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Revue Marocaine de Rhumatologie
Disponible en ligne sur
www.smr.maDOSSIER éCHOGRAPHIE
L’émergence de nouveaux traitements rend désormais possible la rémission de la polyarthrite rhumatoïde (PR). La précocité du traitement est un élément majeur de la prise en charge et passe par un diagnostic précoce. Les nouvelles techniques d’imagerie telles que l’IRM et l’échographie jouissent d’une meilleure sensibilité que l’examen clinique ou la radiographie standard dans la détection des synovites et des érosions. L’échographie reste un outil facile d’utilisation, peu onéreux et plus pratique que l’IRM.
ECHOGRAPHIE = OutIl DIAGnOStIC
Arthrosynovite ou synovite
Le groupe de l’OMERACT (Outcome Mesures in Rheumatoid Arthritis Clinical Trials) l’a défini en 2005 comme «un épaississement hypoéchogène, peu ou pas
compressible, non mobilisable pouvant être ou non hypervascularisé au Doppler puissance». Le caractère aigu de la synovite va de pair avec la présence d’un épanchement liquidien intra-articulaire, c’est-à-dire une lame anéchogène compressible et mobilisable au sein de l’épaississement hypoéchogène.
L’échographie est plus sensible que l’examen clinique pour la détection des synovites. Elle permet chez des patients porteurs de polyarthrite, de retrouver deux fois plus de synovites que l’examen clinique. Elle permet d’objectiver des synovites totalement asymptomatiques, et de rectifier le diagnostic d’oligoarthrite indifférenciée vers celui de polyarthrite, modifiant donc la prise en charge [1-9].
Plusieurs travaux ont, par ailleurs, montré que l’échographie jouissait d’une sensibilité et une spécificité équivalente à celles de l’IRM pour la détection de synovites à la fois dans le cas de maladies actives ou en rémission apparente [4,5].
Intérêt de l’échographie dans la polyarthrite rhumatoïde.Interest of ultrasonography in rheumtoid arthritis.
Ahmed Bezza
Service de Rhumatologie, Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat - Maroc.
Correspondance à adresser à : A. Bezza
Email : [email protected]
Rev Mar Rhum 2013; 23: 12-5
RésuméLa précocité du traitement est un élément majeur de la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde (PR) et passe par un diagnostic précoce.
L’échographie est un outil performant, très sensible pour la détection des synovites et des érosions, fiable et reproductible.
Son intérêt diagnostique est indiscutable, et l’échographie complète parfaitement l’examen clinique et le bilan biologico-radiographique en affirmant le caractère inflammatoire d’une polyarthrite débutante, et en présumant de son caractère rhumatoïde.
Son intérêt pronostique est remarquable puisque la présence d’érosions et/ou de synovites actives est un marqueur de sévérité, et prédit la progression structurale, même en cas d’apparente rémission clinico-biologique.
Mots clés : échographie, polyarthrite rhumatoïde, diagnostic précoce.
AbstractEarly treatment is a major component of the management of rheumatoid arthritis (RA) and passes through an early diagnosis.
Ultrasound is a powerful and highly sensitive tool for the detection of synovitis and erosions, reliable and reproducible.
Its diagnostic value is indisputable, and ultrasound perfectly complements clinical examination and biological and radiographic assessment affirming the inflammatory character of an early arthritis, and assuming its rheumatoid character.
Its prognostic value is remarkable since the presence of erosions and / or active synovitis is a marker of severity, and predicts structural progression, even when there is an apparent clinical and biological remission.
Key words : ultrasonography, rheumatoid arthritis, early diagnosis.
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Revue Marocaine de Rhumatologie
Intérêt de l’échographie dans la Polyarthrite rhumatoïde
Le mode Doppler Puissance (DP) évalue la micro vascularisation synoviale : l’hyperhémie au DP est le reflet d’une activité inflammatoire synoviale. Il est donc possible de parler de synovite active ou chaude (DP+) et de synovite inactive (DP-) (fig. 1, 2 et 3). Il a été démontré la bonne corrélation entre l’intensité du signal en DP et les données histologiques et même la présence de lymphocytes Th 17 dans le liquide synovial. L’inflammation synoviale en DP est par ailleurs bien corrélée à la présence d’une synovite active en IRM [4-12].
Erosions
Selon l’OMERACT, il s’agit d’une « interruption intra-articulaire de la corticale osseuse visible dans 2 plans orthogonaux ».
L’excellente résolution de l’échographie permet la détection d’érosions non visibles en radiographie standard. Ainsi, l’échographie permet de visualiser 6,5 plus d’érosions chez 7,5 plus de patients dans les PR débutantes, et 3,4 plus de patients chez 2,7 fois plus de patients dans les formes tardives.
Toutes les articulations ne permettent toutefois pas la recherche d’érosions. Pour des raisons anatomiques ou acoustiques, il n’est pas possible d’explorer les articulations intra-carpiennes ou intra-tarsiennes. De même, l’exploration des versants latéraux des MCP3 et 4 et MTP 2, 3 et 4 est impossible. Par ordre de fréquence décroissant, on trouve les érosions sur les MCP2, MCP 5, MCP3 puis MCP4. Au pied, les lésions prédominent sur le versant latéral des MTP5 [1-8].
ténosynovites
Selon l’OMERACT, la ténosynovite correspond à «la présence d’un tissu hypoéchogène ou anéchogène, avec ou sans liquide, au sein de la gaine tendineuse, visible dans 2 plans orthogonaux et pouvant être associé à une activité DP».
Les tendons les plus intéressants à explorer en échographie sont les tendons extenseurs ulnaires des carpes, les extenseurs digitaux, radiaux, long abducteurs/court extenseurs des pouces, fléchisseurs digitaux aux membres supérieurs ; et tibiaux postérieurs, fibulaires et extenseurs des orteils aux membres inférieurs [1-4].
Bursites et parties molles
L’échographie a un grand intérêt dans l’exploration des parties molles, parfois inflammatoires ou tuméfiées. Les bursites sont faciles à mettre en évidence et peuvent présenter parfois un caractère synovial notamment à l’épaule et inflammatoire. Les nodules rhumatoïdes n’ont pas de caractère spécifique en échographie.
L’échographie permet le guidage des ponctions, infiltrations et biopsies, facilitant et raccourcissant parfois le délai et la durée de la prise ne charge des patients. Ce guidage permet d’atteindre des épanchements liquidiens profonds comme la hanche, de petite taille ou parfois cloisonnés que le geste à l’aveugle ou sous scopie ignorerait.
ECHOGRAPHIE = OutIl PROnOStIquE Et DE SuIvI
Plusieurs travaux ont démontré la bonne corrélation entre l’intensité du signal en DP et les données histologiques, la
Figure 1 : Coupe sagittale du poignet: montrant une synovite Doppler ++ et tenosynovite des extenseurs des doigts.
Figure 2 : Coupe sagittale de l’articulation calcanéo-cuboidienne montrant une synovite Doppler garde 3.
Figure 3 : Coupe sagittale d’une MCP montrant une synovite Doppler(-).
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DOSSIER éCHOGRAPHIE
présence de lymphocytes Th17 dans le liquide synovial, la présence d’une synovite active en IRM, mais également les paramètres de l’inflammation et le score de Sharp. Il existe également une bonne corrélation avec le score DAS28 [1,6].
Ces anomalies permettent de parler de synovite active, ou chaude, ou inflammatoire, potentiellement agressive. De même, il est possible de distinguer les érosions actives, ou chaudes (hot erosions) définies par la présence d’une hyper vascularisation DP au sein de l’érosion corticale. Il est bien démontré que la présence de synovites était corrélée à la progression structurale de la maladie. Un travail récent de Funck-Brentano [9] chez 172 patients issus de la cohorte ESPOIR, montre que la présence d’érosions échographiques à J0 prédit la survenue d’érosions radiographiques à 1 an, avec un Odds Ratio 3,2 (IC95% : 1,65-5,87).
La présence de synovites actives DP + est corrélée à la progression structurale de la maladie, de même que la présence d’érosions au diagnostic.
La rémission clinico-biologique n’est pas la rémission échographique dans 40% des cas ; en effet plus de 80% des patients considérés en rémission (DAS < 2,6) ont au moins une synovite en mode B et plus de 40% ont uns synovite active en Doppler puissance.
De plus, la non rémission échographique est associée au risque de rechute clinico-biologique et à la progression des lésions structurales.
ECHOGRAPHIE = OutIl fIABlE
L’utilisation de l’échographie dans la PR est validée puisque l’activité Doppler puissance est corrélée à l’examen clinique, aux paramètres biologiques de l’inflammation et aux données IRM.
L’échographie articulaire est reproductible. En effet, son utilisation dans la PR répond aux définitions de l’OMERACT qui ont permis d’harmoniser les pratiques au sein de différentes équipes. Plusieurs scores ont été proposés [13-17] et permettent d’évaluer la présence d’un épanchement (Annexe1), la synovite en mode B (score qualitatif et semi quantitatif. Annexe 2) et en mode Doppler (score qualitatif et semi quantitatif. Annexe 3), et la présence d’érosions (Annexe 4). Plusieurs études confirment la bonne reproductibilité (intra et inter-observateur) de ces scores en mode B et en mode Doppler, avec toutefois une meilleure reproductibilité sur images fixes que sur l’acquisition d’image.
COnCluSIOn
L’échographie est donc un outil performant, très sensible pour la détection des synovites et des érosions, fiable et reproductible. Son intérêt diagnostique est indiscutable, et l’échographie complète parfaitement l’examen clinique et le bilan biologico-radiographique en affirmant le caractère inflammatoire d’une polyarthrite débutante, et en présumant de son caractère rhumatoïde. Son intérêt pronostique est remarquable puisque la présence d’érosions et/ou de synovites actives est un marqueur de sévérité, et prédit la progression structurale, même en cas d’apparente rémission clinico-biologique. Il est donc légitime d’utiliser l’échographie en cas de polyarthrite rhumatoïde débutante, mais également dans le suivi d’une PR avérée. Reste à mieux définir les modalités d’évaluation et de scoring pour une utilisation quotidienne.
DéClARAtIOn D’IntéRêt
L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt.
RéféREnCES
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A. Bezza
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Revue Marocaine de Rhumatologie
Annexe 1 : Score épanchement articulaire
Score semiquantitatif de Szkudlarek
Grade 0 : pas d’épanchement
Grade 1 : épanchement minime
Grade 2 : épanchement modéré (sans distension de la capsule articulaire)
Grade 3 : épanchement volumineux avec distension de la capsule articulaire)
Annexe 2 : Score synovite
Score semi-quantitatif de Szkudlarek
Grade 0 : pas d’épaississement synovial,
Grade 1 : minime épaississement synovial comblant l’angle entre les os
périarticulaires, mais ne dépassant pas la ligne passant par les sommets des os,
Grade 2 : épaississement synovial dépassant la ligne passant par les
sommets des os mais sans extension le long des diaphyses,
Grade 3 : épaississement synovial dépassant la ligne passant par les
sommets des os avec extension le long d’au moins une des diaphyses.
Score de Scheel : Score commun pour l’épanchement et l’hypertrophie (MCP, IPP face palmaire et dorsale)
Grade 0: pas d’épanchement ni d’hypertrohie
Grade 1: épanchement / hypertrophie minime
Grade 2: épanchement / hypertrophie modérée
Grade 3: volumineux épanchement / hypertrophie
Annexe 3 : Score Doppler Score semi-quantitatiff de Szkudlarek
Grade 0 : pas de signal doppler
Grade 1 : quelques points
Grade 2 : signaux confluents < 50% de la surface synoviale
Grade 3 : signaux confluents > 50% de la surface synoviale
Score semi-quantitatif de Stone et al :
Grade 0 : pas de signal,
Grade 1 : signal dans moins d’un tiers du tissu synovial,
Grade 2 : signal dans un à deux tiers du tissu synovial,
Grade 3 : signal dans au moins deux tiers du tissu synovial
Annexe 4 : Score érosion
Score semi-quantitatif de Szkudlarek Grade 0 : Surface corticale normale
Grade 1 : irrégularité de la surface osseuse sans défect cortical visible dans 2 plans
Grade 2 : défect de la surface osseuse visible dans 2 plans perpendiculaires
Grade 3 : défect osseux créant des destructions osseuses étendues
Classification selon la taille des érosions Wakefield modifiée1 : < 1 mm
2 : de 1 à 2 mm
3 : de 2 à 4 mm
4 : > 4 mm
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structural deterioration in rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum 2007;
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Intérêt de l’échographie dans la Polyarthrite rhumatoïde