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Microéconomie de l’Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers Emmanuel DUGUET Notes de Cours, V1

Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

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Microéconomie de l’IncertitudeM1 Banque et Marchés Financiers

Emmanuel DUGUET

Notes de Cours, V1

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��������

1 Concepts de base 5

1.1 Les loteries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61.2 Le critère d’espérance mathématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81.3 Le paradoxe de Saint Pétersbourg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91.4 Le paradoxe de l’assurance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101.5 Quelques réponses possibles aux paradoxes . . . . . . . . . . . . . . . 12

1.5.1 L’utilité de la richesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121.5.2 Le critère espérance-variance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

1.6 L’utilité indirecte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

2 L’espérance d’utilité 17

2.1 Les fonctions de Markowitz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202.2 La mesure du risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202.3 La prime de risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

2.3.1 Expression exacte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232.3.2 Expression approchée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

2.4 Les types de risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292.5 Expression exacte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 302.6 Expression approchée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

2.6.1 Prime de risque relative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322.6.2 Prime de risque partielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

3 Les fonctions d’utilité usuelles 35

3.1 Les fonctions CRRA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353.2 Les fonctions CARA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 383.3 L’utilité linéaire de Markowitz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

4 La dominance stochastique 43

4.1 Dominance stochastique d’ordre 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 434.2 Risque et variance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 494.3 Dominance stochastique d’ordre 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

5 Les choix de portefeuille 61

5.1 Les cas de dominance stochastique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65

3

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5.2 Choix d’un décideur neutre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 705.3 Choix d’un décideur riscophile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 715.4 Choix d’un décideur riscophobe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

6 La demande d’assurance 85

6.1 Le contrat de co-assurance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 886.1.1 Les cas de dominance stochastique . . . . . . . . . . . . . . . 886.1.2 Conditions d’optimalité pour un contrat de co-assurance . . . 906.1.3 Préférences CARA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 916.1.4 Préférences de Markowitz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 946.1.5 Préférences CRRA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

6.2 L’assurance avec franchise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1006.2.1 Modèle à risque unique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1026.2.2 Préférences CARA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1036.2.3 Préférences CRRA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1046.2.4 Le critère espérance-variance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1066.2.5 Comparaison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

6.3 La sélection adverse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108

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CHAPITRE 1

Concepts de base

Cette partie vise à introduire quelque concepts de base et à les illustrer par des exem-ples. Nous considérons un univers en environnement incertain, dans lequel les agentséconomiques ne peuvent pas toujours être sûrs des données d’un problème avant deprendre une décision. Plus précisément, il doivent prendre leurs décisions avant queles aléas qui comptent pour leur problème ne se réalisent. Des exemples classiquesde ce type d’environnement sont l’assurance, où l’on doit déterminer son degré decouverture sans savoir si l’évènement couvert aura lieu ou non, ou encore les place-ments en actions donc le rendement est incertain au moment où l’on investit. Plusgénéralement, on ne considère que les environnements économiques où l’incertitudejoue un rôle important : l’assurance n’existerait pas en l’absence d’incertitude, et lesplacements sur les marchés financiers ne peuvent se concevoir que dans l’incertitude.

On peut résumer l’incertitude qui pèse sur un problème économique par troiséléments :

• les états de la nature : ce sont les évènements qui peuvent se réaliser. On peutles écrire soit sous une forme discrète, comme faire face à un sinistre ou non(deux états), soit sous forme continue, comme le taux de remboursement dansle cas d’une assurance (un intervalle appartenant à [0, 1]);

• les actions réalisables par l’agent étudié : s’assurer contre un sinistre ou non(deux actions), ou s’assurer un taux de remboursement en cas de sinistre (unevaleur réelle appartenant à un intervalle);

• les conséquences des actions pour un état de la nature donné : le montant derichesse selon qu’un sinistre a eu lieu ou non et que l’on s’est assuré ou non.Ces conséquences sont souvent définie sur la richesse de l’agent étudié, ou surdes décisions économiques en général (achat de biens de consommation pourles ménages, embauche pour les entreprises).

On résume toutes ces informations dans ce que l’on appelle une loterie.Dans cette partie, nous verrons successivement les loteries, le critère d’espérance

mathématique et les raisons pour lesquelles on ne peut pas toujours utiliser le critèred’espérance mathématique pour prendre des décisions en environnement incertain.

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1.1 Les loteries

On peut représenter les données d’un problème simple par une matrice d’informationqui contient les quatre éléments suivants : les états de la nature, leurs probabilités,les actions et les conséquences des actions selon l’état de la nature qui se réalise.Prenons un exemple avec trois états de la nature E = {e1, e2, e3} et trois actionsA = {a1, a2, a3} . Les probabilité sont attachées aux états de la nature, on pose doncpj = Pr [e = ej] et

�j pj = 1 puisque ce sont les trois seuls états possibles. Ces

probabilités peuvent être objectives ou subjectives. Les conséquences se définissentà la fois par rapport aux états de la nature et aux actions, on peut donc les noterxij où i est l’indice de l’action entreprise i ∈ {1, 2, 3} et où j est l’état de la naturej ∈ {1, 2, 3} . La matrice d’information est la suivante :

e1 e2 e3p1 p2 p3

a1 x11 x12 x13a2 x21 x22 x23a3 x31 x32 x33

Dans ce cadre, choisir une action ai revient à choisir des gains xij quand l’étatde la nature ej se réalise, sachant que cet évènement aura lieu avec une probabilitépj . Dans la mesure où l’on possède des informations sur les conséquences xij et lesprobabilités des états de la nature, on n’a pas besoin de la liste explicite des étatsde la nature. Plus précisément, on interprète chaque ligne comme une loterie. Parexemple pour la première ligne, on notera :

a1 =

�x11 x12 x13p1 p2 p3

ce qui signifie que l’action a1 apportera le gain x11 avec probabilité p1, le gainx12 avec probabilité p2 et le gain x13 avec probabilité p3. Ces informations sont apriori suffisante pour prendre des décision dans l’incertain (avec les préférences del’agent économique étudié, que nous verrons plus loin). Prenons un cas particulierde l’exemple précédent:

e1 e2 e30, 1 0, 4 0, 5

a1 z1 z2 z3a2 z2 z1 z1a3 z3 z3 z3

cette matrice d’information définit les trois loteries suivantes :

a1 =

�z1 z2 z30, 1 0, 4 0, 5

a2 =

�z2 z1 z10, 1 0, 4 0, 5

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et

a3 =

�z3 z3 z30, 1 0, 4 0, 5

Arrivé, à ce stade on voit que l’on peut simplifier les deux dernière loteries. Laloterie a2 rapporte z1 dans les états de la nature 2 et 3, donc elle rapporte z1 avec uneprobabilité égale à 0, 4 + 0, 5 = 0, 9, ce que l’on peut écrire de manière synthétiquesous la forme :

a2 =

�z2 z10, 1 0, 9

et l’on peut effectuer la même opération pour la loterie a3. Cette loterie rapporte z3dans tous les états de la nature. Il s’agit de la loterie certaine, que l’on note :

a3 =

�z31

Plus généralement une loterie discrète, avec I évènements possibles peut s’écrire :

a =

�z1 z2 ... zIp1 p2 ... pI

, 0 < pi ≤ 1,I�

i=1

pi = 1.

où les xi sont les réalisations de la variables d’intérêt (e.g., gains ou pertes) quisurviennent avec des probabilités respectives pi. La condition pi > 0 signifie que l’onexclut les événements impossibles, et la conditions pi ≤ 1 que l’on peut autoriser uneloterie certaine.

On peut également définir une loterie sur des réalisations continues. On utilisealors une fonction de répartition, ou une densité, à la place des probabilités. Dansce cas, il n’est pas nécessaire d’utiliser la notation précédente puisque la fonction derépartition contient toute l’information nécessaire. On aura simplement :

Fa (z) , z ∈ A

où A est l’ensemble des réalisations possibles z de la variable aléatoire Z, qui dépendde la loterie, et :

Fa (x) = Pr [Z ≤ z]

Si l’on utlise une densité fa (z) , on aura :

Fa (z) =

� z

−∞

fa (x)dx.

Exemple 1.1 (Assurance partielle) Un ménage veut assurer sa voiture de valeur vsachant que la probabilité d’accident est p. Le ménage s’assure pour un montantz ≤ v et doit payer une prime d’assurance égale à βz, avec β ∈ ]0, 1[ . En casd’accident, son capital sera égal au montant remboursé z moins la prime d’assurance

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βz. S’il n’y a pas d’accident, son capital sera de v moins la prime d’assurance. Cecicorrespond à la loterie :

a (z) =

�(1− β) z v − βz

p 1− p

on note la loterie a = a (z) afin de montrer que le résultat de la loterie dépend de ladécision z prise par le ménage.

Exemple 1.2 (Jeu d’argent) Une personne achète un jeu à gratter d’un montant m. Ilpeut gagner le montant x ≥ m avec une probabilité p = 0, 25. La loterie correspondantà ce jeu est donnée par :

a =

�x−m −m0, 25 0, 75

Exemple 1.3 (Risque de chômage) Une personne peut être au chômage avec proba-bilité p. Si elle travaille son salaire est w, sinon il est égal à γw, avec 0 ≤ γ < 1. Lacotisation chômage est égale à τw, 0 < τ < 1. La loterie correspondante est donnéepar :

a =

�γw (1− τ )wp 1− p

Exemple 1.4 (Fonction de profit) Une entreprise produit un bien qu’elle vend au prixaléatoire p. Pour le produire elle embauche L travailleurs qu’elle rémunère au salairecertain w. Sa fonction de production est Q =

√L et le prix p apparaît avec une

densité ϕ (p) . On peut définir la loterie sur son profit de la manière suivante. Ellecommence par maximiser son profit Π(p) = pQ−wL = p

√L−wL par rapport à L.

La condition du premier ordre donne L∗ = (p/ (2w))2 . Donc le profit aléatoire estégal à :

Π∗ (p) = p√L∗ − wL∗ =

p2

4w,

on peut donc écrire la loterie :

a =

�Π∗ (p)ϕ (p)

1.2 Le critère d’espérance mathématique

Une fois que l’on a écrit les données du problème sous forme d’une loterie, il nousfaut un critère nous permettant de les comparer entre elles. Ceci nous permettrade déterminer les décisions des agents en environnement incertain. Une premièreméthode consiste à considérer simplement le gain moyen que procure une loterie, ils’agit de l’approche par l’espérance mathématique. Nous verrons que ce critère estinsuffisant pour plusieurs raisons. D’une part, il semble invalidé par des expérienceset, ce qui est plus problématique, il ne permet pas d’expliquer l’existence d’un marchéde l’assurance viable.

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�������� 1.1 (E������� �����������) L’espérance mathématique d’une vari-able aléatorie discrète X de réalisations (x1, ..., xI) qui surviennent avec des proba-bilités (p1, ..., pI) est définie par :

E (X) =I�

i=1

pixi

et l’espérance mathématique d’une variable aléatoire X continue de réalisations x ∈A ⊂ R est définie par :

E (X) =

x∈A

xf (X) dx

où f (x) est la densité de probabilité de X.

1.3 Le paradoxe de Saint Pétersbourg

Le paradoxe de Saint Pétersbourg est la conséquence d’une expérimentation réaliséepar Daniel Bernoulli en 1738. Il demandait à ses interlocuteurs quel droit d’entréeils étaient près à payer pour le jeu suivant : on jette une pièce bien équilibrée et l’oncompte le nombre de jets successifs qui tombent sur pile. S’il y a I jets successifs,le joueur empoche 2I ducats. Les réponses qu’il obtient portent sur des montantsfaibles, de l’ordre de 4 ducats.

Quel montant le critère d’espérance mathématique nous inciterait-il à proposer?Le plus simple est d’écrire la loterie puis de calculer son espérance mathématique.Sachant que la probabilité de tomber I fois de suite sur pile est égale à 1/2I et quele gain est de 2I quand cela arrive, on obtient :

B =

�2 4 · · · 2I · · ·1

2

1

4· · · 1

2I· · ·

On remarque que la somme infinie des probabilités est bien égale à 1 :

+∞�

i=1

�1

2

�i=

+∞�

i=0

�1

2

�i−�1

2

�0

=1

1− 1/2− 1

= 1.

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donc l’espérance mathématique de cette loterie est :

E (B) =+∞�

i=1

�1

2

�i2i

= limI→+∞

I�

i=1

�1

2

�i2i

= limI→+∞

I�

i=1

1

= limI→+∞

I

= +∞,

un joueur qui applique le critère d’espérance mathématique devrait donc être prêtà donner tout ce qu’il possède pour jouer à ce jeu. Ceci ne correspond pas du toutà ce que l’on observe, nous sommes donc en présence d’un paradoxe expérimental.Daniel Bernoulli propose une solution de ce paradoxe que nous verrons plus loin.

1.4 Le paradoxe de l’assurance

On considère maintenant un particulier qui dispose d’une richesse non risquée ω, etqui souhaite assurer un bien risqué de valeur v pour un montant z. Pour obtenir uneindemnité z en cas de sinistre, il doit régler une prime d’assurance d’un montant βz,avec 0 < β ≤ 1. Le sinistre survient avec une probabilité p. La loterie sur la richessedu particulier est définie par :

W =

�ω + (1− β) z ω + v − βz

p 1− p

L’assureur de son côté perçoit la prime d’assurance βz que le sinistre ait lieu ounon et doit faire face à un coût de fonctionnement de c, en plus du remboursementz qu’il doit effectuer en cas de sinistre. Si le sinistre a lieu, il fait une perte deβz − z − c < 0, et s’il n’a pas lieu il réalise un gain de βz − c. On suppose queβz − c > 0 pour le problème ait un sens. La loterie sur le profit de l’assureur estdonc :

Π =

�(β − 1) z − c βz − c

p 1− p

L’espérance de richesse de l’assuré est donc :

E (W ) = p [ω + (1− β) z] + (1− p) [ω + v − βz]

= ω + (1− p) v + (p− β) z

et l’espérance de profit de l’assureur est :

E (Π) = p [(β − 1) z − c] + (1− p) [βz − c]

= (β − p) z − c

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Ces deux espérance mathématiques sont des fonctions linéaires de z, le paramètreessentiel est donc la pente de la droite. Considérons d’abord le cas de l’assuré. Celui-civa rechercher le montant d’assurance qui maximise l’espérance de sa richesse aléatoireW. Il doit donc résoudre le programme :

maxz

E (W )

s.c. 0 ≤ z ≤ v

L’espérance E (W ) est une fonction linéaire du montant assuré z, avec une pentep− β. Il y a donc trois cas possibles :

• si p < β, l’espérance de la richesse est décroissante avec le montant assuré doncon obtient une solution en coin avec une demande d’assurance zd = 0.

• si p = β, l’espérance de la richesse ne dépend pas du montant assuré (droitehorizontale) donc toutes les valeurs de z procurent la même richesse et l’on seretrouve dans un cas d’indétermination, soit zd ∈ [0, v] .

• si p > β, l’espérance de la richesse est croissante avec le montant assuré doncle particulier choisit l’assurance complète, et l’on obtient la solution en coinzd = v.

Globalement, on voit que le particulier ne souhaite s’assurer que si p ≥ β, ce querésume le point suivant :

zd =

0 si p < β[0, v] si p = βv si p > β

Examinons maintenant si l’assureur a intérêt à répondre à sa demande d’assurance.L’assureur cherche à maximiser l’espérance de son profit :

maxz

E (Π)

s.c. 0 ≤ z ≤ v

L’espérance E (Π) est également une fonction linéaire du montant assuré z, avecune pente β − p. On retombe donc sur les trois cas précédents.

• si p < β, l’espérance de profit est une fonction croissante du montant assuré,et l’assureur a intérêt à offrir une assurance complète, soit zs = v sous réserveque l’espérance de profit soit positive :

E (Π∗) = (β − p) v − c > 0,

mais dans ce cas, l’assureur rencontre une demande nulle zd = 0. Il ne peutdonc pas y avoir de transaction.

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• si p = β, l’espérance de profit est indépendante du montant assuré, maissurtout elle est négative en raison des frais de fonctionnement de la compag-nie d’assurance c. Plus précisément E (Π) = (β − p) z − c = −c < 0. Doncl’assureur ne proposera pas de contrat au particulier, et l’on aura zs = 0.

• si p > β, l’espérance de profit de l’assureur sera toujours négative car (β − p) z <0 donc zs = 0.

La conclusion est donc la suivante : il ne peut pas y avoir de marché de l’assurancesi l’on applique le critère d’espérance mathématique. C’est une critique beaucoupplus forte que le paradoxe de Saint Pétersbourg car le marché de l’assurance existeet qu’il est important dans l’économie. Il est donc important de trouver une modéli-sation de l’économie de l’incertain qui justifie l’existence du marché de l’assurance(et des marchés financiers) et qui explique son fonctionnement.

1.5 Quelques réponses possibles aux paradoxes

1.5.1 L’utilité de la richesse

Pour résoudre le paradoxe de Saint Pétersbourg, Daniel Bernoulli suggère de rem-placer les réalisations de la richesse par leur logarithme, donc d’utiliser un critèredifférent de l’espérance mathématique. Nous verrons plus loin que cela revient àremplacer les réalisations monétaires xi par leur utilité u (xi) = ln xi. On aboutit àune utilité de la richesse définie par :

U (W ) =+∞�

i=1

ln (2i)

2i= ln (2)

+∞�

i=1

i

2i

Il nous reste donc à trouver la somme :

S =+∞�

i=1

i

2i

ce qui est heureusement assez facile. On sait que, pour 0 < x < 1 :

f (x) =1

1− x= 1 + x+ x2 + ...+ xi + ...

donc

f ′ (x) =1

(1− x)2= 1 + 2x+ 3x2 + ...+ i xi−1 + ...

ce qui implique :

xf ′ (x) =x

(1− x)2= x+ 2x2 + 3x3 + ...+ i xi + ...

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et en posant x = 1/2, on obtient :

1/2

(1− 1/2)2=

1

2+

1

22+ ...+

i

2i+ ...

donc+∞�

i=1

i

2i= 2

ce qui implique :U (W ) = 2× ln (2) = 1, 386.

ainsi les parieurs potentiels peuvent proposer un montant très faible pour participerà ce jeu dès lors que leurs préférences sont prises en compte. Nous verrons plus loinque ce cas particulier correspond à une aversion face au risque.

1.5.2 Le critère espérance-variance

Pour résoudre le paradoxe d’inexistance de l’assurance, on peut commencer par cri-tiquer le critère d’espérance d’utilité :

• ce critère ne tient compte que du rendement moyen

• il ne tient pas compte des risques associés à ce rendement

• donc il ne fait pas de différence entre le rendement moyen d’une variable aléa-toire et un rendement certain égal à son espérance mathématique

En première analyse, on peut mesurer le risque par la variance de la richesse :

V (W ) = E�(W − E (W ))2

�.

Cette quantité mesure la valeur moyenne du carré de la distance entre les réal-isations W et leur valeur moyenne E (W ) . Donc plus les réalisations de la richesses’écartent de leur moyenne, plus la richesse est risquée. Une manière de résoudre leproblème d’inexistance du marché de l’assurance consiste à introduire la notion derisque dans le critère de décision. Un critère très répandu est le critère espérance-variance. On peut le définir de la manière suivante :

U (W ) = E (W )− kV (W ) ,

il s’agit d’une fonction de Markowitz. Lorsque k > 0, cette utilité présente uneaversion pour le risque, puisqu’elle est d’autant plus faible que l’incertitude qui portesur la richesse est élevée. Si k = 0 on retrouve le critère d’espérance de la richesseet l’on parle de neutralité face au risque. Quand k < 0, l’utilité de la richesse estd’autant plus élevée que le risque est important, on parle de goût pour le risque. Lecoefficient k mesure donc l’aversion face au risque.

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Reprenons l’expression de la richesse avec un contrat d’assurance :

W =

�ω + (1− β) z ω + v − βz

p 1− p

nous avons vu que son espérance est égale à :

E (W ) = ω + (1− p) v + (p− β) z

et sa variance est égale à :

V (W ) = p [ω + (1− β) z − (ω + (1− p) v + (p− β) z)]2

+ (1− p) [ω + v − βz − (ω + (1− p) v + (p− β) z)]2

après simplification, on trouve :

V (W ) = p (1− p) (v − z)2 ,

le risque associé à cette richesse est croissant avec l’écart entre la valeur du bienet le montant remboursé en cas de sinistre. Moins on s’assure, plus la variance estforte. Ce risque varie également avec la probabilité de sinistre. L’expression p (1− p)est minimale en p = 0 (évènement impossible) et p = 1 (évènement certain), etmaximale en p = 1/2. C’est donc quand le sinistre a autant de chances d’arriver quel’absence de sinistre que le risque est le plus fort. On peut interpréter l’expressionp (1− p) comme un indicateur d’incertitude sur les états de la nature. L’incertitudeest maximale en p = 1/2 donc la richesse est plus risquée en ce point. L’utilité deMarkowitz du problème d’assurance est donc égale à :

U (W ) = ω + (1− p) v + (p− β) z − kp (1− p) (v − z)2

On supposera ici que l’on a toujours p < β afin que l’assureur puisse proposerdes contrats rentables. Trois cas sont à distinguer, selon le degré d’aversion face aurisque. Si k < 0, le décideur aime le risque et ses préférences U (W ) sont représentéespar une fonction convexe en z. On se retrouve donc avec une solution en coin. Enz = 0 l’utilité est égale à :

U (z = 0) = ω + (1− p) v − kp (1− p) v2

et en z = v :U (z = v) = ω + (1− p) v + (p− β) v,

en effectuant la différence on trouve que :

U (z = 0)− U (z = v) = −kp (1− p) v2 − (p− β) v < 0, ∀p < β

donc l’utilité est maximale en z∗ = 0. Un décideur qui aime le risque ne s’assure pas,ce qui est conforme à l’intuition.

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Si le décideur est neutre face au risque, on se retrouve dans le cas de l’espérancemathématique que nous avons déjà étudié, donc il n’existe pas de marché de l’assurance.Il nous reste donc à examiner le cas où le décideur présente de l’aversion face aurisque. Dans ce cas, k > 0, la fonction d’utilité est une fonction concave de z (car leterme du second degré présente un signe négatif). La solution est donc donnée parla condition du premier ordre. On a :

∂U

∂z= p− β + 2kp (1− p) (v − z)

∂2U

∂z2= −2kp (1− p) v < 0

en résolvant la condition du premier ordre ∂U/∂z (z∗) = 0, on trouve :

z∗ = v − β − p

2kp (1− p),

et ce montant peut bien être compris strictement entre 0 et v.Unmarché de l’assurancepeut donc exister quand les décideurs sont riscophobes. Nous pouvons également,à partir de z∗, voir quels sont les déterminants du montant assuré. On voit que lemontant d’assurance choisi :

• est croissant avec le degré d’aversion pour le risque k; toutefois l’assurance nesera jamais complète z∗ < v, sauf dans le cas limite d’une aversion infinie pourle risque (k → +∞) ;

• est décroissant avec le taux de prime d’assurance qu’il faut payer β, c’est uneffet prix classique;

• Il reste à voir la dépendance du montant assuré par rapport à la probabilité desinistre. On a:

∂z∗

∂p=

p2 − 2βp+ β

2kp2 (1− p)2=

(p− β)2 + β (1− β)

2kp2 (1− p)2> 0

donc le montant assuré est croissant avec la probabilité de sinistre (car 0 < β < 1) .

Globalement les résultats correspondent à l’intuition, à l’exception d’une pro-priété : le montant de l’assurance ne dépend pas de la richesse non risquée ω dudécideur. Nous verrrons que ce résultat n’est pas général.

1.6 L’utilité indirecte

L’approche de Bernoulli pour résoudre le paradoxe de Saint Pétersbourg fait appel àune fonction d’utilité définie directement sur les montants monétaires. Cette notioncorrespond au concept d’utilité indirecte utilisé en microéconomie. Considérons un

Page 16: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

16

décideur qui doit allouer sa richesse M entre G consommations x = (x1, ..., xG) ven-dues aux prix p = (p1, ..., pG) .On résume les préférences du décideur par une fonctiond’utilité f (x) qui lui permet de classer tous les paniers de biens possibles. Commef est directement définie sur les actions du décideur, il s’agit d’une fonction d’utilitédirecte. Ce type d’approche n’est pas toujours la plus pratique en microéconomiede l’incertitude, car les décisions portent souvent sur des montants monétaires. Onpréfère souvent utiliser la fonction d’utilité indirecte définie ci-dessous.

On considère que le décideur doit maximiser son utilité sous contraite de richesse.Il résoud le programme suivant :

maxx

f (x)

s.c.G�

g=1

pgxg ≤M

qui fournit les G fonctions de demande que l’on note :

xd (p,M) = xd1 (p,M) , ..., xdG (p,M)

l’utilité indirecte est alors obtenue en remplaçant les quantités x par leur expressionen fonction des prix et de la richesse xd (p,M) . On note l’utilité indirecte de lamanière suivante :

u (p,M) = f xd (p,M)

�.

A ce stade on peut ajouter l’hypothèse que les prix sont fixes sur la période dedécision p = p, afin de ne garder que la dépendance de l’utilité vis à vis de la richesse,on obtiendra donc :

u (M) = f xd (p,M)

�.

C’est le type de fonction d’utilité que nous utiliserons le plus souvent. Dans lecas du paradoxe de Saint Pétersbourg, nous avions utilisé u (x) = ln x.

Page 17: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

CHAPITRE 2

L’espérance d’utilité

Le concept d’espérance d’utilité a été introduit par John von Neumann et OskarMorgenstern dans leur ouvrage Theory of Games and Economic Behaviour en 1944.Ce concept est extrêmement pratique et permet d’obtenir de nombreux résultatsintéressants. Leur approche consiste à étendre le concept de fonction d’utilité à ladécision dans l’incertitude. Pour parvenir à ce résultat, on définit les préférencesdirectement sur des loteries. L’espérance d’utilité de la richesse aléatoire W, notéU (W ) est définie par :

U (W ) = E (u (W ))

où u (w) est l’utilité indirecte associée à la réalisation w de la variable aléatoire W.Dans le cas continu, pour une loterie de densité g (w) avec support SW , l’espéranced’utilité est donnée par :

U (W ) =

SW

g (w) u (w) dw,

et dans le cas discret, pour une loterie L = (wi, pi) , on obtient :

U (W ) =I�

i=1

piu (wi) .

Nous voyons ici que la résolution du paradoxe de Saint Pétersbourg par D.Bernoulli revient à supposer un critère d’espérance d’utilité dans lequel les préférencessur les réalisations wi sont représentées par u (wi) = lnwi. Avec cette hypothèse, lesjoueurs potentiels ont une utilité décroissante de la richesse.

On voit que ce critère de décision généralise bien la fonction d’utilité en environ-nement certain puisque, lorsqu’on l’applique à une loterie certaine :

W =

�w1

on obtient :

E (u (W )) = 1× u (w) = u (w) ,

17

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18

la fonction d’utilité en environnement certain. Il y a toutefois une différence im-portante entre les propriétés de l’espérance d’utilité et les propriétés de la fonctiond’utilité en environnement certain. Dans l’approche en environnement certain, lafonction d’utlité n’est définie qu’à une fonction croissante près, de sorte que les mêmespréférences peuvent être représentées par plusieurs fonctions d’utilité. C’est égale-ment vrai de l’espérance d’utilité U (W ) = E (u (W )) mais, si l’on prend n’importequelle transformation croissante, le résultat n’est pas forcément une fonction d’utilitéespérée. Si l’on souhaite garder une fonction d’utilité espérée, il faut se retreindreaux fonctions affines croissantes :

g (U) = a+ b U, a ∈ R, b > 0.

La raison est la suivante :

E (g (U)) = a+ b E (U)

de sorte que

E (u (W1)) > E (u (W2))

⇔ a+ bE (u (W1)) > a+ bE (u (W2))

∀a ∈ R, b > 0.

Ainsi, si l’on souhaite garder une espérance d’utilité, il faut se limiter aux trans-formations affine de la fonction d’utilité de départ. Sinon, il faut utiliser un critèreplus complexe.

Le critère d’espérance d’utilité généralise également le critère d’espérance math-ématique. Nous avons vu qu’un décideur est neutre face au risque si :

U (W ) = E (W ) ,

pour se ramener à ce cas il suffit de prendre la fonction d’utilité suivante :

u (x) = x,

on aura alors :

U (W ) = E (u (W )) = E (W ) ,

on utilisera donc la fonction identité, ou une transformation affine croissante de cettefonction, pour représenter les préférences d’un décideur neutre face au risque.

Exemple 2.1 Reprenons le problème d’assurance dans le cadre de l’espérance d’utilité.Prenons les préférences logarithmiques u (x) = ln x. La loterie associée à l’assuranceest :

W =

�ω + (1− β) z ω + v − βz

p 1− p

Page 19: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

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le critère d’espérance d’utilité est donc égal à :

U (W ) = E (u (W ))

= p u (ω + (1− β) z) + (1− p) u (ω + v − βz)

= p ln (ω + (1− β) z) + (1− p) ln (ω + v − βz)

Le programme du décideur est donné par :

maxz

U (W ) s.c. 0 ≤ z ≤ v,

la condition du premier ordre est donnée par :

∂U

∂z(�z) = 0

⇔ p (1− β)

ω + (1− β) �z −β (1− p)

ω + v − β�z = 0,

ce qui donne une solution intérieure :

�z = p

βv − β − p

β (1− β)ω

,et il faut vérifier la condition du second ordre :

∂2U

∂z2(z) = − p (1− β)2

[ω + (1− β) z]2− β2 (1− p)

[ω + v − βz]2< 0.

on obtient donc la solution :

z∗ =

0 si �z < 0�z si 0 ≤ �z < vv si �z > v

Commentons la forme obtenue. Le montant assuré :

• augmente avec la valeur du bien v que l’on souhaite assurer;

• croît avec la probabilité de sinistre p;

• décroît avec la richesse ω du client potentiel; ce résultat est important car onne le trouvait pas avec le critère espérance-variance. Il indique que les individusles plus riches sont leurs propres assureurs;

• pour l’effet du prix unitaire de l’assurance β, il faut calculer la dérivée :

∂�z∂β

= − p

β2v − ω

β2 (1− β)2 β2 − 2βp+ p

= − p

β2v − ω

β2 (1− β)2�(β − p)2 + p (1− p)

�< 0, ∀p ∈ [0, 1]

donc plus l’assurance est chère moins on s’assure, toutes choses égales parailleurs.

Page 20: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

20

2.1 Les fonctions de Markowitz

Considérons une fonction d’utilité quadratique :

u (x) = c0 + c1x+ c1x2,

l’espérance d’utilité correspondante est donnée par :

E (u (W )) = c0 + c1 E (W ) + c2 E W 2�

or V (W ) = E (W 2)− E (W )2 , de sorte que :

E (u (W )) = c0 + c1 E (W ) + c2 V (W ) + E (W )2

= c0 + c1 E (W ) + c2 E (W )2 + c2V (W )

= g (E (W ) ,V (W )) .

La fonction de Markowitz, n’est pas linéaire avec E (W ) mais il est possibled’obtenir une fonction linéaire avec des hypothèses plus fortes. On remarque égale-ment que la variance peut apparaître naturellement avec un critère d’espéranced’utilité.

2.2 La mesure du risque

La mesure du risque à partir d’une fonction d’utilité reste une mesure abstraitequi n’est pas directement interprétable. Comme on travaille essentiellement sur lesmontants monétaires, il est plus pratique de travailler sur une mesure monétairedu risque. L’intuition d’une telle mesure est la suivante : pour une loterie donnée,combien un individu serait-il prêt à payer pour se débarasser de l’incertitude? Laréponse à cette question dépend à la fois de la loterie et des préférences indivivuelles.Pour mesurer le risque de manière plus directe, on utilise les concepts d’équivalentcertain, de prix de vente d’une loterie et de prime de risque.

�������� 2.1 (E��������� �������) L’équivalent certain d’une richesse aléa-toire W est la richesse certaine w qui procure la même utilité que la richesse aléatoireW :

w | u (w) = E (u (W ))

ou de manière équivalente :

w = u−1 (E (u (W ))) .

Exemple 2.2 Un investisseur de préférences u (x) =√x possédant ω = 100€ se voit

confronté à la loterie X suivante :

X =

�−64 1560, 5 0, 5

Page 21: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

21

quel-est l’équivalent certain de sa richesse?On commence par exprimer la loterie de sa richesse aléatoire :

W = ω +X =

�100− 64 100 + 156

0, 5 0, 5=

�36 2560, 5 0, 5

son espérance d’utilité est donnée par :

E (u (W )) = 0, 5√36 + 0, 5

√256

= 0, 5× 6 + 0, 5× 16

= 11

on cherche donc une richesse certaine w vérifiant :

u (w) = 11⇔√w = 11⇔ w = 121€,

on peut également remarquer que u−1 (x) = x2 de sorte que w = 112.

Dans l’exemple précédent, nous avons vu que l’équivalent certain de la loterie West de 121€, or l’espérance mathématique de la richesse W est égale à

E (W ) = 0, 5× 36 + 0, 5× 256

= 18 + 128

= 146€,

ainsi le décideur est prêt à recevoir une valeur certaine plus faible (121€) que lavaleur moyenne de la loterie (146€) pour être libéré du risque de variation de sarichesse. Ceci correspond à l’intuition du concept d’aversion face au risque. Tout sepasse comme si le décideur était prêt à céder 146-121=25€ pour ne plus faire faceau risque. C’est la prime de risque. Pour définir ce concept de manière plus précise,nous introduisons la notion de prix de vente d’une loterie.

�������� 2.2 (P��� �� �����) Le prix de vente pv de la partie aléatoire Xd’une richesse W est le prix minimal à partir duquel le propriétaire de cette loterieest prêt à la vendre.

Remarque 2.1 En vendant une loterie à un prix pv le propriétaire cède une richessealéatoire W = ω + X en échange d’une richesse certaine w = ω + pv, où w estl’équivalent certain de la richesse W.

Plus exactement, le propriétaire d’une loterie X accepte de la vendre au prix zsi son utilité vérifie :

u (ω + z) ≥ E (u (ω +X)) = E (u (W )) = u (w)

où w est l’équivalent certain de la richesse aléatoire W. Comme la fonction d’utilitéu est croissante, ceci implique que :

ω + z ≥ w ⇔ z ≥ w − ω,

Page 22: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

22

on en déduit que :pv = argmin

z{z ≥ w − ω} = w − ω.

Un prix de vente peut être positif ou négatif : s’il est positif, cela signifie quele propriétaire exige une rémunération en échange de sa loterie; s’il est négatif, celasignifie qu’il est prêt à payer l’acquéreur pour ne plus encourir le risque de cetteloterie.

Exemple 2.3 Le prix de vente de la loterie précédente est égal à :

pv = w − ω = 121− 100 = 21€,

le propriétaire de la loterie est prêt à la vendre pour 21€ pour ne plus encourir lerisque associé à cette loterie. Comme cette loterie rapporte 46€ en moyenne, on endéduira que le décideur présente une aversion pour le risque.

Exemple 2.4 On considère le même décideur, u (x) =√x, ω = 100€, confronté à

une loterie différente Y :

Y =

�−91 210, 5 0, 5

⇒W = ω + Y =

�9 1210, 5 0, 5

l’espérance d’utilité de cette loterie est donnée par :

E (u (W )) = 0, 5√9 + 0, 5

√121

= 0, 5× 3 + 0, 5× 11

= 7

donc l’équivalent certain de sa richesse aléatoire est égal à :

w = 72 = 49€

et le prix de vente de la loterie de :

pv = w − ω = 49− 100 = −51€ < 0,

donc le propriétaire de la loterie est prêt à payer 51€ à un acquéreur éventuel de cetteloterie. Notons qu’en moyenne, cette loterie fera faire une perte à son propriétairepuisque :

E (Y ) = −0, 5× 91 + 0, 5× 21 = −35€,le fait que le propriétaire soit prêt à payer 51€ pour ne plus être confronté à unrisque moyen de 35€ est caractéristique d’une aversion pour le risque.

Comme le montrent les deux exemples précédents, l’aversion face au risque n’estpas définie par le signe du prix de vente d’une loterie. Quelque soient les préférencesdu décideur, le prix de vente d’une loterie peut être positif ou négatif. Pour s’en

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convaincre, considérons le cas d’un agent neutre face au risque. Par définition u (x) =x donc :

w = E (u (W )) = E (W )

et

pv = w − ω

= E (W )− ω

= E (ω +X)− ω

= E (X) ∈ R

car une espérance mathématique peut avoir n’importe quel signe. Ce qui compte estl’écart entre le prix de vente et l’espérance mathématique de la loterie. Il s’agit d’unedéfinition de la prime de risque.

2.3 La prime de risque

2.3.1 Expression exacte

�������� 2.3 (P���� �� ������ �������) La prime de risque absolue πa estle montant que le décideur est prêt à payer pour s’affranchir du risque. La primede risque π d’une richesse aléatoire W = ω +X est égale à l’écart entre l’espérancemathématique de la partie aléatoire de la richesse et son prix de vente :

πa = E (X)− pv.

On peut également définir la prime de risque π comme l’écart entre l’espérance de larichesse aléatoire et son équivalent certain :

πa = E (X)− (w − ω)

= E (ω +X)− w

= E (W )− w.

������� 2.1 (P���� �� ������ �������) On peut également définir la primede risque absolue de la manière suivante :

u (E (W )− πa) = E (u (W ))⇔ πa = E (W )− u−1 (E (u (W ))) ,

cette propriété vient du fait que l’équivalent certain est défini par u (w) = E (u (W ))et que πa = E (W )− w ⇔ w = E (W )− πa.

�������� 2.4 (A������� ��� �� ������) L’aversion face au risque peut se définirpar rapport à la prime de risque absolue πa associée à une richesse W . Plus précise-ment :

• Aversion face au risque : πa > 0;

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• Neutralité face au risque : πa = 0;

• Goût pour le risque : πa < 0.

Un décideur riscophobe est prêt à payer pour s’affranchir du risque, alors qu’undécideur riscophile est prêt à payer pour acquérir un risque supplémentaire.

������� 2.2 (I�!���� �� J�����) Soit f une fonction strictement concaveet W une variable aléatoire réelle :

f (E (W )) > E(f (W )) .

Remarque : si f est strictement convexe, f (E (W )) < E (f (W )) ; si f est linéaire(donc concave et convexe), f (E (W )) = E (f (W )) .

La prime de risque se définit donc en comparant l’espérance mathématique d’unerichesse avec son équivalent certain. Elle permet également de mesurer un degréd’aversion face au risque en unités monétaires. En fait, la forme de la fonctiond’utilité permet de déterminer directement si un décideur présente de l’aversion pourle risque. L’équivalent certain d’une richesse aléatoire W est défini par :

w = u−1 (E (u (W )))

et la prime de risque est égale à :

π = E (W )− w = E (W )− u−1 (E (u (W )))

donc la prime de risque est positive si et seulement si :

E (W ) > u−1 (E (u (W )))⇔ u (E (W )) > E (u (W )) ,

on retrouve l’inégalité de Jensen appliquée à la fonction d’utilité u et à la richessealéatoire W. Un décideur est riscophobe si ses préférences sont représentées par unefonction d’utilité concave.

Quand la prime de risque est nulle :

u (E (W )) = E (u (W )) ,

donc les préférences peuvent être représentées par une fonction linéaire quand ledécideur est neutre face au risque. Enfin, si la prime de risque est négative, on doitavoir :

u (E (W )) < E(u (W )) ,

les préférences du décideur sont représentées par une fonction d’utilité convexe quandil est riscophile.

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25

Exemple 2.5 (Risque de chômage) On considère un travailleur qui gagne un revenu rquand il est en emploi avec probabilité 1−p. Quand il est au chômage (avec probabilitép), il peçoit une indemnité b < r. Sa richesse initiale est égale à ω et ses préférencessont représentées par u (x) = ln x. On peut représenter ce risque par une loterie surla richesse du travailleur :

X =

�b rp 1− p

⇒W = ω +X =

�ω + b ω + r

p 1− p

L’espérance de la richesse est égale à :

E (W ) = ω + p× b+ (1− p)× r

et l’espérance du risque de chômage à :

E (X) = p× b+ (1− p)× r

L’espérance d’utilité de la richesse est égale à :

E (u (W )) = p ln (ω + b) + (1− p) ln (ω + r)

= ln�(ω + b)p (ω + r)1−p

donc son équivalent certain est égal à :

w = exp [E (u (W ))]

= (ω + b)p (ω + r)1−p

et le prix de vente du risque de chômage est égal à :

pv = w − ω

= (ω + b)p (ω + r)1−p − ω.

La prime de risque associée au chômage peut être calculée par la formule:

πa = E (X)− pv

= p× b+ (1− p)× r − (ω + b)p (ω + r)1−p + ω

ou par la formule :

πa = E (W )− w

= ω + p× b+ (1− p)× r − (ω + b)p (ω + r)1−p .

Il est intéressant d’observer que cette prime de risque dépend fortement de la richesseintiale du travailleur. Pour fixer les idées, nous fixerons r = 1200€, b = 600€,p = 0, 1. Calculer les primes de risque pour un chômeur ayant une richesse deω = 1000€ et pour un chômeur ayant une richesse de ω = 0€. Dans le premier cas,l’espérance de la richesse est de :

E (W ) = 1000 + 0, 1× 600 + 0, 9× 1200 = 2140€,

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et l’équivalent certain de cette richesse :

w = (1600)0,1 (2200)0,9 ≃ 2131€,

donc la prime de risque est de :

πa = 2140− 2131 = 9€,

le premier chômeur est prêt à payer 9€ pour être libéré du risque de chômage.Il présente de l’aversion vis à vis du risque. Dans le second cas, l’espérance de larichesse est de :

E (W ) = 0, 1× 600 + 0, 9× 1200 = 1140€,

et l’équivalent certain de cette richesse est de :

w = (600)0,1 (1200)0,9 ≃ 1120€,

d’où la prime de risque :

πa = 1240− 1220 = 20€,

le chômeur le moins riche est prêt à payer une prime de risque plus importante àpréférences et risque identiques.

�������� 2.5 Un décideur A doté de préférences uA est plus riscophobeque le dé-cideur B s’il existe une fonction f croissante et concave telle que :

uA (x) = f (uB (x)) .

Cette définition permet de vérifier qu’un décideur A plus riscophobe qu’un dé-cideur B aura une prime de risque plus importante que celle de B. Pour voir cettepropriété, on part de la définition de la prime de risque du décideur A, πA, puis onutilise celle du décideur B, πB :

uA (E (W )− πA) = E (uA (W ))

= E (f (uB (W )))

< f (E (uB (W )))

= f (uB (E (W )− πB))

= uA (E (W )− πB)

or uA est une fonction croissante, donc :

uA (E (W )− πA) < uA (E (W )− πB)

⇔ E (W )− πA < E (W )− πB

⇔ πA > πB.

Il est donc possible de classer le degré d’aversion face au risque des décideursen comparant les primes de risque. Cette propriété est importante car les fonctiond’utilité ne sont pas observables alors que les primes de risque le sont parfois. Nousretrouverons cette propriété avec le théorème de Pratt.

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2.3.2 Expression approchée

Cette section présente une méthode qui permet d’approximer les primes de risque.Kenneth Arrow1 et John Pratt ont proposé l’approximation suivante pour un petitrisque :

π ≃ V (W )

2×�−u′′ (E (W ))

u′ (E (W ))

�.

Le premier terme, en V (W ) /2, mesure l’incertitude associée à la richesse; lesecond terme, en −u′′ (.) /u′ (.) , mesure l’aversion face au risque du décideur. Cetteformule simplifiée indique simplement que la prime de risque est croissante avecl’incertitude (objective) et avec l’aversion face au risque (subjective).

Pour démontrer cette formule, nous commençons par utiliser la relation suivante,qui définit la prime de risque :

π = E (W )− u−1 (E (u (W ))) (2.1)

⇔ u−1 (E (u (W ))) = E (W )− π

⇔ E (u (W )) = u (E (W )− π) .

La méthode consiste à effectuer un développement limité de cette expression pourde petits risques, c’est-à-dire pour des loterie qui s’écarte peu de sa moyenne. Afinde simplifier le membre de gauche de l’équation (2.1), on effectue un développementlimité à l’ordre 2 de la fonction d’utilité u (x) au voisinage d’un point m :

u (x) ≃ u (m) + (x−m)u′ (m) +1

2(x−m)2 u′′ (m) ,

on en déduit que pour une variable aléatoire W, on doit avoir :

u (W ) ≃ u (m) + (W −m)u′ (m) +1

2(W −m)2 u′′ (m) ,

en prenant l’espérance mathématique de l’expression précédente, et en tenant comptedu fait que le développement limité se fait au voisinage de l’espérance de la variablealéatoire W, m = E (W ) , on obtient :

E (u (W )) ≃ E

�u (m) + (W −m) u′ (m) +

1

2(W −m)2 u′′ (m)

�(2.2)

≃ u (m) + (E (W )−m) u′ (m) +1

2E�(W −m)2

�u′′ (m)

≃ u (m) +1

2V (W )u′′ (m)

≃ u (E (W )) +1

2V (W ) u′′ (E (W )) .

Considérons maintenant le membre de droite de l’équation (2.1). Comme le risqueest petit, on peut effectuer un développement limité au premier ordre au voisinage

1Kenneth Arrow a obtenu le prix Nobel d’économie en 1972.

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d’une prime de risque nulle (πa = 0) . On notera �πa la valeur approchée de la primede risque ::

u (E (W )− πa) ≃ u (E (W ))− πau′ (E (W )) ,

en égalisant les approximations des deux membres de l’équation (2.1) , on obtient :

u (E (W )) +1

2V (W )u′′ (E (W )) ≃ u (E (W ))− �πau′ (E (W ))

⇔ �πa ≃ V (W )

2×�−u′′ (E (W ))

u′ (E (W ))

�.

Avec cette expression, on voit que :

• quand les préférences sont concaves (u′′ < 0) , la prime de risque est positive

• plus la variance est forte, plus la prime de risque est importante.

La seconde partie de l’expression est utilisée pour mesurer l’intensité de l’aversionpour le risque. On définit l’indice d’aversion absolue pour le risque d’Arrow-Prattcomme :

Aa (x) = −u′′ (x)

u′ (x),

pour toute valeur certaine. Ce coefficient mesure le degré de concavité de la fonctiod’utilité au voisinage du point x. Plus il est important, plus l’aversion absolue pourle risque est forte. La prime de risque absolue peut donc se réécrire :

�πa = V (W )

2×Aa (E (W )) ,

on remarque alors que :

E (W ) = E (ω +X) = ω + E (X)

V (W ) = V (ω +X) = V (X) ,

donc on peut réécrire la prime de risque absolue en fonction des caractéristiques dela loterie sous la forme :

�πa = V (X)

2Aa (ω + E (X)) .

����$�� 2.1 (P����) Soient deux individus A et B dont les préférences sontreprésentées respectivement par UA (W ) = E (uA (W )) et UB (W ) = E (uB (W )) , lestrois propriétés suivantes sont équivalentes :

(i) uA est une transformation strictement croissante et strictement concave de uB :

∃f, f ′ > 0, f ′′ < 0 : uA (x) = f (uB (x)) .

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(ii) La prime de risque absolue de A associée à la richesse aléatoire W est supérieureà la prime de risque absolue de B associée à la même richesse, pour tout petit risqueX tel que W = ω +X :

πA (X) > πB (X) .

(iii) En n’importe quel point x, l’indice d’Arrow-Pratt de A est supérieure à celui deB :

∀x, −u′′A (x)

u′A (x)> −u′′B (x)

u′B (x).

2.4 Les types de risque

On distingue trois types de risque. Le premier X est le risque additif que nous avonsdéjà vu, il s’ajoute à la richesse :

W = ω +X,

le deuxième risque Y est multiplicatif, il multiplie la richesse :

W = ω (1 + Y ) ,

on l’utilise pour les risques portant sur les taux. Le troisième risque Z généraliseles deux précédents, on l’appelle le risque mixte. Il ne multiplie qu’une partie de larichesse :

W = ω + ω2Z,

On retrouve le risque additif en posant ω2 = 1 :

W = ω + Z,

et le risque multiplicatif en posant ω2 = ω :

W = ω (1 + Z) .

On peut également réécrire le risque partiel en décomposant la richesse entre sapartie certaine ω1 et sa partie risquée ω2. En utilisant ω = ω1 + ω2, on obtient :

W = ω1 + ω2 + ω2Z

= ω1 + ω2 (1 + Z) .

A ces trois risques sont associées trois primes de risques :

• la prime de risque absolue correspond au risque additif et est notée πa;

• la prime de risque relative correspond au risque multiplicatif et est notée πr;

• la prime de risque partielle correspond au risque mixte et est notée πp;

• par défaut, la prime de risque est absolue et le risque additif.

Page 30: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

30

2.5 Expression exacte

Exemple 2.6 (Prime de risque absolue) On considère un décideur de richesse ω =100€ de préférences représentées par u (x) =

√x. Il est confrontée à un risque

additif :

X =

�−25€ +75€0, 5 0, 5

La richesse aléatoire est donnée par :

W = ω +X =

�75€ 175€0, 5 0, 5

et son espérance mathématique est donnée par :

E (W ) = 0, 5× 75 + 0, 5× 175 = 125

et son équivalent certain est donné par :

w =�0, 5×

√75 + 0, 5×

√175�2≃ 119, 8

donc la prime de risque absolue πa est égale à :

πa = E (W )− w = 125− 119, 8 = 5, 2€.

�������� 2.6 (P���� �� ������ ��������) La prime de risque relative πr estle nombre de points de rendement en proportion (ou %) du capital total auxquels undécideur est prêt à renoncer pour s’affranchir du risque. Elle est définie par :

πr | u (E (W )− ωπr) = E (u (W ))

⇔ u (ω (1 + E (Y )− πr)) = E (u (ω (1 + Y )))

Exemple 2.7 (Prime de risque relative) On considère un décideur avec un capital deω = 100€ et des préférences représentées par u (x) =

√x. La loterie porte sur le taux

de rendement :

Y =

�−25% +75%0, 5 0, 5

le taux de rendement moyen est défini par :

E (Y ) = 0, 5× (−25%) + 0, 5× (75%) = 25%

et l’équivalent certain du taux de rendement y est défini par :

u (ω (1 + y)) = E (u (ω (1 + Y )))

⇔�

ω (1 + y) = 0, 5×�0, 75ω + 0, 5×

�1, 75ω,

Page 31: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

31

le terme en ω se simplifie et il reste :�1 + y = 0, 5×

�0, 75 + 0, 5×

�1, 75 ≃ 1, 0945

⇔ y = (1, 0945)2 − 1 ≃ 0.19793 ≃ 19, 8%,

donc la prime de risque relative :

πr = E (Y )− y = 5, 2%.

Le décideur est donc prêt à sacrifier 5, 2% de rendement pour passer de l’actif Yà un actif certain. Comme il s’agit du même exemple que pour la prime de risqueabsolue, on a, de plus :

πaω

=5, 2

100= 5, 2% = πr

�������� 2.7 (P���� �� ������ ���������) La prime de risque partielle πp estle nombre de points de rendements en proportion (ou %) du capital risqué auxquelsun décideur est prêt à renoncer pour s’affranchir du risque. Elle est définie par :

πp | u (E (W )− ω2πp) = E (u (W ))

⇔ u (ω1 + ω2 (1 + E (Z)− πp)) = E (u (ω1 + ω2 (1 + Z))) ,

avec ω = ω1 + ω2.

Exemple 2.8 (Prime de risque partielle) On considère un investisseur avec une richessecertaine ω1 = 50, une richesse risquée ω2 = 50, des préférences représentées paru (x) =

√x. Le placement sur la richesse risquée est représenté par la loterie :

Z =

�−50% +150%0, 5 0, 5

la richesse aléatoire s’écrit donc :

W = ω1 + ω2 (1 + Z) =

�75 1750, 5 0, 5

il s’agit de la richesse aléatoire des deux exemples précédents. L’espérance de laloterie est égale à :

E (Z) = 0, 5× (×− 50%) + 0, 5× 150% = 50%

et :

E (u (W )) = 0, 5√75 + 0, 5

√175 = 10, 945

donc la prime de risque partielle doit vérifier :�50 + 50 (1 + 50%− πp) = 10, 945

⇔�50 + 50 (1, 5− πp) = 10, 945

⇔�125− 50πp = 10, 945

⇔ πp =125− (10, 945)2

50≃ 10, 4%

Page 32: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

32

ainsi le décideur est prêt à sacrifier 10, 4% de rendement sur la partie risquée de larichesse en échange d’un placement certain. On remarque que :

πpω2 = 10, 4%× 50 = 5, 2€ = πa,

donc le taux sur la richesse risquée est égal au le double du taux sur la richesse totaleparce que la richesse risquée représente la moitié de la richesse totale.

������� 2.3 (P����� �� ������) Les trois défiitions des primes de risque véri-fient :

πa = ωπr = ω2πp,

ceci vient de leurs définitions :

E (u (W )) = u (E (W )− πa) = u (E (W )− ωπr) = u (E (W )− ω2πp) ,

et comme la fonction u est croissante, on a :

E (W )− πa = E (W )− ωπr = E (W )− ω2πp,

ce qui implique :πa = ωπr = ω2πp.

Les différentes primes de risque représentent donc le même montant exprimé demanières différentes. Nous avons vu que la prime de risque absolue peut s’écrire enfonction d’un indice d’aversion pour le risque Aa (x) . Nous allons montrer maintenantque l’on peut écrire toutes primes de risque, pour un petit risque, en fonction d’indicesd’aversions pour le risque spécifique à chaque risque.

2.6 Expression approchée

Nous avons déjà vu l’expression approché de la prime de risque absolue. Il nousreste donc à voir les expression des primes de risque relative et partielle. Nousutiliserons le développement limité de l’espérance d’utilité (2.2) au voisinage de larichesse moyenne m = E (W ) .

2.6.1 Prime de risque relative

La richesse risquée s’écrit :W = ω (1 + Y )

son espérance mathématique est donc donnée par :

E (W ) = ω (1 + E (Y )) � m

et sa variance par :

V (W ) = V (ω + ωY ) = ω2V (Y ) ,

Page 33: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

33

on en déduit que :

E (u (W )) ≃ u (m) +ω2

2V (Y )u′′ (m) .

D’autre part, on a :

u (m− ωπr) = E (u (W ))

en prenant le développement limité d’ordre 1 au voisinage de πr = 0, on obtient :

u (m− ωπr) ≃ u (m)− πrωu′ (m) ,

de sorte que, en notant �πr l’approximation de la prime de risque relative :

u (m)− �πrωu′ (m) ≃ u (m) +ω2

2V (Y ) u′′ (m)

en simplifiant, on obtient la prime de risque relative :

�πr = V (Y )

2×�−ω

u′′ (m)

u′ (m)

�,

L’indice d’aversion relative pour le risque est défini en posant E (Y ) = 0 (⇒ m = ω):

Ar (x) = −xu′′ (x)

u′ (x),

cet indice est égal à la valeur absolue de l’élasticité de l’utilité marginale de larichesse. Quand la richesse augmente de 1%, l’utilité marginale de la richesse décroîtde Ar (x)%.Plus cette élasticité est élevée plus le décideur présente d’aversion rela-tive pour le risque. Remarquons ici que, comme les primes absolues et relatives sontreliées par une contrainte linéaire (πa = ωπr) , on peut obtenir l’approximation de laprime de risque relative directement. On a :

�πa = ω�πrV (W ) = V (ω (1 + Y )) = ω2V (Y )

�πa ≃ V (W )

2×�−u′′ (E (W ))

u′ (E (W ))

donc :

ω�πr ≃ ω2V (Y )

2×�−u′′ (E (W ))

u′ (E (W ))

⇔ �πr ≃ V (Y )

2×�−ω

u′′ (E (W ))

u′ (E (W ))

Page 34: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

34

2.6.2 Prime de risque partielle

La richesse risquée s’écrit maintenant:

W = ω1 + ω2 (1 + Z)

son espérance mathématique est donc donnée par :

E (W ) = ω1 + ω2 (1 + E (Z)) � m

et sa variance par :

V (W ) = V (ω1 + ω2 (1 + Z)) = ω22V (Z) ,

on en déduit que :

E (u (W )) ≃ u (m) +ω222V (Z)u′′ (m) .

D’autre part, on a :u (m− ωπr) = E (u (W ))

en prenant le développement limité d’ordre 1 au voisinage de πr = 0, on obtient :

u (m− ω2πp) ≃ u (m)− πrω2u′ (m) ,

de sorte que, en notant �πp la prime de risque partielle :

u (m)− �πpω2u′ (m) ≃ u (m) +ω222V (Z) u′′ (m)

en simplifiant, on obtient la prime de risque partielle :

�πp = V (Z)

2×�−ω2

u′′ (m)

u′ (m)

�,

Remarquons ici que, comme les primes absolues et relatives sont reliées par unecontrainte linéaire (πa = ω2πp) , on peut obtenir l’approximation de la prime de risquerelative directement. On a :

�πa = ω2�πpV (W ) = ω22V (Z)

�πa ≃ V (W )

2×�−u′′ (E (W ))

u′ (E (W ))

donc :

ω2�πp ≃ ω22V (Z)

2×�−u′′ (E (W ))

u′ (E (W ))

⇔ �πp ≃ V (Z)

2×�−ω2

u′′ (E (W ))

u′ (E (W ))

�.

Page 35: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

CHAPITRE 3

Les fonctions d’utilité usuelles

Les préférences résument les comportements vis-à-vis du risque. Il est donc importantde connaître les caractéristiques des fonctions d’utilité usuelles.

3.1 Les fonctions CRRA

Il s’agit des fonctions d’utilité que se mettent sous la forme d’une puissance :

u (x) =xα

α, α �= 0.

On obtient les cas particuliers suivants :

• α = 1 : u (x) = x, on retrouve le critère d’espérance d’utilité;

• α → 0 : u (x) = ln (x) , l’utilité logarithmique. On trouve ce résultat enappliquant la règle de L’Hôpital.1

• on peut également prendre des valeurs négatives : α = −1 donne u (x) = −1/xqui est une fonction d’utilité classique présentant de l’aversion pour le risque.

Le critère de décision devient :

U (W ) = E (u (W )) =1

αE (Wα) .

L’utilité marginale est donnée par :

u′ (x) = xα−1 > 0

1Rappel :

limx→a

f (x)

g (x)=f ′ (a)

g′ (a), g′ (a) �= 0.

On utilise également :xα = exp (α lnx) .

35

Page 36: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

36

et la dérivée seconde par :u′′ (x) = (α− 1)xα−2,

dont le signe dépend des valeurs de x et α. En supposant que la richesse est positivex > 0, on aura :

• α < 1 : u′′ (x) < 0, utilité concave, préférences riscophobes;

• α = 1 : u′′ (x) = 0, utilité linéaire, préférences neutres;

• α > 1 : u′′ (x) > 0, utlité convexe, préférences riscophiles.

L’indice d’aversion absolue face au risque est donné par :

Aa (x) = −u′′ (x)

u′ (x)=

1− α

x,

il décroît avec la richesse. A partir de cet indice, on peut calculer la prime de risqueabsolue :

πa =V (X)

2×Aa (E (W ))

=V (X)

2

1− α

ω + E (X)

=1− α

2

V (X)

ω + E (X),

cette prime de risque est décroissante avec la richesse et croissante avec la variance del’aléa. Elle est également décroissante avec le rendement moyen de la partie risquéede la richesse. Une plus forte variance peut donc être compensée par une plus grandeespérance de gain. L’indice d’aversion relative face au risque est donné par :

Ar (x) = x×Aa (x) = 1− α,

il est constant. C’est cette propriété qui donne son nom à la fonction : ConstantRelative Risk Aversion ou CRRA. Cette relation permet également d’interpréter leparamètre α : plus il est élevé, plus l’aversion relative face au risque est faible.

Exemple 3.1 (Assurance) Considérons l’exemple de l’assurance que nous avons déjàvu :

W =

�ω + (1− β) z ω + v − βz

p 1− p

L’espérance d’utilité de la richesse avec une fonction CRRA est donnée par :

U (W ) = E (u (W ))

=p

α(ω + (1− β) z)α +

(1− p)

α(ω + v − βz)α ,

Page 37: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

37

et la demande d’assurance z∗ doit vérifier :

∂U

∂z(z∗) = 0,

ce qui est équivalent à :

p (1− β) (ω + (1− β) z∗)α−1 = (1− p)β (ω + v − βz∗)α−1

⇔ p (1− β)

(1− p)β=

�ω + v − βz∗

ω + (1− β) z∗

�α−1

⇔ p (1− β)

(1− p)β=

�ω + (1− β) z∗

ω + v − βz∗

�1−α

⇔�p (1− β)

(1− p) β

�1/(1−α)=

ω + (1− β) z∗

ω + v − βz∗

⇔ k =ω + (1− β) z∗

ω + v − βz∗

avec :

k =

�p (1− β)

(1− p) β

�1/(1−α)

ce qui donne :

k (ω + v − βz∗) = ω + (1− β) z∗

⇔ (k − 1)ω + kv = (1 + (k − 1) β) z∗

⇔ z∗ =kv + (k − 1)ω

1 + (k − 1) β

On peut alors étudier les déterminants de la demande d’assurance. On voit que :

∂z∗

∂v=

k

1 + (k − 1) β> 0,

le montant de l’assurance augmente avec la valeur du bien risqué. Pour la richessenon risquée, on a :

∂z∗

∂ω=

k − 1

1 + (k − 1) β.

On remarque que le dénominateur de cette expression est positif pour toute valeurpositive de k puisque :

k > 0⇔ k − 1 > −1⇔ (k − 1)β > −β

⇔ 1 + (k − 1)β > 1− β > 0 car 0 < β < 1.

Donc le signe de la dérivée est donnée par le signe du numérateur. Or nous avons :

p < β ⇔ 1− β < 1− p,

Page 38: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

38

ce qui implique :

k =

�p (1− β)

(1− p) β

�1/(1−α)=

�p

β× (1− β)

(1− p)

�1/(1−α)< 1,

donc on aura :∂z∗

∂ω< 0,

le montant de l’assurance est décroissant avec la richesse. Les décideurs les plusriches préfèrent s’assurer (partiellement) eux-mêmes. Pour des préférences risco-phobes (∀0 < α < 1) , la demande d’assurance est croissante avec la valeur du bienassuré v et décroissante avec la richesse non risquée du décideur. Pour voir la dépen-dance par rapport à la probabilité de sinistre, on utilise la dérivation en chaîne :

∂z∗

∂p=

∂z∗

∂k× ∂k

∂p,

car p n’influence z∗ que par son action sur k. On a :

∂z∗

∂k=

(1− β) v + ω

(1 + (k − 1)β)2> 0, ∀0 < β < 1,

donc le signe de la dérivée est donné par celui de :

∂k

∂p=

�1− β

β

�1/(1−α)1

(1− p)2

�p

1− p

�α/(1−α)> 0,

ainsi la demande d’assurance est croissante avec la probabilité de sinistre. L’effet ducoût de l’assurance implique une dérivée plus complexe que l’on étudiera au cas parcas. On remarque que l’on obtient les résultats associés aux préférences u (x) = ln xquand α→ 0.

3.2 Les fonctions CARA

Il s’agit des fonctions d’utilité que se mettent sous la forme d’une exponentielle :

u (x) = − 1

αexp (−αx) , α > 0.

On obtient les cas particuliers suivants :

• α → 0 : u (x) = x, on retrouve le critère d’espérance d’utilité. On obtient cerésultat en appliquant la règle de L’Hôpital.

• les valeurs de α doivent être positives.

Page 39: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

39

Le critère de décision devient :

U (W ) = E (u (W )) = − 1

αE (exp (−αW )) .

L’utilité marginale est donnée par :

u′ (x) = exp (−αx) > 0

et la dérivée seconde par :

u′′ (x) = −α exp (−αx) < 0,

dont le signe est toujours négatif. Ce type de fonctions d’utilité ne peut donc êtreutilisé que pour représenter des préférences riscophobes. L’indice d’aversion absolueface au risque est donné par :

Aa (x) = −u′′ (x)

u′ (x)= α,

il est constant. C’est cette propriété qui donne son nom à la fonction : ConstantAbsolute Risk Aversion ou CARA. A partir de cet indice, on peut calculer la primede risque absolue :

πa =V (X)

2×Aa (E (W ))

=αV (X)

2,

cette prime de risque est croissante avec l’aversion absolue pour le risque α et avec lavariance de l’aléa. Elle ne dépend ni du rendement moyen ni de la richesse. L’indiced’aversion relative face au risque est donné par :

Ar (x) = x×Aa (x) = αx,

il est proportionnel à la richesse.

Exemple 3.2 • Considérons l’exemple de l’assurance que nous avons déjà vu :

W =

�ω + (1− β) z ω + v − βz

p 1− p

L’espérance d’utilité de la richesse avec une fonction CARA est donnée par :

U (W ) = E (u (W ))

= − p

αexp (−α (ω + (1− β) z))− (1− p)

αexp (−α (ω + v − βz)) ,

la condition du premier ordre est donnée par :

∂U

∂z(z∗) = 0,

Page 40: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

40

et l’utilité marginale de l’assurance est égale à :

∂U

∂z(z) = p (1− β) exp (−α (ω + (1− β) z))− (1− p)β exp (−α (ω + v − βz))

ce qui donne:

p (1− β) exp (−α (ω + (1− β) z∗)) = (1− p)β exp (−α (ω + v − βz∗))

⇔ p (1− β)

(1− p)β=

exp (−α (ω + v − βz∗))

exp (−α (ω + (1− β) z∗))

⇔ p (1− β)

(1− p)β= exp (−α (v − z∗))

donc :

ln

�p (1− β)

(1− p)β

�= −α (v − z∗)

⇔ − 1

αln

�p (1− β)

(1− p)β

�= v − z∗

⇔ z∗ = v +1

αln

�p (1− β)

(1− p)β

⇔ z∗ = v − 1

αln

�(1− p) β

p (1− β)

�< v, ∀β > p.

et on remarque que :

β > p⇒ (1− p)β

p (1− β)> 1⇒ ln

�(1− p) β

p (1− β)

�> 0

en conséquence, on a les propriétés suivantes pour la demande d’assurancebasée sur des préférences CARA :

• elle est indépendante de la richesse non risquée :

∂z∗

∂ω= 0,

• elle est croissante avec la valeur du bien assuré :

∂z∗

∂v= 1 > 0,

• elle est croissante avec la probabilité de sinistre :

∂z∗

∂p=

1

α

�1

p+

1

1− p

�> 0

Page 41: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

41

• elle est décroissante avec le montant de la prime (β est le coût unitaire del’assurance) :

∂z∗

∂β= − 1

α

�1

β+

1

1− β

�< 0

• elle est croissante avec le degré d’aversion pour le risque :

∂z∗

∂α=

1

α2ln

�(1− p) β

p (1− β)

�> 0.

3.3 L’utilité linéaire de Markowitz

Au début de ce cours, nous avons utilisé la fonction d’utilité suivante :

U (W ) = E (W )− kV (W ) ,

nous allons maintenant que l’on peut justifier cette forme en appliquant le critèred’espérance d’utilité obtenue sous des hypothèses particulières.

• Hypothèse 1 : les préférences sont représentées par la fonction d’utilité CARAu (x) = exp (−αx)

• Hypothèse 2 : la richesse W suit une loi normale, W � N (m,σ2W )

D’après la seconde hypothèse la variable Z = exp (W ) suit une loi log-normaled’espérance exp (m+ σ2W/2) . D’autre part :

ln Z−α

�= −α lnZ ⇒ exp

lnZ−α

�= exp (−α lnZ) = exp (−αW ) ,

et comme W = lnZ suit une loi normale, −α lnZ suit également une loi normale demoments :

E (−α lnZ) = −αE (lnZ) = −αm,

V (−α lnZ) = α2V (lnZ) = α2σ2W

on en déduit que exp (−αW ) = exp (lnZ−α) suit une loi log-normale d’espéranceexp (−αm+ α2σ2W/2) . En utilisant la première hypothèse, on obtient l’espéranced’utilité suivante :

U (W ) = − 1

αE (exp (−αW ))

= − 1

αE exp

−α m− ασ2W/2

���.

Arrivé à ce stade, on remarque que toute transformation croissante f de la fonc-tion d’utilité représente les mêmes préférences. La quantité m−ασ2W est transforméepar la fonction :

f (x) = − 1

αexp (−αx) ,

Page 42: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

42

qui vérifie :f ′ (x) = exp (−αx) > 0,

donc :U (W ) = f

m− ασ2W/2

�, f ′ > 0

Et on peut prendre comme fonction d’utilité toute transformée croissante de cettefonction. Comme f est croissante, f−1 est également croissante, donc on peut prendre:

f−1 (U (W )) = m− α

2σ2W = E (W )− α

2V (W ) ,

on retrouve donc la forme espérance-variance de Markowitz en posant k = α/2. Dansce cas particulier k est proportionnel à l’indice d’aversion absolue pour le risque.

La prime de risque absolue présente également une propriété particulière :

u (E (W )− πa) = E (u (W )) ,

ce qui donne :

− 1

αexp (−α (m− πa)) = E

�− 1

αexp (−αW )

exp (−α (m− πa)) = E (exp (−αW ))

exp (−α (m− πa)) = exp −αm+ α2σ2W/2

−α (m− πa) = −αm+ α2σ2W/2

d’où la prime de risque absolue exacte :

πa =α

2V (W ) ,

dont l’expression est identique à l’approximation d’Arrow-Pratt.

Page 43: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

CHAPITRE 4

La dominance stochastique

Jusqu’à présent nous n’avons utilisé que l’espérance et la variance des loteries pourcomparer des variables aléatoires entre elles. Il existe des critères plus généraux quipeuvent également intervenir. En particulier, les critères qui permettent de prendredes décisions qu’elle que soit la fonction d’utilité sont les plus intéressants car ilspermettent d’établir des résultats généraux.

4.1 Dominance stochastique d’ordre 1

Nous appliquerons cette notion à la comparaison des richesses aléatoires. Le but estde les classer selon un critère de dominance relié à l’espérance d’utilité.

�������� 4.1 Une richesse aléatoire W1 domine stochastiquement une richessealéatoire W2 à l’ordre 1, au sens large, quand :

Pr [W1 ≥ t] ≥ Pr [W2 ≥ t] , ∀t

ce que l’on note :W1 �

S1

W2,

la dominance a lieu au sens strict quand :

Pr [W1 ≥ t] ≥ Pr [W2 ≥ t] , ∀t et ∃t | Pr�W1 ≥ t

�> Pr

�W2 ≥ t

�,

ce que l’on note :W1 ≻

S1W2.

La probabilité d’être plus riche qu’un seuil donné t avec la loterie W1 est plusélevée qu’avec la loterie W2, quel que soit le seuil de richesse t considéré. On peutégalement la définir à partir des fonctions de répartition des loteries. Soit FW (t) lafonction de répartition de W. Par définition :

FW (w) = Pr [W < t] ,

43

Page 44: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

44

la fonction utilisée pour définir la dominance stochastique d’ordre 1 est appeléefonction de survie en statistique des durées. On la note :

SW (t) = 1− FW (t)

= 1− Pr [W < t]

= Pr [W ≥ t] ,

on peut donc écrire la conditions de dominance stochastique à l’ordre 1 comme :

SW1 (t) ≥ SW2 (t)

⇔ −SW1 (t) ≤ −SW2 (t)

⇔ 1− SW1 (t) ≤ 1− SW2 (t)

⇔ FW1 (t) ≤ FW2 (t) ,

la richesse aléatoire W1 domine la richesse W2 quand sa fonction de répartition de W1

est située en dessous de la fonction de répartition de W2. De même on peut définirla domination stochastique à l’ordre 1 au sens strict comme :

FW1 (t) ≤ FW2 (t) ∀t et ∃t | FW1

t�< FW2

t�.

Exemple 4.1 Considérons les deux loteries suivantes :

W1 =

�w1

et W2 =

�0 2w0, 5 0, 5

ces deux loteries sont de même espérance, mais aucune des deux ne domine l’autre.En effet la fonction de répartition de la première loterie est donnée par :

FW1 (t) =

�0 si t < w1 si t ≥ w

et :

FW2 (t) =

0 si t < 00, 5 si 0 ≤ t < 2w1 si t ≥ 2w

donc les deux fonctions se coupent en t = w et aucune loterie ne domine l’autre.

Exemple 4.2 Considérons les deux loteries suivantes :

W2 =

�0 2w0, 5 0, 5

et W3 =

�0 2w 3w0, 5 0, 25 0, 25

la fonction de répartition de la loterie W3 est donnée par :

FW3 (t) =

0 si t < 00, 5 si t ≤ t < 2w0, 75 si 2w ≤ t < 3w1 si t ≥ 3w

et cette fonction de répartition est toujours située en dessous de celle de W2, donc :

W3 �S1

W2.

Page 45: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

45

������� 4.1 Si la richesse aléatoire W1 domine W2 stochastiquement à l’ordre 1:

E (W1) ≥ E (W2)

et si W1 domine W2 strictement stochastiquement à l’ordre 1 :

E (W1) > E (W2)

La réciproque est fausse.

Il existe plusieurs manière de démontrer cette propriété. Voici la première. Pourla démontrer dans le cas continu, nous allons utiliser la formule suivante, pour unerichesse de support [e, f ] et de fonction de survie S (t) :

E (W ) =

� 0

e

(S (t)− 1)dt+

� f

0

S (t) dt

avec :S (e) = 1, S (f) = 0

On remarque que, par définition :

S (t) = 1− F (t)⇒ S ′ (t) = −F ′ (t) = −f (t)

où f (t) est la densité de W. On a également :

F (e) = 1− S (e) = 0, F (f) = 1− S (f) = 1.

Supposons que l’on soit sur l’intervalle des valeurs négatives, t ∈ [e, 0] :

Ie �� 0

e

t f (t)dt

=

� 0

e

t F ′ (t) dt

qui est de la forme�uv′. En intégrant par parties, on obtient :

Ie = [t F (t)]0e −� 0

e

F (t) dt

= 0− e× 0−� 0

e

F (t)dt

= −� 0

e

F (t)dt

= −� 0

e

(1− S (t)) dt

=

� 0

e

(S (t)− 1) dt

Page 46: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

46

Considérons maintenant l’intervalle des valeurs postives, t ∈ [0, f ] :

If =

� f

0

t f (t)dt

=

� f

0

t (−S ′ (t)) dt

qui est également de la forme�uv′. En intégrant par parties, on obtient :

If = [−t S (t)]f0 +

� f

0

S (t) dt

= −f × 0 + 0 +

� f

0

S (t)dt

=

� f

0

S (t)dt

Globalement, on obtient donc :

E (W ) =

� f

e

t f (t) dt

=

� 0

e

t f (t) dt+

� f

0

t f (t) dt

=

� 0

e

(S (t)− 1) dt+

� f

0

S (t) dt

Supposons maintenant que l’on ait deux richesses aléatoires, W1 et W2, par défi-nition :

S1 (t) ≥ S2 (t)

⇒� f

0

S1 (t)dt ≥� f

0

S2 (t) dt

de plus :

S1 (t) ≥ S2 (t)

⇔ S1 (t)− 1 ≥ S2 (t)− 1

⇒� 0

e

(S1 (t)− 1)dt ≥� 0

e

(S2 (t)− 1)dt

donc :

S1 (t) ≥ S2 (t)

⇒� 0

e

(S1 (t)− 1)dt+

� f

0

S1 (t)dt ≥� 0

e

(S2 (t)− 1)dt+

� f

0

S2 (t)dt

⇔ E (W1) ≥ E (W2) .

Page 47: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

47

Pour démontrer que la réciproque est fausse il suffit de trouver un contre-exemple,c’est-à-dire une variable aléatoire telle que E (W1) ≥ E (W2) et W1 � W2. Prenonsles deux loteries suivantes :

W1 =

�2 41/2 1/2

et W2 =

�0 31/3 2/3

on a :

E (W1) = 3, E (W2) = 1

et les fonctions de répartition sont données par :

F1 (t) =

0 0 ≤ t < 21/2 2 ≤ t < 41 4 ≤ t

=

0 0 ≤ t < 21/2 2 ≤ t < 31/2 3 ≤ t < 41 4 ≤ t

et F2 (t) =

0 t < 01/3 0 ≤ t < 31 3 ≤ t

=

1/3 0 ≤ t < 21/3 2 ≤ t < 31 3 ≤ t < 41 4 ≤ t

donc on a :F1 (t) = 1/2 > 1/3 = F2 (t) si 2 ≤ t < 3

etF1 (t) = 1/2 < 1 = F2 (t) si 3 ≤ t < 4

donc il n’y a pas de dominance stochastique.

������� 4.2 Pour toute fonction d’utilité espérée, vérifiant :

u′ (t) ≥ 0 et ∃ t | u′ t�> 0

W1 �S1

W2 ⇒ E (u (W1)) ≥ E (u (W2))

la propriété est valable quel que soit le comportement vis-à-vis du risque associé àla fonction u (t) . En particulier, si on pose u (t) = t, qui vérifie u′ (t) = 1 > 0, onobtient :

W1 �S1

W2 ⇒ E (W1) ≥ E (W2) .

Nous allons démontrer que la condition est suffisante : (1)⇒ (2). On supposeraque la richesse W1 est définie sur le support [a1, b1] et W2 sur le support [a2, b2] . Ona :

D � E (u (W1))− E (u (W2))

=

� b1

a1

u (t) f1 (t)dt−� b2

a2

u (t) f2 (t) dt

=

� b

a

u (t) (f1 (t)− f2 (t)) dt

Page 48: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

48

avec :a = min (a1, a2) ,

la borne inférieure des supports des deux richesses aléatoires et :

b = max (b1, b2) ,

la borne supérieure des deux richesses aléatoires. On a donc :

D =

� b

a

u (t) (f1 (t)− f2 (t))dt

qui est de la forme�uv′. En intégrant par parties :

D = [u (t) (F1 (t)− F2 (t))]ba −

� b

a

u′ (t) (F1 (t)− F2 (t))dt,

comme F1 et F2 sont des fonctions de répartition, on a :

F1 (a) = 0, F1 (b) = 1, F2 (a) = 0 et F2 (b) = 1,

ce qui implique :

D = u (b) (1− 1)− u (a) (0− 0)−� b

a

u′ (t) (F1 (t)− F2 (t)) dt

= −� b

a

u′ (t) (F1 (t)− F2 (t))dt

=

� b

a

u′ (t) (F2 (t)− F1 (t))dt

et l’on a :

F2 (t)− F1 (t) = (1− S2 (t))− (1− S1 (t))

= S1 (t)− S2 (t) ,

de sorte que :

D =

� b

a

u′ (t) (S1 (t)− S2 (t))dt.

Maintenant, supposons que W1 �S1

W2, on a:

S1 (t) ≥ S2 (t)

⇔ S1 (t)− S2 (t) ≥ 0

⇒ u′ (t) (S1 (t)− S2 (t)) ≥ 0 car u′ (t) ≥ 0

⇒� b

a

u′ (t) (S1 (t)− S2 (t))dt ≥ 0

⇔ E (u (W1)) ≥ E (u (W2)) .

Cette propriété permet de mieux interpréter le critère d’espérance d’utilité. Parrapport au cas certain, on remplace la comparaison des valeurs certaines de la richessepar la comparaison des probabilités que la richesse dépasse un certain seuil. Toutefois,on ne peut rien dire quand les richesse aléatoires W1 et W2 ne sont pas ordonnablesselon le critère de dominance stochastique à l’ordre 1.

Page 49: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

49

4.2 Risque et variance

Parmi les avantages qu’il y a à utiliser la variance comme mesure du risque, on peutnoter les propriétés suivantes :

• quand la richesse est certaine, la variance est nulle;

• l’espérance d’utilité à la Markowitz, qui fait intervenir l’espérance et la vari-ance;

• les primes de risque approchées dépendent de la variance;

Mais il existe également des arguments contre la variance :

• la variance est une caractéristique objective de la richesse, elle ne dit rien descomportements des décideurs face au risque;

• l’espérance d’utilité à la Markowitz fait des hypothèses fortes. Dans sa versionlinéaire, il faut que la fonction d’utilité soit CARA et que la richesse suive uneloi normale.

En fait, la mesure du risque par la variance peut induire en erreur dans certainscas que nous allons étudier maintenant. Considérons les deux loteries suivantes :

W1 =

�0 41/2 1/2

et W2 =

�1 97/8 1/8

elles ont la même espérance :

E (W1) =4

2= 2

E (W2) =7 + 9

8= 2

et les variances sont différentes :

V (W1) =1

2(0− 2)2 +

1

2(4− 2)2 = 4

V (W2) =7

8(1− 2)2 +

1

8(9− 2)2 = 7

au vu de ces premiers résultats, on pourrait penser qu’un agent averse au risquechoisirait la loterie W1 puisqu’elle rapporte la même richesse moyenne que W2 et quela variance de W1 est inférieure à celle de W2. Prenons une fonction d’utilité CRRAavec aversion pour le risque (α = 1/2 < 1) , on a :

u (x) =1

αxα = 2

√x,

Page 50: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

50

les espérance d’utilité des deux loteries sont égales à :

E (u (W1)) =1

2×�2√0�+1

2×�2√4�= 2

E (u (W2)) =7

8×�2√1�+1

8×�2√9�=

10

4= 2, 5

donc :

E (u (W2)) ≥ E (u (W1))

nous avons trouvé un agent averse au risque qui préfère la loterie de plus forte variancepour le même rendement moyen. Examinons le critère de dominance stochastique.Pour la première loterie :

F1 (t) =

0 t < 01/2 0 ≤ t < 41 4 ≤ t

=

0 t < 01/2 0 ≤ t < 11/2 1 ≤ t < 41 4 ≤ t < 91 9 ≤ t

et F2 (t) =

0 t < 17/8 1 ≤ t < 91 9 ≤ t

=

0 t < 00 0 ≤ t < 17/8 1 ≤ t < 47/8 4 ≤ t < 91 9 ≤ t

et l’on voit que les courbes se coupent en t = 1. Donc on ne peut pas utiliser le critèrede dominance stochastique pour comparer ces deux loteries. Comparons maintenantles primes de risque exacte et approchées associées à ces loteries. Pour W1 :

u (E (W1)− π1) = E (u (W1))

⇔ 2√2− π1 = 2

⇔ π1 = 1

et pour W2 :

u (E (W2)− π2) = E (u (W2))

⇔ 2√2− π2 =

10

4

⇔ π2 =7

16= 0, 4375

on a donc :

π1 > π2.

donc la prime de risque associée à W1 est supérieure à celle de W2. Ceci signifie quele décideur averse au risque est prêt à donner une prime de risque supérieure pour

Page 51: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

51

la richesse qui présente la variance la plus faible. Ceci implique que les primes derisque approchées sont fausses. Le coefficient d’Arrow-Pratt est égal à :

u′ (x) = x−1/2, u′′ (x) = −1

2x−3/2

Aa (x) = −u′′ (x)

u′ (x)=

1

2x,

donc :

Aa (E (W1)) = Aa (E (W2)) = Aa (2) =1

4.

Les primes de risque approchées sont donc égales à :

�π1 =V (W1)

2× 1

4=

1

2< 1 = π1

�π2 =V (W2)

2× 1

4=

7

8>

7

16= π2

on sous-estime le risque de W1 et on surestime le risque de W2. De plus, l’ordre estégalement faux puisque l’on trouve :

�π2 > �π1.

Il est clair que l’approximation du risque par la variance n’est pas du tout adaptéeà cette loterie. Le résultat sur les primes de risque approchées suggère que la qual-ité de l’approximation laisse à désirer. Considérons l’approximation de l’espéranced’utilité. Pour la fonction d’utilité, on a au voisinage d’un point m :

u (x) = u (m) + (x−m)u′ (m) +1

2(x−m)2 u′′ (m) +

+∞�

k=3

(x−m)k

k!

dku

dxk(m) ,

en prenant l’espérance mathématique de cette expression au voisinage dem = E (W ) ,on trouve :

E (u (W )) = u (m) +1

2E�(W −m)2

�u′′ (m) +

+∞�

k=3

E�(W −m)k

� 1

k!

dku

dxk(m)

et on note :µk � E

�(W − E (W ))k

�,

on remarque que :µ2 = V (W )

le moment centré d’ordre k. Globalement :

E (u (W )) = u (E (W )) +V (X)

2u′′ (m) +

+∞�

k=3

µkk!

dku

dxk(m)

donc, pour une loterie quelconque, c’est-à-dire avec des µk quelconques, l’approxi-mation n’est bonne que dans les deux cas suivants :

Page 52: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

52

• u′′ (x) = 0. Le cas neutre face au risque, puisque l’on a E (u (W )) = u (E (W )) ;

• u′′ (x) constante, auquel cas dku/dxk = 0∀k ≥ 3. Ceci correspond aux utilitésquadratiques, de type Markowitz.

Dans tous les autres cas, l’espérance d’utilité fait intervenir des moments d’ordresupérieur ou égal à 3. Le moment centré d’ordre 3 permet d’examiner la symétried’une distribution :

µ3 = 0⇔ fW (t) = fW (−t) .

Le coefficient d’asymétrie de Fisher est défini par :

γ1 =µ3

µ3/22

,

si γ1 > 0 la queue de distribution située à droite est plus prononcée que celle située àgauche, et l’inverse si γ1 < 0, elle est étalée vers la gauche. Examinons les momentscentrés d’ordre 3 de nos deux distributions :

µ3 (W1) =1

2(0− 3)3 +

1

2(4− 2)3 = 0

µ3 (W2) =7

8(1− 2)3 +

1

8(9− 2)3 = 42

les coefficient d’asymétrie de Fisher sont égaux à :

γ1 (W1) = 0

γ1 (W2) =42

73/2= 2, 2678 > 0

donc la distribution de W2 présente une asymétrie positive, ce qui correspond bienà l’intuition donnée par la loterie. Calculons maintenant l’approximation d’ordre 3de la prime de risque. On a :

u (E (W )− �πa) ≃ u (m)− �πau′ (m)

d’où l’égalité au voisinage d’un petit risque :

u (m) +V (X)

2u′′ (m) +

µ36u′′′ (m) ≃ u (m)− �πau′ (m)

V (X)

2u′′ (m) +

µ36u′′′ (m) ≃ −�πau′ (m)

donc :

�πa = V (X)

2

�−u′′ (m)

u′ (m)

�+

µ36

�−u′′′ (m)

u′ (m)

et

u′ (x) = x−1/2, u′′ (x) = −1

2x−3/2, u′′′ (x) =

3

4x−5/2

Page 53: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

53

donc :

−u′′ (x)

u′ (x)=

1

2x, −u′′′ (x)

u′ (x)= − 3

4x2

et au point moyen :

−u′′ (x)

u′ (x)=

1

4, −u′′′ (x)

u′ (x)= − 3

16

ce qui donne les primes de risque approchées suivantes :

�πa (W1) =1

2,

elle reste inchangée parce que la distribution est symétrique. Par contre, pour W2, ily a un changement :

�πa (W2) =7

2× 1

4− 42

6× 3

16= − 7

16= −0, 48375,

cette fois-ci, on a bien :�πa (W1) > �πa (W2) ,

mais l’approximation reste mauvaise. Pour améliorer l’approximation, il faudraitdévelopper l’approximation à un ordre supérieur. Cet exemple montre que l’on nepeut pas toujours approximer le risque par la variance.

4.3 Dominance stochastique d’ordre 2

�������� 4.2 Une richesse aléatoire W1 de fonction de survie S1 (t) domine sto-chastiquement à l’ordre 2 au sens large une richesse aléatoire W2 de fonction desurvie S2 (t) quand : � s

−∞

S1 (t) dt ≥� s

−∞

S2 (t) dt, ∀s

ce que l’on note :W1 �

S2

W2,

la dominance a lieu au sens strict quand :

� s

−∞

S1 (t) dt ≥� s

−∞

S2 (t) dt, ∀s et ∃ s :

� s

−∞

S1 (t) dt >

� s

−∞

S2 (t) ,

ce que l’on note :W1 ≻

S2W2.

On peut écrire la même définition à partir des fonctions de répartition F1 (t) etF2 (t) :

W1 �S2

W2 ⇔� s

−∞

F1 (t) dt ≤� s

−∞

F2 (t) dt, ∀s

Page 54: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

54

et :

W1 ≻S2

W2 ⇔� s

−∞

F1 (t)dt ≤� s

−∞

F2 (t)dt, ∀s et ∃ s :

� s

−∞

F1 (t)dt <

� s

−∞

F2 (t) .

Cette fois-ci la surface située sous la fonction de répartition de la courbe domi-nante est inférieure à celle de l’autre courbe.

������� 4.3 La dominance stochastique à l’ordre 1 implique la dominance sto-chastique à l’ordre 2 :

W1 �S1

W2 ⇒ W1 �S2

W2.

Ceci vient du fait que :

S1 (t)− S2 (t) ≥ 0, ∀t

⇒� s

−∞

(S1 (t)− S2 (t)) dt ≥ 0.

������� 4.4 � b(x)

a(x)

f (t) dt = F (b (x))− F (a (x))

doncd

dx

� b(x)

a(x)

f (t) dt = b′ (x) f (b (x))− a′ (x) f (b (x)) .

On déduit de la propriété précédente que :

d

ds

� s

a

(F1 (t)− F2 (t)) dt = F1 (s)− F2 (s) .

D’autre part, nous avons déjà vu que :

D = E (u (W1))− E (u (W2)) =

� b

a

(S1 (t)− S2 (t))dt

=

� b

a

u′ (t) (S1 (t)− S2 (t)) dt

et cette fonction est de la forme�u′v′, en intégrant par parties, on obtient :

D = [u′v]−�

u′′v

=

�u′ (s)

� s

a

(S1 (t)− S2 (t)) dt

�b

a

−� b

a

u′′ (s)

�� s

a

(S1 (t)− S2 (t)) dt

�ds

= u′ (b)

� b

a

(S1 (t)− S2 (t))dt− u′ (a)

� a

a

(S1 (t)− S2 (t))dt

� �� �0

−� b

a

u′′ (s)

�� s

a

(S1 (t)− S2 (t))dt

�ds

Page 55: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

55

������� 4.5

E (W1)− E (W2) =

� b

a

t f1 (t) dt−� b

a

t f2 (t) dt =

� b

a

(S1 (t)− S2 (t)) dt

Les deux intégrales sont de la forme�uv′, en intégrant par parties :

E (W1)− E (W2) = [tF1 (t)]ba −

� b

a

F1 (t) dt− [tF2 (t)]ba +

� b

a

F2 (t) dt

= bF1 (b)� �� �1

− aF1 (a)� �� �0

− bF2 (b)� �� �1

+ aF2 (a)� �� �0

+

� b

a

(F2 (t)− F1 (t))dt

=

� b

a

(F2 (t)− F1 (t)) dt

=

� b

a

(S1 (t)− S2 (t))dt

On en déduit que l’écart des espérances d’utilité est égal à :

D = u′ (b) (E (W1)− E (W2))−� b

a

u′′ (s)

�� s

a

(S1 (t)− S2 (t)) dt

�ds,

pour pouvoir tirer des conclusion sur la base des dérivées secondes il faut supposerl’égalité des espérances, ce qui mène à la définition suivante.

�������� 4.3 W2 est un étalement de W1 à moyenne constante si :

E(W1) = E (W2) et W1 �S2

W2,

������� 4.6 Si W2 est un étalement de W1 à moyenne constante :

E (u (W1))− E (u (W2)) = −� b

a

u′′ (s)

�� s

a

(S1 (t)− S2 (t)) dt

�ds

et comme :

W1 �S2

W2 ⇔� s

a

(S1 (t)− S2 (t)) dt ≥ 0 ∀s,

l’intégrale est du signe opposé à u′′. Donc si l’agent est riscophobe :

E (u (W1)) ≥ E (u (W2))

et si l’agent est riscophile :

E (u (W1)) ≤ E (u (W2)) .

Page 56: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

56

������� 4.7 Si E (W1) = E (W2) et W1 �S2

W2, on a :

V (W1) ≤ V (W2) .

La propriété sur la variance peut se démontrer de la manière suivante. On veutcomparer :

D = V (W1)−V (W2) = E W 21

�− E (W1)

2 − E W 22

�− E (W2)

2� ,

or E (W1) = E (W2) , donc :

D = E W 21

�− E

W 22

�,

et, en appliquant la propriété avec la fonction convexe (riscophile) u (t) = t2, u” (t) =2 > 0, on obtient :

W1 �S2

W2 ⇒ E W 21

�≤ E

W 22

�⇒ V (W1) ≤ V (W2) .

On en déduit le résumé suivant.

������� 4.8 (����)

1. Si W1 �S1

W2 : tous les agents préfèrent W1 à W2 dès que u′ (t) > 0, et l’on a

E (W1) ≥ E (W2) .

2. Si W1 �S2

W2 :tous les agents riscophobes préfèrent W1 à W2 dès que u′ (t) > 0

et que E (W1) = E (W2) , et l’on a V (W1) ≤ V (W2).

Exemple 4.3 Voici un cas de dominance stochastique d’ordre 1 :

W1 =

�2 4 61/3 1/3 1/3

et

W2 =

�1 2 4 61/4 1/4 1/4 1/4

les fonctions de répartition peuvent s’écrire :

F1 (t) =

0 si t < 10 si 1 ≤ t < 21/2 si 2 ≤ t < 42/3 si 4 ≤ t < 61 si 6 ≤ t

Page 57: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

57

et

F2 (t) =

0 si t < 11/4 si 1 ≤ t < 21/2 si 2 ≤ t < 43/4 si 4 ≤ t < 61 si 6 ≤ t

et l’on voit que :F1 (t) ≤ F2 (t) et ∃t ∈: F1

t�< F2

t�

donc :W1 ≻

S1W2

et l’on peut vérifier les propriétés sur les espérances :

E (W1) =12

3= 4

E (W2) =13

4= 3, 25

cette dominance stochastique implique que tous les agents dont les préférences sontreprésentables par une utilité espérée vérifiant u′ (t) > 0 préfèrent W1 à W2. Cettepropriété implique également que :

W1 ≻S2

W2,

en effet :

� s

0

F1 (t) dt =

0 si 1 ≤ s < 22/3 si 2 ≤ t < 4

2/3 + 4/3 si 4 ≤ s < 6=

0 si 1 ≤ s < 22/3 si 2 ≤ t < 42 si 4 ≤ s < 6

pour obtenir ces chiffres, on définit la fonction entre 0 et 6. La surface représentéeentre 0 et 2 est nulle, celle représentée entre 2 et 4 est égale à :

1

3× (2− 4) =

2

3,

celle représentée entre 4 et 6 est égale à :

2

3× (6− 4) =

4

3,

et celle représentée entre 6 et 6 est nulle. Pour la deuxième richesse, on obtient avecla même méthode :

� s

0

F2 (t) dt =

1/2 si 1 ≤ s < 21/2 + 1 si 2 ≤ t < 43/2 + 3/2 si 4 ≤ s < 6

=

1/2 si 1 ≤ s < 23/2 si 2 ≤ t < 43 si 4 ≤ s < 6

Page 58: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

58

et on voit que l’on a :

� s

0

F1 (t) dt ≤� s

0

F2 (t) dt et ∃s ∈:� s

0

F1 (t) dt <

� s

0

F2 (t) dt

donc

W1 ≻S2

W2.

Exemple 4.4 Voici un cas de dominance stochastique d’ordre 2 sans dominance sto-chastique d’ordre 1. On compare les deux loteries suivantes :

W1 =

�2 4 61/3 1/3 1/3

et

W2 =

�1 3 5 71/6 1/3 1/3 1/6

La première propriété à vérifier est l’égalité des espérances mathématiques :

E (W1) = 4

et

E (W2) =24

6= 4,

on peut donc vérifier s’il existe une dominance stochastique d’ordre 2. Les fonctionsde répartitions écrites pour une grille commune de valeurs sont égales à :

F1 (t) =

0 si t < 10 si 1 ≤ t < 21/3 si 2 ≤ t < 31/3 si 3 ≤ t < 42/3 si 4 ≤ t < 52/3 si 5 ≤ t < 61 si 6 ≤ t < 71 si 7 ≤ t

et

F2 (t) =

0 si t < 11/6 si 1 ≤ t < 21/6 si 2 ≤ t < 31/2 si 3 ≤ t < 41/2 si 4 ≤ t < 55/6 si 5 ≤ t < 65/6 si 6 ≤ t < 71 si 7 ≤ t

Page 59: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

59

On voit que ces fonctions de répartition se coupent plusieurs fois donc il n’y a pas dedominance stochastique à l’ordre 1. Examinons la surface sous les fonctions de répar-tition. Comme tous les intervalles sont de longueur égale à 1, on peut cumuler directe-ment les fonctions. De plus on peut enlever les valeurs inférieure à 1 ou supérieuresà 7 car les surfaces sous les courbes sont les mêmes pour les deux fonctions de ré-partition :

� s

0

F1 (t) dt =

0 si 1 ≤ s < 21/3 si 2 ≤ s < 32/3 si 3 ≤ s < 44/3 si 4 ≤ s < 52 si 5 ≤ s < 63 si 6 ≤ s < 7

et

� s

0

F2 (t) dt =

1/6 si 1 ≤ t < 21/3 si 2 ≤ t < 35/6 si 3 ≤ t < 44/3 si 4 ≤ t < 513/6 si 5 ≤ t < 63 si 6 ≤ t < 7

qui vérifie :

� s

0

F1 (t) dt ≤� s

0

F2 (t) dt et ∃s ∈:� s

0

F1 (t) dt <

� s

0

F2 (t) dt

donc :W1 ≻

S2W2,

et on peut vérifier la propriété sur les variances :

V (W1) =1

3(2− 4)2 +

1

3(4− 4)2 +

1

3(6− 4)2 =

8

3

V (W2) =1

6(1− 4)2 +

1

3(3− 4)2 +

1

3(5− 4)2 +

1

6(7− 4)2 =

11

3> V (W1)

Page 60: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

60

Page 61: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

CHAPITRE 5

Les choix de portefeuille

Dans ce chapitre, on considère le problème de l’investisseur qui doit choisir entre,d’une part, placer son capital initial certain ω au taux r certain sur un produit detype livret ou, d’autre part, placer son capital ω sur un placement de rendementaléatoire Y de type actions. Si l’investisseur plaçait tout son capital sur le livret, ilobtiendrait une richesse certaine égale à :

W = ω (1 + r) ,

et s’il le plaçait intégralement en actions, il obtiendrait une richesse aléatoire :

W = ω (1 + Y ) ,

dans le cas général, un investisseur placera une part γ en actions et 1−γ sur le livret.On notera m = γω le montant placé sur le livret et a = (1− γ)ω le montant placéen actions, de sorte que :

ω = m����(1−γ)ω

+ a����γω

.

Dans ce chapitre, on supposera que le montant du capital à placer ω est donné etque l’on recherche juste la part que l’on place en actif risqué (donc en actif non risqué).Plus généralement, on pourrait envisager le cas de S actifs des parts γs, s = 1, ..., S,telles que

�s γs = 1. On commencera par traiter le cas S = 2, avec un actif risqué

et un actif non risqué. La richesse du décideur après placement peut se réécrire :

W = m (1 + r) + a (1 + Y ) avec ω = m+ a

que l’on peut exprimer sous la forme :

W = m+mr + a+ aY

= m+ a+mr + aY

= ω +mr + aY

= ω�1 +

m

ωr +

a

ωY�

61

Page 62: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

62

or :a = γω et m = (1− γ)ω,

d’où

W = ω (1 + (1− γ) r + γY )

= ω (1 + �r)

avec :�r = (1− γ) r + γY

tout se passe donc comme si l’investisseur recevait un rendement moyen égal à lamoyenne pondérée des rendements des actifs non risqué et risqué. Il s’agit du taux derendement du portefeuille. On peut également exprimer le rendement du portefeuillepar rapport au rendement certain :

�r = r − γr + γY

= r + γ (Y − r) ,

cette écriture rappelle que le risque de rendement Y − r ne s’applique qu’à unefraction γ du portefeuille.

Quand il réalise un placement, l’investisseur peut effectuer des achats et des ventesà découvert :

• Achat à découvert : l’investisseur s’endette pour acheter des actions. Il peuts’endetter jusqu’à une capacité de remboursement maximale que nous définironsplus loin.

• Vente à découvert : l’investisseur vend des actions à terme pour augmenterson placement sur le livret. Comme il ne possède pas les actions, il devra lesacheter à l’échéance pour pouvoir les vendre. Ici encore, il faudra qu’il vérifieune condition de solvabilité.

• Les achats et les ventes à découvert impliquent que l’on n’a pas forcément0 ≤ a ≤ ω.

• Dans le modèle de base que nous étudierons nous ferons l’hypothèse simplifi-catrice que le taux d’intérêt débiteur est égal au taux d’intérêt créditeur. Cecine change rien aux résultats de base, d’où ce choix de simplification.

Un décideur peut décider de s’endetter pour placer un capital plus élevé dansun actif risqué. C’est ce que font tous les créateurs d’entreprises : ils s’endettentpour investir dans un actif risqué. Dans leur cas r est ce qu’ils gagnent quand ilsne créent pas d’entreprise et Y ce qu’ils gagnent quand ils le font. Dans ce casparticulier, il est possible que leur capital initial ω soit insuffisant pour monter leurentreprise. Ils vont donc contacter plusieurs banques qui vont évaluer leur projet afinde compléter leur capital initial par un emprunt. S’ils faisaient la même opération

Page 63: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

63

sur un marché financier ou sur des titres non cotés en achetant les actions d’un autreentrepreneur, on parlerait de vente à découvert. On ne doit donc pas interpréter lavente à découvert comme étant systématiquement associée à la spéculation, mêmesi cela existe aussi. Le montant que l’on peut emprunter à découvert est limité parla capacité de remboursement de l’emprunteur. On pose que le montant investi enactions est borné et l’on note ses bornes de la manière suivante :

a ≤ a ≤ a,

de même, on admet que le rendement des actions est borné de la manière suivante :

Y ∈�y, y�.

Nous allons utiliser l’expression de la richesse aléatoire en fonction du montantplacé en actif risqué a :

W (a) = m (1 + r) + a (1 + Y )

= (ω − a) (1 + r) + a (1 + Y )

= ω (1 + r) + a (Y − r) ,

la capacité de remboursement du décideur est définie comme la richesse qui estobtenue sous les conditions les plus défavorables du marché. Ces conditions sontremplies quand le rendement des actions est le plus faible possible Y = y. Lemontant maximal que le décideur peut placer en actif risqué vérifie donc :

ω (1 + r) + a y − r

�≥ 0,

si l’on admet que :y < r < y,

on a l’inégalité :

a ≤ ω

�1 + r

r − y

�,

ce montant maximal est croissant avec la richesse certaine, avec le rendement mini-mum de l’actif risqué et décroissant avec le rendement de l’actif certain (si y > −1).Le décideur peut donc placer au maximum :

a = ω

�1 + r

r − y

�.

On remarque qu’il peut placer plus que sa richesse de départ puisque :

a− ω = ω

�1 + r

r − y− 1

= ω

�1 + y

r − y

�> 0 si y > −1.

Page 64: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

64

cette condition signifie que l’investisseur ne peut pas perdre plus que la part risquéedu capital, ce qui correspond bien au marché des actions. En cas de défaillance del’entreprise, l’investisseur n’est responsable qu’à la hauteur des fonds investis, pas àla hauteur des dettes de l’entreprise. Inversement, l’investisseur peut faire une venteà découvert :

• il vend aujourd’hui, à un prix fixé aujourd’hui, un actif qu’il ne possède pas, àune date ultérieure.

• quand la vente arrive à maturité, l’investisseur achète le titre au comptant et lelivre à l’acheteur. Si le prix courant est inférieur au prix à terme, l’investisseurfait un gain, sinon il fait une perte.

Ce comportement n’a de sens que si l’investisseur anticipe une baisse des cours.Dans cette optique, l’investisseur peut souhaiter placer plus que ω en actif certain.Pour cela, il vend des actions à terme et empoche l’argent aujourd’hui, après quoiil place le montant en actif certain. Arrivé au terme, il achète les actions avec leproduit de son placement certain, et les livre à l’acheteur. La capacité de vente àdécouvert est limitée par la capacité d’achat de l’investisseur. On retient le cas leplus défavorable : quand le cours des actions est le plus élevé possible Y = y. Lacontrainte de solvabilité est donc :

ω (1 + r) + a (y − r) ≥ 0,

on en déduit (avec y ≤ r ≤ y) :

a ≥ −ω

�1 + r

y − r

�,

on prend donc comme borne inférieure :

a = −ω

�1 + r

y − r

�< 0

cette borne inférieure est négative, ce qui correspond à une vente à découvert. Glob-alement, nous devrons définir la richesse comme :

W (a) = ω (1 + r) + a (Y − r)

avec a ≤ a ≤ a, a < 0, a > ω

les bornes garantissent que les achats et les ventes à découverts sont solvables. Cepoint de départ permet d’examiner les cas de dominance stochastique.

Page 65: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

65

5.1 Les cas de dominance stochastique

Pour étudier les cas de dominance stochastique, il faut déterminer la fonction derépartition de la richesse. Soit :

W (a) = ω (1 + r) + a (Y − r) ,

on peut déduire la fonction de répartition de W de celle de Y. Soit FY la fonction derépartition de Y et Fa celle de W. On note la fonction de répartition Fa parce quedeux richesses différentes se caractérisent par deux valeurs différentes de a pour unmême type de placement. On doit distinguer trois cas :

1. a > 0 :

Fa (t) = Pr [W (a) < t]

= Pr [ω (1 + r) + a (Y − r) < t]

= Pr

�Y < r +

t− ω (1 + r)

a

= FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

�.

2. a = 0. Il s’agit du cas où la richesse n’est pas aléatoire :

Fa (t) = Pr [W (a) < t]

= Pr [ω (1 + r) < t]

=

�0 t ≤ ω (1 + r)1 t > ω (1 + r)

3. a < 0 :

Fa (t) = Pr [W (a) < t]

= Pr [ω (1 + r) + a (Y − r) < t]

= 1− FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

�.

������� 5.1 Si le rendement de l’actif risqué n’est pas borné, les fonctions derépartitions des richesses se croisent et il n’existe pas de relation de dominance sto-chastique.

Considérons deux richesses caractérisées par deux montants placés en actif risquéa = α et a = β. On distingue trois cas possibles.

1. 0 < α < β. Dans ce cas, les fonctions de répartitions sont égales à :

Fα (t) = FY

�r +

t− ω (1 + r)

α

�et Fβ (t) = FY

�r +

t− ω (1 + r)

β

�,

Page 66: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

66

on voit que :

Fα (t) < Fβ (t)

⇔ FY

�r +

t− ω (1 + r)

α

�< FY

�r +

t− ω (1 + r)

β

⇔ r +t− ω (1 + r)

α< r +

t− ω (1 + r)

β

⇔ (β − α) t < (β − α)ω (1 + r) ,

et β − α > 0, ce qui implique :

t < ω (1 + r) ,

de la même manière, on montre que :

Fα (t) = Fβ (t)⇔ t = ω (1 + r)

Fα (t) > Ga (t)⇔ t > ω (1 + r) ,

donc les fonctions de répartition se croisent en t = ω (1 + r) . Ici Fβ est d’abordau dessus de Fα, puis l’inverse.

2. α < β < 0, on a :

Fα (t) < Fβ (t)

⇔ 1− FY

�r +

t− ω (1 + r)

α

�< 1− FY

�r +

t− ω (1 + r)

β

⇔ FY

�r +

t− ω (1 + r)

α

�> FY

�r +

t− ω (1 + r)

β

⇔ (β − α) t > (β − α)ω (1 + r) ,

et β − α > 0 donc :t > ω (1 + r) ,

et de la même manière, on montre que :

Fα (t) = Fβ (t)⇔ t = ω (1 + r)

Fα (t) > Ga (t)⇔ t < ω (1 + r) ,

de sorte que les courbes se croisent en t = ω (1 + r) . Ici Fα est d’abord audessus de Fβ, puis l’inverse.

3. α < 0 < β. Ici la comparaison directe des fonctions de répartition est moinspratique puisque l’on a inégalité :

Fα (t) < Fβ (t)

⇔ 1− FY

�r +

t− ω (1 + r)

α

�< FY

�r +

t− ω (1 + r)

β

�,

Page 67: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

67

nous allons donc utiliser un cas intermédiaire α → β qui implique que α =β = 0 :

F0 (t) =

�0 si t < ω (1 + r)1 si t ≥ ω (1 + r)

on voit que par définition :

F0 (t) < min (Fα (t) , Fβ (t)) si t < ω (1 + r)

F0 (t) > max (Fα (t) , Fβ (t)) si t > ω (1 + r)

Si α → 0, la courbe F0 (t) coupe la courbe Fα (t) car F0 (t) < Fα (t) si t <ω (1 + r) et F0 (t) > Fα (t) si t > ω (1 + r) . De même si β → 0, F0 (t) coupela courbe Fβ (t) . Donc α < 0 ne domine pas β = 0 et β > 0 ne domine pasα = 0. De plus, on voit qu’au voisinage de t = ω (1 + r), Fα (t) = 1−FY (r) etFβ (t) = FY (r) , et qu’il n’y a pas d’ordre entre ces deux quantités dans le casgénéral.

������� 5.2 Si le rendement de l’actif risqué est borné, Y ∈�y, y�, il existe deux

cas de dominance stochastique :

1. Si y< y < r, la richesse obtenue avec a = a domine stochastiquement toutesles autres à l’ordre 1. Un agent riscophile peut donc décider de ne rien investiren bourse, et de vendre des actions à découvert pour augmenter son placementsur livret.

2. Si r < y < y, la richesse obtenue avec a = a domine stochastiquement toutesles autres à l’ordre 1. Un agent riscophobe peut donc décider de tout investiren bourse, et d’acheter des actions à découvert pour augmenter son placementen bourse.

Preuve 1. Pour démontrer la première propriété, il suffit de comparer directementles richesses W (a) avec a > a quelconque et W (a) , on a :

W (a)−W (a) = ω (1 + r) + a (Y − r)− (ω (1 + r) + a (Y − r))

= (a− a) (Y − r) > 0

car a > a et Y ≤ y < r. Or :

W (a) > W (a)⇒ Pr [W (a) ≥ t] > Pr [W (a) ≥ t] , ∀t

On aurait également pu utiliser :

W (a) > W (a)

⇔ u (W (a)) > u (W (a))

⇒ E (u (W (a))) > E (u (W (a))) .

Page 68: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

68

Preuve 2. On utilise la même méthode :

W (a)−W (a) = (a− a) (Y − r) ,

et comme on a < a et Y ≥ y > r :

W (a)−W (a) > 0,

dont on déduit que Pr [W (a) ≥ t] > Pr [W (a) ≥ t] , ∀t, et que E (u (W (a))) >

E (u (W (a))) .

La propriété précédente a plusieurs implications :

• Si y < r, personne n’investi dans le placement risqué, car le gain maximalpossible doit être au moins égal à celui du placement sans risque;

• Si y > r, personne n’investi dans l’actif certain, car il faut qu’il rapporte aumoins le rendement minimum de l’actif risqué;

Ainsi, l’existence simultanée d’un marché de l’actif risqué et de l’actif non risquéimplique que le rendement de l’actif certain doit être compris entre les bornes desrendements de l’actif risqué :

y < r < y

������� 5.3 Si le rendement de l’actif certain est égal à l’espérance de rendementde l’actif incertain, E (Y ) = r, la richesse certaine domine la richesse risquée sto-chastiquement à l’ordre 2. Tous les agents riscophobes préférent donc ne pas investirdans l’actif risqué.

Preuve. La fonction de survie de la richesse, pour a = 0, est donnée par :

S0 (t) =

�1 si t ≤ ω (1 + r)0 si t > ω (1 + r)

et pour a > 0 :

Sa (t) = 1− FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

�.

Deux cas se présentent. Soit s ≤ ω (1 + r), alors S0 (t) = 1, ce qui implique :

� s

a

(S0 (t)− Sa (t)) dt =

� s

a

FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

�dt > 0,

soit s > ω (1 + r) ce qui implique :

Page 69: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

69

� s

a

(S0 (t)− Sa (t))dt =

� ω(1+r)

a

(S0 (t)− Sa (t)) dt+

� s

ω(1+r)

(S0 (t)− Sa (t))dt(5.1)

=

� ω(1+r)

a

FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

�dt

−� s

ω(1+r)

�1− FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

��dt (5.2)

=

� s

a

FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

�dt− (s− ω (1 + r))

et d’autre part :

E (W (a)) = ω (1 + r) car E (Y ) = r

et

E (W (a)) =

� 0

a

(Sa (t)− 1)dt+

� a

0

Sa (t) dt

= −� 0

a

FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

�dt

+

� a

0

�1− FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

��dt

= −� a

a

FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

�dt+

� a

0

dt

= a−� a

a

FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

�dt,

ce qui implique :

ω (1 + r) = a−� a

a

FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

�dt,

en reportant dans l’égalité (5.1) , on obtient :� s

a

(S0 (t)− Sa (t))dt =

� s

a

FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

�dt

−�s− a+

� a

a

FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

�dt

= −� a

s

FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

�dt+ a− s

= −� a

s

FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

�dt+

� a

s

dt

=

� a

s

�1− FY

�r +

t− ω (1 + r)

a

��dt > 0.

Page 70: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

70

donc :

W (0) ≻S2

W (a) si E (Y ) = r,

et cette propriété implique que tous les agents riscophobes préfèrent W (0) à W (a) .

Ce résultat est également valable si E (Y ) < r, ce que l’on démontre à partir de lapreuve précédente avec la contrainte E (W (a)) < ω (1 + r) et le même raisonnement.Dans le cas où E (Y ) > r, il n’y a pas de dominance à l’ordre 2.

Dans les sections suivantes, nous allons voir que les comportements de diversifica-tion ne peuvent être que le fait des agents riscophobes. Nous allons d’abord montrerque les agents neutres et riscophile ne diversifient pas leurs portefeuilles de manièresystématique.

5.2 Choix d’un décideur neutre

Dans cette section, nous allons voir que les agents neutres face au risque ne diversi-fient pas leur portefeuille. Leurs préférences peuvent être représentés par l’espérancemathématique de la richesse, à une transformation affine croissante près. Nous avonsdonc :

U (a) = E (W (a)) = ω (1 + r) + a (E (Y )− r) ,

et le décideur doit résoudre le programme :

a∗ = arg maxa≤a≤a

U (a) ,

comme la fonction objectif est affine, la solution dépend du signe de la pente, égaleà E (Y )− r. Nous avons donc trois cas possibles :

1. E (Y )− r < 0, la fonction d’utilité est décroissante en a, donc

a∗ = a = −ω (1 + r)

y − r< 0,

l’agent neutre effectue une vente à découvert quand le rendement moyen desactions est inférieur à celui du livret;

2. E (Y ) − r = 0, la fonction d’utilité ne dépend plus de a, donc la solution estun intervalle :

a∗ ∈ [a, a] =

�−ω (1 + r)

y − r,ω (1 + r)

r − y

�,

on ne peut pas déterminer précisément le choix de portefeuille de l’agent;

Page 71: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

71

3. E (Y )− r > 0, la fonction d’utilté est croissante en a, donc :

a∗ = a =ω (1 + r)

r − y> ω,

l’agent neutre effectue un achat à découvert quand le rendement moyen desactions est supérieur à celui du livret.

Globalement, un agent neutre aurait un comportement de "tout ou rien", qui necorrespond pas au comportement majoritaire observé dans la pratique. On observeque :

• les ménages diversifient leurs placements;

• les changements ne sont pas aussi brutaux quand les taux de rendement semodifient.

On peut donc éliminer le critère d’espérance mathématique pour rendre comptede la réalité.

5.3 Choix d’un décideur riscophile

Nous allons voir que les décideurs riscophiles ne sont pas non plus représentatifs dela réalité. Nous supposerons dans cette section que le décideur admet une fonctiond’utilité convexe. Ses préférences sont représentées par :

U (a) = E (u (ω (1 + r) + a (Y − r))) ,

avec u′ (t) > 0 et u′′ (t) > 0. Par la suite, nous supposerons que l’on peut dériversous l’intégrale. Ici, la variable d’intégration sera le rendement du placement et lesbornes du rendement sont constante Y ∈

�y, y�. On aura donc des intégrales du type

suivant :

E (u (W )) =

� y

y

u (ω (1 + r) + a (y − r)) fY (y) dy,

et l’on supposera que l’on peut dériver par rapport à a. Dans la mesure ou an’intervient ni comme variable d’intégration, ni dans les bornes de l’intégrale, nouspourrons prendre l’intégrale de la dérivée par rapport à a. Calculons les dérivées del’espérance d’utilité :

dU

da(a) = E [(Y − r) u′ (ω (1 + r) + a (Y − r))] ,

etd2U

da2(a) = E

�(Y − r)2 u′′ (ω (1 + r) + a (Y − r))

�> 0

Page 72: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

72

car :

(Y − r)2 > 0 ∀y ∈�y, y�, y �= r

u′′ (w) > 0 ∀w, par hypothèse,

la condition du premier ordre donnerait donc ici un minimum. Il ne faut donc pasl’utiliser pour trouver a∗. Comme l’espérance d’utilité est convexe en a, nous auronstoujours une solution en coin située soit en a soit en a, ou une solution sous formed’intervalle. On distingue les trois cas suivants :

1. a∗ = a quand :

U (a) > U (a)

⇔ E (u (ω (1 + r) + a (Y − r))) > E (u (ω (1 + r) + a (Y − r))) ,

dans ce cas le riscophile vend à découvert;

2. a∗ ∈ [a, a] quand :

U (a) = U (a)

⇔ E (u (ω (1 + r) + a (Y − r))) = E (u (ω (1 + r) + a (Y − r))) ,

la solution est indéterminée;

3. a∗ = a quand :

U (a) < U (a)

⇔ E (u (ω (1 + r) + a (Y − r))) < E (u (ω (1 + r) + a (Y − r))) ,

le riscophile achète à découvert;

Globalement, on retrouve le même type de comportement qu’avec un agent neutreface au risque.

Exemple 5.1 (Fonction de Markowitz) On peut étudier ce cas plus en détails avecune fonction d’utilité de Markowitz :

U (a) = E (W (a))− kV (W (a)) , k < 0,

on a :

E (W (a)) = ω (1 + r) + a (E (Y )− r)

et

V (W (a)) = a2V (Y ) ,

d’où :U (a) = ω (1 + r) + a (E (Y )− r)− ka2V (Y ) .

Page 73: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

73

On vérifie que :U ′ (a) = E (Y )− r − 2kaV (Y )

etU ′′ (a) = −2kV (Y ) > 0.

On a donc :

U (a) = ω (1 + r) + a (E (Y )− r)− ka2V (Y ) ,

U (a) = ω (1 + r) + a (E (Y )− r)− ka2V (Y ) ,

ce qui implique :

U (a)− U (a) = (a− a) (E (Y )− r − k (a+ a) V (Y )) .

On aura donc a∗ = a quand :

E (Y )− r − (a+ a) kV (Y ) < 0

E (Y ) < r + k (a+ a) V (Y )� �� �<0

,

quand le rendement risqué est inférieur au rendement sans risque, l’agent riscophilevend des actions à découvert. Il le fera d’autant plus que son goût pour le risque kest fort. On retrouve le cas d’indétermination quand :

E (Y ) = r + k (a+ a) V (Y ) ,

et le cas d’achats à découvert quand le rendement de l’actif risqué est élevé :

E (Y ) > r + k (a+ a) V (Y ) ,

ici encore l’engagement interviendra pour des taux d’autant plus faibles que le goûtpour le risque est fort.Notons également que l’on retrouve le cas du décideur neutre face au risque pourk = 0, de sorte qu’entre la neutralité et la riscophilie, le comportement de base de type"tout ou rien" est similaire, seul le seuil de déclenchement change (r+k (a+ a) V (Y )au lieu de r).

5.4 Choix d’un décideur riscophobe

La fonction d’utilité est maintenant concave par rapport au montant d’actif risquéa. On peut donc utiliser la condition du premier ordre. Plus précisément :

d2U

da2(a) = E

�(Y − r)2 u′′ (ω (1 + r) + a (Y − r))

�< 0,

car u′′ (w) < 0. On définit donc un montant �a solution de la condition du premierordre :

U ′ (�a) = 0⇔ E [(Y − r) u′ (ω (1 + r) + �a (Y − r))] = 0

Page 74: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

74

et la solution est donnée par :

a∗ =

a si �a < a�a si a ≤ �a ≤ aa si �a > a

on observe un comportement de diversification des actifs puisque a∗ peut prendre, demanière déterminée, toutes les valeurs entre a et a. Dans le cas général, il est possiblede se prononcer sur le signe de a∗. En effet, au point a = 0, l’utilité marginale del’investissement risqué est égale à :

U ′ (0) = E ((Y − r)u′ (ω (1 + r)))

= (E (Y )− r)u′ (ω (1 + r))

et l’on voit que :

U ′ (0)>=<

0 si E (Y )>=<

r

comme la fonction est concave, cette information suffit à déterminer le signe de a∗

en fonction du signe de E (Y ) − r. Une fonction concave est croissante avant sonmaximum a∗ et décroissante après. Si U ′ (0) > 0, le maximum est donc situé à unevaleur strictement positive de a∗, si U ′ (0) < 0, le maximum est situé à une valeurstrictement négative de a∗, et si U ′ (0) = 0, on a forcément a∗ = 0 car a < 0 et a > 0.On en déduit que, pour toute fonction d’utilité concave :

a∗>=<

0 si E (Y )>=<

r

On retrouve donc deux propriétés intéressantes :

1. Le cas de dominance stochastique d’ordre 2 : si E(Y ) = r, tous les riscophobes(u′′ < 0) choisissent de ne pas investir dans l’actif risqué a∗ = 0;

2. Si E (Y ) < r, les décideurs riscophobes vendent des actions à découvert pouraugmenter leur placement dans l’actif certain. Ils acceptent donc de prendre lerisque associé à cette opération.

Exemple 5.2 (fonction de Markowitz) La fonction d’utilité est donnée par :

U (a) = E (W (a))− kV (Y ) , k > 0

= ω (1 + r) + a (E (Y )− r)− ka2V (Y )

les dérivées sont égales à :

U ′ (a) = E (Y )− r − 2kaV (Y )

U ′′ (a) = −2kV (Y ) < 0,

Page 75: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

75

la condition du premier ordre fournit :

U ′ (�a) = 0

⇔ E (Y )− r − 2k�aV (Y ) = 0

⇔ �a =E (Y )− r

2kV (Y )

on peut également écrire cette relation d’une autre manière en se souvenant quece type de fonction d’utilité peut être obtenue par une fonction CARA u (x) =− exp (−αx) avec une richesse distribuée selon une loi normale. Dans ce cas k = α/2et l’on obtient :

�a =E (Y )− r

αV (Y )(5.3)

où α est l’indice d’aversion absolue pour le risque d’Arrow-Pratt. Il nous reste àdéterminer les deux solutions en coin. Pour la première a∗ = a, la condition est :

�a < a

⇔ E (Y )− r

αV (Y )< a

⇔ E (Y ) < r + aαV (Y ) ,

et en remplaçant a par sa valeur −ω (1 + r) / (y − r) :

E (Y ) < r − αω (1 + r) V (Y )

y − r,

si le rendement de l’actif risqué est faible par rapport au rendement de l’actif certain,le décideur riscophobe vend des actions à découvert. Pour la deuxième solution encoin a∗ = a, la condition est :

�a > a

⇔ E (Y )− r

αV (Y )> a

⇔ E (Y ) > r + aαV (Y ) ,

et en remplaçant a par sa valeur ω (1 + r) / r − y

�:

E (Y ) > r +αω (1 + r) V (Y )

r − y,

si le rendement de l’actif risqué est élevé par rapport à celui de l’actif certain, ledécideur riscophobe achète des actions à découvert. La solution intérieure s’interprétedirectement. Si :

r − αω (1 + r)V (Y )

y − r≤ E (Y ) ≤ r +

αω (1 + r) V (Y )

r − y,

Page 76: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

76

a∗ =E (Y )− r

αV (Y ),

le décideur riscophobe n’investit dans l’actif risqué que si son rendement moyen estsupérieur à celui de l’actif certain. Son investissement est décroissant avec son aver-sion face au risque α et avec la variance du rendement de l’actif incertain V (Y ) .

Revenons maintenant au cas général d’un décideur riscophobe, et examinonscomment il est possible de caractériser la solution d’un choix de portefeuille. Pourcela, partons de la définition de la prime de risque :

u (E (W (a))− π (a)) = E (u (W (a))) ,

doncmaxa

u (E (W (a))− π (a))⇔ maxa

E (u (W (a))) ,

et comme u est strictement croissante, ceci est équivalent à :

maxa

E (W (a))− π (a) ,

l’utilité est maximale quand l’écart entre l’espérance d’utilité de la richesse et laprime de risque est maximale :

• à espérance donnée, le riscophobe préfère le placement dont la prime de risqueest la plus faible

• une variation de a augmente l’utilité si elle augmente plus fortement l’espérancede la richesse que la valeur de la prime de risque.

Cette nouvelle expression de la maximisation de l’espérance d’utilité permetégalement de réécrire la condition du premier ordre. La dérivée est donnée par :

U ′ (a) =d

da(E (W (a))− π (a))

=d

da(E (W (a)))− π′ (a) ,

de sorte qu’à l’optimum :

a ≤ a∗ ≤ a⇔ d

da(E (W (a∗))) = π′ (a∗) ,

le terme de gauche représente le gain marginal d’un Euro de risque supplémentaire,et le terme de droite le coût marginal du risque. Cette condition peut s’interprétercomme une relation d’arbitrage. Supposons que d

da(E (W (a))) < π′ (a) : ce que rap-

porte un Euro de risque supplémentaire est inférieur à la prime de risque, on a doncintérêt à réduire le montant placé en actif risqué; inversement si d

da(E (W (a))) >

π′ (a) , un Euro de risque supplémentaire rapporte plus que la prime de risque, on adonc intérêt à augmenter le montant placé en actif risqué.

Page 77: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

77

Exemple 5.3 (utilité de Markowitz) Reprenons l’exemple d’une utilité à la Markowitzet calculons la prime de risque associée. On dispose d’une fonction d’utilité :

u (x) = − 1

αexp (−αx) ,

donc la prime de risque π (a) est définie par :

u (E (W (a))− π (a)) = E (u (W (a)))

soit encore :

u (ω (1 + r) + a (E (Y )− r)− π (a)) = E (u (ω (1 + r) + a (E (Y )− r)))

en remplaçant :

− 1

αexp (−α (ω (1 + r) + a (E (Y )− r)− π (a))) = E

�− 1

αexp (−α (ω (1 + r) + a (Y − r)))

�,

on peut simplifier le terme en −1/α et sortir le terme certain exp (−α (ω (1 + r)))de l’espérance, de sorte qu’il reste :

exp (−α (a (E (Y )− r)− π (a))) = E [exp (−αa (Y − r))] ,

on peut procéder de même pour le terme en exp (αar) , ce qui donne :

exp (−α (aE (Y )− π (a))) = E [exp (−αaY )] (5.4)

⇔ exp (−αaE (Y )) exp (απ (a)) = E [exp (−αaY )] ,

arrivés à ce stade on utilise le fait que Y suit une loi normale de moyenne m et devariance σ2, de sorte que :

E (Y ) = mY , V (Y ) = σ2Y

E (exp (Y )) = exp

�mY +

σ2Y2

�,

ce qui implique que −αaY suit une loi normale de moments :

E (−αaY ) = −αamY , V (−αaY ) = α2a2σ2Y ,

donc que exp (−αaY ) suit une loi normale d’espérance :

E (exp (−αaY )) = exp

�−αamY +

1

2α2a2σ2Y

�,

en reportant dans la relation (5.4) on obtient :

exp (−αamY ) exp (απ (a)) = exp

�−αamY +

1

2α2a2σ2Y

�,

Page 78: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

78

en simplifiant le terme en exp (−αamY ) , l’égalité devient :

exp (απ (a)) = exp

�1

2α2a2σ2Y

�,

d’oùπ (a) =

α

2a2σ2Y ,

la prime de risque est croissante avec l’aversion relative pour le risque α, la variancedu rendement du placement risqué et le montant investi dans le placement risqué.D’autre part, le rendement marginal du risque est égal à :

E (W (a)) = ω (1 + r) + a (mY − r)

⇒ d

daE(W (a)) = mY − r

et la prime de risque marginale à :

π′ (a) = αaσ2Y , (5.5)

d’où le montant investi quand la solution intérieure s’applique :

mY − r = αa∗σ2Y ⇔ a∗ =mY − r

ασ2Y,

ce qui correspond bien à l’expression (5.3) . La prime marginale de risque à l’optimumest simplement égale à:

π′ (a∗) = mY − r.

Revenons au cas général, la condition du premier ordre s’écrit, en tenant comptedu fait que W ∗ = W (a∗) est aléatoire :

d

daE (u (W (a∗))) = 0

⇔ E ((Y − r)u′ (W ∗)) = 0

⇔ E (u′ (W ∗)Y )− rE (u′ (W ∗)) = 0

et :

E (u′ (W ∗)Y ) = Cov (u′ (W ∗) , Y ) + E (u′ (W ∗)) E (Y ) ,

donc :

Cov (u′ (W ∗) , Y ) + E (u′ (W ∗)) E (Y )− rE (u′ (W ∗)) = 0

Cov (u′ (W ∗) , Y ) + E (u′ (W ∗)) (E (Y )− r) = 0

ce qui est équivalent à :

E (Y )− r = −Cov (u′ (W ∗) , Y )

E (u′ (W ∗)),

Page 79: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

79

et comme le terme de gauche est égal à :

d

daE (W (a)) ,

on obtient :

π′ (a∗) = −Cov (u′ (W ∗) , Y )

E (u′ (W ∗)).

Le membre de droite est le coût marginal du risque, pris à l’optimum :

cm (a∗) = −Cov (u′ (W (a∗)) , Y )

E (u′ (W (a∗)))

Exemple 5.4 (fonction de Markowitz) L’utilité s’écrit :

u (x) = − 1

αexp (−αx)⇒ u′ (x) = exp (−αx) ,

on cherche donc :

E (u′ (W ∗)) = E (exp (−αW ∗))

avec :

W ∗ = ω (1 + r) + a∗ (Y − r)

⇒ −αW ∗ = −αω (1 + r)− (mY − r) (Y − r)

σ2Y

il s’agit d’une variable aléatoire normale de moments :

E (−αW ∗) = −αω (1 + r)− (mY − r)2

σ2Y, V (−αW ∗) =

(mY − r)2

σ2Y

donc, sous hypothèse de normalité de W ∗ :

E (exp (−αW ∗)) = exp

�E (−αW ∗) +

1

2V (−αW ∗)

= exp

�−αω (1 + r)− (mY − r)2

2σ2Y

�.

D’autre part :

Cov (u′ (W ∗) , Y ) = Cov (exp (−αW ∗) , Y )

= E (exp (−αW ∗)Y )− E (exp (−αW ∗)) E (Y )

= E (exp (−αW ∗)Y )− exp

�−αω (1 + r)− (mY − r)2

2σ2Y

�×mY

et

E (exp (−αW ∗)Y ) =

�exp

�−αω (1 + r)− (mY − r) (y − r)

σ2Y

�yf (y) dy

Page 80: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

80

avec Y � N(mY , σ2Y ) :

f (y) =1

σY√2π

exp

−(y −mY )

2

2σ2Y

!.

le terme dans l’exponentielle peut donc s’écrire :

A = −αω (1 + r)− (mY − r) (y − r)

σ2Y− (y −mY )

2

2σ2Y

= −αω (1 + r)− 1

2σ2Y

2mY y − 2mY r − 2ry + 2r2 +

y2 − 2ymY +m2

Y

��

= −αω (1 + r)− 1

2σ2Y

m2Y − 2mY r + r2 + y2 − 2ry + r2

= −αω (1 + r)− 1

2σ2Y

(mY − r)2 + (y − r)2

donc :

E (exp (−αW ∗)Y ) = exp

�−αω (1 + r)− (mY − r)2

2σ2Y

��1

σY√2π

y exp

�− 1

2σ2Y(y − r)2

�dy

Oon effectue le changement de variable suivant dans l’intégrale :

z = y − r,

de sorte que :

y = z + r et dy = dz

et les bornes de l’intégrale sont inchangées. On obtient

�1

σY√2π

y exp

�− 1

2σ2Y(y − r)2

�dy =

�(z + r)

1

σY√2π

exp

�− z2

2σ2Y

�dz

=

�(z + r) fZ (z) dz

=

�zfZ (z) dz + r

�fZ (z) dz

or fZ (z) est la densité d’une loi normale N (0, σ2Y ) donc :

�zfZ (z) dz = 0 et

�fZ (z) dz = 1

d’où :

E (exp (−αW ∗)Y ) = r exp

�−αω (1 + r)− (mY − r)2

2σ2Y

Page 81: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

81

et la covariance :

Cov (u′ (W (a∗)) , Y ) = r exp

−αω (1 + r)− (mY − r)2

2σ2Y

!−mY exp

−αω (1 + r)− (mY − r)2

2σ2Y

!

= (r −mY ) exp

−αω (1 + r)− (mY − r)2

2σ2Y

!< 0 car mY > r

Cette covariance est négative car une hausse du rendement de l’actif risqué augmentela richesse dont l’utilité marginale est décroissante. On vérifie que l’on a également :

cm (a∗) = −Cov (u′ (W (a∗)) , Y )

E (u′ (W (a∗)))= − (r −mY )

exp�−αω (1 + r)− (mY −r)

2

2σ2Y

exp�−αω (1 + r)− (mY −r)

2

2σ2Y

� = mY−r.

A l’optimum le coût marginal du risque est égal à la prime de risque :

π′ (a∗) = cm (a∗) ,

ces deux fonctions sont aussi égales en a = 0. A l’optimum, tous les décideurs ont lamême prime marginale de risque, ce sont les montants investis a∗ qui sont différents.Comme on a :

E (Y )− r = π′ (a∗) ,

on peut écrire :

E (Y ) = r + π′ (a∗) ,

le rendement de l’actif risqué se décompose entre le rendement de l’actif certain etune prime marginale de risque.

Il nous reste à examiner comment a∗ varie avec la richesse certaine ω, dans le casgénéral. La condition du premier ordre s’écrit :

E (u′ (ω (1 + r) + a∗ (Y − r)) (Y − r)) = 0,

ce que l’on peut écrire :H (a∗, ω, r, FY ) = 0, (5.6)

où FY est la fonction de répartition de Y. A partir de cette fonction de répartition,on peut calculer :

E (Y ) =

� y

y

ydFY (y) =

� y

y

y fY (y) dy

E (W ∗ (Y )) =

� y

y

W ∗ (y) dFY (y) =

� y

y

W ∗ (y) fY (y) dy,

et nous recherchons l’effet toutes choses égales par ailleurs de ω. On suppose doncque r et FY sont constants. En effectuant le développement limité de la relation(5.6), on obtient :

dH =∂H

∂a∗da∗ +

∂H

∂ωdω,

Page 82: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

82

or, à l’optimum H = 0⇒ dH = 0, donc :

da∗

dω= −

∂H

∂ω∂H

∂a∗

avec :

H (a∗, ω, r, FY ) =∂

∂a∗E (u (W (a∗)))

donc :

∂H

∂a∗=

∂a∗E [u′ (ω (1 + r) + a∗ (Y − r)) (Y − r)]

= E�u′′ (W ∗) (Y − r)2

�,

et pour un riscophobe u′′ (W ∗) < 0 donc :

∂H

∂a∗< 0,

ainsi da∗/dω est de même signe que ∂H/∂ω. Examinons cette dérivée :

∂H

∂ω=

∂ωE [u′ (ω (1 + r) + a∗ (Y − r)) (Y − r)] (5.7)

= (1 + r) E [u′′ (W ∗) (Y − r)] ,

pour un agent riscophobe u′′ < 0 mais Y − r peut prendre n’importe quel signe. Ilva nous falloir examiner trois cas :

1. Aversion absolue pour le risque constante avec la richesse. Correspond auxutilités CARA. Par hypothèse :

Aa (x) = −u′′ (x)

u′ (x)= α,

ce que l’on réécrit :u′′ (W ) = −αu′ (W ) ,

en reportant dans (5.7) :

∂H

∂ω= (1 + r) E [−αu′ (W ∗) (Y − r)]

= −α (1 + r) E [u′ (W ∗) (Y − r)]

et en a∗ :

E [u′ (W ∗) (Y − r)] = 0,

on en déduit que :∂H

∂ω= 0⇔ da∗

dω= 0,

le montant investi dans l’actif risqué est indépendant de la richesse. Si l’onveut étudier les effets de la richesse ω sur les choix de portefeuille a∗, il ne fautdonc pas utiliser de fonction CARA.

Page 83: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

83

2. Aversion absolue pour le risque décroissante avec la richesse. Ce cas correspondnotamment aux utilités CRRA. Par hypothèse :

Aa (x) = −u′′ (x)

u′ (x)> 0 est décroissante avec x,

par exemple pour une utilité CRRA de type u (x) = xα/α, on aura :

Aa (x) =1− α

x,

c’est un des cas particulier possibles de l’hypothèse de départ. En utilisant :

u′′ (x) = −Aa (x)u′ (x) ,

on obtient :

∂H

∂ω= (1 + r) E [−Aa (W

∗) u′ (W ∗) (Y − r)] (5.8)

= (1 + r) E [Aa (W∗) u′ (W ∗) (r − Y )]

avecAa (W

∗) > 0 et u′ (W ∗) > 0

le terme situé à l’intérieur de l’espérance sera donc positif si Y < r, nul siY = r et négatif si Y > r. D’autre part :

E [u′ (W ∗) (Y − r)] = 0,

par rapport à ce cas, la condition (5.8) modifie la pondération de l’espérancepar rapport à FY . Elle donne une pondération élevée quand W ∗ est faible etune pondération faible quand W ∗ est élevée. Or W ∗ prend une valeur faiblequand a∗ > 0 et Y − r < 0. Dans ce cas, Aa (W

∗)u′ (W ∗) (r − Y ) est positif.On en déduit que :

a∗ > 0⇒ da∗

dω> 0,

De plus, W ∗ prend une valeur faible dans le cas symétrique où a∗ < 0 etY − r > 0. Dans ce cas, Aa (W

∗)u′ (W ∗) (r − Y ) est négatif. On en déduit que:

a∗ < 0⇒ da∗

dω< 0,

ce que l’on peut résumer par :

d |a∗|dω

> 0,

la valeur absolue du placement en actif risqué est croissante avec la richesseinitiale.

Page 84: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

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3. Aversion absolue pour le risque croissante avec la richesse. Ce cas correspondnotamment aux utilités quadratiques. Par hypothèse :

Aa (x) = −u′′ (x)

u′ (x)> 0 est croissante avec x,

par exemple pour une utilité quadratique

u (x) =

�x− β

2x2 si x ≤ 1/β

1/ (2β) si x > 1/β

on aura :

Aa (x) =βx

1− βx

qui est croissante en x. Ce cas est le symétrique du précédent, on aura donc :

d |a∗|dω

< 0,

la valeur absolue du placement en actif risqué est décroissante avec la richesseinitiale.

Page 85: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

CHAPITRE 6

La demande d’assurance

Dans ce chapitre nous allons voir comment modéliser un problème d’assurance etdéterminer le niveau de couverture optimal, du point de vue de l’assuré. Un con-trat d’assurance vise à transférer un risque d’un particulier ou d’une entreprise versune compagnie d’assurance. Il s’agit d’une protection, souvent partielle, contre lesconséquences d’un sinistre.

• A proprement parler, on ne se protège pas contre le sinistre lui-même puisqu’ilpeut toujours arriver. On se protège uniquement contre les conséquences fi-nancière du sinistre. S’il survient, on reçoit l’indemnité prévue par le contratd’assurance;

• En échange de ce transfert (financier) du risque, doit verser une prime d’assurance,que le sinistre ait lieu ou non.

Considérons un agent donc la richesse initiale est ω = ω1 + ω2 où ω1 est la partde la richesse qui ne subit aucun risque et ω2 la part de la richesse qui est risquée.On dit que ω2 peut faire l’objet d’un sinistre. On suppose que ce sinistre peut sereprésenter par un taux de perte Z ∈ [−1, 0] . Si z = −1 se réalise, on perd la totalitéde ω2, si z = 0 se réalise, le sinistre n’a pas lieu. La richesse finale s’écrit :

W = ω1 + ω2 (1 + Z) .

Dans ce chapitre nous prendrons les notations suivantes, plus spécifiques à l’assurance.La part de la richesse qui fait l’objet d’un risque sera notée ℓ donc ω2 = ℓ. La par-tie non risquée de la richesse est notée w donc ω1 = w. Par rapport aux notationsantérieures on a donc ω = w + ℓ. Le taux de sinistre (ou taux de "sinistralité") estle pourcentage de pertes noté positivement, noté X, avec X = −Z, X ∈ [0, 1] . Sadensité de probabilité est notée f (x) . On remarque donc ici que le taux est la vari-able aléatoire. En cas de sinistre, le décideur perd donc ℓX. On en déduit la richessetotale après réalisation de l’aléa :

W = w + ℓ− ℓX = w + ℓ (1−X)

85

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Le contrat d’assurance ou police d’assurance, prend la forme d’un contrat quispécifie toutes les conditions associées à l’assurance et, particulièrement, l’indemnitéque l’assureur doit versé à l’assuré en cas de sinistre, et le prime que l’assuré doitverser à l’assureur.

L’indemnité que verse l’assureur, notée I, est souvent fonction du montant dusinistre. C’est donc une variable aléatoire que l’on peut écrire :

I = g (ℓX) ≥ 0.

Cette fonction vérifie deux propriétés :

• Le principe indemnitaire :

I = g (ℓX) ≤ ℓX et g (0) = 0,

il n’y a pas d’indemnité en absence de sinistre et l’indemnité ne peut pasdépasser le montant du sinistre;

• L’indemnité est croissante au sens large avec le dommage subit. S’il y a unplafond la dérivée est nulle, sinon elle est croissante : g′ (z) ≥ 0, ∀z.

La prime que verse l’assuré est notée b > 0. Cette prime est perçue par la com-pagnie d’assurance et constitue donc la recette de l’assureur. Cette prime se basenotamment sur les montants que l’assureur doit rembourser en moyenne aux as-surés, E (I) . On dit que E (I) est la prime pure. Toutefois, la prime pure ne suffitpas pour que la compagnie d’assurance dégage un bénéfice. Deux autre élémentsdoivent être pris en compte : les coûts de gestion et le risque de défaut.

Pour faire face à ses frais de gestion, la compagnie d’assurance va appliquer untaux λg de sorte que la prime à payer prendra la forme (1 + λg) E (I) . Mais cecine suffit pas car le montant des indemnités I est une variable aléatoire et que saréalisation peut être éloignée de E (I) . La compagnie doit également faire face à laprobabilité de ne pas pouvoir payer l’indemnité. Elle va donc appliquer un autretaux, λs, appelé le chargement de sécurité. Supposons que la compagnie fixe uneprime égale à :

b = (1 + λs) E (I) ,

la probabilité qu’elle ne puisse pas rembourser est donnée par :

Pr [I > b] = Pr [I > (1 + λs) E (I)]

= 1− FI [(1 + λs) E (I)] ,

où FI est la fonction de répartition de l’indemnité (une variable aléatoire fonction dusinistre X). Soit γ la probabilité de défaut (très faible) acceptée par la compagnied’assurance :

γ = 1− FI [(1 + λs) E (I)]

⇔ 1− γ = FI [(1 + λs) E (I)]

⇔ λs =F−1I (1− γ)

E (I)− 1,

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en fixant ce taux de chargement, la compagnie peut contrôler le risque de défaut.Globalement, la prime doit tenir compte à la fois des frais de gestion et de la sécurité,elle appliquera donc un taux global λ quit tient compte des deux élements précédents:

λ = λg + λs

et la prime sera égale à :

b = (1 + λ) E (I) = (1 + λ) E (g (ℓX)) ,

la richesse d’un décideur assuré prendra donc la forme suivante :

W = w + ℓ (1−X) + I − b

= w + ℓ (1−X) + g (ℓX)− (1 + λ) E (g (ℓX)) .

Etudier la demande d’assurance revient à rechercher la fonction g∗ qui donne lademande d’assurance du consommateur. Le critère de choix est l’espérance d’utilité.On distingue deux types de contrats : les contrats de co-assurance et les assurancesavec franchise.

Dans un contrat de co-assurance, l’assuré et l’assureur font tous les deux despertes en cas de sinistre. Ceci est équivalent à dire que l’assureur ne remboursequ’une fraction du sinistre. On représentera ce cas par la forme :

I = g (ℓX) = a.ℓX, 0 ≤ a ≤ 1,

une fonction linéaire du sinistre. Le paramètre a est appelé le taux de couverture.Rechercher une demande d’assurance dans ce cas revient à rechercher le taux decouverture que choisira l’assuré. On ne s’assure pas quand le taux de couvertureoptimal est a∗ = 0 et on choisit une assurance complète quand a∗ = 1.

Une franchise est définie comme le montant qui reste à la charge de l’assuré encas de sinistre. On a donc, en notant d la franchise :

I =

�0 si ℓX ≤ dℓX − d si ℓX > d

ce que l’on note de manière compacte :

I = max (0, ℓX − d) ,

si la franchise est nulle d = 0 et I = ℓX, on obtient une assurance complète. On doitégalement avoir d ∈ [0, ℓ] . En effet, en d = ℓ, l’indemnité versée est nulle puisque :

I = ℓX − d = ℓ (X − 1) ≤ 0 car X ∈ [0, 1] .

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6.1 Le contrat de co-assurance

Dans cette section, nous supposerons donc que :

I = g (ℓX) = aℓX,

la prime s’écrit donc :

b = (1 + λ) E (I)

= (1 + λ) E (g (ℓX))

= (1 + λ) E (a.ℓX)

= (1 + λ) aℓE (X) ,

et la richesse aléatoire est donnée par :

W (a) = w + ℓ (1−X) + I − b

= w + ℓ (1−X) + aℓX − (1 + λ) aℓE (X) ,

la notation en W (a) fait apparaître la variable de décision pour l’assuré : a, le tauxde couverture. On recherchera donc une valeur du taux de couverture a qui maximisel’espérance d’utilité de la richesse W (a) .

Nous commencerons par examiner les cas de dominance stochastique car ils four-nissent des résultats valables quelle que soit la fonction d’utilité. Ici, on se concentresur les riscophobes car le marché de l’assurance n’a de sens que pour eux.

6.1.1 Les cas de dominance stochastique

Il existe un seul cas de dominance stochastique à l’ordre 1 et pas de cas de dominancestochastique à l’ordre 2. Le cas de dominance stochastique à l’ordre 1 survient dansla situation où la prime qu’il faut verser est supérieure à la valeur maximale del’indemnité. L’indemnité est égale à aℓX et elle est maximale quand X = 1. Ce casarrive quand :

b ≥ aℓ

⇔ (1 + λ) aℓE (X) ≥ aℓ

⇔ λ ≥ 1

E (X)− 1 = λ,

le paramètre λ représente le taux maximal possible de chargement. Si les charge-ments de gestion et de risque sont trop élevés, la richesse sans assurance dominestochastiquement la richesse avec assurance à l’ordre 1 :

W (0) = w + ℓ (1−X)

W (a) = w + ℓ (1−X) + I − b� �� �≤0

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doncW (0) ≥W (a) , ∀a

ce qui implique, si l’utilité est croissante, u′ (w) > 0 :

u (W (0)) ≥ u (W (a)) , ∀a⇒ E (u (W (0))) ≥ E (u (W (a))) , ∀a.

On peut également reformuler le problème en disant qu’il existe une prime max-imum au delà de laquelle personne ne s’assure :

b = 1 + λ

�aℓE (X)

=1

E (X)aℓE (X)

= aℓ,

il faut donc que l’on ait :b ≤ b = aℓ.

Pour la dominance stochastique d’ordre deux, il suffit d’examiner comment l’espéranceet la variance de la richesse varient avec le taux de couverture :

E (W (a)) = E (w + ℓ (1−X) + aℓX − (1 + λ) aℓE (X))

= w + ℓ+ E (X) (−ℓ+ aℓ− (1 + λ) aℓ)

= w + ℓ− E (X) (ℓ+ λaℓ)

= w + ℓ− ℓE (X) (1 + aλ)

L’espérance de la richesse décroît avec le taux de couverture, parce que le taux dechargement est positif :

∂ E (W (a))

∂a= −ℓλE (X) < 0, ∀a

on peut donc écrire :

a1 > a2 ⇔ E (W (a1)) < E (W (a2)) .

Examinons maintenant la variance :

V (W (a)) = V (w + ℓ (1−X) + aℓX − (1 + λ) aℓE (X))

= V (−ℓX + aℓX)

= V (Xℓ (a− 1))

= ℓ2 (a− 1)2V (X) > 0

la variance décroît avec le taux de couverture :

∂V (W (a))

∂a= 2ℓ2 (a− 1)V (X) < 0 car a < 1,

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la variance de la richesse décroît avec le taux de couverture. Ceci implique :

a1 > a2 ⇔ V (W (a1)) < V (W (a2))

Donc, dans tous les cas, l’espérance varie dans le même sens que la variance. Ceciempêche toute dominance stochastique d’ordre 2, puisque :

W (a1) ≻S2

W (a2) et E (W (a1)) = E (W (a2))⇒ V (W (a1)) < V (W (a2))

or ici :

V (W (a1)) > V (W (a2))⇒ a1 < a2 ⇒ E (W (a1)) > E (W (a2)) .

Dans tous les cas, il faudra donc étudier les conditions d’optimalité, qui se dériventde la maximisation de l’espérance d’utilité.

6.1.2 Conditions d’optimalité pour un contrat de co-assurance

Nous nous limiterons au cas riscophobe, car c’est le seul qui ait un sens en matièred’assurance. En effet, si l’agent est neutre face au risque, il ne s’assurera que si :

E (W (a)) > E (W (0)) ,

or nous avons vu que :W (a) < W (0) , ∀a > 0,

ce qui exclut l’assurance. La raison de ce comportement est que la compagnie d’assurancefait payer à l’assurer une valeur supérieure à l’espérance mathématique du sinistre,pour payer ses frais de gestion et limiter son risque de défaut. Si aucun agent neutrene s’assure, aucun agent riscophile ne s’assurera.

Dans le cas riscophobe, on doit résoudre le problème :

maxa

E (u (W (a))) , 0 ≤ a ≤ 1.

On obtient un programme similaire au choix de portefeuille, à ceci prêt que l’expressionde la richesse est différente. La condition du premier ordre est donnée par :

∂ E (u (W (a∗)))

∂a= E

�u′ (W (a∗))

∂W (a∗)

∂a

�= 0,

or nous avons vu que :

W (a) = w + ℓ (1−X) + aℓX − (1 + λ) aℓE (X)

donc :∂W (a)

∂a= ℓX − (1 + λ) ℓE (X)

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est indépendante de a. Le seul résultat général que l’on peut établir est l’absence decouverture complète. En effet :

∂ E (u (W (a)))

∂a= E (u′ (W (a∗)) (ℓX − (1 + λ) ℓE (X)))

donc en a = 1, on obtient une richesse (certaine) :

W (1) = w + ℓ (1−X) + ℓX − (1 + λ) ℓE (X)

= w + ℓ− (1 + λ) ℓE (X)

∂ E (u (W (a)))

∂a

""""a=1

= E (u′ (W (1)) (ℓX − (1 + λ) ℓE (X)))

= u′ (W (1)) E (ℓX − (1 + λ) ℓE(X))

= u′ (W (1)) (ℓ− (1 + λ) ℓ) E (X)

= −u′ (W (1))λℓE (X) < 0,

donc on n’est pas au maximum et l’on a même intérêt à réduire la valeur de a puisquela dérivée est négative. On voit également que dans le cas standard la condition dusecond ordre est vérifiée :

∂2 E (u (W (a)))

∂a2= E

u′′ (W (a∗)) (ℓX − (1 + λ) ℓE (X))2

�< 0,

pour toute fonction u concave.

6.1.3 Préférences CARA

Commençons par une utilité de type CARA :

u (x) = − 1

αexp (−αx) , u′ (x) = exp (−αx) , u′′ (x) = −α exp (−αx)

on vérifie que le coefficient d’aversion absolue pour le risque est égal à :

α = −u′′ (x)

u′ (x), ∀x.

On suppose que l’on a un modèle à risque unique, dans lequel l’aléa détruit latotalité du bien assuré ou n’a pas lieu du tout. On peut poser :

X =

�1 0p 1− p

la richesse aléatoire pour un décideur assuré s’écrit :

W (a) = w + ℓ (1−X) + aℓX − (1 + λ) aℓE (X) .

Page 92: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

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D’autre part :

E (X) = p× 1 + (1− p)× 0 = p,

de sorte que la richesse aléatoire s’écrit :

W (a) = w + ℓ (1−X) + aℓX − (1 + λ) aℓp.

Dans le cas où la destruction du bien assuré est complète, X = 1, la richesses’écrit :

W1 (a) = w + aℓ− (1 + λ) aℓp = aℓ (1− (1 + λ) p) ,

et dans le cas où le sinistre n’a pas lieu, X = 0, on a :

W0 (a) = w + ℓ− (1 + λ) aℓp.

L’espérance d’utilité est donc égale à :

U (a) = p u (W1) + (1− p) u (W0) ,

donc l’utilité marginale est donnée par :

U ′ (a) = p∂W1

∂au′ (W1) + (1− p)

∂W0

∂au′ (W0)

avec :∂W1

∂a= ℓ (1− (1 + λ) p) > 0

et∂W0

∂a= − (1 + λ) ℓp.

On obtient donc :

U ′ (a) = pℓ (1− (1 + λ) p) exp (−αW1)− (1− p) (1 + λ) ℓp exp (−αW0)

= ℓp {(1− (1 + λ) p) exp (−αW1)− (1− p) (1 + λ) exp (−αW0)}

et la condition du second ordre est toujours vérifiée parce que u′′ (x) < 0. La conditiondu premier ordre donne :

U ′ (�a) = 0,

et la solution sera donnée par :

a∗ =

�0 si �a < 0�a si �a ≥ 0

parce que �a < 1 comme nous l’avons montré dans le cas général. La solution in-térieure est donc définie par (en simplifiant le terme en pℓ) :

(1− (1 + λ) p) exp�−α#W1

�= (1− p) (1 + λ) exp

�−α#W0

exp�−α�#W1 −#W0

��=

(1− p) (1 + λ)

1− (1 + λ) p

#W1 −#W0 = − 1

αln

�(1− p) (1 + λ)

1− (1 + λ) p

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et :

#W1 −#W0 = w + �aℓ− (1 + λ)�aℓp− (w + ℓ− (1 + λ)�aℓp)= (�a− 1) ℓ < 0,

on en déduit que :

(�a− 1) ℓ = − 1

αln

�(1− p) (1 + λ)

1− (1 + λ) p

⇔ �a = 1− 1

αℓln

�(1− p) (1 + λ)

1− (1 + λ) p

et l’on remarque que :

(1− p) (1 + λ) = λ+ 1− (1 + λ) p,

d’où :

�a = 1− 1

αℓln

�1 +

λ

1− (1 + λ) p

�,

on retrouve donc le résultat général que �a < 1. D’autre part, il faut que :

�a ≥ 0,

ici on pose une conditions sur les paramètres. L’aversion pour le risque α, la valeurdu bien assuré ℓ et la probabilité de sinistre ne sont pas à proprement parler desparamètres de choix. Par contre, λ est le taux de chargement fixé par la compagnied’assurance, il s’agit d’une variable de choix et il est préférable de poser une conditionsur ce paramètre. On a:

�a ≥ 0

⇔ 1− 1

αℓln

�1 +

λ

1− (1 + λ) p

�≥ 0

⇔ exp (αℓ) ≥ 1 +λ

1− (1 + λ) p

⇔ (1− (1 + λ) p) exp (αℓ) ≥ 1− (1 + λ) p+ λ

⇔ (1− p) exp (αℓ) ≥ 1− p+ λ (1− p) + λp exp (αℓ)

⇔ (1− p) (exp (αℓ)− 1) ≥ λ (1− p+ p exp (αℓ))

⇔ λ ≤ (1− p) (exp (αℓ)− 1)

(1− p+ p exp (αℓ)).

Il faut donc que l’assurance ne soit pas trop chère pour qu’il existe une demande.Si cette condition est remplie, nous aurons :

a∗ = 1− 1

αℓln

�1 +

λ

1− (1 + λ) p

�. (6.1)

Il nous reste à étudier les déterminants de cette demande. On peut voir les sens devariation directement avec la forme simple ci-dessus. Nous prendrons une approcheplus formelle en calculant les dérivées.

Page 94: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

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• Effet de l’aversion pour le risque α :

∂a∗

∂α=

1

α2ℓln

�1 +

λ

1− (1 + λ) p

�> 0,

plus on est riscophobe, plus on choisit un taux de couverture élevé. Cecisignifie également que plus on est riscophobe, plus on est prêt à payer uneprime d’assurance élevée.

• Effet de la valeur du bien risqué ℓ :

∂a∗

∂ℓ=

1

αℓ2ln

�1 +

λ

1− (1 + λ) p

�> 0,

plus le bien risqué est cher, plus on choisit un taux de couverture élevé, afin deréduire les effets de sa perte sur l’utilité de la richesse.

• Effet du taux de chargement λ :

∂a∗

∂λ= − 1

αℓ (1 + λ) (1− (1 + λ) p)< 0,

plus la compagnie d’assurance prend une marge importante, plus la demanded’assurance est faible. On peut y voir une partie de l’effet prix traditionnel.

• Effet de la probabilité de sinistre p :

∂a∗

∂p= − λ

αℓ (1− p) (1− (1 + λ) p)< 0,

un sinistre fortement probable réduit la demande d’assurance. Ce résultat peutparaître surprenant à première vue, il l’est moins si l’on remarque que la primed’assurance est croissante avec la probabilité de sinistre. En effet, cette dérivéen’est négative que parce qu’il existe un taux de chargement λ > 0.

6.1.4 Préférences de Markowitz

Considérons maintenant un critère espérance-variance à la Markowitz :

U (a) = E (W (a))− α

2V (W (a)) , α > 0,

et l’on suppose que le taux de destruction suit une loi normale d’espérance µX > 0et de variance σ2X . La richesse est donnée par:

W (a) = w + ℓ (1−X) + aℓX − (1 + λ) aℓE (X) .

= w + ℓ− (1 + λ) aℓµX� �� �certain

+ (a− 1) ℓX� �� �aléatoire

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on a donc :

E (W (a)) = w + ℓ− (1 + λ) aℓµX + (a− 1) ℓµX= w + ℓ− (1 + aλ) ℓµX

et

V (W (a)) = (a− 1)2 ℓ2σ2X ,

d’où l’utilité à la Markowitz :

U (a) = w + ℓ− (1 + aλ) ℓµX −α

2(a− 1)2 ℓ2σ2X .

ses dérivées sont égales à :

U ′ (a) = −λℓµX + α (1− a) ℓ2σ2X

etU ′′ (a) = −αℓ2σ2X < 0.

On en déduit la condition du premier ordre :

U ′ (�a) = 0

⇔ α (1− �a) ℓ2σ2X = λℓµX

⇔ �a = 1− λµXαℓσ2X

,

et l’on a bien �a < 1. On doit également poser la condition :

�a ≥ 0

⇔ λ ≤ αℓσ2XµX

,

le taux de chargement ne doit pas être trop élevé pour qu’il existe une demande.Pour une solution intérieure, on aura :

a∗ = 1− λµXαℓσ2X

• Effet de l’aversion pour le risque α :

∂a∗

∂α=

λµXα2ℓσ2X

> 0,

la demande d’assurance est croissante avec l’aversion pour le risque.

• Effet du taux de chargement λ :

∂a∗

∂λ= − µX

αℓσ2X< 0,

la demande d’assurance est décroissante avec le taux de chargement.

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• Effet des moments du taux de sinistre :

∂a∗

∂µX= − λ

αℓσ2X< 0 et

∂a∗

∂σ2X=

λµXαℓσ4X

> 0,

la demande d’assurance décroît avec le taux de sinistre et s’accroît avec savariance. Le premier effet s’explique par le fait que la prime que doit payerl’assuré s’accroît avec µX et par le fait qu’il existe un taux de chargementλ > 0, le second effet vient du fait qu’une variance plus élevée mesure bienl’incertitude dans un modèle à la Markowitz.

Bien que l’utilité à la Markowitz ne soit CARA que lorsqueX suit une loi normale,on peut toutefois considérer que ce modèle fournit une approximation de la solutionexacte du modèle à risque unique. En effet, dans cas, on a :

µX = p et σ2X = p (1− p) ,

de sorte que l’on aurait :

a∗ = 1− λµXαℓσ2X

= 1− λ

αℓ (1− p)

D’autre part, dans le modèle avec risque unique, où X suit une loi de Bernoulli deparamètre p, nous avions trouvé (6.1) :

a∗ = 1− 1

αℓln

�1 +

λ

1− (1 + λ) p

�� f (λ)

Effectuons un développement limité de cette expression au voisinage de λ = 0.On a :

f (0) = 1

f ′ (λ) = − 1

αℓ

�1− λp

(1 + λ) (1− (1 + λ) p)

⇒ f ′ (0) = − 1

αℓ (1− p)

donc :

f (λ) ≃ f (0) + f ′ (0)λ = 1− λ

αℓ (1− p),

c’est-à-dire la valeur donné par le modèle espérance-variance de Markowitz. On peutdonc considérer que le critère espérance-variance appliqué au modèle à risque uniquedonne une approximation de la solution des modèles CARA au voisinage de λ = 0.

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97

6.1.5 Préférences CRRA

Les modèles CRRA donnent des calculs plus compliqués, mais la solution explicitepeut être obtenue. Considérons donc une fonction d’utilité CRRA :

u (x) =xα

α, u′ (x) = xα−1, u′′ (x) = (α− 1)xα−2

donc l’aversion relative pour le risque s’écrit :

−xu′′ (x)

u′ (x)= −(α− 1) xα−1

xα−1= 1− α > 0, ∀α < 1.

On considère également le modèle à risque unique avec :

X =

�1 0p 1− p

ce qui permet d’écrire l’espérance d’utilité :

U (a) = pU (W1) + (1− p)U (W0)

et sa dérivée :

U ′ (a) = p∂W1

∂au′ (W1) + (1− p)

∂W0

∂au′ (W0)

avec :∂W1

∂a= ℓ (1− (1 + λ) p) et

∂W0

∂a= − (1 + λ) ℓp

on aura donc :

U ′ (a) = pℓ (1− (1 + λ) p)#Wα−11 − (1− p) (1 + λ) ℓp#Wα−1

0 ,

la condition du premier ordre est donnée par :

U ′ (�a) = 0

⇔ (1− (1 + λ) p)#Wα−11 = (1− p) (1 + λ)#Wα−1

0

⇔ #W1

#W0

!α−1=

(1− p) (1 + λ)

1− (1 + λ) p

⇔#W1

#W0

=

�(1− p) (1 + λ)

1− (1 + λ) p

�1/(α−1)

et#W1

#W0

=w + �aℓ (1− (1 + λ) p)

w + ℓ− (1 + λ)�aℓpd’où la condition :

w + �aℓ (1− (1 + λ) p)

w + ℓ− (1 + λ)�aℓp =

�(1− p) (1 + λ)

1− (1 + λ) p

�1/(α−1)

Page 98: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

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w + �aℓ (1− (1 + λ) p)

w + ℓ− (1 + λ)�aℓp =

�1− (1 + λ) p

(1− p) (1 + λ)

�1/(1−α)

(w + �aℓ (1− (1 + λ) p)) ((1− p) (1 + λ))1/(1−α) =

(w + ℓ− (1 + λ)�aℓp) (1− (1 + λ) p)1/(1−α)

�aℓ�(1− (1 + λ) p) ((1− p) (1 + λ))1/(1−α) + (1 + λ) p (1− (1 + λ) p)1/(1−α)

= (w + ℓ) (1− (1 + λ) p)1/(1−α) − w ((1− p) (1 + λ))1/(1−α)

�aℓ (1− (1 + λ) p) (1 + λ)�(1− p)1/(1−α) (1 + λ)α/(1−α) + p (1− (1 + λ) p)α/(1−α)

= (w + ℓ) (1− (1 + λ) p)1/(1−α) − w ((1− p) (1 + λ))1/(1−α)

donc :

�a =�w

ℓ+ 1�

(1− (1 + λ) p)α/(1−α)

(1− (1 + λ) p) (1 + λ)�(1− p)1/(1−α) (1 + λ)α/(1−α) + p (1− (1 + λ) p)α/(1−α)

−�w

� ((1− p) (1 + λ))1/(1−α)

(1− (1 + λ) p) (1 + λ)�(1− p)1/(1−α) (1 + λ)α/(1−α) + p (1− (1 + λ) p)α/(1−α)

ce que l’on peut simplifier légèrement en :

�a =�w

ℓ+ 1� (1− (1 + λ) p)α/(1−α)

(1 + λ)�(1− p)1/(1−α) (1 + λ)α/(1−α) + p (1− (1 + λ) p)α/(1−α)

−�w

� (1− p)1/(1−α) (1 + λ)α/(1−α)

(1− (1 + λ) p)�(1− p)1/(1−α) (1 + λ)α/(1−α) + p (1− (1 + λ) p)α/(1−α)

On peut mesurer la difficulté à déterminer les variations dans le cas général. Nousnous contenterons donc d’étudier le cas de la fonction logarithme, obtenu en posantα = 0 dans la relation précédente :

�a0 =�w

ℓ+ 1� 1

1 + λ−�w

� 1− p

1− (1 + λ) p

=1

1 + λ

�1−

�wℓ

� λ

1− (1 + λ) p

�,

Page 99: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

99

où l’on vérifie que �a0 < 1/ (1 + λ) ≤ 1. Il n’y a jamais d’assurance complète. Pourqu’il existe une demande d’assurance, on doit avoir :

�a0 ≥ 0

⇔ λ ≤ 1− p

p+ w/ℓ.

Si cette condition est remplie, on obtient la solution intérieure :

a∗0 =1

1 + λ

�1−

�wℓ

� λ

1− (1 + λ) p

On obtient les variation suivantes :

• La demande d’assurance est croissante avec la valeur du bien risqué ℓ :

∂a∗0∂ℓ

=wλ

(1 + λ) ℓ2 (1− (1 + λ) p)> 0,

on retrouve un résultat précédent,

• La demande d’assurance décroît avec la richesse non risquée w :

∂a∗0∂w

= − λ

(1 + λ) ℓ (1− (1 + λ) p)< 0,

ce résultat est nouveau, on ne le trouvait pas avec les fonctions CARA. Ainsi,plus un décideur est riche (au sens certain) plus il tendra à être son propreassureur.

• Plus généralement, la demande d’assurance décroît avec l’importance de larichesse non risquée par rapport à la richesse risquée :

∂a∗0∂ wℓ

� = − λ

(1 + λ) (1− (1 + λ) p)< 0,

c’est donc l’importance du risque dans la richesse qui détermine la demanded’assurance. Plus la proportion de richesse risquée est importante, plus la de-mande d’assurance est élevée.

• La demande d’assurance est décroissante avec le taux de chargement λ.On peutvoir ce résultat sans faire de calcul. Considérons le ratio λ/ (1− (1 + λ) p) , lenumérateur est croissant avec λ et le dénominateur est décroissant avec λ, doncle ratio est croissant avec λ. On en déduit que la quantité :

1−�w

� λ

1− (1 + λ) p

est décroissante avec λ. D’autre part 1/ (1 + λ) est décroissant avec λ, ce quiimplique que a∗0 est décroissant avec λ.

Page 100: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

100

• On retrouve également le résultat de décroissance de la demande d’assuranceavec la probabilité de sinistre :

∂a∗0∂p

= −�w

� λ

(1− (1 + λ) p)2< 0

la demande d’assurance décroît avec la probabilité de sinistre, ce qui traduitle renchérissement de la prime d’assurance quand la probabilité de sinistreaugmente. On remarque également que cette dérivée n’est négative que parcequ’il existe un taux de chargement λ > 0.

Globalement les fonctions CRRA permettent de réintégrer la richesse non risquéedans l’analyse. Dans le cas de la fonction logarithmique, on trouve le résultat selonlequel les décideurs plus fortunés en actifs certains s’assurent eux-mêmes pour uneplus grande part de leur richesse.

6.2 L’assurance avec franchise

Dans ce type de problème, l’assuré doit choisir la franchise optimale δ∗. Le montantremboursé est égal à :

I = max (0, ℓX − δ) ,

et la prime est égale à b = (1 + λ) E (I) . La première difficulté consiste à calculerl’espérance de la prime E (I) . On a :

I (X) =

�0 si X < δ/ℓℓX − δ si X ≥ δ/ℓ

ce qui implique :

E (I (X)) =

� 1

0

I (x) fX (x)dx

=

� δ/ℓ

0

I (x) fX (x) dx+

� 1

δ/ℓ

I (x) fX (x) dx

=

� δ/ℓ

0

0× fX (x)dx+

� 1

δ/ℓ

(ℓx− δ) fX (x)dx

= 0×� δ/ℓ

0

fX (x)dx

� �� �Pr[X<δ/ℓ]

+

� 1

δ/ℓ

(ℓx− δ) fX (x)dx

on en déduit :

E (I (X)) =

� 1

δ/ℓ

(ℓx− δ) fX (x)dx,

Page 101: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

101

en intégrant par parties :

u (x) = ℓx− δ ⇒ u′ (x) = ℓ

v′ (x) = fX (x)⇒ v (x) = FX (x) ,

on obtient :

E (I (X)) = [(ℓx− δ)FX (x)]1δ/ℓ −� 1

δ/ℓ

ℓFX (x)dx

= (ℓ− δ)FX (1)− (δ − δ)FX (δ/ℓ)− ℓ

� 1

δ/ℓ

FX (x)dx

= ℓ− δ − ℓ

� 1

δ/ℓ

FX (x)dx,

et la prime d’assurance sera égale à :

b = (1 + λ)

�ℓ− δ − ℓ

� 1

δ/ℓ

FX (x) dx

�.

Comment la prime varie t-elle avec le montant de la franchise? Pour répondre àcette question, on utilise la formule de Leibniz :

d

dx

� b(x)

a(x)

f (t)dt = b′ (x) f (b (x))− a′ (x) f (a (x)) ,

donc :

db

dd= (1 + λ)

�−1− ℓ

�0− 1

ℓFX (δ/ℓ)

��

= (1 + λ) (FX (δ/ℓ)− 1) ≤ 0,

plus la franchise est élevée, plus la prime est faible, ce qui est conforme à l’intuition.L’expression de la richesse aléatoire est maintenant égale à :

W = w + ℓ (1−X) + max (0, ℓX − δ)− (1 + λ)

�ℓ− δ − ℓ

� 1

δ/ℓ

FX (x) dx

ce qui peut se réécrire :

W =

�w + ℓ (1−X)− b si X < δ/ℓw + ℓ− (δ + b) si X ≥ δ/ℓ

= w + ℓ− b+

�−ℓX si X < δ/ℓ−δ si X ≥ δ/ℓ

Page 102: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

102

on en déduit que :

E (W ) = w + ℓ− b−�� δ/ℓ

0

ℓxfX (x)dx+

� 1

δ/ℓ

dfX (x)dx

= w + ℓ− b−�� 1

0

ℓxfX (x) dx−� 1

δ/ℓ

ℓxfX (x) dx+

� 1

δ/ℓ

δfX (x)dx

= w + ℓ− b−�E (ℓX)−

� 1

δ/ℓ

ℓxfX (x) dx+

� 1

δ/ℓ

δfX (x)dx

= w + ℓ (1− E (X))− b+

� 1

δ/ℓ

(ℓx− δ) fX (x) dx

6.2.1 Modèle à risque unique

Pour aller plus loin, il faut faire une hypothèse sur la distribution de X. Nous allonsconsidérer le modèle à risque unique. Le taux de sinistre X ne peut prendre quedeux valeurs 0 et 1. On a :

X =

�1 0p 1− p

A ce stade, il faut se souvenir que la valeur de la franchise δ ne peut pas dépasser lavaleur du bien assuré ℓ, sinon le bien ne serait pas assuré :

0 <δ

ℓ< 1,

on en déduit que si X = 0, on est dans le cas X < δ/ℓ et que si X = 1, on est dansle cas X ≥ δ/ℓ.

La richesse ne peut prendre que deux valeurs

W0 = w + ℓ− b

avec probabilité 1− p, etW1 = w + ℓ− (δ + b)

avec probabilité p. L’espérance de la richesse est donc égale à :

E (W ) = (1− p)W0 + pW1

= (1− p) (w + ℓ− b) + p (w + ℓ− (δ + b))

= w + ℓ− b− δ × p

Notons que nous aurions pu utiliser la formule précédente en remarquant que,dans le cas d’un modèle à risque unique :

� 1

δ/ℓ

(ℓx− δ) fX (x) dx =

� 1

δ/ℓ

(ℓx− δ)dF (x) = (ℓ× 1− δ) p,

Page 103: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

103

car X ne peut prendre que la valeur 1 sur l’intervalle [δ/ℓ, 1] . On calcule l’espéranced’utilité de la manière suivante :

E (u (W )) = (1− p)u (W0) + pu (W1)

= (1− p)u (w + ℓ− b) + pu (w + ℓ− (δ + b))

avec :

b = (1 + λ)

�ℓ− δ − ℓ

� 1

δ/ℓ

FX (x)dx

or :

FX (x) =

0 si x < 01− p si 0 ≤ x < 11 si x ≥ 1

on voit donc graphiquement que :� 1

δ/ℓ

FX (x)dx = (1− p) (1− δ/ℓ) ,

ce qui implique :b = (1 + λ) (ℓ− δ) p,

on vérifie que :∂b

∂δ= − (1 + λ) p < 0.

Il nous reste à rechercher la valeur de la franchise en résolvant :

δ∗ = argmaxδ

E (u (W )) .

6.2.2 Préférences CARA

Pour simplifier l’analyse, prenons une fonction CARA :

u (x) = − 1

αexp (−αx)

qui implique :

E (u (W )) = − p

αexp (−αW1)−

1− p

αexp (−αW0)

d’où la condition du premier ordre :

p∂W1

∂δ(δ∗) exp (−αW1 (δ

∗)) + (1− p)∂W0

∂δ(δ∗) exp (−αW0 (δ

∗)) = 0

avec :

∂W1

∂δ= −1− ∂b

∂δ= −1 + (1 + λ) p

∂W0

∂δ= −∂b

∂δ= (1 + λ) p

Page 104: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

104

on obtient donc :

(1− p) (1 + λ) p exp (−αW0 (δ∗)) = p (1− (1 + λ) p) exp (−αW1 (δ

∗))

(1− p) (1 + λ)

1− (1 + λ) p= exp (α (W0 (δ

∗)−W1 (δ∗)))

δ∗ =1

αln

�(1− p) (1 + λ)

1− (1 + λ) p

�> 0,

l’assuré ne choisit jamais l’assurance complète, qui correspondrait au cas δ = 0. Larélation précédente peut se réécrire :

δ∗ =1

αln

�1 +

λ

1− (1 + λ) p

�,

les variations sont les suivantes :

• la franchise décroît avec l’aversion pour le risque : plus un décideur est averse aurisque, plus il choisit une franchise faible afin d’améliorer sa protection contrele risque;

• plus le taux de chargment est élevé, plus la franchise est élevé. Augmenter lafranchise est un moyen de réduire le coût de l’assurance, plus l’assurance estchère, plus le décideur augmentera la franchise;

• plus le risque est probable plus la franchise est élevée; c’est également un moyende réduire le coût de l’assurance;

• on voit que si le taux de chargement était nul, on se retrouverait dans le caslimite d’une assurance complète.

6.2.3 Préférences CRRA

Considérons maintenant le cas CRRA avec une fonction d’utilité :

u (x) =xα

α,

l’espérance d’utilité est donnée par :

U (δ) = E (u (W )) =p

αWα1 +

1− p

αWα0 ,

et l’utilité marginale (associée à la hausse d’un Euro de franchise) est donnée par :

U ′ (δ) = p∂W1

∂δ(W1)

α−1 + (1− p)∂W0

∂δ(W0)

α−1 ,

et nous avons vu :

∂W1

∂δ= −1 + (1 + λ) p,

∂W0

∂δ= (1 + λ) p,

Page 105: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

105

donc :U ′ (δ) = (1− p) (1 + λ) p (W0)

α−1 − p (1− (1 + λ) p) (W1)α−1

et la condition du premier ordre s’écrit :

(1− p) (1 + λ) (W ∗0 )α−1 = (1− (1 + λ) p) (W ∗

1 )α−1

(1− p) (1 + λ)

1− (1 + λ) p=

�W ∗1

W ∗0

�α−1

1− (1 + λ) p

(1− p) (1 + λ)=

�W ∗1

W ∗0

�1−α

�1− (1 + λ) p

(1− p) (1 + λ)

�1/(1−α)=

W ∗1

W ∗0�

1− (1 + λ) p

(1− p) (1 + λ)

�1/(1−α)= 1− δ∗

w + ℓ− b∗

δ∗

w + ℓ− b∗= 1−

�1− (1 + λ) p

(1− p) (1 + λ)

�1/(1−α)� k

et l’on doit résoudre :

δ∗ = k (w + ℓ− b∗)

δ∗ = k (w + ℓ− (1 + λ) pℓ+ (1 + λ) pδ∗)

δ∗ (1− k (1 + λ) p) = k (w + (1− (1 + λ) p) ℓ)

finalement :

δ∗ =k (w + (1− (1 + λ) p) ℓ)

1− k (1 + λ) p=

w + (1− (1 + λ) p) ℓ

1/k − (1 + λ) p

avec :

k = 1−�1− (1 + λ) p

(1− p) (1 + λ)

�1/(1−α).

Cette forme complexe se simplifie bien dans le cas logarithmique, obtenu pourα = 0. On obtient :

k0 = 1− 1− (1 + λ) p

(1− p) (1 + λ)=

λ

(1− p) (1 + λ),

d’où :

1/k − (1 + λ) p =1 + λ

λ(1− (1 + λ) p)

donc :

δ∗0 =λw

(1 + λ) (1− (1 + λ) p)+

λℓ

1 + λ

ce que l’on peut réécrire :

δ∗

ℓ=

λ

1 + λ

�1 +

1

1− (1 + λ) p

�wℓ

��

les variations sont les suivantes :

Page 106: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

106

• la franchise augmente avec la part de la richesse non risquée w/ℓ : plus ledécideur est riche, plus il s’assure lui-même;

• plus le bien à assurer est cher (plus ℓ est élevé), plus l’importance de la franchiseest faible par rapport à la valeur du bien assuré. On assure donc relativementplus les biens les plus chers;

• la franchise augmente avec le taux de chargement et la probabilité de sinistre.

6.2.4 Le critère espérance-variance

Bien que le risque ne puisse pas suivre une loi normale, on peut toujours appliquer lecritère espérance-variance à ce problème. Dans ce cas, l’utilité n’est plus forcémentCARA. L’espérance de la richesse est égale à :

E (W ) = w + ℓ− b− δp

avec :b = (1 + λ) (ℓ− δ) p,

et sa variance à :

V (W ) = E (W − E (W ))2

= (1− p) (W0 − E (W ))2 + p (W1 − E (W ))2

= (1− p) (δp)2 + p ((p− 1) δ)2

= p (1− p) δ2

d’où le critère du décideur :

U (δ) = w + ℓ− b− δp− α

2p (1− p) δ2

= w + ℓ− (1 + λ) (ℓ− δ) p− δp− α

2p (1− p) δ2

= w − λℓ+ λpδ − α

2p (1− p) δ2

et l’utilité marginale :U ′ (δ) = λp− αp (1− p) δ

avecU ′′ (δ) = −αp (1− p) < 0,

on en déduit que :

U ′ (δ∗) = 0

⇔ λp = αp (1− p) δ∗

⇔ δ∗ =λ

α (1− p).

La franchise optimale possède les variations suivantes :

Page 107: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

107

• elle est décroissante avec l’aversion pour le risque;

• elle est croissante avec le taux de chargement;

• elle est croissante avec la probabilité de sinistre;

• elle est indépendante de la richesse non risquée et du montant du bien assuré.

Le dernier point est clairement le plus gênant.

6.2.5 Comparaison

Prenons deux contrats d’assurance, un premier avec franchise et un autre avec co-assurance, on assure la même richesse et les agents ont les mêmes préférences. On aégalement suppposé un modèle à risque unique. Obtient-on des assurances équiva-lentes?

Commençons par le cas CARA. Nous avons vu que le taux de couverture optimalest égal à :

a∗ = 1− 1

αℓln

�1 +

λ

1− (1 + λ) p

et que la franchise optimale dans le même cas est égale à :

δ∗ =1

αln

�1 +

λ

1− (1 + λ) p

�,

dont le taux de couverture correspondant est égal à :

ℓ− δ∗

ℓ= 1− δ∗

ℓ= a∗,

ces deux contrats sont rigoureusement équivalents en termes de couverture.Examinons maintenant le cas logarithmique, le taux de couverture optimal est

égal à :

a∗0 =1

1 + λ

�1− λ

1− (1 + λ) p

�wℓ

��

et la franchise optimale à :

δ∗0 =λ

1 + λ

�w

1− (1 + λ) p+ ℓ

�,

dont le taux de couverture est égal à :

1− δ∗0ℓ= a∗0,

on trouve le même résultat.

Page 108: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

108

Avec le modèle espérance variance, le taux de couverture optimal est de :

a∗ = 1− λ

αℓ (1− p),

et on trouve une franchise de :

δ∗ =λ

α (1− p)

donc :

1− δ∗

ℓ= a∗,

et on retrouve l’équivalence.

6.3 La sélection adverse

Dans un premier temps, nous allons déterminer la prime d’assurance maximale quedes décideurs sont prêts à payer. Dans un second temps, nous considérerons unepopulation composée d’individus dont les risques sont différents.

Supposons qu’un agent dispose d’une richesse certaine initiale (avant sinistre)égale à m = ω + ℓ, et que W est sa richesse aléatoire sans assurance, égale à :

W = m− ℓX, X ∈ [0, 1]

le montant maximum d’assurance qu’il est prêt à payer b est défini par :

U m− b

�= E (u (W )) ,

en effet si b < b on a :

b < b

⇔ m− b > m− b

⇔ U (m− b) > U m− b

�= E (u (W )) ,

et la richesse avec assurance procure une utilité supérieure à l’espérance d’utilité sansassurance, dont le décideur accepte de s’assurer. Inversement, si b > b :

U (m− b) < E (u (W ))

et le décideur refuse de s’assurer. La prime de risque absolue est définie par :

U (E (W )− πa) = E (u (W ))

et :U m− b

�= E (u (W ))

Page 109: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

109

on a donc :

U (E (W )− πa) = U m− b

⇔ E (W )− πa = m− b

⇔ b = πa +m− E (W )

or :m− E (W ) = E (I) ,

en effet m est la richesse avec assurance complète et E (W ) la valeur moyenne de larichesse sans assurance. L’écart entre ces deux quantités est égale à l’espérance del’indemnité versée par la compagnie d’assurance. On peut donc écrire :

b = πa + E (I) ,

et, d’autre part, la prime maximale peut s’écrire :

b = 1 + λ

�E (I)

⇔ πa + E (I) = 1 + λ

�E (I)

⇔ πa = λE (I)

⇔ λ =πa

E (I)

Exemple 6.1 Considérons un modèle à risque unique :

X =

�1 0p 1− p

et une fonction d’utilité logarithmique u (x) = ln x. L’espérance de la richesse aléa-toire sans assurance est égale à :

E (W ) = E (ω + ℓ− ℓX)

= pω + (1− p) (ω + ℓ)

= ω + (1− p) ℓ

et l’espérance de la prime à :

E (I) = ω + ℓ− E (W ) = pℓ.

L’espérance d’utilité est égale à :

E(u (W )) = p lnω + (1− p) ln (ω + ℓ) ,

la prime de risque est donc définie par :

ln (ω + (1− p) ℓ− πa) = p lnω + (1− p) ln (ω + ℓ) ,

Page 110: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

110

en prenant l’exponentielle des deux membres de l’équation, on obtient :

ω + (1− p) ℓ− πa = ωp (ω + ℓ)1−p

⇔ πa = ω + (1− p) ℓ− ωp (ω + ℓ)1−p

⇔ πa = (ω + ℓ)

�1−

�ω

ω + ℓ

�p�− pℓ

donc :

λ =πa

E (I)=

ω + ℓ

pℓ

�1−

�ω

ω + ℓ

�p�− 1,

Exemple 6.2 On peut aussi calculer directement la prime maximale :

ln ω + ℓ− b

�= p lnω + (1− p) ln (ω + ℓ)

⇔ ω + ℓ− b = ωp (ω + ℓ)1−p

⇔ b = (ω + ℓ)

�1−

�ω

ω + ℓ

�p�,

et l’on peut retrouver ensuite le taux de chargement maximal :

b = 1 + λ

�E (I) =

1 + λ

�pℓ

soit :

λ =b

pℓ− 1

=(ω + ℓ)

pℓ

�1−

�ω

ω + ℓ

�p�− 1.

Le problème de sélection adverse (ou anti-sélection) est un problème qui se posequand la compagnie d’assurance ne peut pas distinguer les bons et les mauvaisrisques. Supposons que l’on ait une population composée à part égales de deuxtypes d’assurés. Le premier type d’assuré a une probabilité de sinistre égale à p1, etle second type une probabilité égale à p2. Sans perte de généralité, on suppose quep1 < p2. La probabilité pour l’ensemble de la population est égale à :

p =p1 + p2

2,

avec, par définitionp1 < p < p2.

Remarque 6.1 S’il y avait n1 individidus de type 1 et n2 individus de type 2, on aurait:

p =n1

n1 + n2p1 +

n2n1 + n2

p2

etp1 < p < p2.

Page 111: Microéconomie de l'Incertitude M1 Banque et Marchés Financiers

111

Nous sommes donc en présence d’une asymétrie d’information : la compagnie neconnait pas les probabilité de sinsitre de chaque assuré, mais chaque assuré connaîtla sienne. L’assureur, en se basant sur l’information dont il dispose, va donc proposerune prime égale à :

b = 1 + λ

�E (I) =

1 + λ

�pℓ,

or la prime maximale que seraient prêt à payer les bons risques est égale à :

b1 = 1 + λ

�p1ℓ

donc :

b1 − b = 1 + λ

�p1ℓ−

1 + λ

�pℓ

= 1 + λ

�ℓ (p1 − p) < 0

et les agents de type 1 refusent de s’assurer si la prime est celle proposée parl’assureur, car la prime proposée par la compagnie est supérieure à celle qu’ils sontprêts à payer. D’autre part, les mauvais risques sont prêts à payer une prime égaleà :

b2 = 1 + λ

�p2ℓ

de sorte que :b2 − b =

1 + λ

�ℓ (p2 − p) > 0,

et les mauvais risques s’assurent car la prime proposée par la compagnie est inférieur àla prime qu’ils sont prêts à payer. Le taux de chargement de la compangie d’assurancen’est donc pas adapté et son profit sera plus faible qu’attendu. L’effet sera d’autantplus négatif sur son profit que l’écart des probabilités est important.

Globalement seuls les mauvais risques s’assurent et le profit moyen de l’assureurest égal à :

b− E (I) = 1 + λ

�pℓ− p2ℓ

où λ est le taux de chargement calculé sur l’ensemble de la population.Plusieurs stratégies sont possibles pour faire face à ce problème :

• rendre l’assurance obligatoire, ce qui est équivalent à faire financer les mauvaisrisques par les bons risques;

• mettre en place un système de bonus-malus pour différencier les primes entreles agents. En collectant de l’information individuelle sur les risques on peutséparer les bons risques des mauvais risques. Ce système ne peut toutefoisfonctionner que pour des risques relativement fréquents, il n’est pas adaptéaux évènements rares et très couteux;

• collecter des informations sur des caractéristiques associés aux risques, et pro-poser des primes différentes. Par exemple, les jeunes conducteurs de sexe mas-culin payaient des primes d’assurance plus élevées que les femmes et les hommesplus âgés. On peut s’interroger sur l’optimalité des décisions récentes en ce do-maine.