuses, non résécables : chimiothérapie en fonction de l’histologie ± chirurgie

CONCLUSION

LE POINT DE VUE DE L’ANATOMOPATHOLOGISTE

Les tératomes avec contingent somatique malin (TCSM) constituent une éventualité rare parmi les TG de l’adulte. Décrits dans environ 6 % des TG métastatiques, ils sont le plus souvent observés après chimio-thérapie, mais peuvent également être observés au sein de la tumeur primitive, avec une fréquence cependant moindre. La terminologie “tératome cancérisé”, si elle rend compte d’un des mécanismes pos-sibles de développement de cette tumeur, est inadaptée. On lui préfère, depuis la clas-sifi cation OMS de 2004 le terme de “téra-tome avec contingent somatique malin”.

L’apparition d’un TCSM procède de 3 méca-nismes principaux : soit un développement à partir d’un tératome présent au sein de la TG par dédiff érenciation (“transformation”), soit un développement à partir d’un autre contingent germinal (carcinome embryon-naire, tumeur vitelline, choriocarcinome ou séminome), là encore par un mécanisme

de reprogrammation cellulaire, soit direc-tement, à partir des lésions de NGIT (1). Leur description plus fréquente après chimiothérapie est liée au fait que ces tumeurs ne sont pas sensibles aux chimio-thérapies classiquement mises en œuvre au cours des TG. De fait, le contingent soma-tique malin se trouve “sélectionné” par cette chimiothérapie et peut continuer de croître pour son propre compte alors que les autres contingents germinaux sont, eux, détruits par le traitement mis en œuvre.Leur reconnaissance et leur description sont importantes, car, si le pronostic habituel d’une TG métastatique est relativement bon (80 % à 5 ans), la présence d’un contingent somatique malin grève fortement celui-ci (40-50 % de survie à 5 ans). De plus, ce pronostic dépend du type histologique du contingent somatique malin présent (sarcome, tumeurs primitives neuro-ecto-dermiques [PNET], lymphome).La reconnaissance du contingent somatique malin est histologique. Elle repose sur la présence d’une formation tumorale, géné-ralement visible au microscope dès le faible grossissement (supérieur à 1 cm), infi ltrant et détruisant le tissu environnant, en particulier les autres contingents germinaux présents, et présentant une forte activité mitotique, ce qui est inhabituel dans les autres TG.Les sarcomes (55 %), et en particulier les rhabdomyosarcomes (RMS) [20 %], consti-tuent le type histologique le plus fréquent, mais tout type de sarcome peut être observé. Les carcinomes, essentiellement

de type glandulaire (adénocarcinomes), constituent le second grand groupe (30 %). Les lymphomes sont principalement observés en localisation médiastinale. Les PNET (15 % environ) constituent la forme histologique la plus agressive (2).La présence d’un contingent somatique malin, à l’exception d’un contingent de PNET, ne semble pas infl uencer le pronostic si la résection de la tumeur est complète (tumeur primitive testiculaire T1N0 traitée par orchidectomie ou résection complète par curage des localisations métastatiques rétropéritonéales). Si l’exérèse est incom-plète, le pronostic est celui de la forme tumorale prise par la tumeur (sarcome, carcinome…), et la chimiothérapie doit être adaptée (3). En revanche, la présence d’une PNET aggrave le pronostic quel que soit le stade tumoral. Dans ce cas, même si la tumeur est strictement localisée au testicule, une chimiothérapie spécifi que doit être mise en place.Enfin, si la découverte d’un contingent somatique malin peut être facilement rat-tachée à une TG connue (au sein d’une TG intratesticulaire ou dans le cas d’une TG connue avec localisation métastatique), il faudra penser à une origine germinale devant une tumeur sarcomateuse ou carci-nomateuse rétropéritonéale survenant chez un sujet jeune. La palpation testiculaire et la recherche d’un iso chromo some p12, mar-queur génétique des tumeurs germinales, seront alors les seuls éléments capables de rattacher la tumeur à son origine germinale.

Localisation métastatique d’un tératome avec contingent somatique malin.

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Cancer du testicule

Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013138

CAS CLINIQUE no 4 : un séminome qui n’en est pas un !

Homme de 62 ans

Orchidectomie gauche par voie inguinale• Séminome spermatocytique (SS)• 3 cm• pT2 (emboles tumoraux vasculaires)

Marqueurs sériques préopératoires normaux

Scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP) normal

QUE RECOMMANDERIEZVOUS ?

1 - Curage ganglionnaire lombo-aortique modifi é gauche

2 - Radiothérapie (lombo-aortique)

3 - Chimiothérapie (carboplatine × 1)

4 - Chimiothérapie (BEP × 2)

5 - Surveillance

RÉPONSE - 5

LE POINT DE VUE DU CLINICIEN Pierre Masson en 1946 • “La tumeur que j’ai caractérisée a comme seul point commun avec le séminome classique d’être composée de cellules rondes.”

John Eble en 1994 • “Cinq décennies d’études complémentaires n’ont pas permis d’identifi er d’autres caractéristiques communes permettant de justifi er le terme de séminome.”

➜ Le SS n’est pas un variant du séminome !

Principales caractéristiques du SS • Pas de néoplasie germinale intratubulaire (IGCNU) • Pas de marqueur de cellules germinales embryonnaires (PLAP, KIT)

Lumière du tube séminifère

Cellule de Sertoli

Corps résiduelSpermatide

Spermatocyte de 2e génération

Spermatocyte de 1re génération

Spermatogoniede type A1

Spermatogoniede type B

Spermatogoniede type A2

L L

GDNFFGF2

SSC

BM

L

PE

Mutations FGFR3 et H-RAS dans les SS (≈ 25 %)

CSF-1SSC

Spermatogenèse

Gonocyte

O

CT2

SSX2

-4Pré-spermatogonie Tumeur

SA

GE1

Séminom

e spermatocytique

Spermatogonie de type A1

Spermatogonie de type A2

Spermatogonie de type B

Mutant ?

Mutant ?

S

BM : membrane basale ; L : cellules de Leydig ; PE : cellules péri-tubulaires ; CSF-1 : Colony-Stimulating Factor 1 ; GDNF : Glial cell line-Derived Neutrophic Factor ; FGF : Fibroblast Growth Factor ; SSC : spermatogonie souche ; S : cellule de Sertoli.

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Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013 139

Formes rares de tumeurs germinales de l’adulte

•  �  �C h u n g P W, B a y l e y A J , Sweet J et al. Spermatocytic seminoma: a review. Eur Urol 2004;45(4):495-8.

1. Aggarwal N, Parwani AV. Spermatocytic seminoma. A r c h P a t h o l L a b M e d 2009;133(12):1985-8.

2. Menon S, Karpate A, Desai S. Spermatocytic seminoma with rhabdomyosarcomatous diff e-rentiation: a case report with a review of the literature. J Cancer Res Ther 2009;5(3):213-5.

R é f é r e n c e s

LE POINT DE VUE DE L’ANATOMOPATHOLOGISTE

Les SS constituent une entité à part au sein des tumeurs du testicule. Bien que classées par l’OMS comme des TG, elles ne partagent avec ces dernières que… leur nom et leur localisation.Il s’agit de tumeurs testiculaires rares sur-venant après 20 ans avec une fréquence relative plus marquée au-delà de la cin-quième décennie (du fait de la diminution du nombre des autres formes de tumeurs germinales). Une étude des uropatholo-gistes français du Groupe d’études des lésions urologiques (GELU) a relevé, à partir d’une série de 2 435 tumeurs testiculaires, une fréquence ne dépassant pas 0,5 % de l’ensemble des tumeurs dans cette loca-lisation (1).Contrairement aux TG, et au séminome en particulier, elles ne sont pas issues de lésions de néoplasie germinale intratubu-laire, précurseurs communs à l’ensemble des autres tumeurs de ce groupe histo-logique. On pense aujourd’hui qu’elles seraient issues de gonies engagées dans la maturation spermatocytaire, proba-blement après la première méiose. Leur présentation clinique est aspécifique (masse testiculaire, pesanteur). Leur pré-sentation histologique est déroutante, faisant hésiter entre tumeur germinale

(séminome le plus souvent) et lymphome testiculaire (fré-quent au-delà de 50 ans). C’est la coexistence de différents types cellulaires (petites cel-lules lymphoïde-like, grosses cellules ressemblant à des cellules de la ligne germinale et cellules intermédiaires seminoma-like [d’où leur ter-minologie trompeuse]) qui fait évoquer le diagnostic. Ces tumeurs n’expriment pas la plupart des marqueurs i m m u n o h i s t o c h i m i q u e s classiques des TG (phosphatase alcaline placentaire [PLAP], OCT3 et 4) ni, bien entendu, les marqueurs des tumeurs lymphoïdes (CD45 en particulier). Quelques études ont rapporté une positi-vité inconstante avec le CD117 (C-kit), par ailleurs exprimé par les séminomes, ou avec Sall4 exprimé par l’ensemble des TG. En fait, si l’expression isolée de C-kit peut conforter le diagnostic au microscope, l’expression de Sall4 permet, par son caractère très hétérogène et peu spécifi que, d’éliminer les autres TG, en particulier un séminome, où cet anticorps est exprimé de façon diff use et intense.

L’activité mitotique peut être élevée et le polymorphisme cellulaire inquiétant, mais ces tumeurs sont, sauf exceptions raris-simes, bénignes. D’exceptionnelles formes métastatiques (sarcomes) ont été rappor-tées (2). Mais dans sa forme histologique la plus habituelle, si ce n’est constante, ces tumeurs sont de développement stricte-ment testiculaire et ne donnent jamais de métastases. L’orchidectomie suffi t au traitement et une simple surveillance clinique peut être pro-posée. La découverte d’un séminome sper-matocytaire ne prédispose pas au risque de développement d’une autre TG.

Séminome spermatocytaire : aspect microscopique (HES : × 100).

Âge médian au-delà de 50 ans

Tumeur exclusivement testiculaire

La plupart des tumeurs (sinon toutes ?) sont de stade I

Pouvoir métastatique ? (< 5 cas rapportés) ✓ Faible effi cacité de la chimiothérapie standard

Que faire en pratique ? ✓ Surveillance après orchidectomie

CONCLUSION

Les auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

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