7

Click here to load reader

Pathologie maligne de la parotide

  • Upload
    m

  • View
    221

  • Download
    5

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Pathologie maligne de la parotide

CAS CLINIQUE AUX EXPERTS

Pathologie maligne de la parotide

Malignant disease of the parotid glandM. Makeieff a,*, B. Guerrier a,1, J.-M. Prades b, E. Reyt c, M. Zanaret d

a Service ORL et chirurgie cervico-faciale, hôpital Gui-de-Chauliac, CHU de Montpellier, 80, avenue Augustin-Fliche,34295 Montpellier cedex 5, Franceb Service ORL et chirurgie cervico-faciale, pavillon 50, hôpital Bellevue, CHU de Saint-Étienne, 42055 Saint-Étienne cedex 2, Francec Service ORL et chirurgie cervico-faciale, hôpital Michalon, CHU de Grenoble, BP 217, 38043 Grenoble cedex 09, Franced Département ORL et chirurgie cervico-faciale, CHU de la Timone, boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille cedex 5, France

Reçu le 21 janvier 2009 ; accepté le 23 janvier 2009Disponible sur Internet le 21 mars 2009

Annales d’Otolaryngologie et chirurgie cervico-faciale 126 (2009) 75–81

1. CAS CLINIQUE

Mademoiselle B., âgée de 27 ans, se présente à laconsultation pour une tuméfaction de la parotide gauche.Cette consultation est consécutive à l’avis d’un médecindermatologue. Cette tumeur est connue par la patiente depuisenviron un an à un an et demi, et elle ne ressent pas desymptomatologie particulière en dehors d’une discrètedouleur.

L’examen met en évidence une tumeur dure, arrondie,située entre la mastoïde et la branche montante de la mandibulelégèrement fixée aux plans profonds, et douloureuse à lapalpation appuyée. Il n’y a pas de paralysie faciale nid’adénopathie.

La patiente, infirmière, se présente à la consultation avec unscanner injecté dont l’interprétation est la suivante : mise enévidence d’une formation sphérique, rehaussée en couronne,d’environ un centimètre de diamètre, située dans la régionprétragienne gauche. Celle-ci est assez superficielle, a prioridéveloppée aux dépens de la parotide, en tout cas très aucontact. Totalement aspécifique, elle apparaît assez accessible àune ponction sous échographie. On note la présence destructures ganglionnaires jugulo-carotidiennes bilatérales, sansadénomégalie. Pour mémoire veine jugulaire gauche de petitcalibre (Fig. 1a, b, c).

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Makeieff).

1 Dossier coordonné par le Pr B.Guerrier, service ORL et chirurgie cervico-faciale, hôpital Gui-de-Chauliac, CHU de Montpellier, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5.

0003-438X/$ see front matter � 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserve

doi:10.1016/j.aorl.2009.01.003

2. QUESTIONS

2.1. Question no 1. Au décours de cetteconsultation, que décidez-vous ? Intérêt de lacytoponction dans ce cas ? Indication d’IRM ?Argumentez vos décisions

M. ZANARETIl s’agit donc d’une tumeur parotidienne connue depuis

plusieurs mois, dure et arrondie à la palpation, survenant chezune femme, sans atteinte du facial et sans statut ganglionnaireclinique. On pense, en premier, au diagnostic d’adénomepléïomorphe, malgré la présence d’une douleur à la palpation,qui est un signe sans grande spécificité.

Cependant, au scanner injecté, on visualise une tumeur :� présentant une prise de contraste hétérogène ;� à centre hypodense d’allure nécrotique ;� étendue à l’espace cellulograisseux sous cutané.

Ces éléments scannographiques sont inhabituels dans lesadénomes pléïomorphes.

À ce stade, il est logique de demander une IRM avant lacytoponction. J’informe la patiente que la cytoponction n’a paspour but d’éviter l’intervention chirurgicale, mais de préciser lediagnostic préopératoire et de l’informer de l’importance dugeste chirurgical et des risques spécifiques éventuels enfonction d’une histologie particulière ou maligne.

Le bilan par l’IRM met en évidence une formationganglionnaire jugulocarotidienne, ronde, mal limitée, infrac-entimétrique mais fortement rehaussée par le produit decontraste, a priori suspecte. La tumeur elle-même estrelativement mal explorée sur les coupes disponibles. Il est

s.

Page 2: Pathologie maligne de la parotide

Fig. 1. a, b, c. Aspect scannographique.

M. Makeieff et al. / Annales d’Otolaryngologie et chirurgie cervico-faciale 126 (2009) 75–8176

difficile de discerner sur les clichés présentés les quatre critèresessentiels en faveur de la malignité qui sont :� l’hétérogénéité du signal ;� l’irrégularité des contours ;� l’hyposignal en T2 ;� l’infiltration adjacente.

On note qu’il n’existe aucun cliché en diffusion qui aurait purenseigner sur la cellularité de la tumeur et du ganglion satellite.

É. REYTIl y a suffisamment d’éléments cliniques pour suspecter une

tumeur de la parotide et les données de la tomodensitométriele confirment. En dehors du fait que la tuméfaction parotidienneest douloureuse, il n’existe pas de signes pouvant faire évoquerla malignité comme une parésie faciale ou la présence d’uneadénopathie cervicale. Aucun autre examen complémentairene fera reporter l’indication d’une parotidectomie exploratrice.

La plus grande facilité d’accès à l’IRM depuis quelques annéeset les progrès diagnostiques de la cytologie nous font demander

ces deux examens. Il ne faut cependant pas que cette demanded’examens fasse retarder ou différer l’intervention chirurgicale.

Ils ont pour avantage :� de pouvoir mieux informer les patients ;� en cas de suspicion de tumeur maligne, d’avancer la nécessité

d’un curage ganglionnaire associé ;� informer d’un plus grand risque de paralysie faciale post-

opératoire au cas où la tumeur siégerait au contact du nerffacial ;� en cas de suspicion de tumeur maligne, un bilan d’extension

peut être entrepris avant l’intervention chirurgicale pourdépister une ou des éventuelles métastases viscérales enparticulier pulmonaires ou osseuses.

J.-M. PRADESL’indication d’IRM est pour moi systématique devant une

tuméfaction de la région parotidienne [1,2]. Cette imageriepermet d’avoir des caractéristiques tumorales précises,notamment pour l’adénome pléiomorphe et le cystadénolym-phome. La cytoponction n’est pas pratiquée en raison de sesdifficultés d’interprétation technique et de l’absence de réelleincidence sur la conduite à tenir.

M. MAKEIEFFLes éléments cliniques énoncés laissent fortement suspecter

une tumeur de la parotide. Il n’y a pas d’arguments spécifiquespermettant de s’orienter vers une tumeur maligne. La douleurest, en effet, un signe non spécifique et il n’est pas rapporté decroissance rapide de la tumeur. On évoque donc plutôt unadénome pléomorphe même si les aspects scannographiquesne sont pas particulièrement évocateurs. Il est tout à fait liciteactuellement et même conseillé de compléter le bilan par uneIRM et une cytoponction. Le couplage de ces deux techniquespermet un diagnostic de nature, établi en préopératoire, dansplus de 92 % des cas [1,3]. Cette attitude permettra aussi demieux informer le patient et d’effectuer un bilan extensionpréopératoire en cas de malignité suspecté par le bilan.

Données de l’IRM (Fig. 2).

2.2. Question no 2. Quelles informations donnez-vous alors à la patiente ?

J.-M. PRADESDans ce cas, il existe un impératif d’analyse histopatholo-

gique étant donné les caractéristiques IRM excluant les deuxplus fréquentes tumeurs bénignes [4]. Ainsi, la chirurgie doitêtre réalisée dans les « meilleurs délais ». Le risque facial estmodéré devant la petite taille de la tumeur (un centimètre dediamètre) ; néanmoins, dans notre pratique, la mise en placed’un contrôle per-opératoire par le NIM est systématique, carle matériel est disponible au bloc.

M. ZANARETÀ ce stade, j’informe la patiente qu’il n’est pas possible

d’éliminer la possibilité d’une tumeur maligne, compte tenu dela présence d’un ganglion à l’imagerie. Je lui réitère laproposition de la cytoponction préopératoire qui permet, en

Page 3: Pathologie maligne de la parotide

Fig. 2. Aspect IRM T1 et IRM T2 : présence d’une formation se projetant enregard du tragus, se rehaussant en T2, associée à une masse jugulocarotidiennehaute de 7,81 mm.

M. Makeieff et al. / Annales d’Otolaryngologie et chirurgie cervico-faciale 126 (2009) 75–81 77

association avec l’IRM, de répondre à la question bénin–malindans plus de 95 % des cas.

Je l’informe qu’il sera réalisé, très probablement, uneparotidectomie totale associée à un geste ganglionnaire, je luimentionne que la tumeur étant exofaciale et de relativementpetite taille, il ne devrait pas y avoir de séquelle définitive sur lefacial, mais qu’une paralysie faciale postopératoire d’une duréede un à deux mois est possible, et je lui remets la fiched’information habituelle.

M. MAKEIEFFLes indications chirurgicales des tumeurs de la parotide sont

encore sujettes de discussion. Dans ce cas précis, le diagnosticévoqué d’adénome pléomorphe, voire de tumeur maligne, faitrecommander une intervention chirurgicale. Celle-ci consisteraen une parotidectomie exploratrice avec analyse extemporanéeet adaptation du geste en fonction des résultats histologiques.

Le patient sera prévenu :� du déroulement de la procédure chirurgicale : parotidectomie

exploratrice, analyse histologique extemporanée et adaptationdu geste ultérieur en fonction des résultats de cette analyse ;� de la nécessité d’un séjour hospitalier de deux jours environ ;� d’un drainage en cas de curage ganglionnaire associé.

Toutes les informations nécessaires sont bien énoncéesdans la fiche d’information édictée par le collège français d’ORLet de chirurgie cervicofaciale, mais il est nécessaire deprécisément bien prévenir le patient :� de la ligne d’incision ;� du risque potentiel de paralysie faciale. Dans ce cas précis, la

localisation postéro-supérieure de la tumeur doit permettred’éviter une forte parésie ;� des séquelles esthétiques possibles (cicatrice et dépression) ;� de la possibilité de sudation postopératoire ;� des troubles sensitifs prolongés dans le territoire du nerf

auriculaire.

É. REYTJe lui expose en premier la nécessité d’une intervention

chirurgicale, que la tumeur soit bénigne ou non. Si le bilan nousfait suspecter une tumeur maligne, je propose à la patiente uneintervention dans les meilleurs délais. S’il n’existe pas de signeen faveur d’une tumeur maligne, je laisse au patient le choixd’une période où il serait plus disponible. À noter que lamajorité des patients souhaitent se faire opérer dans un délai nedépassant pas quelques semaines.

Je lui explique quelle incision sera réalisée, la nécessité d’undrainage d’un minimum de 48 heures et la nécessité d’uneanalyse anatomopathologique extemporanée. Je lui expliqueque cette analyse va guider la poursuite ou non du gestechirurgical, que la parotidectomie peut être totale en cas detumeur maligne ou en cas d’adénome pléïomorphe, qu’elle peutêtre suivie dans le même temps opératoire d’un curageganglionnaire. En règle, j’effectue un curage des territoiressous-digastrique (IIA) et rétrospinal (IIB).

Je lui expose la durée d’hospitalisation, habituellement de 48à 72 heures, les difficultés de mastication et la douleurpostopératoires qui peuvent nécessiter un traitement antal-gique après sa sortie d’hospitalisation.

Page 4: Pathologie maligne de la parotide

M. Makeieff et al. / Annales d’Otolaryngologie et chirurgie cervico-faciale 126 (2009) 75–8178

Enfin, je lui annonce qu’existera une anesthésie prolongéeou définitive de la portion inférieure du pavillon de l’oreilleconsécutive à la section de la branche auriculaire du plexuscervical et surtout le risque de paralysie faciale. Je confirme quece risque est important, mais si une paralysie faciale apparaît, enrègle, elle régresse en deux à trois mois sans traitementparticulier. Je lui annonce que nous utiliserons dans son cas unmonitoring nerveux qui permettrait, surtout en fin d’interven-tion, de pouvoir prédire le degré de paralysie et la rapidité derécupération de la motricité faciale.

Je parle aussi du syndrome de Frey, en disant qu’il estrarement invalidant, mais que nous aurons les moyens dele traiter si jamais il l’était. Je lui explique aussi qu’existeraune dépression rétromandibulaire après résection de laglande, mais que les patients n’en souffrent pas habituelle-ment.

Je lui remets la feuille rédigée et validée par le collège d’ORLet chirurgie cerviofaciale et lui dis que je pourrais répondre à denouvelles interrogations lors de la visite préopératoire la veillede l’intervention.

2.3. Question no 3. Une parotidectomieexploratrice est effectuée avec analyseextemporanée. La réponse del’anatomopathologiste est : aspect morphologiquecompatible avec un carcinome mucoépidermoïde.Quelle est votre décision en per-opératoire ?

M. ZANARETLa biopsie extemporanée est habituellement fiable pour le

diagnostic de carcinome mucoépidermoïde, et dans cesconditions, il sera réalisé une parotidectomie totale avecévidement des secteurs I, II, III et IV. Le geste doit être le pluslarge possible au niveau de l’environnement péritumoral, avec àce niveau une marge de sécurité, enlevant si cela est possible, latumeur et le tissu péritumoral en bloc. Cependant, si unebranche du nerf facial est au contact de la tumeur, celle-ci seraréclinée et conservée. En dehors d’un envahissement directd’une branche nerveuse, il n’y a pas de place pour le sacrificesystématique, même si la greffe est possible.

É. REYTJe complète le geste de parotidectomie pour effectuer une

parotidectomie totale. Si la tumeur siège au contact de lacarotide externe, j’effectue une ligature de celle-ci. En casd’envahissement de l’os tympanal, risque de la localisationpostérosupérieure, je prévois de faire une résection de l’os. Ilest habituellement difficile, en extemporané, de préciser legrade de malignité et donc difficile de réaliser une exérèsecomplémentaire des structures voisines dictée par les donnéesde l’anatomie pathologique. Je réalise un curage ganglionnairecervical sélectif au minimum des territoires IIA et IIB. Dans lecas où la tumeur envahirait une des branches du nerf facial, jesacrifie la branche sur une longueur de trois à quatrecentimètres et fait une greffe en utilisant la branche auriculairedu plexus cervical. Si la tumeur est proche de la tumeur sansenvahir le nerf et que celui-ci paraît macroscopiquement sain, je

le dissèque soigneusement selon les règles de dissection du nerffacial lors de parotidectomie.

J.-M. PRADESL’histologie extemporanée montre un carcinome muco-

épidermoïde probable. Une parotidectomie superficiellecomplète est effectuée en raison, là encore, de la petite taillede la tumeur. On ne pratique pas de parotidectomie endofacialeen raison du risque majeur fonctionnel. Un contrôlecelluloganglionnaire « fonctionnel » est également effectuédes secteurs II, III, IV, V. En effet, si les métastases ganglionnairessont rares pour les carcinomes mucoépidermoïdes de basgrade (5 % des cas), elles sont beaucoup plus fréquentes (80 %des cas) pour les carcinomes mucoépidermoïdes de haut grade.Bas grade et haut grade se partagent à peu près pour 50 %.

M. MAKEIEFFIl y a une indication de parotidectomie totale. Si les

structures anatomiques au contact de la tumeur (muscles,tympanal, carotide externe, éléments veineux) peuvent êtreretirées sans problème lors de l’intervention, il est parfoisdifficile de prendre une décision vis-à-vis du nerf facial. Dansnotre pratique, il est exceptionnel de recourir à une sectioncomplète du tronc du nerf sans certitude histologique et signesmanifestes d’invasion nerveuse.

Le problème qui se pose plus couramment est la décisionvis-à-vis d’un nerf facial très au contact de la tumeur :� si le nerf peut être clivé de la tumeur et qu’il ne présente pas

de signes d’invasion manifeste, il est toujours récliné ;� si le nerf est envahi manifestement, nous recourons

quasiment toujours à une section partielle.Ce n’est que dans les cas d’envahissement du tronc du nerf,

d’envahissement du trou stylomastoïdien que l’on recoure àune greffe nerveuse.

2.4. Question no 4. L’analyse histologique définitivea confirmé l’analyse histologique extemporanée,quelle est votre décision quant à la nécessité d’unethérapeutique complémentaire ?

M. ZANARETLa décision d’une thérapeutique complémentaire est basée

sur les trois critères pronostiques essentiels qui sont, par ordred’importance :� la qualité de l’exérèse ;� le stade ;� le grading histologique.

L’étude de la pièce opératoire par l’anatomopathologistedoit faire état de ces trois notions.

Il s’agit ici d’une lésion de petite taille, T1 clinique, devantcorrespondre à un pT1 après analyse histologique et a priori N-d’après l’énoncé de la question. Il s’agit donc d’un stade I.

La qualité de l’exérèse reste primordiale quel que soit legrade. Si l’étude de la pièce met en évidence une exérèsetotale macroscopique et microscopique, avec une marge desécurité, et l’absence de statut ganglionnaire, il n’y a pas detraitement complémentaire à prévoir, quel que soit le gradehistologique.

Page 5: Pathologie maligne de la parotide

M. Makeieff et al. / Annales d’Otolaryngologie et chirurgie cervico-faciale 126 (2009) 75–81 79

En cas de résection incomplète ou avec des marges positivesou douteuses, la reprise chirurgicale est une option possiblemais rarement réalisable, notamment dans ce cas, où sur lesdonnées de la biopsie extemporanée, il y a déjà eu uneparotidectomie totale et un geste ganglionnaire. Et dans ce cas,si l’exérèse est microscopiquement douteuse ou insuffisanteune radiothérapie par photonthérapie sera prescrite, quel quesoit le grade tumoral.

J.-M. PRADESLe carcinome mucoépidermoïde est confirmé par l’histo-

logie définitive. En pratique, après discussion en RCP, sil’histopathologie montre une exérèse tumorale complète etl’absence d’adénopathie cervicale métastatique, aucune radio-thérapie complémentaire n’est conseillée. Si les adénopathiessont envahies, et/ou l’exérèse tumorale « limite » (ce qui n’estvraisemblablement pas le cas ici) alors la radiothérapie esteffectuée.

É. REYTSi la tumeur mesure effectivement moins de deux

centimètres, qu’il s’agit d’un carcinome mucoépidermoïde debas grade, il s’agit d’une tumeur classée T1a. Si un biland’extension n’a pas été fait avant l’intervention chirurgicale,celui-ci permettra de dépister une ou des éventuellesmétastases viscérales, en particulier, pulmonaires ou osseuses.

En l’absence de métastase viscérale, la décision d’untraitement complémentaire repose sur la qualité de l’exérèse(recoupe à distance des berges de la tumeur), de l’existence ounon de métastase ganglionnaire cervicale. Si l’exérèse est jugéecomplète et s’il n’existe pas de métastase ganglionnaire, je nedécide pas de traitement complémentaire. En cas d’exérèsejugée incomplète macroscopiquement ou microscopiquement,il est nécessaire dans la mesure où une parotidectomie totale aété réalisée de faire une radiothérapie. La plus efficace seraitune neutronthérapie ou une hadronthérapie mais ces particuleslourdes sont plutôt utilisées en cas de contre-indicationchirurgicale ou de reliquat tumoral macroscopique. Lapremière n’est plus réalisée en France depuis la fermeturedu centre d’Orléans et la seconde ne sera mise en œuvrequ’après 2011 à Lyon. Nous pouvons proposer une photo-nthérapie conformationnelle 3D à la dose de 65 Gy. Le mêmetraitement sera proposé en cas de carcinome mucoépider-moïde de haut grade de malignité quelle que soit la qualitéd’exérèse analysée par l’anatomie pathologique.

En cas de métastase ganglionnaire cervicale, quel que soit legrade tumoral, une irradiation des aires ganglionnaires cervicalessera réalisée avec un photonthérapie, puis complémentd’électronthérapie à la dose de 65 Gy sur le site métastatiqueet 50 Gy sur les autres aires ganglionnaires. Nous pouvonseffectuer trois mois après la fin du traitement une imagerie typeIRM avec injection de Gadolinium de référence pour le suivi decette patiente pendant les cinq à dix années futures.

M. MAKEIEFFLa décision d’une irradiation complémentaire vis-à-vis d’un

carcinome mucoépidermoïde est difficile à prendre et doit fairel’objet d’une discussion en réunion de concertation pluridisci-

plinaire. Dans un premier temps, cette patiente doit bénéficierd’un bilan d’extension, même si la découverte de métastases estrare au moment du diagnostic initial.

Les critères de décision de traitement complémentaireseront :� le stade TNM ;� le grade histologique ;� la qualité de l’exérèse.

Dans ce cas clinique, il semble s’agir d’un stade T1 ouéventuellement T2, et a priori N0. Si l’opérateur est certain desmarges vis-à-vis du nerf facial et des structures proches de latumeur la décision de radiothérapie par photonthérapie reposealors sur le grade histologique.

3. COMMENTAIRES : B. GUERRIER

3.1. Bilan paraclinique

L’examen paraclinique de base est l’échographie. Lesappareils à ultrasons de haute résolution permettent uneexcellente caractérisation des différents plans et tissus ainsi quedes informations sur la vascularisation grâce au Doppler. Cetexamen simple, facilement disponible, de faible coût et noninvasif est très largement pratiqué comme examen systéma-tique d’exploration d’une masse parotidienne. Sa seule limiteanatomique est une visualisation limitée de la partie profondede la parotide.

De nombreux travaux ont tenté de définir des critères plusspécifiques des tumeurs malignes. Il est retenu la notion d’échoinhomogène, de limites irrégulières ou peu nettes, et unevascularisation intense en doppler. Mais ces critères s’appliquentsurtout pour les tumeurs de plus de un centimètre, en dessous ilssont peu discernables. L’échographie permet également deguider la cytoponction et améliore son rendement. Lacytoponction à l’aiguille fine est maintenant utilisée en pratiquecourante et entre dans les examens usuels du bilan préthéra-peutique d’une masse parotidienne. Elle permet de différencierbénignité et malignité de façon assez fiable, avec une sensitivitéévaluée à 88–93 % et une spécificité à 75–99 %.

L’IRM a acquis une place de choix dans l’exploration destumeurs parotidiennes. Ses principaux apports au bilan sontson excellente résolution anatomique et des données sur lanature tumorale. Sa valeur prédictive de malignité est élevéesupérieure à 80 % dans plusieurs études.

Les critères radiologiques de malignité sont essentiellement :� des contours irréguliers ;� l’envahissement des structures adjacentes ;� l’hyposignal T1 et surtout T2 ;� le rehaussement hétérogène.

Elle possède également une valeur prédictive importantepour les adénomes pléomorphes même si aucun des critèresn’est spécifique. Les séquences dynamiques sont maintenantutilisées pour affiner les critères de malignité. Ces techniquessont encore relativement peu répandues mais devraientconsidérablement se développer. L’IRM de diffusion permetla définition de paramètres quantifiables tels que le coefficientde diffusion (apparent diffusion coefficient ou ADC). Des valeurs

Page 6: Pathologie maligne de la parotide

M. Makeieff et al. / Annales d’Otolaryngologie et chirurgie cervico-faciale 126 (2009) 75–8180

basses de l’ADC et l’importance de la cellularité sont alors enfaveur de lésion malignes.

Au total, au terme du bilan paraclinique, la distinction entretumeur bénigne et maligne est assez fiable avec l’IRM et lacytoponction, mais la discrimination entre les différents typeshistologiques reste problématique [5]. Le recours à au moins unde ces examens peut être actuellement recommandé dans lebilan d’une masse parotidienne. L’association IRM + cytoponc-tion semble améliorer sensiblement la différentiation bénin/malin et peut être envisagée dans des cas difficiles.

3.2. Aspects histopronostiques

Environ 20 % des tumeurs de la parotide sont malignes. Parmices cancers, les adénocarcinomes et les carcinomes mucoépi-dermoïdes sont les formes histologiques les plus fréquentes [6].

Les carcinomes mucoépidermoïdes sont des tumeursmalignes épithéliales développées au dépend de l’épithéliumcanalaire. Ces tumeurs se rencontrent à tout âge, mais surtoutdans la tranche d’âge 35–65 ans et sans prédominance de sexe.Elles pourraient avoir comme facteur causal une exposition àdes radiations. Ces tumeurs sont de développement plus oumoins rapide. L’aspect histomorphologique permet d’établir ungrading histologique en fonction de critères de différenciation.Elles peuvent se différentier également par leur aspect clinique :les formes de bas grade avec une masse de croissance lente,non fixée, restant bien délimitée, sans adénopathie ni paralysiefaciale s’opposent aux tumeurs de haut grade qui secaractérisent, elles, par une croissance rapide, une massemal limitée, volontiers fixée et un taux de paralysie faciale élevé.

Les études ont bien corrélé le stade TNM avec la survie et letaux de récidive. Trois facteurs apparaissent assez significatifs.Le premier est la taille de la tumeur. Les tumeurs de tailleinférieure à quatre centimètres (T1 ou T2), quel que soit legrade histologique, ont un pronostic très supérieur (supérieur à95 %) aux tumeurs de plus de quatre centimètres. L’atteintehistologique du nerf facial, ainsi que l’atteinte cutanée sontégalement des critères pronostiques importants.

3.3. Traitement

La chirurgie la plus conservatrice et la radiothérapiepostopératoire constituent les bases du traitement. Il y a unconsensus sur le traitement chirurgical qui doit consister auminimum en une parotidectomie la plus large possible sinontotale. L’attitude vis-à-vis du nerf facial est, en revanche, l’objetde controverse. La conservation du nerf facial est systématiqueen l’absence d’envahissement. Mais, comme en témoignent lesréponses apportées à ce cas clinique, l’attitude vis-à-vis du nerffacial en cas d’atteinte clinique et/ou histologique varie selon lescentres. Certains sont assez conservateurs, adeptes d’unedissection nerveuse même transtumorale, quitte à laisser enplace un résidu le plus minime possible alors que d’autres sontplus radicaux. Ainsi, on voit que la résection nerveuse (enparticulier tronculaire) suivie de réparation systématique n’estpas pratiquée de façon identique selon les centres. Il semble,néanmoins, que l’on puisse reconnaître comme actuelle la

tendance à étendre la préservation nerveuse, en particuliertronculaire. Des études récentes ont, en effet, confirmél’absence de majoration du taux de récidive lors de chirurgielaissant un résidu minime au contact du nerf, suivie deradiothérapie, par rapport aux conduites thérapeutiques plussystématiques vis-à-vis du nerf facial [7].

En l’absence de ganglions cliniques ou scannographiques,l’évidement ganglionnaire cervical et son étendue ne font pasl’objet de consensus. Il est recommandé néanmoins depratiquer un évidement ganglionnaire des aires II, III et IVdans le cas de tumeurs de stade avancé T3/T4 et/ou de hautgrade de malignité. Dans les pratiques rapportées dans ce casclinique, tous les auteurs s’accordent sur un évidement minimaldes premiers relais ganglionnaires qui sont facilement accessi-bles lors du geste opératoire et sans agrandir l’incision.

3.4. La radiothérapie

La radiothérapie postopératoire n’est pas systématique maisadaptée de manière à diminuer le taux de récidive locorégio-nale [8,9]. Ses indications sont les formes de haut grade, quelque soit le stade et les formes de bas grade T3 ou T4 [10]. Ellescorrespondent donc aux tumeurs de stade III et IV. Les formesinférieures à deux centimètres avec des marges suffisantes eten absence de critères histologiques de gravité peuvent ne pasêtre irradiées.

Considérés individuellement, les critères d’irradiation sontessentiellement :� des marges d’exérèse envahies ou insuffisantes ;� l’invasion de la gaine périnerveuse ;� l’envahissement des structures anatomiques de la loge

parotidienne ;� des adénopathies métastatiques ;� les tumeurs de la partie profonde et du prolongement

pharyngien ;

� les carcinomes adénoïdes kystiques. Malgré une réputation

de radiorésistance relative, ces lésions sont quasimentsystématiquement irradiées compte tenu de leur capacitéde dissémination microscopique à distance le long des gainesnerveuses.

RÉFÉRENCES

[1] Bensadoun RJ, Allavena C, Chauvel P, Dassonville O, Demard F, Dieu-Bosquet L, et al. Update of standards, options and recommendations formanagement of patients with salivary gland malignant tumors. Bull Cancer2003;90:629–42.

[2] Vogl TH, Balzer J, Mack M, Steger W. Differential diagnosis in head andneck imaging. Vol. 1 ; Thième éd; 1999. p. 237–53.

[3] Lee YY, Wong KT, King AD, Ahuja AT. Imaging of salivary gland tumours.Eur J Radiol 2008;66:419–36.

[4] Prades JM, Oletski A, Faye MB, et al. Morphologie IRM des tuméfactions dela glande parotide. Corrélation histopathologique. Morphologie2007;91:44–51.

[5] Zbaren P, Guelat D, Loosli H, Stauffer E. Parotid tumors: Fine-needleaspiration and/or frozen section. Otolaryngol Head Neck Surg2008;139:811–5.

[6] Ellis GL, Auclair PL. Tumors of the salivary glands atlas of tumor pathology.Armed Forces of Institute Pathology; 1996 [3rd series, fascicle 17].

Page 7: Pathologie maligne de la parotide

M. Makeieff et al. / Annales d’Otolaryngologie et chirurgie cervico-faciale 126 (2009) 75–81 81

[7] Iyer NG, Clark JR, Murali R, Gao K, O’Brien CJ. Outcomes followingparotidectomy for metastatic squamous cell carcinoma with microscopicresidual disease: implications for facial nerve preservation. Head Neck2008. Epub ahead of print.

[8] Jeannon JP, Calman F, Gleeson M, McGurk M, Morgan P, O’Connell M,et al. Management of advanced parotid cancer. A systematic review. Eur JSurg Oncol 2008. epub ahead of print.

[9] Aro K, Leivo I, Makitie AA. Management and outcome of patients withmucoepidermoid carcinoma of major salivary gland origin: A singleinstitution’s 30-year experience. Laryngoscope 2008;118:258–62.

[10] Schroeder U, Groppe D, Mueller RP, Guntinas-Lichius O. Parotid cancer:Impact of changes from the 1997 to the 2002 American joint committeeon cancer classification on outcome prediction. Cancer 2008;113:758–64.