6
Rev Mdd Interne (1994) 15, 95-100 95 © Elsevier, Paris Article original Le risque de pneumocystose nosocomiale chez les immunod6prim6s non infect6s par le virus de l'immunod6ficience humaine (VIH) B Mounib, J Cabane*, L Blum, O Picard, MJ Wattiaux, JC Imbert Service de mddecine interne 3, hdpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75571 Paris Cedex 12, France (Re~u le 22 mars 1993 ; accept6 le 11 octobre 1993) R6sum6 - Nous rapportons quatre cas de pneumocystose survenant chez des patients VIH sdron6gatifs, atteints de maladies trait6es par corticoides ~ doses usuellement prescrites pour des maladies syst6miques. Un des patients recevait en outre de petites doses de m6thotrexate. Le diagnostic a 6t6 fait par lavage bronchoalvdolaire. Sous traitement par Bactrim, deux sont d6c6dds et deux ont gu6ri. Nous avons fait une enquOte parmi 19 services traitant des ilnmunod6prim6s afin d'apprdcier la perception du risque de pneu- mocystose nosocomiale par les mddecins et la pr6valence des pneumocystoses VIH. Sur les neuf services de m6decine interne traitant h la fois des immunod6prim6s VIH + et des immunoddprim6s VIH-, nous avons retrouv6 dans sept des pneumocystoses chez des patients VIII -. )t l'oppos6, dans des services d'infectiologie gdrant essentiellement des VIH +, aucune pneumocystose n'est observ6e en dehors de ce groupe. Enfin dans les services ne prenant pas en charge de VIH +, des peumocystoses ne sont pas observdes chez des immunoddprim6s VIH-. Des pratiques de pr6vention ne sont pas encore appliqudes darts les services de m6decine, parce que les cas de pneumocystose VIH- y sont encore rares. Nous pensons ndanmoins qu'clles devraient l'~tre, ce d'autant qu'un risque de tuberculose nosocomiale existe aussi chez ces patients. pneumocystose / cortico'ides Summary - The risk of nosocomial Pneumocystis carinii pneumonia among immuno-compromized patients not infected by HIV. We report four cases of Pneumocystis carinii pneumonia (PCP) in Human Immunodeficieney Virus (HlV)-seronegative patients. Two of them had been hospitalized for polymyositis treatment near AIDS patients, respectively 1 and 4 months before PCP. The two others suffered from localized cancer Their evolution was complicated by respiratory distress and death in two of them. A telephone survey among 19 hospital units yielded nine cases of similar patients. They were only observed in wards' caring for AIDS patients at the same time, thus raising the question of a possible nosocomial transmission of PCP between AIDS patients and immunocompro- mized H1V-seronegative patients'. This adds to the growing concern for hospital-acquired injections, including resistant tuberculosis and other opportunistic pathogens. We propose some practical measures to limit this risk by simple means such as no-contact between at-risk populations, enhanced disinfection procedures of the rooms and masking of the coughing PCP patients. Pneumocystis carinii / prednisone therapy Le Pneumocystis carinii (PC), agent infectieux, d6- crit comme un protozoaire mais qui s' apparente en fait plus ~ un champignon selon des 6tudes r6- centes [1] est responsable d'une pneumopathie ex- tensive, la pneumocystose, chez les patients immunod6primds [2]. La survenue de pneumocys- tose est un phdnombne connu et relativement co- difi6 chez le patient infect6 par le VIH chez lequel une prophylaxie est propos6e. On considOre clas- siquement que la majorit6 de la population fait une primo-infection h PC dans la petite enfance, les anticorps correspondants 6tant ddtect6s dbs l'~ge de 4 ans. I1 est donc admis par la plupart des au- teurs que ce germe est strictement opportuniste et que les cas de pneumocystose chez les patients im- munod6primds r6sultent d'une r~activation endog~ne. * Correspondance et tir~s ~ part: Pr J Cabane, m~me adresse.

Le risque de pneumocystose nosocomiale chez les immunodéprimés non infectés par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH)

  • Upload
    jc

  • View
    213

  • Download
    1

Embed Size (px)

Citation preview

Rev Mdd Interne (1994) 15, 95-100 95 © Elsevier, Paris

Article original

Le risque de pneumocystose nosocomiale chez les immunod6pr im6s non infect6s par le virus de l ' immunod6f ic ience humaine (VIH)

B Mounib, J Cabane*, L Blum, O Picard, MJ Wattiaux, JC Imbert

Service de mddecine interne 3, hdpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75571 Paris Cedex 12, France

(Re~u le 22 mars 1993 ; accept6 le 11 octobre 1993)

R6sum6 - Nous rapportons quatre cas de pneumocystose survenant chez des patients VIH sdron6gatifs, atteints de maladies trait6es par corticoides ~ doses usuellement prescrites pour des maladies syst6miques. Un des patients recevait en outre de petites doses de m6thotrexate. Le diagnostic a 6t6 fait par lavage bronchoalvdolaire. Sous traitement par Bactrim, deux sont d6c6dds et deux ont gu6ri. Nous avons fait une enquOte parmi 19 services traitant des ilnmunod6prim6s afin d'apprdcier la perception du risque de pneu- mocystose nosocomiale par les mddecins et la pr6valence des pneumocystoses VIH. Sur les neuf services de m6decine interne traitant h la fois des immunod6prim6s VIH + et des immunoddprim6s VIH-, nous avons retrouv6 dans sept des pneumocystoses chez des patients VIII -. )t l'oppos6, dans des services d'infectiologie gdrant essentiellement des VIH +, aucune pneumocystose n'est observ6e en dehors de ce groupe. Enfin dans les services ne prenant pas en charge de VIH +, des peumocystoses ne sont pas observdes chez des immunoddprim6s VIH-. Des pratiques de pr6vention ne sont pas encore appliqudes darts les services de m6decine, parce que les cas de pneumocystose VIH- y sont encore rares. Nous pensons ndanmoins qu'clles devraient l'~tre, ce d'autant qu'un risque de tuberculose nosocomiale existe aussi chez ces patients.

pneumocystose / cortico'ides

Summary - The risk of nosocomial Pneumocystis carinii pneumonia among immuno-compromized patients not infected by HIV. We report four cases of Pneumocystis carinii pneumonia (PCP) in Human Immunodeficieney Virus (HlV)-seronegative patients. Two of them had been hospitalized for polymyositis treatment near AIDS patients, respectively 1 and 4 months before PCP. The two others suffered from localized cancer Their evolution was complicated by respiratory distress and death in two of them. A telephone survey among 19 hospital units yielded nine cases of similar patients. They were only observed in wards' caring for AIDS patients at the same time, thus raising the question of a possible nosocomial transmission of PCP between AIDS patients and immunocompro- mized H1V-seronegative patients'. This adds to the growing concern for hospital-acquired injections, including resistant tuberculosis and other opportunistic pathogens. We propose some practical measures to limit this risk by simple means such as no-contact between at-risk populations, enhanced disinfection procedures of the rooms and masking of the coughing PCP patients.

Pneumocystis carinii / prednisone therapy

Le P n e u m o c y s t i s c a r i n i i (PC) , a g e n t i n f ec t i eux , d6- cr i t c o m m e u n p r o t o z o a i r e m a i s qu i s' a p p a r e n t e e n fa i t p lus ~ u n c h a m p i g n o n se lon des 6 tudes r6- c e n t e s [1] es t r e s p o n s a b l e d ' u n e p n e u m o p a t h i e ex- t e n s i v e , la p n e u m o c y s t o s e , c h e z les p a t i e n t s i m m u n o d 6 p r i m d s [2]. L a s u r v e n u e de p n e u m o c y s - tose es t un p h d n o m b n e c o n n u et r e l a t i v e m e n t co- di f i6 c h e z le p a t i e n t i n f ec t6 p a r le V I H c h e z l e q u e l

une p r o p h y l a x i e es t p ropos6e . O n cons idOre c l a s - s i q u e m e n t que la ma jo r i t 6 de la p o p u l a t i o n fa i t u n e p r i m o - i n f e c t i o n h P C d a n s la pe t i t e e n f a n c e , les a n t i c o r p s c o r r e s p o n d a n t s 6 tan t dd tec t6s dbs l ' ~ g e de 4 ans. I1 es t d o n c a d m i s pa r la p l u p a r t des au- teurs que ce g e r m e es t s t r i c t e m e n t o p p o r t u n i s t e et que les cas de p n e u m o c y s t o s e c h e z les p a t i e n t s im- m u n o d 6 p r i m d s r6sul ten t d ' u n e r~ac t iva t ion endog~ne .

* Correspondance et tir~s ~ part: Pr J Cabane, m~me adresse.

96 B Mounib et al

Cependan t , la t r ansmiss ion i n t e rhuma ine ~ l ' f ige adul te est f o r t e m e n t suggdrde dans que lques 6tudes [3, 4]. Par ai l leurs , des cas de p n e u m o c y s t o s e ont 6t6 rapport6s chez des pat ients a p p a r e m m e n t non i m m u n o d d p r i m d s [1, 5, 6]. Nous avons pour notre part 6t6 conf ron tds ~t des cas de p n e u m o c y s t o s e chez des pat ients non infect6s par le V I H et peu immunod6pr imds , qui posen t le p rob lbme de leur m o d e de con tamina t ion , de l ' a t t i tude d iagnos t ique

avo i r et du t ra i tement .

Description des observations

Nous avons observ6 depuis 1986 quatre cas de pneu- mocystoses tout 5 fait inhabituelles, car survenant en de- hors des groupes ~ risque classique. De tels patients n'dtaient connus avant 1984 ni dans les services de md- decine interne, ni dans la litt6rature.

Observation 1

Homme de 64 ans, suivi en 1984 pour cancer de la pro- state, trait6 par pulpectomie, radioth6rapie locale et anti- androgbne (Anandron). En d6cembre 1984 survenue d 'une pneumocystose apr~s 3 semaines de corticothdra- pie (Cortancyl 40mg/ j soit au total 840 mg de prednisone). Le diagnostic est fait par lavage bronchoal- v6olaire (LBA) et le patient est trait6 avec succbs par Bactrim qu'i l poursuivra ensuite pendant 6 tools. Revu en novembre 1991, il est toujours en r6mission sous trai- tement d'entretien. Le Bactrim est alors arr~t6. La rd- mission se maintient depuis. En dehors d 'une br~ve corticoth6rapie de 3 semaines, aucune preuve d ' immu- noddpression n 'a 6t6 trouvde chez ce patient (cancer non dissdmin6, sdrologie VIH ndgative, sous-populations lymphocytaires normales, lymphocytes totaux normaux, 61ectrophorOse des protides normale). Aucun contact en- tre ce patient et une structure ou un cas potentiellement infectant pour Pneumocystis carinii n'a 6t6 retrouv6.

Observation 2

Homme de 83 ans, ayant une dermatomyosite diagnos- tiqude en juillet 1990 et trait6e par Cortancyl-M6tho- trexate avec succbs. Le 20 d6cembre 1990 alors qu ' i l recevait 20 mg/j de Cortancyl et 20 mg/sem de Mdtho- trexate (dose totale reque: prednisone 6,7 g, m6tho- trexate 500 mg), il est hospitalis6 pour aggravation r6cente de son 6tat respiratoire avec fi~vre. On constate une pneumopathie interstitielle radiologique. Le brian ef- fectu6 est le suivant : s6rologies V I H - , 16gionellose-, m y c o p l a s m e - ; recherche de bacilles acidoalcoolor6si- stants ndgative, lactico-d6shydrogdnases (LDH)= 386 UI (NI 330), lymphocytes = 1 419/mm 3 (N1 1 500- 3 000). Le diagnostic de pneumocystose est affirm6 par LBA et un traitement par Bactrim et corticoth6rapie est d6marr& L'6volution a 6t6 6maill6e de complications (oesophagite, ddglobulisation, herpes) et le patient est

ddcdd6 dans un tableau d 'hypoxdmie r6fractaire. Aucun contact entre ce patient et une structure ou un cas po- tentiellement infectant pour Pneumocystis carinii n 'a 6t6 retrouv6.

Observation 3

Femme de 60 arts. Dermatomyosite diagnostiqu6e ddbut octobre 1992 ndcessitant un traitement corticoYde par Cortancyl 50 mg/j et par bolus de Solumddrol 1 g IV (deux bolus h J15 et J16). Le traitement est suivi d 'une nette amdlioration clinique et biologique avec chute des CPK de 388 ~t 50 UI/1. La recherche d 'une ndoplasie associ6e est n6gative. A J40, alors que la malade a re~u une dose totale cumulde de prednisone de 4 400 rag, sur- vient une ddgradation brutale de l '6tat de la patiente avec hypotension, dyspnde, hypoxie et des rNes crdpi- tants pulmonaires. La patiente est transfdr6e en r6ani- mation off son 6tat a continu6 ~t se ddgrader. Le LBA a affirm6 la diagnostic de pneumocystose. Les enzymes LDH sont augment6es et les CPK sont normales. Un traitement par corticoth6rapie intraveineuse et Bactrim n 'a malheureusement pas permis de sauver cette pa- tiente. La chambre oh cette patiente a re~u sa cortico- th6rapie pendant 40 jours avait h6berg6 auparavant pendant 2 semaines un patient atteint de pneumocystose rdvdlatrice de sida et un autre cas de pneumocystose 6tait trait6 dans la chambre voisine.

Observation 4

Femme de 62 ans ayant un ant6cddent d'hdpatite chro- nique C traitde avec succ~s 2 arts auparavant par inter- f6ron alpha. En ddcembre 1991, lots d 'un sdjour en montagne, la patiente constate une dyspn6e d'effort et est victime d 'une chute, d'o~) un h6matome du creux axillaire droit. On d6couvre une pneumopathie intersti- tielle dont le lavage montre qu 'el le est due h PC. La s6rologie VIH est n6gative. Elle regoit Bactrim avec peu de succ~s. Deux mois plus tard est d6couverte une add- nopathie axillaire droite off la biopsie identifie un car- cinome indiff6renci6 d 'origine inconnue (aucun cancer primitif ne sera ddcouvert). Les lymphocytes totaux sont 5 1 200, les CD4 ~t 250 et les CD8 ~ 800/ram 3. La pa- tiente revolt une chimiothdrapie avec succ~s. Les suites sont marqu6es par une maladie thromboembolique vei- neuse et par une aggravation de la l~.neumopathie inters- titielle n6cessitant un traitement anticoagulant et cortico~'de prolong6. L'6volution est finalement favorable pendant 2 ans. Aucun contact entre cette patient et une structure ou un cas potentiellement infectant pour Pneu- mocystis carinii n'a 6t6 retrouv6.

Enqu6te personnelle

Dans le but d ' a p p r 6 c i e r la p r6va lence de la pneu- m o c y s t o s e chez les pat ients i m m u n o d 6 p r i m 6 s V I H n6gatifs , nous avons 6tabli un ques t ionna i r e t616-

Pneumocystose nosocomiale 97

Tableau I. Questionnaire td16phoniqne pneumocystose-maladies systdmiques.

Coordonn6es du service:

1) Combien de pneumocystoses voyez-vous par an? chez des patients VIH + chez des immunoddprim6s non VIH ?

s'agit-il de patients greff6s ? s'agit-il de patients sous chimiothdrapie ? s'agit-il de patients sous corticoth6rapie?

chez des malades non immuno-d6primds ?

2) Avez-vous constat6 une augmentation du hombre de pneu- mocystoses non VIH ?

depuis 10 ans ? depuis 5 ans ? depuis 2 ans ?

3) Les patients sida avec pneumocystose cStoient-ils les pa- tients immunoddprim6s non VIH dans votre service ?

en hospitalisation ? en consultation ?

5) Y a-t-il dans votre service une politique de prdvention des infections respiratoires nosocomiales chez les immuno-ddpri- m6s ? si oui, laquelle ?

p h o n i q u e ' tab leau I) auquel 19 se rv ices hosp i t a - l iers de la r6gion pa r i s i enne ont r6pondu. Le h o m - bre de p n e u m o c y s t o s e s obse rvdes depuis 1 an (en pra t ique , sur l ' a n n 6 e 1992) a 6t~ relev6.

Trois ca tdgor ies de se rv ices hosp i t a l i e r s ont 6t6

c iblds : - ceux qui h o s p i t a l i s en t des pa t i en t s i m m u n o d 6 - pr im6s V I H + et V I H - ; - ceux qui hosp i t a l i s en t des pa t i en t s i m m u n o d d - p r imds V I H - ; - ceux qui h o s p i t a l i s en t des pa t i en t s i m m u n o d d p r i - mds V I H +.

Ces se rv ices ont 6t6 n o t a m m e n t in te r rog6s sur l ' e x i s t e n c e con tac t s en t re pa t i en t s i m m u n o d 6 p r i - mds V I H - et V I H + et l ' e x i s t e n c e ou n o n de po- l i t iques loca les de p r6ven t ion des a f f ec t ions n o s o c o m i a l e s .

Les rdsul ta ts ( tableau II) m o n t r e n t que sur les n e u f se rv ices t ra i tant g la fo is des pa t i en t s V I H +

et des i m m u n o d 6 p r i m 6 s V I H - on r e t rouve n e u f cas de p n e u m o c y s t o s e s c h e z des pa t i en t s V I H - (rdpar- tis sur sept se rv ices) . A l ' o p p o s 6 , les se rv ices de ma l ad i e s i n f e c t i e u s e s ne vo ien t que des p n e u m o - cy s t o s e s VIH +. Enf in , les s e rv i ces ne p r e n a n t pas en cha rge de pa t i en t s V I H + ne r a p p o r t e n t pas de p n e u m o c y s t o s e chez leurs i m m u n o d d p r i m 6 s V I H - . D e u x se rv ices du p r e m i e r g ro u p e ont mis en p lace une po l i t i que de p r6ven t ion des t r an s mi s s i o n s in- t e r h u m a i n e s de my co b ac t d r i e s . U n se rv ice t rai tant

la fo is des s id~ens et des t ransp lan t6s r6naux a obse rv6 une r e c r u d e s c e n c e des cas de p n e u m o c y s - tose p a r m i les t ransplan t6s au co n t ac t des s id6ens et e n v i s a g e de me t t r e en p lace une p rdven t ion .

Tableau 1I. R6sultats de l'enquete men6e sur 19 services parisiens. Aucun de ces services sauf le n ° 18 n'observait de pneumocystoses avant 1984.

N Spgcialitd Nb. cas PCP/an Contact VIII + / V I H - Prdvention

1 3 7 8 9

l l 12 4 6 2

10 5

13 15 14 16 17 18 19

M6decine interne M6decine interne M6decine interne M6decine mterne M6decine mterne Mddecine interne M6deeine interne M6decine interne Pneumologm Infectiologm Infectiologm Rhumatologie Rhumatologie Rhumatologie Ndphrologie Rhnmatologic Rhnmatologie N6phrologie N@hrologie

VIH + VIH - 9 1 3 0

12 1 + 1 + 0 + 2 27 2 19 1 25 0

gd nbr 0 30 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 O

+ 2

Oui Oni Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui mais pas d'ID hors sida Oui mais pas d'ID hors sida Pas de patients VIH + Pas de patients VIH + Non Non Non en hospitalisation Non Non Greff6s occasionnellement

Non Tuberculose seulement Chez VIH si CD4 < 200 O u i °

Non Chez les V1H + Non Mycobact6ries : isolement O u i *

Chez les VIH + £ Chez les VIH + £ Non Non Non Non Non Non Oui § Oui occasionnellement

ID : immunoddficience ; + : malades pr6sents mais nombre non disponible ; gd nbr : malades pr6sents en grand hombre ; o chambre seule, WC s6pards ; * Bactrim chez les greff6s, chambre h part, bavette ; £ Bactrim ou adrosols de pentamidine ; § Bactrim faible 1 c/j pendant 6-12 semaincs; PCP: pneumocystose.

98 B Mounib et al

D i s c u s s i o n

Inc idence de la p n e u m o c y s t o s e

Avan t l ' 6 p i d d m i e du sida, la p n e u m o c y s t o s e 6tait une ma lad i e tr~s rare, conf in6e 5 cer ta ins pat ients tr~s i m m u n o d d p r i m 6 s (greff6s rdnaux en par t icu- lier). Burke et al [7] en ont rapport6 46 cas ent re 1958-1971 et n ' e n ont re t rouv6 que 350 cas dans la l i t tdrature a n g l o p h o n e sur la m ~ m e pdr iode. U n des s ignaux de l ' 6 m e r g e n c e du sida rut l ' a c c r o i s - sement de la d e m a n d e au Center f o r Disease

Control de p e n t a m i d i n e pour t rai ter la p n e u m o c y s - tose des h o m o s e x u e l s . Depu i s 1982, PC est re- connu c o m m e un des p r inc ipaux agents in fec t i eux mena~ant les pat ients V I H + ; la raise en p lace de t ra i tements prdvent i f s par adrosols de p e n t a m i d i n e ou par B a c t r i m a fai t d iminue r son inc idence . N 6 a n m o i n s la p n e u m o c y s t o s e reste f r 6 q u e n t e : 163 cas de p n e u m o c y s t o s e ont 6t6 d iagnos t iquds en 1992 par les l abora to i res de pa ras i to log ie de sept C H U par is iens (dont 12 cas V I H - soit 7 ,4% et 150 cas V I H + soi t 92,6%).

La d6couve r t e de p n e u m o c y s t o s e s assoc i6es 5 d ' au t re s ma lad ie s carac t6r is t iques d ' i m m u n o d 6 - p ress ion a fa i t suspec te r r 6 c e m m e n t F d m e r g e n c e d ' u n e n o u v e l l e 6p iddmie r6 t rovi ra le d is t inc te de ce l le due au V I H [8]. Ce t te hypoth~se ne s ' e s t pas conf i rm6e mais les ma lades exis tent .

P n e u m o c y s t o s e et ma lad ies mul t i sys tdmiques

( tab leau III)

N o u s avons co l l ig6 dans la l i t tdrature 69 cas de p n e u m o c y s t o s e survenues chez des pat ients trait6s pour ma lad ie s mu l t i sy s t6miques [7 ,9-15] ; les an- gdi tes ndcrosantes repr6sentent p lus du tiers (25/69) et les connec t iv i t e s p r a t i quemen t les deux t iers (43/72). La major i t6 de ces pat ients r eceva i t des corticoYdes associds h des cy to tox iques (61%), h peu prbs un quar t (24%) 6taient sous cort icoi 'des seuls (16 soit 4%) et une minor i t6 r eceva i t un cy- t o tox ique seul.

L ' e x p r e s s i o n la plus c o m m u n e est un inf i l t ra t p u l m o n a i r e a igu fdbri le aspdc i f ique avec toux s~che, dyspn6e, p rdsence de rfiles crdpi tants aux deux c h a m p s pu lmona i re s , un synd rome inters t i t ie l b i la t6ral ~t la r ad iog raph ie pu lmona i r e , une l y m p h o - p6nie, une 616vation des L D H [18] et une hypo- x6mie . La durde m o y e n n e des s y m p t 6 m e s chez ces pat ients V I H - est p lus cour te (5 jours ) que chez les pat ients V I H + (28 jours) .

P n e u m o c y s t o s e et autres malad ies sous immuno-

suppresseurs

Des cas de p n e u m o c y s t o s e ont 6t6 d6crits chez des pat ients traitds par mdtho t rexa te pour psor ias is et a s thme [9, 15, 16].

Tableau IlL Pneumocystoses VIH- et maladies multisystdmiques dans la litt6rature.

Auteur Nb Maladie Cortico~ktes Cytostatiques Cort + cyto

R6seau AP-HP 2 DM = 2 2 0 0

Godeau et al [ll] 29 Wegener = l ; PAN= 3; LED=4; D M = 4 ; 6 1 22 PR = 2 ; Dermatoses bull = 3 ; Still = 1

PM=4; LED =5; S c l = l ; P A N = l ; 4 1 8 Chechani-Bridges 13 et al [12]

Peters et al [10] 11

Rockey et al [13] l

Porter et al [14] 2

Burke et al [7] 11

Perruquet et al [9] 1

Cas personnels 2

Total 70

Connec mixte = 1 ; PR = 1

Ang6ites ndcr = 6 ; PR = 2 ;PM = 2 ;LED = 1

PM

P R = I ; PAN=I

LED=6; Wegener=2;PR=l P M = I ; S c l = l

PR= 1

DM= 2

DM + PM = 16; Wegener.= 13 Ang6ites = 12 ; Led = 16

3 1 7

0 "z0 1

0 0 2

? ? ?

0 0 1

1 0 1

16=24% 3 = 4 % 42=61%

DM : dermatomyosite ; PM : polymyosite ; PAN : p6riart6rite noueuse; LED : lupus 6ryth6mateux diss6min6 ; PR : polyarthrite rhu- matoYde ;Scl : scl6rodermie ; n6cr : n6crosantes ; connec : connectivite, bull : bulleuses.

Pneumocystose nosocomiale 99

Pneumocystose sans immunoddpression

Quelques 6tudes [5, 6] rapportent des pneumocys- roses en dehors de toute immunoddpression prou- vde, comme dans notre observation 1. S'agit-il d'une immunod6pression non d6tectde dans la li- mite des explorations immunologiques utilisdes? Certains auteurs discutent le r61e d'un d6ficit en lymphocytes CD25 [1].

On peut 6galement discuter le r61e pathog6ne du PC retrouv6, comme dans notre observation 4. I1 pourrait aussi s'agir de nouvelles souches plus virulentes ayant subi des mutations. Les progrbs de la biologie mol6culaire pourraient apporter une rdponse; on reste malheureusement pour l'instant confrontal aux difficultds de culture du PC.

La pneumocystose peut-elle Otre nosocomiale ?

La transmission interhumaine est fortement sugg6rde par certaines 6tudes privildgi6es [1-5, 17, 19, 20] ; en particulier, quatre [2, 4, 19, 20] ont montr6 une augmentation du nombre de cas de pneumocystose co'fncidant avec un contact avec des patients VIH + : - salle d'attente commune ~t des transplantds r6- naux et ~t des malades sdropositifs; - proximit6 d 'un service de transplant6s et d 'un service s'occupant du sida.

Dans notre observation 3, on peut discuter comme r61e favorisant la pr6sence dans la chambre mitoyenne d'un patient infect6 par le VIH porteur d'une pneumocystose et le fait qu'un autre patient similaire avait fr6quent6 la chambre avant la pa- tiente atteinte de polymyosite.

Des variations saisonnibres (augmentation du nombre de pneumocystoses entre mars et juin) sug- g~rent aussi le caract~re nosocomial [21-23]. Enfin, des 6tudes ndcropsiques montrent que le portage de kystes de PC est rare chez l'adulte (0,2%).

D'apr~s l'enqu~te que nous avons r6alis~e, il semble que les patients sid6ens soient le << rdservoir de germes>> pour cette maladie; en effet, les cas de pneumocystose chez les patients immunod6pri- mds V I H - n'ont 6t6 constat6s que dans les ser- vices hospitaliers o?~ sdjournent habituellement les patients VIH +. Compte tenu de la relative raret6 des pneumocystoses V I H - il n'est pas 6tonnant qu'aucun service n'ait encore mis en place de po- litique de pr6vention syst6matique de la transmis- sion nosocomiale de PC. Cependant, nos constatations et celles de la littdrature incitent penser qu'une telle action serait bdndfique.

Conclusion

Les unit~s hospitalibres prenant en charge des pa- tients sid6ens et des immunod6primds V I H - sont

bien placdes pour assister ~ l'fimergence de pneu- mocystoses nosocomiales [24, 25]. Notre 6tude, mende aprbs l'observation de cas personnels sti- mulants et d'une littdrature concordante, sugg~re clue le risque de contamination interhumaine existe. Difficile ~ ddmontrer entre patients VIH + qui sont actuellement de toutes fa~ons soumis ~ une pr6- vention primaire bien codifide, il para~t rfiel entre patients sid6ens porteurs de PC et immunod6pri- m6s V I H - non soumis ~t une prophylaxie. Nous proposons donc les attitudes suivantes : - penser rapidement au diagnostic de pneumocys- tose chez un patient mfime peu immunoddprim6, qui prdsente une pneumopathie interstitielle aigu~ fdbrile rebelle aux antibiotiques usuels et pratiquer sans ddlai un LBA, surtout si un contact avec un patient porteur d'une pneumocystose a 6t6 6tabli. Une lymphopdnie ainsi qu'une 616vation des LDH paraissent 6tre de bons 616ments compl6mentaires d' orientation ; - il est possible d'envisager une prophylaxie chez tout immunoddprim6 s'il existe un risque de conta- mination ; - des mesures d'hygibne doivent 6tre appliqu~es de manibres ~ 6viter la contamination interhumaine entre les patients immunod6primds VIH + et VIH - (port de bavette pour les malades toussants, s6pa- ration dans l 'espace ou au moins dans le temps des salles d'attente et des cabinets de consultation, hospitalisation dans des secteurs ~ part ou au moins ddsinfection approfondie des chambres ayant h6- berg6 des patients VIH + ayant une pneumocys- rose) de m6me qu'un contr61e strict de la prophylaxie primaire et secondaire de la pneumo- cystose chez les VIH +. Ces rbgles se recoupent en partie avec celles visant ~ rdduire le risque de tuberculose nosocomiale.

La tuberculose nosocomiale demeure le premier souci des m6decins soignant des immunod6prim6s VIH -. Mais il faut aussi redouter un certain nom- bre d'autres infections telles que la pneumocystose dont le caractbre nosocomial semble de plus en plus 6vident et dont l'6volution peut ~tre grave: chez nos malades et dans la litt6rature, on note 50% de passages en r6animation et 30 ~t 50% de ddcbs malgr6 un traitement intensif [6, 11].

Remerciements

Nous remercions les coll~gues hospitaliers qui ont bien voulu r6pondre t616phoniquement ?~ notre enqu~te : Drs Xerri, Larget-Piet, Sicard, Lacassin, Patti, Simonneau, Berger, Fournier, Guillevin, Baglin, Dupont, Saimot, Louvet, Boh6, Meyrier, Amor, Ramdan, Jacquot, Francon.

100 B Mounib et al

M6dicaments cit6s

A n a n d r o n (n i lu tamide) , labora to i res C a s s e n n e ; Bac t r im ( s u l f a m d t h o x a z o l e + t r im6thopr ime) , labora- toires R o c h e ;

Cor tancy l (p redn isone) , labora to i res R o u s s e l ; M6tho t rexa te (m6thot rexa te ) , labora to i res R oge r -B e l l on ; So lum6dro l (md thy lp redn i so lone ) , labora to i res Up j ohn .

R6f6rences

1 Walzer PD. Pneumocystis carinii - N c w clinical spectrum ? N Engl J Med 1991;324:263-5

2 Francoli P, Prod'horn G, Poloni C. Progrbs et problbmes dans les infections hospitalibres: l 'exemple des pneumonies. Schweiz Med Wschr 1991;12l:1423-8

3 Chavejp, Daviod S, Wauters JR van melle G, Francioli R Transmission of Pneumocystis carinni from AIDS patients : a cluster of Pneumocystis carinii pnemnonia in renal trans- plants. AIDS 1991;5:927-32

4 Girardin E, Riou JR Pneumocystoses dans un centre de trans- plantation rdnale proche d'une unit6 de soins de malades si- d6ens. Presse Mgd 1992;21:2154

5 Jacob JL, Libby DM, Winters RA, Gelmont DM, Fried ED, Hartman B J, Laurence J. A cluster of Pneumocystis carinii pneumonia in adults without predisposing illnesses. N Engl J Med 1991;324:246-50

6 Kovacs JA, Hiementz JW, Macher A e t al. Pneumocystis ca- rinii pneumonia : a comparison between patients with AIDS and patients with other immunodeficicncies. Ann Interu Med 1984;100:663-71

6b Caillet B, Souquet PJ, Velay B, Voloch A, Beranrd JE Pneu- mopathie ~ Pneumocystis carinii chez un malade sans signe d'immunod6pression. Presse mdd 1992;21:40-1

7 Burke B, Good RA. Pneumocystis carinii infection. Medicine 1973;52:23-51

8 Fauci AS. CD4 + T-lymphocytopenia without HIV infection - No lights, no camera, just facts. N Engl J Med 1993;328:429-31

9 Perruquet JL, Harrington TM, Davis DE. Pneumocystis ca rinii pneumonia following methotrexatc therapy for rheuma- toid arthritis. Arthr iris Rheum 1983;26:1291-2

l0 Peters SG, Prakash UBS. Pneurnocystis carinii pneumonia. Review of 53 cases. Am J Med 1987;82:73-8

11 Godeau B, Coutant - Perronne V, Madapur G e t al. Pneu- mopathie 5 Pneumocystis carinii et maladies s'yst6miques : ~t propos de 29 observations. Rev Mdd Interne 1992;13:$353

12 Chechani V, Bridges A. Pneumocystis carinii pneumonia in patients with connective tissue disease. Chest 1992;101: 375-8

13 Rockey DC. Progressive pulmonary infiltrates in patients with polymyositis. Hospital Practice 1989;24:136-40

14 Porter DR, Marshall DAS, Madhok R, Capell H, Sturrock RD. Pneumocystis carinii pneumonia complicating cytotoxic therapy in two patients with lymphopenia, but a normal total white cell count. Br J Rheumatol 1992;31:71-2

15 Wallis PJ, Ryatt ks, Constable TJ. Pneumocystis carinii pneu- monia complicating low-dose methotrexate treatment for pso- riatic arhtropathy. Ann Rheum Dis 1989;48:247-9

16 Kuitert LM, Harrison AC. Pneumocystis carinii pneumonia as a complication of methotrexate treatment of asthma. Tho- rax 1991;46:936-7

17 Farr RW. Pneumocystis carinii due to corticosteroids. South Med J 1992;85:52-3

18 Zaman MK, White DA. Serum lactate deshydrogenase levels and Pneumocystis carinii pneumonia. Diagnostic and prono- stic significance. Am Rev Respir Dis 1988;137:796-800

19 Haron E, Bodey GP, Luna MA, Kekmezian R, Elting L. Has the incidence of pneumocystis carinii pneumonia in cancer patients increased with the AIDS epidemic? Lancet 1988;ii:904-5

20 Goesch TR, G/Stz G, Stellbrinck KH, Albrecht H, Wex HJ, Hossfeld DK. Possible transfer of pneumocystis carinii be- tween immunodeficient patients. Lancet 1990;336:627

21 Miller RF, Grant AD, Foley NM. Seasonal variation in pre- sentation of Pneumocystis carinii pneumonia. Lancet 1992;339;747-8

22 Vanhems P, Hirschel B, Morabia A. Seasonal incidence of Pneumocystis carinii pneumonia. Lancet 1992;339:1182

23 Hoover DA, Graham NMH, Bacellar H, Schrager LK, Kaslow R, Visscher B, Murphy R, Anderson R, Saah A. Epidemio- logic patterns of upper respiratory illness and Pneumocystis carinii pneumonia in homosexual men. Am Rev Respir Dis 199i; 144:756-9

24 Gottot S. Pneumocystis carinii : la transmission interhumaine en question. Transcriptase 1991;1:9-10

25 Ben-Chetfit E. Lucky lady. N Engl J Med 1993; 328:636-9