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20 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2009 - N°409 L’hémoglobinurie du paludisme Le cas clinique décrit ici à l’Hôpital Central de Bulawayo, au Zimbabwe, est celui d’un jeune homme de 30 ans, sans antécédents médicaux particuliers, qui présente de la fièvre depuis 2 jours à 39 °C et des urines de couleur noire. Aucune prise de médicament n’est notée chez ce jeune homme jusqu’à son arrivée à l’hôpital. Les analyses biologiques mon- trent un taux d’hémoglobine à 7,6 g/ dl, une urée sanguine à 4,8 mmol/L et une créatinine à 89 μmol/L. Le taux de biliru- bine totale est de 15 μmol/L et la bilirubine conjuguée à 1 μmol/L. Le test urinaire à la bandelette est positif pour le sang mais l’examen microscopique ne révèle pas de globules rouges (cette bandelette ne permet pas de différencier la présence d’hématie d’une hémoglobinurie). Le frot- tis sanguin révèle une parasitémie à 5 % à Plasmodium falciparum. Puis les urines s’éclaircissent progres- sivement, passant d’une couleur brune foncée à jaune 42 h après l’hospitali- sation. Ceci grâce à un traitement à la quinine, administré initialement par voie intraveineuse puis par voie orale pour une durée de 7 jours. Au total, le patient est hospitalisé durant 48 heures. Le taux de glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD) dosé 28 jours plus tard est anor- malement bas. Ce genre de pathologie avec fièvre et hémoglobinurie est le plus souvent asso- cié à l’utilisation d’une médication anti- paludique, en particulier la quinine. Mais chez ce patient, cela ne semble pas être le cas, la coloration noire des urines étant apparue avant le traitement. La cause réelle de l’hémolyse semble être donc liée à une déficience hétérozygote en G6PD, fréquente chez de nombreux Africains. Cette mutation constitue d’ailleurs une protection naturelle contre le paludisme. Cette pathologie héréditaire est trans- mise de manière récessive liée au sexe et n’atteint que les hommes. Les signes cliniques observés habituellement sont des crises hémolytiques apparaissant dans les deux jours suivant la prise d’un médicament comme des antipaludéens mais aussi des analgésiques, sulfami- des, nitrofuranes, Négram ® ou encore des anti-bilharziens. Tombe M. N Engl J Med 2008;358(24/04/08):1837 Endocardite et antibiothérapie prophylactique Hyperglycémie chez la femme enceinte Le diabète gestationnel, défini comme une intolérance au glucose avec une première découverte lors de la grossesse, a été le sujet de nombreuses controverses. Les cri- tères pour le diagnostic ont été définis il y a plus de 40 ans et restent toujours en usage aujourd’hui. Ces critères permettent d’iden- tifier les femmes enceintes susceptibles de développer un diabète de type 2 après leur grossesse mais non pas de préciser chez lesquelles il y a un risque de complications néonatales. Plusieurs données suggèrent que les critères diagnostiques du diabète gestationnel sont trop restrictifs et que des chiffres d’hyperglycémie inférieurs à ceux d’un diabète peuvent être associés à des complications néonatales. Une étude vient d’être réalisée par une équipe de chercheurs américains afin de mieux préciser les effets secondaires associés à différents degrés d’intolérance maternelle au glucose. Au total, plus de 25 000 femmes enceintes ont réalisé une épreuve d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) entre 24 et 32 semaines de gestation. Différents paramètres ont été surveillés : poids de naissance réduit, réalisation d’une césarienne, hypoglycé- mie néonatale, taux sanguin de peptide C élevé dans le sang du cordon, accouche- ment prématuré, dystocie des épaules, réanimation néo-natale, hyperbilirubiné- mie ou une pré-éclampsie maternelle. Les résultats des données disponibles montrent une association entre des taux de glucose maternels élevés, mais restant en dessous de ceux caractérisant le diabète, et une augmentation du poids de naissance et du taux de peptide C dans le sang du cordon. La fréquence des césariennes n’est pas significativement augmentée, ni celle des hypoglycémies néonatales. L’ensemble de ces données indique, selon les auteurs anglo-saxons de cette étude, la nécessité de reconsidérer les critères établis actuel- lement pour le diagnostic et le traitement des hyperglycémies durant la grossesse. En effet, des taux de glycémie élevés mais en dessous de ceux observés dans le diabète gestationnel sont associés à différentes complications néo-natales. Kuipers E, Surawicz C. Lancet 2008;371(03/05/08):1486-8 Malgré les progrès dans leur prise en charge et leur traitement, les endocardites infec- tieuses restent une pathologie à pronostic sévère, en particulier chez les sujets à ris- que : porteurs de valves artificielles cardia- ques, antécédent de pathologie cardiaque congénitale, antécédent d’endocardite. Les taux de morbidité et de mortalité restent élevés, voisins de 50 %. Une antibiothérapie prophylactique pour ces patients à risque est instituée lors d’actes chirurgicaux ou dentaires depuis une cinquantaine d’années mais ses bénéfices semblent limités. Les deux germes les plus fréquemment retrouvés restent Streptococcus et Staphylococcus aureus, en général secondairement à une infection nosocomiale ou à l’administra- tion intraveineuse de drogues. L’efficacité d’une antibiothérapie prophylactique n’a jamais été prouvée et semble être actuel- lement remise en question. De nombreux actes de la vie quotidienne comme le lavage des dents ou le fait de mastiquer des aliments entraînent une bactériémie streptococcique transitoire, ce qui représente une exposition cumulée par année des millions de fois plus éle- vée que celle causée par une extraction dentaire. Une bonne hygiène dentaire et cutanée semble dans tous les cas pri- mordiale, avec un bénéfice probablement plus important qu’une antibiothérapie prophylactique dans la prévention des endocardites infectieuses. Une récente étude chez 275 patients réali- sée en Norvège montre que la plupart des endocardites ne surviennent pas après un acte invasif mais sont plutôt dues à une bactériémie fortuite. Les auteurs concluent qu’une antibiothérapie prophy- lactique efficace ne permettrait d’éviter que quelques cas d’endocardite chaque année. En France, les actes dentaires ne sont pas associés à un risque augmenté d’endocardite infectieuse. D’autre part, l’administration d’une antibio- thérapie prophylactique expose au risque de choc anaphylactique, qui concerne 15 à 25 millions de personnes chaque année. Les problèmes de résistance aux antibio- tiques sont aussi à prendre en compte. L’Association américaine de cardiologie (AHA) préconise une prophylaxie unique- ment chez les patients à haut risque, ayant une pathologie cardiaque connue. Dans tous les cas, les notions d’hygiène dentaire et cutanée doivent être dévelop- pées chez les patients à risque. Harrison J, Hoen B. Lancet 2008;371(19/04/08):1317-9

Hyperglycémie chez la femme enceinte

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20 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2009 - N°409

L’hémoglobinurie du paludismeLe cas clinique décrit ici à l’Hôpital Central de Bulawayo, au Zimbabwe, est celui d’un jeune homme de 30 ans, sans antécédents médicaux particuliers, qui présente de la fièvre depuis 2 jours à 39 °C et des urines de couleur noire. Aucune prise de médicament n’est notée chez ce jeune homme jusqu’à son arrivée à l’hôpital. Les analyses biologiques mon-trent un taux d’hémoglobine à 7,6 g/ dl, une urée sanguine à 4,8 mmol/L et une créatinine à 89 μmol/L. Le taux de biliru-bine totale est de 15 μmol/L et la bilirubine conjuguée à 1 μmol/L. Le test urinaire à la bandelette est positif pour le sang mais l’examen microscopique ne révèle pas de globules rouges (cette bandelette ne permet pas de différencier la présence d’hématie d’une hémoglobinurie). Le frot-tis sanguin révèle une parasitémie à 5 % à Plasmodium falciparum.Puis les urines s’éclaircissent progres-sivement, passant d’une couleur brune foncée à jaune 42 h après l’hospitali-sation. Ceci grâce à un traitement à la quinine, administré initialement par voie intraveineuse puis par voie orale pour une durée de 7 jours. Au total, le patient est hospitalisé durant 48 heures. Le taux de glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD) dosé 28 jours plus tard est anor-malement bas.Ce genre de pathologie avec fièvre et hémoglobinurie est le plus souvent asso-cié à l’utilisation d’une médication anti-paludique, en particulier la quinine. Mais chez ce patient, cela ne semble pas être le cas, la coloration noire des urines étant apparue avant le traitement. La cause réelle de l’hémolyse semble être donc liée à une déficience hétérozygote en G6PD, fréquente chez de nombreux Africains. Cette mutation constitue d’ailleurs une protection naturelle contre le paludisme. Cette pathologie héréditaire est trans-mise de manière récessive liée au sexe et n’atteint que les hommes. Les signes cliniques observés habituellement sont des crises hémolytiques apparaissant dans les deux jours suivant la prise d’un médicament comme des antipaludéens mais aussi des analgésiques, sulfami-des, nitrofuranes, Négram® ou encore des anti-bilharziens.

Tombe M. N Engl J Med

2008;358(24/04/08):1837

Endocardite et antibiothérapie prophylactique

Hyperglycémie chez la femme enceinteLe diabète gestationnel, défini comme une intolérance au glucose avec une première découverte lors de la grossesse, a été le sujet de nombreuses controverses. Les cri-tères pour le diagnostic ont été définis il y a plus de 40 ans et restent toujours en usage aujourd’hui. Ces critères permettent d’iden-tifier les femmes enceintes susceptibles de développer un diabète de type 2 après leur grossesse mais non pas de préciser chez lesquelles il y a un risque de complications néonatales. Plusieurs données suggèrent que les critères diagnostiques du diabète gestationnel sont trop restrictifs et que des chiffres d’hyperglycémie inférieurs à ceux d’un diabète peuvent être associés à des complications néonatales.Une étude vient d’être réalisée par une équipe de chercheurs américains afin de mieux préciser les effets secondaires associés à différents degrés d’intolérance maternelle au glucose. Au total, plus de 25 000 femmes enceintes ont réalisé une épreuve d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) entre 24 et 32 semaines de gestation. Différents paramètres ont été surveillés : poids de naissance réduit,

réalisation d’une césarienne, hypoglycé-mie néonatale, taux sanguin de peptide C élevé dans le sang du cordon, accouche-ment prématuré, dystocie des épaules, réanimation néo-natale, hyperbilirubiné-mie ou une pré-éclampsie maternelle.Les résultats des données disponibles montrent une association entre des taux de glucose maternels élevés, mais restant en dessous de ceux caractérisant le diabète, et une augmentation du poids de naissance et du taux de peptide C dans le sang du cordon. La fréquence des césariennes n’est pas significativement augmentée, ni celle des hypoglycémies néonatales. L’ensemble de ces données indique, selon les auteurs anglo-saxons de cette étude, la nécessité de reconsidérer les critères établis actuel-lement pour le diagnostic et le traitement des hyperglycémies durant la grossesse. En effet, des taux de glycémie élevés mais en dessous de ceux observés dans le diabète gestationnel sont associés à différentes complications néo-natales.

Kuipers E, Surawicz C. Lancet

2008;371(03/05/08):1486-8

Malgré les progrès dans leur prise en charge et leur traitement, les endocardites infec-tieuses restent une pathologie à pronostic sévère, en particulier chez les sujets à ris-que : porteurs de valves artificielles cardia-ques, antécédent de pathologie cardiaque congénitale, antécédent d’endocardite. Les taux de morbidité et de mortalité restent élevés, voisins de 50 %.Une antibiothérapie prophylactique pour ces patients à risque est instituée lors d’actes chirurgicaux ou dentaires depuis une cinquantaine d’années mais ses bénéfices semblent limités. Les deux germes les plus fréquemment retrouvés restent Streptococcus et Staphylococcus aureus, en général secondairement à une infection nosocomiale ou à l’administra-tion intraveineuse de drogues. L’efficacité d’une antibiothérapie prophylactique n’a jamais été prouvée et semble être actuel-lement remise en question.De nombreux actes de la vie quotidienne comme le lavage des dents ou le fait de mastiquer des aliments entraînent une bactériémie streptococcique transitoire, ce qui représente une exposition cumulée par année des millions de fois plus éle-vée que celle causée par une extraction dentaire. Une bonne hygiène dentaire et cutanée semble dans tous les cas pri-

mordiale, avec un bénéfice probablement plus important qu’une antibiothérapie prophylactique dans la prévention des endocardites infectieuses.Une récente étude chez 275 patients réali-sée en Norvège montre que la plupart des endocardites ne surviennent pas après un acte invasif mais sont plutôt dues à une bactériémie fortuite. Les auteurs concluent qu’une antibiothérapie prophy-lactique efficace ne permettrait d’éviter que quelques cas d’endocardite chaque année. En France, les actes dentaires ne sont pas associés à un risque augmenté d’endocardite infectieuse.D’autre part, l’administration d’une antibio-thérapie prophylactique expose au risque de choc anaphylactique, qui concerne 15 à 25 millions de personnes chaque année. Les problèmes de résistance aux antibio-tiques sont aussi à prendre en compte.L’Association américaine de cardiologie (AHA) préconise une prophylaxie unique-ment chez les patients à haut risque, ayant une pathologie cardiaque connue. Dans tous les cas, les notions d’hygiène dentaire et cutanée doivent être dévelop-pées chez les patients à risque.

Harrison J, Hoen B. Lancet

2008;371(19/04/08):1317-9