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Le mardi 9 novembre 2010 - Volume 100 Numéro 9, le seul journal francophone de l’Université McGill. le délit Le pitch de Paul Martin > 3 Sensibilisation à la sauce Dallaire > 4 Treize à table : le retour en force du théâtre de boulevard > 11 Barney’s Version à l’écran: entrevue avec Macha Grenon > 13 Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill. Citoyens et étudiants depuis 1977 delitfrancais.com Gouvernance mondiale: qui nous mène en bateau?

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le délit Le pitch de Paul Martin > 3 Sensibilisation à la sauce Dallaire > 4 Treize à table: le retour en force du théâtre de boulevard > 11 Barney’s Version à l’écran: entrevue avec Macha Grenon > 13 delitfrancais.com Le mardi 9 novembre 2010 - Volume 100 Numéro 9, le seul journal francophone de l’Université McGill. Citoyens et étudiants depuis 1977 Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill.

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Le mardi 9 novembre 2010 - Volume 100 Numéro 9, le seul journal francophone de l’Université McGill.

le délit

Le pitch de Paul Martin > 3Sensibilisation à la sauce Dallaire > 4

Treize à table: le retour en force du théâtre de boulevard > 11Barney’s Version à l’écran: entrevue avec Macha Grenon > 13

Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill.

Citoyens et étudiants depuis 1977

delitfrancais.com Gouvernance mondiale:

qui nous mène en bateau?

2 Nouvelles xle délit · le mardi 9 novembre 2010 · delitfrancais.com

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Comme sur bien des plans, McGill fait figure d’excep-tion en matière de finance-

ment philanthropique. En octobre 2007, la rectrice et vice-chancelière de McGill, Heather Munroe-Blum, a inauguré en grande pompe une campagne de financement d’une envergure sans précédent. La Campagne de financement McGill vise à ramasser 750 M$ en cinq ans, ce qui représentait au moment du lancement «la cible initiale la plus ambitieuse pour une campa-gne de financement universitaire», selon la rectrice. À deux ans de la date butoir, 570 M$ ont été empo-chés, soit 76 % de l’objectif final.

À titre de comparaison, la campagne Un monde de projets, lancée en partenariat par l’Univer-sité de Montréal, HEC Montréal et l’École Polytechnique en 1999, avait réussi à recueillir 218 M$ à son terme en 2003, dépassant son objectif de 125 M$. Pour sa part, la Fondation de l’UQÀM a récolté 140 M$ sur une période de… 30 ans!

L’Université inc.Qui sont ces généreux mécè-

nes qui sont prêts à sortir leur ché-quier pour soutenir la cause des universités ?

«La majorité est formée d’an-ciens étudiants qui sont fiers de leur éducation», affirme Derek Cassoff du bureau de Développement et relations avec les diplômés de McGill.

Les diplômés ont contribué à la campagne dans une proportion de 55 %, contre 25 % pour les autres individus et 20 % pour les entreprises.

«McGill est une marque forte ajoute M. Cassoff et quand on sol-licite des dons, tout le monde veut investir dans une marque gagnan-te, qui marche.»

Au-delà de la fierté, les dona-teurs y trouvent aussi leur intérêt: «C’est un moyen de contourner l’impôt», indique Gilles Gagné, professeur de sociologie à l’Uni-versité Laval.

«Les entreprises ou les indivi-dus fortunés peuvent contourner le gouvernement, qui se retrouve alors appauvri et perd sa capa-cité à financer les universités sans restrictions», poursuit-il. «Et de l’autre côté, ils vont redonner cet argent là où il serait allé, dans une

institution publique, mais en ayant l’avantage de dicter ce à quoi il ser-vira.»

Les petits donateurs peuvent en effet choisir de diriger très pré-cisément leur contribution vers l’un des nombreux programmes préexistants du fonds annuel, alors que les dons de plus grande envergure font l’objet d’un contrat spécifique entre le contributeur et l’université.

«Lorsque les gens donnent, ils préfèrent choisir là où leur argent sera investi», reconnaît Momsieur Cassoff.

Parmi les grands donateurs, plusieurs sont d’anciens diplô-més qui ont fait fortune dans le domaine de la finance, des techno-

logies et de l’énergie. L’entreprise publique Hydro-Québec figure également dans le haut de la liste, avec un don de 10 M$ sur 10 ans destiné à financer la recherche de pointe dans le secteur de l’énergie.

Cette générosité n’est pas sans soulever des enjeux éthiques, com-

me en témoigne la controverse qu’a soulevée le don de la compagnie minière Osisko remis à McGill en décembre dernier. La contribution de 4,1 M$, sous la forme d’actions de la compagnie, est destinée à la recherche en géologie minière dans l’objectif «d’assurer l’avenir de notre industrie», selon le vice-pré-sident directeur d’Osisko, Robert Wares. L’éthique de la transaction a toutefois été remise en question lorsque les pratiques environne-mentales et sociales d’Osisko, qui exploite un gisement aurifère dans le village de Malartic en Abitibi, ont été dénoncées publiquement par des citoyens. Toutefois, pour McGill, «rien ne contre-indiquait l’acceptation du don».

Une panacée au sous-finance-ment ?

La rectrice de l’Université McGill, comme ses homologues québécois, plaide activement pour accroître le financement du réseau universitaire de la province. Or,

dans un contexte d’austérité bud-gétaire au gouvernement et de dis-sension sociale sur la hausse des droits de scolarité, la philanthropie apparaît comme une troisième voie attirante pour combler le déficit budgétaire de l’université.

«La philanthropie, c’est le seul moyen de financement que l’on contrôle, soutient Derek Cassoff, alors que nos deux autres sour-ces de financement principales, les subventions gouvernementales et les droits de scolarité, sont hors de notre contrôle.»

Loin d’être un colmatage ponctuel du déficit, la philanth-ropie s’inscrit dans la stratégie de financement à long terme pour l’université. Après la fin de son

ambitieuse campagne, en 2012, McGill souhaite «créer une véri-table culture de la philanthropie, explique M. Cassoff, afin de conti-nuer à recueillir des dons à hau-teur de 100 M$ chaque année.»

Ce montant représente envi-ron 15 % du budget annuel de fonctionnement de l’université.

«Il y a un effet “poudre aux yeux” là-dedans», observe toute-fois M. Gagné. «D’un côté, le privé finance à hauteur de quelques mil-lions et devient le bienfaiteur de l’humanité, avec son nom partout, remarque le professeur de l’Uni-versité Laval, alors que, de l’autre côté, le public finance la grande majorité, mais je n’ai pas encore vu un pavillon de HEC Montréal avec le nom des contribuables sur un mur des généreux donateurs!»

Les étudiants divisésComme sur bien des ques-

tions, point de consensus chez les étudiants au sujet du financement philanthropique.

«Il faut faire attention, car le financement privé est en train de changer la mission de nos uni-versités: elles doivent rester au service de la collectivité, pas des entreprises», met en garde Gabriel Nadeau-Dubois de l’ASSÉ, un syndicat étudiant de gauche.

Autre son de cloche du côté de la FEUQ, où le président Louis-Philippe Savoie estime qu’«on devrait encourager davantage la philanthropie, car elle permet de financer le réseau sans hausser les contributions étudiantes, surtout qu’il existe déjà des mesures pour éviter les dérapages».

Au bureau de la ministre de l’Éducation Line Beauchamp, on s’abstient de prendre position: «On attend de voir quel consensus émergera dans le milieu», conclut l’attaché de presse Dave Leclerc. x

McGill, championne desdons philantropiquesL’Université McGill, celle qui prend souvent la tête des palmarès comme «meilleure université canadienne», se démarque aussi par sa capacité à attirer de généreux donateurs.

CAMPUS

Stéphanie DufresneQuartier Libre

McGill attire la surenchère.Gracieuseté de wikipedia.org/wikimedia/commons

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Le Délit Français

3Nouvellesxle délit · le mardi 9 novembre 2010 · delitfrancais.com

«L’éducation est la base du futur de tous» a dit Paul Martin, l’ancien

premier ministre du Canada, en visite au Faculty Club de l’univer-sité, «mais tout spécialement cel-le du futur des peuples autoch-tones.» Si plusieurs pans de l’Ini-tiative d’Éducation Autochtone vise à supporter l’entrepre-neurship au sein des commu-nautés autochtones, l’Initiative de Martin vise essentiellement à rendre l’éducation secondaire et post-secondaire plus accessible à la communauté «la plus jeune et la plus prolifique du Canada.»

Le principal obstacle avec lequel l’ancien premier ministre doit composer est l’indifférence des Canadiens, expliquait-il. Il soulignait qu’il rencontre très régulièrement des Canadiens tra-vaillant à l’étranger pour subve-nir aux besoins des populations du Tiers-Monde. «Seulement, ajoute-il, les Canadiens doivent réaliser qu’ils ont leur propre Tiers-Monde, et ce, à l’intérieur de leurs frontières.»

Andrew Doyle, sénateur étu-diant pour la Faculté d’ingénierie, présent à la conférence, a égale-ment soulevé le problème de l’in-différence qui atteint la majorité des étudiants mcgillois. À cela, Martin a répondu qu’il faudrait travailler de pair avec les étu-diants autochtone déjà présents sur le campus.

À la tête du gouvernement Quoiqu’il soit aujourd’hui connu comme étant celui qui a fait des compressions budgétai-res dans les programmes sociaux

au moment où il était ministre des Finances, Martin soutient avoir notamment été responsa-ble de création de la Fondation Autochtone de Guérison, man-daté pour pourvoir aux besoins des victimes des pensionnats in-diens. Il aurait également travaillé à la rédaction de l’excuse formel-le au sujet de ces mêmes écoles.

«Ceux qui croient que les pensionnats indiens n’ont eu aucun effet sur les différentes générations des populations autochtones n’ont qu’à prendre conscience des faits. Elles ont eu de terribles conséquences.» Il soulignait que pendant plus de 200 ans, les Canadiens ont privé des peuples autochtones de leurs traditions, leurs reli-gions, et leur propre conscience. Pour lui, la discrimination prend aujourd’hui une tournure plus sournoise, alors que la discrimi-nation se traduit par le sous-fi-nancement du système d’éduca-tion des peuples autochtones. Par exemple, les écoles ontariennes hors-réserve recevraient près de 12 000$ des deux paliers de gou-vernement pour chacun des élè-ves. Dans les réserves, les écoles disposeraient de moitié moins de ressources.

Paige Isaac, coordinatrice de la Maison des peuples autochto-nes à McGill, étudiante en science et et originaire de la communauté Micmac, dans la région gaspé-sienne au Québec, abonde dans le même sens. «Peu de Canadiens saisissent la tragédie de l’expé-rience relative aux pensionnats autochtones, et à la commu-nauté autochtone en général» et c’est la raison pour laquelle la Maison des peuples autochtones

existe. Elle souligne que l’orga-nisation dont elle est présidente organise chaque année   un pow wow, pendant lequel un segment d’une population autochtone se rend sur le campus, des journées culturelles, des projections de films et des soirées informatives.

Pour Paige Isaac et Paul Martin, il ne s’agit pas de s’as-seoir avec les décideurs politiques fédéraux, provinciaux ou territo-riaux, et de dire aux décideurs autochtones ce qu’ils doivent faire, mais plutôt leur deman-der comment on peut les aider. «J’aurais tendance à croire qu’on a effectivement besoin de l’expé-rience de ceux qui ont réussi à assurer une éducation de qualité pour mettre de nouvelles écoles sur pied, et les administrer» lance Paige Isaac. «Assurément, il n’y a pas suffisamment de professeurs et d’administrateurs autochtones pour le moment.»

L’ancien Premier ministre mentionnait qu’il faut également y aller à coup de solutions nova-trices. Par exemple, il mentionne la création d’un site web pour fournir des ressources pédago-giques et informatives aux éco-les très éloignées et privées du support des commissions scolai-res. Il a également fait allusion à la création d’un programme de mentorat pour les étudiants en comptabilité, la fondation d’éco-les-modèles, et la mise sur pied d’un programme de partenariat entreprenariat jeunesse.

Pour Taylor Lawson, séna-teur étudiant de la Faculté des Arts, il est inadmissible que McGill n’offre pas de programme en études autochtones. «On a quarante ans de retard sur le col-

lège Dartmouth, et trente ans sur l’Université Harvard. Même ici au Canada, l’Université de l’Alberta a une Faculté d’études autocho-nes.» Il souligne pourtant qu’il y aurait des efforts investis sur le campus pour mettre sur pied la possibilité de faire une mineure en études autochtones.

Le doyen de la Faculté des Arts, Christopher Manfredi, a profité de la conférence pour an-

noncer un nouveau partenariat entre l’université et le Councilling Foundation of Canada, ayant pour visée une plus grande accessibi-lité de l’éducation aux étudiants autochtones, spécialement au sein de l’école du service social et à la Faculté de Médecine. À cet effet, le Council Foundation Canada a émis un don de 60 000$ via le programme Indigenous Access McGill. x

Notre Tiers-MondePaul Martin était à McGill la semaine dernière pour inciter les McGillois à prendre conscience de l’existence des problèmes entourant l’éducation des peuples autochtones.

CAMPUS

Éléna Choquette et Devon Paige WillisLe Délit

Paul Martin lance une initiative pour l’éducation des autochtones.Devon Paige Willis / Le Délit

Des promesses, toujours des promessesRetour sur le XIIIe Sommet de la Francophonie.

Le 13e Sommet de la Francophonie vient de s’achever. Que retenir de ce

Sommet qui a réuni pendant trois jours à Montreux, en Suisse, les pays ayant en commun la langue française et qui avait pourtant été annoncé comme le Sommet au cours duquel la langue devait être remise au centre de toutes les pré-occupations?

Le Sommet a commencé par une rencontre du Conseil permanent de la Francophonie, que présidait le secrétaire géné-ral sortant, Abdou Diouf, assisté pour la circonstance de la minis-tre des Affaires étrangères suis-

se, par ailleurs présidente de la Conférence ministérielle de la Francophonie.

L’allocution du premier mi-nistre du Canada, Stephen Harper, qui se devait en tant qu’ancien hôte du Sommet de passer le témoin à la Suisse, a permis le démarrage effectif des travaux pour les chefs d’État et de gouvernement. Par la suite, l’essentiel des travaux s’est déroulé en atelier avec des thé-matiques variées portant sur «La Francophonie acteur des relations internationales et sa place dans la gouvernance mondiale», mais aussi «La Francophonie et le déve-loppement durable: les solidari-tés francophones face aux grands défis» et enfin «La langue française et l’éducation dans un monde glo-

balisé: les défis de la diversité et de l’innovation».

De loin le sujet le plus intéres-sant, mais hélas très peu de réso-lutions ou d’actions concrètes ont été envisagées pour redynamiser la langue française, qui est pourtant en net recul partout dans le monde et notamment au Québec.

Prenons le cas de la Belle Province, car il est représentatif de la situation que vit le français dans le monde. Lorsqu’on évoque le su-jet de langue, il y a fort à parier que le débat sera passionné, et parfois nationaliste, on a pu le constater ces derniers temps avec la loi 101 et ses corollaires que sont les lois 103 et 115. On est, de plus, sûr d’avoir à affronter deux camps: celui des plus de 45 ans, qui voient dans la langue

anglaise le souvenir du colonisa-teur, de l’oppresseur, et celui des 45 ans et moins, qui voient dans cette langue peut-être pas de la poésie, mais tout au moins le Blackberry, Internet et toutes les innovations qui y sont attachées. L’anglais ne fait donc pas peur aux jeunes géné-rations qui ne demandent d’ailleurs qu’à l’apprendre. Alors pourquoi défendre la langue française, me direz-vous?

Parce que cette langue «offre des possibilités d’expression qui ne se rencontrent dans aucune autre langue» comme le dit si bien le se-crétaire général de la Francophonie. Hors, là où le bât blesse, c’est que, justement, depuis l’arrivée de Diouf, force est de reconnaître que l’art et la culture n’ont que trop laissé

la place à la politique. Remettre la culture au centre de l’action de l’or-ganisation permettrait également de donner une meilleure visibilité à ses différentes activités. Est-il égale-ment nécessaire de préciser que la culture demeure le meilleur véhi-cule de propagation d’une langue à ce jour? Car comme chacun le sait, le changement ne se décrète pas, il se négocie.

Abdou Diouf doit donc repen-ser son organisation et moins voir son rôle comme celui d’un magis-tère d’influence. Il faut cependant saluer la décision de créer une commission chargée de réévaluer les critères d’adhésion à l’organi-sation et le nombre accru de pays observateurs au sein de l’organisa-tion. x

Joël MebadaLe Collectif

Mercredi soir dernier (3 novem-bre) – Janet Dench, directrice du Conseil canadien pour les réfu-

giés (CCR), est venue à McGill pour discu-ter de la problématique internationale de la traite des êtres humains. Les victimes sont involontairement incorporées dans ce sys-tème par toutes sortes de méthodes, parmi lesquelles la tromperie et l’enlèvement. Dans la plupart des cas, les auteurs détien-nent les informations personnelles de la victime –son adresse, son identité, l’identité de ses proches– pour l’empêcher de fuir ou de dénoncer le système aux autorités poli-cières. C’est de l’esclavage moderne.

Pour contrer cette menace envers les personnes les plus vulnérables, 117 pays ont adopté un protocole en 2003 pour pré-venir, supprimer et punir des actes de traite, reconnaissant ainsi la problématique mon-diale. «Which tells you right away that they’re approaching not from a human rights perspective but from a perspective of crime», avertit Janet

Dench. D’après elle, ce protocole met l’ac-cent sur la poursuite des criminels plutôt que sur la protection des victimes.

Madame Dench a aussi illustré les situations difficiles dans lesquelles les victimes se trouvent lors de la dénoncia-tion du système à l’autorité publique. Elle donne l’exemple d’une femme philippine exploitée au Canada et forcée de fournir des services domestiques pour une famille. Son passeport lui a été confisqué, elle n’est pas payée et elle ne connaît ni la langue du pays ni d’autres personnes qui pourraient l’aider. Elle est complètement vulnérable. Par chance, elle parvient à se mettre en contact avec une avocate et avec le bureau d’immigration. «Well you’re not here legally in this country. We’re going to have to deport you», dit Janet Dench, en imitant le bureau d’immigration. Elle explique que l’avocate devait se battre pour que la femme puisse obtenir au moins deux semaines pour pouvoir réclamer l’argent qu’elle aurait dû gagner durant sa période de traite. «So that gives you an example of the way in which law is in fact favouring the traffickers.»

De plus, les réglementations du bureau d’immigration spécifient que, pourvu qu’il y ait suspicion de traite, il y a raison de déte-nir la victime. En effet, la loi cherche à déte-nir et à expulser les victimes à la fois.

Mais de quelle manière une victime peut-elle être aidée? C’est bien la question que le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) se pose. «What do we do if the law doesn’t protect the person. How can you help them?» Il s’agit d’aider et de protéger la vic-time par la loi. Le CCR a fait une proposi-tion pour une modification législative. Elle prévoit qu’un statut temporaire soit fourni immédiatement aux victimes d’esclavage. Ce temps devrait permettre à la victime de considérer ses options: si elle veut rentrer dans son pays d’origine dignement sans avoir été expulsée, ou bien s’elle veut res-ter au Canada et avoir donc la possibilité de demander un visa. Une telle modification législative, selon Madame Dench, assura la protection des personnes victimes d’escla-vage.

«I didn’t know anything about human trafficking», explique Jiles Ayers, vice-pré-

sident finance du club Amnesty McGill, «When I was listening to Mrs. Dench speak, it was very informative for me.» Amnesty McGill est une branche universitaire d’Amnesty International, une des plus grandes organi-sations de défense des droits de l’Homme. Les jeunes universitaires d’Amnesty McGill ont organisé cet événement. «We wanted to do an event focused on global human traficking since it’s an enormous problem» explique Ayers. «We hoped to raise awareness for a bunch of the issues that we wanted to talk about and I think we definitely did.» x

4 Nouvelles xle délit · le mardi 9 novembre 2010 · delitfrancais.com

La traite humaineAmnesty McGill, un chapitre universitaire de l’organisation internationale des droits de l’homme, a organisé une discussion et une séance sur le sujet de la traite des être humains.

POLITIQUE INTERNATIONALE

Augustin ChabrolLe Délit

C’est dans le grand auditorium de Concordia que l’Honorable Lieutenant-Général et Sénateur

Roméo Dallaire est venu offrir une confé-rence axée sur l’engagement de la jeunes-se dans le monde aux chanceux qui ont réussi à se tailler une place assise, dans un fauteuil ou sur les marches.

Avec une aisance déconcertante sur scène, M. Dallaire est venu sensibiliser l’auditoire à la question des enfants-sol-dats dans les pays victimes de guerres civiles et de guérillas. Il a dénoncé l’utili-sation des enfants par les groupes armés comme une arme de guerre. Ainsi, il a présenté l’organisation qu’il chapeaute: Zero Force, qui cherche à bannir l’utilisa-tion des enfants comme armes de guerre.

M. Dallaire est venu souligner que le Canada avait beaucoup à donner au monde entier. Il rappelle à l’auditoire les exploits du Canada lors de la Deuxième Guerre mondiale où un million de jeu-nes hommes et jeunes femmes sont allés défendre la liberté en Europe. M. Dallaire a décrit la période actuelle comme une période de révolution où l’avenir est entre nos mains: «The future is yours to shape not to survive; are you participating in the shape or surviving the future?» a-t-il lancé à l’audi-toire déjà conquis.

M. Dallaire a demandé aux jeunes étudiants universitaires présents d’harce-ler leur député fédéral pour ne pas abdi-quer devant les politiciens: «You hold the balance of power this great democracy that is

Canada». Il a dénoncé le manque de vi-sion des affaires étrangères du Canada affirmant que les politiques étrangères n’étaient pas considérées lors des élec-tions et que le statu quo (au niveau de la politique étrangère) était synonyme de ré-gression dans cette ère de changement et d’incertitude. Aussi a-t-il porté le messa-ge de la nécessité pour le Canada d’avoir une vraie et concrète politique étrangère.

L’esprit vif et accrocheur, M. Dallaire a exhorté les jeunes présents à pren-dre les choses en main: «Leadership will always produce results well above what the science of management predicts as possible; where leadership will influence human beings and there is no limits to human beings». C’est dans cette optique de prise en main que M. Dallaire a décrit le nouveau désordre mondial où 80% de la population mon-diale vit dans la pauvreté: les nettoyages ethniques et génocides sont plus fré-quents qu’avant, la peur du terrorisme a embrasé la planète et il existe toujours au moins 27000 ogives nucléaires connues et 3000 non répertoriés. Tout cela dans un contexte où on ne sait plus qui sont les gentils et qui sont les méchants com-me lors de la Guerre Froide. Il a vivement dénoncé le fait que les enfants sont deve-nus la principale cible des guerres civiles où désormais 60% des enfants utilisés comme enfants-soldats sont des garçons et que 40% sont des filles.

M. Dallaire n’a pas pu esquiver la question du Rwanda, mentionnant que l’ONU n’avait pas laissé tomber le Rwanda, mais qu’il s’agissait bien des états souverains dans le monde qui

avaient laissé tombé le Rwanda. Il a décrit l’inaction comme une action.

En conclusion de son exposé, M. Dallaire a rappelé à l’auditoire que le mon-de avait besoin d’une nouvelle génération de leaders, en faisant référence aux jeunes dans la salle. Au long de la conférence, M. Dallaire avait demandé à plusieurs reprises si un enfant né au Canada valait plus qu’un

enfant né en Afrique; et si les pays riches laissaient passer la menace des enfants-soldats dans les pays en guerre, alors oui un enfant né au Canada valait plus qu’un enfant né en Afrique aux yeux des diri-geants qui laissaient cette situation conti-nuer. Il a ré-enchérit et conclu en disant que «All humans are human and therefore every child born in the world has the same value.» x

Plaidoyer pour l’engagementL’homme qui a serré la main du diable est venu à Concordia éclaircir la problématique des enfants-soldats et promouvoir l’engagement social.

POLITIQUE INTERNATIONALE

Francis L.-RacineLe Délit

L’Honorable Lieutenant-Général et Sénateur Roméo Dallaire à ConcordiaMax Dannenberg

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Écrivez-nous

Projet de loi C-300: Destination CalgaryLa loi sur la responsabilisation des sociétés à l’égard de leurs activités minières, pétrolières ou gazières veut renforcer la conscientisation de leur impact sur la société canadienne et sur l’environnement.

POLITIQUE CANADIENNE

Ce n’est certainement pas nouveau et encore moins étonnant d’entendre par-

ler des «grandes corporations sans scrupules en matière d’environ-nement et de droits humains». Notamment après les scandales des pétrolières: BP dans le golfe du Mexique, Exxon Mobil en Équateur, Shell au Nigeria.

Au Canada, les compagnies minières ont fait l’objet d’un rap-port commandé par les Prospectors and Developers Association of Canada (PDAC). L’étude a été rendue publique grâce à Mine Alerte (Mining Watch Canada), qui a réussi à obtenir une copie du rapport gardé secret jusqu’alors par l’industrie minière. Ce rap-port rend compte de 171 incidents s’étalant sur une période de dix ans, de 1999 jusqu’a 2009. Ces incidents impliquaient des com-pagnies minières internationales, dont un tiers étaient reliées aux opérations de compagnies ayant siège social au Canada. De ces incidents, 32% se sont produits en Amérique latine, 24% en Afrique subsaharienne, 19% en Asie du Sud-Est et 12% en Asie du Centre Sud, selon le rapport publié.

Mine Alerte fait partie d’une coalition pancanadienne qui regroupe des organisations sup-portant le droit des autochtones, la défense environnementale et les droits de l’Homme. Ils étaient en faveur du projet de loi C-300, Loi sur la responsabilisation des sociétés à l’égard de leurs activités minières, pétrolières ou gazières, déposé en mai 2009.

Mine Alerte a signifié que le phénomène des abus com-mis par les compagnies minières démontre que les violations des principes de la responsabilité so-ciale des entreprises (RSE) consti-tuent un phénomène généralisé plutôt que quelques pommes pourries.

Le projet de loi C-300, qui prévoyait une régulation plus stricte, ordonnant plus de trans-parence et d’imputabilité envers les actions des compagnies mi-nières à l’étranger a été défait après un vote le 27 octobre der-nier. Les résultats étaient serrés: 134 en faveur (44%) contre 46% qui ont voté contre (tous les conservateurs ayant voté contre à l’exception de quelques uns qui se sont abstenus). Notons que 9,7% des députés n’ont pas ou n’ont pu exercer leur droit de vote.

Sur le campus, il existe un groupe de recherche McGill Research Group Investigating Canadian Mining in Latin America (MICLA) dont le Professeur Daviken Studnicki-Gizbert, professeur au départe-ment d’Histoire de l’université McGill, est l’un des coordonna-teur et Le MICLA est un collectif de recherche indépendant fondé en 2006 et dédié à l’étude des différentes facettes de l’exten-sion de compagnies minières en Amérique Latine pour mieux faire comprendre l’ampleur et les effets du problème sur les communau-tés et l’environnement. Une base de données des nombreux cas répertoriés par le MICLA devrait être publiée ce printemps, selon le Professeur Studnicki-Gizbert.

Malgré les limites du projet de Loi C-300 (qui ne prévoyait rien en matière de dépenses des fonds publics) et le fait que le projet ne fut pas adopté, C-300 a eu des répercussions positives, selon le Professeur Studnicki-Gizbert. Celui-ci parle du pro-jet comme ayant «chatouillé les

compagnies minières», ce qui a mené à la mobilisation intense du côté des lobby miniers qui ont fait pression sur plusieurs parlementaires libéraux pour qu’ils changent leur vote. Ce qui est important et redonne espoir dans cette «guerre», selon le Professeur Studnicki-

Gizbert, c’est que cela ait attiré une attention médiatique sans précédent sur le phénomène dans tous les journaux et mé-dias canadiens, et ce n’est que le début.

Le NPD et le Bloc québe-cois ont aussi des projet de loi sur la table. À suivre. x

5Nouvellesxle délit · le mardi 9 novembre 2010 · delitfrancais.com

Malgré le froid qui s’installe Partout dans la province, on a qu’à franchir les portes d’un supermarché pour voir que le portrait est bien différent. On y trouve toujours

des tomates et des concombres aussi rouges et aussi verts. Été comme hiver, côté alimentation, c’est du pareil au même. Des fraises, en veux-tu, en voilà!

En même temps, en tant que consommateurs éco-avertis, nous savons que les légumes de saison demandent moins d’éner-gie à produire que ceux qui ne le sont pas. Nous savons que les fruits exotiques, tels les ananas et les mangues, ne poussent pas sous la neige et que, même s’ils sont de saison dans leur pays d’origine, ils laissent une énor-me «trace carbone» lors de leur voyage vers Montréal.

Tout en restant dans no-tre pays, le bilan n’est pas plus brillant quant à notre trace car-bone. L’agriculture au Canada représentait 8,6% des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2006 alors que seulement 7% de la surface du pays est cultivée. Les émissions de GES provenant

de l’agriculture ont d’ailleurs augmenté de 26% entre 1990 et 2006. Cette augmentation est due en grande partie aux engrais et à l’élevage intensif. En effet, la fabrication et l’épandage d’engrais chimiques et de pes-ticides ainsi que l’utilisation de machines agricoles tout au long de la saison réclament énormé-ment d’énergie ce qui en fait des activités fortement émettrices de CO2. Ajoutez à cela un steak tous les soirs et on explose le bi-lan environnemental. D’ailleurs, n’importe quel environnemen-taliste vous le dira: si vous vou-lez faire une différence pour la planète en changeant vos habi-tudes alimentaires, coupez dans la consommation de viande.

À McGill, Organic Campus vient à la rescousse des étu-diants désireux de manger santé et d’alléger leur bilan environ-nemental. Organic Campus est un service étudiant qui s’efforce

d’offrir des légumes frais, abor-dables et biologiques en prove-nance d’une ferme située à une heure de Montréal. L’idée est inspirée en partie du système d’agriculture soutenue par la communauté dont le réseau a été mis en place par Équiterre en 1996, qui continue à offrir des paniers de légumes biologi-ques de saison, en été comme en hiver, à travers divers points de chutes prédéterminés.

Qu’est-ce qu’on y gagne? Des produits frais, locaux, exempts d’emballage, de pestici-des et d’organismes génétique-ment modifiés (OGM). Ce sont des détails qui ont leur impor-tance dans un pays comme le Canada, où la réglementation des OGM est quasi inexistan-te et où un grand nombre de pesticides utilisés en agricul-ture contient pas moins d’une soixantaine d’ingrédients actifs bannis dans la plupart des autres

pays industrialisés. Et bien sûr, le goût… Dans

son livre The End of Food, Thomas Pawlick explique que développer des légumes pour améliorer leur durée de conservation, leur ré-sistance à la manutention, leur couleur ainsi que leur unifor-mité a fortement contribué à la chute de la valeur nutritive et de la saveur des aliments au cours des dernières décennies. Dans une ferme biologique, on a plus de chances de trouver des varié-tés non sélectionnées.

Alors si ce n’est pour la pla-nète, au moins pour nos papilles, retournons aux sources dans nos assiettes cette saison. x

Bulle climatiqueAndreea Iliescu

Je suis ce que je mangeCHRONIQUE

Genviève Lavoie-MathieuLe Délit

Le Bloc Québécois et le NPD appuyaient le projet défait.Raphaël Thézé / Le Délit

tension attention

Après avoir répondu aux attentes

de vos parents, de vos professeurs

et de vos entraîneurs, voici venu le

moment de prendre votre vie en

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DANS MA DERNIÈRE chro-nique, j’avais évoqué le mythe d’une intelligence supérieure associée au bilinguisme. Cette semaine, il s’agit de disséquer un problème très concret qui peut assaillir les bilingues. Peut-être une honte cachée de plusieurs d’entre nous… L’objet du mépris des pointilleux, et comme une mauvaise herbe, il semble se ré-pandre.

Oui, je parle du baragouina-ge, ou si vous préférez, ce «fran-glais» tant redouté.

Sur le même vigile.net que nous avons cité auparavant, notre cher bloggeur au côté provoca-teur Bernard Desgagné affirme que, selon des sources fiables, les

langues étrangères sont mieux apprises par les adolescents et les adultes. En effet, ils ont la disci-pline nécessaire pour les appren-dre correctement et alors moins l’occasion de faire des mélanges, ayant déjà «correctement» appris leur langue maternelle. À l’inverse, les enfants qui parlent plusieurs langues très tôt auraient tendance à baragouiner…

De par mes expériences, je dois dire que l’argument est convaincant, car moi-même je lutte encore contre mes anglicis-mes (et même mes gallicismes) et cela malgré ou peut-être à cause de mes études littéraires en fran-çais et en anglais. La nature de mon orientation académique rend pénible ces erreurs malheureuses de langage.

Pourquoi cette peur du fran-glais et du baragouinage? Pour les séparatistes ou tout ceux au fort sentiment d’identité nationale, il s’agit bien sûr d’un symptôme de l’invasion anglophone du territoi-re de la langue française. En lais-sant de côté la politique, il s’agit tout simplement pour certains de conserver un certain standard langagier, notamment dans le do-maine du travail. Libre à vous de speaker le French à la maison, mais surtout ne ramenez pas au bureau le franglais par lequel vous com-muniquez avec vos proches!

Avec un peu de recul, faut-il tant s’en inquiéter? Ne pourrait-on pas voir ce franglais comme l’évolution naturelle et créatrive inhérente à toute langue, plutôt qu’une dégénération? Après tout, n’oublions pas que les langues créoles se forment de la même manière, à partir de deux (au minimum) langues mères indivi-duelles… Personne ne se récrie dans ces cas-là, car lorsqu’un créole devient assez répandu, de manière à englober une popu-lation et un territoire, il est alors une vraie langue de droit. D’une certaine manière, il me semble que le langage des jeunes québé-cois d’aujourd’hui ressemble de plus en plus à un langage, disons, «créolisé».

Toutefois, les institutions québécoises et leurs mesures importantes de conservation de la langue française tiennent à dis-tance ce futur si terrifiant d’un baragouinage d’ampleur natio-nale. Alors relax, mes petits bilin-gues! Reprenez-vous au passage lorsque vous détectez vos fautes d’usage et continuez à regarder vos émissions favorites sur MTV. Pour ma part, je commencerai à m’inquiéter lorsque mes pro-fesseurs ne satureront plus mes papers du commentaire «awkward phrasing». x

Le cabot bilingueMaya Riebel

CréolisationCHRONIQUE

6 Nouvelles xle délit · le mardi 9 novembre 2010 · delitfrancais.com

500 mots pour un point de vue,

une chronique aux deux semaines,un esprit créatif,

critique.

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En trois vitesses

É[email protected]

La monarchie a sa page facebook

La monarchie britannique vient d’emboiter le pas des autres monar-chies du monde; elle a maintenant sa propre page facebook. Ainsi, notre famille royale fait parti du club de la Reine Rania de Jordanie pour mettre au grand jour et au plus grand nom-bre leurs activités. De cette manière, les fans de la famille royale pourront par-courir les photos qu’elle met à jour et les commenter bien sûr.

en hausse au neutre

hamad et Le 0,05

Le ministre des transport, Sam Hamad, n’a pas renoncé à imposer la limite de 0,05 du taux d’alcoolémie dans le sang pour la conduite d’un véhicule. En effet, cette promesse de l’ancienne ministre, Julie Boulet, a été reprise par le ministre Hamad, mal-gré le redéploiement ministériel. De son côté, le Parti Québécois refuse d’appuyer le gouvernement dans cette direction, car celui-ci demande la mise en place d’une grand campagne publi-citaire pour prévenir la population de ces changements.

en baisse

L’estabLishment répubLicain

L’establishment républicain sera mis en branle et est mis dans l’inquiétude par nul autre que l’ancienne candi-date à la vice présidence des États-Unis, Sarah Palin. En effet, le triom-phe des républicain aux élections du mois de novembre laisse le parti répu-blicain devant un sérieux dilemme. Ils pouraient donner sa chance à la femme qui a mobilisé la base conser-vatrice des républicains et des amé-ricains; elle reste pourtant la femme la plus crainte de l’establishment.

rédaction3480 rue McTavish, bureau B•24

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6784

Télécopieur : +1 514 398-8318Rédactrice en chef [email protected]

Mai Anh [email protected] de section Emma Ailinn HautecœurSecrétaires de rédaction Francis Laperrière-Racine Arts&[email protected] de section

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Hoang-Song TranCollaborationAugustin Chabrol, Elena Choquette, Benoît Gautier, Habib Hassoun, Andreea Ilescu, Geneviève Lavoie-Mathieu, Véonique Martel, Devon Paige Willis, Julie Rich, Maya Riebel, Véronique SamsonCouvertureRaphaël Thézé

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The McGill Daily • [email protected]

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Conseil d’administration de la Société des publica-tions du Daily (SPD)Emilio Comay del Junco, Humera Jabir, Whitney Malett, Sana Saeed, Mai Anh Tran-Ho, Will Vanderbilt, Aaron Vansintjan, Sami Yasin

le seul journal francophone de l’université McGill

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill.

Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la repro-duction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

Volume 100 Numéro 9

le délit

7Éditorialxle délit · le mardi 9 novembre 2010 · delitfrancais.com

Plusieurs conférences et tables ron-des étaient données à McGill dans le cadre de la Semaine du journalisme

étudiant la semaine dernière. Notamment, Tim McSorley et Craig Silverman sont venus discuter de la place et du rôle des médias citoyens dans le paysage journa-listique.

Rédacteur à la revue The Dominion et à Media Co-operative, un réseau de coopé-ratives financées et gérées par ses mem-bres qui vise à fournir une couverture médiatique populaire et démocratique, Tim McSorley dit que le terme «citoyen», qui selon lui est devenu un mot à l’air du temps, n’est peut-être pas le meilleur pour qualifier cette nouvelle sphère dans les médias. «Alternatif» ou «populaire» conviendrait mieux, puisque le terme citoyen, assez vague, ne décrit pas adé-quatement ni les rédacteurs, ni le lectorat. De la même façon, il n’aime pas non plus parler de «journalisme professionnel», et préfère des mots plus précis tels que «média de masse» ou «média corporatif». Enfin, essentiellement, qu’essaie-t-on de distinguer?

À l’heure actuelle, l’image de ces mé-dias citoyens est très liée au web (on peut penser à DavisWiki.org ou à WikiLeaks.org), mais ces outils technologiques ne sont pas idéologiques et ne peuvent distinguer les médias alternatifs des médias de masse qui les utilisent également.

Les médias citoyens prennent leur source dans le désir de discussion, de fournir des faits hors des courants prin-cipaux, et remontent à beaucoup plus loin que la naissance de la toile cybernétique et des réseaux sociaux. C’est un retour aux racines de la communication; comme lors-que les poètes se promenaient de village en village pour raconter les nouvelles du leur. Les médias citoyens, c’est donc d’abord le désir de partager les nouvelles.

C’est lorsqu’au XVIIe siècle, un code éthique et des journalistes de «formation» apparaissent, que cet échange citoyen prit des allures plus politiques. La voix du peuple obtenait une portée qu’elle n’avait pas connue auparavant. Des sites comme VozMob.net ou OhmyNews.com, qui permet-tent à des communautés et des réalités gardées dans l’ombre plus de visibilité, ont changé l’univers médiatique.

On s’intéresse aussi de plus en plus à l’exactitude des faits. Craig Silverman, rédacteur en chef à MediaShift de PBS, chroniqueur avec le Columbia Journalism Review et fondateur de RegretTheError.com, un site web qui rapporte les bons et moins bons coups des médias, affirme qu’en tant que citoyens nous devrions demander plus d’informations. Il mentionne notamment l’exemple de The Guardian, qui avait publié les dépenses des députés et avait laissé ainsi aux citoyens le temps et l’opportu-nité de fouiller et de trouver si quelque chose clochait, comme un des bénéfices de la croissance de la participation citoyenne dans les médias. Il y voit même une solu-

tion à l’apathie politique. «Sunlight is the best disinfectant», disait-il en parlant de la divulgation des faits.

Les lettres ouvertes n’ont jamais été, selon Craig Silverman, un exemple d’une voix démocratique dans les médias. Quand, et si elles sont publiées, elles font souvent l’objet de tant d’édition que leur auteur ne reconnaît souvent plus ses propres mots. Il est vrai que certains médias semblent être de plus en plus participatifs, en deman-dant aux lecteurs ou auditeurs d’envoyer des informations ou des photos à partir de leur téléphone cellulaire, par exemple; mais leurs voix résonnent-elles vraiment après l’envoi sms? Craig Silverman trouve que cette participation est unilatérale, les médias n’étant pas toujours tenus de cré-diter ce qu’ils reçoivent.

Le grand défi des médias citoyens est de trouver un système réellement viable financièrement. Un site comme Spot.us qui vit du financement d’individus qui dési-rent la couverture médiatique de mêmes sujets n’est pas encore parfaitement ren-table.

Enfin, alors que l’actualité tend par-fois vers des nouvelles de dernières minu-tes et de grands éclats, et que les quelques judicieux et intéressants «commentaires des abonnés» se perdent souvent dans la masse, et que les réels débats s’essoufflent rapidement, la voix citoyenne ne doit pas, elle, disparaître. Le Délit y tient et c’est pour cela que vous remarquerez que la section Société s’est dotée d’une troisième page, la 10. Citoyens et étudiants, à vos plumes! x

Citoyens d’abordMai Anh Tran-HoLe Délit

xle délit · le mardi 9 novembre 2010 · delitfrancais.com8

La gouvernance mondialeà la dérive

Société[email protected]

À la veille du prochain sommet du G20, état des lieux d’une gouvernance mondiale qui ne fonctionne pas.

Jimmy Lu

Aux grands maux, les grands remèdesC’est un fait, les États ont souvent réussi à se mobiliser

tous ensemble au lendemain des grandes crises mondia-les. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Organisation des Nations Unies voit le jour, ainsi que le plan Marshall, vas-te plan américain de reconstruction européenne, le Fond Monétaire International et le GATT, l’ancêtre de l’Organi-sation mondiale du commerce (OMC). De même, en 2008, alors que le monde sombre dans la pire crise économique et financière depuis des décennies, toutes les grandes puis-sances actuelles et émergentes pour relancer la machine économique par des emprunts colossaux. Qu’en sera-t-il à long terme lorsque la crise sera passée? En effet, depuis la création de l’ONU il y a 65 ans, n’y a-t-il plus de guerres et de pauvreté?

La gouvernance mondiale, dans un contexte de mon-dialisation, a pour but d’instaurer, par le biais d’institu-tions internationales, des règles d’organisation pour tous les États. À une époque où les pays sont tous interdépen-dants, cela est nécessaire, en théorie, afin de faciliter et réguler les interactions. Cette gouvernance est également fondamentale pour mettre en place une action collective des États face aux problèmes globaux comme le réchauf-fement climatique ou le développement économique durable. Fareed Zakaria, journaliste et auteur américain, expliquait au quotidien français Les Échos que cette gou-vernance ne peut évoluer qu’à travers le G20. Cependant, est-ce qu’un ensemble d’États et de banques centrales, ayant tous des intérêts divers et parfois opposés est capa-ble de cela? Le G20 souhaite mettre l’accent sur la coopé-ration politique pour consolider les bases de la croissance économique internationale à moyen et long termes, mais le peut-il vraiment?

Faillite de la gouvernance mondialeLe système de gouvernance mondiale actuel est-il effi-

cace? Il semble que non. Dans un monde sans autorité exé-cutive supranationale, chaque État est d’abord guidé par son propre intérêt. De ce constat, chaque interaction entre États n’est qu’une suite de compromis menant rarement à la fin espérée. Un des derniers échecs en date est celui, en décembre dernier, de la conférence de Copenhague sur le réchauffement climatique. Censée révolutionner la lutte contre cette menace croissante, celle-ci s’est achevée sur un accord tout de suite décrié et qui n’apporte que peu de solutions. Cela n’est pas un épisode isolé de la vie politique mondiale et illustre bien le décalage qui peut exister entre différents pays.

Ce qui peut être un sujet dominant pour les pays occi-dentaux s’avère souvent n’être qu’un souci mineur pour les pays émergents comme la Chine ou l’Inde. L’objectif de ces derniers consiste à continuer de se développer le plus rapidement possible, la préoccupation du changement climatique n’étant, selon eux qu’un luxe de pays riches. Cette différence majeure de perception sur un enjeu mon-dial ne peut que ralentir sa résolution. Il s’agit de regar-der la situation telle qu’elle est et non telle que chacun aimerait qu’elle soit. Chacun a des intérêts et des objectifs différents et un compromis à l’échelle mondiale ne peut être considéré comme une solution efficace à un problème donné. Les solutions dont l’impact est positif en temps de crise ne sont jamais que le fruit d’une situation exception-nelle dans laquelle les pays se mobilisent pour leur survie. En des temps plus tranquilles, chaque État se préoccupe d’abord de ses intérêts propres.

La question financière pour la gouvernance mondiale est d’autant plus cruciale: lui en donne-t-on assez, et ce de manière durable? Là encore la réponse ne fait que reflé-ter la situation actuelle; l’ONU, l’organisation qui, à défaut de ne pas être un gouvernement mondial, se devrait d’être l’outil principal de la gouvernance mondiale, ne connaît qu’un très pâle succès. Et ce ne sont pas les bonnes inten-tions qui font défaut, mais plutôt la limite de moyens qui lui sont accordés. On blâme fréquemment l’organisation mondiale pour son absence d’action et d’efficacité. La réa-lité est qu’elle se révèle tout simplement impuissante face à des États défendant leur intérêt propre, ces mêmes États qui l’ont fondée il y a soixante-cinq ans et qui ont refusés de lui accorder trop de pouvoirs de peur de perdre leur souveraineté. Ne pouvant exercer aucune pression finan-cière, ayant perdu un peu de sa légitimité du fait de son inactivité et du système de veto, l’ONU ne peut accomplir sa tâche pour la gouvernance mondiale.

La loi du plus fortQui définit alors véritablement l’établissement de ré-

gulations à l’échelle mondiale? Qu’est-ce qui influence le processus de prise de décision à l’échelle mondiale? Pour certains, le processus de gouvernance mondiale n’a rien de démocratique, car il ne tient compte que d’une poignée de pays. En première ligne, règnent les deux superpuissan-ces de ce début de XXIe siècle: les États-Unis et la Chine qui ont tous deux droit de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU. Puis, viennent les puissances occidentales, l’Alle-magne, le Royaume-Uni et la France en tête, ainsi que la Russie, le Brésil et l’Inde qui peinent malgré tout à éclore sur la scène internationale. Le monde n’est que le théâtre de leurs prises de position; il en va de même au sein du G20. Tous les autres pays sont au second plan, constituant une sorte de majorité silencieuse à l’échelle internationale.

Du groupuscule régissant les affaires internationales se détache le duo sino-américain. Par leur pouvoir de dis-suasion économique, leur influence sur le monde est sans égale. Le très sérieux journal britannique The Economist s’inquiète justement de savoir si le monde ne dépend pas trop de l’économie chinoise. En novembre 2009, elle dé-tenait plus de 680 milliards de dollars en bons du Trésor américain, faisant d’elle le premier détenteur de la dette américaine. Cela lui permet d’avoir un grand contrôle sur les États-Unis et leur prise de décisions. L’inverse est tout aussi vrai, les États-Unis étant garants de la bonne forme de l’activité chinoise en tant que premier importateur mon-dial de produits made in China. Cette très forte interdé-pendance se reflète dans les décisions mondiales. En effet, alors qu’approche le G20 dans la capitale sud-coréenne, Timothy Geithner, le secrétaire d’État au Trésor américain, a accepté de ne pas remettre en cause la sous-évaluation de

la monnaie chinoise, le yuan. Cela pourtant est pointé du doigt par le reste de la communauté internationale comme favorisant les exportations chinoises aux dépends de celles des autres pays.

Les États sont-ils les seuls à pouvoir influencer la gou-vernance mondiale? Lors du G20, les pays membres sou-haitent favoriser leur coordination au niveau économique, budgétaire et monétaire. Seulement, le peuvent-ils vrai-ment? Ce sont les banques centrales qui sont chargées de la politique monétaire d’un pays ou d’une zone monétaire dans le cas de la Banque Centrale Européenne. Or, ces insti-tutions sont pour la plupart indépendantes, leurs intérêts et objectifs pouvant ainsi être différents de ceux du gouverne-ment. Par leur contrôle des taux d’intérêts et de la circula-tion des volumes de monnaie, elles ont un véritable impact dans leur pays mais également dans le reste du monde du fait des innombrables transactions internationales.

Gouvernance mondiale: une nécessité?Cette remise en cause de l’efficacité de la gouvernance

mondiale et de sa nature même nous pousse à nous inter-roger: a-t-on besoin d’une gouvernance mondiale? Si cela peut interpeller, voir choquer, le Professeur Saideman, pro-fesseur en relations internationales à l’Université McGill, répond très clairement que non: «Il parait normal que des pays ayant des intérêts conflictuels» ne puissent coopérer selon lui. L’ONU en est l’illustration parfaite. Il explique que cette institution est limitée, ce qui est une bonne cho-se car «aucune organisation donnant à la Chine et la Russie le droit de veto ne devrait être considérée comme ayant les tenants et aboutissants de la coopération internationale.» Pourquoi? Les intérêts et les valeurs de ces deux pays sont si différents des autres que cela gèle le processus de coopé-ration. L’inefficacité de l’ONU et de ses États membres à résoudre les conflits et problèmes socio-économiques peut être expliquée ainsi.

Est-ce pour autant que chaque pays ne doit comp-ter que sur lui-même, en plein essor du phénomène de mondialisation? «Nous pouvons avoir quelques éléments de gouvernance», continue le Professeur Saideman. « Par exemple, des pays peuvent accepter de coopérer sur des questions spécifiques et dans des régions spécifiques.» Depuis déjà des dizaines d’années, se développent des organisations par groupe de pays se concentrant sur cer-tains secteurs. L’exemple le plus élaboré étant l’Union Européenne et sa politique économique commune. Même si ses acteurs peuvent rencontrer des divergences d’intérêts, la collaboration économique entre les États-membres s’ins-crit dans la dynamique de mondialisation et favorise son essor, l’UE étant maintenant la première puissance écono-mique mondiale en termes de Produit Intérieur Brut selon le Fonds Monétaire International. Le Professeur Saideman explique que «ces éléments de gouvernance sont plus que nécessaires et significatifs  pour rendre les relations inter-nationales et les échanges internationaux plus fructueux et moins conflictuels.»

Ainsi, doit-on déjà enterrer le G20? Personne ne peut se prononcer là-dessus. Cependant, du fait de divergences post-crise croissantes entre les États, on ne peut attendre de grandes annonces du coté de Séoul, la Chine refusant toujours, par exemple, de changer son taux de change. Au-delà de ce G20, le processus de gouvernance mondiale doit laisser d’avantage de place au développement d’organisa-tions aux objectifs plus spécifiques et entre pays sur une longueur d’onde similaire. C’est par ce type de changement dans la nature de la coopération internationale que le déve-loppement à long terme et la résolution de problèmes mon-diaux verra le jour. x

9Société

Benoit GautierLe Délit

«On blâme fréquemment l’ONU pour son absence d’action et d’effica-cité. La réalité est qu’elle se révèle tout simplement impuissante face à des États défendant leur intérêt propre, ces mêmes États qui l’ont fondée il y a soixante-cinq ans et qui ont refusés de lui accorder trop de pouvoirs de peur de perdre leur souveraineté.»

Dans moins de deux jours, dix-neuf des États les plus puissants au monde, ainsi que l’Union européenne, se retrouveront à Séoul dans le cadre du G20. L’objectif est de poursuivre les réformes du système financier mondial et l’élaboration d’une nouvelle organisation du G20 afin de prendre en compte les États émergents. Vaste programme. Cet événement dont on ne parle finalement que très peu sou-lève tout de même des questions fondamentales: peut-on coopérer ensemble à long terme pour favoriser le développement de tous, ceci étant l’essence d’une bonne gouvernance mondiale? En avons-nous les moyens? La motivation? L’envie?

10 Société xle délit · le mardi 9 novembre 2010 · delitfrancais.com

Le citoyen se lève, marche, regarde à travers son hublot et voit. Il hausse les épaules et retourne se coucher

dans le lit de son ignorance. La rivière coule en pure perte dans ce pays de l’or bleu.

Le développement du complexe hydro-électrique sur la Romaine, c’est entrer dans la fosse aux lions sans potion magique, c’est fermer les yeux au point de se rendre aveugle, c’est oublier de mettre un slip dans une partie de strip-poker… Plus simplement, dans ce dossier, le gou-vernement se croit invincible, feint la cé-cité et refuse de mettre ses culottes. C’est à se noyer de rage, car les évidences pleu-vent: l’hydro-électricité était LA solution il y a quarante ans, mais ce n’est plus le cas!

Réalisé par Nicolas Boisclair et Alexis de Gheldere, Chercher le courant est un ex-cellent documentaire, car il propose des solutions aux problèmes qu’il dénonce. En exposant de multiples alternatives à l’hydro-électricité, les réalisateurs et aventuriers qui ont descendu la rivière Romaine en canot, à la force de leur pa-gaie (accompagnés par Roy Dupuis, pré-sident de Fondation Rivière) enquêtent sur le potentiel des énergies vertes et la manière de produire et de consommer de l’énergie dans le Québec du XXIe siècle.

Des maisons éco-énergétiques grâce à une isolation intelligente, des cylindres capteurs d’énergie solaire comme chauffe-eau, des granules de bois comme chauf-fage central, des fermes laitières génératri-ces d’énergie et réductrices d’émissions de gaz à effet de serre: ce sont toutes des so-lutions à faire rêver les amateurs de scien-ce-fiction. Oui, on a l’impression de nager en plein délire lorsqu’on se rend compte des idées originales, créatives, intelligen-

tes qui ne sont que trop peu exploitées! Des idées qui apparaissent pourtant à la hauteur de ce que le Québec est capable de faire. Servons-nous de notre génie sans limite, de nos capacités phénoménales, de nos cerveaux suralimentés pour créer le futur que nous voulons!

Pourquoi n’avance-t-on qu’à pas de tortue, n’osant pas se lancer dans le déve-loppement des énergies durables, renou-velables? Pourquoi le gouvernement ne prend-t-il pas plus de mesures durables? Holly Dressel, auteure de best-seller, environnementaliste et chercheure (elle a d’ailleurs travaillé aux côtés de David Suzuki), n’y voit qu’une seule explica-tion: «Ce sont les intérêts politiques qui priment dans le dossier de l’hydro-élec-tricité. Le fameux “maître chez nous” [il faut noter que le cri est maintenant “maî-tre de nos ressources”…] résonne encore dans l’imaginaire des Québécois, gardant Hydro-Québec au rang de vache sacrée de la société québécoise.»

Parlons des vraies affaires: l’écono-mie. Le documentaire Chercher le courant s’exprime clairement sur le sujet. La ri-vière Romaine, lors de l’achèvement des travaux d’Hydro-Québec, sera exploitée à perte. Avec une augmentation de 0,06$ par kW/h au compteur, les Québécois subventionneront en fait l’électricité en-voyée aux États-Unis. Hydro-Québec an-nonce lui-même des coûts de 10 milliards de dollars simplement pour la construc-tion du barrage, qui s’achèvera en 2020.

Non, il n’y a pas de solution parfaite, mais il y a des solutions qui peuvent cer-tainement faire mieux. L’hydro-électricité est, dans notre conceptualisation de la production d’énergie, une technique pro-pre qui exploite une ressource renouvela-ble. En fait, une industrie durable devrait être utilisable pour un temps illimité sans que la ressource ne s’en trouve réduite pour autant. Hydro-Québec exploite

l’eau. Elle est considérée comme étant

renouvelable, mais la rivière est exploi-tée jusqu’à sa dernière goutte. Les gran-des rivières (14 au Québec) sont en voie d’extinction. Lorsqu’il n’en restera plus, peut-être pensera-t-on à se tourner enfin vers des énergies à la fois vertes et plus rentables?

Ce documentaire m’a ému à un point inimaginable. Je l’avoue, je considère l’être humain comme étant partie prenante de l’environnement. Je l’avoue, je crois sin-cèrement que les ours, les caribous et les huards qui mourront lors de l’inondation des berges après la construction du bar-rage ont, à mes yeux, autant de valeur que des vies humaines. Je l’avoue, l’assèche-ment des chutes grandioses qui ponctuent la rivière me bouleverse. Je l’avoue, les traditions autochtones transformées, les

écosystèmes détruits, les espèces qui dis-

paraissent, tout cela, m’importe beaucoup plus que l’image du Québec sur le marché international de l’hydro-électricité.

Ce ne sont certainement pas avec des arguments aussi bixi-people friendly que je vais gagner des points chez les économis-tes de ce monde, mais peut-être le citoyen qui se lève, marche et regarde à travers son hublot d’inconscience saura sentir le grondement de la rivière et réalisera qu’el-le ne coule pas en pure perte. x

Les pensées d’une rivièreTous les chemins ne mènent pas à la Romaine: Il existe des alternatives à l’hydro-électricité, mais le gouvernement les ignore.

BILLET

Anabel Cossette CivitellaLe Délit

Chercher le courant aux Rencontres Internationales du Documentaire de Monréal:

Où et quand: le samedi 13 novem-bre à 19h à la Grande Bibliothèque ainsi que le mardi 16 novembre à 21h15 à la Cinérobothèque ONF.

En route vers un avenir vert?Andrew McMartin, 2007

Maintenant sur cette page:

L’actualité en instantané

Vous vous sentez inspirés? Envoyez vos photos à[email protected]

Le cliché a été pris lors du sommet du G20 à Toronto en juin dernier. Deux tourtereaux contestent, à leur manière, les arrestations policières massives. À quoi ressemblera le

prochain G20?Vincent Boissonneau

11Arts & Culturexle délit · le mardi 9 novembre 2010 · delitfrancais.com

Madeleine et Antoine Villardier (Linda Sorgini et Carl Béchard), deux parisiens de la haute bour-

geoisie habitant le 7e arrondissement, sont hôtes pour un réveillon de Noël. Deux heu-res avant la mise à table, Madeleine, grande superstitieuse, fait le décompte. Ils sont treize! Treize à table! Pendant quelques deux heures, elle essaiera tant bien que mal de désinviter ou d’ajouter une personne. S’ensuivront des entrées et des sorties de personnages, les uns plus rocambolesques que les autres. L’ivresse est de mise, celle des mots, des charades et des

mouvements du corps. Bien sûr, le champa-gne est de la partie.

Présenté au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 4 décembre et mis en scène par Alain Zouvi, Treize à table est une comédie burlesque de Marc-Gilbert Sauvajon écrite en 1953 et a été représentée seulement deux fois à Montréal (en 1963 et en 1971). S’inscrivent dans le genre du théâtre de boulevard, fort apprécié à la fin du XIXe siècle et au début du XXe (Sacha Guitry, André Roussin), ce vaudeville nous plonge dans un huis clos tor-tueux, une espèce de labyrinthe dialogique où le calembour fait presque partie de l’action.

Bien qu’il n’en soit rendu qu’à sa troi-sième mise en scène (la première ne remonte

qu’à cet été, Oscar), Alain Zouvi manipule magistralement les arts de la scène. De plus, la distribution est ingénieuse et le décor, unique et efficace. Si la pièce, par moments, présente des longueurs, ce n’est certes pas en raison d’une quelconque mollesse tant par rapport au jeu des comédiens ou à la mise en scène, mais par rapport au texte lui-même. Le rythme haletant, perd parfois le spectateur dans plusieurs mises en abyme narratives. Par chance, ces moments demeurent occasion-nels.

La mécanique de Treize à table fait parfois penser au théâtre baroque avec les entrées et les sorties de comédiens, les renversements brusques, la folie du discours. Malgré une

unité de lieu et de temps, la dorure du mur central favorise le mouvement et crée l’illu-sion d’une complexité et d’une multiplicité spatiales intéressantes. Qu’importe, Treize à table est une immense célébration du théâ-tre de boulevard avec des renversements as-sez amusants: le bourgeois en déchéance, le médecin fou et ivre, le couple en délire. Une soirée à ne pas manquer. x

Bien qu’elles soient présentées conjoin-tement, les deux expositions Bleu et Actes de présence traitent de sujets très

différents. L’exposition Actes de présence, dont le commissaire est l’artiste Manon de Pauw, s’intéresse à la représentation de l’artiste et à sa présence dans son art. Plusieurs pho-tographies témoignant de performances passées sont exposées aux côtés de vidéos et de clichés d’artistes. Les œuvres en présence visent essentiellement à montrer comment l’artiste se met en scène comme élément central de son art et, ainsi, comment il se définit comme œuvre d’art.

Bleu regroupe plusieurs œuvres utilisant les différentes déclinaisons de la couleur éponyme. L’exposition présente majoritai-rement des tableaux monochromes, mais

aussi des photographies non-figuratives, comme celle de l’artiste montréalais Charles Gagnon, Sans Titre – Montréal. Cette épreuve à la gélatine argentine montre un détail ar-chitectural d’un bâtiment, soit une voûte où est inscrit BLUE ROOM. Le bleu est suggé-ré et non montré, et l’exercice est bien réus-si, car le visiteur parvient facilement à ima-giner la couleur de cette chambre. L’artiste québécois semble alors jouer sur le rapport de logique qui peut lier le mot écrit, sa défi-nition, ce qu’il représente et l’interprétation qui l’accompagne. Des célèbres tableaux chromatiques présentés, notons aussi celui du Montréalais Guildo Molinari, Cygne le bleu qui illustre parfaitement les innovations minimalistes et conceptuelles du siècle der-nier.

Cependant, le parcours de l’exposi-tion paraît mal pensé. En effet, la première œuvre, Atlan (1986) de James Turrell, est si

impressionnante et bouleversante que les suivantes semblent anodines et passent un peu inaperçues. Malgré l’excellent choix des œuvres de Manon de Pauw, cette première pièce semble bien voler la vedette aux deux expositions. L’installation de Turell diffère largement de tout ce que le visiteur a pu expérimenter même s’il est habitué  à l’art contemporain. Dans la salle où se trouve l’installation, le public est confronté  à un immense rectangle bleu électrique. Les réac-tions sont multiples: certains restent au fond de la salle obscure, d’autres allument télé-phones cellulaires ou lampes de poche afin d’éclairer leurs pieds, et d’autres encore, plus téméraires, avancent vers la forme sur le mur du fond. Ces visiteurs aventuriers réalisent rapidement que la figure au mur n’est pas pleine, mais vide. Un bras, une tête ou tout le haut du corps peut y être inséré. L’espace est immense. Le visiteur est perplexe: où

débute et où se termine l’œuvre? Ce «vide» bleu, vaporeux et profond n’affiche aucun objet, aucune forme… que du bleu. Une fascination mêlée d’angoisse s’immisce en lui: il est au cœur de la couleur, dans son essence. Atlan est l’expérience même de la couleur bleu, sa quintessence pure et sans équivoque. C’est l’univers du rêve, du para-normal, et les pièces suivantes ne peuvent en rien égaler ce miracle de l’art contemporain. Grâce  à cette exposition, le MAC réussit à retracer une histoire de l’art contemporain et de ses enjeux à travers la représentation de la couleur bleue et de ses variations. x

Arts&[email protected]

Habib HassounLe Délit

Treize à tableOù: Théâtre du Rideau Vert 355, Gilford Quand: jusqu’au 4 décembreCombien: 34,50$

Du boulevard à la scèneTHÉÂTRE

Treize à table est un morceau où humour et caricature se mêlent pour créer un théâtre de la légèreté.

Véronique MartelLe Délit

Bleu et Actes de présenceOù: MACM 185, rue Sainte-Catherine OuestQuand: jusqu’au 27 marsCombien: 6$ (étudiant)

ARTS VISUELS

Bleu de KleinLe Musée d’art contemporain de Montréal a puisé dans sa collection permanente pour créer Bleu et Actes de présence.

François Laplante Delagrave

Spa (2000) de Lynne CohenGracieuseté du Musée d’art contemporain de Montréal

12 Arts & Culture xle délit · le mardi 9 novembre 2010 · delitfrancais.com

J’aime tellement ça vous déstabiliser que, contrairement à mon habitude (et au titre de cette chronique), cette semaine,

je n’incendierai rien ni personne. Pas une éraflure. Pas même une petite morsure, un petit mordillage. Puisque j’aime ça être subversive, je vais faire tout le contraire de ce à quoi vous vous attendez. Non, je ne me

la fermerai pas (ça serait trop beau et quand c’est trop beau, c’est qu’il y a quelque chose qui cloche).

Je vais plutôt prendre l’espace de cette chronique pour vous présenter un artiste que j’aime pour de vrai, qui m’oblige à atta-cher ma tuque avec de la broche tellement il déchire, bref, qui m’impressionne.

Après un préambule de la sorte, c’est difficile pour moi de ne pas revenir sur ma parole pour en écorcher vif un ou deux en guise d’introduction à mon sujet prin-cipal. Tout ce que je peux faire, c’est vous dire que cet artiste dont je veux vous parler, cet artiste polyvalent et innovateur, ce n’est pas la maudite chanteuse blonde vêtue d’une robe en viande qui récupère le style de Grace Jones en essayant de nous faire accroire que ce qu’elle fait c’est original et nouveau.

Cet artiste, c’est Bobo Boutin. Ancien batteur des défunts Georges Leningrad, il œuvre maintenant en solo. Ce serait dif-ficile pour moi de circonscrire ce drôle

d’oiseau à un seul domaine artistique. Dans ses propres mots, «Bobo Boutin est un car-toñero magico né en 1975. Tendrá unos treinta años (más o menos). Il est balance ascen-dant escorpio. Il œuvre pour la CSDRAP de MONTRÉAL. À venir: Disque 7» + Conte sordide illustré» (MySpace)

Dans une entrevue accordée à Olivier Lalande du Voir (25 août 2010), il ajoute: «pour l’instant, j’œuvre continuellement, n’importe quand, n’importe comment, pour la CSDRAP de Montréal, une espèce de bureaucratie personnelle. Mon alter ego Gilles Robert se balade sur la toile: une série d’épisodes sont prévus à cet effet. Un dis-que 7 po, accompagné d’un conte sordide illustré (pleine couleur), né de la contrac-tion des chansons Vidanges et Banshee Whale, paraîtra très bientôt sous une étiquette de disque de la côte ouest américaine. En ce qui concerne mes spectacles, continuez à vous attendre à tout. Je vis maintenant sur terre comme dans un immense phalans-tère.»

Concrètement, Bobo Boutin crée des pièces musicales, des feuillets inclassables sous le nom de Gilles Robert, des dessins et des collages, et des entrées de blogue avec des titres tels que «Je me renseigne sur le sexe». Je sais pas vous, mais dans ces en-trées de blogue, le style de l’artiste me rap-pelle celui d’un écrivain culte québécois, dont les initiales sont R.D.

Vous vous demandez sans doute qu’est-ce que la CSDRAP? Disons seulement que c’est l’acronyme de la Commission scolaire du rouleau à pâtisserie…

Côté musique, ça va plutôt bien pour Bobo et ses pièces de style punk/electro-nica rappelant le groupe des années 1970 Suicide. De fait, il a ouvert en août pour le groupe culte franco-allemand Stereototal et se produira le 11 novembre à L’Escogriffe avec Meta Gruau dans le cadre du 24e Coup de cœur francophone de Montréal.

Pour tout savoir, voir et entendre sur Bobo Boutin, rendez-vous au www.myspace.com/bobo-boutin. x

Billet incendiaireCatherine Renaud

Je me renseigne sur le sexeCHRONIQUE

La diégèse de Yellow Moon: la ballade de Leila et Lee, de David Greig, est simple: un jeune homme (Lee) et

une jeune femme (Leila) en retrait idéo-logique de la société, partent à la recher-che du père de Lee, disparu depuis long-temps dans une campagne éloignée. La quête paternelle devient rapidement une histoire remplie d’embûches où les deux jeunes se retrouvent face à leur existence et à leur solitude.

Yellow Moon est un drame social et familial où les cris de la tragédie moderne se font entendre. C’est un chant lyrique dont le texte rappelle parfois l’épopée, notamment quant à la forme (le lexique) et au désir de l’absolu. D’ailleurs, la tra-duction de Maryse Warda est frappante au sens le plus fort du terme; les mots sont projetés sur le spectateur et se transfor-ment en gifles qu’on reçoit avec un plaisir masochiste.

En outre, la mise en scène de Sylvain Bélanger rend parfaitement vivant les jeux de polyphonie dans le texte de Greig. Quatre comédiens présents sur scène pendant une heure et demie: les voix s’entremêlent non pas dans une volonté de confusion mais de fusion. Les quatre comédiens semblent même parfois for-mer un seul corps soumis à sa condition d’être.

On ne parle donc plus du corps ma-tériel et individualisé, mais d’un corps so-cial qui a envie de se réaliser, de s’éman-ciper, mais faisant continuellement face à ses propres limites. Sylvain Bélanger est ingénieux, sa mise en scène est précise et minimaliste sans impliquer une quelcon-que restriction.

Yellow Moon est un de ces morceaux d’art dont on sort avec une impossibilité de vivre, emprisonné dans nos pensées et nos sentiments sur l’avenir de l’(in)exis-tence et le rapport de l’homme à la mort. Le mal-être est au centre de la pièce; or

ce sentiment n’est pas associé, tel qu’à l’accoutumée, à une forme de pessimisme ou d’épuisement. Une possibilité d’issue demeure active: c’est l’amour.

Sylvie de Morai (Leila) et Benoît Drouin-Germain jouent avec subtilité et restriction leur amour: la poésie qui

règle celui-ci est obscure comme si elle venait des ténèbres; elle s’exprime dans le silence de la nuit, comme si elle avait besoin de se savoir cachée pour prendre naissance.

Yellow Moon est définitivement une pièce phare de cette saison théâtrale. x

Habib HassounLe Délit

Yellow Moon et le mal de vivrePrésenté au Théâtre Espace Go, Yellow Moon mêle urgences et poésie de façon à rendre le théâtre comme un laboratoire de sentiments humains.

THÉÂTRE

Suzanne O’Neil

Yellow MoonOù: Espace Go 4890 Saint LaurentQuand: Jusqu’au 27 novembreCombien: 21$

13Arts & Culturexle délit · le mardi 9 novembre 2010 · delitfrancais.com

Barney (Paul Giamatti) se souvient des événements qui ont marqué sa vie, passée principalement entre Rome

et Montréal. Dans cette confession, il évo-que ses mariages avec des femmes magni-fiques (Rachelle Lefevre, Minnie Driver et Rosamund Pike), sa grande affection pour son père, un policier à la retraite (Dustin Hoffman) et son meilleur ami, le charmant et destructeur Boogie, romancier à ses heu-res (Scott Speedman). Buveurs et provoca-teurs invétérés, Boogie et Barney vivent dans l’insouciance jusqu’au jour où une dispute les sépare accidentellement. Barney’s version explore cette jeunesse débridée, ces erreurs et coups de tête avant de se concentrer sur les relations amoureuses (et souvent houleuses) de Barney.

La vie colorée et mouvementée de Barney se déroule aussi dans les studios de Totally Unnecessary Productions où il produit, entre autres, O Malley and the north. Dans cette série, Solange (Macha Grenon), une mauvai-se actrice, interprète le rôle d’une infirmière. Macha Grenon, que vous avez pu voir dans L’âge des ténèbres, Familia ou encore Si j’étais toi, interprète avec brio ce personnage secon-daire qui ne sombre jamais dans le ridicule. Elle met l’accent sur la sensibilité de Solange, caractéristique qui l’a séduite dès la lecture du scénario: «Quand on choisit un rôle, c’est comme si physiquement, il y avait un élan, une pulsion. Dans le cas de Barney’s ver-

sion, c’est d’abord le mélange d’intelligence, d’humour et d’humanité du personnage de Solange qui m’ont touché. Le livre contenait ces trois éléments et Michael Konyves, qui a fait l’adaptation, a vraiment réussi à garder le regard incisif que l’œuvre portait sur la na-ture humaine, un regard empreint d’huma-nité profonde, que Mordecaï Richler possé-dait dans sa plume. Dans le film, Solange est uniquement dans l’univers de la production mais dans le roman, elle est la grande amie de Barney et s’occupe notamment de lui quand il est malade. Solange possède un ego fragile, malgré son rapport si fort à la vie. Son ego reste du papier de riz face à sa situation et son corps qui n’est plus celui de la jeune et belle infirmière...»

La recherche physique du personnageAlors que le temps passe, Solange, à la

trentième saison de son soap, n’est plus une jeune première et doit faire face à son corps vieillissant. Macha Grenon offre, à travers cette actrice ultra maquillée et coiffée d’une perruque blonde, une réflexion sur le temps qui passe et sur le métier de comédienne: «Il y a une certaine pression à être jolie. Du coup, à l’inverse, être vieillie pour le rôle m’a permis une grande liberté de jeu. Si j’avais été moi-même prisonnière de mon image, je n’aurais pas pu jouer cette Solange, parce que l’on m’a maquillé, mis du latex, etc. Il me sem-ble que plus on se libère des contraintes de notre image, plus on peut être créatif, et plus on peut mettre son corps, quel qu’il soit, au service de l’histoire.»

Pour interpréter cette femme si fragile, Macha Grenon a cherché diverses sources d’inspirations: «Il y avait deux univers à ex-plorer pour mon rôle. Dans le premier, qui est d’être cette actrice de mauvais soap, ma préparation consistait à regarder des soaps. Pour incarner simplement la femme derrière l’actrice, j’ai dû faire une recherche plus phy-sique du personnage. On avait peur au début que le maquillage et la coiffure de Solange, soient excessifs. Au cinéma, on est souvent, avec raison, intimidé par l’artifice, mais c’était fascinant de voir qu’en fait, en ville, il existe vraiment des gens si maquillés, si coiffés. Cette composition était donc un mélange de ces éléments. Et je dois dire que le plaisir était toujours prépondérant.»

Le train en marcheÉvoquant le plaisir qu’elle a éprouvé

à jouer avec Paul Giamatti, Macha Grenon s’attarde aussi sur les difficultés qu’ont pu lui poser son rôle: «Quand on interprète un per-sonnage secondaire, il y a des ajustements à faire au niveau du rythme. Un tournage, c’est comme un train en marche. Il y a un rythme, un sens, un langage, un ton. Lorsqu’on est là tout le temps, on est dans le train. Mais quand on est là périodiquement, que l’on tourne une scène de temps en temps, sur plusieurs mois, sauter dans ce train n’est pas toujours évident. Il faut savoir être rapidement et complètement en symbiose avec l’ambiance, la direction. Il faut savoir partir, revenir. Je connaissais déjà plusieurs membres de l’équipe, ce qui m’a aidé. De plus, Paul Giamatti et Richard Lewis

avaient une grande capacité à me ramener dans l’univers de la fiction.»

L’univers de Barney’s version est très éclaté, à l’image du tourwnage qui a eu lieu, entre autres, à Rome et Montréal. Ce qui ressort à l’écran est pourtant un réel travail d’équipe, comme le souligne l’actrice: «Ce projet pou-vait avoir, à la base, par son casting, quelque chose d’intimidant. Pourtant, dans les faits, c’était une expérience extrêmement inclusive. Richard Lewis, qui est un vrai actor’s director, a crée un plateau où les gens communicaient réellement. C’est aussi en grande partie grâce à Paul Giamatti. Au-delà du fait qu’il est l’un des plus grands acteurs de sa génération, il est engagé à vouloir faire un bon film. Paul est un être humain extrêmement attachant et acces-sible, il aime les autres et a envie de rentrer en relation avec eux. Toujours très concentré, il offre pourtant un grand niveau de disponibili-té d’expérience. Je n’ai tourné qu’une journée avec Dustin Hoffman mais c’était la même chose. J’étais donc toujours en présence de réels artistes qui aiment leur travail, cherchent à exceller et ont compris qu’ils ne peuvent pas être seuls, qu’ils ont besoin de l’équipe.» Cette symbiose entre les comédiens, les spec-tateurs de la première du film lors du Festival International du Film de Toronto l’avaient déjà remarqué, confie d’ailleurs Macha Grenon en souriant: «Au festival, lorsque nous avons été appelés sur scène après le film, les gens m’ont raconté qu’ils sentaient notre cohésion, ce fil conducteur qui nous avait guidé.» x

À l’affiche à partir du 24 décembre.

Annick LavogiezLe Délit

Russie 1904. Derniers moments d’une aristocratie russe alors que la révolution approche et que l’ancien système éco-

nomique seigneurial n’est plus viable. Un do-maine célèbre pour son jardin de cerisiers sera vendu aux enchères. Lopahkhine (Normand d’Amour), ami d’une famille à la fortune dila-pidée, tente de convaincre les propriétaires de la nécessité d’agir et d’acheter la Cerisaie qu’ils chérissent tant pour les souvenirs qui y repo-sent, mais sa proposition de construire et faire louer des résidences d’été est jugée vulgaire et rejetée par cette noblesse féodale. Lopahkhine se résignera à acheter cette terre sur laquelle ses ancêtres furent des esclaves.

Le théâtre de Tchekhov est d’un réalisme poignant. Lopakhine, qui représente à lui seul la classe des marchands, ne passe pas pour un parvenu qui profite de l’insouciance de cette famille. Sans caricature ou manichéisme, toute la complexité humaine, la relation entre les

personnages et les liens tissés et brisés par les circonstances sont dépeints.

Malgré le jeu parfois factice de certains acteurs, dont Maude Guérin (sa mélancolie voilée d’éclats de rires et ses cris de déploration épuisent), les personnages sont touchants. Plus particulièrement les domestiques Firs, Yacha et Epikhodov, qui ne sont nullement ici des personnages secondaires. D’ailleurs, c’est Firs (Gérard Poirier), le vieux fidèle domestique, qui ouvre et conclut la pièce de façon vibrante. La réplique finale «La vie est passée et on dirait que je ne l’ai pas vécue», rappelle que l’ultime témoin de toute cette époque qui s’évanouit, s’efface lui aussi avec ce monde qu’il représen-tait. Même si ces personnages secondaires ne participent pas directement à l’action princi-pale, c’est eux qui rendent la pièce si humaine.

Ce nostalgique tableau d’époque est sur-tout réussi par le travail incomparable d’Yves Desgagnés. Chaque scène est un tableau à couper le souffle. La scène qui est d’abord vide, se remplie peu à peu alors que tout le décor est puisé d’une armoire sans fond qu’on dispose

sur un immense tapis. La tapisserie qui occupe le fond de la scène tombera pour dévoiler des cerisiers en fleur.

Une pièce sur le passage du temps, mais qui de nouveau avec cette sublime mise en scène d’Yves Desgagnés, démontre que Tchekhov est à l’épreuve du temps. x

Mai-Anh Tran HoLe Délit

Humanisme russe à son meilleurAvec La Cerisaie, Yves Desgagnés livre à nouveau une pièce d’une beauté épatante.

THÉÂTRE

François Brunelle

Les coulisses de Barney’s VersionL’impulsif et irrascible Barney Panofsky, héros du célèbre roman de Mordecaï Richler, est enfin porté à l’écran par Richard Lewis. Macha Grenon, qui interprète l’acteur d’un soap produit par Barney, a accordé une entrevue au Délit à cette occasion.

CINÉMA

Graciseuceté de Séville Films

La CerisaieOù: Théâtre Jean Duceppe 175 Ste-Catherine OuestQuand: Jusqu’au 4 décembreCombien: 32$

14 Arts & Culture xle délit · le mardi 9 novembre 2010 · delitfrancais.com

«L’effacement soit ma fa-çon de resplendir», écrivait Philippe Jaccottet dans ses carnets au début des années soixante. Il entendait par cela que de réduire sa présence dans ses poèmes le rendait plus apte à parler des choses,

à faire rayonner la lumière qui se loge en elles. Si l’on se fie à la réédition de son recueil Peinture aveugle, parue plus tôt cette année au Noroît et lancée le 4 novembre dernier avec les autres titres de la maison, il semble que le poète québécois Robert Melançon ait fait sien le vœu de Jaccottet. «Tu as autre chose à dire / Que toi, tes manies, tes masques, / Ton goût des ciels couverts / Sous lesquels les heures se fondent / Dans une lumière égale.» Chez Melançon, le sujet disparaît presque tout à fait du poème pour faire place au ciel, à l’herbe, aux arbres, au pavé, aux rues, à tous les éléments du paysage qui l’entou-rent. Ne reste qu’une présence tranquille, un témoin qui constate et enregistre le «mouvement des heures», les variations de l’ombre et de la lumière, du jour et de la nuit, «ce fil sans fin / Du temps dont tu n’es qu’un nœud / Que le temps dé-nouera.»

Dans Peinture aveugle, le poète trans-crit le paysage derrière la vitre sur cette

«autre fenêtre» qu’est la page, avec une sobriété essentielle. «Le ciel encré se fera page / Où s’écriront les branches nues / Qui ne retiendront de l’année / Que l’ar-mature intelligible». Melançon accumule ainsi les «tableaux», comme le suggère la référence à l’art pictural dans le titre. Des fragments de paysage apparaissent, saisis dans le cadre d’une fenêtre, renversés dans une flaque d’eau sur le trottoir, ou encore découpés par les parois d’une cour: «Il y avait une cour de gravier / Entre des murs hauts qui enfermaient / Un rectangle de ciel changeant ; / Les heures s’y arrêtaient / Près des fenêtres studieuses.»

L’écriture poétique ne s’élance jamais trop haut chez Melançon. Elle ne prend pas le risque de la dissonance, ne se per-met pas de courir le danger de ne plus habiter le sens. Les repères de Melançon sont familiers et quotidiens: il ne vise «pas le secret du monde / Mais le monde même, / Drapé de lumière et d’ombre», et espère ainsi toucher à l’indicible, laisser entre-

voir, par instants, «Dans une improbable éclaircie, / Ce qui fuit entre les mots.»

La poésie se fait véritablement «pein-ture aveugle» ici: devant une telle simplicité des images, on a l’impression d’une restric-tion du champ de vision du sujet. L’écriture reste incertaine de ses moyens, peu convain-cue de sa capacité à accomplir tout à fait la rencontre entre mot et chose, cet «accord aux jours» recherché par le poète.

Beaucoup de temps s’est écoulé de-puis la première édition de Peinture aveugle, qui remonte à 1979. Comme l’explique Melançon dans sa postface, l’objectif n’était pas de faire de Peinture aveugle un «recueil», mais plutôt de bâtir peu à peu une «somme en devenir». On le sent dans le retour des mêmes titres au fil des pages, comme si la voix relançait sans cesse son interrogation inquiète à la face du monde.

Si ce n’est que pour cela, il faut lire Robert Melançon, dont les poèmes, jamais éblouissants, baignent cependant dans la lumière de l’humilité. x

Rêveries familièresVéronique Samson

Leçons de lumièresCHRONIQUE

Tom (Stef Aerts) et son frère Lucas (Maarten Mertens) souffrent tous deux de mucoviscidose, une mala-

die génétique mortelle qui détruit lente-ment leurs poumons. Alors que Lucas attend patiemment et avec optimisme une greffe de poumon qui va changer sa vie, Tom, incapable de faire face à sa «date d’expiration», si proche, vit dans une ur-gence continuelle et s’évade à sa façon, se découvrant toute une vie de noctambule.

Sa vie bascule le jour où, errant dans les couloirs de l’hôpital qu’il connaît si bien, il fait la connaissance de Xavier (Wouter Hendrickx), lui aussi atteint de mucoviscidose, qui refuse de céder à la

maladie. Par sa joie de vivre, il redonne espoir à Tom qui tombe sous le charme d’Eline (Anemone Valcke), une autre pa-tiente isolée dans une chambre à cause d’une maladie contagieuse.

L’univers de Tom s’écroule le jour où Lucas décède sur la table d’opération. Se sentant coupable, Tom retourne à ses mauvaises habitudes, enlève son nom de la liste des greffes et décide de vivre comme s’il n’y avait plus de lendemain jusqu’au jour où, son état s’étant aggravé, ses médecins l’obligent à être hospitalisé de façon permanente.

Le jeune cinéaste flamand Hans Van Nuffel a remporté le Grand Prix des Amériques au Festival des films du monde de Montréal 2010 avec ce premier long métrage Adem (Oxygène). Il parle d’une

réalité qu’il ne connait que trop bien, lui-même atteint de mucoviscidose. Bien que l’histoire se situe principalement entre les quatre murs de l’hôpital, le jeune réa-lisateur de 29 ans réussit à nous empor-ter dans un monde où l’oxygène devient la plus grande commodité. L’existence, beaucoup trop courte, demeure tout de même remplie d’humour, d’amour et de joie de vivre. Il fait la promotion du bon-heur dont il connaît la fragilité. Ce n’est pas un film sur la maladie, mais sur la sur-vie et l’envie de croquer la vie.

Le jeu des acteurs est excellent. Stef Aerts, saisissant, nous transporte dans une vie d’apprentissage où chaque bouf-fée d’air constitue un défi. La complicité entre Aerts et Hendrickx se transmet à l’écran. L’amitié parfois passive, parfois

agressive, entre Tom et Xavier captive du début à la fin. L’image, bien que tout soit filmé dans un hôpital, est magnifique et traduit le désir de vivre des personnages. Van Nuffel réussit à transformer cet en-droit synonyme de mort en un lieu cha-leureux où l’amour et l’amitié sont pos-sibles.

La seule critique que l’on pourrait porter à ce film concerne les personnages secondaires, un peu trop stéréotypés. Le meilleur ami voyou, Jimmy (Rik Verheye), qui ferait n’importe quoi pour Tom, et le père intolérant qui a de constantes sautes d’humeurs, en sont de bons exemples.

Il aurait été facile pour le cinéaste de se perdre dans un délire mélodramatique hollywoodien, mais Van Nuffel y résiste habilement. x

Julie RichLe Délit

Gracieuseté d’Axia Films

CINÉMA

Une bouffée d’OxygèneHans Van Nuffel explore avec délicatesse le monde étouffant de la mucoviscidose dans Adem (Oxygène).

15Arts & Culturexle délit · le mardi 9 novembre 2010 · delitfrancais.com

Le Festival des films fran-cophones Cinémania est depuis 1995 le rendez-

vous des cinéphiles qui veulent découvrir une sélection de films originaux et de qualité. Du 4 au 14 novembre, les amateurs de cinéma francophone se retrou-veront donc au Cinéma Impérial, où certaines projections seront d’ailleurs présentées par leurs équipes.

Cette année, c’est Copacabana, réalisé par Marc Fitoussi et met-tant en scène Isabelle Huppert, qui a donné la coup d’envoi au Festival. Le film de clôture, Potiche, le dernier film de François

Ozon mettant en scène Fabrice Luchini, Gérard Depardieu et Catherine Deneuve, sera quant à lui le 14 novembre.

Le Festival présentera, en-tre autres, les films suivants. Mercredi 10 novembre: Loup de  Nicolas Vanier, Gardiens de l’ordre avec Cécile de France et Julien Boisselier, Mensch de Steve Suissa et Pieds nus sur les limaces avec Ludivine Saignier.

Jeudi 11 novembre: L’enfance du mal d’Olivier Coussemacq, La Sainte Victoire de  François Favrat, L’Autre Dumas avec Gérard Depardieu ainsi qu’Une affaire d’état, avec André Dussolier.

Vendredi 12 novembre: Illegal d’Olivier Masset-Depasse, Hors-la-loi de  Rachid Bouchareb et Happy Few de Antony Cordier.

Patrick Bruel sera quant à lui dans Comme les cinq doigts de la main, dimanche 14 novembre. x

Pour consulter la program-mation complète consultez le www.cinemaniafi lmfest ival .com

L’ÉDITO CULTUREL COUP DE CŒUR

CINÉMA

Une 16e édition pour Cinémania

Emilie BombardierLe Délit

Je voudrais qu’on m’efface, premier roman d’Anais Barbeau-Lavalette, était sans

conteste l’un des livres les plus attendus de la rentrée. Si le nom de la romancière vous dit quel-que chose, c’est parce qu’elle s’est faite connaître avec le film Le Ring sorti trois ans plus tôt.

Elle a donc récemment –et avec raison– troqué la lentille pour la plume. Certains recon-naîtront d’ailleurs peut-être quelques épisodes du Ring dans le roman, car le livre devait paraître avant le film. Après la réalisation de Renée Beaulieu, Anaïs Barbeau-Lavalette a continué la création bien loin des artifices du cinéma et of-fre ainsi une excursion dans le cœur d’Hochelaga.

Trois jeunes de douze ans se battent pour leur vie dans ce quartier que plusieurs appellent Ho-Ma. Roxanne, qu’on croit demi-folle à l’école, doit com-poser avec la violence et l’alcoo-lisme de ses parents à la maison. Mélissa, elle, s’occupe seule de ses frères quand son beau-père fout le camp et que sa mère se prostitue. Kevin quant à lui est un garçon du Ritalin qui vit seul

avec son père mécanicien et lut-teur amateur.

Parmi les putes, les soirées alcoolisées de leurs parents et le quotidien dans leur classe pour  «ortho», on découvre la réalité de trois enfants allumés dans un milieu éteint.

L’écriture très cinématogra-phique surmontée d’une langue propre aux habitants du quartier expose des passages émouvants et très drôles. Les personnages sont attachants et nous portent à réfléchir sans jamais tomber dans le caricatural et le pathétis-me. La réalité de certains jeunes au sein même de notre ville est ainsi dévoilée.

Si le livre est une réussite, on appréciera aussi l’initiative visuelle qu’ont prise l’auteure et le directeur photo André Turpin. En effet, ils ont préparé une ex-position de photos complémen-taire au livre. La page couverture du roman est d’ailleurs une pho-tographie tirée de l’exposition.

On aime bien aussi qu’un livre québécois, bien écrit et bien ficelé, dépeigne une réalité proche de nous.

Le cri de désespoir que l’auteur lance pour ces jeunes et l’urgence de les aider avant qu’il ne soit trop tard rendent cette œuvre bouleversante et intéres-sante. x

Elizabeth-Ann Michel-BoulangerLe Délit

Des exclusifs web sur delitfrancais.com

Festival CinemaniaOù: Cinéma L’Impérial 1430 BleuryQuand: Jusqu’au 14 novembreCombien: 9,50$

Graciseuseté des Éditions Hurtubise

Au-delà de ce qui ressem-blait à une crise d’ego ou à un sujet de prédilection

pour la Clique du Plateau, les ré-centes déclarations du comédien Guillaume Lemay-Thivierge dans une entrevue accordée au Journal de Montréal ont suscité un bref débat, à la fois sans issue mais fort nécessaire, sur la res-ponsabilité de la critique qué-bécoise par rapport aux produc-tions nationales. Dans un milieu où l’exigüité a ses avantages comme ses inconvénients, quelle attitude les médias devraient-ils adopter au moment de juger les œuvres d’ici?

Indigné par la réception des deux plus récents films dans les-quels il tenait la vedette, (Filière 13 et Le poil de la bête) Guillaume Lemay-Thivierge faisait der-nièrement une «sortie» contre l’acharnement des critiques à malmener plusieurs produc-tions québécoises, prédisant au passage que ceci pourrait éven-tuellement «tuer» notre cinéma. «J’ai l’impression que, lorsque ça vient d’ailleurs, pour cer-tains c’est magnifique; quand ça vient de chez nous, eh bien on ne manquera pas de descendre le produit. Ça fait petit peuple, je trouve, et nous sommes plus grands que cela. Détruire injus-tement, c’est petit je trouve. Je dénonce des critiques qui sou-

haitent se faire une réputation sur le dos de projets québécois faits avec cœur et enthousiasme par des artistes qui y ont mis des mois de travail», confiait-il à la journaliste Michelle Coudé-Lord.

Il n’en fallait pas plus pour que Christiane Charrette invite le comédien à poursuivre sa ré-flexion dans le cadre de son émis-sion, cette fois-ci devant deux des critiques visés par son «cri du cœur», Marc-André Lussier et Marc Cassivi. Ses détracteurs ont vite eu raison des arguments circulaires de Lemay-Thivierge, qui ne cessait de répéter que l’on encensait toujours le même «genre» de film au détriment de comédies et de productions commerciales qui permettent aux œuvres de répertoire d’exis-ter. Difficile de se prononcer sur ce qui se fait ici, rétorquaient-ils, alors que la complaisance sem-ble plutôt être de mise.

Une sortie comme celle de Guillaume Lemay-Thivierge n’avait pourtant rien d’inédit et ne justifiait pas tout un battage médiatique. Elle permet toutefois de souligner qu’une dangereuse insécurité persiste toujours dans le milieu culturel, insécurité qui elle-même pourrait mener le cinéma québécois à sa perte. La seule responsabilité de la criti-que à l’égard du cinéma québé-cois, s’il en est une, est de juger ses œuvres de la même manière que toutes les autres, y compris

les œuvres américaines qui lui font concurrence. Elle peut ainsi en assurer la qualité, le mesurer à tout ce qui se fait ailleurs et, par conséquent, lui forger une réputation internationale.

Prétendre le contraire tient d’une réaction défensive, d’un appel à la survivance. Les films d’ici font évidemment l’objet d’une plus grande attention médiatique, d’où la possibi-lité qu’ils soient encensés ou décriés sur toute les tribunes. L’«acharnement» de la critique ne peut dans ce cas qu’être pro-portionnelle à l’acharnement promotionnel qui l’a précédé, suscitant en elle-même des at-tentes parfois trop hautes par rapport au produit. Son appel à une certaine prudence des criti-ques envers le cinéma québécois évoque cette attitude de «petit peuple» que le comédien dénon-ce lui-même.

Rivaliser avec le marché américain, par exemple, impli-que d’éviter d’imiter ses produc-tions. La science fiction, les films d’actions à grand déploiement, bref, ce que Guillaume Lemay-Thivierge considère comme d’indispensables productions commerciales, ne sont pas les genres de films que l’on peut réaliser avec une fraction du budget de nos voisins du Sud. Le cinéma québécois se doit d’être inventif, voilà ce que la critique devrait s’acharner à rappeler aux artisans du milieu. x

Gracieuseté de Seville Films

Qui aime bien... Je voudrais qu’on m’efface

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16 Arts & Culture xle délit · le mardi 9 novembre 2010 · delitfrancais.com

Une fin de semaine à par-tager l’espace de création de bédéistes québécois,

allemands, américains, belges et français, voilà ce que nous réser-vait la dernière édition du festival de création Les 48 heures de la bande dessinée. Petit bilan d’un événement unique dont le succès mérite d’être souligné.

Dans les locaux du Goethe-Institut Montréal, une équipe d’organisateurs motivés (Julie Delporte, Vincent Giard et Lise Rebout), assistés de bédévoles en-thousiastes, ont accueilli vingt-cinq bédéistes afin de promouvoir la collaboration dans le milieu de la bande dessinée et de favoriser les échanges interculturels entre auteurs, amateurs, professionnels et public plus ou moins dilettante.

Divisé en deux volets, cet événement a commencé vendredi soir quand les différents auteurs, parmi lesquels on peut citer Aurélie Grand, David de Thuin, Luc Bossé, Mawil et Sébastien Lumineau, se sont réunis pour prendre connaissance du thème de la rencontre: la distance. Celle qui existe lors du processus de création, mais aussi celle qui sépa-re les artistes les uns des autres ou de leur public.

Chaque dessinateur a pro-fité d’une nuit de réflexion avant de plancher sur cette thématique toute la journée de samedi, mal-heureusement fermée au public pour d’évidentes nécessités de concentration. Deux par deux, les bédéistes ont formé un véritable laboratoire de création de bandes dessinées destinées à être publiées dès la semaine prochaine dans le 48, qui sera lancé à Expozine et

distribué gratuitement au Québec et à l’étranger dès le 13 novembre. Dimanche, la deuxième partie du festival invitait le public à divers ateliers pour enfants et adultes. Des conférences étaient égale-ment au programme, ainsi qu’un concert et le lancement d’À la fa-veur de la nuit de Jimmy Beaulieu,  Les pièces détachées #2 de Vincent Giard et David Turgeon, Laisse tomber les filles de Vincent Giard et Cinéma de Sébastien Trahan. Le tout s’est fini dans un match d’improvisation dessiné animé et enthousiaste dont les sujets impo-sés étaient évidemment des titres de bande dessinée.

Les quatre conférences «ren-contres-cupcakes» exploraient le travail en atelier ou en solitaire, le jumelage entre auteurs débu-tants et auteurs confirmés ainsi que le fonctionnement de diver-ses structures d’éditions coopé-

ratives. Différents auteurs ont pu expliquer en quoi consistent ces bulles de création dans lesquelles naissent leurs dessins, intimistes chez Jimmy Beaulieu ou encore fruit d’un véritable travail d’équi-pe, comme entre David Turgeon et Pascal Giard. Après ces ren-contres riches en anecdotes, José Parrondo, muni de son harmonica et son ukulélé, a offert au public une sympathique pause musicale afin de confirmer qu’un bédéiste a bel et bien plus d’un tour dans son sac pour séduire son lectorat.

Les 48 heures de la bande dessinée, ce n’est pourtant pas qu’une suite d’animations orga-nisées dans la bonne humeur et l’enthousiasme. C’est aussi un concept: celui-ci de rendre l’évé-nement le plus accessible possible. Dans ce but, toutes les activités du samedi ont été retransmises régu-lièrement sur internet par une

fine équipe de reporters. Sans être présent, le public pouvait donc observer les bédéistes à l’ouvrage et l’avancée de leurs travaux avant de voir les planches affichées dans l’une des salles du Goethe-Institut toute la journée de dimanche. Aux côtés de ces dessins, une exposi-tion était dédiée à Mawil, bédéiste allemand.

Ce festival est donc une belle réussite, portée par des organisa-teurs hors pairs, des auteurs talen-tueux et un public inévitablement réjoui. À inscrire dès maintenant sur votre agenda 2011. En atten-dant, régalez-vous avec le 48 dès la semaine prochaine et la neuvième foire annuelle des petits éditeurs, des bandes dessinées et fanzines de Montréal, Expozine 2010. x

Retrouvez l’ensemble des activités sur www.48hbdmontreal.com et www.expozine.ca

Annick LavogiezLe Délit

Les 48 heures de la bande dessinéeLE DÉLIT AIME...

La table de travail d’Eleonore Goldberg, Aurélie Grand et IrisFlavie Halais