40
PHOTO AUDOIN DESFORGES CHANSON BEAUPAIN, FAN DES ANNÉES 80 PAGES 24-25 Europe VERS LA FIN DU REGIME RIGUEUR? PAGES 2-4 Le débat austérité contre croissance est relancé chez les économistes. Même le président de la Commission pointe les limites d’une réduction des déficits à tout prix. CINEMA «HANNAH ARENDT»: UN BIOPIC ENTHOUSIASTE DE MARGARETHE VON TROTTA 8 PAGES CENTRALES PHOTO PLAINPICTURE 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 9937 MERCREDI 24 AVRIL 2013 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats-Unis 5$, Finlande 2,70 €, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays-Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

lib_20130424

Embed Size (px)

Citation preview

PHO

TOA

UD

OIN

DES

FORG

ES

CHANSONBEAUPAIN,FAN DESANNÉES 80PAGES 24­25 Europe

VERSLAFINDUREGIMERIGUEUR?

PAGES 2­4

Le débat austérité contre croissance estrelancé chez les économistes.Même le présidentde la Commissionpointe les limitesd’une réductiondes déficitsà tout prix.

CINEMA«HANNAH ARENDT»:UN BIOPIC ENTHOUSIASTEDE MARGARETHE VON TROTTA

8 PAGES CENTRALES

PHO

TOPL

AIN

PIC

TURE

• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9937 MERCREDI 24 AVRIL 2013 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €,Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

Par ÉRIC DECOUTY

Ambiguïté

Des certitudes vacillent et le dogmechancelle. La rigueur, cette stricte gestionfinancière faite de limitation ou de baissedes dépenses publiques et d’augmentationde la fiscalité, n’est plus l’unique perspectivedes gouvernements occidentaux. Aux Etats-Unis, au FMI, les chantres de l’austérité fontdésormais profil un peu plus bas. MêmeJosé Manuel Barroso, le président de laCommission européenne, estime que cettepolitique «a atteint ses limites». Un constatimposé par les 19 millions de chômeursde la zone euro, mais aussi par la colère despeuples et la montée des populismes. Carla rigueur, vécue en Grèce, en Italie, enEspagne ou en France, comme une demandede sacrifices sans cesse renouvelée, n’est passeulement marquée par des échecséconomiques et sociaux. Elle est aussi, àAthènes ou à Rome, la cause d’un profonddésordre politique.A Paris, François Hollande joue surl’ambiguïté. Niant toute austérité, il prôneune stricte rigueur budgétaire, persuadéqu’elle est la seule voie possible, mais laisse– comme son prédécesseur – filer les déficitspublics. Et s’il est officiellement en accordavec Berlin, le chef de l’Etat laisse ArnaudMontebourg et quelques ministres fustiger lapolitique d’austérité imposée parl’Allemagne à l’Europe. Résultat, à l’heureoù le dogme se fissure, le cap fixé par legouvernement français est devenu moinscompréhensible. Sans renier le rigorisme desa gestion, en prenant à témoin les libérauxde Bruxelles et du FMI, il doit désormaisdessiner une autre perspective, proposer unautre avenir que des efforts. Bousculer unmodèle européen où la tutelle allemande estaujourd’hui largement contestée.

ÉDITORIAL Face à la crise qui dure, de plus en plus de voixs’élèvent pour remettre en cause le rythme trop rapidedes politiques d’assainissement budgétaire.

En Europe,l’austérité perdde sa rigueur

L e temps de la rigueur est-ilcompté ? Deux ans après s’êtreabattue sur l’Europe, la politiqued’austérité, érigée en catéchisme

économique, voit ses fondations trembler.Pas tant en raison des coups de boutoir ré-pétés des «alter» et autres «économistesatterrés»(1), que des critiques qui éma-nent, ces dernières semaines, du cœurmême des temples les plus rigoristes. Aupoint de préfigurer, peut-être, un change-ment de cap au niveau européen. Car sicette politique a conduit à diviser par deuxle déficit public de la zone euro en qua-tre ans, elle plombe depuis fin 2011 lacroissance du continent.

Dernière saillie en date, et non des moin-dres, venue clore provisoirement une vraiesérie noire pour les tenants de la rigueur:celle, lundi, du président de la Commissioneuropéenne, José Manuel Barroso. Le«surveillant» en chef des programmes deréduction des déficits publics en Europe adéclaré que l’austérité, certes «fondamen-talement bonne», a «atteint ses limites». Etde prévenir que pour «être couronnée desuccès», une politique doit «recueillir unminimum de soutien politique et social». Uneuphémisme face à la montée du mécon-tentement, notamment du sud de l’Europe.

ERREURS. La semaine dernière, c’était autour de deux piliers de la doctrine austéri-taire, Reinhart et Rogoff, d’être ridi-

Par LUC PEILLONL'ESSENTIEL

LE CONTEXTELes critiques théoriquesmais aussi politiques semultiplient à l’égarddes politiques de rigueur etd’austérité mené enEurope.

L'ENJEUS’agit­il de retarder leséchéances de réductiondes déficits ou d’opter pourune politique de relance ?

REPÈRES

Source: Eurostat -Commission européenne

en % du PIBÉVOLUTIONDUDÉFICITMOYENDELAZONEEURO

LEDÉFICITPUBLICMOYENDESCINQGRANDSPAYSD’EUROPE en % du PIB

--

- -- -

-

-

- - -

-- -

-

- - -

-

-

- -

-

-

- -

*Estimations et prévisions de la Commission européenne, hiver 2013

**

ROYAUME-UNI ITALIEFRANCEESPAGNE

ALLEMAGNE

**

** ** ** **

Mario Draghi, le gouverneur de la Banque centrale européenne; Christine Lagarde, la présidente du FMI; Pierre Moscovici, le ministre français de l’Economie et des Finances, et Ben Bernanke, le patron de la Réserve fédérale américaine, vendredi à Washington à l’issue d’un sommet du G20 finances. PHOTOS NICHOLAS KAMM.AFP

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 20132 • EVENEMENT

culisés… par un étudiant. En 2010,ces deux éminents économistes de Harvardthéorisaient, tableurs Excel à l’appui,qu’un taux d’endettement supérieur à 90%conduisait, sur la moyenne des pays étu-diés, à une stagnation du PIB. L’influencede cette étude sur les politiques mises enplace fut alors «immense», selon le prixNobel d’économie Paul Krugman. Elle futmême reprise, en France, dans la loi de fi-nances rectificative de 2010… Deux ansplus tard, patatras : leur travail se révèletruffé d’erreurs, la moyenne de la crois-sance des pays endettés à plus de 90% setrouvant réhaussé à +2,2%, et non pas enlégère récession de 0,1%. «Les vrais coupa-bles sont ceux qui se sont emparés de ce ré-sultat controversé», enrage Paul Krugman.Ce nouveau coup dur, surtout, intervientquatre mois à peine après le mea culpa duFMI. Début janvier, le chef économiste duFonds, Olivier Blanchard, reconnaissaitque l’institution avait sous-estimé l’impactde la rigueur sur la croissance des paysconcernés. «Dans les économies dévelop-pées, une plus forte consolidation fiscale [ré-

duction du déficit, ndlr] est allée de concertavec une croissance plus faible que prévue.»Et d’expliquer que le fameux «multiplica-teur», qui évalue l’effet d’une réductiondes dépenses publiques sur le PIB, devaitêtre multiplié par deux ou trois. Bref, quel’impact négatif sur la croissance était deuxà trois fois plus important qu’envisagé…

DÉLAIS. Au-delà du débat théorique, c’estaussi dans les faits que la politique de rigu-eur est aujourd’hui remise en cause. Avecce dernier revirement, spectaculaire: celuides Pays-Bas, considérés jusqu’ici comme

un «bon élève» par la Commission, et qui,face au risque de récession, ont préféré re-noncer à leur plan d’économies de 4 mil-liards d’euros. Quitte à repousser leurobjectif de réduction du déficit. Plus large-ment en Europe, six pays ont, ou vont, ob-tenir de Bruxelles un allongement desdélais qui encadrent leur programme deretour à l’équilibre budgétaire. Parmi eux,la France, qui devrait décrocher un an deplus (jusqu’en 2014) pour descendre à 3%de déficit sur PIB. Dans sa dernière séried’engagements auprès de Bruxelles, Parisrenonce même au retour à l’équilibre d’icila fin du mandat de François Hollande,prévoyant un déficit de 0,7% en 2017. Etencore, en misant sur une très hypothé-tique croissance de 2% dès 2015…

VERROU. Cet ensemble de «bougés» dé-bouchera-t-il sur une véritable inflexionde la politique économique en Europe?«C’est un peu tôt pour le dire, mais ces élé-ments constituent une première bordée versune remise en cause de l’austérité générali-sée, se réjouit l’économiste «atterré» Ben-

jamin Coriat. Et d’avancer deuxraisons à cette évolution: «D’abordl’inquiétude des Etats-Unis et du FMIface à une Europe qui tire le reste dumonde vers le bas ; mais aussi le faitque, dans les pays concernés, cettepolitique produit des résultats catas-trophiques.»

Reste que le vrai verrou à un changementde politique économique ne se situe pas àBruxelles, mais à Berlin (lire page 4). Régis-sant aux propos de Barroso, le ministèreallemand des Finances a appelé, hier, àpoursuivre la «consolidation budgétaire» etles réformes en Europe. Et si l’Allemagneferme pour l’instant les yeux sur les déra-pages de certains pays, il y a peu de chan-ces qu’Angela Merkel accepte, avant lesélections législatives de cet automne, unvrai revirement économique. •(1) Collectif d’économistes réuniscontre l’orthodoxie néolibérale.

Mise en place en 2010 dans la zone euro, la rigueura été trop brutale et massive pour porter ses fruits.

Un coup de freindevenu coup d’arrêtE xplosion du chômage, creusement des

inégalités, déclin des classes moyennes,paupérisation des catégories les plus

fragiles, croissance en berne… L’Europe n’enfinit pas de s’engluer dans la crise. Sansdoute la violence de celle-ci explique-t-ellele recul de la croissance et la montée en puis-sance des fragilités sociales. Mais elle ne peutà elle seule tout justifier. Par ses choix de po-litiques économiques, l’Europe ne s’est-ellepas infligé un arrêt de l’activité économique,et, par voie de conséquence, unedégradation sociale? N’a-t-elle pasagi, à quelques exceptions près,comme si elle se trouvait dans le monded’avant, comme si les crises successivesqu’elle traverse depuis 2008 n’étaient que desimples parenthèses appelées à se refermerau plus vite ?«Prétexte». Grèce, Espagne, Portugal… Plusrécemment Chypre. A chaque crise, l’Europeaura attendu d’être au bord du précipiceavant de passer à l’action. Mais la pire des er-reurs est sans doute la thérapie de choc de larigueur décidée dès 2010. Pourtant, un anavant, en 2009, au G20 de Londres, les plusgrands argentiers de la planète veulent éviterle pire: une crise comme celle des années 30.Le mot d’ordre est donc simple: «Tout fairepour relancer l’activité.» Japon, Etats-Unis,Europe, Chine et pays émergents parlerontalors d’une seule voix. Une première mon-diale. Orthodoxes, hétérodoxes : rares sontles économistes qui trouvent à y redire.Un an plus tard, changement de décor. «Sousprétexte d’une Grèce qui affiche une situation

budgétaire calamiteuse, les Européens décidentde faire du rétablissement des comptes publicsla seule politique possible», estime le chef éco-nomiste d’une grande banque parisienne.«L’orientation de la politique économique estainsi passée d’une impulsion budgétaire expan-sive de 1,6 point de produit intérieur brut en2009, à une impulsion restrictive de -1,2 pointde PIB en 2011», précise l’économiste JérômeCreel, de l’Observatoire français des con-jonctures économiques (OFCE).

Dès 2011, ce ne sont pas les poli-tiques de relance qui mettent à malles budgets nationaux des pays de

la zone euro, mais bien les restrictions bud-gétaires qui se conjuguent, déjà, à une faiblecroissance économique. Avec, en toile defond, la nécessité de mutualiser les coûts desauvetage de nombreuses banques, dont lacrise a révélé les imprudences. On connaît lasuite : baisse des rentrées fiscales, creuse-ment des déficits et nécessité d’augmenterà nouveau la pression budgétaire. Un cerclevicieux.Piège. A l’inverse des Etats-Unis, qui ontaujourd’hui retrouvé le chemin de la crois-sance, les 17 pays de la zone euro ont doncdécidé de redresser fortement leurs comptespublics. Mais avec une autre différence detaille: quand les Etats-Unis donnent la prio-rité au rétablissement du secteur privé, lesEuropéens s’obstinent à mener une politiquebudgétaire restrictive, alors même que lesecteur privé (les entreprises et les ménages)sont loin de pouvoir prendre la relève d’unebaisse des dépenses publiques.

«Nous avons reçu beaucoupde conseils ces derniers jourssur le rythme de l’ajustementbudgétaire en Europe.»

Olli Rehn commissaire chargé desAffaires économiques, à l’issue du G20 réunisle 19 avril à Washington

«C’est un peu tôt pour le dire, maisces éléments constituent unepremière bordée vers une remise encause de l’austérité généralisée.»Benjamin Coriat des économistes atterrés

Mario Draghi, le gouverneur de la Banque centrale européenne; Christine Lagarde, la présidente du FMI; Pierre Moscovici, le ministre français de l’Economie et des Finances, et Ben Bernanke, le patron de la Réserve fédérale américaine, vendredi à Washington à l’issue d’un sommet du G20 finances. PHOTOS NICHOLAS KAMM.AFP

-0,3%C’est la prévision de croissance dansla zone euro pour cette année, selonla Commission européenne, après déjà­0,6% en 2012.

ANALYSE

Suite page 4

A l’issue du «G20 finances», qui s’esttenu vendredi à Washington, lecommuniqué final de la réunion n’aretenu aucun objectif chiffré de réduc­tion de déficit ou de dette. Et ce, à lademande des Etats­Unis, qui ne voulaientvoir figurer aucun engagement en cedomaine, contrairement au G20 deToronto, en 2010.

12%C’est le taux de chômage des 17 paysde la zone euro en février, contre 11,9 %en janvier. L’Euroland compte 19 millionsde chômeurs, un record historique.

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 • 3

C’est exactement le piègedans lequel est tombé l’Europe. D’autant plusque tous les pays européens ont décidé de semettre au régime sec au même moment.La synchronisation de l’austérité en Europereprésentera ainsi l’équivalent d’une réduc-tion des déficits publics de 3,2 points de PIBentre 2009 et 2012. Soit plusieurs centainesde milliards d’euros en moins pour l’écono-mie de la zone euro. Un coup de frein qui aeu un impact négatif sur l’activité : selon laCommission européenne, la demande inté-rieure au sein des 17 pays de la zone euro a étéinférieure en 2012 (en euros constants) de226 milliards d’euros à ce qu’elle était en2008. Avec, en prime, la lourde conséquenced’un recul du revenu moyen de chaque habi-tant. Et si la baisse de revenu n’est «que» de1,6% en France en 2012, elle atteint 20% enIrlande ou en Grèce. Pas étonnant, dans cesconditions, que la zone euro dénombre5,6 millions de chômeurs supplémentairespar rapport à 2007, et 2,3 millions de plusqu’aux pires moments des années 1990,pourtant marquées par une stagnation pro-longée de l’économie.Multiplicateur. La stratégie choisie parl’Europe est donc aux antipodes de celleadoptée par Washington. L’Europe ne semblepas avoir considéré qu’une politique de cou-pes des dépenses publiques est avant tout uneaffaire de dosage. Le «tout et tout de suite»s’est ainsi traduit par une influence négativesur le niveau d’activité de la zone euro : cen’est pas un économiste atterré qui le dit,mais des études du Fonds monétaire interna-tional. L’institution de Bretton Woods recon-naît explicitement que «les multiplicateursutilisés dans les prévisions de croissance ont étésystématiquement trop bas depuis le début dela grande récession». Habituellement fixés à0,5, ils seraient plutôt de l’ordre de 1,7, voirede 2.Le principe du multiplicateur est qu’une dé-pense publique supplémentaire (ou mêmeune baisse d’impôt) provoque un surcroît derevenu dans l’économie, lequel est au moinspartiellement dépensé, ce qui déclenche uneproduction supplémentaire… Et donc denouveaux revenus. Ainsi, l’accroissement derevenu national peut être plus important quela dépense finale. On dit alors que le multi-plicateur est supérieur à 1. Mais le méca-nisme peut aussi fonctionner en sens inverse.Et c’est le cas aujourd’hui: lorsque la dépensepublique est réduite de 10, la ponction finalede revenus sur l’économie est de l’ordre de20. Ce qui annihile l’effort budgétaire initial.Au lieu d’être contracycliques, c’est-à-direcapables de soutenir une activité économiquesur le point de reculer ou de s’effondrer, lespolitiques européennes sont procycliques etla rigueur accentue la récession.Pour nombre d’économistes, la réductioncoûte que coûte des déficits des comptes pu-blics en Europe alimente aussi un autre cerclevicieux: celui de «la trappe à liquidité». Per-suadés du pire (une prolongation de la crise),entreprises et ménages sont toujours plusprudents. Au point de ne pas dépenser l’ar-gent qu’ils détiennent. Résultat, le finance-ment bancaire par endettement se tarit enEurope, quand il reprend des couleurs outre-Atlantique. Que faire alors lorsque la politi-que monétaire, malgré des taux bas, ne suffitpas à inciter les gens à s’endetter ou les ban-ques à prêter? La dépense publique devientle dernier rempart contre la pire des mala-dies: la déflation. La France passera-t-elle lepas? Un élément devrait pourtant l’inciter:avec un taux d’intérêt moyen de l’ordre de2,5% sur sa dette à dix ans, jamais la Franceau cours des vingt dernières années n’aurapu se financer à aussi bon compte

VITTORIO DE FILIPPIS

Pour l’économiste Jean-Paul Fitoussi, le leadership allemand sur lazone euro crée un «équilibre de la terreur» qu’il faut à tout prix casser:

«Les pays en crise n’osentpas élever la voix»E conomiste, professeur émérite à

Sciences-Po Paris, aux universités deRome et de Columbia,

Jean-Paul Fitoussi dénonce l’ab-sence de coopération dont souf-frent les pays de la zone euro.La quasi-totalité des pays euro-péens semblent s’enfoncer dansla récession. Est-il encore tempsde changer de cap?Dans le contexte actuel, il y apeu d’espoir, car le processus de décisionau niveau européen est bloqué par la règlede l’unanimité. En outre, il existe un conflitde doctrine et d’intérêt entre les différentspays de la zone euro. Conflit doctrinal, carl’équilibre budgétaire est ancré chez les Al-lemands. Conflit d’intérêt, car la situationactuelle donne à l’Allemagne un leadershipsur le reste de l’Europe. Nous savons que denombreux pays de la zone euro souhaite-raient sortir de cette politique d’austéritéplanifiée sur une courte période.S’agit-il de sortir des exigences du traitébudgétaire et du Pacte de stabilité…Oui, car de plus en plus de pays sont dansdes situations sociales désespérées. Voyezl’Italie, l’Espagne, l’Irlande… ou encore laFrance. Sans même parler de la Grèce quin’est pas en récession, mais dans une dé-pression d’une violence inouïe. Le pire,c’est de voir à quel point ces pays n’osentpas élever la voix pour dire la gravité de leurdégradation économique et sociale.Pourquoi?Ces pays ont peur des conséquences quecela pourrait avoir sur les spreads, ces fa-meuses différences entre les taux d’intérêt

allemands, qui sont la référence, et leurstaux nationaux. Si un pays décidait de lui-

même, sans le consentement desautres, de repousser le momentdu retour à l’équilibre budgé-taire, il courrait le risque de voirses taux d’intérêts s’envoler. Cerisque a instauré un équilibre dela terreur.C’est ce risque que craignentl’Italie, l’Espagne, le Portugal…

Oui, alors même qu’ils n’en finissent pasde s’ajuster et qu’ils s’enfoncent toujoursplus dans la crise. Malgré toutes les dégra-dations sociales ou économiques, ces paysn’osent pas exprimer leur désir de tenterd’autres solutions. En fait, ces pays crai-gnent le pouvoir des marchés, c’est-à-direun retour de bâton qui se traduirait par unehausse des taux.Quelles sont les marges de manœuvre d’unesortie de crise?Il faut définir et appliquer un principe desymétrie. Faire en sorte que ce principe soitgravé dans le marbre de l’Europe. End’autres termes, les pays qui peuvent re-lancer leurs économies doivent le faire auplus vite. Il s’agit bien sûr de pays excéden-taires comme l’Allemagne et, dans unemoindre mesure, l’Autriche. Cela n’empê-che pas les autres pays de continuer leureffort de rééquilibrage de leurs financespubliques. Mais l’effort deviendrait alorsmoins violent, grâce à des politiques derééquilibrage entre pays européens.Aujourd’hui, où se trouve l’asymétrie?L’asymétrie consiste à tout mettre sur lacompétitivité. C’est la règle du chacun pour

soi, du chacun contre tous, de la non-coo-pération. L’asymétrie se trouve dans le faitque l’Allemagne peut continuer à engran-ger des bénéfices sur le dos de ses partenai-res. Si nous avions un principe de symétrie,elle n’aurait eu aucun intérêt à pousseraussi loin sa politique de désinflation com-pétitive menée juste avant la crise. Le prin-cipe de symétrie l’aurait contrainte à inver-ser sa politique économique en augmentantles salaires, par exemple.Nous sommes loin de cette idée de symé-trie…C’est vrai. Mais jusqu’à quand l’Allemagneva-t-elle accepter de voir se réduire sontaux de croissance du fait que la plupart deses voisins sont dans une impasse écono-mique et sociale, avec en prime le risquedes extrémismes politiques? Il faut rappe-ler que son taux de croissance n’est plusque de 0,9%. Un principe de symétrie per-mettrait aussi une mutualisation des dettesen Europe. Cette mutualisation mettrait finà la spéculation des marchés financiers surles dettes souveraines des différents payseuropéens. Ce principe n’aurait de forceque si l’Europe consentait enfin à faire dela BCE une banque centrale de plein exer-cice, comme le sont déjà ses homologuesdans le reste du monde. Enfin, il nous fautbâtir une véritable politique industrielle. Ilest temps de réfléchir à la constitutiond’une communauté européenne de l’envi-ronnement, de l’énergie et de la recherche.Il n’y a aucune raison pour que l’Europe sedétourne du capital humain qui est sa res-source la plus productive.

Recueilli par VITTORIO DE FILIPPIS

Pour l’exécutif, la rigueur permettra avant tout de peser face à l’Allemagne.

Hollande garde le cap, direction BerlinC’ est du «sérieux budgé-

taire». «Pas» de «l’aus-térité». «Cette politique,

elle a été fixée. Je n’en changeraipas.» François Hollande nepouvait pas être plus clair ce10 avril. Peu importent les quel-ques ministres qui l’ont exhortéà apporter une «réponse poli-tique» à la crise Cahuzac et à«changer de cap», le chef del’Etat croit en sa ligne: redres-ser les comptes publics, «c’estla condition de la crédibilité».Pour emprunter à bas taux surles marchés. Pour «rassurer» lesAllemands. Pour que la Francegarde sa «capacité», à «changerl’orientation de l’Europe»: «C’esten étant sérieux, insistait-il, quela France sera la mieux placéepour réorienter l’Europe sur lapriorité de la croissance.»Le chef de l’Etat ne changerapas de cap. Ni baisse des salai-

res, ni coupe dans les pensionsde retraites… L’important c’estla «trajectoire» de réduction desdéficits et une relance des in-vestissements européens. Et sitous les députés PS ont voté hieren faveur du «programme destabilité de la France» – feuille

de route du gouvernement pourramener les finances sous labarre des 3 % de déficit en 2014et à l’équilibre en 2017–, beau-coup de voix dans la majoritéosent prédire que les objectifsne seront pas tenus et que ce«bal des faux-culs» ne sert qu’àgagner du temps avant un bras

de fer avec Berlin. «Je vais voterce texte parce que je suis sûr qu’ilne sera pas appliqué», a lancéhier en réunion de groupe, ledéputé de Paris Pascal Cherki.Face à lui, le ministre de l’Eco-nomie, Pierre Moscovici, a es-quissé un sourire… «On fait ce

que font les Pays-Bassans le dire», ajouteLaurent Baumel, ani-mateur du collectif dela Gauche populaire.Dans la majorité, onveut voir la «tensionamicale» entre Hol-

lande et Merkel se transformeren un rapport de force permet-tant d’arracher des mesures decroissance et de relance enEurope ou d’arriver à sortir ducalcul des déficits une partiedes investissements (militaires,transports, environnement…).Et les socialistes ne manquent

pas d’idées pour y parvenir. Fi-dèle de Martine Aubry, Jean-Marc Germain aimerait voir«François» s’appuyer sur leParlement pour aller négocier àBruxelles, «comme le fait Mer-kel». Baumel compte sur Hol-lande pour «porter le fer» dèsle Conseil européen de juin.«Merkel ne lâchera rien avant [leslégislatives de] septembre», tem-père Olivier Faure, proched’Ayrault. En attendant, le dé-puté plaide pour «créer un rap-port de force et convaincre lesautres pays» afin d’isoler les Al-lemands : «Ils vont aussi avoirbesoin de relancer la machineeuropéenne.» Il y a près d’un an,pour son premier sommet euro-péen, Hollande était rentré deBruxelles assurant avoir «réo-rienté» l’Europe. La manœuvren’était pas achevée.

LILIAN ALEMAGNA

AP

«C’est en étant sérieux que laFrance sera la mieux placéepour réorienter l’Europe surla priorité de la croissance.»François Hollande le 10 avril

Suite de la page 3

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 20134 • EVENEMENT

total.com

-

Pho

to :

Fred

eric

Le

Floc

’h /

DP

PI

9e GRAND PRIX DE BAHREÏN

POUR SON PREMIER PODIUM DE LA SAISON F1® 2013

À ROMAIN GROSJEAN !BRAVO

Rejoignez TotalF1sur les réseaux sociaux

Déjà plus de 200 000 fans !

LaFrancefrappéeenpleinTripoli

L’attentat d’hier contre l’ambassade a blessédeux gendarmes, dont un grièvement. Il s’agit

de la première attaque d’une délégation étrangèredans la capitale depuis la chute de Khadafi.

Par MATHIEU GALTIERCorrespondant à Tripoli

L es deux Français ressor-tent de la carcasse calci-née de l’ambassade, unsac plastique à la main. A

l’intérieur, des babioles qui ontsurvécu à l’explosion. Les docu-ments de travail? «Encore à l’inté-rieur. Qu’ils viennent les cherchers’ils les veulent!» lâche l’un d’eux.Tristesse, amertume et rage, cesont les maîtres motsdes employés, massésdevant leur ancienlieu de travail, situé dans un quar-tier résidentiel huppé, dans l’ouestde Tripoli.L’ambassade de France en Libye aété victime d’une attaque à la voi-ture piégée, hier, peu après 7 heu-res. Deux gendarmes de factionont été blessés, dont l’un griève-ment. Souffrant de plusieurs frac-

tures à la tête et au dos, le seconda été opéré dans un hôpital surplace. Ses jours ne sont pas endanger. Selon nos informations,deux voitures auraient été impli-quées dans l’explosion mais seulel’une d’elle a explosé entièrement,laissant un cratère sur la chaussée.Le souffle a détruit les maisonsalentour et a brisé des fenêtres deplusieurs habitations sur une cen-taine de mètres.

«PAYS FRÈRE». Rihana, unefemme de 18 ans, résidant dansune maison en face de l’ambas-sade, compte également parmi lesvictimes. «Elle préparait le petit-déjeuner lorsque l’explosion a eulieu, explique son père, bandé aupied droit à cause d’un éclat deverre. La porte du réfrigérateur luiest tombée sur le dos. Elle avait aussiune coupure à la tête. On l’a emme-née en Tunisie pour se faire soi-gner.» Riad el-Alem a eu plus dechances. Sa maison est collée àl’ambassade. Il vit avec ses pa-rents, son frère et ses deux sœurs.Personne n’a été touché.Le ministre libyen des Affairesétrangères, Mohamed Abdel Aziz,a condamné «fermement cet acteque nous considérons comme un acteterroriste contre un pays frère».C’est la première attaque contreune représentation étrangère àTripoli depuis la chute de Kadhafi.Le 11 septembre, c’est à Benghazique l’ambassadeur américainChris Stevens avait trouvé la mortlors de l’assaut contre le consulataméricain.Un attentat islamiste en repré-sailles de l’intervention françaiseau Mali: dans la capitale libyenne,c’était l’hypothèse la plus répan-due par le bouche-à-oreille, hier,même si personne ne l’a encorerevendiqué. Les armes des isla-mistes maliens proviennent, pourune grande part de la Libye. L’am-bassadeur, Antoine Sivan, s’est

refusé à tout commentaire. «C’estune attaque exceptionnelle, tient àpréciser un diplomate français. Ilne faut pas tirer de conclusion hâ-tive. Ça ne résume pas la situationsécuritaire en Libye.»Le ministre français des Affairesétrangères, Laurent Fabius, est ar-rivé hier après-midi à Tripoli.Après avoir visité les décombresde l’ambassade et rendu visite augendarme blessé à l’hôpital, il arencontré le Premier ministre, Ali

Zeidan, le président duCongrès national, Mo-hamed al-Magarief, et

le ministre des Affaires étrangères.«Nous condamnons avec la plus ex-trême vigueur cet acte odieux des-tiné à tuer. Nous demandons qu’uneenquête soit diligentée immédiate-ment pour châtier les coupables […].Les terroristes en seront pour leursfrais», a-t-il déclaré. Laurent Fa-bius a aussi révélé qu’un juge anti-

terroriste de Parisest arrivé à Tripolipour mener l’en-quête, en liaisonavec la police li-byenne.Khaled Kara, con-

sultant pour le Haut Conseil de sé-curité de Tripoli, penche pour unacte isolé, non lié au réseau isla-miste. «Selon moi, cette attaquen’est pas liée aux islamistes et àl’intervention française au Mali. Sicela avait été le cas, l’explosion

REPORTAGE

«C’est une attaque exceptionnelle.Ça ne résume pas la situationsécuritaire en Libye.»Un diplomate français

Le 11 septembre 2012, desmanifestants armés avaientpris pour cible le consulataméricain de Benghazi endébut de soirée. L’assautdu bâtiment, notamment pardes tirs de roquettes, avaitcausé la mort de quatre fonc­tionnaires américains dontChristopher Stevens,l’ambassadeur des Etats­Unisen Libye. Des témoinsavaient identifié de nom­breux salafistes parmi lesassaillants. En juin 2012, unebombe avait déjà explosédevant le consulat.

REPÈRES

«Les responsablesde l’attentatd’aujourd’hui doiventêtre traduits en justiceet répondre de leursactes.»Catherine Ashton chef de ladiplomatie européenne, hier

Sebha

Zenten

500 km

ALG

ÉRIE

ÉGYPT

E

TCHADNIGER

TUNTUN

LIBYE

MerMéditerranée

Tripoli

Aux abords de l’ambassade de France en Libye, hier. PHOTOS ISMAIL ZITOUNY. REUTERS; ABDUL MAJEED FORJANI. AP

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 20136 • MONDE

aurait eu lieu vers 9 heures pourcauser un maximum de victimes.»A cette heure-là, l’ambassadetourne à plein régime: des dizai-nes de Libyens font la queue cha-que jour pour obtenir un visa.Khaled Ghellali, directeur de lastratégie et des relations interna-tionales à la mairie de Tripoli, es-time que le but des terroristes estd’«anéantir les bonnes relations en-tre la Libye et la France».

ZONE ROUGE. Quelques heuresaprès le drame, le Premier minis-tre libyen, Ali Zeidan, convoquaitune réunion d’urgence avec sonéquipe. Le ministre de l’Intérieur,Achour Chouwail, est sur la sel-lette. «Beaucoup de ministres l’ontmis en cause car les milices char-gées de surveiller les ambassadesétrangères n’étaient plus payées de-puis des semaines. Sa démission aété demandée», a affirmé hier unparticipant.La veille de l’attentat, l’ambassa-deur français organisait une ré-ception dans sa résidence enl’honneur des députés JacquesMyard (UMP) et Jean Glavany(PS), respectivement président etrapporteur d’un texte parlemen-taire sur le printemps arabe.Comme à l’accoutumée, le diplo-mate a insisté sur le déclassementde la Libye en zone rouge (seuilmaximal) d’insécurité sur le siteinternet du Quai d’Orsay. •

La guerre menée par la France a dispersé les combattants dans le Sahel.

Le sud de la Libye, nouveau refugedes jihadistes du MaliL es militaires l’appellent «l’effet mer-

cure» : quand on presse une bille de cemétal liquide, elle se scinde en de mul-

tiples gouttes qui s’éparpillent sans qu’onpuisse jamais les éliminer. Au Nord-Mali,l’armée française a certes frappé les groupesjihadistes au cœur de leur sanctuaire, leurportant un coup majeur. Mais elle reconnaîtvolontiers qu’un nombre indéterminé d’en-tre eux – probablement plusieurs centaines –est parvenu à s’enfuir dans les pays voisins.Vastes. Malgré l’armada déployée dans leciel – les drones français et américains, lesavions de surveillance ATL2–, un strict con-trôle de l’ensemble des vastes frontières duMali relève de la mission impossible, mêmepour la principale armée de la région, cellede l’Algérie. Résultat: depuis l’interventionfrançaise, des groupes d’individus soupçon-nés d’appartenir à la mouvance salafiste ontété aperçus dans plusieurs villes de la région,notamment à Niamey (Niger) et à Ouagadou-gou (Burkina Faso). «Les jihadistes n’ont pasattendu l’opération Serval pour circuler dans larégion, note Mathieu Pellerin, directeur deCisca (un centre d’analyse sur l’Afrique).Mais celle-ci a disséminé durablement la me-nace terroriste, et ce jusque dans des payscomme la Côte d’Ivoire et le Sénégal.»

Mais c’est surtout le sud de la Libye qui estcité comme l’une des principales zones refu-ges des jihadistes. D’après une source bieninformée, certains terroristes blessés au Maliy seraient soignés. «L’autoroute du risque»,comme l’appelle un haut gradé, longe lemassif de l’Aïr, au Niger, et conduit jusqu’enLibye, via la passe de Salvador. Ironie dusort: à l’été 2011, cette même voie a été em-pruntée, en sens inverse, par les vétéranstouaregs de la légion islamique en route pourle Nord-Mali. Leur arrivée a catalysé les re-vendications indépendantistes des Touaregs,débouchant sur une déstabilisation majeuredu Mali, et de l’ensemble de la région.Alors qu’Al-Qaeda au Maghreb islamique(Aqmi) et ses affidés ont encore appelé, ven-dredi, les musulmans à frapper les Françaisen représailles à leur engagement militaireau Mali, la surveillance des intérêts hexago-naux dans la zone saharo-sahélienne a étédiscrètement renforcée depuis plusieursmois, tout comme celle aux abords des prin-cipales plateformes aéroportuaires de la ré-gion. La nuit, les passagers sont ainsi ferme-ment appelés à baisser le volet de leur hublotpour masquer la lumière émanant de la ca-bine lors de la phase d’atterrissage à Bamako.Une mesure de protection qui traduit la han-

tise –bien réelle– d’un attentat, à l’aide d’unmissile sol-air.Au-delà de ces mesures de sécurité et del’action des services de renseignements, Pa-ris a décidé de maintenir une force de plu-sieurs centaines d’hommes, en appui à la fu-ture opération de maintien de la paix del’ONU. Cette force dite «parallèle» aura spé-cifiquement pour but de poursuivre la lutteantiterroriste. En clair, les Casques bleus se-ront chargés de sécuriser les villes du Nord-Mali, tandis que les Français mèneront, si né-cessaire, des actions coups de poing.Etoffé. Au fil des ans, Paris a étoffé de ma-nière substantielle son dispositif militairedans la région. Des unités de formations,composées de forces spéciales et équipéesd’hélicoptères, sont habituellement dé-ployées au Burkina Faso et en Mauritanie.Des forces françaises sont installées en per-manence à Dakar et à Abidjan. Enfin, plu-sieurs aéronefs stationnent sur le tarmac del’aéroport de N’Djamena, au Tchad. Remislundi prochain au président de la République,le Livre blanc sur la défense et la sécurité na-tionale devrait entériner le maintien de cesforces prépositionnées dans la bande saharo-sahélienne.

THOMAS HOFNUNG

THE LANDOF HOPE

T E R R E D ’ E S P O I RU N F I L M D E S O N O S I O N

Vivre après la catastrophe

METROPOLITANFILMEXPORT Cr

édits

non c

ontra

ctuels

• D

esign

:TR

OÏK

AAUJOURD’HUI AU CINÉMA

© 2012 The Land of Hope Film Partners. Tous droits réservés.

Libération 248x163 LoH 23/04/13 14:17 Page 1

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 MONDE • 7

ArchipeldesSenkaku:Pékinprendlamer,TokyodesgrandsairsLe Premier ministre japonais s’est fait martial, hier, après une incursion de la marine chinoise.

R ien n’était réglé, mais toutsemblait sous contrôle.Puis, en moins de vingt-quatre heures, la crise

autour de l’archipel des Senkaku,administré par Tokyo mais reven-diqué par Pékin sous le nom deDiaoyu, est repartie de plus belle.Hier matin, une flottille de huit na-vires chinois de surveillance est en-trée dans la zone de 12 milles ma-rins entourant ces confettis d’îlesen mer de Chine orientale. Jamaisdepuis septembre et le rachat parTokyo de trois îlots à la famille Ku-rihara, autant de bateaux chinoisn’avaient fait incursion en une

seule fois dans les eauxterritoriales des Sen-kaku. Vent debout

contre cette nationalisation qu’elleassimile à une «violation de sa sou-veraineté», la Chine maintient de-puis sa présence dans ces eaux,quand elle ne dépêche pas sesavions de chasse aux abords del’espace aérien nippon.Dans cette stratégie de la tensionpermanente, le Japon n’est pas enreste. Interrogé hier par un parle-mentaire sur l’éventualité d’un dé-barquement chinois, le Premierministre, Shinzo Abe, s’est faitmartial en rappelant que les îlotsrestaient sous le «contrôle actif» deTokyo. «Il serait normal que nous lesrepoussions par la force si d’aventureils débarquaient», a-t-il précisé.Quatre mois après son arrivée à latête du gouvernement, Abe se re-trouve à gérer une affaire empoi-sonnée et léguée par ses prédéces-seurs du Parti démocrate du Japon,qui met au plus mal les relationssino-japonaises et fragilise leurséchanges. Ce nouvel incident inter-vient au moment où Abe s’apprêteà entreprendre –à partir de diman-che– une visite en Russie, notam-ment pour évoquer une autre ques-tion territoriale délicate: le devenirdes îles Kouriles, administrées parMoscou et que le Japon revendique.Mais sur ce front nord, Abe a mon-tré des signes d’ouverture alors quece sont les bruits d’hélices qui sefont entendre au sud.

GESTICULATIONS. Lors du nouvelépisode d’hier, la Chine a dépêchéses navires après les gesticulationsd’une centaine de nationalistes ja-ponais. Lundi, le mouvement Gan-bare Nippon («Tiens bon Japon»)annonçait avoir envoyé des bateauxde pêche dans les eaux de l’archi-pel. Fondé en février 2010, GanbareNippon avait réussi un coup d’éclaten débarquant sur les Senkaku en

août, provoquant l’ire de la rue chi-noise. La colère n’est jamais vrai-ment retombée. Pékin voit mêmeles motifs de mécontentement semultiplier. Car, pour ne rien arran-ger à la crise, le Japon a signé, dé-but avril avec Taiwan, un accordoffrant aux pêcheurs taïwanais lapossibilité de croiser autour desSenkaku.Nouvelle provocation hier matin,sur le terrain du passé cette fois. Pasmoins de 168 parlementaires japo-

nais – un record depuis 1987 – sesont rendus au sanctuaire Ya-sukuni, à Tokyo, dans le cadre dutraditionnel festival de printemps.Parmi eux, de nombreux membresdu Parti libéral démocrate (PLD),triomphalement revenu au pouvoiren décembre en vantant un Japondécomplexé par rapport à son lourdpassé militariste.Mémorial shintoiste à la mémoirede 2,4 millions de personnes – engrande majorité japonaises– mor-tes pour le Japon et l’empereur, ce

vaste complexe au cœur de la capi-tale est vénéré par les nationalistes.Le lieu est en revanche détesté parla Chine et la Corée, qui ont eu àsubir les exactions et les extermi-nations de l’armée impériale en-tre 1905 et 1945.

RÉVISIONNISTE. En fin de semaine,trois ministres d’Abe, dont le Pre-mier ministre adjoint et celui desFinances, avaient déjà rendu visiteau Yasukuni, avec la bénédiction de

Shinzo Abe. Ce derniers’est abstenu de toutevisite au sanctuaire,même s’il y a fait por-ter dimanche un ma-sakaki, un bâton dé-coré et utilisé pour desrituels shintos. Mais

lors de la campagne électorale del’automne, c’est un Shinzo Abe enverve qui avait fait le voyage ausanctuaire de la polémique. «Je suisvenu en tant que président du Parti li-béral démocrate afin de prier pour lesesprits héroïques des soldats qui ontsacrifié leur vie pour le pays»,avait-il alors déclaré. C’est ensubstance ce qu’ont répété ses mi-nistres ce week-end. Taro Aso, encharge des Finances, est allé jus-qu’à prédire que sa visite «n’aurapas beaucoup d’effet sur la diploma-

tie». Pis, Hidehisa Otsuji, un élu duPLD, a affirmé hier que «les réac-tions de colère [de la Chine et de laCorée du Sud] n’étaient pas facile-ment compréhensibles». Car cel-les-ci n’ont pas manqué de réagir.Séoul a annulé une visite de sonministre des Affaires étrangères.«Les visites de responsables japonaisà Yasukuni sont par définition destentatives de nier le passé d’agressiondu Japon», a déclaré hier Hua Chu-nying, le porte-parole de la diplo-matie chinoise.Le caractère émotionnel de la polé-mique s’explique par la nature as-sez particulière du sanctuaire, vasteparc prolongé par une allée et unimmense portique dont le nom si-gnifie «pays apaisé». Yasukuni estdevenu le temple de la discordeen 1978, quand les noms de 14 cri-minels de guerre, condamnés parles Alliés après les procès de Tokyo,y ont été secrètement ajoutés auxcôtés de ceux des 2 millions de sol-dats tombés au combat. Le muséeinstallé au cœur du lieu glorifie lesconquêtes militaristes nippones,dans une vision révisionniste et ul-tranationaliste. Le sac de Nankin,en 1937, y est nié et réécrit, toutcomme les exactions sur les popu-lations civiles, au grand dam desvoisins du Japon. •

Par ARNAUD VAULERINCorrespondant à Kyoto

«Il serait normal que nousrepoussions [les Chinois]par la force, si d’aventureils débarquaient.»Le Premier ministre japonais Shinzo Abe hier

RÉCIT

L’une des îles Senkaku, en décembre. Tokyo a racheté trois îlots de l’archipel à une famille japonaise en septembre. PHOTO XINHUA. AP

REPÈRES

Tokyo

Merdu Japon

MerJaune

OcéanPacifique

CHINEJAPON

TAIWAN

Pékin

Iles Senkaku(ou Diaoyu)

500 km

CHINE

Les îles Senkaku en japonais,Diaoyu en chinois, sont ungroupe de huit îles inhabi­tées. Elles représentent unesurface totale d’à peine 7 kilo­mètres carrés et sont situéesà environ 200 milles nauti­ques (370 kilomètres) descôtes chinoises et du Japon.

300000C’est, selon les autorités chi­noises, le nombre de victi­mes du massacre de Nankinou «sac de Nankin», perpétrépar l’armée impériale japo­naise en 1937.

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 20138 • MONDE

ITALIE Le président italienréélu ce week-end GiorgioNapolitano désigneraaujourd’hui une personnalitéchargée de former un gou-vernement d’alliance. Aprèss’y être refusée pendantdeux mois, la gauche sembleprête désormais à s’allieravec son ennemi juré, SilvioBerlusconi.

PAYS­BAS Douze ans de pri-son pour un Néerlandaisayant espionné pour la Rus-sie. Le tribunal de La Haye acondamné hier un ancienemployé du ministère néer-landais des Affaires étrangè-res qui a fourni des informa-tions confidentielles à laRussie pendant plusieurs an-nées contre rémunération.

CANADA La police a déjouéhier un projet d’attentat di-rigé par Al-Qaeda. Les auto-rités canadiennes n’ont pasvoulu préciser la nationalitédes deux individus, quiavaient planifié une attaqueterroriste contre un train devoyageurs sur la très fré-quentée liaison entre Torontoet New York.

AFGHANISTAN Des hommesarmés ont enlevé hier neufdémineurs afghans dansla province de Kandahar.Le porte-parole de la policelocale a indiqué qu’«ils ve-naient de finir leur journéede travail dans ce secteur etrentraient chez eux dans leursvéhicules quand ils ont étécapturés».

«Le monde etJohn Kerry doiventsavoir que la Turquieest un pays qui peutfaire ce qu’elle veut,quand elle le veut.»Bülent Arinç porte­paroledu gouvernement turc, lundi,en référence à la prochainevisite du Premier ministreErdogan à Gaza

59C’est le nombrede prisonniers politiquesqui ont été libérés hieren Birmanie, a indiqué unmembre de l’Associationd’assistance aux prison­niers politiques du pays.Cette nouvelle amnistieintervient au lendemainde la levée de toutesles sanctions européennescontre le régime birman.

U tilisation probabled’armes chimiquespar le régime, massa-

cres sans précédent de civilsdans les faubourgs de Damaset possibilités de déborde-ment du conflit au Liban: enquelques jours, la guerre enSyrie vient de franchir denouveaux paliers, dansl’horreur et dans les risquesde contagion régionale.C’est pourquoi le secrétaired’Etat américain, JohnKerry, a demandé dès hier,devant ses homologues del’Otan à Bruxelles, à ce quel’Alliance se prépare à répon-dre à la menace que repré-sente le conflit syrien, évo-quant notamment les armeschimiques. «Nous devons […]porter notre attention, collecti-vement, sur la manière dontl’Otan est préparée à répondrepour protéger ses membresface à une menace syrienne,notamment toute menace po-tentielle d’armes chimiques»,a-t-il déclaré.«Sarin». Ces propos inter-viennent alors qu’un res-ponsable militaire israélien aaccusé, hier aussi, le régimede Bachar al-Assad d’avoir«utilisé des armes chimiquesmortelles contre des rebellesarmés au cours des derniersmois». Chef du départementde recherche et d’analyse ausein de la division du rensei-gnement de l’armée, le gé-néral Itaï Brun a cité l’exem-ple du 19 mars: «Les victimesont souffert de pupilles qui serétrécissent, d’écume sortantde la bouche et d’autres symp-

tômes indiquant l’utilisationd’armes chimiques mortelles.Le type d’armes utiliséesétait probablement du gazsarin, de même que des ar-mes chimiques paralysantesnon-létales.»Même si des officiels israé-liens, qui ne souhaitent pasêtre cités, ont affirmé que lessources dont dispose leur ar-mée sont multiples et ne dé-pendent pas uniquement desimages vidéo des rebelles,ces informations sont àprendre avec précaution, lesservices israéliens s’étantplusieurs fois trompés dans

leurs analyses.De leur côté, les pays euro-péens et les Etats-Unis, s’ilsont déjà mentionné la forteprobabilité que le régime sy-rien ait fait usage de manièreponctuelle de gaz, ne sontarrivés ni à une conclusionformelle ni à la descriptiondu gaz utilisé, paralysant oulétal. Selon un expert améri-cain travaillant de longuedate sur la Syrie, ils ont déjàété employés à cinq reprises,avec des gaz «dans le bas dela gamme, à petite échelle,pour tester». «Si Bachar al-Assad en a déjà utilisé, il le re-fera», a-t-il insisté.Est aussi imputé au régime cequi apparaît comme le plusgrand massacre de civils de-puis le début de la crise sy-

rienne, il y a deux ans. Ce-lui-ci s’est produit à Jdeidetal-Fadel lors de la reprise dece faubourg de Damas parles forces loyalistes. Desfemmes et des enfants figu-rent parmi les victimes. Onconnaît l’identité de 109 despersonnes tuées, mais leurnombre pourrait approcherles 400.Milices. Selon George Sabra,le nouveau chef par intérimde la Coalition nationale, quiregroupe les formations del’opposition, les shabbiha(milices de voyous forméespar le régime) ont ensuite

rempli de ca-davres des ca-mions et sontallées paraderdans les ruesde Mezzé, un

quartier résidentiel de Da-mas. Fait imputable cettefois-ci à l’opposition isla-miste radicale, deux évê-ques, l’un grec orthodoxe,l’autre syriaque, ont été kid-nappés dans la régiond’Alep.Par ailleurs, le Hezbollah li-banais apparaît de plushappé par le conflit syrien.C’est lui qui aurait permisaux forces loyales au régimede s’emparer de plusieursvillages, ce qui leur auraitpermis d’encercler le fiefrebelle d’Al-Qoussayr, pro-voquant la colère de l’oppo-sition, qui parle de «déclara-tion de guerre». •

JEAN-PIERRE PERRINavec AUDE MARCOVICH

(à Tel-Aviv)

Damasaccuséd’utiliserdesarmeschimiquesSYRIE Les Etats-Unis ont mis l’Otan en alerte, hier,alors qu’un nouveau massacre de civils est dénoncé.

Inculpé lundi pour l’atten­tat lors du marathon deBoston, Djokhar Tsarnaev aindiqué aux enquêteursqu’aucun groupe terroristeinternational n’était impli­qué dans les attaquesmeurtrières de la semainedernière, a rapporté, hier,la chaîne américaine CNN.Le plus jeune des frèresTsarnaev, originaires duCaucase, a reporté toute laresponsabilité des atten­tats sur Tamerlan, son aînéde 26 ans tué vendredi lorsd’échange de tirs avec lapolice. Selon la sourcecitée par la chaîne améri­caine, le jeune hommede 19 ans aurait déclaréque son frère voulait«empêcher l’islam d’êtreattaqué».Tamerlan Tsarnaev avaitété signalé au FBI par lesservices russes à la suited’un voyage de six moisqu’il avait effectué auDaguestan l’an dernier.Les charges retenues par lacour fédérale contreDjokhar Tsarnaev com­prennent l’utilisation«d’armes de destructionmassives ayant entraîné lamort». Hospitalisé, le jeuneAméricain d’origine tchét­chène est désormais passi­ble de la peine de mortpour l’attentat qui a coûtéla vie à trois personnes etfait plus de 200 blessés.

À BOSTON,TSARNAEVACCUSESON FRÈRE

LES GENS

Vidéo postée dimanche sur YouTube montrant des cadavres à Jdeidet al­Fadel. YOUTUBE.AFP

Par BLAISE GAUGUELIN

Une boîte aux lettresélectronique pourdélateurs vertueux

L e ministère de la Justicea mis en ligne, finmars, un site internet

permettant aux Autrichiensde dénoncer anonymementdes faits de corruption. Etc’est un succès : les quinzepremiers jours, 170 signale-ments ont été portés à laconnaissance des autoritéspar des citoyens délateurs, etquasiment tous vont per-mettre l’ouverture d’une en-quête judiciaire. «Jusqu’àmaintenant, nous n’avons eupresqu’aucune dénonciationsans fondement», se réjouit laresponsable, Ilse-Maria Vra-bl-Sanda dans le quoti-dien Kurier. Le portail seprésente comme une boîteaux lettres électronique,dans laquelle on peut posterdes messages très précis etcommuniquer directementavec le parquet.

Plus besoin de manier du ci-seau avec des gants de cuir,il suffit de cliquer et de ré-pondre en cinq minutes àune liste de questions : Lesfaits que vous rapportez con-cernent-ils un blanchimentd’argent, de la fraude fiscale,du travail au noir ? Quelle estla hauteur du préjudice subipar la collectivité ? En cas deprocès, des témoins pourront-ils venir témoigner à la barre?Pour conclure, ne pas oublierle nom de la personneconcernée.Et, surtout, pas de culpabi-lité : il s’agit d’un geste ci-toyen! En Autriche, dénon-cer les fraudeurs est unevertu. Les délateurs n’ont

d’ailleurs aucune crainte: lesautorités promettent de pro-téger leur anonymat et leurdonnent de précieux conseilscomme, par exemple, d’évi-ter de dénoncer leur boss de-puis leur poste de travail. Çalaisse des traces…

Dans la plupart des cas, ceuxqui s’improvisent «chas-seurs de corruption» révè-lent des abus commis parleur entourage proche ou aubureau : la belle-sœur hon-nie qui fait des ménages aublack, le collègue fanfaronqui raconte imprudemmentson détournement d’aide so-ciale, ou encore le voisin quin’a pas déclaré la construc-tion de sa véranda. Des rè-glements de comptes mes-quins donc, qui font craindreaux opposants la multiplica-tion des cas de chantage etde possibles escalades. Maisle ministère de la Justice, lui,y croit dur comme fer. Il veutpêcher plus gros que des pe-tits poissons: grâce à ce sys-tème dissuasif, les délitsd’initiés se feront plus rareset les chefs d’entreprises yréfléchiront à deux fois avantde blanchir leur argent, depeur que la vengeance d’unexpert-comptable remerciéne les perde à jamais. Alors,vertueuse, la délation online?De l’aveu même d’un hautfonctionnaire, cette boîteaux lettres électroniqueressemble surtout à un gad-get populiste mis en place àla veille des élections parun gouvernement un peufébrile. •

VU DE VIENNE

«Si Bachar al-Assad a déjàutilisé les gaz, il le refera.»Un expert américain

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 MONDEXPRESSO • 9

MairiedeParis:unecampagnepleinedebobos

Nathalie Kosciusko-Morizet etAnne Hidalgo ont la voie libre pourleur duel indécis. Sans rival sérieux,elles doivent encore asseoirleur autorité dans leur propre camp.

Par PASCALE NIVELLE

Q uelque chose a changé. Lesourire d’Anne Hidalgo,moins rayonnant. L’assu-rance de ses collaborateurs,partis en campagne la fleur

au fusil en septembre, vacille. A l’Hôtelde ville, on s’indigne: «Ils font une cam-pagne de caniveau.» «Ils» ou elle, lacandidate dont on ne cite ni le nom, niles initiales devenues logo: «NKM Pa-ris», à lire avec un cœur à la place du M.Du cœur, Nathalie Kosciusko-Morizet?Jean-François Legaret, candidat à laprimaire UMP, en doute: «Elle a une du-reté métallique dans le regard, jen’ai toujours pas compris si c’étaitde l’acier ou de la porcelaine.»Pour beaucoup à droite, ses intentionssont claires. La primaire de droite –à la-quelle Rachida Dati a renoncé hier (lireci-contre) – est une formalité, unerampe de lancement pour la députée del’Essonne. «Elle montre beaucoup d’ar-rogance et se voit déjà maire, glisse unautre candidat UMP. Il est évident qu’ellese prépare à la prochaine présidentielle.Son but, c’est de nationaliser le scrutin.»

BISBILLES. Dans les cafés politiquesqu’elle anime des deux côtés de laSeine, NKM fait de longs préambulessur la «crise morale qui vient se rajouterà la crise économique et sociale». Hautperchée sur ses talons aiguilles et saprobité: «Je ne suis pas de ceux qui se ré-jouissent des malheurs de la gauche, quifont le malheur de la France.» Quand elleévoque sa rivale PS, c’est par allusions:«Moi je suis élue, si vous voyez ce que jeveux dire.»… «Le PS fait une campagned’héritage et d’adoubement, il n’y a riende plus conservateur que le dauphinat»…«Je ne compte pas mettre sur la table unprojet tout bouclé dans un livre qu’il fautacheter.» Autant de flèches contre la

première adjointe socialiste, Anne Hi-dalgo, désignée par le maire sortantBertrand Delanoë pour lui succéder, ja-mais élue sur son nom et qui dédicacedepuis un mois Mon combat pour Parisdans les librairies de la capitale. Entredeux séances à l’Assemblée, un baiserà son mari passé en coup de vent, l’in-dex toujours virevoltant sur son iPad,Nathalie Kosciusko-Morizet, femmepressée, annonce une campagne mus-clée : «Quand je veux quelque chose, jeprends tous les risques.»Elle s’est battue pour cette primaire,soucieuse du casting qu’elle a vouluconsistant et rutilant. Elle a regretté le

retrait de Rachida Dati hier, ten-tant d’en minimiser l’impact surce processus qu’elle décrit

comme «une révolution» qui pulvériserales démons de la droite parisienne, ex-perte dans l’art de se tirer dans les pat-tes: «A partir du moment où les Parisiensm’auront choisie, plus personne ne pourrame contester. J’aurai la légitimité.» Toutà «la reconquête de Paris», Kosciusko-Morizet a oublié son passé récent de dé-putée-maire de Longjumeau (Essonne),le gouvernement Fillon, et la droitemusclée de ses origines. Au point de se

rapprocher des partisans du mariagegay et des supporteurs du PSG. «Unefille de grands bourgeois, qui a été porte-parole de Nicolas Sarkozy pendant lacampagne… On rêve !» commente uncandidat UMP.Les ambitieux qui s’autoproclament tê-tes de liste dans leur mairie, elle les re-cadre: «Les listes se feront de façon col-lective, on en parlera en septembre, pas

avant.» Marie-Claire Carrère-Gée, élueUMP dans le XIVe, possible terrain d’at-terrissage pour Kosciusko-Morizet, atiré la première début avril. Annonçantqu’elle soutenait NKM dans la primaire,bien sûr, mais aussi qu’elle serait tête deliste dans son arrondissement: «Ni Na-thalie ni la fédération de l’UMP de Parisne sont tombées de l’armoire», expliqueCarrère-Gée qui marque son territoire.Signe que pour Kosciusko-Morizet, déjàen bisbille avec le clan Tiberi dans le Ve

et possiblement avec Dati dans le VIIe,la bataille ne se jouera pas seulementcontre Hidalgo.«Cette primaire fera taire les aigris», af-firme Nathalie Kosciusko-Morizet, le

regard gris acier. «NKM,c’est à prendre au sérieux»,convient Bertrand Delanoë.Dans les salles de quartiers,aux pots de renouvellementde cartes PS, il continue defaire son boulot, encoura-

geant une Hidalgo déstabilisée: «Je luidis “vas-y, vas-y”, pour la mettre àl’aise. Chaque fois que j’ai des idées pourl’après 2014, je les lui donne.» Il expli-que : «Avant, elle était perçue comme laseconde. Cela n’a pas disparu, mais ellea gagné en légitimité et en crédibilité.» Ilraconte qu’en 2008, hésitant à se repré-senter, il lui avait proposé le job: «Ellea dit non. J’ai alors annoncé que ce serait

ma dernière campagne et que je souhaitaisqu’elle se présente après moi.»

«GNANGNAN». La forte personnalité dumaire a transformé le souhait en in-jonction. Ceux qui l’ont contestée sontrentrés dans le rang. Ou se sont éloi-gnés, comme cet élu PS qui ne partici-pera pas aux prochaines municipales.Pour lui, le système Delanoë, verrouilléde l’intérieur, de l’Hôtel de ville à la fé-dération PS, n’aurait laissé aucunechance à un autre qu’Hidalgo. Ce con-seiller de Paris estime qu’elle «manquede densité politique, d’autorité, de capa-cité fédératrice.» Il illustre son propos:«Quand Delanoë parle, tout le mondel’écoute, et quand il s’en va au dessert,plus personne n’écoute Anne Hidalgo.»«Elle semble réciter des leçons apprises,critique Jacques Boutault, maire EE-LVdu IIe. Ça manque de souffle.»Jean-François Legaret, maire UMP duIer arrondissement, l’observe de-puis 2001 : «Quand Delanoë n’est pasd’accord, il hurle en faisant de grandsmoulinets avec les bras. Anne Hidalgo,elle, a plutôt tendance à sourire en ren-trant la tête dans les épaules.» Un autreconseiller de Paris, proche de la majo-rité, s’inquiète : «Je commence à avoirpeur: le contexte national, plus la person-nalité d’Anne Hidalgo, on ne va pas fairele poids face à NKM. C’est fini le temps où

RÉCIT

Anne Hidalgo, première adjointe au maire de Paris, en septembre. PHOTO STÉPHANE LAVOUE

«Quand Delanoë parle, on l’écoute,quand il s’en va au dessert, pluspersonne n’écoute Anne Hidalgo.»Un conseiller municipal (PS) de Paris

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 201310 • FRANCE

les gens votaient pour un camp.» Delanoëa confié que son dernier combat seraitd’installer une femme à Paris. Il necesse d’ailleurs de vanter ses qualités demère de famille: «Anne exprime quelquechose d’affectif que je n’ai pas», dit-il àLibération. Chaque interview, de lui oud’elle, est l’occasion de répéter le storytelling bien rodé de la belle Andalouse,fille de républicains, qui a grandi entrelabeur et valeurs. Anne Hidalgo a missa campagne sous le signe de la «villebienveillante», reprenant le concept du«care» cher à Martine Aubry, qui alongtemps été une de ses meilleuresamies, et dont le principal collaborateurest le mari de la candidate. Elle s’estaussi inspirée de Ségolène Royalen 2007, misant sur la participation ci-toyenne. Dans les réunions d’Oser Pa-ris, son réseau, planchent de studieuxvolontaires. «On a intérêt à bosser, à nepas se laisser enfermer dans la batailleavec NKM», dit l’un. Anne Hidalgosourit, impassible : «Elle est agressive,je ne rentrerai pas là-dedans.»

«BISOUNOURS». L’adjointe a récem-ment posé dans sa cuisine pour ParisMatch en compagnie de son mari, le dé-puté PS Jean-Marc Germain, s’impliquedans le débat sur les rythmes scolaires,rappelant qu’elle est mère d’un garçonde 11 ans. «Un peu gnangnan, selon un

Nathalie Kosciusko­Morizet en déplacement à Amiens, le 21 février. PHOTO MARC CHAUMEIL

La maire du VIIe arrondissement renonceà se présenter à la primaire de la droite.

Dati: «caprice»ou «sabotage»?A près avoir promis d’aller

«jusqu’au bout» de sacandidature à la mairie de

Paris, Rachida Dati a annoncéhier qu’elle y renonçait. Commeelle a renoncé, l’an dernier, à al-ler «jusqu’au bout» de sa candi-dature aux législatives. L’histoirese répète et démontre, s’agissantde la maire du VIIe, que les pro-messes n’engagent que ceux quiveulent bien les croire.Avec Nathalie Kosciusko-Mori-zet, Rachida Dati faisait partiedes six candidats à la «primaireouverte» qui débouchera, en juin,sur la désignation du championde la droite aux municipales demars 2014. Archi favorite, NKMvoit dans cette compétition unmoyen de lancer «une dynami-que» en mobilisant les sympathi-sants autour d’un projet. Débutavril, Dati disait vouloir jouer lejeu. Grâce à sa notoriété, elle sesavait en mesure d’exciter la cu-riosité: «Nathalie a besoin de moi.Je signe des autographes, pas elle.Si je me retire, il n’y aura pas d’en-jeu, personne n’ira voter», con-fiait-elle au Point, le 4 avril. Selonles organisateurs, la primaire seraun succès si plus de 50000 Pari-siens y participent.Toujours dans le Pointaujourd’hui, elle avance deuxraisons à son retrait: d’abord, «lesystème» aurait «déjà choisi»

NKM, et ensuite, en demandant3 euros aux Parisiens qui souhai-tent choisir le candidat de ladroite, l’UMP aurait imposé un«vote censitaire». Mais ces criti-ques auraient aussi pu être for-mulées début avril, quand Dati aofficialisé sa candidature.Exaspérés par ce nouveau «ca-price de diva», les élus UMP pari-siens hésitaient hier entre deuxexplications. Pour les uns, Datia «tout simplement peur» de cettecompétition dont elle pourraitsortir humiliée, en quatrièmeposition, derrière ses principauxchallengeurs, les conseillers deParis Pierre-Yves Bournazel etJean-François Legaret.D’autres soupçonnent «un actede sabotage» : sans «la star»Dati, la primaire perd de son at-trait. Et un fiasco ne déplairaitpas à Jean-François Copé, pro-tecteur de Rachida Dati, quin’adhère qu’à reculons à cette«mode» des primaires ouvertes,aux élections municipalescomme à la présidentielle. «Datise tire une balle dans le pied», as-surait hier un conseiller de Paris,convaincu que ce mauvais couprenforcera l’audience et la dé-termination de ceux qui rêventde chasser du VIIe arrondisse-ment l’ancienne icône du sarko-zysme.

ALAIN AUFFRAY

élu PS, mais ce côté bobo-écolo-famillepeut marcher à Paris, vu la sociologie.»Cela n’a pas échappé à NKM, partie surle thème de campagne «Bien dans Pa-ris». Dans ses cafés politiques, elle ra-conte avoir introduit le bio dans lescantines à Longjumeau, s’apitoie sur lesmères qui prennent le métro avec despoussettes, enfourche le combat contrele diesel… Son QG, elle l’a installé rue dela Lune, dans le très bobo IIe arrondis-sement. Tout en multipliant les piquescontre son adversaire. Une fois pour si-gnaler qu’Hidalgo, 53 ans, touche déjàune retraite de l’administration –ma-nière de marquer leur différence d’âgeet son parcours gâté de fonctionnaire.Une autre pour marteler que la socia-liste a été condamnée pour travail dé-guisé dans un organisme qu’elle cha-peautait ès qualité.Hidalgo a accusé le coup, avant de ri-poster par une plainte en diffamation.«Ils attaquent sous la ceinture, mais onn’est pas des bisounours», avertissentses soutiens. Selon eux, leur cham-pionne serait «extrêmement volontaire»,voire «rancunière et intransigeante, par-fois». Redoutable même, pour Pierre-Yves Bournazel, élu UMP du XVIIIe etcandidat à la primaire de droite : «Lesattaques de NKM vont la réveiller. Ça vafaire mal.» La bataille de Paris ne serapas un ouvrage de dames. •

REPÈRES

ANNE HIDALGOw 19 juin 1959 Naît à Cadix(Espagne).w 1984­2011 Inspectrice du tra­vail.w 2001 Tête de liste aux muni­cipales à Paris XVe et pre­mière adjointe au maire.w 2004 Conseillère régionaled’Ile­de­France.w Septembre 2012 Annonce sacandidature aux municipalesde 2014 à Paris.

«Que l’UMP désigne NKM […]! Elle a déjà étéchoisie par les médias et le système, la réalité estcelle-là, même si je le regrette pour les autrescandidats. […] Dans ce contexte, je retire macandidature.»Rachida Dati dans le Point aujourd’hui

NKMw 14 mai 1973 Naît à Paris.w 2002 Députée de l’Essonne.w 2008 Maire de Longjumeau.w 2007 Secrétaire d’Etat àl’Ecologie.w 2010 Ministre de l’Ecologie,des Transports, du Logement.w 2012 Porte­parole du candi­dat Nicolas Sarkozy.w Février 2013 Candidate à laprimaire UMP pour lesmunicipales à Paris.

La reproductionde nos petites annonces

est interdite

Le CarnetEmilie Rigaudias

0140105245

[email protected]

CARNET

SOuvENiRS

CONFERENCE

Germaine JOINET26 avril 1931 - 24 avril 2008

Germaine : 5 ans déjà.Ton amour, ta bienveillance etta générosité nousmanquent

tellement.Ta famille

AnnieVIVIER21 juin 1944 - 24 avril 2008

Je ne sais pourquoile vent qui agite le taillisme rendmélancolique.

La Fédération Françaisede l’Ordre Maçonnique Mixte

International

« Le Droit Humain »,1re Obédience mixte,

organise pour ses 120 ans

Une piècede théâtre

le samedi 4 mai 2013Représentations : 17h30 et 20h30Au salon d’Honneur de la Mairie

Place d’’Italie 75013 Paris,Sur le thème :«1893-2013 :

120 ans de Mixités en marche »

Inscription :[email protected]

Informations :www.droithumain-france.org

Le Carnet

Vous organisezun colloque,un séminaire,une conférence…

Contactez-nous

Vous organisezun colloque,un séminaire,une conférence…

Contactez-nous

Vous pouvez nous faire parvenirvos textes par e.mail :

[email protected]

Réservations et insertionsla veille de 9h à 11h

pour une parution le lendemain

Tarifs 2013 : 16,30 € TTC la ligneForfait 10 lignes :

153 € TTC pour une parution(15,30 € TTC la ligne supplémentaire)

Abonnés et associations : -10%

Tél. 01 40 10 52 45Fax. 01 40 10 52 35LES PRIMAIRES À PARIS

La primaire UMP aura lieu du 31 mai au 3 juin (second tour éven­tuel du 7 au 10 juin). Les électeurs parisiens pourront voter, àcondition de s’être inscrits du 15 avril au 28 mai. Le premier tourPS se tiendra le 16 juin, l’éventuel second tour le 23 juin.

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 FRANCE • 11

Etilsvotèrentheureux...La loi sur le mariage pour tous, défendue depuis plusieurs mois par le gouvernementet la gauche, a été définitivement adoptée hier par le Parlement.

S ilence. Il est presque 17 heu-res dans l’hémicycle bondé.Après cent trente-six heureset quarante-six minutes de

débat, Claude Bartolone, président(PS) de l’Assemblée metaux voix le texte qui ouvre lemariage et l’adoption auxcouples homosexuels. «Pour!» crieun socialiste. On entend les clics desclapets qui protègent les boutons devote électronique. Cela va vite, trèsvite. Trop pour Henri Guaino, op-posé à la loi, mais qui, doté d’uninconscient surdimensionné, setrompe de bouton. Depuis le per-choir, Claude Bartolone annonce:331 voix pour (dont les UMP BenoistApparu et Franck Riester, les cen-tristes Jean-Louis Borloo, Jean-Christophe Lagarde et Yves Jégo),225 contre (dont quatre socialistes)et 10 abstentions (dont Nathalie

Kosciusko-Morizet ou BrunoLe Maire). Il ne cherche même pasà réprimer un sourire.Avant même la proclamation desrésultats, la droite déserte. Ses élus

se bousculent, piétinent à la queueleu leu pour sortir. Ils ont le paslourd et désapprobateur de ceux quiont perdu. Tout d’un coup, une cla-meur. Dans les rangs d’en face, toutle monde se lève. Des hommes etfemmes debout qui transformentl’hémicycle en gigantesque caissede résonance: «Egalité ! Egalité !»Un député de droite filme la scène

avec une moue de dégoût.Au premier rang, les deuxministres qui ont porté le

texte, Christiane Taubira (Justice)et Dominique Bertinotti (Famille),se sourient et s’enlacent. Tout d’uncoup, on s’embrasse beaucoup, onse fait des accolades, on se tombedans les bras. La majorité a chaudau cœur, et c’est de plus en plusrare. Alors tout le monde en profite,étire le moment avec délice.

RIMES. Christiane Taubira, arrivéedans l’hémicycle à 16h 30 avec unerose rouge à la main, prend la pa-role une dernière fois. A droite,seuls Franck Riester, favorable au

texte, et PhilippeGosselin, un adver-saire farouche, sontrestés pour l’écou-ter, dans le respect.A gauche, on boitses paroles. Plu-sieurs ministres sont

présents, ainsi que Jean-Marc Ay-rault. «Je suis submergée par l’émo-tion», confie la garde des Sceaux,maintenant que la France devientle 9e pays européen, le 14e mondial

à autoriser le mariage des homos.Elle poursuit, en écho aux violen-ces de ces derniers jours : «Il fautparler à ceux qui ont été blessés parles mots, par les actes, […] ceux quiont connu le désarroi» face à une«sublimation des égoïsmes». «Nousdevons dire aux adolescents qu’ilssont à leur place dans la société […].Gardez la tête haute. Vous n’avez rienà vous reprocher. Nous le disons hautet clair, à voix puissante!» Certainsélus applaudissent à tout rompre.Et se délectent d’une ultime cita-tion de Nietzsche – «les véritéstuent, celles que l’on tait deviennentvénéneuses»–, devenue la marquede fabrique de cette ministrequi aime se montrer à la fois tech-

nique, en gardienne du code civil,et lyrique, amatrice de prose et derimes. Les députés s’attardent.Trop heureux.Frigide Barjot, impassible, au pre-mier rang du public pendant tout ledébat, quitte les tribunes. Dans lescoulisses, elle est interpellée pardes militants LGBT: «Homophobes,ça suffit!» Peu avant, en séance, unactiviste antimariage a voulu dé-rouler une banderole et s’est faitévacuer par les huissiers. «Sortezces excités! Pas de place pour les en-nemis de la démocratie dans cet hé-micycle», a exigé Claude Bartolone,qui a décidé de porter plainte.Dans la salle des Quatre colonnes,les députés les plus mobilisés se

congratulent encore. «C’est agré-able, confie Patrick Bloche, qui futl’un des artisans du pacs. Je ne pen-sais pas que cette émotion se repro-duirait, comme lors du pacs. Surtoutà un moment de doute sur la fonctionparlementaire, on se sent utile.» «J’aiécrasé une larme», confesse BernardRoman, un député expérimenté quicouve d’un œil bienveillant les plusjeunes, comme sa voisine: «A côtéde moi, Seybah Dagoma m’a dit: “Jeme sens députée”.»

«FIERTÉ». Le rapporteur (PS) dutexte, Erwann Binet, demande, lui,aux opposants de «déposer les ar-mes». Ce n’est pas fait. Dernier ba-roud d’honneur avant le vote so-lennel, le député (UMP) HervéMariton, infatigable pourfendeurdu texte, a accusé la majorité, touten évoquant le possible mariage deses «amies, Diane et Françoise» :«Vous brisez un consensus qui a tantuni les familles, vous brisez la filia-tion, la force de la transmission.»Christian Jacob, le président dugroupe UMP, accompagné des dé-putés qui ont le plus ferraillé, a filédéposer un recours devant le Con-seil constitutionnel. Mais ce jour,rien n’entache «la fierté» de la gau-che. «Marions-les, marions-les !»s’est enflammée Marie-GeorgeBuffet. Tous, comme Claude Barto-lone, attendent «avec impatience»les premiers mariages. ChristianeTaubira a promis qu’ils se tien-draient en juin et prédit alors «unsouffle d’allégresse» sur le pays.•

Par CHARLOTTE ROTMANPhotos SÉBASTIEN CALVET,VINCENT NGUYEN.RIVA PRESSet ALBERT FACELLY

«Je ne pensais pas que cette émotionse reproduirait, comme lors du pacs.Surtout à un moment de doute sur lafonction parlementaire.»Patrick Bloche député (PS) de Paris

RÉCIT

La garde des Sceaux, Christiane Taubira, qui a porté le texte avec la ministre de la Famille, Dominique Bertinotti (à gauche).

Rassemblement pro­mariage, hier, avec Valérie Trierweiler.

Les antis, hier, avec la frontiste Marion Maréchal­Le Pen.

REPÈRES

Des parlementaires UMP etUDI ont saisi hier le Conseilconstitutionnel sur le texte,jugeant qu’il existe un «conflitde la loi avec les règles dudroit public international» etque «la définition du mariage,principe fondamental reconnupar les lois de la République,ne peut être modifiée par uneloi simple».

«Nous n’avons rien pris à personne, nous avonsouvert des droits. C’est un texte généreux quevous avez voté aujourd’hui.»Christiane Taubira hier, à l’Assemblée nationale

A voir La carte des paysautorisant le mariage gay etnotre diaporama devant lamairie du IVe hier soir.A lire «Le Conseil constitu­tionnel, prochain champ debataille» et le portrait deColette Capdevielle (PS).

• SUR LIBÉ.FR

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 201312 • FRANCE

Le président de l’UDI a déclaré hier avoir mis un terme àson activité d’avocat dès son élection à la tête du groupeUDI de l’Assemblée, en juin 2012, bien avant que le gou­vernement n’envisage d’interdire aux parlementairesd’être avocats. Le président de l’UMP, Jean­FrançoisCopé, a annoncé lundi qu’il mettait fin à ses fonctionsd’avocat d’affaires. Borloo a contesté des informations depresse reliant son cas à celui de Copé ou au projet demoralisation de la vie politique, soulignant «avoir cessé sesactivités» dès le printemps de l’an dernier. Il précise avoir«fini les quelques dossiers en cours» avant de procéder àla fermeture de son cabinet le 30 octobre 2012. L’avocatPascal Sigrist assure la fonction de suppléant, pour réglerdes questions d’assurance et d’éventuels litiges. Borlooajoute qu’au terme «de nombreuses démarches adminis­tratives», son nom vient d’être retiré du tableau des avo­cats par le Conseil de l’ordre. Inscrit au barreau depuis lesannées 80, il est considéré par Forbes comme l’un desavocats les mieux payés au monde. PHOTO REUTERS

BORLOO DIT AVOIR CESSÉ D’EXERCERCOMME AVOCAT EN JUIN

LES GENSA l’Elysée, le 17 avril. Le projet est présenté ce matin en Conseil des ministres. PH. A. FACELLY

I l y a eu l’affaire Cahuzac.Puis, en chaîne, une fouled’annonces, la publica-

tion par les ministres de leurpatrimoine et des grandespromesses sur la lutte judi-ciaire contre lacorruption. Alorsqu’un projet de loisur la moralisa-tion de la vie poli-tique doit êtreprésenté ce matinen Conseil des ministres, unequarantaine de magistratsspécialisés dans la luttecontre la grande délinquancefinancière lancent un appelau président de la République(lire p. 23). «Nous saluons lavolonté de redonner la prioritéà la lutte contre la corrup-tion», commente ArmandRiberolles, l’un des signatai-res de l’appel, ancien juge fi-nancier et aujourd’hui pre-mier vice-président dutribunal de grande instanced’Evry. «Mais ces annoncessont très floues, ajoute le ma-gistrat. Il ne faut pas que l’af-fichage politique l’emporte, lediable se nichant souvent dansles détails.»«A priori». Le 10 avril, lorsd’une mini conférence depresse, François Hollandeavait annoncé la mise enplace d’un parquet financierà compétence nationale. Enclair, la nomination d’un su-perprocureur qui lutteraitcontre la délinquance en colblanc sur tout le territoire.Aujourd’hui, des pôles spé-cialisés sont répartis dansplusieurs villes comme Bor-

deaux, Marseille ou Lille.Autres avancées promisespar le chef de l’Etat sur leplan judiciaire : la créationd’un office central de luttecontre la fraude et la corrup-

tion, de 50 postes de poli-ciers spécialisés, de magis-trats et de fonctionnaires à ladirection générale des finan-ces publiques.Enfin, le renforcement dessanctions contre les délits fi-nanciers, notamment contreles élus. Ces annonces inter-viennent après plus dedix ans d’immobilisme dansle domaine de la justice fi-nancière, et une présidenceSarkozy placée sous la vo-lonté de «dépénaliser le droitdes affaires». Malgré les pro-messes de Hollande, les deuxprincipaux syndicats de ma-gistrats – le Syndicat de lamagistrature, à gauche, etl’Union syndicale des magis-trats (majoritaire) – n’ontpas relevé de réelle «avan-cée» dans les propos du chefde l’Etat. Les signataires del’appel sont moins critiques.«Nous sommes a priori favo-rables à la création de ce postede procureur national qui noussemble être une bonne idée,commente Armand Riberol-les. Mais la question essen-tielle de son indépendance parrapport au pouvoir n’est pas

évoquée. Nous aimerions quele gouvernement aille plus loindans cette direction…»«Garanties». Statutaire-ment, le parquet est dépen-dant du pouvoir exécutif,contrairement au juge d’ins-truction. «Que se passerait-ilsi ce superprocureur, chargéde contrôler toutes les grossesaffaires de corruption del’Hexagone, se retrouvait sousla coupe d’un pouvoir politiquequi souhaite les étouffer ? in-terroge un juge financier. Ilnous faut des garanties sur sonstatut.» Des magistrats sou-haitent aussi la créationd’une force de police qui nedépendrait que de la justice.Un point qui ne devrait pasêtre évoqué ce matin.

VIOLETTE LAZARD

«Nous saluons la volontéde redonner la priorité à lalutte contre la corruption.»Armand Riberolles ancien juge

L’exécutifafficheunepetitemoralisationFRAUDE Les mesures anticorruption annoncées par lePrésident sont insuffisantes pour certains magistrats.

COMPLOT L’ex-député UMPdu Nord Christian Vannesteva assigner l’Etat pour«faute lourde» et «déni dejustice», après la «perte» parla justice du dossier d’uneplainte en diffamation qu’ilavait déposée en 2012 contrel’Express. «Il est évident qu’ils’agit d’une malveillance»,visant à entraver l’action enjustice qui était en courspuisque «le dossier a disparule temps de la prescription»,avant de réapparaître, a-t-ildéclaré.

NON­CUMUL Les conseillersde Paris ont voté hier unvœu demandant que le non-cumul des fonctions de par-

lementaire avec celles demaire adjoint ou de maired’arrondissement soit appli-qué dès 2014 par les groupesà leurs membres. Il a étéadopté par 102 voix et27 abstentions (UMP et UDI).

TRANSPARENCE Un contri-buable du Lot-et-Garonne,militant pour la transpa-rence de la «réserve parle-mentaire», a obtenu gain decause hier auprès du tribunaladministratif de Paris, qui aordonné au ministère del’Intérieur de lui communi-quer dans les deux mois desdocuments relatifs à cesfonds attribués aux élus pourfinancer des projets locaux.

1000C’est, en euros, l’amendeà laquelle a été condamnéavec sursis le philosopheBernard­Henri Lévy, hier,par le tribunal correction­nel de Paris pour avoirécrit que le Bloc identi­taire, un groupusculed’extrême droite (et nonpas Unité radicale) s’étaitrendu célèbre en tentantd’assassiner Jacques Chi­rac, le 14 juillet 2002.

«Je veux incarnerpas seulement unpouvoir des mots,je veux devant cetteAssemblée incarnerun pouvoiren actes.»Jean­Marc Ayrault hierau Palais Bourbon

Les uns sont au gouverne­ment. Les autres en dehors.Mais pour la première foisdepuis le retour de la gau­che au pouvoir, écologisteset communistes se sont vusen tête à tête. Hier, durantprès de deux heures ausiège du PCF, place duColonel­Fabien, une délé­gation d’Europe Ecologie­les Verts (EE­LV) menéepar son secrétaire national,Pascal Durand a échangéavec le chef des communis­tes, Pierre Laurent et sescamarades. Des «échangessur le fond», rapporte­t­ondans l’entourage de Durand.Le numéro 1 d’EE­LV aaccordé un «oui de prin­cipe» à une participation desa formation aux «assisespour une refondationsociale et démocratique»,organisées par le Parti com­muniste le 16 juin à Paris.«C’est un fait politique, sefélicite Olivier Dartigolles,porte­parole communiste.C’est un élargissement deceux qui veulent se retrou­ver et réfléchir.» En revan­che, Pascal Durand aréaffirmé qu’Europe Ecolo­gie­les Verts ne participe­rait pas à la «marche pourla VIe République» du Frontde gauche, le 5 mai. «Mal­gré les efforts faits parPierre Laurent pour réorien­ter les mots d’ordre, on nepeut pas valider un registrede langage comme celui du“coup de balai”», assure unproche de Durand. L.A.

DÉBUT DE FRONTCOMMUN ENTRECOMMUNISTESET ÉCOLOGISTES

L’HISTOIRE

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 FRANCEXPRESSO • 13

14 • FRANCE

Lapolitiquecarcérale,prisonnièredesloissarkozystesDix organisations ont réactivé un collectif contre l’inertie de FrançoisHollande face, notamment, à la surpopulation dans les prisons.

P our beaucoup, le summumde la déception a été atteintdans la soirée du 28 mars,devant le poste de télévi-

sion. Ce soir-là, sur France 2, Fran-çois Hollande affirme: «Les peinesplanchers seront supprimées, maisquand on aura trouvé un dispositif quipermet d’éviter la récidive.» Cettephrase, beaucoup de magistrats,d’avocats ou de travailleurs so-ciaux, dont certains avaientsoutenu le candidat socia-liste, l’ont vécue comme unénième recul. Signe de leur impa-tience, dix organisations du mondede la justice, pour la plupart clas-sées à gauche, ont alors décidé deressusciter le Collectif liberté égalitéjustice (Clej), né en 2007 pour luttercontre les politiques sécuritaires de

Nicolas Sarkozy. A l’époque, le PSet les Verts en faisaient partie…«Nous voulons dire au gouvernementqu’il faut y aller», explique CharlotteLe Cloarec du Snepap-FSU, qui re-groupe des conseillers de probation.

NÉGOCIATION. Hollande a peut-être senti cette impatience. Il rece-vait hier les trois syndicats de ma-gistrats. Avant tout pour leur parlerde la réforme du Conseil supérieurde la magistrature. Mais le Prési-

dent a aussi entériné le reportde la grande loi pénale quidevait supprimer les mesures

phares de l’ère sarkozyste (peinesplanchers et rétention de sûreté),tout en posant le cadre d’une nou-velle politique de la justice de gau-che. Il a annoncé qu’un projet de loiserait présenté «à l’automne» auConseil des ministres.

Manuel Valls s’est invité dans la né-gociation autour de la loi en prépa-ration au ministère de la Justice.Des équipes du cabinet du ministrede l’Intérieur et de celui de Chris-tiane Taubira, garde des Sceaux, se

rencontrent régulièrement. Mais laperspective des municipales, l’anprochain, fait craindre à certainsque la loi ne voit jamais le jour, legouvernement craignant un procèsen laxisme sur sa politique de sécu-rité. «Pourtant, chaque journée quipasse, alors que les lois sarkozystess’appliquent encore, est une journée

noire, estime Eric Bocciarelli, duSyndicat de la magistrature (SM)qui a écrit une lettre ouverte sévèreà Hollande. Nous ne pouvons noussatisfaire de savoir que “leur abroga-tion va probablement se faire un jour”.

On a profité de notreentretien avec le Prési-dent pour lui demanderd’agir avec audace, ra-pidement.»Les prisons, elles, ontrarement été si plei-nes. Les chiffres sont

tombés hier : 67 493 personnesétaient incarcérées au 1er avril,presque autant que le record de dé-cembre (67 674 détenus). Certes,«ces chiffres augmentent moins vitedepuis un an, note Pierre-VictorTournier, directeur de recherchesau CNRS. Ils sont pratiquement sta-bles : 550 détenus de plus sur les

douze derniers mois». Sauf que cestatisticien a élaboré un «indicateurindiscutable», «summum de la mal-traitance liée à la surpopulation»: lenombre de matelas à terre, quandil n’y a même plus de place pourajouter un lit dans les cellules. Cetindicateur-là s’aggrave: «Quand lajournée s’achève, rapporte-t-il, oninstalle dans les prisons françaisesplus de 900 matelas à même le sol,contre 200 en janvier 2011. Toutgarde des Sceaux devrait se fixer cetobjectif : zéro matelas. Si on ne peutpas faire mieux que la droite, autantle dire.» Des chiffres surprenants,quand Taubira martèle que laFrance doit sortir du «tout carcé-ral». Plus intriguant encore, la mi-nistre avait utilisé en mars, à l’As-semblée, ces chiffres pour prouverson sérieux à la droite: «Le nombred’incarcérations au 1er mars vient dem’être communiqué : […] une aug-mentation de 0,4% d’un mois surl’autre. A ceux qui passent leur tempsà dire que nous vidons les prisons, jeréponds que l’incarcération n’a cesséd’augmenter depuis plusieurs mois.»

TRACTS. «Dans le domaine de la jus-tice, si on n’avance pas, on recule»,s’impatiente Sophie Combes, juged’instruction et membre du SM.La suppression des tribunauxcorrectionnels des mineurs pro-mise par Taubira à son arrivée ?«Beaucoup de juridictions n’avaientpas jugé utile de mettre en place cetteréforme de Nicolas Sarkozy, témoi-gne Michel Faujour, du SNPES de laprotection judiciaire de la jeunesse(PJJ). Mais le ministère ne donne plusaucune information sur le sujet.Alors, le temps passant, les juges sepréoccupent quand même d’appliquerla loi.»En 2012, les conseillers de proba-tion ont dû suivre 5000 condamnésde plus qu’auparavant. «Vu du ter-rain, on est dans une politique decontinuité par rapport aux annéesSarkozy : les travailleurs sociauxn’ont plus d’espoir en la gauche, ilsfont des tracts partout», rapporteDelphine Colin de la CGT pénitenti-aire. Tiraillés entre les discours en-thousiasmants de Taubira, la peurde voir revenir la droite au pouvoiret la souffrance du terrain, les orga-nisations de gauche tâtonnent :«Comment critiquer l’attentisme duministère sans faire le jeu de la droite?La ministre nous l’a dit : “Ne voustrompez pas d’ennemis.” Mais on voitbien leur tendance à ne surveiller queles cotes de popularité !»«Moi, je ne sais plus ce qu’est la poli-tique pénale de la gauche, trancheAlain Blanc, président de l’Associa-tion française de criminologie. Cesincertitudes participent au climat dedémoralisation générale. Petit à petit,les repères s’effritent.» •

Par SONYA FAURE

«Quand la journée s’achève, oninstalle dans les prisons françaisesplus de 900 matelas à même le sol,contre 200 en janvier 2011.»Pierre­Victor Tournier statisticien du CNRS

RÉCIT

A la prison des Baumettes, près de Marseille, en 2010. Actuellement, plus de 67000 personnes sont incarcérées en France. PHOTO R. TERZIAN. DIVERGENCE

102C’est le nombre de détenuspour 100000 habitants au1er mars. Le taux de mise sousécrou est de 119 pour 100000.

Le Collectif liberté égalité jus­tice 2013 (Clej) regroupe pourl’instant le Syndicat de la magistra­ture, l’Association française decriminologie, le Genepi, la LDH,l’OIP, les éducateurs de la protec­tion judiciaire de la jeunesse duSNPES, les conseillers de proba­tion de la CGT et du Snepap­FSU.

REPÈRES La hausse de la population car­cérale est notamment due auxmesures de l’ère Sarkozy.«L’affaire de Pornic a accéléré lamise à exécution des peines enattente, explique le chercheurPierre­Victor Tournier. Les peinesplanchers ont allongé les duréesde placement sous écrou.»

A lire La lettre ouverte récla­mant des réformes d’urgenceadressée au président Fran­çois Hollande par le Syndicatde la magistrature.

• SUR LIBÉ.FR

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013

Me Marie Dosé, l’avocate des familleset certaines victimes de l’attentat deKarachi, qui a coûté la vie à onze em-ployés de la Direction des construc-tions navales (DCN) en mai 2002, ontdemandé l’audition de plusieurs té-moins pour comprendre pourquoi lasécurité des salariés «avait été sacri-fiée». Comme l’a révélé France Inter,l’avocate s’appuie sur un rapport ré-

digé dès juillet 2002 par un conseillerjuridique de la DCN, Didier Panza, quiavait alerté les responsables de la so-ciété d’armement et la justice sur lestatut de ces salariés. Il y soulignaitnotamment que, envoyés au Pakistandans le cadre d’un contrat avec unesociété privée, et non directement parl’Etat, les employés de la DCNn’avaient «pas bénéficié de la protec-

tion de l’Etat français accordée auxagents en mission ou en coopération».A l’époque, le juge Jean-Louis Bru-guière, alors chargé de l’enquête,«avait choisi de classer cette pièce es-sentielle du dossier, sans l’exploiter» aaussi dénoncé Me Dosé, qui a de-mandé l’audition de Didier Panza etde plusieurs autres responsables de laDCN.

A RETOUR SUR L’ATTENTAT DE KARACHI ET LE RESPONSABILITÉ DE L’ETAT

La sécurité «sacrifiée»des salariés de la DCN

M arc Machin sort de lasalle d’audience, desjournalistes l’atten-

dent en demi-cercle. Ils sontmoins nombreux que pourson procès en révision qui aenfin posé son statut de vic-time d’erreur judiciaire, endécembre. Moins nombreuxque pour sa sortie triom-phale de prison en octo-bre 2008. Mais ils posent lesmêmes questions. Sur l’ave-nir, la page qu’il faut tour-ner. Et Marc Machin répond,avec sa dialectique inégala-ble, touchante. «C’est pasévident de tourner la page.Mais oui, je me dois de mettreun point final, un point d’hon-neur même, à ne plus refaire lemoindre écart de raté de mar-che, à ne plus revenir devantun magistrat.»L’«écart», en l’occurrence,est une triviale affaire de«ton qui monte» entre ex-dé-tenus devenus voisins defoyer social. Le 1er février,une patrouille de police in-

tervient pour un tapage noc-turne dans un appartement.Marc Machin fume une ciga-rette au pied de l’immeuble.En voyant les policiers, iljette un téléphone portablesous un camion. Les agentsle récupèrent. Et embarquentMarc Machin.Le président de la 23e cham-bre correctionnelle de Parisdéroule la suite de l’histoire.Le portable s’avère apparte-nir au voisin de foyer d’unami de Marc Machin. Cetami, Fayçal Z., égalementpoursuivi pour vol et violen-ces, s’est disputé en janvieravec ledit voisin. Marc Ma-chin est venu à la rescousse,a giflé le voisin. Fayçal a ra-massé dans le couloir le télé-phone portable, l’a confié àMarc Machin. «On a tapé à laporte pour lui rendre, disent-ils, il n’a pas voulu rouvrir.»Le tribunal les condamnetous les deux à six mois deprison avec sursis, et à unsuivi de deux ans avec obli-

gation de trouver un travailet un domicile. A la sortie dutribunal, Marc Machin, li-vide, les yeux cernés, serreles dents. Aux journalistes, ildit que «oui, ça va aller»,qu’il va «regarder versl’avant». Il répète que «leplus dur est derrière», les septannées de prison pour rien,la lente procédure de révi-sion, l’enfance maltraitée,l’adolescence cramée. Etpuis, au bout de quinze mi-nutes, à voix basse: «L’ave-nir… Mais même les toutes pe-tites choses, ça me paraîtinsurmontable. Au moindreéchec, refus, je suis écœuré,lessivé. Vous les journalistes,vous êtes toujours là pour mesprocès, mais le reste du temps,qui prend de mes nouvelles ?»Pour sa condamnation à tortdans l’affaire du meurtre dupont de Neuilly, Marc Ma-chin doit être indemnisé. Laprocédure, très lente, peutprendre un an et demi.

ONDINE MILLOT

MarcMachinfaceàson«insurmontable»destinJUSTICE Victime d’une erreur judiciaire, le jeunehomme était jugé hier pour une banale affaire de vol.

Marc Machin, lors de son procès en révision en 2010 à Paris. PHOTO MARC CHAUMEIL

Le Défenseur des droits,Dominique Baudis, ainsique son adjointe Défen­seure des enfants, MarieDerain, ont annoncé hierqu’ils allaient ouvrir uneenquête après «d’éventuelsdysfonctionnements» desservices publics, qui n’ontpu empêcher le calvaire dedeux garçons maltraités àPavillons­sous­Bois (Seine­Saint­Denis) pendanttrois ans. Ces deux enfantsde 10 et 12 ans étaientrégulièrement frappés, pri­vés de nourriture et obli­gés de dormir dans unecave au milieu de leursdéjections. La situation aduré alors que, selon leconseil général de Seine­Saint­Denis, la famille étaitsuivie depuis 2008 par lesservices sociaux et que lesenfants allaient à l’école.C’est après avoir vu sonpetit frère recevoir uneraclée que le garçonde 12 ans a rejoint mi­avrille commissariat en buspour aller se plaindre auxpoliciers. En 2010, un autrefils du père, aujourd’huiâgé de 15 ans, avait déjàété placé. PHOTO REUTERS

LES SERVICESSOCIAUX DANSL’ŒIL DE BAUDIS

LES GENS

18,8%C’est le pourcentage debaisse des crédits immo­biliers accordés par lesbanques au premier tri­mestre, par rapport à lamême période l’an der­nier. Du fait de la crise del’immobilier, marquée parune forte chute des ventesde logements, les créditsaccordés avaient déjàbaissé de 26,4% en 2012.

Par ÉRIC FAVEREAU

Vieillir avec le sida,c’est souvent vieillir seul

I ls vieillissent, et c’est unebonne nouvelle. Mais cen’est pas si simple: vieillir

avec le sida n’est pas tout àfait anodin. L’associationAides a présenté, lors d’uncolloque vendredi, une séried’études sur le «VIH chez lesplus de 50 ans». Les person-nes concernées sont de plusen plus nombreuses. Et c’estleur solitude qui apparaît.Elles sont beaucoup à parta-ger ce constat : la maladiecoupe, enferme, isole. «Jepense que le VIH et le vieillis-sement sont deux facteursd’exclusion», lâche Michel,57 ans, séropositif depuissix ans(1). «Je suis complète-ment seule, on m’a demandéd’avoir un suivi psychologiqueparce que je suis toute seule,mais je suis toute seule dansla vie, je n’ai pas de famille,point barre», raconte Céline,57 ans, séropositive depuisvingt-huit ans. De multiplesfacteurs expliquent ce repli:l’annonce de la séropositivitéa pu engendrer l’éloigne-ment, la toxicomanie ex-clure, et l’absence d’activitéprofessionnelle régulière fra-giliser les liens sociaux.

Les patients vivent doncseuls et, parfois, sans beau-coup d’argent. «Je risqued’être évacué de mon appart,pour payer mes dettes. L’an-goisse, c’est pas le VIH, c’estla précarité, c’est pas le VIHqui me bouffe, ce sont les con-séquences sociales», noteVincent, 52 ans, séropositif

depuis vingt-quatre ans.Dans les enquêtes, on voitcombien la maladie fragilisela situation financière. «Lagénération ayant aujourd’huientre 50 et 60 ans a pu êtrefrappée par le virus à 20 ans, àun moment où elle entrait dansla vie adulte», précise l’étudeFondation de France-Aides.Ce sont des vies plus incer-taines, moins prévoyantes:ces gens n’ont pas mis d’ar-gent de côté, leurs vies pro-fessionnelles sont hachées etleurs retraites petites. «Alleren maison de retraite, est-ceque j’en aurai les moyens fi-nanciers ?» s’interroge Da-nielle, 57 ans, séropositivedepuis vingt-quatre ans.

C’est au chapitre santé quecela va encore le mieux. Lestraitements ont rendu le vi-rus indétectable. Les mala-des vivent. Mais le VIH peutentraîner un vieillissementprématuré. Avec des mala-dies cardiaques plus fré-quentes ou des cancers quisurviennent plus tôt. La fauteau virus ? «J’ai l’impressionque les traitements m’ont faitvieillir avant l’âge», répondMathilde, 57 ans. «Mais sur-tout, on vieillit mal. J’avais unjoli corps, je me retrouve avecdes bourrelets, des boules degraisse, des choses commeça», lâche Edith 52 ans, sé-ropositive depuis vingt-quatre ans. •(1)Les témoignages sont tirésde l’étude Fondation deFrance­Aides publiée le 16 avril.

CARNET DE SANTÉ

www.monfuturjob.comL’espace de rencontre entre

votre futur employeur et vous

Dialoguez

avec 300.000 employeurs

Déposez vos CV gratuitement

Suivez vos candidatures sur

facebook™

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 FRANCEXPRESSO • 15

16 • FRANCE

«Vaccinerestunactemédicalquidoitêtreexplicitéparlesmédecins»

Daniel Floret, président du comité technique de vaccination, défend le nouveau calendrier d’injections:

T emps difficiles sur le frontdes vaccins. Ils sont criti-qués, on met en doute leurefficacité, on pointe leurs

effets secondaires.«Nous traversons un drôlede climat antimédicamentet antivaccin», s’inquiète AgnèsBuzyn, directrice de l’Institut na-tional contre le cancer.Au point que le nombre de person-nes vaccinées en France est enbaisse régulière. Et cela, pratique-ment dans toutes les catégories, ycompris les vaccins pédiatriques.Hier au Sénat, Marisol Touraine estmontée au créneau pour tenter derelancer la politique vaccinale enFrance qui semble en panne. La mi-nistre de la Santé a notammentévoqué «la possibilité d’élargir lenombre de professionnels pouvantprescrire et réaliser des vaccina-tions». Elle a aussi présenté le nou-veau calendrier vaccinal qui vientd’être publié.Le professeur Daniel Floret, prési-dent du comité technique de vacci-nation, a eu un rôle essentiel dansla construction de ce nouveau dis-positif, qui cherche à redonner unsouffle à la politique vaccinale fran-çaise à la peine.La situation est-elle à ce point pro-

blématique qu’il faille tout changer,avec un nouveau calendrier?Il y avait nécessité de mettre un peud’ordre, de simplifier, de réduire lenombre de doses pour certainsvaccins, car on a pu voir que l’on

peut protéger aussi bienen faisant moins. Nousdevions aussi alléger un

calendrier trop compliqué. En toutcas, après un long travail de plus dequatre ans du Haut Conseil de santépublique, ce nouveau dispositif estprêt. Et pour l’enfant par exemple,l’on peut faire la totalité du pro-gramme de vaccination en 5 séan-ces, et non pas une douzaine.Mais n’êtes-vous pas inquiet par labaisse continue du taux de vaccina-tion en France?Certaines études ont exagéré cette

diminution. Même s’il y a, c’estvrai, des problèmes avec certainsvaccins.Lesquels?Il y a un problème avecle vaccin contre le pa-pillomavirus [HVP,ndlr] : moins d’un tiersdes adolescentes fran-çaises sont vaccinéescontre le cancer du colde l’utérus. Et évidem-ment, nous avons un problèmepersistant avec le vaccin contre lagrippe.Comment l’expliquez-vous?Il y a un discours ambiant forte-ment antivaccination. Dans le casdu papillomavirus, une série de po-lémiques ont plombé cette vacci-nation, des articles parus dans la

presse nationale mettant en causela sécurité d’emploi du vaccin,évoquant des incidents graves, peu

nombreux et surmédiati-sés. En plus, c’est unevaccination difficile : onla proposait à 14 ans,juste avant les premiersrapports sexuels.Que proposez-vous dé-sormais?Nous avons changé les

règles. On recommande l’initiationde la vaccination entre 11 et 14 ans,ce qui va donner plus de souplesseet permettre au médecin et à la fa-mille de proposer la vaccination,soit à un âge où il n’est pas indis-pensable d’aborder la question dela sexualité, soit plus tard dans lecadre d’une information sur la

sexualité et les maladies sexuelle-ment transmissibles.En plus, entre 11 et 14 ans, on peutcoupler le vaccin contre le HPVavec le rappel DTcaP [contre la diph-térie, du tétanos, de la coqueluche etde la poliomyélite, ndlr]. C’est toutcela que nous avons cherché àconstruire: faire un calendrier co-hérent et efficace.Et le vaccin contre la grippe, pour-quoi un tel fiasco?La grippe reste perçue, à tort,comme une maladie bénigne. Et onne peut nier que les vaccins anti-grippe sont d’une efficacité limitée.C’est ainsi, mais l’arbre ne doit pascacher la forêt : la situation dansson ensemble n’est pas si mauvaise.Exemple : la rougeole. La couver-ture générale augmente, même sielle n’est pas satisfaisante au regarddes objectifs de 95%. Contre l’hé-patite B, la vaccination sur lesnourrissons est en progression. Larubéole? Chez les enfants, la cou-verture a aussi augmenté.Et la situation chez les adultes?Jusqu’à présent, nous recomman-dions des rappels tous les dix ans.Nous nous sommes rendu compteque cela ne voulait rien dire, etnous allons passer d’une logique dedix ans d’intervalle à une logique àâge fixe, d’autant que la duréed’immunisation de beaucoup devaccins est souvent bien plus lon-gue que dix ans. Ce changement estla grande nouveauté pour les adul-tes. Avec un premier rendez-vousvaccinal à 25 ans pour le rappel dela coqueluche, puis à 45 ans et65 ans, pour la diphtérie, le tétanoset la poliomyélite. C’est plus clair,c’est plus simple, et plus efficace.Dans ce contexte de méfiance,faut-il une attitude plus offensivedes pouvoirs publics?Ces dernières années, nous avonsfait le dos rond quand sortaient desinformations sur d’éventuellesscléroses en plaques après la vacci-nation contre l’hépatite B. Mais leschoses ont changé. La direction gé-nérale de la santé est beaucoup plusoffensive sur le sujet, même si nousrestons encore trop timides sur leNet, où des campagnes antivacci-nations totalement aberrantes ontle champ libre.Pour autant, faut-il banaliser la vac-cination?Banaliser non. C’est un acte médi-cal qui doit être discuté, explicitépar les médecins. Or, les praticiensconnaissent souvent mal les re-commandations vaccinales. Ils sesont longtemps reposés sur l’obli-gation, aujourd’hui cela ne fonc-tionne pas. C’est un autre chantier:il faut mieux associer la médecinede ville à notre politique. •

Recueilli par ÉRIC FAVEREAU

INTERVIEW

Pour enrayer la baisse du taux de vaccination, un nouveau dispositif a été mis en place par le ministère de la Santé. PHOTO C. ALMODOVAR. DIVERGENCE

PHO

TOD

R

Un nouveau calendrier vacci­nal vient d’être publié. Il fixeles périodes de vaccinationpour les nourrissons maisaussi pour les adultes. Il a étérédigé par le Haut Conseil ensanté publique.Le détail, toutes les dates, surle site du ministère de la Santéou celui de l’Inpes.www.sante.gouv.fr

REPÈRES

«Il existe de grandesdisparités selon le typede vaccins… Et lacouverture tendà diminuer pour lesvaccins introduits plusrécemment.»Marisol Touraine ministre de laSanté, hier au Sénat

DÉFIANCESelon une étude d’IMS Health,«en France, dans la période 2008­2012, le marché des vaccins abaissé de 12% en unités et de30% en valeur». «Un recul lié à unclimat de défiance vis­à­vis dumédicament qui s’est développé»,a expliqué un des auteurs, ClaudeLe Pen, économiste de la santé.

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013

CINEMA •

L’ACCORDSENSIBLEBASTON L’extension de la convention collectivesecoue tout le cinéma français. Après lestechniciens et les producteurs, les réalisateursentrent dans l’arène. Et veulent calmer le jeu.

C ette fois, tout lemonde est montédans le train du débat

public. Après le gouverne-ment, les syndicats de tech-niciens, ceux des produc-teurs indépendants, lesassociations professionnelles,les puissants distributeurs,c’est au tour des réalisateursd’entrer sur le ring entourantl’extension de la conventioncollective de la productioncinématographique fran-çaise. Un texte, intitulé «Ap-pel pour sortir de l’impasse»,intégralement reproduit surle site de Libération et cosignépar une dizaine de cinéas-tes (1), propose un retour aucalme et avance quelques hy-pothèses de travail pour que

cesse l’escalade à laquelle selivrent les partisans de l’ex-tension et ses adversaires.Pour résumer ce dossiercomplexe et technique, laconvention collective éten-due vise à doter l’industriedu cinéma de règles plus ri-gides que les pratiques ac-tuelles. Sous l’impulsion duministère du Travail et decelui de la Culture, un textea été adopté en janvier, pré-voyant de rétribuer au tarifsyndical tous les techni-ciens. Une mesure qui pro-voque la désolation au seindes producteurs indépen-dants qui ont pris l’habitudede jongler avec les salairesliés à leurs films. Ceux dontles budgets sont les plus ser-

LIBÉRATIONMERCREDI 24 AVRIL 2013

JEA

N­F

RAN

ÇO

ISM

ART

IN

rés se font aujourd’hui grâceaux concessions acceptéespar les techniciens, maisaussi par les comédiens, lesauteurs et les réalisateurs.Désespoir. Le débat s’estbrutalement envenimé lors-que le gouvernement a an-noncé l’entrée en vigueurd’une nouvelle conventionau 1er juillet. Ce texte, ratifiépar les syndicats et par l’APIregroupant les quatre grandsdistributeurs français (Gau-mont, Pathé, UGC, MK2),fait le désespoir des produc-teurs indépendants qui mul-tiplient les initiatives pourentraîner un gel de cette ex-tension. Pétition, appel auprésident de la République etpolitique de la chaise

HANNAH ARENDT: L’ORIGINE DU MALAISE PAGES VI ­ VII

vide dans l’ensembledes commissions qui régis-sent le fonctionnement ducinéma français. De nouvel-les discussions aboutissentfinalement au principe d’unecommission de dérogationqui, durant les cinq ans quiviennent, statuera sur le sortde films au budget inférieurà 2,5 millions d’euros afin,qu’à titre exceptionnel, leurproducteur puisse engagerdes techniciens en-deçà dutarif syndical. Dans la fouléede la création de cette com-mission, le gouvernement adonné une mission de mé-diation à Raphaël Hadas-Le-bel qui dispose de deux moispour tenter d’obtenir un ac-cord durable.Dans sa première partie,l’appel des cinéastes rendcompte des arguments desdeux parties, soulignant no-tamment que les réalisateurs«partagent le constat des tech-niciens qui dénoncent la dériveà la baisse de leurs salaires de-puis une dizaine d’années». Letexte admet les difficultésliées aux emplois du tempsdes techniciens qui font faceà «des situations intenables :refusant, par exemple, un filmpour un autre qui sera annuléau dernier moment».

Toutefois, le constat s’ac-compagne d’une condamna-tion de la convention collec-tive étendue, soulignant queses termes ont été conçusavant tout «pour les films àhaut budget». Les autresfilms, tous les autres, seraientconfrontés à de tels surcoûtsqu’une partie d’entre eux nepourrait plus se faire.D’autres auraient massive-ment recours aux délocalisa-tions. «En tant que réalisa-teurs, nous sommes bien placéspour comprendre le point devue des uns et des autres. Maisla vérité est que nous nous sen-tons pris en tenaille entre deuxlogiques qui s’affrontent et quenous avons pour finir un troi-sième point de vue.»«Liberté». Il s’agit pour lesréalisateurs de défendrel’idée que «chaque film, cha-que projet artistique, génèreson propre dispositif de tour-nage et de fabrication. Cer-tains films appellent des équi-pes très réduites, d’autres deséquipes à géométrie variable.Il est de la plus haute impor-tance d’un point de vue artis-tique, de préserver la liberté decréer ce dispositif avec le pro-ducteur et nos collaborateurstechniques».Pour parvenir à cet objectif,

le collectif préconise troismesures d’urgence. En pre-mier lieu, que la nouvelleconvention collective prenneen compte «les différences deréalité économique et artisti-que des films». Selon sonbudget (l’appel en identifiequatre types, à plus de8 millions d’euros, entre 3,5et 8 millions, entre 1 et3,5 millions, et enfin ceux àmoins de 1 million), le film

pourrait disposer d’unemarge de manœuvre plus oumoins importante pour pro-poser des salaires en dessousdu tarif syndical (au maxi-mum -20%).Deuxième mesure préconi-sée par le collectif : «Solida-riser cette renégociation à uneréflexion sur le financementdes films à petit et moyen bud-get afin d’élaborer des mesurespour endiguer les délocalisa-tions.» Enfin, les cinéastesappellent à la constitutiond’un groupe de réflexion,

réunissant réalisateurs, pro-ducteurs et techniciens qui«pourraient devenir de vérita-bles forces de propositions».Invectives. Quoiqu’onpense de ces propositions, lalettre des cinéastes arrive àpoint nommé pour faire re-démarrer un dialogue quitourne depuis trois mois auconcert de communiqués ra-geurs et d’invectives diver-ses. Petit panorama de la

crise de nerfs ducinéma français.La revendicationessentielle dessyndicats detechniciens visedonc à l’applica-tion stricte destarifs. Pour un

chef opérateur, une scripte,un monteur, un machino, uningénieur du son, un décora-teur, une habilleuse, les sa-laires aujourd’hui sont flexi-bles. Beaucoup trop selon lessyndicats. «Nous sommes lavariable d’ajustement desfilms sous-financés» est laphrase qui revient régulière-ment en préalable de toutecommunication. De fait, denombreuses productionsproposent des salaires revusà la baisse par rapport au ta-rif syndical. De -10% à -50%

dans certains cas extrêmes.«Dans de très nombreux cas,il s’agit d’un refus d’accorderles droits sociaux, dit DanielEdinger, représentant de laCGT. Or, le cinéma françaisn’est pas une industrie en crisecomme la sidérurgie. Il y a del’argent. Il s’agit de refuserque ce système ne bénéficiequ’à une multitude d’excep-tions et qu’il n’y ait finalementplus de règle.» Olivier Ber-trand, chef opérateur, sou-tient ainsi l’extension «pourrééquilibrer le rapport de forceemployés-employeurs dans lecinéma. Lors d’un engage-ment, le technicien se retrouvebien seul face à son possibleemployeur. Il s’agit d’un vio-lent rapport social qui s’ex-prime par la menace, même(et surtout ?) quand elle estenrobée dans un discours met-tant en avant la valeur artisti-que supposée du film à faire».Même constat pour AnitaPérez, monteuse. «Nous ac-ceptons ces conditions parcequ’il faut travailler, parce quenous avons envie de faire cefilm-là avec ce réalisateur-là,parce que parfois nous n’avonspas d’autre proposition, parceque le chômage devient de plusen plus difficile.»Pour Denis Gravouil, chef op

et représentant CGT, «c’estl’absence de convention col-lective étendue qui a permis laconstruction de budgets baséssur de plus en plus de baissesdes salaires. Inversons le pro-cessus: dans un nouveau con-texte, les producteurs, et plusgénéralement la profession etles pouvoirs publics, vont seposer les questions d’un autreenvironnement social et defaire exister les films dans cecontexte».«Grille». Les producteurs,dont les syndicats n’ont passigné la convention (SPI,UPF, APC, AFPF, APFP), sonten désaccord complet. «Il estdifficile d’entendre que lestechniciens sont les seules va-riables d’ajustement du ci-néma français», dit BertrandGore, du Syndicat des pro-ducteurs indépendants.«Nous sommes tous soumis àce régime. Je ne connais pasun producteur qui s’en metplein les poches en faisant deséconomies sur les salaires deséquipes. L’immense majoritédes films prend en compte tousles paramètres et tente de rap-procher les salaires de la grille.Mais quand on parle de salaireminimum, il s’agit en réalitéd’un maximum.» Pour le SPIcomme pour les autres syn-

«Le cinéma français n’estpas une industrie en crisecomme la sidérurgie.Il y a de l’argent.»Daniel Edinger de la CGT

JEA

N­F

RAN

ÇO

ISM

ART

IN

II • CINÉMA ZOOM

dicats de producteurs, ledanger de cette extension re-pose sur sa rigidité, interdi-sant à des films la souplessequi est aujourd’hui la leur.Selon eux, entre 50 et70 films seraient menacéschaque année (lire ci-dessus).Pour Alain Attal, représen-tant l’APC, autre syndicat deproducteurs opposé à l’ex-tension, le problème vient dufait que les syndicats detechniciens ne veulent pasvoir que la production enFrance a changé. «La réalité

de ce métier, c’est que noustravaillons tous avec des équi-pes constituées depuis des an-nées. Aussi, en fonction desbudgets des films et des ris-ques pris, il est fréquent que lesbesoins soient très différents.Lorsque nous faisons les PetitsMouchoirs, de Guillaume Ca-net, les heures supplémentai-res, les tarifs de nuit, tout estpayé au tarif parce que le filmbénéficie d’un financementconfortable. En revanche, surun projet plus risqué commeRadiostars, de Romain Levy,

dont c’est le premier film, jedemande à l’équipe de fairedes concessions. Aux acteurs,qui demandent des cachets in-férieurs à d’autres films, maisaussi à l’équipe technique.Mais ce sont les mêmes avecqui on a travaillé sur les Petitsmouchoirs. Toujours est-ilqu’avec l’extension, Ra-diostars aurait coûté entre300 000 et 400 000 euros deplus et je n’aurais pas pu pren-dre ce risque.»Réconciliation. L’autre ar-gument fort des producteursest le risque de la délocalisa-tion. Le nier n’a aucun sensaujourd’hui, puisque desproductions vont chercher enBelgique ou au Luxembourgdes conditions salariales plusavantageuses, tandis que laRoumanie et d’autres paysd’Europe centrale offrent desconditions d’extérieurs pluséconomiques. «Avec une ex-tension sous cette forme, le ris-que est démultiplié», affirmeAlain Attal. «Et nous ne vou-lons pas aller chercher ailleursce qui est très bien fait enFrance. Or, même si cela sepasse déjà à l’heure actuelle,

notamment pour les films pu-blicitaires, le processus vas’accélérer et ce n’est unebonne nouvelle pour per-sonne.»Compte tenu de la tournurede l’affaire, la mission con-fiée au médiateur ne sera pasune partie de plaisir.Aujourd’hui, il se refuse àapporter le moindre com-mentaire au cahier des char-ges de sa mission, ne voulantprêter le flanc à aucune in-terprétation. Avant de re-mettre son rapport aux mi-nistres de la Culture et duTravail entre les 3 et 7 juin, ils’agira avant tout pour Ra-phaël Hadas-Lebel de tenterune réconciliation générale.Sur ce point au moins, ilvient de se trouver des alliéspotentiels avec les cinéastessignataires de cet appel.

BRUNO ICHERDessins

JEAN-FRANÇOISMARTIN(1) Stéphane Brizé, MalikChibane, Catherine Corsini,Pascale Ferran, RobertGuédiguian, Agnès Jaoui,Cédric Klapisch, ChristopheRuggia, Pierre Salvadoriet Céline Sciamma.

«C inquante à soixante-dix filmspar an sont condamnés.» C’estle credo des syndicats de pro-

ducteurs indépendants contre l’exten-sion de la convention collective. A l’ap-pui de cette inquiétude, circule sur leNet un clip compilant une vingtaine defilms (Séraphine, Polisse, la Guerre estdéclarée, Radiostars, Mammuth, Tournée,Holy Motors…) dont la faisabilité auraitété menacée. Nous avons choisi deuxautres exemples de films répondant à cecas de figure, illustrant la complexité dufinancement du cinéma mais aussi lafragilité de ces projets. L’un et l’autresont sortis entre 2011 et 2013, et leurréalisateur signait là leur deuxième etquatrième film. Nous avons choisi de nedivulguer ni le titre de ces films ni lenom de leur réalisateur, afin de décon-necter la qualité du film et la cote desympathie des réalisateurs de la réalitédes chiffres.«Surcoût». Le premier a été réalisé surla base d’un budget de 920 000 euros,pour 20 jours de tournage, pratique-ment sans préparation. Une période trèscourte, mais le projet a été pensé en cesens dès le moment de l’écriture.L’équipe comprenait entre 11 et 15 per-sonnes; les chefs de poste (image, mon-tage et directeur de production) ont étérémunérés entre 15000 et 19000 euros.

L’équipe a été engagée à -50% du tarifavec la promesse, de la part de la pro-duction, de monter à - 30 %, voire auversement de l’intégralité du tarif, sideux sources de financement (région etchaîne de télé) donnaient leur accord.Ce qu’elles ont fait. Tout le monde adonc été payé au tarif et le salaire duréalisateur, également auteur, est passéde 30 000 euros initialement, à70000 euros. Le salaire producteur at-teint, lui, 64000 euros, correspondantà deux ans de vie professionnelle. Lefilm a réuni plus de 300000 spectateursen salles.Commentaire du producteur: «Avec l’ex-tension de la convention, nous n’aurionspas pu faire le film. Nous n’avions pasd’équipe type, et les salaires ne correspon-daient pas aux postes. Nous n’avions pasde chef électro et machino, par exemple. Deplus, nous devions tourner en été. Or, nousavons eu le financement de Canal + enjuillet, ce qui correspondait à un feu vertpour nous, et nous avons commencé letournage en août. C’est trop rapide vis-à-vis d’une commission de dérogation. Quantaux financements complémentaires, ils sontarrivés en cours de processus, ce que laconvention ne permet pas.»Le second exemple a été réalisé avec unbudget de 2500000 euros pour 42 joursde tournage. L’équipe a été engagée

à moins 25% du tarif. Tout le monde aconsenti des salaires à la baisse, mêmeles comédiens (140000 euros pour toutle poste interprétation). Le salaire pro-ducteur se monte à 70000 euros, alorsque les frais généraux atteignent147 000 euros. Le film a réuni30000 spectateurs en salles.Commentaire du producteur : «Le fi-nancement a été difficile à réunir. Cela apris tant de temps que le tournage a été re-poussé d’un an et que le scénario a dû êtreremanié. Avec l’application de l’extension,en passant notamment l’équipe au tarifsyndical, j’ai calculé que le surcoût repré-senterait 290 000 euros, et c’était tout àfait impossible.»«Relais». Par rapport à ces exemples,Denis Gravouil, représentant CGT, dé-fend le principe d’une convention éten-due. «Il faut poser la question en amont,c’est-à-dire résoudre le problème de fi-nancement des films en mutualisant mieuxles choses au CNC [Centre national ducinéma et de l’image animée, ndlr]: aulieu de devoir attendre l’arrivée du finan-cement supplémentaire, le CNC pourraitprendre le relais par un fonds spécial. Danstous les cas, ces chiffres montrent que lessommes manquantes ne sont pas exorbi-tantes et sont donc trouvables si on a la vo-lonté politique de faire exister les films.»

B.I.

«Libération» a pris l’exemple de deux films français récentsqui n’auraient sans doute pas vu le jour avec le nouveau texte.

LA CONVENTIONCOLLECTIVE APPLIQUÉEÀ DEUX CAS D’ÉCOLE

« Film troublant (…) dont la force tientà une sorte de double secret. »

LIBÉRATION

Une lettre d’amour autobiographique de Michel Gondry.Une histoire personnelle et singulière

livrée avec émotion et tendresse.

FILM

© 2

009

Part

izan

Film

s -

DVD

© 2

013

Editi

ons

Mon

tpar

nass

e. T

ous

droi

ts ré

serv

és.

DISPONIBLE SURwww.editionsmontparnasse.fr

RETROUVEZ-NOUS SUR

L’épine dans le cœurMichel Gondry

un film de

FILM

© 2

009

Part

izan

Film

s -

DVD

© 2

013

Editi

ons

Mon

tpar

nass

e. T

ous

droi

ts ré

serv

és.

epine dans le coeur ap liberation 80x126.indd 1 05/03/13 13:17

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 ZOOM CINÉMA • III

PARADIS: FOId’ULRICH SEIDLavec Maria Hofstätter, NatalyaBaranova, René Rupnik… 1h53.PARADIS: ESPOIRavec Melanie Lenz, Verena Lehbauer,Vivian Bartsch… 1h31.

Commençons par autre chose.Dans leur dernier numéro, les Ca-hiers du cinéma proposent un dos-sier en forme de manifeste sur lesjeunes cinéastes français. Unegrande vitalité émane de ces pageset de leur optimisme volontaire, oùle rédacteur en chef de la revue enappelle notamment au lyrisme, su-jet sur lequel on a envie de lui don-ner entièrement raison: le cinémafrançais souffre certainement d’unesorte d’inhibition formelle dont onpeut faire remonter la cause à sonhandicap lyrique historique. C’estun peu comme si son seul vraiavantage compétitif, son chic céré-bral, se payait d’une forme de timi-dité (ou de fausse pudeur) àl’image. Cela étant, personne nepeut souhaiter qu’une norme enremplace une autre, et le dossier

des Cahiers ne tombe pas dans cepiège non plus. Ce dont a le plusbesoin le cinéma, français commemondial, ce n’est pas d’un nouveauconformisme, c’est de davantagede diversité.Dégoût. Ulrich Seidl n’est ni fran-çais ni lyrique, mais son cinémacontinue de poser un curieux pro-blème à la critique, très divisée surson cas. Après Paradis : amour, satrilogie sur l’Eden arrive à sonterme avec la sortie conjointe desdeux derniers volets, Paradis: foi etParadis : espoir. Au-delà du petitexploit de production et de réalisa-tion que cela représente, Seidl aréussi le joli tour de force symboli-que de présenter successivementchacun des panneaux de son trip-tyque en une année dans les troisplus grands festivals européens :Cannes, Venise, puis Berlin. Maiss’il tape dans l’œil des sélection-neurs, Seidl a rencontré à chaquefois de grosses difficultés à con-vaincre les festivaliers : le rejet deses films est constant et brutal et lesentiment que le cinéaste autri-chien réveille le plus souvent chezses spectateurs, c’est le dégoût.

Cela tient pour beaucoup à sa mé-thode. Qu’il aborde le tourismesexuel africain des divorcées occi-dentales (Amour), l’épidémied’obésité chez leurs enfants (Es-poir) ou l’hystérie fondamentalisted’une chrétienne (Foi), Seidl choisitd’abord des sujets qui font mal. Illes traite ensuite le plus «à plat»possible, par de longs plans fixes etlarges, qui seraient voyeuristes s’ilsétaient embusqués, ce qui n’est ja-

mais le cas. Ce regard est jugé cruelet même sadique, parce qu’il cher-cherait à nous faire jouir du mal-heur de personnages rendus gro-tesques par le metteur en scène.Pourtant, on peut éprouver le sen-timent presque inverse : moinscruel que cru, moins sadique quescientifique, le cinéma de Seidlprésente surtout la qualité scanda-

leuse de se soustraire à l’empire del’affect.Bulle. Sans doute est-ce une uto-pie, dans la mesure où nul cinéastene saurait s’abstraire parfaitementde toute forme de sentiment psy-chologique, mais c’est véritable-ment ce vers quoi tend Seidl, etc’est ce mouvement qui dépose soncinéma sur les rivages méconnusd’un hyperréalisme distancié, voi-sin des registres du documentaire

et pourtant biencampé dans la fic-tion. C’est ainsi l’ex-trême rigueur de sonprogramme quidonne à Seidl ce styleunique dans le pay-sage contemporain :un programme que le

cinéaste accomplit à la manière, ré-pétons-le, d’un scientifique. Dansla discipline qu’il s’est choisie, lacaméra est une machine, un appa-reil de laboratoire, utile à la réalisa-tion d’expériences. Dans un autreregistre, Steve McQueen cultive luiaussi un sillon analogue.Refuser de travailler avec ses af-fects ne signifie pas renoncer à

avoir des idées et c’est peut-être aufond ce qui est le plus difficile àavaler à propos de ce cinéaste mal-commode: Ulrich Seidl agit en sa-vant mais son cinéma s’exprime enartiste.Des trois épisodes qui composentson Paradis, le segment Foi est sansdoute celui où se manifeste le mieuxcette ambivalence. Portrait presquesilencieux d’une femme entre deuxâges qui se ferme progressivementà la vie à mesure qu’elle s’ouvre àJésus, lequel la possède chaque jourdavantage, ce panneau «du milieu»est aussi celui où s’exprime le plusradicalement l’équilibre presqueimpossible dont Seidl a fait l’objetde sa quête. Isolant son héroïne(extraordinaire Maria Hofstätter)dans la bulle d’une mise en scèneclinique et froide, le film ne peutlutter contre sa propre beauté,sourde et menaçante, et qui semblegagner peu à peu les lumières, lescouleurs, les personnages.Parfois, dans la sécheresse antilyri-que du cinéma de Seidl surgissentun souffle et des passions insoup-çonnables.

OLIVIER SÉGURET

LE PÉCHÉ ORIGINAL DE SEIDLCLINIQUE L’Autrichien Ulrich Seidl clôture son triptyque paradisiaque avec «Foi» et «Espoir».

Moins cruel que cru, moinssadique que scientifique, lecinéma de Seidl présente surtoutla qualité scandaleuse de sesoustraire à l’empire de l’affect.

Obésité etcrucifix au menu.PHOTOS DR

IV • CINÉMA À L'AFFICHE

L’ÉCUME DES JOURSde MICHEL GONDRYavec Romain Duris, Audrey Tautou… 2h05.

Est-ce qu’on a envie aujourd’hui, là,maintenant, tout de suite, de voir uneadaptation de l’Ecume des jours, de BorisVian, par Michel Gondry ? Peut-êtremais alors à quelles conditions? C’est ceque l’on se dit en assistant avec un en-nui a priori inexplicable au feu d’artificede créativité du cinéaste français qui al-lume toutes les mèches visuelles possi-bles à partir des réserves de métaphoresdu texte original. Quelque chose pour-tant d’entrée de jeu cloche dans le stac-cato un rien forcé de la mise en place despersonnages, du décor et du récit.L’histoire de la rencontre du dandy àl’aise Colin et de la pétillante Chloé,comment ils se marient et se disloquenttrès vite face à la maladie de la jeunefemme qui a un nénuphar dans le pou-mon, est connue. Mais si Gondry trouvedes traductions bricolées aux images deVian, s’il sature chaque plan d’idées,d’astuces, de surprises, de gadgets et dechangements d’échelle, il ne peut ja-mais surmonter l’écueil d’un castingproblématique. Qui, à quel moment, adécidé d’embaucher Romain Duris,Audrey Tautou, Omar Sy, Gad Elmaleh,Alain Chabat ou Philippe Torreton, sansjamais tirer la sonnette d’alarme du pla-teau-repas indigeste?Le règne des agents sur le cinéma fran-çais, qui était le sous-texte de la polé-mique lancé en début d’année par Vin-cent Maraval, s’illustre ici dans leblindage absurde du moindre recoin dufilm par des têtes d’affiche que plusgrand monde n’a spécialement envie devoir en peinture. Duris est un super-ac-teur, il a une aisance incroyable maisquand il rapplique dans son petit cos-tume cintré, on a encore dans l’œil lecoach de la dactylo de Populaire sorti ily a quatre mois. Tautou est probable-ment une chic fille, mais elle reste can-

tonnée au registre fatigant de la femmeperpétuellement tiraillée entre la brunepiquante et la poupée brisée. S’affichanten une des gazettes people avec une ba-nane de champion de la drague ayantréussi là où toute la concurrence avaitbavé mais échoué (la conquête de laprincesse de Monaco Charlotte Casira-ghi), Gad Elmaleh peut enfiler toutes les

lunettes en peau de lézard qu’il veut, iln’est pas hypercrédible en fan addict duphilosophe Jean-Sol Partre. Enfin,Omar Sy, qui joue l’ami-serviteur Nico-las, raconte dans le dossier de pressequ’il a eu le rôle parce que Jamel Deb-bouze n’était plus libre…

La mise en scène ne parvient jamais enréalité à amalgamer ces acteurs à la pâtebizarre de l’imaginaire Gondry. Ils sontcomme des corps investis de la seulepoésie de leur notoriété et de la coted’amour que leur prêtent les produc-teurs. Et puis, pardon, mais ils sont tropvieux. Romain Duris a 38 ans, AudreyTautou 37, Gad Elmaleh 42, Omar Sy 35,

alors que Boris Vian en a 27quand le livre est publié etqu’il meurt à 39 ans.Comment dater les expé-riences vécues dans la fictionpar les personnages, leurdonner une épaisseur juvé-nile, troublante par la préco-cité cruelle même qui les

transperce, si à l’image, c’est un festivalde numéros depuis longtemps rodés degrimaces lucratives et de fausse jeu-nesse à la crème de caviar? Difficile defabriquer de l’idéal avec ce genred’ingrédients.

DIDIER PÉRON

L’ENCLUME DES JOURSDE GONDRYARTIFICE Adaptation du roman de Vian version pétard mouillé.

LA SIRGA de WILLIAM VEGAavec Joghis Seudin Arias, Julio César Roble… 1h34.

Le titre du film est aussi le nom de son principaldécor et plus beau personnage. Soit la Sirga, uneauberge toute de planches pourries et de tôle cre-vée, à l’écart de tout et à l’abri de rien, surtout pasde la pluie, des vents ou de la vase, vacillant sur lalagune andine de la Cocha. Depuis l’horizon grondela brutalité d’un conflit armé, lequel menace lacommunauté qui vivote alentour sans plus la tour-menter, tant son quotidien anémié regorge d’autrestracas: dévaluation des richesses minières, exco-riation saisonnière de l’armature de la gargote hô-telière, arrivée espérée de touristes qui chaque jourtardent un peu plus. Un matin, l’immensité lacus-tre en état de siège mais aux assiégeants invisiblesrecrache la silhouette somnambule d’une jeunefille, qui se dit nièce du maître revêche de la Sirgaet orpheline d’un village décimé par une indiscer-nable guérilla. Et puis reparaît à son tour un fils auxfrustes manières de soldat, qui préconise à tous defuir –mais où, on ne le saura pas.Une foule de gros mots pourrait qualifier ce pre-mier long métrage d’un cinéaste colombien: mu-tisme, picturalisme, statisme, allégorisme, mysti-cisme. Et même, plus vilain encore, tarkovkisme,beckettisme et antonionisme primaires. Est-cetrop gros, est-ce très grave? Peut-être, pour peuque l’on n’en puisse plus des tics d’une certaineinternationale auteuristo-festivalière option con-templation, aux étiques fictions immobiles, natu-res sublimes et personnages boudeurs. Est-ce fon-cièrement déplaisant ? Pas nécessairement. Lesmanières un rien scolaires et la surcomposition àl’œuvre dans la Sirga, ses jeux de surcadrages à lanetteté mouvante, son moiré virtuose et son ambi-tion parabolique balourde, tout semble passé autamis d’une douceur écarquillée. Mais du creuxde ses plans ethno-chics trop léchés déborde aussiune vibration beaucoup plus infime et élémen-taire, qui résiste au trop-plein allégorique du récitavec la vigueur discrète d’un geste documentaire.

JULIEN GESTER

«LA SIRGA»,AUBERGEDE GENÈSELAGUNE Variation andineet suresthétiquesur la violence armée.

3, CHRONIQUE D’UNEFAMILLE SINGULIÈREde PABLO STOLL WARDavec Néstor Guzzini, Matías Ganz,Carolina Centurión… 1h55.

Montevideo, capitale de l’Uruguay,entretient la réputation de métro-pole la plus bourgeoise et la plussûre du continent sud-américain.Peut-être est-ce pour cela que l’ons’y morfond et s’y emmerde si sè-chement, ou alors tout du moinsqu’en propagent cette légende grise

les rares cartes postales filmées quinous en parviennent. En guise dehérauts à cette cinématographie àl’efflorescence réelle quoique dis-crète depuis l’essor du numérique,il y eut d’abord les deux longs mé-trages coréalisés au début des an-nées 2000 par Pablo Stoll Ward etJuan Pablo Rebella, alors jeune duopresque trentenaire, fans de ChrisWare et des Simpsons.D’abord les charmes lo-fi de25 Watts, comédie du désœuvre-ment postado qui relatait l’exis-tence de trois représentants mon-

tévidéens de l’internationaleslacker, tout en flottements jar-mushiens. Puis, la loufoquerie unrien contrefaite de Whisky, satiresentimentale morose aux vignettesinfusées de bande dessinée et d’ab-surde scandinave, autour d’un triode quinquas aux aspirations enberne, sur fond de fabrique dechaussettes.En 2006, le tandem fut démembrépar le suicide de Rebella, et avec 3,chronique d’une famille singulière,Pablo Stoll Ward signait sa premièrefiction en solitaire. Celui-ci aura

beau rappeler que le scénario enavait été ébauché avant la mort deson compère, il serait impossible dene pas relever combien le principemême de séparation sous-tend tousles enjeux de ce conte familialaigre-doux, relaté une nouvelle foisà trois voix. Celles d’un trio dislo-qué, une adolescente et ses parentsdivorcés, qui tous deux cherchentà renouer sans trop savoir com-ment, tandis que leur gamine bou-tonneuse se cherche tout court.Les insatisfactions propres à l’âgede chacun et la désinvolture mé-

lancolique de tous se croisent et seconjuguent dans cette chroniqueplaisante de la solitude au milieudes autres dont le fuselage comiquese révèle parfois si fragile, si délicat,que 3, chronique d’une famille singu-lière manque alors de sombrer dansune sinistrose un peu tiède. Il s’ensauve souvent par le seul grince-ment d’un gag et ne fait ainsiqu’effleurer avec tendresse ce ca-fard déguisé en grimace qui bai-gnait les comédies naguère réali-sées à deux.

J.G.

«3», L’IVRAIE DE FAMILLEAIGRE­DOUX Comédie uruguayenne familiale et grinçante sur fond de crise d’ados.

Gondry ne franchit pas l’écueil des jours. PHOTO DR

Il y a un blindage absurdedu moindre recoin du film pardes têtes d’affiche que plusgrand monde n’a spécialementenvie de voir en peinture.

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 À L'AFFICHE CINÉMA • V

HANNAH ARENDTde MARGARETHEVON TROTTAavec Barbara Sukowa,Axel Milberg, Janet McTee… 1h53.

Faire un film, une fiction, une ro-mance sur l’une des plus grandescontroverses du XXe siècle, c’estaudacieux. Et périlleux. Missionpratiquement impossible qui, biensûr, ne pouvait qu’exciter la ci-néaste allemande Margarethe vonTrotta qui ne craint pas la polémi-que. Elle a bataillé pendant dix anspour monter son Hannah Arendt, unportrait de femme forte, indépen-dante, seule contre tous, comme enraffole la cinéaste, qui avait déjàtourné un film sur une autre héroïnejuive allemande, Rosa Luxembourg.Au point de l’aimer tant qu’elle faitun portrait enthousiaste de la philo-sophe, sans distance, sorte de Zorrointellectuel qui a raison contre sonmilieu, ses proches de la gauchenew-yorkaise ou ses amis alle-

mands sionistes installés en Israël.Même son amour de jeunesse pourle philosophe Martin Heidegger, quirejoindra le parti nazi en 1933, estavant tout une passion sympathi-que, illustrée par de douces prome-nades dans les forêts ou la ported’une chambre qui s’ouvre…Thèses. L’héroïne de Von Trotta estinterprétée par la formidable Bar-bara Sukowa, qui parle surtout alle-mand et aussi anglais avec un fortaccent. Après avoir fui l’Allemagnehitlérienne, Arendt s’est réfugiée àParis. Puis elle a réussi à s’échapper,avec son mari, du camp français deGurs (Pyrénées-Atlantiques), oùl’on emprisonnait les juifs étrangersavant de les livrer à la déportation.Exilée en Amérique, la philosopheest devenue une star universitaire etintellectuelle dans le New Yorkd’après-guerre; elle a publié un li-vre fondamental, les Origines du to-talitarisme, qui compare enfin lesdictatures nazie et stalinienne. Ellefume, elle boit, elle enseigne, elleest heureuse.Mais le film commence en 1960,quand l’histoire rattrape la philoso-phe. Les Israéliens ont retrouvé etenlevé Adolf Eichmann, l’exécuteur

de la Solution finale, qui se cachaità Buenos Aires. Son procès, en 1961,sera le seul en Israël d’un grand res-ponsable de l’extermination desjuifs d’Europe. Arendt demande auNew Yorker de l’envoyer couvrir leprocès à Jérusalem. Ce seront cinqarticles dans le magazine, puis le fa-meux livre Eichmann à Jérusalem quidéclenche, et provoque encore deviolents débats autour de ses thè-ses: la plus importante, le conceptde banalité du mal. Eichmann neserait qu’un nobody, comme dit enanglais l’héroïne du film, unhomme quelconque (lire ci-contre).Et la deuxième, les conseils juifsimposés par les nazis ont aidé àl’extermination, les juifs auraientdû se révolter ou, au moins, «ne rienfaire».Petit fonctionnaire. L’héroïne,malmenée, attaquée de toute part– surtout par les juifs –, résiste etdéfend courageusement sa penséeindépendante, comme l’explique laréalisatrice qui fusionne avec la phi-losophe, filme comme si nous

étions, nous et elle,en 1961. «Comme HannahArendt, je ne veux jamaisjuger, je cherche juste àcomprendre», dit Marga-rethe von Trotta.Mais nous ne sommes plusdans les années 60, leshistoriens ont travaillé.

Ainsi, les conversations de l’an-cien SS à Buenos Aires avec le nazihollandais Willem Sassen sontmaintenant connues et montrent unEichmann militant, loin de l’imagedu petit fonctionnaire servile qu’iltentait de présenter, pour sa dé-fense, face au tribunal. Et les œuvresmonumentales d’un Raul Hilberg oud’un Saul Friedländer ont replacé lerôle des conseils juifs dans le sys-tème pervers nazi. Les journaux deces responsables juifs ont été publiés– presque tous se sont suicidés ouont été exécutés. Enfin les recher-ches récentes sur la «Shoah par bal-les» montrent que plusieurs mil-lions de juifs ont été tués sur place,sans conseils et sans transport.Donc s’il faut se mettre dans la peaude Hannah Arendt, ce sera celle quiécrit ces dernières lignes de son li-vre sur Eichmann : «Puisque vousavez soutenu et exécuté une politiquequi consistait à refuser de partager laterre avec le peuple juif et les peuplesd’un certain nombre de nations, on nepeut attendre de personne qu’il veuillepartager la terre avec vous. C’est pourcette raison, et pour cette raison seule,que vous devez être pendu.»

ANNETTE LÉVY-WILLARD

ARENDTSUR IMAGESIXTIES Biopic passionnéde la philosophe à l’époquedu procès Eichmann à Jérusalem.

E ntreprendre un film à sus-pense sur un philosophe estaussi évident que le dessin

d’un cercle carré. A moins queHannah Arendt ne s’yprête particulièrement.Entretien avec BarbaraCassin, philosophe, directrice derecherche au CNRS et qui vient depublier la Nostalgie : quand doncest-on chez soi ? Ulysse, Enée,Arendt (éditions Autrement).Reconnaissez-vous dans le filmla philosophe que vous lisez ettraduisez?Je reconnais des propos, des phra-ses, sa langue. Lorsque, par exem-ple, elle dit: «J’ai manqué Nurem-berg, je n’ai jamais vu ces gens en

chair et en os», c’est une citationtirée d’une lettre à la FondationRockefeller. Le film aurait pu s’ap-peler la Banalité du mal. Sa réus-site, c’est d’être grand public en secentrant sur quelque chose d’assezpeu spectaculaire : l’élaborationd’un concept, avec toute sa traîne,sa trouvaille, ses tenants et sesaboutissants. Comment le conceptest reçu et bouge, à partir des dé-formations qui en sont faites. Onvoit comment la banalité du mal,brandie aujourd’hui comme uncliché à chaque fois qu’un crimi-nel apparaît comme insignifiant– la mère modèle infanticide, le

fonctionnaire qui en-ferme sa fille dans unecave – est une idée

inaudible et scandaleuse lorsqueHannah Arendt l’élabore à partirdu témoignage d’Adolf Eichmann.Pourquoi ce scandale?L’expression est comprise commeune insulte à la mémoire, une ma-nière de disculper Eichmann en lenoyant dans plus grand que lui.On reproche à Arendt de confon-dre le véritable Eichmann et la dé-fense qu’il oppose au tribunal. Or,et le film réussit à être passionnant

Chercheuseau CNRS,Barbara Cassinconfronte le filmà la pensée deHannah Arendt.

«CE QUI CHOQUE,Margarethe Von Trotta faitun portrait enthousiaste dela philosophe, sans distance,sorte de Zorro intellectuelqui a raison contre son milieu.

en restituant des joutes verbales,Hannah Arendt n’a jamais écritque le rôle d’Eichmann était su-balterne. Mais que lui-même était,non pas «diabolique», mais inca-pable de «penser». Dès lors, ce quila captive, c’est de comprendrel’articulation entre son impuis-sance et son zèle meurtrier. PourHannah Arendt, Eichmann disso-cie le remplissage des convois, quiest sa fonction, et leur destination,qu’il connaît bien sûr. Ce n’est pasque Eichmann ne savait pas, ouqu’il avait un rôle mineur, maisqu’il n’était pas capable de s’inté-resser à ce qu’il savait. Ce que dé-couvre Hannah Arendt et qui cho-que, c’est le mal sans motif. Ellene dit jamais que Eichmann eststupide, et que cette supposée stu-pidité expliquerait quoi que cesoit. Elle ne dit pas non plus queEichmann est mu par un antisé-mitisme dévorant. Certes, il l’est,par conformisme. Durant le pro-cès, il explique qu’il a vécu toutesa vie selon les préceptes morauxde Kant et qu’il a dû cesser au mo-ment où il a été chargé de mettreen œuvre la Solution finale. Com-ment, et par quel mécanisme, en

INTERVIEW

Adolf Eichmann, lors de son procès à Jérusalem, le 20 juin 1961. PHOTO ULLSTEIN BILD. ROGER­VIOLLET

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013VI • CINÉMA À L'AFFICHE

C’est sur IRON MAN 3, réalisépar Shane Black, que l’indus­trie du blockbuster fonde latotalité de ses espoirs cettesemaine, aucun autre film decet acabit n’étant à signalerdans le voisinage immédiat.Iron Man 3 ne sortira pasavant début mai aux Etats­Unis, et c’est à Paris, auGrand Rex, qu’a eu lieuil y a quelques jours l’avant­première mondiale, souscondition d’embargo critique.La rumeur ne respectant pasles NDA (non­disclosureagreements), le bruit courtdepuis que cet épisode seraitle meilleur de la saga. Signedes temps et de la nouvelledonne Chine­Etats­Unis :le public chinois aura le privi­lège d’un contenu spécifique,certaines scènes ayant été

tournées à son attentionexclusive. Comme c’est sou­vent le cas désormais, IronMan 3 a été reconverti en 3Daprès son tournage.A l’autre bout du spectre del’industrie, on trouve un filmen provenance de la cinéma­tographie la moins impérialistedu monde : l’Islande.SURVIVRE, de BaltasarKormakur, raconte une épo­pée tragique inspirée d’un faitdivers authentique ayant bou­leversé l’île nordique en 1984 :l’exploit d’un pêcheur, seulrescapé du naufrage d’un cha­lutier en plein hiver, parvenuhéroïquement à sauver sa vieaprès une nage forcenée deplus de six heures dans leseaux glacées de l’Atlantique.Parmi les rééditions du jour,on soulignera LA MORTD’UN CYCLISTE (1954),de Juan Antonio Bardem,avec l’incandescente LuciaBose, autrement dit la plusbelle femme du monde.On signalera aussi cette rarecuriosité : HEIDI (1952),de Luigi Comencini. Oui, lafameuse petite orpheline quivit avec son grand­père dansun chalet isolé des Alpes suis­ses et passe, la bienheureuse,ses journées à batifoler dansles pâturages en compagniedu jeune berger Peter…

D’AUTRESFILMS

vertu de quelle obéissance, la pen-sée ne se met-elle pas en marche,alors que tout fonctionne, mêmela culture ? C’est ce qui intéresseHannah Arendt.La banalité du mal est aujourd’huiun poncif. Pourquoi l’expression a-t-elle perdu sa force?Aujourd’hui, on comprend l’ex-pression comme une manière dedire: «Le mal est la chose la mieuxpartagée.» Ou encore, variantelégèrement plus juste mais insuffi-sante: «Nul n’a besoin d’être dia-bolique pour commettre le pire.»Si bien que l’expression paraît àtort convenir à tout criminel etl’absoudre. Or, Hannah Arendtn’arrive pas toute armée à Jérusa-lem avec son concept. Margarethevon Trotta montre avec raisonqu’il surgit de la vie. Il naît d’unétonnement: «Cet homme ne s’ex-prime que par clichés.» La banalitédu mal, c’est en premier lieu cela:l’impossibilité de s’exprimer dansune langue vivante. La retrans-cription de la conférence deWannsee du 20 janvier 1942, à la-quelle participe Eichmann, esttrès impressionnante. Alors que ladécision de «la Solution finale à la

question juive» y est prise, il n’y arien. On est face à une successionde banalités, problem solving entregens bien élevés. En deux heures,toutes les difficultés techniques etadministratives que posent lescamps d’extermination sontpliées. Et c’est cela que dit Han-nah Arendt et qui a étési mal compris : le malest d’abord dans l’artde signifier le pire, demanière à ce qu’il nedérange même pas leslocuteurs. Ainsi enest-il du terme «Solu-tion finale», euphé-misme pour qualifier l’éradicationdes juifs.Hannah Arendt a-t-elle élaboré unEichmann en partie imaginaire?Si elle l’a fait, c’est à travers sesmots à lui, comme en témoignel’envahissement de son intérieurnew-yorkais par les dossiers quiretranscrivent le procès. Quand onregarde Un spécialiste, portrait d’uncriminel moderne, de Rony Brau-mann et Eyal Sivan, un documen-taire conçu à travers les imagesd’archives du procès, on retrouvele même Eichmann. En revanche,

notre lecture d’Eichmann à Jérusa-lem est sans doute très différenteaujourd’hui de celle qui en a étéfaite juste après le procès.Reconnaissez-vous complètementHannah Arendt?L’actrice est exceptionnelle, maisle visage de Hannah Arendt m’a

manqué, sans douteparce que je le connaiset que je l’aime jusquedans sa manière devieillir. Ce qui est trèsjuste, c’est son lien,non pas à l’Allemagne,mais à sa langue mater-nelle, elle qui garde

toujours son accent, son rythmeet ses exclamations au cœur deson anglais. Si elle éprouve unenostalgie de migrante longtempsapatride, c’est vis-à-vis d’unelangue et non d’une patrie ou d’unpeuple. On l’entend dire qu’ellen’appartient à aucun peuple, niallemand ni juif, et qu’elle n’aimeque ses amis.L’histoire d’amour avec MartinHeidegger a-t-elle nui à HannahArendt?On l’a accusée d’être sous son em-prise. En France, le Nouvel Obs a

titré lors de la parution de Eich-mann à Jérusalem, «Hannah Arendtest-elle nazie ?». Car, avec unamant pareil, la question se posaitforcément, même si elle a quittél’Allemagne en 1933 et fut inter-née dans le camp de Gurs, enFrance. Elle est insoupçonnable decollaboration, pourtant rien n’estexagéré dans le film quand il mon-tre les menaces de mort qu’ellereçoit.Outre le concept de banalité dumal, ce qui scandalise est sa criti-que des conseils juifs, commeayant accru l’efficacité des nazis.Evidemment, et si le film la mon-tre en Israël, il n’évoque pas sacorrespondance avec GershomScholem [historien et philosophe,ndlr], qui fut pourtant très violenteet triste. Le film se clôt en lui don-nant la parole, lors d’une confé-rence dont j’ignore pour ma partsi elle s’est réellement dérouléeainsi et où elle met au clair certai-nes distinctions : «Ce n’est pasparce que je critique certains con-seils juifs, que je dis que le peuplejuif, les juifs ne se sont pas révoltésautant qu’ils l’ont pu.»

Recueilli par ANNE DIATKINE

OPA

LE

C’EST LE MAL SANS MOTIF»

Iron Man avec Gwynethpas trop moche. PHOTO DR

L’Allemande Barbara Sukowa interprète Hannah Arendt. PHOTO DR

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 À L'AFFICHE CINÉMA • VII

Film Semaine Ecrans Entrées Moyenne/écran CumulLES PROFS 1 529 766 127 1 448 766 127LES GAMINS 1 508 365 561 720 365 561PARKER 1 145 99 687 687 99 687LES CROODS 2 661 349 838 529 850 366THE GRANDMASTER 1 266 134 845 507 134 845

On rit, on s’amuse avec les en­trées tonitruantes de deux comé­dies françaises trustant la tête duclassement. Curieusement, on at­tendait plutôt les Gamins en pre­mière position, avec Alain Chabatdans le rôle d’un adulte attardé,mais ce sont les Profs, de Pierre­

François Martin­Laval, qui décro­chent la plus belle moyennehebdo depuis longtemps. Belleperformance du dernier WongKar­wai, de même que Gus VanSant avec son Promised Land quiobtient une moyenne de410 spectateurs par écran et un

total de 82000 entrées. Au cha­pitre dégringolade, Oblivion vitmal sa deuxième semaine, enre­gistrant une chute de 42% de sonaudience, et Des gens qui s’em­brassent confirme son statut decatastrophe avec 133 000 en­trées en deux semaines.

TICKETS D’ENTRÉE (SOURCE «ÉCRAN TOTAL»)

DR

DR

DR

THE GRANDMASTERde Wong Kar­wai, 2h02.Evocation à la fois éblouissante etcrevassée de la vie de Ip Man,maître mythologique de la disci­pline martiale du wing chun, exiléà Hongkong où il établira uneécole de formation après avoir fuile communisme. Ip Man (splen­dide Tony Leung) doit sa posté­rité à l’enseignement qu’il prodi­gua à un certain Bruce Lee,même si le film préfère s’attacherà réfléchir les convulsions de lasociété chinoise, jusqu’à sa révo­lution.

PROMISED LANDde Gus Van Sant, 1h46.Le grand sujet de Promised Land,c’est les risques que l’extractiondu gaz de schiste fait courir auxcitoyens, mais par­delà le tractédifiant, le nouveau Gus Van Santse révèle une auscultation sensi­ble de la réversibilité des expé­riences et des tremblements con­tradictoires qui agitent unindividu. Coscénariste et acteurprincipal, Matt Damon accompa­gne cette nouvelle mue du ci­néaste vers une épure classiquemais chaleureuse.

OBLIVIONde Joseph Kosinski, 2h06.Les publicités de Kosinski (réali­sateur de Tron : l’héritage) affir­maient déjà nombre des traits deses films à venir : gris bleuté etminimalisme architectural d’uni­vers cliniques presque entière­ment modélisés en images desynthèse, fascination pour le mo­tif de la gémellité, goût des para­doxes spatio­temporels… Cettefois, il désincarne la science­fic­tion en longues séquences gra­phiques dopées gâchées par unbarouf pompier signé M83.

TICKETS D’ENTRÉE (SOURCE «ÉCRAN TOTAL»)

CINEMA

•Tchat avec ElisabethLeuvrey, réalisatrice dudocumentaire la Traversée,aujourd’hui à 15 heures.

SUR LIBÉ.FR

w La première image?Un écran noir, celui de l’oubli.w Le film (ou la séquence) qui a trau-matisé votre enfance?Les jumelles de l’hôtel Overlook duShining de Kubrick.w Le film que vos parents vous ontempêché de voir?Taxi Driver qu’ils regardaient enVHS dans le salon. Je me rappelleavoir espionné l’écran caché der-rière un pilier et l’image furtive deDe Niro vêtu d’un bomber kaki etcoiffé d’une iroquoise me sembletoujours aussi subversive.w Une scène fétiche ou une scène quivous hante?Une des séquences d’ouverture deInferno, de Dario Argento, a prioriréalisée par Mario Bava, dans la-quelle l’héroïne plonge dans un sa-lon englouti à la recherche de saboucle d’oreille.w Vous dirigez un remake? Lequel?Je ne vois pas vraiment l’intérêt derefaire une œuvre aboutie. Si je de-vais refaire un film, autant qu’ils’agisse d’un mauvais film. Je diraisalors au hasard les Prédateurs du fu-tur, un film de science-fiction eigh-ties hautement improbable de Rug-gero Deodato.w Le film que vous avez le plus vu?Apocalypse Now, il s’agit à mon sensdu seul film qui restitue la dimen-sion absolument psychédélique etdélirante de la guerre. Il ne pouvaitêtre réalisé que par des fous.w La BO qui vous trotte dans la tête?J’ai beau chercher, je n’entendsrien. Ou alors la BO fantasmée duBlanche-Neige, de Walt Disney à la-quelle je raccroche Prokofiev ou leScott 3, de Scott Walker.

w Votre vie devient un biopic. Quidans votre rôle? Et qui derrière lacaméra?Vivre me semble relever du faitd’écrire et de jouer dans mon pro-pre biopic, j’ai l’impression d’unedistance permanente entre mes ac-tes et ma propre appréhension deceux-ci.w Le cinéaste absolu à vos yeux?Même si les œuvres d’Andreï Tarko-vski et de Maurice Pialat sont parmicelles qui me touchent le plus, pourmoi, le cinéaste absolu demeureOrson Welles.w Le personnage qui vous fait rêver?Laurent Bardainne [le clavier-com-positeur de Poni Hoax, ndlr], ungrand personnage de fiction.w Le monstre ou le psychopathe decinéma dont vous vous sentez le plusproche?Maléfique dans la Belle au bois dor-mant. Elle a endormi la princesseAurore, car elle trouvait injuste dene pas avoir été invitée à son bap-tême, s’habillant de façon trop go-thique. Je trouve que c’est une rai-son parfaitement valide.wL’acteur que vous auriez aimé être?Que ce soit Klaus Kinski, MarlonBrando ou Pierre Clémenti, mes ac-teurs favoris, je n’aurais pour rienau monde voulu vivre leur vie.wDernier film vu? C’était comment?Cosmopolis, de David Cronenberg.J’ai beaucoup aimé, il ne comprendrien au milieu financier et filmel’argent uniquement comme unvecteur d’information. C’est trèsintelligent de sa part.w Le cinéma disparaît à tout jamais.Une épitaphe?Le cinéma ne disparaîtra jamais, ilmutera tout au pire. Et même s’ildisparaissait anéanti brutalementpar des aliens, les gens continue-raient par l’oral ou l’écrit à perpé-tuer les vertiges du palais des mi-roirs de la Dame de Shanghai.w La dernière image?L’écran noir de l’oubli.

Recueilli par JULIEN GESTER

Quel spectateur êtes­vous? Un invité nous répond du tac au tac.

«MÊME ANÉANTI PARDES ALIENS, LE CINÉMACONTINUERAITÀ SE PERPÉTUER»

SÉANCE TENANTENICOLAS KERChanteur occupé (il forme le duoAladdin avec le producteur electroGilb’R et fait partie du groupe Paris),on le connaît surtout comme la voixgrave et grandiloquente de Poni Hoax,dont vient de paraître l’excellenttroisième album, A State of War. PHOTOAGNÈS DHERBEYS

La date de sortie officielle du DVD du premierfilm réalisé par Paul Newman, en 1972,De l’influence des rayons gamma sur le com­portement des marguerites, est fixée au 7 mai,mais les plus impatients peuvent d’ores et déjàacquérir l’un des 500 exemplaires commerciali­sés en avant­première auprès des enseignesparticipant au Disquaire Day (eh oui, les DVDsont bien des disques eux aussi). Véritable petitbijou de fraîcheur et de vivacité, De l’influence…

avait à son époque pris le monde cinéphilede court, stupéfait de découvrir un Newmancinéaste très auteur, dont l’étude de mœurs(féminines) affûtée allait être la matrice de toutun pan du cinéma moderne américain. Avecle rôle principal que lui a confié son époux,Joanne Woodward, grandiose, remporte le prixd’interprétation à Cannes cette année­là. PHOTOARCHIVES DU 7E ARTEdité par Potemkine. Prix conseillé: 19,95€.

DVD PAUL NEWMAN EFFEUILLE LES MARGUERITES

viLLéGiatUre

MER

voSvaCanCeS 2013envendeeAPPARTEMENTSOUVILLAS

de 100 à 1000mdes plages

Chèques vacances acceptés

Toutes nos offres sur

www.locations-vendee-

squarehabitat.fr

Tel : 02.53.600.130

CABOURG 2 P cuisine bord demer proche thalasso02.37.42.12.01

vente

LOCAUX COMMERCIAUX

M° PTE LILAS700m2 Bât pleine pptée1 130 000€

01 55 25 22 44

IMMOBILIER

REPERTOIRE

ENTRENOUS

MESSAGESPERSONNELS

IMMOBILIERD'ENTREPRISE

[email protected] Contact: Tél: 01 40 10 51 66

[email protected] Contact: Tél: 01 40 10 51 66

[email protected]: Tél: 01 40 10 51 66

[email protected] Contact: Tél: 01 40 10 52 11

Le Président du Centre de gestion de la fonction publiqueterritoriale de la Loire,

ARRETE

AVIS D’OUVERTURE D’UN CONCOURS SUR TITRES AVECEPREUVES D’ASSISTANT TERRITORIAL SOCIO-EDUCATIF 2013

Article 1 – le Centre de gestion de la Loire organise à Saint Etienne, à partir du 3 octobre 2013, pour lescollectivités affiliées du département de la Loire et par convention pour le Conseil Général de la Loireet les Centres de gestion de la fonction publique territoriale de l’Ain, de l’Ardèche, de la Drôme, de laHaute-Savoie, du Rhône, de la Savoie et de l’Isère, un concours sur titres avec épreuves d’assistant territorialsocio-éducatif.

Article 2 – Le nombre de postes ouverts au concours est fixé comme suit :! Assistant de service social : 54 postes.! Spécialité « conseil en économie sociale et familiale » : 18 postes.! Spécialité « éducation spécialisée » : 20 postes.

Article 3 - Les candidats doivent être titulaires du diplôme d’Etat dans la spécialité choisie et pour lescandidats européens d’un diplôme reconnu au moins équivalent. Un dispositif d’équivalence de diplômes estouvert par le décret n° 2007-196 du 13 février 2007.

Article 4 - Les candidats doivent être de nationalité française ou être ressortissant d’un Etat membre de laCommunauté européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

Article 5 - Les dossiers de candidature sont à retirer, soit, sur place au Centre de Gestion de la Loire au24 rue d'Arcole 42000 Saint Etienne – entre le 4 juin et le 10 juillet 2013 aux heures d'ouverture des bureaux,soit par internet sur le site www.cdg42.org, soit par courrier, le cachet de la Poste faisant foi. Les demandesde dossier par voie postale devront être accompagnées d'une enveloppe format A4 affranchie à 1,45 € etlibellée aux nom et adresse du candidat.Les dossiers complets devront être transmis exclusivement par voiepostale au Centre de Gestion de la Loire à la date limite du 18 juillet 2013, le cachet de la Poste faisant foi.

Fait à Saint Etienne, le 17 avril 2013Le Président, Gérard MANET

neUf

PROPRIÉTÉS A SAiSIR

Plein cœur de Saint-Denismaisons de ville neuves(en VEFA) autour d'une courpavée à l'ancienne privée3 ou 4 pièces résidenceoriginale pleine de charme (exrelais de poste et atelier).Calme et sécurité.01 48 41 82 40 [email protected]

vente

2 PIÈCES

Bel appartement T2de 50m2 au cœur du quartierd'Endoume / Bompard,terrasse pleinciel de 22m2, grandechambre indépendante, bellehauteur sous plafond. Prochemer, Vieux portet commerces. 13007.Prix : 185 000€

06 58 63 0004

PROVINCE

POSSIBILITÉ PAIEMENTATERMEBelle maison de granitavec dépendanceDPE non éligiblePrix : 45 000€

TRANSAXIA BOURGES02 48 23 09 33www.transaxia.frDOCUMENTATIONGRATUITE

0248 2309 33Crédit total :prix+frais de notaire

LOFTS/ATELIERS

Paris 14èmeAlesia, Villad'Alésia proche, 3-4 P67m², esprit loft, traversant,calme, refaità neuf en totalité pararchitecte en 2013 (pashabité depuis), matériaux dequalité, 2 chambres,grand séjour, cuisine neuveéquipée, salle d'eau,WCséparé, chaudière à gazà condensationPrix : 658000€

Tél : 06 74 01 78 60

MAISONS DE VILLE

Aquelquesminutes dumétroMairie deMontreuil, maisonentourée d'un Parc de 1.200m2 plantée de pins etd'érables centenaires.Véritablemaison de famillecomme à la campagnecomposée de 7 pcesprincipales en R+2. Poutresapparentes, parquets enchênemassif, pierre ettomettes d'origine, dblevitrage, alarme.Un lieu uniquePx : 1.660.000€

Tél. 06.01.15.10.9901.75.43.08.76

TGV LeCreusot-Paris vendredi19/4 18h-20h. Vous venieztravailler pour leWE à Paris, unlivre sur les plantes avec vous.J'étais en face de vous.J'aimerais beaucoup vousrevoir.([email protected]).

tranSPortSaMoUreUx

tgv paris-bordeaux vendredi 19matin. EléganteMorgane,j'aimerais faire votre portrait,avec iPhone cassé et plume.

a votre ServiCe

DIVERS RÉPERTOIRE

disquaire sérieux achètedisques vinyles 33t/45t.Pop/rock, jazz, classique,...Grande quantité préférée.déplacement possible. tél.: 06 89 68 71 43

DÉMÉNAGEURS

"déMénaGeMentUrGent"MiCHeLtranSPortdevis gratuit.Prix très intéressant.Tél. [email protected]

dPJadéménagementdéménagement 7j/7très bon prixtél. : [email protected]

EDITION

VotreCatalogue d'ArtisteProfessionnel réalisé parhistorienne d'art Ecole duLouvre + Phd : 20 p texte +5 p photos, maquette.1500 euros.06 12 43 91 78

Carnet de déCoration

ANTIQUITÉS/BROCANTES

Estimation gratuiteEXPERT MEMBRE DE LA CECOA

[email protected]

06 07 03 23 16

Tous sujets, école de Barbizon,orientaliste, vue de venise,

marine, chasse, peintures degenre, peintres français &

étrangers (russe, grec,américains...), ancien atelierde peintre décédé, bronzes...

XIXe et Moderneavant 1960

Achètetableauxanciens

LIVRES - REVUES

OCentred’Ecriture et de

Communication

ORTHOTYPO & COrègles typographiques et orthographiquesà lʼusage des correcteurs de la presse

et de lʼédition

Pour commander :www.edition-les-cornees-laliat.fr

parAnnickValade

préfaceJean-PierreColignon

Le nouveau code typographique

enfin disponible !

Professionnelsdu tourisme

contactez-nous au 01 40 10 51 50

Vous souhaitezpasser

un messagedans les rubriques

TRANSPORTS

AMOUREUX,

MESSAGES

PERSONNELS,

JOUR DE FÊTE.

Professionnels,contactez-nous

au 01 40 10 51 50,Particuliers

au 01 40 10 51 [email protected]

La reproduction de nos petites annonces

est interdite

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 ANNONCES • 17

18 • ECONOMIELacriseappauvrit lespluspauvres,quandlesplusrichess’enrichissentLe rapport 2013 «Revenus et patrimoine des ménages» de l’Insee pointe un creusement des inégalités.

C haque année, l’Inseesonde les revenus et le pa-trimoine des ménagesfrançais en mesurant les

effets de la conjoncture sur leurévolution. L’édition 2013 revêt uneimportance particulière, puis-qu’elle permet pour la première foisd’apprécier comment la crise ini-tiée en 2008 a affecté le niveau devie des ménages et aggravé le tauxde pauvreté, qui reste cependantsensiblement inférieur à lamoyenne européenne.

QUEL A ÉTÉ L’IMPACTDU CHOC DE 2008 ?A la fin 2010, le revenu médian (lamoitié des Français gagnent plus,l’autre moitié gagne moins), quiconstitue le meilleur indicateur duniveau de vie, était de 19270 euros.Il a baissé de 0,5% par rapportà 2009, année de la «grande réces-sion» au cours de laquelle le niveaude vie a paradoxalement continuéde progresser alors que la richessenationale avait dégringolé de 3,1%,avant de rebondir de 1,7% en 2010.Ce décalage s’explique par l’extinc-tion en 2010 de mesures de soutienaux catégories les plus fragiles con-tenues dans le plan de relanceFillon de 2009. «Le système de pro-tection sociale a joué son rôle et a glo-balement permis d’atténuer le choc,explique Fabrice Lenglart, direc-teur des statistiques démographi-ques et sociales de l’Insee, qui a su-pervisé l’étude. D’où cettequasi-stabilité du niveau de vie deuxans après un choc con-joncturel majeur et alorsque la France était trèsloin d’avoir retrouvé son niveaud’avant-crise. Mais quand on rentredans les détails, on voit que ces stabi-lisateurs n’ont pas empêché un creu-sement notable des inégalités aucours de cette période.»

QUELS ONT ÉTÉ SES EFFETSSUR LES INÉGALITÉS?Si tous les déciles de niveau de viesont concernés par la baisse de re-venus de 2010, elle est bien plus

forte dans le bas que dans le haut dela fourchette. Sur la période 2009-2010, les 20% les plus pauvres ontvu leur revenu médian reculerde 1,3%, alors qu’il a progressé

de 0,9% pour les 20%les plus riches. A lafin 2010, 14,1% de la

population française, soit 8,6 mil-lions de personnes, vivaient sous leseuil de pauvreté, fixé à 60% du re-venu médian, soit 11 562 euros.Cette hausse de la pauvreté(de 0,6%) a particulièrement tou-ché les familles (2,7 millions d’en-fants pauvres fin 2010) et les moinsde 18 ans, parmi lesquels le taux depauvreté culmine à 19,6%. Al’autre extrémité du spectre, les 1%les plus riches ont certes vu leur ni-

veau de vie baisser de 4,5%en 2009. Mais cette chute a été ef-facée dès l’année suivante, avecune hausse de 4,5%. Les très richessont d’autant moins à plaindre queleurs revenus avaient bondi avantla crise (de 5% par an entre 2004et 2008).Selon Fabrice Lenglart, ce creuse-ment des inégalités a cependant étélargement compensé par les effetsredistributifs des transferts so-ciaux. «Sans ces derniers, la baissedu niveau de vie des 20% des ména-ges les plus modestes aurait été qua-tre fois plus importante, ce qui auraitprovoqué une explosion des inégali-tés.» Si l’on se réfère cette fois àl’évolution moyenne du pouvoird’achat par unité de consommation

durant ces deux années (c’est-à-dire en tenant compte de la compo-sition du foyer), il a continué à lé-gèrement progresser en 2009 eten 2010. Avant de reculer de 0,1%en 2011 et de 1% en 2012. Une nou-velle chute du pouvoir d’achat estprobable cette année.

QUELLE ÉVOLUTION DU NIVEAUDE VIE DES RETRAITÉS ?Cette édition 2013 «Les revenus etle patrimoine des ménages» pointeégalement un creusement des iné-galités au sein de la population desseniors retraités entre 1996 et 2009.Si l’évolution de leur niveau de viea été globalement identique à celledes actifs avec un revenu médiande 18 560 euros en 2009, les plus

jeunes d’entre eux (65-75 ans) enont davantage bénéficié que lesautres. Une différence qui s’expli-que par des carrières plus complè-tes, notamment pour les femmes,avec une montée en puissance desrégimes de retraite complémen-taire. Un «effet générationnel»,comme l’appelle l’Insee. L’aug-mentation des inégalités s’est éga-lement faite par le haut avec des se-niors aisés qui ont vu les revenus dupatrimoine fortement progresser,en raison notamment de l’appré-ciation des prix de l’immobilier.Dans ce dernier cas, les plus âgésdes seniors sont souvent les plusfortunés comme en témoigne leursurreprésentation dans la tranchehaute de l’ISF. •

Par CHRISTOPHE ALIX

DÉCRYPTAGE

Fin 2010, le revenu médian (la moitié des Français gagnent plus, l’autre moitié gagne moins) était de 19270 euros. PHOTO DENIS BOURGES. TENDANCE FLOUE

L’Insee ne peut analyser l’évolu­tion du niveau de vie au coursd’une année donnée qu’avecdix­huit mois de retard. Il lui fautobtenir de l’administration lesrevenus déclarés et les ajusteravec l’ensemble des prestationssociales. D’où ce «délaiincompressible».

REPÈRES «Les personnes âgéessont moins affectéespar la pauvreté que lespersonnes actives.»

Extrait du rapport 2013 «Revenuset patrimoine des ménages»de l’Insee

213000C’était, en euros, le patrimoinenet moyen d’un ménageendetté fin 2010. Pour les ména­ges non endettés, ce patrimoinemoyen s’élève à 186500 euros.

46%C’est le pourcentage des ména­ges qui, début 2010, déclaraientavoir au moins un emprunt pourdes raisons privées (achat immo­bilier, crédit à la consommation).

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013

ÉVASION FISCALE Le par-quet de Paris a ouvert hierune information judiciairepour blanchiment et fraudefiscale en bande organisée, àpropos des fichiers dérobésau sein de la banque HSBC.Après quatre ans d’enquêtepréliminaire, le procureurétait ouvertement accusé deconserver le dossier sous lecoude pour d’obscures rai-sons (Libération d’hier). L’undes délits retenus, «démar-chage bancaire illégal», per-mettrait de poursuivre, nonseulement des milliers d’exi-lés fiscaux en Suisse, mais labanque HSBC pour sa contri-bution logistique.

BOURSE Un vent de paniquea soufflé à Wall Street hieravec un faux tweet publié surle compte piraté d’AssociatedPress. «Deux explosions à laMaison Blanche, Obamablessé», ont écrit les hackers,faisant brièvement chuter leDow Jones de 1%.

PROFIT Les salariés-action-naires de GDF-Suez ont faitun bide, hier, en assembléegénérale. Leur motion visantà limiter le dividende par ac-tion à 80 centimes n’a re-cueilli que 2% des suffrages,les actionnaires plébiscitantle taux proposé par la direc-tion, à 1,5 euro par action.

«Toujours plus decitoyens atteignent[...] leurs limitespsychiques etphysiques en termesde charge de travailet attendent plus deprotection de leuremployeur et dulégislateur.»IG Metall le syndicatallemand de la métallurgie

6%C’est la baisse des décla­rations d’embauche encontrat à durée indéter­minée (CDI) au premier tri­mestre, par rapport auprécédent, selon les don­nées publiées, hier, par laCaisse nationale desUrssaf. Sur un an, la baisseest de 12,7% et concernesurtout l’industrie (­9,9%),le BTP (­7,5%) et le ter­tiaire (­7%).

D rôle de concours decirconstances. Le jourmême où la CGT de

l’usine Goodyear d’AmiensNord présentait son projet dereprise du site via une sociétécoopérative (Scop), six sala-riés du fabricant de pneuma-tiques (cinq apparentés CGTet un Sud) ont été placés hieren garde à vue à Nanterre,dans le cadre de l’enquêtesur les violences commises àl’encontre des policierslors d’une manifestation,le 7 mars.Ce jour-là, comme d’habi-tude lorsqu’un CCE se tientau siège de Rueil-Malmaison(Hauts-de-Seine), les Good-year d’Amiens Nord sont ve-nus manifester contre la fer-meture de leur usine,annoncée fin janvier. Un7 mars symbolique, puisqu’ily a six ans jour pour jour, unpremier plan social était an-noncé. Il y en a eu quatreautres par la suite, tous reto-qués par la justice.Sur place, des pneus brûlentet des échauffourées éclatentavec les forces de l’ordre, quibloquent l’accès au site et ré-

pliquent par des tirs de gazlacrymogène. Selon les syn-dicats, cinq manifestantsavaient été hospitalisés. Tan-dis que la préfecture de po-lice recense 19 policiers bles-sés. Quatre d’entre eux ontdéposé plainte. «Je ne peuxpas admettre que des CRS re-çoivent des grilles, des coups,des parpaings faits pour bles-ser. Il ne peut pas y avoirde violences», avait dit le mi-nistre de l’Intérieur, ManuelValls.Amnistie. Suite à la garde àvue d’hier, aucune chargen’a été retenue vis-à-vis dedeux salariés, tandis que lesquatre autres sont, de sourcesyndicale, cités à comparaî-tre devant le tribunal le16 septembre. «On met laviolence sur le dos des salariés,estime Virgilio Motta daSilva, de SUD. On avait descomptes à régler avec Good-year qui supprime 1 175 em-plois, pas avec les forces del’ordre.» Ces mises en causeinterviennent alors qu’uneproposition de loi d’amnistieconcernant des faits commislors de mouvements sociaux,

votée au Sénat le 27 février,doit repasser par l’Assem-blée. Le texte prévoit d’am-nistier les infractions com-mises entre le 1er janvier2007 et le 1er février 2013,passibles de cinq ans d’em-prisonnement au plus.Concomitance. A la Boursedu travail, à Paris, MickaëlWamen, leader CGT deGoodyear, fustigeait «la ré-pression syndicale du gouver-nement». Il estime que laconcomitance de l’action ju-diciaire et de sa conférencede presse sur le projet deScop n’est «pas due au ha-sard». «Ce jour-là, on décidede porter un mauvais coup auxsalariés de Goodyear», ren-chérissait Fiodor Rilov, leuravocat. Wamen regrettaitl’absence du ministre du Re-dressement productif, Ar-naud Montebourg, convié :«On lui propose une solution,et il ne vient pas.» La direc-tion de Goodyear donnera saposition sur le projet de Scop«au plus le tard le 3 mai». Undes derniers CCE sur le plansocial se tiendra le 22 mai.

FRÉDÉRIQUE ROUSSEL

SixGoodyearaupostepourviolencesAMIENS NORD Des salariés ont été placés en garde à vue,hier, alors que la CGT présentait son projet de reprise.

Le comité d’entreprise(CE) d’Air France a étéplacé hier en redressementjudiciaire. C’est une pre­mière pour un CE, alorsmême que celui de la com­pagnie aérienne est l’un desplus riches de France (avecun budget de 100 millionsd’euros). A la différenced’autres affaires de CE(SNCF, RATP, EDF…) trai­tées par la justice pénalepour détournement defonds, le dossier Air Franceparaît seulement relever dela gabegie –il a cumulé35 millions de déficits. Il adéjà supprimé 20% de seseffectifs et fermé 30% deses centres de vacances.Pour autant, même mis enfaillite, il ne pourra pas dis­paraître: l’existence d’unCE est une obligationlégale pour une entreprisecomme Air France. Mais ildevra sans doute recentrerses activités.

LE CE D’AIRFRANCE MÈNEGRAND­TRAIN

L’HISTOIRE

Manifestation devant le siège de Rueil­Malmaison, le 7 mars. PHOTO LIONEL BONAVENTURE. AFP

+3,58 % / 3 783,05 PTS3 939 895 558€ +66,32%

STMICROELECTRONI.SOCIETE GENERALECREDIT AGRICOLE

Les 3 plus fortesACCOR

La plus basse

+1,04 %14 719,22+1,25 %3 274,08

+2,00 %6 406,12-0,29 %13 529,65

Barnum garanti entre les chefs de la Banque publiqued’investissements (BPI). Sa vice­présidente, SégolèneRoyal, et son directeur général, Nicolas Dufourcq, tententd’arrondir les angles après leur passe d’armes en fin desemaine. Dufourcq, ancien dirigeant d’entreprises (Wana­doo, Capgemini), a estimé que venir au secours des usi­nes Pétroplus ou Florange, qui ont fermé, n’aurait pas étéun «bon business». Ségolène Royal, ancienne candidatePS à la présidentielle, avait qualifié ces propos de «gravesdérapages». A entendre Royal, la BPI n’aurait pas voca­tion à sauver des canards boiteux mais, nuance, aider desentreprises «qui sont momentanément en mutation indus­trielle». Lundi soir, lors d’une conférence de presse com­mune et improvisée au siège de la BPI, elle a assuré queces «divergences de vues» ne l’empêcheraient pas de tra­vailler en «bonne intelligence» avec Dufourcq. L’intéressés’est retranché derrière le mot d’ordre de son ministre detutelle, Pierre Moscovici : «La BPI n’est pas un outil défen­sif, mais offensif ; n’en faisons pas un pompier» de service.Et d’affirmer «très clairement» qu’elle n’interviendra qu’ensoutien de «fonds privés». Ce à quoi la socialiste rétorqueque la BPI «est là pour prendre des risques, parfoisgagner, parfois perdre». Suite au prochain pataquès.PHOTO AP

ROYAL ET DUFOURCQ :JOUTES ET DÉSACCORDSÀ LA TÊTE DE LA BPI

LES GENS

LES CARNETS DE L'ÉCONOMIECoordonnés par Vincent LemerreD'où vient le malheur français ?17h55-18h / du lundi 22 au jeudi 25 avrilAvec Claudia Senik, professeure à l'université Paris-Sorbonne et à l'École d'économie de Paris franceculture.fr

en partenariat avec

FC Carnet eco 248x41-15-04_Mise en page 1 19/04/13 11:27 Page1

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 ECONOMIEXPRESSO • 19

T out jeune, à chaque fête déguisée, ilchoisissait la même panoplie: celled’un torero dans son habit de lu-mière, la muleta dans une main, une

épée en plastique dans l’autre. Son rêve del’époque était de défiler un jour dans les ruesde sa bourgade natale, porté en triomphe parles siens. Si ce n’était la profession –le foot-ball au lieu de la corrida–, cette fantaisie en-fantine s’est accomplie: lorsque Sergio Ra-mos met les pieds dans Camas, un gros bourgpoussiéreux de la périphérie ouest de Séville,les acclamations ne manquent ja-mais pour célébrer le héros local.Lequel n’a jamais oublié ses pro-ches, à commencer par ceux de son sang: surses dix tatouages, quatre portent le nom deses parents (José Maria et Paqui) et ses frères(René et Miriam). Leur fierté n’est pas sansmotif : depuis qu’en 2005 le Real Madrid adéboursé 31 millions d’euros (un chiffre re-cord pour un défenseur), jamais le pur-sangsévillan n’a démérité, connaissant une as-cension fulgurante.

D’abord comme arrière-droit, où il n’a pastardé à faire oublier l’historique Michel Sal-gado. Ensuite en charnière centrale, où ilévolue depuis deux ans, apprenantaujourd’hui le métier au Français RaphaëlVarane et reléguant sur le banc les PortugaisRicardo Carvalho et Pepe, pourtant deuxprotégés de leur compatriote entraîneur JoséMourinho, les trois hommes partageantd’ailleurs le même agent (lire ci-contre).

ATHLÈTE ET VIRTUOSE. Sergio Ramos estaussi indispensable au sein de la «Roja» [laRouge, la sélection nationale, ndlr], doublechampionne d’Europe (2008 en Autriche,

2012 en Pologne et Ukraine) etchampionne du monde (2010 enAfrique du Sud). Pablo Blanco,

son préparateur au FC Séville –son premierclub– l’avait vu tôt: «Il a toujours eu la qualitéphysique d’un athlète et le talent d’un virtuoseavec les pieds.» Cœur, caractère et passion,c’est le titre d’une biographie sortie en dé-cembre, choisi par l’intéressé lui-même, unfan de flamenco et un inconditionnel de «sa»Séville au sang chaud.Et du sang chaud, il n’en manque pas. Intré-

SergioRamos,unegrosse

partd’hombreLe défenseur du Real traîne une réputationde joueur dur et de coéquipier exemplaire.

A vérifier ce soir contre Dortmunden demi-finale de la ligue des champions.

Par FRANÇOIS MUSSEAUCorrespondant à Madrid

PROFIL

Sergio Ramos, lors dumatch de Liga contreBarcelone le 2 mars.PHOTO MARCA. ICONSPORT

REPÈRES

SERGIO RAMOSw 27 ans Né le 30 mars 1986à Séville.w Défenseurw Clubs successifsFC Séville (2003­2005),Real Madrid (depuis 2005).International espagnol, 101 sélec­tions.w Palmarès Une Coupe du monde(2010) et deux Euros (2008, 2012)avec l’Espagne, trois titres dechampion (2007, 2008 et 2012),une coupe d’Espagne (2011) etdeux Super Coupe d’Espagne(2008, 2012) avec le Real.

4Le nombre de points pris parDortmund au Real lors des matchsde poules (2­1, 2­2).

Le Borussia Dortmund ne partirapas battu ce soir dans son stadecontre le Real Madrid (20h45 surbeIN Sport 1) : l’équipe allemandepeut compter sur une jeune géné­ration brillante (Gündogan, Götze,Reus) et son buteur polonaisRobert Lewandowski, un but parmatch depuis douze rencontres,série en cours.

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 201320 • SPORTS

pide, rapide, malin, dominateur dans les airs,rude sur l’homme –il est l’un des joueurs lesplus expulsés en Liga–, il en impose aux at-

taquants. Et à l’autre bout du terrain, sur lescorners, le «Tarzan de Camas» – son sur-nom– est diablement efficace: 37 buts avecle Real en quelque 350 matchs. «Un défenseur

différent, avec une très forte personnalité», di-sait de lui l’an dernier le légendaire MilanaisFranco Baresi. «Il sera certainement mon suc-cesseur», a récemment renchéri Paolo Mal-dini, défenseur pendant un quart de siècle(1984-2009) au Milan AC, qui est précisé-ment l’idole de Sergio Ramos.Ne lui parlez pas de modestie. Sergio Ramos,c’est avant tout un torse bombé, un regardde défi, une certaine morgue de matador.Lorsqu’il évoluait au FC Séville, entre 2003et 2005, il a développé tout cela au contactde Javi Navarro et Pablo Alfaro, deux bêtesde défense, comme lui issus du cru, emplisd’orgueil et gorgés de sang gitan. «Sa force,c’est l’estime qu’il a de lui-même», corroboreson frère et agent René. «Impulsif et sincère:c’est tout moi», s’autocongratule Sergio Ra-mos. Un vrai leader, aussi bien sur le terrain(«Il passe son temps à crier, engueuler et en-courager ses coéquipiers», dit son biographeEnrique Ortego) que dans le vestiaire, où ilse conduit en patron. Deuxième capitaine duReal Madrid après le gardien Iker Casillas, ila tenu tête à son entraîneur, l’inflexible JoséMourinho, quitte à payer son audace de quel-ques matchs de suspension, notammentcontre l’Ajax en Ligue des champions.

ADOUBÉ. Il tient aujourd’hui sa récompense:depuis février, l’entraîneur portugais l’aadoubé comme leader. «Et il faut du cran. LeReal, c’est une meute de mâles alpha», relèveEnrique Ortego. Celui qui se rêvait en habitde lumière a profité du foot pour briller sousles projecteurs de la gloriole. Comme s’il re-gardait David Beckham (un ex du Real) dansle rétroviseur, Ramos soigne son look, boucled’oreille, barbe soignée et coupe coquette as-sortie de mèches dorées, contrastant avec lachevelure d’Apache des premières années.Il parade dans des magazines de mode, raf-fole des défilés, collectionne les mannequinset les présentatrices télé glamour. A la ma-nière de Gerard Piqué, son compère du Barçaavec qui il partage la charnière centrale de lasélection nationale, et qui est marié à lachanteuse Shakira. Ou de son coéquipierXabi Alonso, métronome de l’équipe et icônedes costumes Emidio Tucci.Fort en gueule et hâbleur, pas du genre àcourber l’échine, le «Pharaon de Camas» (àSéville, on adore les surnoms) sait aussi secomporter en coéquipier exemplaire. «On nele surprendra pas à manquer de solidarité, notele journaliste sportif Miguel Serrano. Fier à

n’en plus pouvoir, mais un vrai espritd’équipe.» Fin 2012, Mourinhochâtie le meneur de jeu Mezüt Ozilet l’éloigne de son onze type. L’Al-lemand d’origine turque, timide etesseulé, parlant à peine trois motsd’espagnol, en bave. Ramos ne

tarde pas à le prendre sous son aile protec-trice. Le match suivant, le Sévillan marque,enlève son maillot pour découvrir celuid’Ozil, lui rendant ainsi hommage. Olé! •

Le Portugais du Real est un entraîneurrespecté, mais un homme détesté.

Mourinho, tyrande la planète footA lors que son passage au

Real Madrid semble sur lepoint de se conclure, un

incident parmi d’autres aura mar-qué le règne du coach José Mou-rinho. On est en avril 2011, à laveille d’un clasico, opposition ri-tuelle entre le Real Madrid et le FCBarcelone. Devant les micros,l’entraîneur blaugrana de l’épo-que, Pep Guardiola, explose :«Mourinho, c’est le putain de chef,celui qui sait plus que tout le monde.Sur un terrain de foot, je peux rivali-ser, mais dans ce domaine [les dé-clarations haineuses, ndlr] il esttrop fort.»Arrivé au Real Madrid en 2010,José Mourinho, déjà double cham-pion d’Europe avec Porto (2004) etl’Inter Milan (2010), aura été glo-balement surclassé par un Barçaimpérial. Mais jamais un entraî-neur du club merengue n’auraautant accaparé de pouvoir interneet d’attention médiatique. «Il aprovoqué une drôle de faille au seindu Real, un fossé inédit et pervers,note un éditorialiste du journalMarca. Trois ans après, il n’y a plusque les pro-Mourinho, dont unebonne partie des supporteurs, et lesanti-Mourinho. Et personne au mi-lieu : un vrai bilan de tyran.» Aumoment où le «Special One» pré-pare ses valises (semble-t-il pourChelsea), le Real Madrid est uneinstitution saignée à blanc.Dévotion. Jusqu’alors, la culturedu club voulait que le pouvoir réelappartienne au président et auxjoueurs les plus capés. En débar-quant dans la capitale espagnole,«Mou» a exigé les pleins pouvoirs,entouré d’une clique de gens toutà sa dévotion. Le président Floren-tino Perez, ancien marionnettisted’entraîneurs à sa botte ou mis àla rue (Camacho, Luxemburgo,Remon, Caro, Capello…), les lui aaccordés. Perez, seigneur du BTP,était convaincu que seul Mourinhopourrait un jour détrôner le Barça.D’où un contrat signé jusqu’à2016, un salaire annuel astrono-

mique d’environ 15 millionsd’euros, une liberté de vice-con-sul. «Mou» en a fait un usagemaximal : haute main sur les re-crutements, priorité systématiquedonnée aux joueurs de son agentJorge Mendes (Di Maria, Coentrao,Pepe), obligation faite aux joueursde critiquer des décisions d’arbi-trage ou de diffamer certains ad-versaires, punition pour toute voixdiscutant son autorité comme Ser-gio Ramos, Karim Benzema ouIker Casillas… Ce dernier, vérita-ble légende du club, meilleur gar-dien de la planète et champion dumonde en 2010 entre deux titreseuropéens, fut d’abord écartéavant de se blesser à la main et derevenir en forme… sans jouer.Mourinho, vachard, la semainedernière : «Casillas ne s’entraînepas bien, mais très, très bien.»Fracturé. Aujourd’hui, le RealMadrid est un club fracturé. S’ils’est fait des adeptes fanatiques,Mourinho s’est gagné des ennemismortels. S’il devait rester au Real,cinq joueurs de poids (dont IkerCasillas, définitivement proscrit)ont fait savoir à Florentino Perezqu’ils quitteraient l’équipe. Abon-dant dans le même sens, certainscadres du club et des personnalitésinfluentes ont averti d’un «nau-frage sportif, moral et financier».Pour autant, le départ de Mou-rinho devrait se payer très cher.Outre les dix millions d’eurosd’indemnités, le Portugais entendne pas partir seul: d’après le quo-tidien As, il fera tout pour empor-ter dans ses bagages les joueurs deson agent, la révélation RaphaëlVarane et quelques autres. «Fan-tastique entraîneur, horrible bon-homme, résume le chroniqueur Al-fredo Relaño. Si le président veutsauver la face, il doit prier pour queMourinho gagne la décima.» La dé-cima, le rêve d’une dixième Liguedes champions, trophée quiéchappe au club merengue depuis2002. Vu d’ici : un vrai drame.

F.M. (à Madrid)

«Sa force, c’est l’estime qu’il a de lui-même», dit son frère et agent René.«Impulsif et sincère: c’est tout moi»,s’autocongratule Ramos.

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 SPORTS • 21

Si leur traduction politique sembleaujourd’hui encore bien incertaine,les travaux de la commission Jospin ontfait ressurgir un débat sur le cumul desmandats dont la longévité politiquedépasse celle des élus eux-mêmes.Le retour fréquent de cette question

à l’agenda gouvernemental (souvent à la suited’une alternance électorale), puis son ajournementou son report lointain (ne parle-t-on pas désormaisd’une échéance à 2017 ?) illustrent bien la capacitéde résistance des principaux élus et de leurs asso-ciations. Ces derniers sont parvenus, au gré des ré-formes et indépendamment des clivages partisans,à préserver le «socle» du cumul : la possibilitéd’associer mandat parlementaire et présidenced’un exécutif local.Chaque fois que le débat fait rage, on a pris l’habituded’enregistrer les arguments échangés, et souventinchangés. Du côté des opposants au cumul, on sou-ligne volontiers les conflits d’intérêts ou de loyautéauxquels sont soumis les élus cumulant, la pro-pension à l’absentéisme de parlementaires qui n’ontpas le don d’ubiquité, ses effets sur la concentrationdu pouvoir ou encore sur le non-renouvellement dupersonnel politique. Du côté des défenseurs ducumul, en faisant d’un intérêt bien compris vertupublique, on met l’accent avec plus ou moins debonne foi sur les bienfaits de «l’ancrage local»,les profits de l’«expérience gestionnaire» et dela «connaissance du terrain», ou encore surla «nécessaire représentation des intérêts territoriauxpar les élus nationaux». Les travaux de la commissionJospin ont fourni une énième occasion à cette contro-verse de se déployer, via les colonnes des grands quo-tidiens notamment (tribunes dans le Monde, datédes 5 et 6 août 2012).Mais voici qu’à la faveur du débat actuel, un nouvelargument fait son apparition, sous la plume de quatreuniversitaires parisiens chevronnés, proches des cer-cles du pouvoir socialiste (voir l’article «Non-cumuldes mandats : la mise en garde de quatre universi-taires», le Monde du 25 mars). Résumons leur propos:dans un contexte de présidentialisation croissante denos institutions nationales, le cumul des mandatslocaux serait un garde-fou utile, donnant aux parle-mentaires un poids (et un contrepoids) plus grand.En même temps qu’il favoriserait un «équilibre despouvoirs» au sommet de l’Etat, il permettrait aux par-lementaires de s’émanciper d’une «culture politiquede l’affrontement» (sic), en privilégiant la représenta-tion d’intérêts locaux présumés plus consensuels.Les arguments sont originaux, pour ne pas dire icono-clastes. Certaines intentions –rechercher l’équilibredes pouvoirs – peuvent sembler louables. L’analysesous-jacente, malheureusement, ne brille ni parsa pertinence ni par sa clairvoyance quant au fonc-tionnement du système politique français et à ses tra-vers. En s’appuyant sur le cumul des mandats pourcontrebalancer la concentration des pouvoirs auniveau national, c’est le local qui est appelé à volerau secours des parlementaires, un local considéréà tort comme distant et moins politisé, et exonéré detoute responsabilité dans la crise de la représentationpolitique.A l’inverse de cette argumentation, les trajectoiresde nos gouvernants traduisent pourtant l’imbricationétroite entre mandats locaux et nationaux, dimensionstructurante du fonctionnement (et des dysfonc-tionnements) de notre régime politique depuis

la IIIe République. François Hollande est certes pré-sident de la République, mais il a d’abord été maired’une commune de 15 000 habitants et présidentde conseil général. Il fut également le favori des éluslocaux socialistes lors de la primaire. Jean-Marc Ay-rault, avant de devenir Premier ministre, fut d’abordun «grand notable», maire de Nantes de 1989 à 2012.Tous les deux le redeviendront peut-être ensuite,comme Jacques Chaban-Delmas, Valéry Giscard

d’Estaing, Pierre Mauroy, Laurent Fabius, ou encoreAlain Juppé avant eux. Autrement dit, le «face àface» entre national et local est purement factice.Les relations entre l’Elysée et le Parlement sont trèslargement structurées par le poids des enjeux et desintérêts locaux sur des sujets nombreux, qui se multi-plient à mesure que les collectivités étendent leursdomaines d’action (voir l’épisode récent sur lesrythmes scolaires). Pour le dire autrement, le nationalen France est largement empêtré et contraint parl’insertion locale de ses parlementaires et de ses gou-

vernants. Envisager l’équilibre de façon horizontale–entre l’Elysée et le Parlement–, c’est se ranger der-rière une conception toute «parisienne» de notrerégime politique qui, pour résoudre un problème auniveau national accepte de le renforcer localement.C’est bien l’incohérence de cette argumentation, quiprétend chasser un présidentialisme par un autre ou,plutôt, par beaucoup d’autres.La Ve République s’est développée au gré d’un mou-

vement général et jamais démenti deconcentration des pouvoirs, dont le pré-sidentialisme –qu’il soit élyséen, régio-nal, départemental ou municipal– estl’une des manifestations tangibles et lar-gement répandues. Lutter contre le pré-sidentialisme national en maintenant

le cumul des mandats, c’est lutter contre la concentra-tion des pouvoirs par la concentration des pouvoirs.C’est ne pas tenir compte du profond besoin de renou-vellement démocratique, à tous les échelons de l’Etat.Si l’interdiction du cumul des mandats n’est qu’unpremier pas dans une refondation salutaire, elle est unpremier pas indispensable et sans lequel auquel chan-gement ne se fera. Ni «maintenant» ni plus tard.Coauteurs de l’ouvrage: «la Politique confisquée:sociologie des réformes et des institutionsintercommunales», éditions du Croquant, 2011.

Lutter contre le présidentialisme nationalen maintenant le cumul des mandats, c’est luttercontre la concentration des pouvoirs parla concentration des pouvoirs.

Par FABIENDESAGE Maîtrede conférences àl’université Lille­II,titulaire de lachaire d’étudesde la Francecontemporainede l’Universitéde Montréalet membre duCentre d’étudeset de recherchesadministratives,politiques etsociales (Ceraps)et DAVIDGUÉRANGERChercheur auLaboratoiretechniques,territoires etsociétés (Latts),maître deconférences del’Ecole des Pontset chercheurassocié au Ceraps

Cumul des mandats: bonnesintentions et mauvaises manières

L'ŒIL DE WILLEM

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 201322 • REBONDS

Le monde, vu du Kurdistan irakienSur cette langue de terre, entre monta-gnes et vallées, la Syrie n’est plusqu’un long doigt planté dans l’Irak.L’herbe est verte, le soleil radieux etces deux pays se mêlent ici, d’autantplus intimement que, des deux côtésd’une frontière tracée par les Empiresfrançais et britannique aux lendemainsde la Première Guerre mondiale, viventuniquement des Kurdes, unis parune même langue et un long drame,celui d’un peuple persécuté et sansEtat, dispersé entre Iran, Syrie, Iraket Turquie.Chaque jour, quelque sept cents réfu-giés kurdes de Syrie arrivent donc auKurdistan irakien, affluent vers le campde Domiz et y étendent un village detentes, bientôt un bourg où l’histoire,les relations internationales, les inces-sants progrès et reculs de la civilisationet la capacité de survie de l’espècehumaine se lisent à livre ouvert.Si vous pensez que l’ONU ne sert à rien,demandez-vous ce que feraient ces fa-milles démunies de tout sans le Haut-Commissariat des Nations unies aux ré-fugiés (HCR), qui leur fournit tentes,rations alimentaires et soins médicaux.Ici comme ailleurs, la solidarité inter-nationale est tragiquement insuffisantemais elle existe, institutionnalisée parce Parlement du monde que sont lesNations unies.

Si vous pensez que l’Union européennen’existe pas, regardez le panneau oùs’affichent les drapeaux des pays quifinancent ce camp, et vous n’y verrezni la France, ni l’Allemagne, ni l’Italie,mais l’Union à la bannière bleue quifournit plus de 50 % de l’aide huma-nitaire aux Syriens et qui, vue d’ici,existe bel et bien, même si elle n’estencore qu’un nain politique.Si vous avez fini par croire que toutesles causes sont vaines et que rien nevaut d’autre que cultiver son jardin,dites à un Kurde que vous êtes françaiset vous l’entendrez aussitôt déifierla «Mère des Kurdes»,Danielle Mitterrand, quiincarne pour ce peuplele soutien que tant de défenseurs fran-çais des droits de l’homme lui ont ap-porté depuis plus de trente ans.Face au regard perdu des gosses deDomiz, on a comme honte de venir decette Europe qui ne sait plus ce que sontl’utopie créatrice, l’espoir, la volonté,les défis à relever, mais attention ! Pasde naïveté pour autant. Contrairementaux autres pays d’accueil des réfugiéssyriens, le Kurdistan irakien les laissesortir de leur camp et aller chercher dutravail dans ses villes et villages.«Ils sont les parias que nous étions dutemps de Saddam…», entend-on par-tout. Emouvant, mais la réalité est sou-

vent moins belle. Devenu totalementautonome depuis la chute de SaddamHussein, le Kurdistan irakien est enplein boom économique. Dès l’aube,les grues font sortir de terre de nou-veaux bâtiments, les étals débordent detout, les taxis sont pleins, les voituresneuves. La main-d’œuvre qualifiéemanque et ces réfugiés syriens, assezformés pour avoir tenté la fuite, sontdonc une aubaine que l’on exploite sansvergogne en les sous-payant honteuse-ment.La solidarité kurde est une chose. La loide l’offre et de la demande en est une

autre et, à Domiz, onne sait plus si le rêveséculaire du Grand

Kurdistan est en train de prendre formeou de mourir au contraire. La frontièreest abolie. Assad finira par tomber etil serait, désormais, improbable quel’Etat syrien reste assez fort pour s’op-poser à une sécession kurde. Deux desKurdistan sont, de fait, réunis. C’est untournant de l’épopée kurde. Toute la ré-gion pourrait en exploser. La crisesyrienne devient, toujours plus vite,une crise régionale, mais les Kurdessyriens ne semblent guère pressés de selancer, demain, dans une guerre d’in-dépendance et les Kurdes irakiens neparaissent pas tellement insatisfaitsd’avoir un pied en Irak et l’autre dehors.

Loin de Bagdad et de ses attentats,ils aimantent toutes les grandes entre-prises qui se servent d’eux commed’une plateforme d’envol pour le restede l’Irak le jour où il sera pacifié. Par-faitement tranquilles au sein d’un Etatfaible, ils s’enrichissent à vue d’œil encommerçant avec tout le monde, l’Iranasphyxié par les sanctions interna-tionales et, bien sûr, la Turquie, petitdragon régional à la croissance verti-gineuse. Partout présente au Kurdistanirakien, la Turquie ascendante se récon-cilie avec ses propres Kurdes pour seprojeter dans ces Etats éclatés que sontl’Irak et la Syrie et s’affirmer, ainsi,comme l’incontournable puissanceéconomique du Proche-Orient.Domiz est une caisse de résonance deces grands jeux croisés et c’est aussibien l’histoire du siècle passé, celle desEmpires européens et des dictaturespostcoloniales, qu’on y lit que l’histoireimmédiate, incertaine, sanglante etprécipitée. Avec ses voitures asiatiques,ses portables finlandais et ses frontièresmouvantes, ce camp dit tout le chan-gement du monde et on y enrage enpensant à l’aveugle stupidité aveclaquelle l’Europe ferme ses portes àla Turquie, «pays locomotive» quipourrait être l’avant-garde de l’Uniondans un Proche-Orient remis en mou-vement.

Par BERNARDGUETTA

DIPLOMATIQUES

Procureur anticorruption: attention aux détails

En juin, un groupe de professionnels de la jus-tice, pour la plupart magistrats spécialisés dansles affaires économiques et financières, avaitvoulu attirer l’attention sur la nécessité de

remettre en ordre de marche et d’approfondir les dis-positifs d’action contre la corruption. Après seule-ment quelques mois, l’actualité s’est chargée deconfirmer la réalité de l’enjeu: la question de la cor-ruption mine le niveau de confiance des citoyens àl’égard de leurs représentants et des agents publics quiest un des ciments de la démocratie.En ce sens, il convient de saluer le train de mesuresannoncé en tant qu’il atteste enfin de la mobilisationde la puissance publique. En particulier la créationd’un «procureur de la République, à compétence natio-nale, chargé de la lutte contre la corruption et la fraudefiscale» –le projet de loi sur la moralisation de la viepolitique est présenté ce matin en Conseil des minis-tres. Attention cependant à la précipitation et aux im-pératifs de communication qui président à la rédactionde textes qui vont pourtant organiser la lutte contrela corruption pour une longue période. Prenons gardeque le diable ne vienne se nicher dans des détails quin’en sont pas vraiment.Pour inédit qu’il soit dans notre organisation judi-ciaire, le caractère indépendant du procureur àcompétence nationale nous semble être le corollaireindispensable du champ de compétence qui lui seraassigné: fraude fiscale et corruption. Ce sont les ga-ranties institutionnelles de cette indépendance quilèveront une fois pour toutes le soupçon d’ingérenceet d’intervention qui, même si c’est parfois à tort, pèsesur le traitement judiciaire des affaires de corruption.A défaut, une simple centralisation nationale des af-faires ne pourra qu’aggraver le soupçon.

Le mode de saisine de ce parquet national ne sera pasnon plus un moindre détail. Quel qu’il soit, il devratenir compte du fait que si les délits obstacles d’at-teinte à la probité comme la prise illégale d’intérêt etle favoritisme dans les marchés publics sont souventdénoncés comme tels aux parquets, la corruption,le trafic d’influence ou les détournements de bienspublics, qui sont les infractions les plus graves, n’ap-paraissent, dans l’immense majorité des cas, qu’àl’occasion d’enquêtes ouvertes sur les infractions éco-

nomiques et financières plus classiques et les faux enécriture qui les accompagnent. En d’autres termes,nous savons d’expérience qu’au-delà de sa chargesymbolique singulière et de ses effets ravageurs surla démocratie, la corruption n’est qu’un mode d’ex-pression d’une criminalité économique et financièreplus large, toujours plus occulte et sophistiquée. Nepas le prendre en considération constituerait une ré-gression majeure en termes d’efficacité des investiga-tions et viderait de son sens l’annonce d’un parquetnational anticorruption.En ce sens nous attirons l’attention des pouvoirspublics et du législateur sur la nécessité de définirpour la future institution, un champ de compétencesuffisamment large ainsi que des modalités de saisinequi allieront clarté et efficacité. Dès lors que cesconditions seront réunies, la création d’un procureurnational indépendant en charge de la lutte contrela corruption pourra constituer une avancée notable

dans la lutte contre la corruption. Encore faudra-t-ilcependant qu’il puisse être suffisamment saisi, ce quipassera notamment par une remobilisation des méca-nismes administratifs de contrôle et d’alerte considé-rablement affaiblis dans la dernière période. Ce sontaussi des cabinets d’instruction ainsi qu’une chambrecorrectionnelle spécialisés qui devront recevoirune compétence nationale avec une autonomie degestion et de moyens comme c’est le cas de l’AudienciaNacional espagnole.

Par ailleurs, la procédure du secret dé-fense ne doit plus entraver les investiga-tions et doit être réformée tandis quela création d’une infraction d’enrichis-sement illicite constituera une conditiond’efficacité de l’action du futur procu-

reur national. Enfin, la prévention ne doit pas êtreoubliée. Les collectivités territoriales, qui réalisent70 % de l’investissement public dans notre pays,devront, comme les administrations de l’Etat, defaçon coordonnée et lisible par tous, agir de façonvolontariste pour améliorer leurs organisations etprocédures afin de prévenir les manquements àla probité.Pour que derrière chaque «affaire» ne se dessine plusune crise de la démocratie, c’est l’ensemble deces mesures à portée juridique et pratique, ajoutéesà celles annoncées contre les conflits d’intérêts et lesparadis fiscaux, qui constituera le sursaut attendu etattestera que la prévention et la lutte contre la cor-ruption sont «l’affaire de tous» et pas seulement celledes juges.Premiers signataires: Association française des magistratsinstructeurs (AFMI); Transparency International France,Sherpa. Lire la suite sur www.liberation.fr

Par CHARLESDUCHAINEVice­présidentchargé del’instructionà Marseille,ÉRIC HALPHENVice­président autribunal de Paris,JEAN­PAULJEAN Avocatgénéral à la Courde cassation,ARMANDRIBEROLLESPremier vice­président à Evryet MARCTRÉVIDIC Vice­président chargéde l’instructionà Paris, pôleantiterroriste

Prenons garde à une éventuelle précipitationdans la rédaction de textes qui organise la luttecontre la corruption sur une longue période.

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 REBONDS • 23

CHANSON «Aprèsmoi le déluge»,quatrième albumsensible de l’auteurdes «Chansonsd’amour», assumesans chichisses réminiscenceseighties.

Bon comme duBeaupainQ ue devient Alex Beaupain? Depuis

la BO des Chansons d’amour en2007, on savait le jeune hommedoté d’un brûlant talent d’auteur-compositeur. D’un coup d’un

seul, il faisait le grand ménage dans le grenierde la chanson d’amour. Il y mettait du cul,de la mort, du désir entre garçons, des trucsà trois…C’était le printemps. Et l’affirmation d’unerafraîchissante posture : pour être grave,mieux vaut être léger. Plus tard, sur son al-bum, on entendait pour la première fois lesmots «jouir» et «baiser». Puis dans Pourquoibattait mon cœur, il réussissait l’improbable:la désillusion de la gauche au pouvoir,comme métaphore d’un amour qui ne tient(évidemment) pas ses promesses. On en étaitlà. Sans savoir très bien dans quel tiroir ran-ger notre homme. Chanson à texte susurrée?

Ou pop branchée un poil maniérée? On avaitla sensation que le garçon ne s’était pas en-core trouvé. Avec son quatrième album, c’estfait. Beaupain, 38 ans, se révèle pour ce qu’ilest: un chanteur de variétés. Et tant pis si lemot sent un peu fort les pieds de MichelDrucker, Champs-Elysées et les Carpentier.Beaupain vient bien de là, et choisit de porterbeau cette particule honteuse (lire ci-contre).Beaupain a écrit et chanté son Après moi ledéluge, avec tout son héritage musical enbouche. On croit entendre les paroles d’un

Souchon. Une autre fois c’est William Shellerqui frappe à la porte. Beaupain ne se cacheplus. Il n’y a qu’à voir comment il attaqueCoule, écrite sur une mélodie de Julien Clerc.Sur les premières mesures, on est persuadéd’entendre le chanteur de la Fille aux bas ny-lon. Beaupain aurait pu maquiller l’affaire,faire un pas de côté, histoire de sauver les ap-parences. Non, il revendique sa lignée. Et ilva faire bien pire: assumer sa part de mauvaisgoût. Celui des années 80. Il n’y a là aucunsecond degré. Beaupain chante aujourd’hui

en nous rappelant qu’il y a eu un hier. Il y adans ses chansons une épaisseur géologiqueforcément amicale pour tous ceux qui ont étébaignés à la sous-culture du Top 50.

COMPLICE. Alors, à l’écoute de son album,il n’est pas impossible de se faire réveiller parles échos assourdis de Stéphanie de Monaco,Jeanne Mas ou Kim Wilde. La prouesse c’estque même les chansons les plus référencées(Après moi le déluge, Ça m’amuse plus…) ne selaissent pas enfermer dans ce piège nostalgi-

Par GRÉGOIRE BISEAUPhotos AUDOIN DESFORGES

Alex Beaupain,chez lui, à Paris,

le 11 avril.

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 201324 •

CULTURE

que. Elles en sortent toujours par le haut.Mais il ne faudrait pas réduire la réussite del’album à cette patine complice. Il vautmieux que cela. Plus ample et organique quele précédent, il respire une sorte d’épanouis-sement. Tout est soigné, mais pas chichiteux.Les cordes et les cuivres (savoureuses trom-pettes seventies sur Profondément superficiel)ne font pas sonner le prix qu’ils ont coûté.C’est riche mais sans esbroufe. Sur lesdouze titres, il n’y a pas grand-chose à négli-ger. Pas de chanson faible ou boiteuse. Etpuis, quelques perles : Je peux aimer pourdeux, Après moi le déluge, Vite, Contre le vent(sur une musique de la Grande Sophie)…

INCONGRU. Oui, Beaupain ne dessine pas ununivers musical très singulier. Oui, il peutarriver à l’auteur de se laisser aller à des for-mules à trois francs six sous. Mais le parolierose la prise de risque. Dans Je suis un souve-nir, tentative de chanson existentielle sur unerythmique piano-batterie scandée commeune pulsation, Beaupain tente l’incongru :«Je suis un dernier souffle, je suis un premiercri/ Un vieil homme en pantoufles, un bébé enbody.» C’est naturellement ridicule, mais as-sez réussi. L’album se referme sur un squelet-tique Baiser tout le temps. Les paroles sontsignées du cinéaste Christophe Honoré.L’ami, le vieux complice. Celui qui a été, il ya maintenant plus de dix ans, un des toutpremiers à pousser notre homme à croire àson talent. •

Le nouvel album du chanteur s’est nourri au Top 50. Playlist témoin.

Les années 80,corps du «déluge»L’ idée était la suivante. On a demandé

à Alex Beaupain d’établir sa playlistidéale des années 80 en vingt titres.

Puis on a pris rendez-vous dans son petitappartement des Abbesses à Paris pour uneséance d’écoute. Il avait tout préparé. Sonordinateur portable sur la table basse du sa-lon, on a choisi de façon totalement subjec-tive dix chansons (plus une) (1). Et laisséparler le chanteur…

«Portbail» (Alain Souchon)«Je suis convaincu qu’Alain Souchon est ce-lui qui a le plus inventé pour la chansonfrançaise depuis quarante ans. J’adore Port-bail, une chanson un peu mystérieuse, unepetite ballade minimaliste, comme il y ena toujours dans ses albums. Quand j’ai écritÇa m’amuse plus, j’ai tout de suite vu que çasentait très fort le Souchon. “Cette pluie m’aplu et puis plus”, c’est évidemment directe-ment inspiré de son “Pourquoi on s’est plubeaucoup et puis plus?” Avant, par coquette-rie, j’aurais essayé de masquer l’influence.Aujourd’hui, j’assume totalement. Je n’aipas l’ambition d’inventer un nouveau stylemusical. Je pense qu’on est toujours la suitede quelque chose. D’ailleurs, quand j’écouteles chanteurs que j’aime, j’entends ceuxqu’ils ont écoutés.»

«There is a light that never goesout» (The Smiths)«Ma chanson préférée en anglais. Alors quemoi j’ai toujours été très chanson française.C’est un copain, qui était, lui, très pop an-glaise, qui me l’a fait découvrir. Aujour-d’hui, cela reste un groupe que j’écoutebeaucoup. Pour la sortie de mon album, j’aieu l’idée d’éditer des 45-tours de pop an-glaise interprétée en français. Un peucomme les yéyé l’ont fait dans les an-nées 60. J’avais pensé à Pulp, DivineComedy, Jimmy Sommerville… et bien sûrles Smiths. J’ai commencé à écrire les textesen français. Et puis j’ai eu un peu peur duridicule. Je ne me voyais pas trop chanteraprès Morrissey. Je suis mégalomanecomme tous les chanteurs, mais il y a quandmême des limites.»

«Désirs désirs» (Laurent Voulzy)«Ah génial ! J’adore cette chanson vrai-ment. C’est un peu le graal de tout chanteurfrançais: faire sonner des trucs en françaissur une musique pop. Souchon et Voulzy ontréussi le truc. Et puis, Véronique Jeannot apeut-être une voix de rien, mais elle chantebien. Il n’y a aucun second degré, rien deridicule, là-dedans. J’aimerais bien la re-prendre dans ma tournée. J’ai toujours ré-cusé cette idée qu’une chanson pourrait êtreintemporelle. Pour moi, c’est tout le con-traire: elle a évidemment une fonction à re-monter le temps. Et c’est pour ça qu’elle esttrès émouvante.»

«SOS Amor» (Alain Bashung)«Bashung, c’est évidemment la statue duCommandeur. Je l’ai vu en concert, j’ai toutacheté, tout écouté. Mais ce n’est pas un

chanteur qui m’a directement influencé.Trop rocker, trop chic, pour que je puisseassumer tout ça. Et puis cette façon d’écriredes textes par une sorte de collage mysté-rieux, ce n’est pas ma façon de faire. Moi jesuis très attaché à la structure des chansons.Même si j’adore les formules, les jeux demots de ses textes. “Ton cri était presque par-fait” ou “Tu m’as conquis j’t’adore”. Parfoisça peut tourner à vide, mais là c’est génial.»

«Chante» (Les Forbans)«La chanson est atroce, supra ringarde.Mais, je ne pouvais pas ne pas mettre lesForbans. Je n’aurais pas été honnête. C’estle premier 45-tours que j’ai acheté, avecmon argent. La pierre fondatrice de ma dis-cothèque. J’avais 8 ans, j’étais un vrai fan,je voulais avoir une banane. La totale, quoi.Evidemment, mes parents, qui écoutaientBrassens et Ferré, trouvaient cela affligeant,mais j’ai toujours pensé que c’est très im-portant de respecter le mauvais goût des en-fants.»

«Ouragan» (Stéphanie de Monaco)Comme beaucoup de tubes du Top 50 àl’époque, je n’ai pas pu assumer d’aimercette chanson. Puis à 20 ans, quand on adéjà la nostalgie de ses 15 ans, on l’a beau-coup réécoutée en soirée. J’étais censél’avoir détestée et je me suis aperçu que jela connaissais par cœur, comme si elle avaitquelque chose que j’avais aimé inconsciem-ment. Aujourd’hui, je trouve que c’est unebonne chanson. Les paroles, la musique…et puis elle n’est pas si simple que ça à chan-ter. Je l’ai chantée en concert. Un vrai plai-sir. Mon kif absolu aurait été que Stéphaniede Monaco me rejoigne.»

«Mistral Gagnant» (Renaud)«Impossible de ne pas l’aimer. C’est devenuun titre patrimonial. C’est évidemment lerêve de tout chanteur: qu’une chanson vouséchappe pour entrer au patrimoine. Ça nepeut pas être un but en soi, mais j’imaginequel bonheur ça doit procurer.»

«Keep me hanging on» (Kim Wilde)«J’aurais pu choisir Cambodia, mais cel-le-ci, c’est vraiment la pop des années 80.Celle de Kylie Minogue, Madonna ou CindyLauper. Des chansons de filles, acidulées,un truc très honteux pour un garçon. J’airenoncé sans trop de mal à devenir une girlystar des années 80…»

«Le Grand sommeil» (Etienne Daho)«Celui à qui mon passé me rattache le plusnaturellement. Mais je crois que je m’en dé-tache de plus en plus. Daho, c’est bizarre;à l’époque il avait une image de chanteurpour midinettes, BCBG, un peu vendu ausystème sous prétexte qu’il vendait des dis-ques. Mais pour moi, c’était tout le con-traire: mon chanteur rebelle d’adolescent.Mes parents le détestaient ; eux, ils préfé-raient Renaud, c’était leur côté Télérama.Aujourd’hui, tout le monde aime Daho, desInrocks à Télé 7 jours. Et puis il reste quand

même la preuve qu’on peut faire une car-rière sans avoir une voix de ténor. Et évi-demment ça, ça me fait plaisir.»

«Joe le Taxi» (Vanessa Paradis)«Peut-être la dernière star française. Para-dis, elle a une aura, un glamour, qu’on netrouve pas trop ailleurs : la rencontre de lastar et de la chanteuse. Aujourd’hui, leschanteuses françaises ont plein d’autreschoses, mais pas ça. J’aime beaucoup cetteidée de vieillir avec ses idoles.» [On lui de-mande si dans les dix autres chansons, il y ena une qu’il veut absolument garder. Il répond:“Pull marine”.]

«Pull marine» (Isabelle Adjani)«Ma chanson préférée au monde. Tout estémouvant : les paroles sont belles, Adjanichante très bien. De toutes les façons, j’aimeles actrices quand elles chantent. Il y a untruc pour le coup très très années 80: le son,le clip vidéo, réalisé par Luc Besson, qui doitêtre à ce jour son meilleur film. Et puis, c’estune chanson de Gainsbourg… Avec lui, j’airéalisé que faire des chansons peut aussivouloir dire faire œuvre.»

Recueilli par G.Bs.(1) Les autres titres de la play list étaient:«Amoureux solitaires» (Lio), «Partir quand même»(Françoise Hardy), «Juste une balle perdue» (TaxiGirl), «la Fille du soleil» (Mikado), «Modern Love»(David Bowie), «Faith» (George Michael), «l’Angedéchu» (Jean­Louis Murat), «la Fille aux basnylon» (Julien Clerc), «Souvenir» (OMD).

BO

LE TREMPLIN DES«CHANSONS D’AMOUR»Que seraient devenues les chansonsd’Alex Beaupain sans le film de Chris­tophe Honoré? Nul ne sait. Le film,largement inspiré de la vie de Beau­pain, doit beaucoup à sa BO. Maisdepuis, celle­ci vit sa vie. Pour unalbum enregistré en quelques jours,cela relève du miraculeux. Les acteursdu film (Louis Garrel, Ludivine Sagnier,Clotilde Hesme, Chiara Mastroianni…),qui n’avaient pas ou peu chanté jus­qu’alors, sont portés par la grâce del’urgence. Alex Beaupain ne chantequ’un seul titre: Brooklyn Bridge,celui qu’il interprète dans le film aumoment où l’héroïne (LudivineSagnier) meurt. Le premier que Beau­pain écrit, trois semaines après la dis­parition brutale de son amoureuse.

DR

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 CULTURE • 25

doué pour la figure humaine, préfé-rant représenter la côte normandeen jouant des subtils dégradésd’une palette toujours claire. Detempérament modeste, il était tou-jours prêt à dire du bien de ses con-

frères, non sansp e r s p i c a c i té ,trouvant mêmedes excuses à untype aussi odieuxque Degas.Boudin a long-

temps souffert de la pauvreté, maistenait table ouverte pour les amiscomme Baudelaire, Manet, Courbetou Jongkind. Il reçut le soutien des

critiques proches de l’avant-garde.Le chroniqueur du Figaro ArsèneAlexandre en fit un trait d’unionentre Corot et Monet. Il le définitcomme étant «entré par la porte queJongkind avait forcée», dans ce«mouvement qui porte la peinturevers l’étude de la grande lumière, duplein air, de la sincérité dans la repro-duction des effets du ciel».Né en 1824 à Honfleur, d’un pèremarin et d’une mère qui faisait desménages sur les bateaux, EugèneBoudin est un enfant de la mer, quis’est d’ailleurs rendu aux Antillescomme mousse. A Paris, il se sent«comme un exilé». Son père ayant

ouvert une papeterie au Havre,l’adolescent autodidacte s’essaie aupastel, au portrait, à la marine engris, traçant des paysages avec dujus de chique. Dans «tout ce qui estpeint directement et sur place», l’ar-tiste sent «une force, une puissance,une vivacité de touche qu’on ne re-trouve plus dans l’atelier».Deauville. Il inclut des signes de lamodernité, un lampadaire sur lequai, un pont métallique à l’hori-zon ou un bateau à vapeur, venufaire concurrence aux barques. Auxdébuts des années 1860, quand leSecond Empire ouvre les stationsbalnéaires, il est le premier à pein-

PEINTURE Monet le considérait comme son maître: le musée Jacquemart-André organise la premièrerétrospective du Normand depuis… 1899.

Boudin retrouve enfin la lumièreEUGÈNE BOUDINMusée Jacquemart­André,158 boulevard Haussmann, 75008,jusqu’au 22 juillet. Catalogue 39 €.

M ieux vaut ne pas naître, oumourir, à l’ombre tropproche d’un génie. Ce fut le

cas d’Eugène Boudin, que ClaudeMonet cite comme un maître luiayant légué le goût de «l’instanta-néité». Depuis l’hommage qui lui aété rendu en 1899, l’année suivantsa disparition, aucune rétrospectivene lui avait été consacrée.Quatre cent cinquante œuvresavaient alors été accrochées àl’Ecole des Beaux-arts. L’artisteaurait sans doute préféré que l’on«raréfie» une production qu’il sa-vait inégale, selon le souhait qu’ilavait lui-même exprimé à son mar-chand, Paul Durand-Ruel. Au mu-sée Jacquemart-André, LaurentManœuvre s’est contenté d’unesoixantaine de toiles pour faire par-tager l’estime qu’il porte au peintreet à l’homme.«Exilé». Eugène Boudin était unNormand, extrêmement sympathi-que avec sa tête barbue et sa cas-quette de loup de mer; une person-

nalité généreuse partageant sonamour du grand air avec les jeunesen rupture des Salons, auxquels luientendait rester fidèle. Il n’était pas

dre les Parisiens sur la plage. DansDeauville, village à peine sorti dumarécage, où il finira par s’instal-ler, il se sert des régates, des cour-ses de chevaux ou de l’inaugurationdu casino comme d’autant de pré-textes pour évoquer ces assembléesmondaines en touches rapides.Un marchand rencontré en Belgi-que en 1870 l’incite à produire desmarines, pour renouveler le genrenordique. Il attendra la cinquan-taine avant d’être reconnu. Boudinhésite, change, déconcerte, tra-vaille la lumière à différentes heu-res de la journée. Il se montre lemeilleur dans des études plus oumoins achevées, qu’il peut vendreet signer ; cherche l’effet en ré-veillant les bleus, les blancs et lesgris, passant aussi bien au pastel ouà l’aquarelle. Il regarde un peu tout,les vaches de Potter et de Troyon, laconstruction des marines de Ver-net, la touche d’un Guardi, les at-mosphères du Lorrain ou duXVIIe hollandais. Mais aussi Monet,Manet ou Courbet, dont il enviel’audace. En 1887, il s’inquiète de«l’exagération du bleu violacé chezles “intransigeants”», comme sefont appeler les impressionnistes.A Etretat, sa falaise en fond est unélément du paysage. Monet en faitle personnage, d’une scène gran-diose. Corot, Baudelaire, Courbet,Zola ou Dumas fils sont émerveilléspar les dégradés des cieux de Bou-din. Monet, lui, n’aura de cesse derepousser le ciel hors de la toile,pour peindre ses paysages d’eauque sont les Nymphéas.

VINCENT NOCE

ANAMORPHOSIS ms PHILIPPEQUESNE au Théâtre de Gennevilliers,41, av des Grésillons, Gennevilliers (92),le 24 et 26 avril à 20h30, le 25 à 19h30.

E n biologie, la néoténie décrit laconservation de caractéristiques juvé-niles chez les adultes. Chez la femelle

du vers luisant, par exemple, comme onl’apprend dans la nouvelle pièce de PhilippeQuesne, Anamorphosis, présentée à Genne-villiers. La métaphore peut aussi s’appliqueraux femmes-enfants qui l’interprètent: Ami,Yuko, Makiko et Mao, comédiennes recru-tées dans la compagnie Seinendan, fondéepar Oriza Hirata, qui a présenté récemmentses pièces mettant en scène des robotsandroïdes sur ces mêmes planches.Quotidien. Pour celle-ci, créée à Tokyo, laville des hôtels capsules, on quitte les vastespaysages de la Mélancolie des dragons ou deBig Bang pour retrouver l’intérieur confinéde l’Effet de Serge et le théâtre miniature à«effet spécial» façon Quesne. Ou comment

transfigurer son quotidien à l’aide de quel-ques gadgets et de (beaucoup) d’imagination.Dans une chambre, une batterie et des guita-res électriques encombrent le lino motifplancher, balayé par un light show cheap.Mais c’est de la musique punk préenregistréeque crachent les haut-parleurs. Entrent tour

à tour quatre filles, qui se déchaussent soi-gneusement, enlèvent bonnets à pompon etdoudounes et les plient en silence.Des méduses en plastique phosphorescentesdérivent dans un aquarium et Brassenssuccède au générique de Spider-Man dans laplaylist: «Auprès de mon arbre, je vivais heu-reux.» On imagine la petite chambre bocalcernée par la jungle urbaine tokyoïte. Imper-ceptiblement, le refuge se métamorphosepour devenir une montagne, une forêt, une

cabane, où se projette l’imaginaire des filles.Pour trouver l’inspiration, le girl’s bandchausse des masques de réalité augmentée(déformée ?) dotés d’un «logiciel de visionanticipatoire», qui ressemblent plus à degrosses lunettes de ski câblées qu’à des pro-thèses high-tech.

Après cette séance d’immersion,elles remettent leur manteau, ser-rent fort leur petit sac à dos ets’enfoncent dans la nuit pour uneéquipée… entre les quatre murs dela chambre. Du rien surgit tout un

monde artificiel, le banal est sublimé, etl’aventure s’invente à coups de gadgets à100 yens (0,7 euro). Tout est faux, comme lebrouillard inquiétant produit à l’aide d’unemachine à fumée, le feu de camp où grillentdes marshmallows, ou ces lucioles électri-ques qui scintillent dans la pénombre.Mais tout est plus vrai que nature dans cemoment de rêverie et d’amitié partagées. Lemonde virtuel qui se déploie en forme depoupées russes n’est pas celui haute résolu-

tion et mortifère des jeux vidéo où se réfu-gient les hikikomoris, ces inadaptés sociauxqui vivent cloîtrés dans leur chambre, maiscelui fantasque de l’imagination humaine.Réflexe enfantin de survie qui surgit quandil s’agit de tuer l’ennui à coup de poésie, dese faire peur en s’inventant des monstresimaginaires.Mille­pattes. Comme toujours, le théâtreéprouvette de Quesne est constitué de peu dechoses et d’encore moins de mots. Un prélè-vement de réel, observé à la loupe, où l’émo-tion naît d’un léger décalage, des actionssimples avec des objets employés à contre-usage, capables d’activer un autre monde.Tout ne tient qu’à un fil, comme ces écre-visses et mille-pattes en peluche agités au-dessus d’une maquette de mégalopole, telsde dérisoires Godzilla. Un petit moment degrâce au pays du monde flottant avant de re-trouver ses fidèles comparses du VivariumStudio dans Swamp Club, créé pour le pro-chain Festival d’Avignon.

MARIE LECHNER

THÉÂTRE Créée au Japon et jouée à Gennevilliers, une équipée en réalité augmentée de Philippe Quesne.

«Anamorphosis» fait chambre à part

Du rien surgit tout un monde artificiel,le banal est sublimé, et l’aventures’invente à coups de gadgets à 100 yens.

Scène de plage, 1869, huile sur toile. COLL. CARMEN THYSSEN­BORNEMISZA EN DÉPÔT AU MUSÉE THYSSEN­BORNEMISZA (MADRID)

A Deauville dans les années 1860,il se sert des régates ou des courses dechevaux pour évoquer ces assembléesmondaines en touches rapides.

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 201326 • CULTURE

A près l’annonce, jeudi,d’une sélection offi-cielle de prestige re-

lativement sans surprise,c’était au tour des sélectionsparallèles de faire connaîtreleurs choix constellés denoms que ça a l’air supermais qu’on sait pas qui c’est.Côté Quinzaine des réalisa-teurs règne la politique duchiffre, à en croire la présen-tation du délégué généralEdouard Waintrop (ancienLibération), qui a annoncé«un catalogue d’aventures»«et trois comédies» (dont lespremiers films respectifsd’Antonin Peretjatko, la Filledu 14 Juillet, et GuillaumeGallienne, d’après sonspectacle les Garçons etGuillaume, à table ! ), «quatrefilms policiers, trois documen-taires».Il y a aussi trois revenants(Raphaël Nadjari avecA Strange Course of Events,Serge Bozon avec Tip Top, etl’Indien Anurag Kashyapavec Ugly), deux vieux mes-sieurs venus présenter leursmémoires (Un voyageur deMarcel Ophüls, 86 ans, et laDanza de la Realidad d’Ale-jandro Jodorowsky, 84 ans

– ce dernier faisant l’objetd’un docu de Frank Pavitch,aussi en sélection), et unebelle proportion de premiersfilms (citons les Apaches, duFrançais Thierry de Peretti,Après la nuit de l’Helvéto-Portugais Basil da Cunha, IloIlo du Singapourien AnthonyChen, ou Last Days on Marsde l’Irlandais Ruairi Robin-son). En ouverture, la Quin-zaine frappe un coup en pré-sentant The Congress d’AriFolman (Valse avec Bachir),film d’animation au castingplaqué-Hollywood (RobinWright, Harvey Keitel…).C’est à Yolande Moreau qu’ilreviendra de clore les hostili-tés avec Henri, son secondfilm.Versant Semaine de lacritique, le cahier des char-ges astreignant les sélection-neurs à ne piocher que dansles premiers ou secondsfilms, c’est peu dire qu’il estdifficile d’identifier les forcesen présence. Côté cocorico,trois titres. En compétition,Nos héros sont morts ce soir,de David Perrault, gros bras(Denis Menochet, Jean-Pierre Martins) et intriguesur fond de catch. Le premier

long de l’ex-critique YannGonzalez, les Rencontresd’après minuit, réunit KateMoran, Niels Schneider,Cantona, Fabienne Babe,Alain Fabien Delon, BéatriceDalle pour une partouzeannoncée flashy. C’est lesecond de Katell Quillévéré(après Un poison violent) quiouvrira la sélection, Suzanne,avec Sara Forestier, AdèleHaenel et François Damiens,romance entre une jeunefemme et un bad boy.A part ça: du canadien, avecle Démantèlement, de Sébas-tien Pilote, de l’argentin avecLos Dueños d’Agustin Tos-cano et Ezequiel Radusky, dubritannique avec For Those inPeril de Paul Wright, de l’in-dien avec The Lunchbox deRitesh Batra, du russe avecThe Major de Yury Bykov, etde l’italien avec Salvo de Fa-bio Grassadonia et AntonioPiazza.Le seul américain de la sé-lection, les Amants du Texas,de David Lowry, présenté enséance spéciale, bénéficiedepuis Sundance d’une ré-putation malickienne.

JULIEN GESTERet BRUNO ICHER

Au croisement deKraftwerk et du folklorerural colombien, on décou­vre l’un des groupes lesplus singuliers du moment.Les Meridian Brothers sontun des nombreux projetsd’Eblis Álvarez, musicien etpoète touche­à­tout deBogotà, actif dans le rock,la cumbia, le dub, le classi­que… Meridian Brothersexiste depuis 1998 etDesesperanza, son premierdisque distribué à l’interna­tional, est en fait le qua­trième. Guitares soukousset orgues archaïques semarient sur fond de futu­risme naïf pendantqu’Alvarez débite d’unevoix mécanique de cruelspetits textes surréalistes.La première tournée enEurope des Meridian Bro­thers démarre ce soir prèsde Paris, dans le cadre dufestival Banlieues bleues.F.X.G.CD: Desesperanza (Sound­way). En concert ce soirà 20h30 au Deux­PiècesCuisine du Blanc­Mes­nil (93), le 30 avril àMarseille (13), le 2 mai àAnnecy (74), le 3 à Genève,le 7 à Rouen (76)…

LE BRIC­À­BRACTROPICAL DESMERIDIAN BROS.

LE CD

Willy Moon Comète swamprock tasmanienne La Flèche d’or,102, bis, rue de Bagnolet, 75020.Ce soir, 20 heures.

Jamie Cullum Pianiste­chanteurjazzy pop à ressortsMaroquinerie, 23, rue Boyer,75020. Ce soir, 20 heures.

Neil Cowley Trio Pianistede jazz anglais ultra­rythmiquelimite pop Duc des Lombards,42, rue des Lombards, 75001.Ce soir et demain, 20 heureset 22 heures.

MÉMENTO

3 minutesc’est la durée maximale autorisée pour concourir àla 15e édition du «Festival international des très courtsmétrages» qui se tient du 26 avril au 5 mai dans 34 paysdu monde entier (www.trescourt.com).

Dati, sus «Aux noms des pères»L’ex-garde des Sceaux Rachida Dati attaque un album illustréla mettant un peu en scène à propos de sa fille naturelleZohra. Aux noms des pères figure diverses autres personnali-tés, dont Dominique Desseigne, qui a fait l’objet d’une assi-gnation en reconnaissance de paternité de Dati, qu’il nie.

Hitler libre de droitsLes faux Carnets noirs d’Adolf Hitler, supercherie médiatiqueallemande ayant fait sensation il y a trente ans, vont être ver-sés aux archives nationales allemandes où ils seront acces-sibles au public, a annoncé hier l’hebdomadaire Stern, cou-pable du scandale inqualifiable par lequel, le 25 avril 1983,de faux journaux intimes du dictateur national socialisteavaient été présentés à Hambourg (nord) comme une décou-verte historique. «Les journaux falsifiés font partie de l’histoirede Stern», s’est justifié par avance, payant d’audace, le ma-gazine discrédité, par communiqué.

«Quiconque s’intéresse au comportementhumain devrait lire Jane Austen, car sonprogramme de recherche est efficace.»Michael Chwe professeur de sciences politiquesà l’Université de Californie, auteur de Jane Austen,théoricienne des jeux, qui voit dans la romancière d’Orgueilet préjugés la fondatrice de cette science

Richie Havens, chanteur blues folk noir américain barbu aupathos protest enflammé, mêlé de Sixto Rodriguez et deJose Feliciano, est mort d’un infarctus samedi, chez lui,après plus de quarante ans de tournées et d’activitéssociales. Dans les années Woodstock­Isle Of Wight (festi­vals historiques où il s’illustre, sur l’air traditionnel deMotherless Child­Freedom), Richie Havens de Brookynavait égrené les succès, spécialement dans le registrede la reprise décalée, type Don’t Be Cruel par Billy Swannou With a Little Help From My Friends par Joe Cocker.Sa variation maison sur le thème de Here Comes the Sun,classique des Beatles terminaux d’Abbey Road, fitun hit en 1971. Surfant sur cette popularité, Havens auralaissé 13 albums classés au Billboard, notamment AlarmClock (1971) et Stonehendge (1970), catalogue qu’il devaitremixer et actualiser en 2000 avec l’aide de Peter Gabriel.Outre les festivals, le musicien aura connu les plus grandsauditoriums de l’épopée pop, du Royal Albert Hall au Car­negie Hall. Avec l’âge, il s’était impliqué dans l’écologie,cofondant la Northwind Undersea Institute, musée océa­nographique pour enfants dans le Bronx. PHOTO AP

RICHIE HAVENSDÉFINITIVEMENTLIBRE

DISPARITION

www.tv5monde.com/rvmaquisAnasthasie Tudieshe et Manu Dibango

Cré

dits

pho

tos :

Pan

oram

ic -

A. H

erm

ann

Politique, économie, société, culture : une vision moderne de l’Afrique proposée par Anasthasie Tudieshe et son équipe de chroniqueurs. En présence de Manu Dibango, invité de la première édition.

Anasthasie Tudieshe et Manu Dibango

LE NOUVEAU TALK-SHOW AFRICAIN DE TV5MONDE

Ce soir à 21h

AP_RVM_LIBERATION_248x41.indd 1 18/04/13 11:34

Nos héros sont morts ce soir, de David Perrault (Semaine de la critique). PHOTO DR

FESTIVAL «Un catalogue» pour la Quinzaine desréalisateurs et une Semaine de la critique cosmopolite.

A Cannes, du mondeen parallèles

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 CULTURE • 27

Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Nice Nice

Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Limoges

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Nice

Ajaccio

NuageuxSoleil Couvert FaibleModéréFort

CalmePeu agitée

AgitéeAverses Pluie

Éclaircies

Orage

0,1 m/9º

LLEE MMAATTIINN Risque de nuages bas etde brouillards au nord de la Loire,dans les vallées du centre-est et surle golfe du Lion.

LL’’AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII L'impression sera prin-tanière voire même estivale dans lesud. Plus nuageux sur l'extrême nordet en Manche avec des brumes.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

FRANCE MIN/MAX

LilleCaenBrestNantesParisNiceStrasbourg

FRANCE MIN/MAX

DijonLyonBordeauxAjaccioToulouseMontpellierMarseille

SÉLECTION MIN/MAX

AlgerBruxellesJérusalem LondresBerlinMadridNew York

Neige

0,3 m/8º

0,1 m/15º

0,6 m/14º

1 m/14º

MERCREDI

Le temps pourrait devenir plus instableprès de la Méditerranée avec desaverses orageuses. Sec et chaudpartout ailleurs.

JEUDI Pluies fréquentes des Pyrénées auxfrontières de l'est. Ciel plus variable endirection des côtes de la Manche.

VENDREDI

0,3 m/15º

0,3 m/10º

5/217/238/256/217/23

10/2012/19

12/157/21

13/2810/217/18

5/204/21

7/208/19

10/178/22

10/2310/20

9/21

1,5 m/8º

0,3 m/9º

1,5 m/15º

0,3 m/12º

0,6 m/14º

0,1 m/8º

0,1 m/9º

0,1 m/15º

0,6 m/12º

0,3 m/12º

04 9

1 27

01

16

LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Pariscedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARLLibération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. CogérantsNicolas DemorandPhilippe Nicolas Associée unique SA Investissements Presseau capital de 18 098 355 €.Directoire Nicolas DemorandPhilippe Nicolas Directeur de lapublication et de la rédaction Nicolas Demorand

Directeurs adjoints de la rédaction Stéphanie AubertSylvain BourmeauEric DecoutyFrançois SergentDirectrice adjointede la rédaction,chargée du magazineBéatrice VallaeysRédacteurs en chefChristophe Boulard(technique) Gérard LefortFabrice RousselotFrançoise-Marie Santucci(Next)Directeurs artistiques Alain BlaiseMartin Le ChevallierRédacteurs en chefadjoints Michel Becquembois(édition)Jacky Durand (société)Olivier Costemalle et Richard Poirot(éditions électroniques)Jean-Christophe Féraud (éco-futur)Luc Peillon (économie)Nathalie Raulin (politique)

Mina Rouabah (photo)Marc Semo (monde)Bayon (culture)Sibylle Vincendon etFabrice Drouzy (spéciaux)Pascal Virot (politique)Directeur administratif et financierChloé NicolasDirectrice de lacommunication Elisabeth LabordeDirecteur commercial Philippe [email protected] dudéveloppement Pierre Hivernat

ABONNEMENTSMarie-Pierre Lamotte03 44 62 52 [email protected] abonnement 1 anFrance métropolitaine :371€.

PuBLICITÉ Libération Medias. 11, rueBéranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 68

Amaury médias25, avenue Michelet93405 Saint-Ouen CedexTél.01 40 10 53 [email protected] annonces.Carnet.

IMPRESSIONCila (Héric)Cimp (Escalquens)Midi-print (Gallargues)Nancy Print (Nancy)POP (La Courneuve),

Imprimé en France Tirage du 23/04/13:133 950 exemplaires. Membre de OJD-

Diffusion Contrôle. CPPP:1115C 80064. ISSN 0335-1793.

Nous informons nos lecteursque la responsabilité du jour -nal ne saurait être engagéeen cas de non-restitution dedocuments

« Pour joindre un journaliste,envoyez-lui un email initialedu pré[email protected]: [email protected]

N T

C N Q H U

Q H A

O N

O A E N C

Q N E H O

E T C

O H

T H Q

7 4 8 6 5

7 8

8 5 4 2

4 6

7 8 9 1 2 3 4

4 1

9 4 2 5

9 7

4 3 2 7 6

SUDOKU MOYEN

MOT CARRÉ SUDOKU

La parole, quand elle est déplacée

MOT CARRÉ

1 9 3 4 8 7 5 6 2

8 4 5 3 2 6 9 1 7

2 6 7 1 5 9 8 3 4

9 3 4 2 7 5 1 8 6

7 1 2 8 6 3 4 5 9

5 8 6 9 1 4 7 2 3

6 2 1 7 9 8 3 4 5

3 7 8 5 4 2 6 9 1

4 5 9 6 3 1 2 7 8

A O E T R D I C F

F C T I A E D O R

I D R F O C T E A

E I D C F O R A T

T A C D I R E F O

O R F E T A C D I

C F A R D T O I E

D T O A E I F R C

R E I O C F A T D

Abonnez-vous

À découper et renvoyer sous enveloppe affranchie à Libération, service abonnement, 11 rue Béranger, 75003 ParisOffre réservée aux particuliers, si vous souhaitez vous abonner en tant qu’entreprise merci de nous contacter.

Oui, je m’abonne à l’offre intégrale Libération pour 6 mois, au tarif de 109 € au lieu de 254,10€ (prix au numéro). Mon abonnement intégral comprend la livraison de Libération chaque jour par portage* + tous les suppléments + l’accès permanent aux services numériques payants de Libération.fr + le journal complet sur Smartphone et Tablette (formule « web première » incluse).

Signature obligatoire :Carte bancaire N° Expire le ac ac Cryptogramme abc Date ac ac abbc

mois année les 3 derniers chiffres au dos de votre carte bancaire

Nom : ttttttttttttttttttttttttttt Prénom : tttttttttttttttttttttttttttt

Adresse : tttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttt

Code postal : abbbc Ville : tttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttt

Téléphone : ac ac ac ac ac E-mail : ttttttttttttttttt@ttttttttttttttttttt

*Offre valable jusqu’au 31 décembre 2013 exclusivement pour un nouvel abonnement en France métropolitaine et réservée aux particuliers. La livraison du quotidien est assurée par porteur avant 7 h 30 dans plus de 500 villes, les autres communes sont livrées par voie postale. Les informations recueillies sont destinées au service de votre abonnement et, le cas échéant, à certaines publications partenaires. Si vous ne souhaitez pas recevoir de propositions de ces publications cochez cette case .

http://abo.liberation.frVous pouvez aussi vous abonner très simplement sur :

O Règlement par chèque.

O Règlement par carte bancaire.

AP003740 ANS

OFFRE SPÉCIALE

6 mois pour 109€

seulementau lieu de 254,10 €

Chaque jour l e quotidien, livré chez vousavant 7h30 par porteur spécial* du lundi au samedi

24h/24 et 7j/7 tous les services et contenusnumériques en accès libre

Les appli Smartphone & Tablette (compatibles Androïd)

Chaque mois le mensuel Next

Abonnez-vous à l’offre INTÉGRALE à tarif anniversaire

57%de réduction

page meteo du 24:LIBE09 23/04/13 14:41 Page1

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 201328 • JEUX­METEO

A LA TELE CE SOIR20h50. Grey’sanatomy.Série américaine :Quand tout s’écroule,Instinct de leader.Avec Ellen Pompeo,Patrick Dempsey.22h20. Revenge.Série américaine :Bienvenue dans lesHamptons,Le nerf de la guerre.Avec Emily VanCamp.23h55. Breakout Kings.Série.

20h45. Drôle defamille.Téléfilm de ChristopheDouchand.Avec Christine Citti,Juliette Arnaud.22h15. La parenthèseinattendue.Jean-Pierre Coffe,Sonia Rolland, Zoé Félix.Magazine présenté parFrédéric Lopez.0h15. Plein 2 ciné.0h25. Journal de la nuit.

20h45. Des racines & des ailes.Des Charentes au Poitou.Magazine présenté parLouis Laforge.22h35. Météo.22h40. Soir 3.23h45. Les carnets de Julie.Le pays de l’albigeoisdans le Tarn.Magazine.0h35. Espacefrancophone.

20h55. My week with marilyn.Biopic britannique deSimon Curtis, 102mn,2011.Avec Michelle Williams,Eddie Redmayne.22h35. Love, MarilynDocumentaire.0h20. Borgia.2 épisodes.Série.2h10. L’enfant d’en haut.Film.

20h50. The wrestler.Drame américain deDarren Aronofsky,105mn, 2008.Avec Mickey Rourke,Marisa Tomei.22h30. Yes we catch !Combats sur le ring.Documentaire.23h25. Tsigane.Film.1h05. Real Humans.Série.3h15. Des françaislibres se souviennent.

20h50. Pékin express -Le coffre maudit.Sous le soleil duMexique - Ay Ay chihuahua !Jeu présenté parStéphane Rotenberg.23h00. Pékin express -Ils ne vous ont pas toutdit.Jeu.0h10. Pékin express -Le coffre maudit.Jeu.2h25. Météo.

20h45. Fantômas.Film d’aventuresfrançais d’AndréHunebelle, 94mn, 1964.Avec Jean Marais, Louis De Funès.22h30. À vos caisses !Téléfilm français.Avec Arnaud Ducret,Julia Dorval.23h55. Elie Semoun :Merki.Spectacle.1h35. Le printemps deBourges 2012.

20h40. La maisonFrance 5.Magazine présenté parStéphane Thebaut.21h25. Silence, ça pousse !Magazine.22h10. C’est notreaffaire.Magazine présenté par Claire Fournier.22h45. C dans l’air.Magazine.23h50. Dr CAC.Série.

20h40. Frères d’armes.Série américaine :Currahée, Jour J.Avec Damian Lewis,Donnie Wahlberg22h55. Gangs of New York.Drame de MartinScorsese, 170mn, 2002.Avec LeonardoDiCaprio, Daniel Day-Lewis.1h45. Paris Dernière.2h35. Programmes denuit.

20h50. Les grandeshistoires.Ils nous aident à trouverl’amour.Magazine présenté parMarie Inbona.23h10. Bienvenue chez Cauet.Magazine présenté parSébastien Cauet.0h50. La maison du bluff 3 - Laquotidienne.Télé-réalité.

20h45. Personnen’est parfait.Pièce de théâtre d’Alain Sachs.Avec Jean-LucReichmann, Véronique Jannot.22h55. Les 100 plusgrands.Les perles d’enfants.Divertissementprésenté par Jean-Pierre Foucault.0h55. Le bêtisier de Pâques 2013.

20h50. Enquêtescriminelles : Le magazine des faitsdivers.Magazine présenté parSidonie Bonnec et Paul Lefèvre.22h45. Enquêtescriminelles : Lemagazine des faitsdivers.2 épisodes.Magazine.3h05. Programmes denuit.

20h45. Icarly.Série américaine :Que le spectaclecommence,J’adore Jack,Recherchetéléspectateurs,Nevelocity.Avec MirandaCosgrove, Jennette McCurdy.22h30. Bravo, Jamelfait son cirque d’hiverDivertissement.0h00. Dessins animés.

20h50. En quêted’actualité.Permis de conduire : la guerre des pointsDocumentaireprésenté par Guy Lagache.22h30. En quêted’actualité.2 épisodes.Documentaire.1h10. Touche pas à monposte !Divertissement.

20h45. SœurThérèse.com.Téléfilm français :Sang d’encre.Avec DominiqueLavanant.22h30. SœurThérèse.com.Sœur Thérèse.com.Téléfilm.0h15. L’enfant depersonne.Parties 1 & 2.Téléfilm.

20h50. Direct contact.Téléfilm de Danny Lerner.Avec Dolph Lundgren,Gina May.22h30. Une virée enenfer 2.Thriller américain deLouis Morneau, 91mn,2002.Avec Nicki Lynn Aycox,Nick Zano.0h05. Star story.Documentaire.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 D8 NT1 D17

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

Se briserTF1, 20h50Une route s’effondre et,évidemment, le cœur decette nunuche de Mere­dith se brise: huitième sai­son de Grey’s Anatomy.

Se froisserArte, 20h50 et 22h30Une soirée à se froisser latronche et pas que pourde rire? Allez, le film TheWrestler suivi du docu­mentaire Yes We Catch!

Se loverCanal+, 20h55 et 22h35Une soirée nus dans desdraps froissés de ChanelN°5? Allez: le film My WeekWith Marilyn, suivi du docu­mentaire Love, Marilyn.

LES CHOIX

Le directeur de l’informa­tion de France Télévisions,Thierry Thuillier, a fait sescomptes: c’est 7 millionsd’euros qu’il devra écono­miser après la baisse de ladotation publique annon­cée par la ministre de laCulture et de la Communi­cation, Aurélie Filippetti.Sur les 225 millions d’eurosdu budget de l’information(rédactions nationales deFrance 2, France 3 etFrance Ô, magazines d’infoet site FranceTVinfo), «il ya 2 millions d’euros d’éco­nomies à faire en 2013», adétaillé Thuillier devantl’Association des journa­listes médias, et, «sur 2014et 2015, environ 5 millionsd’économies». Ces mesuresse feront via la fusion desrédactions, que Thuilliermène depuis des mois:«L’objectif est de préservernos contenus autant quefaire se peut.» Il en a parailleurs appelé à un «parte­nariat stratégique» avecFrance 24, se disant même,mais à titre personnel,favorable à une intégrationde la chaîne d’info interna­tionale au sein de FranceTélévisions. PHOTO AFP

THIERRYTHUILLIER :DU RÉGIMEET DE L’APPÉTIT

LES GENS

Le «Nouvel Obs» arrête «Télé Obs»Le patron du groupe Nouvel Observateur, Claude Perdriel,a décidé de stopper la parution du supplément TéléObs, selonla lettre confidentielle Presse News. Diminuées par deux, sespages de programmes et de critiques seront réintégrées dansun cahier télé à la fin du Nouvel Obs. Lancé en 1987, TéléObsa vu ses recettes publicitaires décrocher en 2012.

Inter chute aussi en Ile-de-FranceFrance Inter perd un demi-point sur la période janvier àmars 2013 en Ile-de-France par rapport à 2012, avec 11,2%d’audience cumulée, selon l’étude Médiamétrie publiée hier.La chute est plus relative qu’à l’échelon national (-1 point),qui s’explique, selon la direction, par les grèves à répétition.Inter conserve tout de même sa deuxième place dans la ré-gion, derrière RTL (13%) et devant Europe 1 (10%).

6017C’est le nombre de plain­tes qui ont été déposéesauprès de la Commissionnationale de l’informati­que et des libertés (Cnil)en 2012, selon un rapportpublié hier. C’est 4,9% deplus qu’en 2011. Une aug­mentation qui témoigne de«l’importance de la régula­tion par la Cnil dans cetenvironnement évolutifqu’est l’univers numérique»,dit le rapport. En 2012, sonService d’orientation et derenseignement du public areçu 134231 appels télé­phoniques et 35934 cour­riers. Comme en 2011,l’opposition à figurer dansun fichier constitue le prin­cipal motif de saisine de laCnil, et les secteurs lesplus problématiques res­tent Internet et les télé­coms.

Une nouvelle formule de l’Express devrait être lancée enkiosques mi­mai, à l’occasion du 60e anniversaire du news­magazine. Le site internet du titre devrait aussi êtrerelooké. Ces changements interviennent pour tenterd’endiguer l’érosion des ventes (514110 exemplaires enmoyenne en 2012, soit ­1,6%). Les syndicats et la directiondu groupe Express­Roularta, qui aurait perdu 4 millionsd’euros en 2012, négocient un plan de sauvegarde del’emploi qui prévoit la suppression de 80 postes, soit 10%des effectifs. Le guichet de départs devrait être ouvert enjuin. Selon Presse News, l’arrêt du mensuel l’Entreprise surle print et la fusion des bimestriels de décoration Maisonfrançaise et Maison magazine auraient été actés. Legroupe veut réaliser plus de 4 millions d’euros d’économies.

EXPRESS­ROULARTA : NOUVELLESFORMULES, DÉPARTS ET FUSIONS

L’HISTOIRE

Non, une fusée ne peut pas atteindre la Lune en unepoignée de secondes, quel que soit le nombre d’amélio­rations invraisemblables qu’on lui ait apportées. WonderRocket est un jeu de distance, mais un jeu de distance(presque) réaliste: les ascensions sont lentes, le rythmeest régulier sauf si l’on active un booster ou si l’on croiseune plateforme d’accélération. Le ciel est encombré –deballons, de montgolfières, d’hélicos et d’astéroïdes. Ons’abîme en les percutant. Et on tombe, encore et encore,quand le réservoir de fuel est vide. Wonder Rocket est unpeu lent, et c’est pour ça qu’on l’aime bien. C.Géwww.kongregate.com/games/jjwallace/wonder­rocket

POUR FAIRE SUITE À VOTRE ROCKET

VU SUR LE WWW

«Bernard Tapie alimente les fantasmes.En dépit de ses dérapages, il devra êtrejugé sur la conduite de son projetet l’engagement qu’il a pris de respecterla liberté éditoriale des journalistes.»La société des journalistes de la Provence dans une tribunepubliée sur le site de l’Express, agacée du «Provencebashing» dont elle ferait l’objet depuis l’arrivée de BernardTapie au capital du Groupe Hersant Média

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 ECRANS&MEDIAS • 29

Soixante quinzeans après l’An-schluss, l’an-nexion du payspar le IIIe Reich le12 mars 1938,l’Autriche re-vient sur la pé-

riode de la guerre, alors que, con-trairement à l’Allemagne, elle avaittoujours été très réticente à faire lebilan de son passé nazi. Pour la pre-mière fois, le 10 mars, une commis-sion d’historiens a révélé que leprestigieux Orchestre philharmo-nique de Vienne avait été dirigéde 1954 à 1968 par un ancien nazi,Helmut Wobisch, membre du NS-DAP dès 1933 et de la SS dès 1938.La commission rappelle aussi quependant la guerre, l’orchestre a ex-clu ses musiciens juifs. Entre 1938

Par BLAISE GAUQUELINCorrespondant à ViennePhotos REINER RIEDLER

Importante ettrès impliquéedans lerayonnementculturelde la Vienned’avant-guerre, lacommunautéjuive, déciméesous leIIIe Reich, estaujourd’huitrès réduite.Et souventoublieuse deson histoire.

Que deviennentles juifs deVienne?

Ci­contre:le jeune DJ et

serveur NicolasEndlicher.

Page de droite,en haut: David

Lasar, élu du partid’extrême droite

FPÖ. En bas:la thérapeute

Elisabeth Jupiter.

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 201330 • GRAND ANGLE

où ont massivement immigré les juifsde l’Est au XIXe siècle.» En 1914, unquart de la population du quartierétait constituée de juifs de Galicie,souvent vêtus de noir et fidèles à latradition hassidique. Aujourd’hui,le tabac-presse reçu en compensa-tion («Wiedergutmachung») aprèsla guerre existe toujours, mais Lasarn’y travaille plus : il l’a venduen 1989. «Il n’y a plus que cette tris-tesse infinie transmise par mon pèrequi me relie aux juifs d’avant laguerre», dit-il. Conseiller munici-pal, c’est un opposant acharné dumaire socialiste de Vienne. Tous lesjours, des Viennois l’arrêtent dansla rue pour des problèmes de loge-ment ou de place en crèche. «Mi-chael Häupl, le maire, ne se bougeplus pour les petites gens, dit-il. Toutce que la gauche faisait pour les pau-vres il y a vingt-cinq ans, c’est nousqui le proposons maintenant.»Un élu juif d’extrême droite au paysd’Adolf Hitler… Ses détracteurs ac-cusent Lasar d’être un Persiljude,un «juif de persil», comme on poseun brin de persil sur une viandeavant de la servir. «De toute façon,il n’est pas juif, puisque sa mère était

catholique et que chez nous, c’est lamère qui transmet la religion, persifleune mauvaise langue de l’IKG. Ilgagne de l’argent grâce à la politiqueen faisant semblant de ne pas savoirque son parti a toujours été un ras-semblement de vieux nazis.» «“Per-siljude”… C’est une expressionqu’employait Hitler, réplique Lasar.C’est triste que des juifs l’utilisentaujourd’hui contre moi. Qu’ils me ju-gent plutôt sur mon travail !»Ici, la communauté juive est assi-milée au reste de la population de-puis l’Edit de tolérance de 1782, quipermit aux juifs d’accéder aux ins-titutions scolaires publiques et auxmétiers dont ils étaient exclus, etqui eut pour conséquence de dimi-nuer l’usage du yiddish et d’effacerles particularités les plus visiblesdans la vie quotidienne. Avant laPremière Guerre mondiale, les juifsvivaient dans trois quartiers deVienne: les Ier, IIe et IXe arrondis-sements. On trouvait l’aristocratieet la haute bourgeoisie, parfois con-verties au christianisme et assimi-lées à la culture allemande, dans leIer, où elles représentaient plus de20% de la population en 1900. Lesclasses populaires récemment im-migrées de Bohême-Moravie et deHongrie, puis de Galicie, étaientmassées dans les logements insalu-bres du IIe. Enfin, les intellectuelset les commerçants juifs vivaientdans l’Alsergrund, dans le IXe. «Ony observait une forte concentration demédecins, universitaires, ensei-gnants, gens de lettres et journalis-tes», écrit Jacques Le Rider.Parmi eux, la mère, les grands-pa-rents et l’arrière-grand-mère d’Eli-sabeth Jupiter, une psychothéra-peute née en 1949. «Dans la rue de

ma famille, la rue Serviten, la moitiédes habitants étaient juifs, explique-t-elle. Ce n’étaient pas des gens ri-ches, plutôt la classe moyenne cultivéeet très assimilée. Mon arrière-grand-mère tenait une charcuterie noncasher ! Mes parents détestaient leyiddish ; pour eux, c’était du polo-nais!» Elisabeth Jupiter est nostal-gique de cette vie d’avant-guerre.«On pouvait fêter Hanouka [la fêtedes lumières, ndlr] et Pessah [la Pâ-que juive] comme on fête Noël, sansêtre religieux. On pouvait vivre la tra-dition de manière collective et laïque»,regrette-t-elle.462 des juifs de la rue Serviten ontété victimes de la persécution nazie.Un mémorial rappelle ce passé auxhabitants actuels, qui l’ignorentsouvent. «Un tiers des juifs sontmorts dans les camps, un autre tiersont émigré, pour le dernier tiers, onn’a pas retrouvé assez d’indices, dé-taille l’historienne Barbara Sauer,qui a retracé le parcours de la fa-mille Jupiter en 2005. «A l’époque,l’accessibilité aux archives était mé-diocre, car l’Autriche invoquait laprotection de la vie privée des person-nes encore vivantes. On trouverait

plus de choses si oncherchait aujourd’hui.Les Jupiter habitaientau numéro 22, appar-tement numéro 6. Ilsn’ont même pas essayéde fuir. Beaucoup ne sesont pas sentis mena-

cés. Ils ont tous été déportés en 1942.La mère d’Elisabeth a perdu ses pa-rents, sa grand-mère et ses tantes.»

«Les blagueset la psychanalyse»

En 2013 à Vienne, à part dans quel-ques rues de l’arrondissement deDavid Lasar, il n’y a plus vraimentde quartier où les juifs vivent en-semble. «La troisième générations’en va, constate Elisabeth Jupiter.Elle va étudier à l’étranger et ne re-vient plus. Ma génération n’a pas osépartir.» La mère d’Elisabeth s’estmariée en septembre 1945 avec legarçon qu’elle aimait et qui avaitsurvécu. Ayant perdu toute sa fa-mille, elle s’est raccrochée à sa fille.«Mes parents se sentaient tellementautrichiens que mon père disait ques’il n’avait pas été juif, il aurait étéaux Jeunesses hitlériennes ! Après laShoah, ma mère aurait voulu partir,mais elle ne parlait pas de langueétrangère. Lorsque j’étais petite, mesparents ne m’ont pas déclarée commejuive. Si quelqu’un me demandait mareligion, je devais répondre que ça nele regardait pas. Mon unique culturejuive, c’est les blagues qu’on m’atransmises et la psychanalyse.» Dé-sormais, Elisabeth Jupiter écrit deslivres sur l’humour dans la thérapie.Dans No, Warum nicht? («Et pour-quoi pas?») et Mach Witze !, («Ri-gole un peu!»), elle rassemble pourla postérité et la diaspora ses histoi-res juives viennoises préférées, lesenrichit d’anecdotes personnelleset analyse les effets bénéfiques durire sur ses patients. Un sujet déjàévoqué par Freud dans son célèbrecabinet de la Berggasse, à quelquesencablures de la rue Serviten. •(1) Editions Albin Michel.

«Mes parents se sentaient tellementautrichiens que mon père disaitque s’il n’avait pas été juif, il auraitété aux Jeunesses hitlériennes!»Elisabeth Jupiter psychothérapeute

et 1945, six d’entre eux ont été as-sassinés et onze autres déportés.Toujours à Vienne vient d'ouvrirl’exposition «Nuit sur l’Autriche»,avec des photos inédites montrantl’empressement de la population àpersécuter les juifs. Il faut cepen-dant relativiser cette prise de cons-cience: en mars, un sondage révé-lait que pour 42% des Autrichiens,«tout n'était pas mauvais sous Hit-ler». Et seuls 15% pensent quel’Autriche aurait dû résister àl’Anschluss.

350000 tombes juivesEn 1938, juste avant l’annexion, ily avait quelque 182 000 juifs àVienne. Pendant des dizaines d’an-nées à partir de la fin du XIXe siècle,Vienne a été le creuset intellectuelet artistique de l’Europe et, rappellele germaniste Jacques Le Rider dansson récent ouvrage les Juifs viennoisà la Belle Epoque (1), les juifs y occu-paient une place importante. De

fait, la majorité des intellectuelsviennois de l’époque était issue dela bourgeoisie et des classes moyen-nes juives assimilées. Les écrivainsStefan Zweig et Arthur Schnitzler,le compositeur Gustav Mahler sontles grandes figures de la «moder-nité viennoise», sans parler du pèrede la psychanalyse, Sigmund Freud,de l’écrivain Hugo von Hofmanns-thal, qui lança avec Salzbourg lamode des festivals, ou du redoutésatiriste Karl Kraus.De cet âge d’or, il reste des cafés, lesbeaux bâtiments du Ring, un héri-tage culturel universel et des cime-tières. En Autriche, on compte350000 tombes juives. En 1945, ilrestait moins de 5700 juifs viennois.Les survivants étaient souvent laïcs,mariés à des non-juifs, cultivés etporteurs d’idéaux communistes. Ilsseront rejoints dans les années 70par une population de culture trèsdifférente, les juifs originaires deRussie, de Géorgie, du Tadjikistan

et d’Ouzbékistan, des travailleurspauvres et religieux. En tout, pasplus de 25 000 juifs habitentaujourd’hui à Vienne, une mini-communauté, représentée par uneorganisation religieuse officielle,forte de 8000 membres, l’Israelitis-che Kultusgemeinde (IKG). Désor-mais, la communauté juive autri-chienne, c’est cela: un mélange denouveaux arrivants et de descen-dants des juifs viennois. Mais à quoiressemblent les petits-neveux deFreud et Schnitzler?

L’îlot du pain azymePiercing au nez, yeux verts enamande et teint mat, Nicolas Endli-cher, un jeune DJ homosexuel,s’aventure rarement dans le IIe ar-rondissement, à Leopoldstadt, unquartier où boucheries casher et su-pérettes servent une communautéouvrière principalement séfarade.Pas son monde. A 22 ans, il veut de-venir acteur. Pour l’instant, il estserveur au restaurant Motto, la can-tine branchée de Vienne, prisée parla classe politique et les élites éco-nomiques et artistiques. Une foispar mois, il mixe dans des soiréesunderground appelées «Sodome etGomorrhe» à la Grelle Forelle(«truite stridente»), un club technoau bord du canal du Danube. «C’estun peu de l’actionnisme, explique-t-il en référence au mouvement ar-tistique viennois radical des an-nées 60 qui tenta de développerl’art de la performance. On baise eton danse en attendant la fin dumonde.» Gamin, Nicolas Endlicherallait à l’école du quartier; chez lui,on ne parlait pas de religion. «Je sa-vais que ma mère était juive et quemon père ne l’était pas, que magrand-mère maternelle, résistante,avait été déportée, et que mon grand-père maternel était communiste. Lereste, je m’en fichais un peu.»Au restaurant où il travaille, ilcroise régulièrement Heinz-Chris-tian Strache, le chef du FPÖ, leparti autrichien d’extrême droitefondé par d’anciens SS. Servir untype pareil quand on est juif? Pasquestion! Sa mère est contre. «Enplus, explique Endlicher, il laissetoujours un gros pourboire, c’est trèsgênant.» En juin dernier, son frèreest mort d’un cancer à 27 ans.«Pour l’enterrer dans le carré juif àcôté de ma grand-mère, on a dû payerune taxe parce qu’il n’était pas mem-bre de l’IKG. Il a fallu qu’on prouvequ’il était bien juif ! Ça m’a scanda-lisé. En 1938, mes grands-parentsétaient trop juifs pour les nazis, et leurpetit-fils ne l’est pas assez pour lesjuifs d’aujourd’hui!» Nicolas Endli-cher va intégrer l’IKG, personne nepourra dire qu’il n’est pas juif.Dans la famille de David Lasar, éluFPÖ de Vienne, on est membre del’IKG depuis trois générations aumoins, il aura donc sa concessionsans problème. Le grand-père aporté l’étoile jaune, le père était unZwangsarbeiter, un travailleurforcé. Un milieu populaire, on parleyiddish à la maison, on apprendl’hébreu à l’école. «Je suis issu d’unefamille typique de la Matzes-Insel,“l’îlot du pain azyme”, comme onnommait le quartier de Leopoldstadt

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013 • 31

PORTRAIT JEAN­FRANÇOIS KONDRATIUK

automobile, et par Thierry Peugeot, le président du conseil.Elu secrétaire du comité de groupe européen, Jean-FrançoisKondratiuk les a mis d’accord.Direction l’usine de Poissy. Rendez-vous au bâtiment C 3,le plus ancien. L’endroit a vu passer les logos de Ford avant-guerre, puis de Simca, de Talbot ensuite, avec le rachat parPeugeot quand l’usine s’est mise à assembler des Peugeot etdes Citroën. Les propriétaires ont changé mais le linoléumvert foncé, gris ou bleu des couloirs a traversé les époques.Le bureau de Kondratiuk, au comité d’entreprise, se trouvejuste au-dessus de l’atelier d’emboutissage et de ferrage.D’où une odeur caractéristique qu’il ne sent plus à force del’avoir eue dans le nez.Première question quand on rencontre un élu FO: à quel cou-rant appartient-il? Réformiste ou trotskiste tendance lamber-tiste ? Se range-t-il au côté d’André Bergeron, secrétairegénéral de 1963 à 1989, ou se place-t-il dans le sillage de MarcBlondel, son successeur jusqu’en 2004, dont l’entourage prô-nait l’internationalisme? Une fois par an, Kondratiuk allaitmanger la choucroute dans un restaurant de Mantes, avec lepremier, quand il ne cherchait pas à partager la table du se-cond. Réformiste, donc.Depuis 1978, année où il a pris sa carte FO, Kondratiuk a ba-taillé contre la CGT et la CSL, le syndicat maison. En 2013,FO représente 44,3 % des suffrages au comité d’établis-sement, loin devant la CGT. Quant à la CSL, elle a préféré fairealliance. «Mais, attention, ici ce n’était pas la CSL Citroën.A Poissy, la direction n’a jamais rédigé nos tracts», prévientMichel Prost, passé à FO avec 2000 des 3000 adhérents dela CSL. Simplement, l’un et l’autre ne voulaient pas entendreparler de la stratégie d’affrontement développée au début desannées 80 par la CGT. A l’époque, Poissy ressemble à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) aujourd’hui : un champ debataille avec vols de boulons, piquets de grève hermétiqueset affrontements physiques.François Mitterrand élu, les ministres communistes parti-cipent au gouvernement et la CGT attend la nationalisationpure et simple. Elle ne viendra pas. Jean-François Kondratiuk

refuse de mettre «son» usine sur le tapis vert du jeu politique.Il joue la carte des négociations, appliquant au niveau localla stratégie de Bergeron : «Tant qu’il y a du grain à moudre,on négocie.» Parfois, on a l’impression qu’il se sent direc-tement responsable des 6750 emplois, intérimaires compris,que compte l’usine Peugeot-Citroën de Poissy d’où sortent260 000 Citroën DS par an.En voiture, il fait le tour du propriétaire montrant avec fiertél’atelier de peinture automatisé qui ressemble à un laboratoireoù dansent les robots. Quant aux patrons qui se sont succédé,il les loue ou se les paye en fonction de leur capacité à négo-cier. Impossible de reproduire les qualificatifs adressés à Jac-ques Calvet, PDG de 1983 à 1997, sans finir devant les juges.Passons. Il regrette le départ trop rapide de Jean-Martin Folz(1997-2006) ou celui de Christian Streiff (2007-2009) et nese prononce pas publiquement sur l’actuel patron, Phi-lippe Varin.Une fois installé au conseil de surveillance, Kondratiukcompte bien ouvrir le dossier des investissements industrielsdans les usines françaises du groupe. «On doit mettre de l’ar-gent dans les sites de production en France. A Poissy, le compac-tage du site devait nous permettre d’améliorer notre compéti-tivité. Mais on l’a abandonné. Comment peut-on lutter contrel’usine de Trnava, en Slovaquie ?» Là, il risque d’évoquer desquestions que bien peu comprendront autour de la table :«Depuis deux ans, on a fait vingt changements d’équilibrageà l’usine.» Comprendre: vingt fois, les horaires et les caden-ces ont été bouleversés, obligeant à jongler avec les interven-tions des équipes pour que la peinture suive le ferrage, quisuit l’emboutissage, qui suit…Autour de la grande table du conseil, la gouaille de Kondra-tiuk, père d’un fils, deux fois grand-père, devrait faire soneffet. Jusqu’à présent, les membres du conseil étaient desPeugeot, chassaient ou golfaient avec un membre de la familleou avaient été salariés du groupe au niveau N+100, très loindes chaînes d’assemblage. Pour autant, il sait bien que Peu-geot-Citroën n’entre pas dans l’ère de la cogestion à l’alle-mande. Les deux voix des salariés – la sienne et celle d’AnneValleron (CFE-CGC), qui représentera les salariés actionnairesdu groupe– n’auront pas le poids des syndicats allemandsqui occupent la moitié des sièges des conseils de surveillancedes entreprises de plus de 2000 salariés. Mais au moins, il yaura un changement d’air, un renouvellement de l’atmos-phère, on sortira un peu de l’entre-soi. •

Par PHILIPPE DOUROUXPhoto RÉMY ARTIGES

EN 7 DATES

1950 Naissance à Poissy(Yvelines). Octobre 1970Entre comme technicien auservice méthodes de l’usinede Poissy. 1978 Prend sacarte à Force ouvrière (FO).1983 Elu délégué dupersonnel. 2000 FOdevient majoritaire à Poissy.24 avril 2013 Elu au conseilde surveillance de PSAPeugeot­Citroën parl’assemblée généraledes actionnaires.30 juillet 2013 Premierconseil de surveillanceauquel il siégera.

L es poules ont des dents. Bowie est revenu de Mars.Le 24 avril 2013, un ouvrier sera élu au conseil desurveillance de Peugeot-Citroën par l’assembléegénérale des actionnaires. Les deux premières propo-

sitions sont erronées, la dernière est vraie. Aujourd’hui, auxalentours de 11h30, Jean-François Kondratiuk, délégué Forceouvrière (FO) de l’usine de Poissy (Yvelines), s’installera dansle siège occupé jusque-là par Ernest-Antoine Seillière. Râblé,claudiquant quand il oublie que sa hanche a été revue et cor-rigée par les chirurgiens, il ne se laisse pas impressionner parla perspective de s’installer dans le fauteuil de l’ex-patrondes patrons, héritier des Wendel, descendant en ligne directede maîtres de forges. «A 63 ans, dont quarante-trois dansla maison… Qu’est-ce que tu veux que je risque, franchement?»Celui qui a franchi les portes de l’usine de Poissy en 1970,à 20 ans, demandera du Perrier, ne mettra pas de cravate, etreversera ses jetons de présence, 40000 euros tout de même,à des associations. «Tu ne veux quand même pas que je les em-poche ? Je n’ai pas le droit de les prendre. Tu me vois me battrepour 10 euros de plus par mois pour les gars de l’usine et me met-tre 40000 euros dans les fouilles?» Il va quand même accepterun avantage de fonction: la place de parking au 75, avenuede la Grande-Armée, à Paris, où se trouve le siège du groupePeugeot-Citroën. «Je vais en profiter», s’amuse-t-il. Ça évi-tera à l’habitant de Magnanville («à 30 kilomètres de l’usine»)d’aller garer sa Peugeot 308 au parking public de la porteMaillot.Comment ce technicien du service méthodes (en charge dupassage du prototype à la fabrication industrielle) a-t-il forcéla porte de la salle du conseil? Quand l’Etat a accepté de sau-ver le groupe au printemps 2012, Arnaud Montebourg a im-posé deux entrées au conseil d’administration, celle deLouis Gallois, l’ancien patron de EADS, et celle d’un salarié.Il fallait donc trouver un candidat acceptable par les pouvoirspublics, par Philippe Varin, le patron opérationnel du groupe

Ce déléguéForce ouvrière

de l’usinePeugeot-

Citroënde Poissy

va siéger auconseil de

surveillance.Une première.

Le nez sous le capot

LIBÉRATION MERCREDI 24 AVRIL 2013