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Métastases mixtes cutanéo-osseuses révélatrices d’un carcinome hépatocellulaire

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Page 1: Métastases mixtes cutanéo-osseuses révélatrices d’un carcinome hépatocellulaire

© Masson, Paris, 2004. Gastroenterol Clin Biol 2004;28:804-806

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CASCLINIQUE

Métastases mixtes cutanéo-osseuses révélatrices d’un carcinome hépatocellulaire

Juliette JEGOU (1), Philippe PERRUZI (2), Eric ARAV (3), Michel PLUOT (3), Roland JAUSSAUD (1), Gérard REMY (1)

(1) Service de Médecine Interne et des Maladies Infectieuses, Hôpital Robert Debré ; (2) Service de Neurochirurgie, Hôpital Maison Blanche ;(3) Laboratoire central d’anatomopathologie, Hôpital Robert Debré, CHU Reims.

RÉSUMÉUn homme de 55 ans était hospitalisé pour une tuméfaction frontalegauche. Elle mesurait 6 centimètres de diamètre. Elle était indoloreet battante à la palpation, avec un revêtement cutané normal. Cettelésion était apparue depuis 15 jours. La radiographie de crâne et latomodensitométrie cérébrale montraient une lyse osseuse avecextension endocrânienne, évocatrice de métastase sous cutanée. Lesautres explorations (tomodensitométrie thoraco-abdominale etfibroscopie bronchique) ne mettaient en évidence qu’un foie hétéro-gène, et des localisations secondaires sur les surrénales. Les mar-queurs tumoraux (ACE, FP, CA19-9) étaient normaux. C’est laponction biopsie de la tuméfaction qui confirmait le diagnostic decarcinome hépatocellulaire.

SUMMARY

Juliette JEGOU, Philippe PERRUZI, Eric ARAV, Michel PLUOT, Roland JAUSSAUD, Gérard REMY

We report the case of a 55-year-old patient who was admitted toour hospital for a frontal tumor. He had a left forehead nodule thathad appeared several weeks before, measuring 6 cm in diameter.On palpation, it was painless and there was a pulse, and the skinabove was non ulcerated. Radiography and computed tomographicscan of the skull suggested a subcutaneous metastasis. Computedtomographic scans of the lung and the abdomen showed a hetero-geneous liver with irregular outlines and secondary adrenal infiltra-tions. A biopsy of the frontal tumor confirmed a metastatichepatocellular carcinoma.

es métastases cutanées des carcinomes sont rares etparticulièrement celles des carcinomes hépatocellulai-res. Une vingtaine de cas ont été décrits depuis l’obser-

vation princeps de Gates en 1937 [1]. Leur faible tendance àenvahir la peau, et le caractère souvent insidieux de la néoplasie,expliquent le caractère révélateur de ces métastases [2]. L’aspectle plus fréquent est celui de nodules violines angiomateux, indolo-res, d’évolution rapide, de localisation céphalique [3], voire orbi-taire [4]. Nous rapportons le cas d’un carcinome hépatocellulairedécouvert par le biais d’une tuméfaction frontale gauche.

Observation

Un homme de 55 ans était hospitalisé pour une tuméfaction frontale.Il s’agissait d’un malade régulièrement suivi pour une cirrhose alcooli-que. La tuméfaction frontale gauche mesurait 6 cm de diamètre ; elleétait indolore, battante à la palpation avec un revêtement cutané normal.Son évolution avait été rapide : elle était apparue en une quinzaine dejours (figure 1). On notait un hippocratisme digital. L’abdomen était sou-ple et indolore mais météorisé avec une circulation veineuse collatéraleabdominale et quelques angiomes stellaires. Il n’y avait pas d’hépatos-plénomégalie, ni matité déclive et ni signe d’encéphalopathie hépatique.Le malade signalait l’existence d’une douleur de la racine de la cuissegauche, mal systématisée et invalidante à la marche, avec une mobilitéactive et passive normales de l’articulation coxo-fémorale.

L’hémogramme était normal avec 7 300 leucocytes/mm3, 150 g/Ld’hémoglobine et 14 800 plaquettes/mm3. Il existait des stigmates d’insuf-fisance hépatocellulaire débutante avec un taux de prothrombine à 63 % etune diminution des facteurs vitamino-K dépendants (facteur VII à 39 %). Leionogramme et les fonctions rénales étaient normaux. Le bilan hépatiquenotait une activité sérique des transaminases à 1,5 fois la normale. La VSétait à 57 mm à la première heure, les taux sériques de fibrinogène à5,2 g/L et la C réactive protéine à 78 mg/L. Le taux sérique des marqueurstumoraux (ACE, FP, CA19-9) était normal.

La radiographie de crâne montrait une lacune à contours flous enregard de la tuméfaction frontale. A l’échographie, cette tuméfactionapparaissait constituée d’une masse tissulaire hypervascularisée, aveclyse de la table externe et de la table interne du diploë, et extension enprofondeur limitée par une dure-mère intègre. La tomodensitométrie céré-brale confirmait la lyse osseuse avec extension endocrânienne bien limi-tée par une dure-mère qui était respectée (figure 2). Il n’existait aucunelésion intracérébrale. L’échographie abdominale montrait un foie hétéro-gène de volume normal avec une masse hypoéchogène du segment II,sans épanchement liquidien intra ou rétro-péritonéal. Il existait parailleurs un syndrome de masse surrénalien bilatéral. La tomodensitomé-trie abdominale montrait un foie d’aspect hétérogène à contours irrégu-liers. Il existait une prise de contraste hétérogène du dôme hépatique,ainsi qu’une masse des deux surrénales d’allure secondaire. Le bilan étio-logique ne montrait aucune atteinte pulmonaire. Il existait sur la scintigra-phie osseuse du corps entier au technétium marqué, une hyperfixationfrontale gauche, et de la partie inférieure du cotyle gauche s’étendantvers l’ischion. La biopsie chirurgicale de la tuméfaction frontale a permisde retenir le diagnostic de carcinome hépatocellulaire. Celle-ci montraitune infiltration tumorale faite de cellules hépatocytaires avec un cyto-plasme abondant, des noyaux de grande taille et de nombreuses mitoses(figure 3). Il existait un faible immunomarquage par l’anticorps anti-alphafoetoprotéine. La ponction biopsie hépatique n’a pas été effectuéecompte-tenu du caractère polymétastatique de la tumeur. Un traitementpalliatif par hormonothérapie (tamoxifène) associé à une radiothérapielocale (10 Gy) de la tuméfaction a été réalisé. Le décès est survenu8 mois plus tard dans un tableau d’altération majeure de l’état général etd’insuffisance hépato-cellulaire.

Discussion

Les métastases cutanées des cancers viscéraux sont rares,leur fréquence varie de 0,7 à 9 % des cas selon le type et la loca-lisation de la néoplasie [5]. Les cancers primitifs les plus souventimpliqués sont les cancers mammaires (de 1 à 6,3 % des cas)[2, 5], les cancers broncho-pulmonaires (1,6 %) et les cancers dela cavité buccale (1 %). Les carcinomes hépatocellulaires sontrares (1,2 à 2,5 % de tous les cancers aux États-Unis [6]) et pré-sentent une faible tendance à envahir la peau [7]. Les métastases

Cutaneous and bone metastases revealing hepatocarcinoma

(Gastroenterol Clin Biol 2004;28:804-806)

Tirés à part : J. JEGOU, à l’adresse ci-dessus.E-mail : [email protected]

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cutanées des carcinomes hépatocellulaires apparaissent, de cefait, exceptionnelles et présentent un caractère souvent révélateur[8-10] compte-tenu du caractère longtemps insidieux de la néo-plasie primitive [8-10]. L’aspect le plus fréquent est celui denodules angiomateux, violines de 1 à 2,5 cm de diamètre. Par-fois multiples, ils apparaissent fermes, indolores non ulcérés ensurface. Leur croissance est généralement rapide comme dansnotre observation, parfois source de complications hémorragi-ques loco-régionales importantes [2]. Notre observation s’indivi-dualise par la grande taille de la métastase, son revêtementcutané normal non angiomateux, et son caractère pulsatile.Celui-ci n’a été décrit qu’une fois chez un malade atteint d’uncarcinome hépatocellulaire [2], l’autre cas concernait un carci-nome rénal [11]. Le segment céphalique constitue la topographiepréférentielle des métastases des carcinomes hépatocellulaires.Les localisations se situent au niveau du menton, du front, du cuirchevelu, et des lèvres [3]. Des localisations scapulaires, thoraci-ques [8] et orbitaires [4, 12] ont été également rapportées. Ceslocalisations orbitaires sont exceptionnelles, 8 cas seulement sontrecensés dans la littérature depuis la première description parLubin et al. en 1980 [13]. La présentation clinique, différente de

celle de notre observation, associe alors une exophtalmie avecbaisse de l’acuité visuelle, et des troubles de l’oculomotricité [4,14]. La destruction osseuse par la métastase, comme pour notreobservation, est rarement décrite. Elle est souvent en rapportavec une localisation initiale intra-cérébrale, ce qui n’était pas lecas pour notre malade [15]. Une seule observation fait mentiond’une localisation secondaire initialement cérébrale frontale quia détruit l’os frontal pour s’étendre ensuite à l’orbite [16]. Le trai-tement de ces métastases céphaliques est surtout palliatif, visantà améliorer la qualité de vie. Il peut être chirurgical quand il estpossible. Le plus souvent, le traitement consiste en une radiothé-rapie externe comme pour notre malade. Celle-ci permet larégression des signes fonctionnels et a un effet antalgique. Laprise en charge du carcinome hépatocellulaire est systématique-ment associée. Elle est souvent palliative. Le pronostic de cesmétastases cutanées est sombre avec survenue du décès entre 3semaines à 6 mois après l’apparition des lésions cutanées [9]comme ce fut le cas dans notre observation.

RÉFÉRENCES

1. Gates O. Cutaneous metastases in malignant disease. Am J Cancer1937;30:718-30.

2. Berbis PH, Auffranc JC, Andrac L, Fabre JF, Arnaud A, Privat Y. Mé-tastases cutanées d’aspect angiomateux révélatrices d’un hépatocarci-nome. Ann Dermatol Venerol 1986;113:563-7.

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Fig. 3 – Disposition de la prolifération tumorale en cordons entourée parquelques ébauches canalaires. Hématoxyline-éosine (X250).Cords of tumor cells outlined by thin-walled sinosoids. Hematoxy-lin, X250).

Fig. 1 – Tuméfaction frontale gauche.Left forehead nodule.

Fig. 2 – Tomodensitométrie cérébrale. Tuméfaction frontale avec lyse osseuseet extension endocrânienne bien limitée.Computed tomographic scan of the skull. Bone lysis.

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J. Jegou et al.

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