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Rodolphe Guilland La noblesse byzantine. Remarques In: Revue des études byzantines, tome 24, 1966. pp. 40-57. Citer ce document / Cite this document : Guilland Rodolphe. La noblesse byzantine. Remarques. In: Revue des études byzantines, tome 24, 1966. pp. 40-57. doi : 10.3406/rebyz.1966.1359 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1966_num_24_1_1359

Rodolphe Guilland, La noblesse byzantine. Remarques

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Rodolphe Guilland

La noblesse byzantine. RemarquesIn: Revue des études byzantines, tome 24, 1966. pp. 40-57.

Citer ce document / Cite this document :

Guilland Rodolphe. La noblesse byzantine. Remarques. In: Revue des études byzantines, tome 24, 1966. pp. 40-57.

doi : 10.3406/rebyz.1966.1359

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1966_num_24_1_1359

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LA NOBLESSE BYZANTINE

REMARQUES

Constantin Ier le Grand dota sa nouvelle capitale, fondée en 330, d'un Sénat, sur le modèle du Sénat de Rome, organisa une puissante hiérarchie de fonctionnaires et enfin créa une noblesse officielle, décorée de titres pompeux et jouissant de nombreux privilèges et immunités. Quelques sénateurs, représentants de la haute aristocratie romaine, avaient suivi la fortune de l'empereur; ils entrèrent de droit dans le nouveau Sénat; plusieurs d'entre eux reçurent, en outre, le titre de patrice, imaginé par Constantin Ier pour récompenser les services exceptionnels et les fidèles dévouements. Dans la suite des siècles, les plus nobles familles byzantines s'honoraient de compter parmi leurs ancêtres l'un des compagnons de Constantin Ier le Grand et de faire remonter leurs origines aux vieilles génies romaines.

En dépit de la tradition, on peut avancer qu'en réalité assez rares furent les familles qui consentirent à s'expatrier et à quitter les bords du Tibre pour les rives du Bosphore. La noblesse byzantine se recruta donc en grande partie dans les notables familles indigènes ou provinciales dont les membres avaient été appelés, dès le début, à exercer des offices publics et avaient obtenu, en récompense de leurs services, des titres nobiliaires, leur ouvrant l'accès de l'ordre sénatorial et du Sénat.

L'ordre sénatorial comprend toute la noblesse ou plus exactement toute la haute noblesse de l'empire. C'est une classe sociale privilégiée. Le Sénat est une assemblée restreinte, jouissant, au moins en théorie, de pouvoirs politiques, législatifs et judiciaires assez étendus et se recrutant dans l'ordre sénatorial, d'après des règles variant selon les époques. Mais il y a lieu de noter que la distinction entre l'ordre sénatorial et le Sénat n'est pas toujours nettement établie par les textes, qui sous le nom. de Sénat confondent l'ordre et l'assemblée. Dans ce sens large, Sénat et noblesse sont deux termes synonymes.

La noblesse byzantine est, dans son ensemble, une noblesse de

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fonctionnaires, en ce sens que le titre nobiliaire est attaché en quelque sorte à la fonction et n'est concédé le plus souvent qu'en raison de la fonction. Ce n'est pas, comme à Rome, une caste fermée, dont la naissance seule ouvrait les portes, c'est une classe sociale accessible à tous. Sans doute, la naissance favorisait singulièrement la course aux honneurs, car les empereurs choisissaient de préférence les hauts fonctionnaires dans les vieilles familles, mais l'intelligence et le mérite permettaient également d'atteindre au sommet de la hiérarchie et de conquérir les titres nobiliaires les plus éclatants. Il est certain qu'au début les classes inférieures fournirent un grand nombre de fonctionnaires et par suite de nobles. De simples fils d'affranchis parvinrent même au clarissimat (1). Pour administrer l'empire, on avait, en effet, besoin de toutes les bonnes volontés et de tous les concours. Le Bas Empire favorisa singulièrement l'ascension des basses classes, en leur ouvrant toutes grandes les portes de l'administration (2). Les hommes nouveaux, homines novi, ces roturiers d'origine obscure ou vile, par le jeu normal de l'avancement, pouvaient prétendre à tout, surtout s'ils étaient assez habiles, pour capter la confiance de l'empereur. Les empereurs, en effet, surtout depuis GonsLanLin Ier le Grand (323-337), prenaient souvent les fonctionnaires les plus élevés en dehors des familles sénatoriales dans les plus basses de la société et les introduisaient directement au Sénat (3). A mesure que ces hommes nouveaux montaient d'un échelon dans la carrière administrative, ils montaient en même temps d'un degré dans la hiérarchie nobiliaire et prenaient rang dans l'ordre sénatorial, en attendant leur admission définitive au Sénat, qui consacrait définitivement leur noblesse. Ils entraînaient, d'ailleurs, leur famille dans leur ascension; ces annoblis de fraîche date faisaient souche de nobles, car, si les titres nobiliaires étaient strictement personnels, la condition de sénateur était héréditaire, en droit, pour trois générations, en fait, sans limites bien fixes (4).

Descendre d'une famille sénatoriale n'était pas une preuve irrécusable de noblesse. Sans doute, le lointain descendant d'un sénateur pouvait, par suite de vicissitudes, ne plus porter de titre, mais il restait au moins gentilhomme. A côté de cette noblesse de titres se créait insensiblement une noblesse de race, souvent trop pauvre pour figurer à la Cour ou trop oubliée pour solliciter des emplois, mais

(1) C.J. XII, 1, 9, sous Julien. (2) Ch. Lécrivain, Le Sénat romain depuis Dioclêlien, Paris, 1888, p. 37. (2) Ch. Lécrivain, op. cil. p. 49-50. (4) V. Duruy, Histoire des RomainsWl, 179.

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fière de ses lointains ancêtres et toujours prête, en une occasion favorable, à revendiquer son rang. Cette vieille noblesse, dont l'origine se perdait dans la nuit des temps, selon la parole de Psellos (5), conservait pieusement ses traditions et professait un profond mépris pour les parvenus.

L'histoire de la noblesse byzantine pendant le Haut Moyen Age byzantin est encore assez obscure. La Notitia Dignitatum, sorte d'alma- nach général des fonctions, offices et dignités, rédigé vraisemblablement sous Théodose II, au début du Y0 siècle, donne de précieux renseignements sur l'organisation de la noblesse byzantine, à cette époque. A ces renseignements s'ajoutent ceux que fournissent les Codes de Théodose et de Justinien, ainsi que les divers historiens et chroniqueurs, entre autres. La hiérarchie nobiliaire comptait 6 classes, soit dans l'ordre ascendant :

lre classe 2e classe 3e classe 4e classe 5e classe 6e classe

l'égrégiat, le perfectissimat, le clarissimat, le spectabilat, l'illustrât, le nobilissimat.

Selon la classe à laquelle ils appartenaient, les nobles portaient les titres suivants :

1° Egrège, egregius, κράτιστος. 2° Perfectissime, perfectissimus, διασημότατος. 3° Clarissime, clarissimus, λαμπρότατος (6). 4° Respectable, spectabilis, περίβλεπτος, σπεκταβίλιος (7). 5° Illustre, illustris, Ίλλούστριος. 6° Nobilissime, nobilissimus, νωβελίσσιμος (8).

Sauf le titre de nobilissime, apanage exlusif de la famille impériale, tous les autres titres étaient attachés à une fonction, de sorte que,

(5) Sathas, MB V, p. 205. Cf. R. Guiuand « La noblesse de race à Byzance. i> Byz. Slavica IX, 1948, p. 307-314.

(6) Ou encore συγκλητικός (Du Gange. Gloss, s. v.) et peut-être επίσημος (Cer. I, 89, 398 et Reiske II, 393). Cf. Theoph. Bonn 676 επίσημοι άρχοντες, ; id. 276 : δύο των επισημότερων. Zonaras III, 267, των επισήμων άνήρ

(7) Ηαντον. « Lexique explicatif du Recueil des inscriptions grecques chrétiennes d'Asie mineure », Byzantion IV, 1929, p. 100.

(8) Beaucoup plus rarement επιφανέστατος [Chr. Pasc. 610, 666) et περιφανέστατος (Ger. Π, 679), qui sont peut-être plus des épithètes que des titres de noblesse.

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théoriquement, on ne pouvait les obtenir qu'en exerçant la fonction qui y donnait droit. En fait, on les obtenait soit régulièrement, soit irrégulièrement par divers moyens, comme nous le verrons.

1. Uégrégiat (9).

Introduit ou maintenu dans la hiérarchie nobiliaire par Constantin Ier le Grand, ce titre disparut avec lui. Ce titre purement personnel était donné, au ive siècle, à de bas employés comme récompense de leurs services. Il correspondait, semble-t-il, à la deuxième classe de l'ancien équestrat, tombé en désuétude (10).

2. Le perfectissimat.

Le titre de perfectissime, cité dans une loi de 290 (11): correspondait, au ve siècle, à la première classe de l'équestrat (12). Il était largement concédé à une foule de fonctionnaires subalternes, soit à raison de leurs fonctions, soit comme récompense, après un certain temps de service ou au moment de leur retraite. Le titre, strictement personnel (13), ne conférait pas à celui qui en était investi de bien grands privilèges, mais c'était un acheminement dans la voie des honneurs. Comme il était d'usage, en effet, de conférer au fonctionnaire retraité, mais comme distinction purement honorifique (14), le titre supérieur à celui qu'il portait au moment de sa mise à la retraite, tout perfectissime pouvait espérer obtenir, à la fin de sa carrière, le clarissimat honoraire, qui le faisait entrer dans les rangs de la noblesse sénatoriale (15).

D'autre part, l'armée toute puissante des fonctionnaires travaillait sans cesse à arracher à la faiblesse des empereurs de nouveaux privilèges. A chaque instant, une forte poussée de bas en haut rompait les cloisons fragiles de la hiérarchie et toute une catégorie de fonctionnaires passait en bloc d'une classe dans l'autre. Les perfectissimes

(9) Cf. R. Guilland. (Études sur l'histoire administrative de l'Empire byzantin à la haute époque. (iv-vie siècles). Remarques sur les titres nobiliaires : égrège, perfectissime, clarissime » (en russe), Viz.. Vrem- XXIV, 1964, p. 35-37.

(10) Ch. Lécrivain, Le Sénat romain..., p. 25. (11) C. J. XI, 41, II, de quaest.; sur le perfectissimat; cf. R. Guilland, op. cit. p. 37-41. (12) C. J. XII, 32, de equestri dign. : équestres romanos secundum gradum post clarissi-

matus dignitatem obtinere jubemus (an 364). (13) C. Th. VI, 22, 14. (14) C. Th. XII, 1, 26 de decurion. : ex perfectissimis honorariis (an 338). (15) C. Th. XII, I, 5, dedecur. : quique merito amplissimarum administrationum honorem

perfectissimatus vel egregiatus adepti sunt... Si vero, suffragio comparato, perfectissimatus vel egregiatus meruerint (an 317).

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devenaient clarissimes, les clarissimes, respectables, les respectables, illustres (16). Les empereurs essayaient alors de rétablir l'équilibre, en créant de nouveaux titres ou plutôt de nouvelles subdivisions dans les classes nobiliaires, pour donner satisfaction aux intérêts lésés par ces brusques irruptions.

Les textes permettent de constater cette déconcertante instabilité dans le rang des fonctions, qui s'élèvent toujours de plus en plus dans la hiérarchie pour tenter d'arriver jusqu'au Sénat, but de toutes les ambitions. Le perfectissimat, déserté par en haut, ne se recrute plus que par en bas et l'on peut supposer que tous les petits employés, groupés par Constantin Ier le Grand dans la classe des égrèges, passèrent dans celle du perfectissimat. Un texte du Gode Théodosien (17) montre combien le perfectissimat était vite tombé en discrédit. Pour obtenir un brevet de perfectissime, il suffisait de n'être ni esclave ni serviteur salarié ni marchand. On voit ainsi le perfectissimat conféré aux numerarii (18), aux actuarii (19), aux employés des Postes après 5 ans (20), aux cohortales (21). L'empereur exigeait bien encore que le brevet ne fût pas acheté à prix d'argent, mais cette dernière condition ne devait pas être bien rigoureusement observée.

3. Le clarissimat (22).

A Byzance, le titre de clarissime est attaché à diverses fonctions dont le nombre va toujours en croissant et l'importance en diminuant. Dresser la liste des fonctions donnant droit au clarissimat serait d'intérêt médiocre, car cette liste n'aurait de valeur que pour une époque restreinte. Dès après Constantin Ier le Grand, en effet, on peut constater un mouvement ascensionnel continu dans la hiérarchie. Tel fonctionnaire, simplement clarissime sous un empereur, devient respectable ou même illustre sous un autre (23). On conçoit sans peine que le titre de clarissime ait été fort recherché, car ce titre donnait accès à l'ordre sénatorial et, au ive siècle, sous certaines conditions, au Sénat. Si, à l'époque de Constantin Ier, le titre officiel de clarissime

(16) C. Th. XII, I, 15 : ita ut qui perfectissimatus sibi honore blandiuntur... (an 327); id. 42 : qui ex praesidibus vel perfectissimatus acoessione cumulati... (an 354).

(17) C. Th. VI, 37, de perfect. dign.-C.J. XII, 33, de perfect, dign. (18) C. Th. VIII, I, 6, de numerar., actuar (an 362). (19) C. Th. VIII, I, 10 (an 365). (20) C. Th. VIII, 5, 36 : de cursu publico (an 381). (21) C Th. VIII, 4, 3, de cohort (an 317). (22) Sur le clarissimat, cf. R. Guilland, op. cit.; p. 41-48. Cf. Hanton, op. cit. p. 101. (23)Cod. Theod. XII. I, 42, de decur. Si quis clarissimae meruerit infulas dignitatis...

(an 354). Cf. Ch. Lécrivain, op. cit. p. 48.

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paraît avoir été décerné aux plus hauts fonctionnaires, il n'en était, semble-t-il, plus de même sous Justinien Ier, au vie siècle, qui déclare, dans sa Novelle 71, que souvent les clarissinies étaient peu fortunés,

4. Le spectabilat.

Le titre de respectable, vir spectabilis, apparaît assez tardivement vers l'an 378, dans la hiérarchie nobiliaire. Ce titre intermédiaire entre le clarissimat et l'illustrât semble avoir été créé pour établir sinon une barrière, du moins, une étape entre deux classes nobiliaires dont l'une tentait de déborder l'autre. Le domaine du spectabilat n'est donc pas très nettement limité, du moins à ses débuts. Certains fonctionnaires ajoutent, en effet, à leur titre de clarissime celui de respectable, vir clarissimus et spectabilis, comme si ce second titre n'avait pas en soi une valeur bien précise. Ainsi, le préteur de Lycaonie est spectabilis, même s'il a une dignité supérieure (24). C'est vraisemblablement au spectabilat que fait allusion le livre des Cérémonies avec l'expression ενα των επισήμων (25). Il en est probablement de même lorsque Théophylacte Simocatta cite, sous le règne de Maurice (582-602), un certain Hebdomitès, affilié à la faction des Verts, qu'il qualifie de άνήρ επίσημος (26) et lorsque Cédrène dit que Zenon (474-491) fit périr divers personnages parmi των επισήμων (27) ou encore lorsqu'avec Zonaras il rapporte que Photius était άνήρ των επισήμων, quand, en 858, il fut élevé au patriarcat (28).

5. V illustrât.

Le titre d'illustre semble avoir été créé vers le milieu du rve siècle, probablement par Constance II (337-361), pour les deux plus hauts magistrats civils de l'Empire : le Préfet du Prétoire et le Préfet de la Ville. Plus tard, ce titre fut étendu à quelques hauts fonctionnaires, dont les textes donnent la liste, d'ailleurs, assez courte. A la fin du IVe siècle, la classe des illustres ne constituait qu'un simple groupement de hauts fonctionnaires et de rares assimilés. Un demi siècle plus tard, c'était une véritable classe sociale, une sorte de noblesse supérieure, ayant des privilèges considérables. Au sein de l'illustrât, il s'établit peu à peu une hiérarchie, réglée d'après le mode d'obtention

(24) Novelle xxv, c. 5. (25) Cer. I, 89, 398. (26) Theophyl. Simoc. 332. (27) Cedr. I, 622. (28) Cedr. II, 172-Zonaras III. 403.

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du titre. Plus tard, cette hiérarchie se fixa par la création de qualificatifs officiels spéciaux : magnificentissimus, excellentissimus 1 glorio- sissimus (29). Une réforme vint enfin donner à l'illustrât une importance nouvelle.

Au début, le Sénat se recrutait parmi les trois grandes classes de la noblesse : le clarissimat, le spectabilat et l'illustrât. Mais, dès le ve siècle, l'illustrât tendait à former une classe à part. D'un autre côté, une constitution de Théodore II et de Valentinien III (30) dispense de l'obligation de résidence dans les deux capitales les clarissimes et les respectables, qui très certainement perdent alors le droit de séance au Sénat. Profitant de l'autorisation, un grand nombre de clarissimes et de respectables déserta, sans doute, le Sénat et rentra dans l'ordre sénatorial. Il n'y avait plus dès lors de raisons plausibles pour maintenir au Sénat les représentants de la classe des respectables et de celle des clarissimes, en résidence à Byzance; leur exclusion fut donc prononcée. Dès avant Justinien Ier, le Sénat ne se recrutait plus que dans l'illustrât. Le titre d'illustre, sans indications complémentaires, devient synonyme de sénateur (31). Amputé de deux classes, le Sénat se transforme en une assemblée de hauts fonctionnaires en activité ou en retraite. Toutefois, de nombreux assimilés y ont également accès, mais dans les rangs inférieurs et, le plus souvent, sans droit de suffrage.

Au vie siècle, sous le règne de Justinien Ier, il est fait souvent mention de l'illustrât. Lors de la révolte Nika (532), « dix-huit patrices, illustres et consulaires » furent condamnés, avec Hypace, à la confiscation de leurs biens (32) Justinien Ier confère l'illustrât aux principaux citoyens d'Antioche, de Laodicée et de Séleucie (33). Agathias écrit une épigramme « sur une icône de Théodore, illustre et deux fois proconsul » (34). Sous Justin Ier (518-527), un personnage fort riche, nommé Zicca, illustre, fut exécuté sans autorisation impériale, ce qui amena la destitution de l'éparque, qui fut privé de ses titres (35).

Le Livre des Cérémonies, dans certains chapitres qui remontent au vie siècle, fait plusieurs fois allusion aux illustres. Lorsque l'ambassa-

(29) Justinien. Noç. 15 de defensor : Nulli neu si honoratus sit magnificentissimorum illustrium dignitate. Nov. 71. gloriosissimi patricii, consules, magnifîcentissimi illustres.

(30) Cod. Just. XII, 1, 15 (loi de Théodose II et de Valentinien III, après 426). (31) Note à Théophane (Bonn 438) : Basilic. Eclog. 7 : οι άπα πατρικίων εως ίλλουστρίων εϊσιν

οί συγκλητικοί. (32) Theoph. 286 Β. (33) Malalas 444. (34) Agathias 363. (35) Malalas 416.

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deur du roi de Perse venait à Byzance, on envoyait à sa rencontre « un archonte illustre, un silentiaire ou un tribun... » (36). Il y a lieu de remarquer que, d'après ce texte, les silentiaires sont rangés parmi les illustres. En 500, sous Anastase Ier (491-518), les silentiaires n'étaient encore que clarissimes (37) Anastase Ier, avant son avènement, était silentiaire, mais, en cette qualité, il ne faisait pas encore partie du Sénat (38). En 528, les silentiaires sont qualifiés respectables (39). C'est vraisemblablement peu après qu'ils parvinrent à l'illustrât et au Sénat. Dans un chapitre, tiré des Commentaires de Pierre magis- tros, du vie siècle, un comte des admissions, en quittant sa charge reçoit de l'empereur un bref d'illustre, κωδικέλλιν ίλλουστρίου et prend place, sans doute, au Sénat après les fonctionnaires en activité et avant tous les illustres honoraires », μετά τους άγέντες προ πάντων τών όνοραρίων ίλλουστρίων (40).

Au VIIe siècle, l'illustrât existait encore. Sous Phokas, en 605, un grand nombre de hauts fonctionnaires furent exécutés ainsi que d'autres personnages qualifiés simplement α'ίλλούστριοι, sans autre mention (41). Ces illustres ne peuvent qu'être des sénateurs, le Sénat ne se recrutant que dans l'illustrât. Sous Héraclius, en 638, dans une cérémonie à laquelle prend part le Sénat entier, οι της συγκλήτου πάντες, figurent les « très glorieux patrices » οι ενδοξότατοι πατρίκιοι,, puis les dignitaires depuis les consuls jusqu'aux illustres, πάντες οι άπο υπάτων και εως τών ίλλουστρίων (42).

Ainsi, l'illustrât existait encore au vne siècle. A quelle époque disparut-il? Il est difficile de le préciser. En tout cas, aux vine et ixe siècles une nouvelle organisation nobiliaire commençait à se dessiner. Avant de devenir des titres nobiliaires officiels, les titres de perfectissime, clarissime, respectable et illustre avaient été de simples prédicats, des qualificatifs de pure courtoisie, donnés à de hauts personnages, sans signification précise. On peut supposer que ces titres, au cours des siècles, perdirent peu à peu leur signification

(36) Cer. I. 89. 398. άρχοντα ΐλλούστριον ή σιλεντιάριον ή τριβοϋνον. (37) Cod. Just. XII. 16. 5. de silent, (an 500). (38) Evagrios III. 29. (39) Cod. Jusl. de mag. test. III. 28. 30 § 2. (40) Cer. I. 84. 387. Il est à peu près certain que l'empereur joignait au décret de nominat

ion des fonctionnaires un bref ou diplôme les élevant au rang nobiliaire d'illustre, respectable, clarissime, perfectissime. Les codicilles d'illustrat sont fréquemment mentionnés (Cod. Just. XII, 33).

(41) Chr. Pasc. 696. (42) Cer. II. 27. 628. Cf. Digeste I. 9. 12 (Ulpien). Senatores accipiendum est eos qui a

patriciis et consulibus usque ad omnes illustres viros descendunt.

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officielle et devinrent, comme ils l'avaient été autrefois, de simples épithètes laudatives, attribuées sans règles bien fixes. Ainsi, dans le Livre des Cérémonies (43), les patrices, qui figuraient au premier rang des illustres, sont qualifiés d: ενδοξότατοι, gloriosissimi, ce qui est conforme à l'étiquette, au vne siècle. Dans la Notice de Philothée, c'est-à-dire, à la fin du ixe siècle-au début du xe siècle, ils sont simplement qualifiés de περίβλεπτοι., respectabiles (44). Sans doute, à cette époque, le patriciat était un peu déchu déjà de son antique splendeur, mais il est évident que le titre de respectable, qui lui est attribué, n'a plus de signification précise et n'est qu'une simple épithète sans portée.

Le Livre des Cérémonies donne la liste des épithètes en usage dans la chancellerie impériale pour correspondre avec les souverains et les hauts personnages. Ces épithètes, empruntées la plupart à la nomenclature nobiliaire primitive, ne sont plus que des épithètes de courtoisie et non des titres officiels. Si, dans cette longue liste, on relève encore le qualificatif de περίβλεπτος, celui d'ίλλoύστριoς a disparu (45). Aux vnie et ixe siècles, les sources historiques ne mentionnent plus l'illustrât comme titre nobiliaire.

Les empereurs byzantins décernaient souvent l'honorariat d'une haute fonction avec attribution de titres auliques à des souverains étrangers. C'est ainsi que les rois de France, ont longtemps porté le titre de çir inlustris. On sait que Clovis reçut d'Anastase Ier le titre de consul honoraire, ce qui l'autorisait à porter le titre d'illustre, titre que ses successeurs continuèrent à porter jusqu'en 775, soit en vertu d'une concession impériale soit héréditairement (46). Est-ce à dire que l'illustrât existât encore officiellement à Byzance? On ne saurait l'affirmer. Il n'est pas impossible qu'à une époque difficile à préciser le protospathariat ait remplacé l'illustrât.

6. Le nobilissïmat.

Le titre de nobilissime n'était porté que par des membres de la famille impériale. On le retrouve, comme tel, dans le Clètorologe de Philothée, au début du Xe siècle En écartant Pégrégiat, qui n'eut qu'une existence éphémère, et le nobilissimat inaccessible au commun des mortels, la noblesse byzantine était répartie en quatre classes seule-

(43) Cer. II. 27. 628. (44) Cer. II. 52. 710. (45) Cer. II. 46. 679. (46) V. Gasqukt, L'Empire byzantin et la monarchie franque, Paris 1888, 135.

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ment, dont l'une, le perfectissimat, doit être mise à part. Le titre de perfectissime était, en effet, strictement personnel et ne donnait pas accès à l'ordre sénatorial, ne conférant à celui qui en était investi que des satisfactions de vanité, jointes à quelques avantages limités. Le perfectissime ne faisait pas souche de noble. Le clarissimat, le spectabilat et l'illustrât étaient donc les seuls titres nobiliaires vraiment intéressants, en ce sens qu'ils étaient à la fois collatifs et générateurs de noblesse.

Le nombre des fonctionnaires du Bas Empire romain était, sans doute, considérable; toutefois, il est évident que si seuls les fonctionnaires en activité ou en retraite avaient pu pénétrer dans les cadres de la noblesse, cette noblesse aurait été singulièrement restreinte. D'autre part, le droit incontestable des empereurs de créer des nobles à volonté se serait trouvé ainsi annihilé, peu s'en faut. Le titre, on l'a dit, était inhérent à la fonction; par le seul fait de sa nomination, le fonctionnaire se trouvait donc annobli et entrait aussitôt dans l'une des classes nobiliaires, pour ainsi dire, automatiquement. L'empereur n'avait pas à intervenir, la question était réglée d'avance. Ce système présentait un avantage. II protégeait le fonctionnaire contre les caprices du souverain et garantissait ce dernier contre les sollicitations des fonctionnaires, désireux d'avancer trop vite dans la hiérarchie nobiliaire. Chaque fonctionnaire savait d'avance qu'il avait droit à un titre déterminé, mais qu'il n'avait droit qu'à ce litre. Toutefois, cet avantage était compensé par de graves inconvénients. Il manquait surtout de souplesse. L'empereur s'interdisait le droit de récompenser un bon serviteur, en l'élevant à un titre supérieur à celui de sa fonction. Le titre ne pouvait plus être proportionné au mérite. Enfin, pour pénétrer dans les cadres de la noblesse, il fallait recourir à des procédés détournés et parfois compliqués, que voici.

Le moyen régulier et normal d'obtenir l'illustrât, le spectabilat et le clarissimat était d'exercer ou d'avoir exercé une magistrature illustre, respectable ou clarissime, c'est-à-dire, une magistrature à laquelle l'un de ces trois titres était attaché.

A côté de ces dignitaires, qui devaient leur titre à la gestion effective d'une fonction publique comportant ce titre, il y avait un grand nombre d'assimilés. Il était d'usage, en effet, qu'un fonctionnaire, au moment de prendre sa retraite, reçût les insignes d'une fonction supérieure à la sienne, fonction qu'il n'était pas appelé à exercer en réalité, mais qui lui conférait le titre nobiliaire, qui y était attaché et qui lui permettait alors d'entrer dans la classe de la noblesse immédiatement

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au-dessus de celle dans laquelle il se trouvait avant sa retraite (47). Ce procédé se généralisa et les empereurs prirent l'habitude de conférer les insignes de telle ou telle fonction avec dispense à ceux qu'ils voulaient faire entrer dans les diverses classes de la noblesse : illustres, respectables, clarissimes. C'étaient les praecincti honore cinguli otiosi (48). Ce fonctionnaire incomplet était appelé vacans et entrait dans la classe nobiliaire correspondant à sa fonction fictive, mais dans une classe spéciale, celle des vacantes. Il y avait des illustres vacantes de même que des respectables et des clarissimes vacantes...

Le titre d'illustre, de respectable ou clarissime ne se conférait pas directement mais par voie détournée en élevant l'impétrant à une magistrature à laquelle l'un de ces titres était attaché, avec dispense d'exercice. Le fonctionnaire vacant recevait, d'ailleurs, effectivement de l'empereur l'insigne de sa fonction, le cingulum. Il était donc régulièrement investi et jouissait des honneurs et des privilèges de sa fonction, sans en avoir les responsabilités. Il arrivait même parfois qu'après sa nomination, le fonctionnaire en vacance fût appelé à exercer certaines attributions de la fonction dont il n'était que fictivement titulaire. Ainsi, le commandement d'une expédition pouvait être confié à un magister militum, vacans, le soin de ravitailler une armée à un praefectus praetorum vacans. Dans ce cas, des décisions d'espèce pouvaient intervenir en faveur des intéressés (49).

Cette singulière conception de fonctionnaires vacantes n'est pas, d'ailleurs d'origine byzantine, mais remonte aux premiers temps de PEmpire romain. Toutefois, ce n'est qu'au ve siècle qu'elle fut érigée en système. Dès cette époque, le nombre des fonctionnaires vacantes grandit dans des proportions considérables et ce sont ces fonctionnaires vacantes qui remplirent en grande partie les cadres de la noblesse. Cette classe de vacantes se recrutait surtout parmi les fonctionnaires retraités, qui obtenaient, au moment de leur retraite, les insignes d'une fonction supérieure avec dispense d'exercice. Cette distinction était, du reste, pour eux un droit plutôt qu'une faveur. Mais rien n'empêchait l'empereur d'accorder la vacance d'une haute magistrature à un personnage qui n'avait jamais passé par la carrière administrative. La règle, selon laquelle l'empereur crée des nobles à volonté, était ainsi sauvegardée.

(47) H. Guillap\td. « La noblesse byzantine à la haute époque », Mélanges St. Kyriakidis, Thessalonique 1953, p. 257.

(48) Reiske II. 272. Cf. Cassiodore, Variar. VI. 12 : cinguli honore praecincla dignitas. (49) Cod. Just. XII. 8. 2. in fine : ut dignit. ordo.

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Un dernier moyen plus expéditif d'entrer dans les cadres de la noblesse consistait à obtenir, soit par faveur spéciale soit, le plus souvent, à prix d'or le diplôme ou codicille d'une fonction illustre, respectable ou clarissime. Le personnage, qui avait obtenu ce diplôme, ne recevait pas la ceinture de la fonction à laquelle il était nommé, mais participait seulement aux honneurs réservés à la fonction, c'est à dire au titre nobiliaire qui y était attaché. Ces étranges fonctionnaires qui non seulement étaient dispensés d'exercer mais n'avaient pas même le droit de porter la ceinture de leurs fonctions, ces fonctionnaires fictifs, dans toute l'acceptation du terme, portaient le nom ?' Honorant, ????????? ou codicillarii parce qu'ils étaient nommés par simple bref impérial ou codicille. Ils formaient dans les différentes classes de la noblesse une catégorie à part; il y avait des illustres honorarii comme il y avait des spectabiles et des clarissimi honorarii (50). Il ne faut pas, du reste, confondre les honorarii avec les honorati, qui étaient d'anciens fonctionnaires ayant réellement exercé une fonction publique, mais que les textes ne distinguent pas toujours nettement des honorarii. Il faut, du reste, parmi les honorati distinguer encore les anciens fonctionnaires retraités, après avoir exercé des fonctions publiques, des personnages qui, sans jamais avoir exercé de fonctions publiques, étaient par codicille gratifiés du titre d'anciens fonctionnaires honorifiques. Par une bizarre fiction on supposait que le personnage en question avait géré la magistrature qu'il n'avait jamais exercée en fait et on lui attribuait les honneurs dus aux véritables anciens fonctionnaires, honneurs généralement inférieurs à ceux des fonctionnaires en activité, au point de vue des préséances.

Les fonctionnaires vacantes, qui étaient le plus souvent d'anciens fonctionnaires en retraite et vieillis dans l'administration ou tout au moins des personnages assez en vue pour être jugés dignes de porter publiquement les insignes d'une haute fonction, sans faire crier au scandale, formaient en somme une catégorie intéressante de dignitaires, capables à l'occasion de rendre des services à l'État. Il n'en était pas de même des pseudo-fonctionnaires honoraires, poussés en avant par

(50) Cod. Just. XII. 8. : ut dignit. ordo : a ilhistribus viris militantibus seu sine cingulo constitutis. Cf. Cod. Just. IX. 35. II de injuriis-. Cod Just. III. 24. 3. Ubi senatores, viros illustres, qui sine administratione honoraria decorati fuerinL codicellis, licet talem praero- gativam nostrae jussionis meruerint, ut quod non egerinl, videantur egisse... Cf. Nov. 70 : Novimus quia antiquitus erat quaedam praefecturae figura, quam honorariam vocabant, codicellis ab imperio super ea collatis; hanc autem i La nominabant ut nihil aliud nisi purum honoram his quibus praebebatur conferret, quae curiales non liberabat a fortuna curiali nisi quis earn ipso opère ministrasset. Cf. R. Guilland, op. cit. p. 257.

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la faveur et par l'intrigue ou qui, le plus souvent, avaient acheté leur diplôme à prix d'argent, en dépit des lois et des règlements.

Les empereurs se sont toujours défiés de cet essaim de pseudo- fonctionnaires honoraires, sachant trop bien par quels moyens on arrachait à leur faiblesse ces codicilles honoraires au profit d'incapables ou d'aventuriers. Maintes fois, les empereurs s'efforcèrent de réagir contre l'abus de ces codicilles honorifiques, qui semblent, à certaines époques, s'être vendus à l'encan au Palais impérial (51).

La concession de ces codicilles honorifiques, en ouvrant à leurs bénéficiaires l'accès de l'illustrât, du spectabilat ou du clarissimat, selon les cas, leur donnait également l'accès de l'ordre sénatorial, privilège considérable. Une fois entrés dans Tordre sénatorial, les fonctionnaires honoraires ou codicillaires pouvaient espérer parvenir au Sénat, tout au moins dans la dernière classe, sinon régulièrement, du moins par l'intrigue ou la fraude, l'honorariat d'une fonction sénatoriale donnant, au début, l'accès au Sénat, comme la fonction effective elle- même (52). Il faut ajouter que le codicille honoraire ne donnait pas toujours droit au rang de la fonction dont il faisait mention, mais généralement à un rang inférieur (53).

De nombreux textes juridiques montrent combien les fonctionnaires honoraires étaient suspects aux empereurs, qui s'efforçaient à chaque instant de leur barrer la route et de réprimer leurs empiétements. En achetant cher un codicille honorifique d'une magistrature illustre, respectable ou clarissime, les intéressés cherchaient le plus souvent moins une satisfaction de vanité que la possibilité de se libérer, en particulier, des charges écrasantes du curionat. Mais, comme les empereurs avaient un intérêt supérieur à maintenir dans toute sa rigueur l'organisation du curionat, ils s'efforçaient par tous les moyens de prévenir les évasions.

La législation sur ce point était vraiment draconienne. En principe les codicilles honorifiques ne modifiaient guère la condition des curiales. En fait, cependant, ils leur fournissaient parfois le moyen d'échapper à leurs lourdes obligations, autrement, on ne s'expliquerait guère les diverses lois interdisant ou annulant l'achat de ces codicilles par les curiales (54), ni les mesures prises par divers enpereurs, comme Constance II (337-361) et Théodose II (408-450) pour chasser du Sénat

(51) Ch. Lécrivaijj, op. cil. p. 59 et 39. (52) Ch. Lécrivain, op. cil. p. 62. (53) Ch. Lécrivain, op. cit. p. 59. (54) Ch. Lécrivain, op. cit. p. 41.

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les curiales qui étaient parvenus à s'y faufiler. En 436, Théodose II et Valentini en se voient, cependant, contraints de garantir l'immunité municipale aux respectables et aux illustres existants, mais déclarent que les respectables nommés à l'avenir ne pourront plus jouir de cette immunité; quant aux illustres, ils pourront se faire remplacer à leurs risques et périls. En 439, Théodose II va jusqu'à déclarer nuls les res- crits qui à l'avenir accorderaient la dignité sénatoriale aux curiales (55). Léon Ier (457-474) semble avoir libéré du curionat les illustres et les respectables (56). Au ve siècle, Zenon (474-491) et Anastase Ier (491- 518) permirent aux illustres, ou du moins, à certains d'entre eux, de se faire remplacer à la curie (57). Enfin, Justinien Ier (527-565) exempta complètement du curionat certains fonctionnaires de la classe des illustres, des responsables et des clarissimes et déclara qu'il ne serait plus accordé d'autres immunités (58). Comme l'écrit fort justement Lécrivain (58 bis), la répétition de ces lois montre qu'elles ont été souvent transgressées et qu'avec la connivence des bureaux les curiales, riches ou protégés, ont réussi à s'affranchir de leurs liens, grâce, sans doute, à l'acquisition de ces codicilles honorifiques qui n'auraient pas été aussi recherchés s'ils n'avaient pas eu d'effets. La sévérité, que les empereurs manifestaient pour les pseudo-fonctionnaires, créés par simples codicilles, prouve le danger de leur concession.

La triple division des fonctionnaires en fonctionnaires actifs, vacantes et honoraires subsista vraisemblablement jusqu'à la fin de l'Empire. Au début du vine siècle, sous le second règne de Justinien II Pihinotmète (705-711), la distinction en fonctionnaires en activité, ?µp?a?t?? et fonctionnaires honoraires, ?p?a?t??, était encore en vigueur (60). Sans doute, ces termes sont quelque peu déviés de leur sens précis, mais ils sont toujours en usage. Au xe siècle, le Livre des Cérémonies connaît encore la division des fonctionnaires en trois catégories. Les mots, ?µp?at??, µes?p?at??, ?p?at?? correspondent certainement aux anciens fonctionnaires in actu, vacantes et honorati (61). Comme par le passé, par le fait même qu'on était nommé à certaines charges auliques et qu'on les exerçait, on acquérait la noblesse.

(55) Ch. Lécrivain, op. cit. p. 42. (56) Cod. Theod. XII. 1-61 de decurion. (57) Cod. Theod. XII. I. 64-65, de decur. (58) Ch. Lécrivain, op. cit. 42. (58 bis) Ch. Lécrivain. op. cit., id. (59) Cer. II. 55. 798. Cf. Cer. L 47. 241 et passim. (60) Theoph. 574. (61) Cer. 11.272.

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Il suffisait alors à l'empereur de nommer à ladite charge, avec dispense de l'exercer, pour conférer au titulaire la noblesse du titre nu. Un silen- tiaire, un vestitor, un strator, un mandator avaient un service effectif au Grand Palais auprès de l'empereur et ce service lui conférait un titre nobiliaire. L'empereur, en distribuant le titre nu de silentiaire, de vestitor, de strator, de mandator avec dispense de service, conférait par cela même un titre nobilaire.

Fait à noter : les offices les plus en vue alors et les plus importants comme ceux de domestique, de stratège, d'éparque, de logothète, entre autres, n'étaient pas attributifs de noblesse. Celui qui en était investi n'avait aucun titre nobiliaire lui attribuant un rang spécial dans la hiérarchie; pour obtenir ce rang, il lui fallait recevoir en outre le titre nu de l'une des charges nobles de la Cour.

D'autre part, dans les 18 titres de la hiérarchie nobiliaire byzantine, au xe siècle, si l'on fait abstraction des titres de césar et de nobilissime, qui sont l'apanage de la famille impériale, et de l'antique titre de patrice, qui ne correspond à aucun service, la plupart des titres ne sont autres que des charges auliques : silentiaire, vestitor, mandator, candidat, strator, spathaire, spatharocandidat, protospathaire, zôstès, curopalate. Quelques rares titres sont ceux d'anciennes fonctions disparues ou tombées dans l'oubli, comme stratèlate de thème, ex éparque, consul, bi-consul, proconsul, magistros (magister militum). Dans la suite, les empereurs, pour multiplier les titres nobiliaires en empruntèrent les noms à leur vestiaire : vestis, protovestiaire, ves- tarque ou à des offices nouveaux, comme proèdre, ou enfin, ils imaginèrent des titres nouveaux : sébastes, protosébaste, panhypersébaste, sébastocrator. Ce fut toujours, en somme, le même système.

Les personnes, qui avaient un titre nobilaire, étaient inscrites sur les registres, ?at??????, de la noblesse. Par exemple : Jean de Cappadoce e?? pat??????? ??a??af??ta (62); Pétronas t? ?ata???? t?? p??t?spa?a???? ??a???µ??µe??? (63) ; Artabane e?? t?? ?p?t?? ??e???- ?at? t? a???µa (64); Marcien ?? t? ?ata???? t?? pat?????? ??t? (65). On lit dans la Novelle 60 de Léon VI : e? µ?? t? ?ata???? t?? ß?s??e??? a????p?? te?e? (66). R. Guilland.

(62) Procope, de Bella l'irs. 136. Sur les mots a~??a(?)t?? µes??at??, ap?a(?)t?? , cf. R. ?? ilLand. Études sur l'histoire administrative de Byzance. Byzantina-Metabyzantina G, 1946 (New-York Cily) 168-178.

(63) Th. Cont. 509. (64) Procopk, de Bella Golh. 406. (65) Theophyl. Simoc. 133. (66) P. Noaille el, A. Daiiv. Les Novelles de Léon VI le Sage. Paris, 1944, p. 225, 18-19.

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INDEX (établi par Mme R. Guilland]

I. Dignités et fonctions

Actu, in 53. Actuarius 44. "??e?te? 47. "?????p??, ßas??e?,?? 54. "?p?a?t?? 53. "?p?at?? 53. Archonte illustre 47. ????? note 6.

Bi-consul 54.

Candidat 54, César 54. Clarissimat 41, 42, 44, 46, n. 22. Clarissimat honoraire 42. Clarissimatus note 12. Clarissime 42, 44, 47, 49, 50, 53,

et notes 9, 40. Clarissimes vacantes 50. Clarissimus 42, note 23. Clarissimus honorarius 5. Clarissimus, vir 45. Codicillaire 52. Codicillarius 51. Cohortales 44. Comte des admissions 47. Consul 48, 54 et notes 29, 42;Arta-

bane 54. Consul honoraire, Clovis 54. Consulaire 46. Curiale 52, 53 et note 50. Curionat 52, 53. Curopalate 54.

d?as?µ?tat?? 42. Domestique 54.

Égrège 42, 43, note 9. Égrégiat 42, 47. Egregiatus n. 15. Egregius 42. ?µp?a?t?? 59. eµp?at?? 53. e?d???tat?? 47. Éparque 46, 54. Éparque, ex. 54. ep?fa??stat?? n. 8. ep?s?µ?? 45, n. 6; ep?s?µ?te??? n. 6. Équestrat 43. Equestres romani n Excellentissimus 46

Hebdomitès 45.

12.

Fonctionnaire actif 53. Fonctionnaire honoraire 52, 53. Fonctionnaire vacans 53.

Glorieux, très patrice 47. Gloriosissimus 46, n. 29.

Honorariat 52. ????????? 51. ????????? ?????st???? 47. Honorarius 51. Honor atus 51, 53. Honore cinguli otiosi 50.

Illustrât 42, 45, 46, 47, 48, 52, n. 40. Illustre 42, 44, 45, 46, 47, 48, 50, 51,

53, n. 40; Théodore 46, proconsul 46; Zicca 46.

Illustre honoraire 47. Illustris honorarius 51.

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Illustres vacantes 50. ?????st???? 42, 47, 48. ?????st???? ????????? 47. Illustris 42 et n. 29. Inlustris, vir 48, n. 42, 50. ???t?st?? 42. ?aµp??tat?? 42. Logothète 54.

Magister militum 55. Magister militum vacans 50. Magistros 54; Pierre 47. Magnificentissimus 46 et n. 29. Mandator 54. µes?p?at?? 53.

??ße??ss?µ?? 42. Nobilissimat 42, 48, Nobilissime 42, 48, 54. Nobilissimus 42. Numerarius 44.

Panhypersébaste 54. Patrice 40, 47, 48, 54. Patrice, très glorieux 48. Patriciat 48. Patricias n. 29, pat?????? 47; Jean de Cappadoce 54;

Marcien 54. Perfectissimat 42, 48, 49. Perfectissimatus n. 15, 16. Perfectissime 42, 48, 49 et n. 9, 40. Perfectissimus 42. Perfectissimus honoratius n. 14. pe??ß?ept?? 42, 48. pe??fa??stat?? ?. 8. Postes, employé des 44. Praecincti 50. Praefectus praetoriorum vacans 50. Préfet du Prétoire 45. Préfet de la ville 45. Préteur de Lycaonie tö, spectabilis 45.

Proconsul 54; Théodore 46. Proconsul illustre 46. Théodore 46. Proèdre 54. Protosébaste 54. Protospatbaire 54. Pétronas 54. Protospathariat 48. Protovestiaire 54. p??t?spa??????, 54, Pétronas 54. Respectabiles 48. Respectable 42, 44, 45, 46, 47, 48,

49, 50, 53 et n. 40.

Sébaste 54. Sébastocrator 54. Sénat 40, 41, 44, 46, 52. Sénateur 40, 41, 47. Senator n. 50. Sénatorial, 40, 41, 44, 46, 49, 52. Silentiaire 47, 54; Anastase 1er 47. Spathaire 54. Spatharocandidat 54. Spectabilat 42, 45. 46, 52, Spectabiles 51. spe?taß????? 42. Spectabilis 42, 45; préteur de

Lycaonie, 45. Spectabilis, vir 45. Stratège 54. Stratèlate de thème 54. Strator 54. s?????t???? n. 6. s?????t?? 47.

Tribun 47. ?pat?? 47.

Vacans 50, 51, 53. Vestarque 54. Vest is 54. Vestitor 54.

Zôstès 54

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II. Noms de personnes

Anastase 1er, silentiaire 47. Marcien, pat?????? 54. Artabane, consul 54. Pétronas, protospathaire^54. Clovis, consul honoraire 48. Pierre, magistros 47. Hebdomitès, ???? ep?s?µ?? 45. Théodore, illustre proconsul 46. Jean de Cappadoce 'pat?????? 54. Zicca, illustre 46.

III. Index géographique

Lycaonie, préteur de 45, spectabilis 45.

R. Guilland.