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Historique L’épopée des gants chirurgicaux > The advent of surgical gloves M.A. Germain Département de chirurgie cervicofaciale, Institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif cedex, France Résumé La naissance des gants chirurgicaux résulte en fait de l’application à la chirurgie du concept « gant », grâce à une double évolution. Évolution du matériau, de plus en plus maniable et adapté, passant du caecum de mouton au coton, à la soie, au cuir puis au caoutchouc de latex. Évolution du but utilitaire, initialement simplement protecteur de la peau des mains et avant-bras contre l’effet corrosif des antiseptiques, puis pour l’asepsie des interventions chirurgicales. Plusieurs chirurgiens se sont illustrés dans la mise au point de ces gants chirurgicaux. L’aboutissement à la création du gant dit chirurgical est donc une lente évolution et non une découverte ; l’utilisation de ces gants est actuellement incontournable et leur usage de plus en plus important. Ils doivent assurer une protection croisée praticien–malade. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The advent of surgical gloves had a double evolution. Evolution of the material: cecum of a sheep, cotton, silk, leather, rubber. Originally introduced to protect theatre staff’s hands from corrosive solutions, subsequent use was to protect the patient from contamination by theatre staff. Many surgeons contributed to the evolution of the surgical gloves.The use of gloves was truly part of an evolutionary process than a discovery. The turning of surgical gloves is now incontestable, and their use more and more important. Surgical gloves must secure a crossing protections between surgeon and patient. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Gants chirurgicaux ; Caoutchouc Keywords: Surgical gloves; Rubber 1. Introduction La mortalité hospitalière dans les années 1800 était consi- dérable. La quasi-totalité des plaies développait une suppu- ration. Aussi il était clair que la chirurgie ne pourrait évoluer sans une bonne compréhension des causes de l’infection et de ce qui allait devenir la bactériologie. La théorie de l’infection était à cette époque désignée comme « théorie de la génération spontanée » ; elle attribuait l’infection des plaies à des toxines produites in situ par les tissus nécrosés. Toutefois, dès 1760, Spalanzini avait montré qu’une fiole bouchée et stérilisée par la chaleur, contenant des tissus nécrosés, ne laissait rien se développer spontanément [1]. Ignaz Semmelweis, chirurgien à Vienne, avait fait une découverte révolutionnaire en 1847, 30 ans avant que Pasteur ne révélât la théorie des germes [2]. Il avait observé que le taux d’infection des femmes accou- chées par des sages-femmes était beaucoup plus bas que celles accouchées par des médecins. Or, ces mêmes méde- cins réalisaient aussi des autopsies dans un bâtiment voisin. Devinant que la fièvre puerpérale était transmise par les médecins à leurs patientes durant les touchers vaginaux par « quelque chose » acquis par eux pendant les autopsies (bactéries a posteriori), Semmelweis imposa un protocole strict de lavage des mains, avec immersion dans une solution de chaux chlorée ; le taux de mortalité chuta alors de 20 à 1 %. Mais, son travail dénié, il fut déconsidéré par la commu- nauté médicale. > Communication présentée à l’Académie nationale de chirurgie le 13 février 2002 Annales de chirurgie 128 (2003) 475–480 www.elsevier.com/locate/annchi © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/S0003-3944(03)00186-X

L’épopée des gants chirurgicaux

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Historique

L’épopée des gants chirurgicaux>

The advent of surgical gloves

M.A. Germain

Département de chirurgie cervicofaciale, Institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif cedex, France

Résumé

La naissance des gants chirurgicaux résulte en fait de l’application à la chirurgie du concept « gant », grâce à une double évolution.Évolution du matériau, de plus en plus maniable et adapté, passant du caecum de mouton au coton, à la soie, au cuir puis au caoutchouc delatex. Évolution du but utilitaire, initialement simplement protecteur de la peau des mains et avant-bras contre l’effet corrosif des antiseptiques,puis pour l’asepsie des interventions chirurgicales. Plusieurs chirurgiens se sont illustrés dans la mise au point de ces gants chirurgicaux.L’aboutissement à la création du gant dit chirurgical est donc une lente évolution et non une découverte ; l’utilisation de ces gants estactuellement incontournable et leur usage de plus en plus important. Ils doivent assurer une protection croisée praticien–malade.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

The advent of surgical gloves had a double evolution. Evolution of the material: cecum of a sheep, cotton, silk, leather, rubber. Originallyintroduced to protect theatre staff’s hands from corrosive solutions, subsequent use was to protect the patient from contamination by theatrestaff. Many surgeons contributed to the evolution of the surgical gloves. The use of gloves was truly part of an evolutionary process than adiscovery. The turning of surgical gloves is now incontestable, and their use more and more important. Surgical gloves must secure a crossingprotections between surgeon and patient.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Gants chirurgicaux ; Caoutchouc

Keywords: Surgical gloves; Rubber

1. Introduction

La mortalité hospitalière dans les années 1800 était consi-dérable. La quasi-totalité des plaies développait une suppu-ration. Aussi il était clair que la chirurgie ne pourrait évoluersans une bonne compréhension des causes de l’infection etde ce qui allait devenir la bactériologie.

La théorie de l’infection était à cette époque désignéecomme « théorie de la génération spontanée » ; elle attribuaitl’infection des plaies à des toxines produites in situ par lestissus nécrosés.

Toutefois, dès 1760, Spalanzini avait montré qu’une fiolebouchée et stérilisée par la chaleur, contenant des tissusnécrosés, ne laissait rien se développer spontanément[1].

Ignaz Semmelweis, chirurgien à Vienne, avait fait unedécouverte révolutionnaire en 1847, 30 ans avant que Pasteurne révélât la théorie des germes[2].

Il avait observé que le taux d’infection des femmes accou-chées par des sages-femmes était beaucoup plus bas quecelles accouchées par des médecins. Or, ces mêmes méde-cins réalisaient aussi des autopsies dans un bâtiment voisin.Devinant que la fièvre puerpérale était transmise par lesmédecins à leurs patientes durant les touchers vaginaux par« quelque chose » acquis par eux pendant les autopsies(bactéries a posteriori), Semmelweis imposa un protocolestrict de lavage des mains, avec immersion dans une solutionde chaux chlorée ; le taux de mortalité chuta alors de 20 à1 %.

Mais, son travail dénié, il fut déconsidéré par la commu-nauté médicale.

> Communication présentée à l’Académie nationale de chirurgie le13 février 2002

Annales de chirurgie 128 (2003) 475–480

www.elsevier.com/locate/annchi

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/S0003-3944(03)00186-X

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Joseph Lister, chirurgien anglais, était respecté et louépour ses travaux chirurgicaux. En 1867, il publia son livre :« Sur les principes antiseptiques de la pratique de la chirur-gie ». Il y décrivait en détail les préparations préet peropéra-toires ainsi que le pansement postopératoire, avec utilisationd’acide carbolique vaporisé. Là encore, la communauté mé-dicale ridiculisa ses propos, et Lister fut banni. Et au lieu derenforcer la théorie des germes, les qualités retenues del’acide carbolique furent celles d’un anesthésique qui traitaitles plaies en inhibant la libération des toxines de putréfaction(Fig. 1).

C’est Louis Pasteur en 1860 qui a prouvé l’existence debactéries aérobies et anaérobies. En 1878, 4 ans avant lesaffirmations de Billroth, il présentait sa théorie des germes àl’Académie de médecine à Paris, et recommandait aux chi-rurgiens de stériliser les instruments chirurgicaux et les vête-ments à la chaleur humide. Il recommandait aussi le lavagedes mains. Ces procédures devaient en principe tuer lesgermes et microbes trouvés à la surface des objets, et dimi-nuer l’ infection des plaies chirurgicales. Ce fut certes un réelprogrès, mais la main restait insuffisamment désinfectée [3].

Malgrécette avancée, Billroth en 1882 enseignait encore àses collègues : « Je pense qu’une substance peut être forméeau niveau des tissus morts, qui est toxique dans le sangcirculant. Je ne pense pas qu’ il ait été prouvé que l’additionde micro-organismes (bactéries) est absolument nécessaire à

la formation d’une telle substance ». Billroth était un chirur-gien respecté et renommé, il ralliait la majorité de ces collè-gues à son avis.

Le sentiment général était que la théorie des germes deLouis Pasteur était seulement de la spéculation et non desfaits.

Dans cette ambiance, il est facile de comprendre pourquoile premier usage des gants chirurgicaux ne fut pas du tout àbut antiseptique...

2. Le début des gants chirurgicaux

En 1758 pour une utilisation gynécologique, le DocteurJohann Walbaum fit la première description écrite du gantchirurgical [4]. Il utilisait un gant pour les versions intra-utérines. Ce gant était fabriqué en caecum de mouton etcouvrait la main laissant libre le pouce et l’ index. Ce gantpermettaient l’accès du vagin en atténuant les lésions liées àces manœuvres à main nue (Tableau 1 ).

À la même époque, le Dr Joseph Plenk [1] préconisaitl’utilisation des gants en caoutchouc pour l’examen vaginalchez les femmes présentant des maladies vaginales, davan-tage pour protéger les chirurgiens que pour l’asepsie [1].

Bien que l’utilisation des gants fût préconisée par d’autresmédecins pour des raisons variées, les gants de caoutchoucétaient incommodes et épais et limitaient les sensations tac-tiles.

Fig. 1. Joseph Lister opérant : de l’acide carbolique est pulvérisédans l’air,sur les instruments et sur la peau du patient.

Tableau 1Les dates importantes dans l’histoire des gants chirurgicaux

1758 J.J. Walbaum Gants d’obstétrique faits en caecum demoutons

1834 Richard Cooke Une paire de gants de caoutchouc estimperméable au virus le plus dangereux

1838 Sir Thomas Watson Gants en caoutchouc pour protéger la mèredurant les accouchements

1843 Charles Goodyear Dépôt du brevet de vulcanisation ducaoutchouc

1848 W. Acton Brevet de gants en caoutchouc pour protégerles mains durant les autopsies (États-Unis etAngleterre)

1878 T. Forster « Fabrique de gants pour opérationschirurgicales »

1878 Thomas Son assistant àNew York porte des gantschirurgicaux

1880 Papin Utilise des gants en caoutchouc en pratiquechirurgicale

1889 W.S. Halsted Utilisation de gants chirurgicaux pour laprotection de la peau, fabriqués par lacompagnie Goodyear

1893 J.C. Bloodgood Des gants pour tous les membres de l’équipechirurgicale

1894 H.H. Robb Publie un livre sur « La technique chirurgicaleaseptique » recommandant les gants pour toutel’équipe chirurgicale

1897 Z. Von Manteuffel Gants de caoutchouc pour protéger les mainsdes chirurgiens

1897 Mikulicz Gants en coton pour tous les aides, des gantsen cuir pour l’opérateur

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Par la suite, les gants furent successivement fabriqués encoton, cuir, soie et finalement en caoutchouc. Quelques-unesdes étapes intermédiaires de ce processus évolutif sont despièces fascinantes de l’histoire chirurgicale.

Richard F. Cooke fut un de ceux qui avaient imaginé lesgants en caoutchouc [5].

En 1834 Cooke écrivait à Valentine Mott, chirurgien im-portant et professeur d’anatomie chirurgicale : « Je prends laliberté de prendre la solution de caoutchouc. Je la dissociedans une solution de terpentine rectifiée par l’acide sulfuri-que et j’ajoute quelques gouttes d’huile essentielle. Cecidevient un matériel utile dans la main du chirurgien.

En lubrifiant les mains avec, vous avez une paire de gantsen caoutchouc, parfaitement impénétrable au virus le plusvirulent ».

À la même époque, Goodyear amorçait ses recherches surle caoutchouc.Après 5 ans d’études, Charles Goodyear abou-tit au procédé de vulcanisation.

Cette méthode de vulcanisation du caoutchouc fut breve-tée en 1843, révolutionnant la production et la structure desgants de caoutchouc [6]. Leur utilisation fut facilement ac-ceptée pour les autopsies, mais pas pour les techniques asep-tiques.

Il envisageait le caoutchouc comme un matériau plastiquetrès polyvalent. La création des gants de caoutchouc étaitdéfinitivement en route. En revoyant les mesures de précau-tion à prendre contre l’ infection, Cattell [7], membre ducollège royal des chirurgiens, donnait en 1847, à ses collè-gues une longue liste de suggestions dont le point final étaitpertinent : « En dernier, je parlerai de la nécessité d’utiliserdes gants fabriqués en caoutchouc vulcanisé ».

En 1848, Acton donnait un court compte-rendu à la so-ciété royale de médecine et de chirurgie sur les avantages desolutions de caoutchouc pour protéger la peau [8]. Il consi-dérait que sa préparation « peut être employée avantageuse-ment de plusieurs façons telle que la protection des mains aucours d’autopsie ».

Acton avait fabriqué une membrane plutôt satisfaisantecar l’examen microscopique montrait un film sec parfaite-ment élastique, sans imperfection, et mince.

Un autre point capital dans l’histoire des gants de caout-chouc était la publication d’un brevet anglais de ThomasFoster en 1878 pour breveter une fabrique de gant pourl’usage chirurgical [9].

À la même date paraissait la publication de Koch sur lasuppuration des plaies [10].

3. Les gants chirurgicaux

En 1878, l’usage des gants chirurgicaux est décrite dansune salle d’opération à New York, où l’assistant du DocteurThomas, portant des gants a été observé par Derosset [11].C’est le premier rapport dans la littérature américaine surl’utilisation de gants chirurgicaux, en salle d’opération.

Il relate « qu’un assistant portait des gants de caoutchoucpour protéger ses mains de l’effet agressif des solutionsdésinfectantes ».

Tucker écrivait que T.L. Papin utilisait également desgants de caoutchouc [12]. Papin était diplômé de l’écolemédicale de Saint-Louis en 1846 et utilisait des gants decaoutchouc dans sa pratique dans les années 1880.

C’est William Halsted, chef du département de chirurgiedu Johns Hopkins Hospital à Baltimore, qui a réellementpensé àfaire fabriquer des gants à visée chirurgicale pour laseule protection dermique de son infirmière de salle d’opéra-tion, sans souci d’asepsie [13].

Durant l’hiver 1889–1890, son infirmière et future femme,Caroline Hampton chargée de sa salle d’opération se plai-gnait de dermite sur les avant-bras et les mains, liée à ladésinfection par les antiseptiques locaux (sels mercuriques).Elle était d’une efficacité remarquable, aussi W. Halstedchercha longuement une solution.

De passage àNew York en 1890, il contacta la compagniede caoutchouc Goodyear pour faire fabriquer 2 paires degants en caoutchouc fin au seul usage de son infirmière.

Caroline Hampton eut alors une parole prophétique ens’exclamant : «Les gants ne sont pas seulement pour moi ! Ilsdoivent être généralisés à tous les chirurgiens et les infirmiè-res du monde ».

Halsted a introduit les gants chirurgicaux dans ses propressalles d’opération. C’était en réalitéun processus évolutif quiévoluait depuis 50 ans.

L’histoire de Halsted et des gants chirurgicaux est restéecélèbre car le Johns Hopkins Hospital àBaltimore, où il étaitchef de département, était 1 des hôpitaux les plus célèbresdes États-Unis. De plus le point de départ des gants, dans sonservice était une romance avec son infirmière de salle d’opé-ration.

Les gants étaient si satisfaisants que bientôt ses assistantsles portaient.

Halsted a noté que le premier chirurgien à porter réguliè-rement les gants était son élève le Dr Bloodgood. Celui-cirapporta en 1899 : 100 cas de cure de hernie opérés avec desgants, avec seulement une suppuration. Halsted a commencéà porter des gants en 1891 mais seulement pour les opéra-tions propres et qui demandaient peu de dextérité(Fig. 2). En1894, le Dr Hunter Robb, du même hôpital, recommandait deporter des gants de caoutchouc pour toutes les opérations(Fig. 3).

Mac Burney approuvait l’opinion de Halsted et portaitoccasionnellement des gants [14]. Il étudia les causes d’ in-fection opératoire et conclut que tout l’équipement chirurgi-cal pouvait être stérilisé excepté les mains. Il fallait donc lescouvrir par un matériel qui pouvait être stérilisé : les gants. Ilutilisa alors systématiquement les gants pour toutes les opé-rations et nota que le taux des infections chuta fortement(Fig. 4).

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Le Dr W.W. Keen encourageait leur utilisation en affir-mant qu’ ils étaient bon marché, permettant une meilleuresensation tactile et ils pouvaient être restérilisés plus souvent.Leur utilisation ne fut cependant jamais répandue.

En 1913, Halsted admettait que l’usage des gants chirur-gicaux était davantage une évolution qu’une découverte, etpendant les 4 à5 ans où il utilisa occasionnellement les gants,il regretta a posteriori de ne pas les avoir porté dans tous lescas. Ce qui frappe à cette époque, c’était la méconnaissancecriante de toute la communautémédicale, devant les preuvesde la théorie des germes et de l’ imperfection du seul lavagemécanique des mains.

Un autre concurrent pour l’honneur de l’utilisation desgants de caoutchouc en salle d’opération est Zoege VonManteuffel [15]. Il décrivait une protection des mains par desgants de caoutchouc stérilisés, en 1897.

En raison de son article, quelques historiens surtout euro-péens le créditaient de la découverte des gants chirurgicaux.

Cependant, Zoege Von Manteuffel comme Halsted utilisè-rent les gants chirurgicaux plus tard que Thomas et sonassistant de New York.

La majorité des gants en caoutchouc utilisés par les chi-rurgiens européens n’étaient pas satisfaisants, mais Friedrichde la clinique de Leipzig [16] possédait un excellent gant(Fig. 5). Fabriquépar Zieger et Wiegandt, il recommandait cegant au congrès chirurgical de 1898. Il aimait ces gants, carils étaient fabriqués en caoutchouc imperméable, facilementstérilisables, peu coûteux et restaient élastiques. De mêmeque Halsted, Friedrich n’utilisait pas les gants couramment,l’utilisation habituelle des gants ne lui semblait pas néces-saire. L’analyse rétrospective montre que les grands chirur-giens de l’époque n’avaient absolument pas conscience decet important aspect technique : les gants chirurgicaux.Randers-Pehrson [1] notait que Zoege Von Manteuffel n’était

Fig. 2. Compte-rendu opératoire de Halsted pour mastectomie le 8 octobre 1901 où figure : « Les gants étaient portés ».

Fig. 3. Photographie peropératoire montrant le Dr Bloodgood opérant avecdes gants en 1893. Ses assistants ne sont pas gantés.

Fig. 4. Gants chirurgicaux avec manchette datant de 1900.

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pas le seul en Europe à opérer avec des gants. Des effortsconsidérables étaient réalisés à Prague, Leipzig, Breslau,Paris et bien sûr dans plusieurs cliniques aux États-Unis.

Plus tard Zoege Van Manteuffel déclarait « Je suis contentdu fait que le gant est en usage dans le monde entier. Et sil’auteur est oublié, cela ne lui fait pas de tort. C’est toujoursmieux que si l’ idée du gant avait été perdue ».

4. Les gants chirurgicaux en France

Il faut citer Jalaguier en 1888 qui utilisait des gants nonstérilisables en caoutchouc.

Chaput en 1899 a collaboréavec Terrilon pour l’ introduc-tion des gants chirurgicaux en France. Il semble qu’on doiveà Chaput les premiers gants stérilisables en caoutchouc [17](Fig. 6).

En 1894 le Dr Bernard Krönig montrait que les spores dela gangrène gazeuse n’étaient pas détruites sur la peau, niavec l’acide carbolique ni avec les solutions de sels de mer-cure.

Cependant ce ne fut que 20 ans plus tard durant la pre-mière guerre mondiale que les gants chirurgicaux furentfinalement utilisés de façon courante en salle d’opération(Fig. 7).

Il est probable qu’aucune personne isolée ne soit créditéede la mise au point des gants chirurgicaux car seuls lesinvestigateurs qui ont publié ou rapporté àun congrès sontconnus. Il est également certain que Halsted n’a pas introduit

les gants chirurgicaux de caoutchouc dans la pratique chirur-gicale générale, mais seulement dans son service.

5. Conclusions

L’épopée des gants chirurgicaux en terme de récit docu-menté date de 1758.

Les gants modernes en caoutchouc ont étéréalisés après lavulcanisation du caoutchouc par Goodyear à partir de 1843.

Le but initial des gants chirurgicaux était de protéger lapeau contre l’ irritation des solutions antiseptiques. Puis pro-gressivement sous l’ impulsion de plusieurs chirurgiens lesgants chirurgicaux eurent un rôle antiseptique. L’emploi desgants chirurgicaux est actuellement incontournable. Leurconsommation s’accroît et se diversifie constamment en mé-decine, en chirurgie et en soins dentaires.

Confort, efficacité, risques allergiques et coût doivent êtreconsidérés dans le choix.

Les gants chirurgicaux doivent assurer une fonction pro-tectrice croisée (praticien–patient) et éviter les effets indési-rables de leurs composants.

Le latex est le matériau de base dans 95 % des gantschirurgicaux.

Les risques des gants, en particulier allergiques, doiventêtre connus des utilisateurs.

L’évolution actuelle se fait vers l’utilisation généraliséedes gants non poudrés et sans latex.

Références

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[3] Pasteur L. La théorie des germes. Bul Acad Natle Med 1878;7:432–7.

Fig. 5. Gants chirurgicaux de Friedrich, 1898 : noter la finesse du caout-chouc qui moule les doigts.

Fig. 6. Catalogue de gants chirurgicaux : les gants américains (différentespointures) et les gants du Dr Chaput (une seule taille).

Fig. 7. Catalogue de gants chirurgicaux montrant les différents types degants avec les tailles.

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[4] Walbaum JJ. Referred to by Randers-Pehrson J. The surgeon’s glove.Springfield: Ill: Charles C Thomas; 1960.

[5] Cooke RF. Letter of Valentine Mott, M.D. From the manuscriptcollection ot the New York Academy of Medicine. 1834, January 10.

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[8] Acton W. On the advantages of caoutchouc and gutta-percha in pro-tecting the skin against the contagion of animal poisons. Lancet1848;12:589.

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[10] Koch R. Untersuchengen über die Aetiologie der Wundinfektionsk-rankheiten. Leipzig: FCW Vogel; 1878.

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