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Lettres à la rédaction Ostéochondrome lombaire solitaire responsable dune douleur sciatique Solitary lumbar osteochondroma causing sciatic pain Mots clés : Ostéochondrome ; Rachis ; IRM ; Scanner ; Douleur radiculaire Keywords: Osteochondroma; Spine; MRI; CT; Radiculopathy 1. Introduction Bien que lostéochondrome (ou exostose) soit la tumeur osseuse bénigne la plus fréquente, la compression neurologique par un ostéochondrome lombaire solitaire est une entité rare [1, 2]. Nous rapportons ici le cas dun ostéochondrome lombaire solitaire avec atteinte radiculaire S1 gauche, chez un patient de 23 ans, sans histoire clinique dexostose multiple héréditaire. Lostéochondrome était localisé au niveau de larticulaire infé- rieure de la 5 e vertèbre lombaire (L5). Les symptômes ont dis- paru après résection chirurgicale de la lésion et le diagnostic dostéochondrome était confirmé par lanalyse histologique. 2. Cas clinique Un homme de 23 ans présentait une douleur lombaire avec une importante irradiation douloureuse le long de la racine S1 gauche, évoluant depuis un mois. Le test de Lasègue était posi- tif à 30°. Lexamen neurologique de la sensibilité et les réfle- xes ostéotendineux étaient normaux. Les pouls périphériques étaient bien perçus. Le scanner du rachis lombaire montrait une masse arrondie entourée dune couche calcifiée, venant au contact de larticulation L4L5 gauche (Fig. 1). LIRM montrait une masse ovale, sessile, en hypersignal, située à la face inférieure de larticulaire postérieure de L5. La partie cen- trale de la lésion était en hypersignal sur les coupes axiales en séquences pondérées en T2 (Fig. 2) et sur les coupes sagittales sur les séquences pondérées en T1 (Fig. 3) alors que la péri- phérie de la lésion était en hyposignal sur toutes les séquences pulsées. Cette masse comprimait directement la racine S1 homolatérale. On ne distinguait pas de coiffe cartilagineuse sur lIRM. Ce patient bénéficiait dune laminectomie partielle L5S1 lors de laquelle on découvrait une tumeur osseuse sés- sile développée au dépens de larticulaire postéro-inférieure de L5. La masse avait un aspect brillant et une coloration bleutée. Le diagnostic anatomopathologique révélait un ostéochon- drome entouré dune fine couche cartilagineuse (non fourni). Lépaisseur de la couche cartilagineuse était de 0,5 mm. Les http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/ Revue du Rhumatisme 74 (2007) 701708 Fig. 1. Les coupes scannographiques axiales montrent une lésion entourée dune couche calcifiée venant au contact de larticulation postérieure de L5S1. Fig. 2. En IRM, les coupes axiales pondérées en T2 montrent une masse ovale en hypersignal avec une couche périphérique en hyposignal. Cette masse comprime la racine S1. Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans le même volume de Joint Bone Spine.

Ostéochondrome lombaire solitaire responsable d'une douleur sciatique

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http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/

Revue du Rhumatisme 74 (2007) 701–708

Lettres à la rédaction

Ostéochondrome lombaire solitaire responsable d’unedouleur sciatique

Fig. 1. Les coupes scannographiques axiales montrent une lésion entouréed’une couche calcifiée venant au contact de l’articulation postérieure de L5–S1.

Solitary lumbar osteochondroma causing sciatic pain◊

Mots clés : Ostéochondrome ; Rachis ; IRM ; Scanner ; Douleur radiculaire

Keywords: Osteochondroma; Spine; MRI; CT; Radiculopathy

1. Introduction

Bien que l’ostéochondrome (ou exostose) soit la tumeurosseuse bénigne la plus fréquente, la compression neurologiquepar un ostéochondrome lombaire solitaire est une entité rare [1,2]. Nous rapportons ici le cas d’un ostéochondrome lombairesolitaire avec atteinte radiculaire S1 gauche, chez un patient de23 ans, sans histoire clinique d’exostose multiple héréditaire.L’ostéochondrome était localisé au niveau de l’articulaire infé-rieure de la 5e vertèbre lombaire (L5). Les symptômes ont dis-paru après résection chirurgicale de la lésion et le diagnosticd’ostéochondrome était confirmé par l’analyse histologique.

2. Cas clinique

Un homme de 23 ans présentait une douleur lombaire avecune importante irradiation douloureuse le long de la racine S1gauche, évoluant depuis un mois. Le test de Lasègue était posi-tif à 30°. L’examen neurologique de la sensibilité et les réfle-xes ostéotendineux étaient normaux. Les pouls périphériquesétaient bien perçus. Le scanner du rachis lombaire montraitune masse arrondie entourée d’une couche calcifiée, venantau contact de l’articulation L4–L5 gauche (Fig. 1). L’IRMmontrait une masse ovale, sessile, en hypersignal, située à laface inférieure de l’articulaire postérieure de L5. La partie cen-trale de la lésion était en hypersignal sur les coupes axiales enséquences pondérées en T2 (Fig. 2) et sur les coupes sagittalessur les séquences pondérées en T1 (Fig. 3) alors que la péri-phérie de la lésion était en hyposignal sur toutes les séquencespulsées. Cette masse comprimait directement la racine S1homolatérale. On ne distinguait pas de coiffe cartilagineusesur l’IRM. Ce patient bénéficiait d’une laminectomie partielleL5–S1 lors de laquelle on découvrait une tumeur osseuse sés-sile développée au dépens de l’articulaire postéro-inférieure deL5. La masse avait un aspect brillant et une coloration bleutée.

◊ Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans lemême volume de Joint Bone Spine.

Le diagnostic anatomopathologique révélait un ostéochon-drome entouré d’une fine couche cartilagineuse (non fourni).L’épaisseur de la couche cartilagineuse était de 0,5 mm. Les

Fig. 2. En IRM, les coupes axiales pondérées en T2 montrent une masse ovaleen hypersignal avec une couche périphérique en hyposignal. Cette massecomprime la racine S1.

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Fig. 3. En IRM, les coupes sagittales pondérées en T1 montrent une masse avecun signal assez intense (cf. flèche) avec une couche périphérique en hyposignal.Associée à la face ventrale de cette lésion, on note une hernie discale.

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suites opératoires furent simples avec disparition complète dessignes cliniques.

3. Discussion

L’ostéochondrome est la tumeur osseuse bénigne (ou lésionapparentée tumeur) la plus fréquente. Elle représente 20 à 50 %de toutes les tumeurs osseuses et 10 à 15 % des tumeurs pri-mitives de l’os [1–4]. C’est une lésion à développement localplutôt qu’une véritable néoplasie. Ces lésions proviendraientd’un fragment de cartilage de croissance épiphysaire migré etqui continuerait sa croissance cartilagineuse en plus de sonossification enchondrale subséquente. Cette croissance dyspla-sique aboutit à une excroissance osseuse sous-périostée avecune couche cartilagineuse qui croît depuis la surface de l’os[3,4].

L’ostéochondrome peut être solitaire ou ils peuvent êtremultiples. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une maladie autoso-mique dominante : l’exostose héréditaire multiple (EHM). Lespatients souffrant d’exostose multiple correspondent à environ12 % des cas, et environ 10–15 % des ostéochondromes sontsecondaires à une radiothérapie [5].

L’ostéochondrome du rachis est rare, représentant seulement1,3–4,1 % de tous les ostéochondromes solitaires. Le pourcen-tage est supérieur chez les patients avec une EHM, environ 8 %[5]. Alors que les ostéochondromes se multiplient partout ail-leurs dans le squelette chez les patients avec une EHM, deslésions solitaires ont plutôt tendance à se développer au niveaudu rachis [6]. Les ostéochondromes du rachis affectent lacolonne cervicale dans environ 50 % des cas, les vertèbresC1 ou C2 étant les plus fréquemment atteintes [7].

Chez notre patient, il n’y avait aucun cas familial d’EHM etdes radiographies de l’ensemble du squelette ne révélaientaucune autre lésion, ce qui nous a permis de conclure au diag-nostic d’ostéochondrome vertébral solitaire.

Les ostéochondromes lombaires solitaires avec complica-tions neurologiques sont très rares, car la majorité des lésionspousse en dehors du canal rachidien et ne cause habituellementaucun symptôme [8]. Dans une récente revue de la littératuredécrite par Bess et al., il y avait seulement 26 cas d’ostéochon-drome lombaire sur un total de 165 ostéochondromes rachi-diens. Seulement 12 cas (46 %) se compliquaient de manifes-tations neurologiques comme des radiculalgies dans lesmembres dont deux cas appartenaient à leur propre série [7].

L’imagerie par IRM révèle souvent de la matrice osseusecentrale (qui est en hypersignal sur les images pondérées enT1 et en signal intermédiaire sur les images pondérées en T2)avec une couche périphérique en hyposignal. La couche carti-lagineuse montre un hypersignal sur les images pondérées enT2 et un signal intermédiaire à faible sur les coupes pondéréesen T1, résultant de sa forte hydratation [9]. Comme cela étaitdéjà rapporté dans les ostéochondromes des os longs, l’IRMpeut détecter de façon certaine une couche cartilagineuseaussi fine que 3 mm [10]. Cependant, dans notre cas, l’épais-seur de la couche cartilagineuse était de 0,5 mm sur la totalitéde la lésion et elle n’avait pu être détectée par l’IRM. Dans le

canal médullaire, l’épaisseur du cartilage est habituellementtrès fine [9]. Sharma et al. ont rapporté dix cas d’ostéochon-dromes médullaires et ont montré que l’épaisseur de l’ostéo-chondrome était de 0,5–1,75 mm dans les dix cas confirmésen histologie [11].

Références

[1] Dahlin DC, Unni KK. Bone Tumors. 4th Ed. Springfield, IL: Charles C,Thomas; 1986; 19–22: 228–9.

[2] Robbins SE, Laitt RD, Lewis T. Hereditary spinal osteochondromas indiaphyseal aclasia. Neuroradiology 1996;38:59–61.

[3] Giudici MA, Moser Jr. RP, Kransdorf MJ. Cartilaginous bone tumors.Radiol Clin North Am 1993;31:237–59.

[4] Scarborough MR, Moreau G. Benign cartilage tumors. Orthop ClinNorth Am 1996;27:583–9.

[5] Gille O, Pointillart V, Vital JM. Courses of spinal solitary osteochondro-mas. Spine 2004;30:13–9.

[6] Barros TEP, Oliveira RP, Taricco MA, Gonzalez CH. Hereditary multi-ple exostoses and cervical ventral protuberance causing dysphagia. Spine1995;20:1640–2.

[7] Bess RS, Robbin MR, Bohlman HH, Thompson GH. Spinal exostoses:analysis of twelve cases and review of the literature. Spine 2005;30:774–80.

[8] Ohtori S, Yamagata M, Hanaoka E, Suzuki H, Takahashi K, Sameda H,et al. Osteochondroma in the lumbar spinal canal causing sciatic pain:report of two cases. J Orthop Sci 2003;8:112–5.

[9] Murphey MD, Choi JJ, Kransdorf MJ, Flemming DJ, Cannon FH. Fromthe Archives of the AFIP. Imaging of osteochondromas: variants andcomplications with radiologic-pathologic correlation. Radiographics2000;20:1407–34.

[10] Lee JK, Yao L, Wirth CR. MR imaging of solitary osteochondromas:report of eight cases. Am J Roentgenol 1987;149:557–60.

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[11] Sharma MC, Arora R, Deol PS, Mahapatra AK, Matha VS, Sarkar C.Osteochondroma of the spine: an enigmatic tumor of the spinal cord. Aseries of 10 cases. J Neurosurg Sci 2002;46:66–70.

Jo Byung-June*

Department of diagnostic radiology, Wooridul Spine Hospital,47-7 Chungdam-Dong, Gangnam-Gu, 135–100 Seoul,

République de CoréeAdresse e-mail : [email protected] (J. Byung-June).

Lee Sang-HoDepartment of neurosurgery, Wooridul Spine Hospital, Seoul,

République de Corée

Jeon Sang HyeopDepartment of thoracic and cardiovascular surgery,

Wooridul Spine Hospital, Seoul, République de Corée

Paeng Sung SukDepartment of pathology, Wooridul Spine Hospital, Seoul,

République de Corée

Chung Seung-EunDepartment of diagnostic radiology, Wooridul Spine Hospital,

47-7 Chungdam-Dong, Gangnam-Gu, 135–100 Seoul,République de Corée

Reçu le 18 novembre 2005 ; accepté le 7 avril 2006

Disponible sur internet le 21 mai 2007

*Auteur correspondant.

1169-8330/$ - see front matter © 2007 Publié par Elsevier Masson SAS.doi:10.1016/j.rhum.2006.04.014

Gêne lors des rapports sexuels secondaireà un ostéochondrome. Deux cas

Discomfort during sexual intercourse secondaryto osteochondroma. Two cases ◊

Mots clés : Complication des ostéochondromes ; Dyspareunie

Keywords: Osteochondroma complications; Dyspareunia

1. Introduction

Les ostéochondromes sont rarement associés à des compli-cations urologiques. On retrouve dans la littérature seulement

◊ Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans lemême volume de Joint Bone Spine.

trois cas d’ostéochondromes pelviens responsables d’hématuriepar compression de la vessie [1–3] et seulement un cas de dys-pareunie secondaire à un ostéochondrome [4]. Cet article rap-porte le cas de deux patients souffrant de dyspareunie causéepar une ostéochondrome pelvien. L’un d’eux souffrait aussi deproblèmes urinaires liés à une compression de l’urètre par latumeur, une complication apparemment jamais décrite dans lalittérature.

1.1. Cas 1

Un homme de 27 ans a été adressé par son médecin traitantpour une gêne survenant lors des rapports sexuels et une indu-ration située à gauche de la base du pénis. L’examen cliniquerévélait une tuméfaction osseuse au niveau de la branche ilio-pubienne gauche, sans autre anomalie notable. La radiographiesimple montrait une image compatible avec un ostéochon-drome de la branche iliopubienne gauche. Le scanner (Fig. 1)montrait une masse osseuse pédiculée s’étendant à partir de labranche iliopubienne gauche. La scintigraphie osseuse et tousles marqueurs du remodelage osseux étaient normaux. Unerésection chirurgicale de la tumeur fut pratiquée sous anesthé-sie générale et le diagnostic d’ostéochondrome confirmé enhistologie. Les suites opératoires furent simples et, six ansplus tard, le patient ne se plaignait d’aucun symptôme.

1.2. Cas 2

Un homme de 37 ans a consulté son urologue pour des dif-ficultés urinaires et une gêne survenant lors des rapportssexuels. L’examen clinique permettait de palper une tuméfac-tion osseuse indurée sur le côté droit de la base du pénis. Laradiographie simple montrait une structure ostéocondensanteau niveau de la branche iliopubienne droite, compatible avecun ostéochondrome. Le scanner (Fig. 2) montrait une massesessile sur la face antérieure de la branche iliopubienne droitedéplaçant l’urètre. Le patient fut transféré en chirurgie pourablation de la masse. L’histologie confirma le diagnosticd’ostéochondrome. Deux ans plus tard, le patient était toujoursasymptomatique.

Fig. 1. Scanner montrant un ostéochondrome de la branche iliopubiennegauche.