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Résumé Prévalence des troubles cognitifs chez les sujets porteurs de la prémutation du gène fmr1 M. Sévin 1, 2* , Z. Kutalik 3, 4 , S. Bergmann 3, 4 , M. Vercelletto 1, 2 , P. Renou 1, 2 , E. Lamy 1, 2 , P. Boisseau 5 , S. Bezieau 5 , L. Pasquier 6 , JM Rival 5 , JS Beckmann 3, 7 , P. Damier 1, 2 , S. Jacquemont 7 1 INSERM, CIC 04, Nantes, France. 2 Clinique Neurologique, Centre Hospitalier Universitaire de Nantes, France 3 Department of Medical Genetics, University of Lausanne, Switzerland 4 Swiss Institute for Bioinformatics, Lausanne, Switzerland 5 Service de Génétique Médicale, Centre Hospitalier Universitaire de Nantes, France 6 Service de Génétique Médicale, Centre Hospitalier Universitaire de Rennes, France 7 Service de Génétique Médicale, CHUV, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne, Switzerland Contexte : Les hommes porteurs de la prémutation du gène FMR1 (une expansion de plus de 55 triplets CGG en région non codante du gène), sont exposés au risque de développer une affection neurodégénérative de début tardif, de description récente, le syndrome FXTAS (Fragile X-associated Tremor Ataxia Syndrome). La prémutation est instable, et évolue dans la générations suivantes vers la mutation complète (plus de 200 triplets), responsable du syndrome de l’X fragile. Les principaux signes du syndrome FXTAS sont une ataxie cérébelleuse, un tremblement intentionnel et des troubles cognitifs. Les troubles cognitifs pourraient représenter le principal facteur de perte d’autonomie dans ce syndrome. A ce jour, aucune donnée n’est cependant disponible sur la fréquence de ces troubles. Patients et méthodes : Des hommes âgés de 50 ans et plus furent recrutés dans des familles comportant des sujets atteints du syndrome de l’X fragile. Le statut génétique ou neurologique des candidats n’était pas pris en compte pour l’inclusion. Les capacités cognitives globales des participants furent évaluées par l’échelle de Mattis (MDRS). Les fonctions exécutives, la mémoire de travail, les performances visuospatiales et les capacités de raisonnement furent évaluées par des épreuves spécifiques. Les résultats de l’analyse moléculaire du gène FMR1, déterminant le statut géné- tique et le nombre de répétitions CGG pour chaque participant, étaient obtenus après ces évaluations cognitives, garantissant une analyse en double aveugle. Résultats : Soixante-deux participants furent inclus dans l’étude. L’analyse moléculaire révéla la présence de 27 pré- mutés et de 35 témoins intra-familiaux. En régression linéaire multiple, après correction pour l’âge et le niveau d’éducation, il existait une corrélation significative entre le nombre de répéti- tions CGG et les scores obtenus à la MDRS, ainsi que sur les tests explorant les fonctions exécutives, les fonctions visuospatiales, et les capacités de raisonnement (p<0,001). Ce modèle linéaire fut utilisé pour prédire le risque de développer des troubles cognitifs en fonction du nombre de répétitions CGG, de l’âge, et du niveau d’éducation. En prenant comme seuil pathologique le score de 129 pour la MDRS, la pénétrance du déclin cognitif sévère à 70 ans était de 81 % chez les sujets porteurs de grandes prémutations (90 CGG), de 50 % pour les petites prémutations (60 CGG) et de 4 % chez les contrôles. A 6 ans, ces fréquence étaient respectivement dans les trois groupes de 42 %, 1 %, et 0 %. * Orateur REVUE NEUROLOGIQUE 164 (2008) S5-S6

Prévalence des troubles cognitifs chez les sujets porteurs de la prémutation du gène fmr1

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Résumé

Prévalence des troubles cognitifs chez les sujets porteurs de la prémutation du gène fmr1

M. Sévin1, 2*, Z. Kutalik3, 4, S. Bergmann3, 4, M. Vercelletto1, 2, P. Renou1, 2, E. Lamy1, 2, P. Boisseau5, S. Bezieau5, L. Pasquier6, JM Rival5, JS Beckmann3, 7, P. Damier1, 2, S. Jacquemont7

1 INSERM, CIC 04, Nantes, France.2 Clinique Neurologique, Centre Hospitalier Universitaire de Nantes, France3 Department of Medical Genetics, University of Lausanne, Switzerland4 Swiss Institute for Bioinformatics, Lausanne, Switzerland5 Service de Génétique Médicale, Centre Hospitalier Universitaire de Nantes, France6 Service de Génétique Médicale, Centre Hospitalier Universitaire de Rennes, France7 Service de Génétique Médicale, CHUV, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne, Switzerland

Contexte : Les hommes porteurs de la prémutation du gène FMR1 (une expansion de plus de 55 triplets CGG en région non codante du gène), sont exposés au risque de développer une affection neurodégénérative de début tardif, de description récente, le syndrome FXTAS (Fragile X-associated Tremor Ataxia Syndrome). La prémutation est instable, et évolue dans la générations suivantes vers la mutation complète (plus de 200 triplets), responsable du syndrome de l’X fragile. Les principaux signes du syndrome FXTAS sont une ataxie cérébelleuse, un tremblement intentionnel et des troubles cognitifs. Les troubles cognitifs pourraient représenter le principal facteur de perte d’autonomie dans ce syndrome. A ce jour, aucune donnée n’est cependant disponible sur la fréquence de ces troubles.

Patients et méthodes : Des hommes âgés de 50 ans et plus furent recrutés dans des familles comportant des sujets atteints du syndrome de l’X fragile. Le statut génétique ou neurologique des candidats n’était pas pris en compte pour l’inclusion. Les capacités cognitives globales des participants furent évaluées par l’échelle de Mattis (MDRS). Les fonctions exécutives, la mémoire de travail, les performances visuospatiales et les capacités de raisonnement furent évaluées par des épreuves spécifi ques. Les résultats de

l’analyse moléculaire du gène FMR1, déterminant le statut géné-tique et le nombre de répétitions CGG pour chaque participant, étaient obtenus après ces évaluations cognitives, garantissant une analyse en double aveugle.

Résultats : Soixante-deux participants furent inclus dans l’étude. L’analyse moléculaire révéla la présence de 27 pré-mutés et de 35 témoins intra-familiaux. En régression linéaire multiple, après correction pour l’âge et le niveau d’éducation, il existait une corrélation signifi cative entre le nombre de répéti-tions CGG et les scores obtenus à la MDRS, ainsi que sur les tests explorant les fonctions exécutives, les fonctions visuospatiales, et les capacités de raisonnement (p<0,001). Ce modèle linéaire fut utilisé pour prédire le risque de développer des troubles cognitifs en fonction du nombre de répétitions CGG, de l’âge, et du niveau d’éducation. En prenant comme seuil pathologique le score de 129 pour la MDRS, la pénétrance du déclin cognitif sévère à 70 ans était de 81 % chez les sujets porteurs de grandes prémutations (90 CGG), de 50 % pour les petites prémutations (60 CGG) et de 4 % chez les contrôles. A 6 ans, ces fréquence étaient respectivement dans les trois groupes de 42 %, 1 %, et 0 %.

* Orateur

REVUE NEUROLOGIQUE 164 (2008) S5-S6

Conclusions : Les hommes porteurs de la permutation du gène FMR1 sont exposés à un risqué élevé de troubles cognitifs sévères. Ce risque augmente fortement avec la taille de la permutation. Etant donné la fréquence de cet allèle dans la population générale

(1/800 hommes), la prémutation de FMR1 pourrait constituer la plus fréquente des affections monogéniques responsables de trou-bles cognitifs et de démence.

S6 REVUE NEUROLOGIQUE 164 (2008) S5-S6