363
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S. Thomas d'Aquin - Sertillanges A. G. (Antonin Gilbert), 1863-1948 - (Volume 2)

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a

m

SAINT THOMAS D'AQUINTOMEII

LIBRAIRIE FLIX ALCANLES GRANDS PHILOSOPHESCollection dirige par

Fortun Palhorispages environ.

Volumes

in-8

de 300 400

VOLUMES PARUSSocrate, par Clodius Piat, Agrg de philosophie, Docteur es Lettres, Professeur l'Institut Catholique de Paris. (Traduit enallemand.)

Platon, par le mme. (Couronn par l'Acadmie Franaise). 2e dit. Aristote, par le mme. (Traduit en allemand et en italien). 2 e dit. Saint Augustin, par l'Abb Jules Martin. 2 e dit. Avicenne, par le Baron Carra de Vaux, Membre du Conseil de laSocit Asiatique.

Gazali, par le mme. (Couronn par l'Institut.) Saint Anselme, par le Comte Domet de Vorges. Spinoza, par Paul-Louis Couchoud, Agrg de Philosophie. (Couronn par l'Institut.) Montaigne, par F. Strowski, Professeur la Sorbonne. Pascal, par Ad. Hatzfeld. Malebranche, par Henry Joly, Membre de l'Institut. Kant, par Th. Ruyssen, Professeur l'Universit de Bordeaux, 2 e dition. (Couronn par l'Institut.) Schopenhauer, par LE mme. Maine de Biran, par M. Couailhac, Docteur es Lettres. (Cou'

ronn par l'Institut.) Philon, par l'abb Jules Martin. Rosmini, par F. Palhoris, Docteur es Lettres. Saint Thomas d'Aquin, 2 vol., par A. D. Sertillanges, Membre de l'Institut. 3 e dit. Mamonide, par Germain Lvy, Docteur es Lettres. Epicure, par E. Joyau, Professeur l'Universit de Clermont. Chrysippe, par Emile Brehier, Professeur la Sorbonne. Schelling, par le mme. Descartes, par le Baron Denys-Cochin, de l'Acadmie franaise. Montesquieu, par Joseph Dedieu, Docteur es Lettres. Leibniz, par Clodius Piat. Duns Scot, par B. Landry, Docteur es Lettres.

Typographie Firmin-Didot et

C">.

Paris.

v-e* Le temps est sans doute, titre immdiat, le nombre des tats successifs d'un mouvement quelconque, puisque chaque mouvement porte ensoi

son ordre de succession et

le

nombre concret de par;

ties

en quoi l'on

dit

que

le

temps consiste

mais

titre

.

48absolu, etsi l'on

SAINT

TUOMAS d'aQUIN.

parle

du temps comme d'une mesure comil

mune, mesure nonla sphre cleste1.

arbitraire d'ailleurs, mais naturelle,

faudra dire qu'un seulEt

mouvement donne le tempssi

:

celui

de

l'on objectait ce qui a t dit plus

haut, savoir qu' propos d'un

mouvement quelconque:

nous avonsqu'il

le

sentiment du temps, on rpondra

Puis-

y a un mouvement premier qui est cause de tous les autres 2 il s'ensuit que tout tre mobile est mobile cause,

de cette activit premire. Or, quiconque peroit un mouvement quel qu'il soit, dans les choses ou dans l'me elle-

mme,lui, le

peroit l'tre mobile, et, par consquent, travers

percevantqu'

mouvement premier auquel suit le temps. Ainsi, en on peroit le un mouvement quelconque,

temps, bien que

le

temps ne

se rapporte,

en son unit,

un mouvement unique, premier, par lequel sont.

causs et mesurs tous les autres. C'est ainsi que le tempsest

un 3

;

Cette rponse est profonde

elle manifeste

un sentiment

de

l'unit

cosmique

et

de l'universelle connexion des phseul battement d'aile,

nomnes rare au moyen ge. Dans un

dans le flux de notre pense nous sentons tout le ciel; les rythmes embots que nous observons aboutissent ce grand rythme et y trouvent leur mesure. De l, observait Aristote, l'erreur de ceux qui ont confondu le temps avecla circulation

mme du

ciel 4 .

Le temps n'est pas;

cette circ'est

culation, mais le nombre peru de ses tapes le nombre d'un mouvement local, et le tempsl'unit spcifique

donc

revt ainsi

avec l'unit individuelle. Il faut bien dire qu' un point de vue moderne, cette thorie aurait besoin de retouches. D'abord, il est fraple

pant que l'analyse institue en vue de dfinir

temps porte

exclusivement sur le mouvement local, tout au moins 1

q.

In IV Phys., lect. xxm. LXVI, art. 4, ad 3 m.

;

II

Sent., dist.

II, q. I, art. 1

;

I*

pars,

q X,

art. 6

;

2. Cf.3.

In

supra, B. IV Phys.,

a.

lect.

xvu, n*

4.

4. Ibid., lect.

xxm,

n 11.

LES PRINCIPES DE LA NATURE.titre explicite.

49

Onil

a reconnu pourtant d'autres espces de

y a donc l une lacune. Saint Thomas, qui ne la comble point; il essaie de la couvrir en observant que le temps devant tre donn finalement par un mouvement local, celui du ciel, c'est

changement

:

la constate chez Aristote,

sur le

mouvement

local qu'il convient de faire porter l'a-

n'est pas premptoire. Mme ce de vue spcial, il y avait lieu de se demander compoint ment, exactement, le changement qualitatif ou le mouvement de croissance sont ramens au mouvement local et ses mesures. Ensuite, la remarque de saint Thomas n'est relative qu'au temps absolu; restent les temps relatifs, qui, en dpit d'vidences prtendues, se trouvent finalement seuls en cause, et dont il et donc t intressant de pous-

nalyse. Cette raison

amen reconnatre un temps en corrlation avec la quantitas virtualis ou intensio que comporte le systme. Les consquences en pouvaient porter loin au point de vue psychologique. Or il appert que cette voie n'a pas t explore. D'autre part, croire au temps absolu est aujourd'hui un acte de foi inexigible. Nous savons ce qu'il en est du ciel empyre; nous ne pensons plus connatre, bien que la souponnant toujours, l'activit premire laquelle seser l'tude.tension,

On

et ainsi tvirtuel,

ou temps

raient suspendues toutes les autres. D'aucuns ont voulu

que

ce ft la gravitation;

si

cela tait, le

temps absolu

serait

donn non par un mouvementvitationest

particulier, puisque la gra-

mais par une rsultante. Celle-ci tant hors de nos prises, le temps absolu ne serait plus le temps type qu'on recherchait, il serait une donne thorique sans usage. Il en serait de mme dans toute hypothse du mme genre, impliquant unit ou quivalence des forces physiques base de mouvement local. Que si l'activit premire tait qualitative chose difficile croire vu que dans le fonctionnement de la nature tel que nous le connaissons, tout changement de qualit en suppose d'autres o le lieu est en cause, alors,fait

un

gnral,

,

,

SAINT THOMAS D'AQUIN.

T.

II.

4

50le

SAINT

THOMAS D AQTIN.

temps absolurelatifs

serait qualitatif aussi; ce serait

un temps

que les que nous prenons actuellement pour mesure. Enfin, utilisant l'hypothse de l'volution cyclique, on pourrait dire que le temps absolu est fourni par le rythme longue priode que marquent la systole et la diastole du monde. Il va de soi que, dans cette supposition, la mmetension etextension,ainsi

non plus un temps

temps

inutilit se

manifeste l'gard de la constitution d'un temps

type.

Disons tout simplement qu'il faut renoncer de pareillesprtentions. Le relatif nous enveloppe et nous noie;

ratta-

cher tous

les

premier

et

mouvements de l'univers un mouvement prsomptueux! indfectible est un leurre. Il

nous contenter de mesurer le temps ainsi que nous mesurons les longueurs, avec des units telles quelles, empruntes aux fixits relatives qui avoisinent notre vie, et qui donnent au complexus visible des choses une apparence de rgularit immuable, au sein de son flux ternel.dirait Pascal.

faut

CHAPITREL'INFINI

II

DANS LA NATURE

Quelle mesure quantitative, finie ou infinie, attribuer l'univers? L'ide d'un univers infini fut chre

beaucoupest

d'anciens philosophes

1.

Un de

leurs motifs tait le raison:

nementlimit

suivant, clbre dans les coles

Tout ce qui

trouve sa limite en quelque chose. Si donc ondise; :

montre un corps dont on

Il

est fini,

on en connote

untre,

autre auquelet ainsi

il

se termine

celui-ci en suppose

de

suite,

moins qu'on ne s'arrtel'infini

un au un corps

infini,

de sorte qu'en tout cas

corporel existe.d'ailleurs

donner de Rien n'arrte les suppositions de l'esprit au del de toute dimension, on peut en supposer une autre au del de tout espace, on conoit un autre espace, comme au del de tout nombre, un nombre. De l, penser que la condition des choses est la mme, il n'y a qu'un pas. Or, si au del du ciel il y a ainsi une grandeur infinie d'espace, comment ne pas croire que des corps s'y rencontrent? Pourquoi y aurait-il des corps ici plutt que l, dans l'espace sans bornes? L'hypothse de Dmocrite, qui rvait de mondes en nombre infini, serait alors raisonla

Une apparence imaginative venaitforce ce raisonnement,

de

soi assez;

faible.

;

nable.

A l'infini1.

ainsi compris, Aristote opposait

un

veto formel,

In III Phys.,

lect.

vn=

52et ce,

SAINT

THOMAS D AQUIN.

pour des raisons a priori comme pour des raisons physiques. Les raisons physiques ne pouvaient avoir une valeur absolue, car nous ne connaissons pas toute la nature,et d'ailleurs, la

plupart des hypothses sur lesquelles se

fondait

le

Stagyrite sont devenues caduques. Quant aux rai-

sons a priori, saint Thomas,ce qu'on accorde

commentant,,

la

Physique^, les

trouvait seulement probables

comme procdant

de

communment:

mais qu'on pourrait

refuser en l'espce.

Ces raisons taient celles-ci

Il

ne peut pas y avoir deest fini,

corps infini

;

car tout corps se termine une surface, etse

un corps quielle.

termine une surfaceil

savoir parinfini

Pas davantage;

ne peut y avoir un nombreet tout ce qui;

de corps

car tout

nombre

a nombre

est

nu-

mrable, donc pertransible or l'infini est intransible. Mais, observe saint Thomas, celui qui supposerait un corps infini n'accorderait pas que tout corps se termine une surface, moins que ce ne soit en puissance; c'est-dire que, dans le corps suppos, on pourrait dterminerdes surfaces; mais qu'aucune, rellement, ne le finirait, et ce, par hypothse. De mme, celui qui parlerait d'une

multitude infinie de corps composant l'univers, n'accorderait pas que toute multitude est nombrable, ni, par consquent, qu'elle soit nombre, ni qu'elle ait nombre. L'ide

de multitude, en de mesure, que

effet, est

plus gnrale que celle de

nom-

bre, et, prcisment, lel'infini

nombrecarte.:

ajoute la multitude l'ideIl

restait

donc prouver

Tout corps se termine par une multitude est dfinie comme telle par une surface; toute 2 unit. C'est quoi saint Thomas s'efforce dans la Sommeces deux propositions.

Aula

sujet de la grandeur, sonest

argument

est celui-ci

:

Ou

grandeur

envisage mathmatiquement, sans consi-

dration de la substance, ou elle est envisage physique1.

In III Phys.,art.1

lect. vin,

n4.

4.

2. I pars, q.

VII, art. 3 et;

Cf. q. II,.

De

Verit., art. 2,

ad 5;

art. 10;

Quodl., IX,

XII, art. 2,

ad2 B1

L INFINI DANS LA NATURE.

53

ment, en tenant compte des principes du corps naturel. A ce dernier point de vue, l'impossibilit d'un corps infiniest manifeste;

car tout corps naturel est dfini substantielet celle-ci

lement par la forme,

donne, avec lVspce, une

dtermination quantitative qui en dcoule. Une espce corporelle ne peut pas subsister sous des dimensions quelcon-

y a un minimum au-dessous duquel appeles par la forme ne se1 raient plus ralisables 11 y a aussi un maximum, comme cela se voit surtout chez les animaux et les plantes; comme une connaissance plus intime des minraux nous le feraitques.

On a vu

qu'il

les dispositions matrielles.

reconnatre 2 Ce n'est pas dire qu'il y ait des limites thoriques l'augmentation de la mer, si l'on y versait toujours.

jours

de l'eau; ni l'augmentation d'un feu, si l'on y jetait toudu combustible mais si une forme individuelle unique runit toutes les parties de la matire ainsi augmente,;

comme

dans

le

vivant,

il

sera toujours ncessaire de lui

attribuer une part dfinie de la potentialit universelle,

laquelle ellel

communique

l'acte. Si l'on disait qu'il

une

multiplicit, l'infini

en

serait cart

y a par les consi-

drations qui vont suivre.

Du moins,pas

le corps

mathmatique

peut-il tre infini?

Non

mme

lui.

Car la quantit ainsi abstraite

est objet

comment imaginer un corps rel sans supposer une surface terminale? Cela reviendrait supposer une matire sans forme; car la forme du corpsd'imagination, etlui

mathmatique,11

c'est

sa

figure, etelle.

s'il

a une figure,

il

est:

ncessairement termin parn'est

Quand donc on

disait

pas ncessaire de supposer que tout corps est termin une surface, on quivoquait sur ce qui convient

au corps en gnral et ce qui convient au corps en tant que pos, et ncessairement pos, dans une espce quantitative. La grandeur et l'infini ne s'opposent pas comme tels; mais la grandeur en gnral n'existe point ds qu'elle;

1. Cf. 2. Cf.

supra,InII,

t. 1,1.

I,

ch.

m,

E.

De Anima,

lect. vin,

in fine

5ise ralise, c'est

SAINT THOMAS d'aQUIX.

pour se ranger dans une espce, pour tre ou triangulaire, sphrique ou cylindrique, pour avoir deux coudes ou en avoir quatre. Car, comment tre dans un genre sans tre en nulle espce de ce genre 1 ?circulaire

Relativement

l'infini

de multitude, la conclusion

est la

mme.

Il

est

bien vrai que l'ide de multitude est plus gla seconde la seule

nrale que l'ide de nombre; la preuve, c'est que la pre-

mire appartient aux transcendantaux,catgorie de quantittablissent par division2.

Mais les

espces de l'une et de

l'autre se correspondent; car si les espces

du nombre

s'-

du continu 3

transcendantale s'tablissent parc'est--dire

de la multitude dgradation de l'tre,,

celles

par des oppositions successives d'affirmation et de ngation, dont la loi est la mme. Or nulle espce de nombre n'est infinie, puisque, dans le nombre, c'est la dernire unit qui donne l'espce. Si donc il n'est pas possible d'entrer dans un genre autrement que par la porte d'une espce, il n'y a pas de nombre infini, ni non plus de multitude infinie. Les philosophes qui ont pos l'infini en acte ont donc ignor ce qu'ils disaient propriam vocem ignoraverunt 411

.

est intressant

de noter que sur

lit

de

l'infini

en

acte, la

la question de possibipense de saint Thomas ne semble

pastent

s'tre fixele

sans hsitations. Le commentaire cit de la;

Physique;

donnait entendre

d'autres indices en subsisII,

par exemple, dans la question

De

Veritate (art. 10),

de rsoudre cette question, parce que, dit-il, elle n'a t pose qu'incidemment, et que, vu sa difficult, il convient de s'en tenir un pur et simple expos d'opinions.le refus

Mieux encore, dans l'opuscule De Aeternitale mundi, contra murmurantes pouss vrai dire par des objections un peu,

irritantes, saint

Thomas crit

:

Aprs tout,faire

il

n'a pas encore

t dmontr que Dieu ne puisse pas1.

une multitude

2.

l'pars, q. VII, art. 3, ad 2 n Cf. supra, t. I, ch. n, A.Cf,

.

3. 4.

supra, Quodl., 1.

t. 1,

I,

1.

I,

ch.

m. F.

q.

I,

art.

1.

L INFINI DANS

LA NATURE.

55

actuelle infinie. Ce jugement se rapporte videmment aux dmonstrations fournies par d'autres, ainsi que le fait remarquer l'opuscule apocryphe De Concordantiis : il ne peut donc infirmer la valeur d'une affirmation absolue telle que celle qui se trouve dans la Somme. Toujours est-il que le sentiment de la difficult est manifeste. On pourrait le retrouver ailleurs. On a mme pens lire l'affirmation oppose dans cette phrase du Quodlibet, XII (art. 2) L'infini en acte ne rpugne pas la puissance absolue de:

Dieu, carce

me:

y a l, semble, une confusion. Ce qui n'est pas contradicil

n'implique pas contradiction.

Mais

il

aux yeux de saint Thomas, ce n'est point cette compol'infini en acte, et le fait d'tre objet de la puissance de Dieu mais celle-ci l'infini en acte, et l'extension active de la puissance de Dieu. Ce commentaire me parait trouver un appui solide en Bien que la crature ne se prte point, cette autre phrase en ce qui la concerne, ce que soit ralis l'infini en acte, il ne s'ensuit pas qu'on puisse dire Dieu ne peut pas faire l'infini en acte car, malgr que l'action cratrice se rsolve, l'analyse, en une passivit de la crature, les relations de nous Dieu tant montantes et nontoire,

sition

;

:

:

:

;

pas descendantes, pourtant, la cration est signifie activement, et quant cette faon de parler, qui engage Dieu et le qualifie, ce n'est, d'une certaine manire, pas la mme

chose de dire de la crature

:

Dieu peut,

et

de dire, en1.

se

plaant du ct

:

// est possible

Quoi qu'il en soit, la dcision finale est acquise. Il n'y a pas d'infini en acte. L'univers n'est donc pas infini en tendue, et les corps qui le composent ne sont pas infinis en nombre. Nous ne pouvons sans doute nous imaginer une fin de tout invinciblement notre esprit court, au del, dans des espaces imaginaires. Mais ni ces espaces n'existent 2; ,

ni,1.

par

suite,

il

n'y a lieu d'y supposer quelque chose, ainsi>

2.

Q.II, DeVeriL, art. 10, ad 2 B in contrarium. Cf. supra, B. a.

56

SAIXT THOMAS d'aQDIN.

qu'on l'assurait. La difficult toucheparallle

ici correspond celle qu'implique un commencement du temps la solution sera;

,

avec cette diffrence que le temps n'tant pastout,1

mais s'coulant sans cesse, pourrait du monde sont donnes, actuelles, par suite dtermines une espce detre infini,

donn comme

tandis que les dimensions

quantit et finies par elle. Mais le cas est pareil en ce queles

commencements absolus;

et les fins

absolues nous sont

partout inaccessibles. Le relatif nous enveloppe et conditionne la connaissance mais ce n'est pas une raison, voulantfuir

l'inimaginable, voire l'inintelligible

ou l'inconnais-

sable,1.

pour tomber dans l'absurde.supra,t. I, I. III,

Cf.

ch. i;

I

a

pars, q. VII, art. 3,

ad 4.

CHAPITRE

III

LA CONTINGENCE DANS LA NATUREUne question intressante au premier chef, parce qu'elle donne occasion de pntrer au plus intime de la cosmologierhomiste, c'est celle de la contingence.

Quelle place attri-

buer

la contingence dans la nature? Quelle place y tient la ncessit? Peu de problmes ont autant passionn la pense humaine; peu divisent au mme point les philosophes. La pense de l'Aquinate est celle-ci Nous voyons des effets se produire ou toujours, ou le plus souvent; nous les voyons former un ordre; nous en concluons que leurs causes, premirement, sont ordonnes ces effets; deuximement, sont lies en gerbe et forment une:

unit naturelle.

De ce que, pourtant, certainsainsi constitus;

effets

chappent aux cadresqu'ils sont

de ce qu'ils se produisent rarement et sansles

lien avec les finalits apparentes,

sans

loi, et

nous

appelons

effets

nous augurons de hasard.

C'est cette notion qu'il s'agit d'approfondir.Il

faut

plus sa causalit s'lend

donc remarquer que plus une cause est haute, nombre d'objets pour y imprimer

ce en quoi sa causalit consiste. Ainsi, la politique, qui enveloppe l'art militaire, s'tend au bien commun en son ampleur, alors que celui-ci se renferme dans une spcialitstricte.

D'autre part,

il

est clair

que l'ordre observ par nous

dans les phnomnes tient prcisment cette influence decausesintroduisent l'harmonie

gnrales qui, s'tendant plus ou moins de cas, y ainsi les mille actions qui inter:

viennent dans la gnration d'un

homme sont domines

par

58

SAINT THOMAS d'aQUIN.

dans le semen organisateur; ainsi le harmonieux des saisons, o tant de particularits se manifestent, est donn par l'action des astres. Mais il va de soi que l'ordre ainsi introduit s'tend exactement jusqu'o s'tend la causalit dont on parle, puisque c'est d'elle et del'ide vitale, incarne

cycle

ses dterminations qu'il procde.

Cela pos, on peut distribuer les

causes en trois ordres.l'tre

En

tte se trouve latel,

Cause transcendante, qui, donnant

ne peut se voir carte de nul effet et ne peut prter nulle contingence. Mais nous savons que cette cause est hors cadre, et que ce n'est pas d'aprs elle qu'on peut qualifier contingents ou ncessaires les effets que nous Au-dessous d'elle, il y a les causes gnrvle la nature rouages universels compris par le moyen rales, les grands ge sous le mot ciel, d'aprs les apparences gocentriques. Enfin, tout proche de nous, il y a les causes changeantes et corruptibles qui, sons les cieux mobiles, mais incorruptibles, composent les pisodes du drame dont l'action de ces grands corps donne le thme. Ces causes-l sont particulires, c'est--dire dtermines certains effets, chacune ainsi l'homme engendre l'homme et la selon son espce en tant que1.:

plante la plante.Si

donc nous comparons

les

vnements dont

nous

sommes tmoins

leurs causes immdiates, l'accident

y

est

frquent et provient de plus d'une source. D'abord, de rencontres entre des causes indpendantes l'une de l'autre,si, voyageant de mon ct, un ami de mme, nous nous croisons tout coup sur la route. Ensuite, de la dfaillance des agents, qui, par dbilit, ne parviennent pas au terme o leur finalit naturelle les pousse. Enfin, de la rsistance des matires, dont les dispositions ne permettent pas toujours l'agent d'aboutir c'est ce qui a lieu dans la gnration des monstres. on Mais si, au lieu d'envisager les causes immdiates

comme

:

,

1.

Cf.

supra,

t.

I,

1.

II,

ch. in, q.

LA CONTINGENCE DANSs'lve

LA.

NATURE.

59effets se

aux

activits gnralesil

trouvent envelopps,

dont elles et leurs pourra se faire que ce qui

tait dit

accidentel sous le premier rapport ne le soit plus sous le se-

cond. Car d'abord, les rencontres qu'on disait tout l'heurefortuites

peuvent tre rgles et contenues sous uneles causes

loi

d'ensemble. Ensuite, la dbilit de l'agent, source de contin-

gence pourla base des

immdiates, n'a plus de sens lorsqu'il

s'agit des agents tout premiers,

dont l'indfectibilit est

changements de la nature. Enfin, la matire des actions que nous observons peut tenir ses dispositions d'activits prcdentes, qui se rattachent toutes aux premiers mouvements ncessaires. Il semble donc que nos jugements de contingence ne soient jamais que des jugements provisoires, des vrits de point de vue mais qu'au regard de ce qu'on dit simplement vrit, il n'y ait plus de contingence. Il faut cependant y rflchir. D'abord, le cas du libre arbitre vient imposer la ncessit universelle une premire limitation. Le libre arbitre tant une puissance spirituelle, conditionne vrai dire, mais dominant ses conditions et pouvant donne.r lieu des rsultantes nouvelles il y aura de ce chef, dans le monde, des effets qui ne seront pas rductibles aux grandes causalits universelles. De plus, en dehors de ce cas, qui pourrait bon droit tre jug insignifiant l'gard de l'ensemble du monde, si nous venons la constitution premire de celui-ci, que voyonsnous? Les principes de la nature nous sont connus. Il y a;

1

,

la matire, passivit universelle prsuppose tout agent

;

que nul ne peut atteindre en elle-mme; que nul ne peut non plus dominer, enchaner, toute forme qu'on y imprime laissant du large la privation et un infini de ralisations possibles. Il y a ensuite la forme, qui est en dpendance de Y agent et qui a raison de fin. Mais comment comprend-on que l'activit descende, partir des agents tout premiers, dans la passivit de laCf. infra,

1.

VI, ch. ni.

60

SAINT THOMAS D AQUIN.

matire?tout;si

S'il y avait un agent suprme qui dispost de prequelque activit universelle tait cause mirement de la distinction des choses, matire comprise; deuximement, et par suite, de toutes les formes d'activit ou de passivit alors, il n'y aurait pas de contingence tout serait dtermin dans ce premier; son action, tant:

,

;

totale, aurait

un retentissement universel

(telle

la

formule

cratrice de Taine).

A

vrai dire, c'est l Dieu. Sa causalit

lai ne peut tre empche par nulle intervention active ou passive, attendu qu'il donne tout, mme ce qu'on prtendrait lui rendre antagoniste. De mme donc que le mouvement n'empche pas le moteur, mais le sert; de mme que le rsultat n'empche point celui qui le donne, ainsi l'tre sous une forme quelconque ne peut empcher Toutefois, la contingence ou la Dieu, qui donne l'tre 1.

ncessit de la nature ne peuvent tre juges d'aprs lui.

Appeler contingent ce qui peut chapper Dieu, ce serait appeler de ce nom quelque chose qui ne serait plus tre. Le contingent et le ncessaire sont des diffrences de l'tre:

Dieu est transcendant toute diffrence.Or, lui t,il

n'y a dans la nature nul agent qui do-

mine entirement son uvre. Les plus levs, pres des lments, n'en ont pas moins compter avec la flexibilitde la matire; celle-ci, actue par une forme, est toujours en puissance une autre, et prte fuir sa premiredtermination.Il est

bien vrai qu'elle ne change ainsi quesi cette

sous une' influence nouvelle, de sorte que

influence

on pourrait dpendait entirement du penser que celui-ci rgle tout. Mais une telle dpendance n'est pas possible car l'action, en passant du premier agentpremier agent,;

au second, y revt des conditions matrielles qui s'imposeront toute manifestation ultrieure. La filiation suppose entre ces agents n'tant relative qu' Yacte, la partqui revient la puissance dans les ractions mutuelles

1.

In VI Met., lect.

m,

cire,

med.;

III C.

Gnies,

c.

xcit.

LA CONTINGENCE DANS LA NATUREdes choses lui chappe, et celas'ensuit,sufft

61Il

la contingence.

en

effet,

que,

mme

dans

le cas le plus favorable,

qui serait celui d'une action directe et exclusive de l'agent

premier sur un corps que lui-mme a constitu, il y a lieu de tenir compte des conditions de la matire, parce que celle-ci chappe pour une part la domination de la forme

que l'agent

lui

imprime,

et

que par

suite,

dans l'action

envisage, elle se constitue partiellement, son gard, en

cause indpendante.diatement,luis'allie

A

fortiori les perturbations seront-

elles possibles si l'agent dit

premier, au lieu d'agir

imm-

d'autres qui, vrai dire, dpendent de;

quant leur acte dfini et connaissable mais qui impliquent aussi la matire, et qui apportent donc aussi l'action un lot de conditions inscrire au compte des pertes. Dans tous les cas, il y aura concours de causes actives oupassives relativement indpendantes, et c'est de nat le hasard.l

que

Et

il

a pas

d'activit naturelle

en sera bien plus forte raison de mme, s'il n'y premire; si la constitution de l'u-

nivers suppose une multiplicit primordiale, et, par suite,

des sries causales pleinement indpendantes. C'est ainsi

que dans

la

thse

manatiste

d'Avicenne

,

l'ordre

de

l'univers devant rsulter d'activits sans lien,

sans unit

dans une intelligence et dans une volont cratrices, on a d appeler cet ordre un hasard 2 Ainsi encore Dmocrite disait que le monde actuel s'est construit par hasard, non pas qu'il en pt tre autrement au total, attendu que la ncessit gouvernait ses yeux toutes choses mais parce que la ncessit en question ne rgissant en ralit que les atomes, ne rglant que leurs actions et ractions immdiates, les rsultantes, quelque admirables qu'elles se rvlent.

;

aprs coup, taient pour lui sans

loi,

n'tant recherches

comme

telles

par personne, n'ayant aucun agent qui leurelles.

corresponde, nul pouvoir dfini par1.

De Falo,

c.

i

et n.III, ch. il; I 1 pars, q.

2. Cf.

supra,

1. 1, 1.

XLVII,

art. 1.

62

SAINT

THOMAS d'aQUIN.comprendrela posi-

Cette dernire thorie peut aider tion

que prend saint Thomas relativement la contingence. Pour Dmocrite, il y a dj de la finalit dans le monde, savoir celle qui porte l'un vers l'autre les atomes et les fait ragir selon certaines lois. Sur cette finalit minimum vient se greffer le hasard, c'est--dire, ainsi que le dfinit Aristote, une rencontre accidentelle dans les choses qui se produisent en vue d'une fin. Et la part ainsi faite au hasard est immense, puisque son domaine comprend tout, except la gomtrie ternelle et l'ternelle mcanique des atomes. Pour saint Thomas, il n'en va plus de mme. Il y a des natures; les dterminations de la matire lmentaire sont domines sinon entirement, du moins partiellement par ces ides de ralisation que nous appelons formes. Les formes, leur tour, sont introduites par des agents qui y sont dtermins, parce qu'eux-mmes obissent, pour l'agir comme pour l'tre, la domination d'un principe semblable. De plus, au-dessus de ce monde mouvant, il y a les activits indfectibles qui le dominent; dont l'influence tablit des concours prvus, dtermins et par consquent stables, entre des sries causales qui, ne regarder que les causes immdiates, sont indpendantes. Il y a donc toujours, dans les actions de la nature premirement, des sries rgulires d'activits sous la domination des formes; deuximement,:

des concours de sries

attribuables des activits plus

gnrales, et, par consquent,

pour

non accidentelles. Il y a mme, thomisme du moyen ge, une activit toute premire qui est celle du premier ciel. Mais ce qu'il n'y a pas, c'est un concours intgral de toutes les influences actives et passives, sous le gouvernement d'une seule qui serait pleinement matresse; c'est une activit naturelle unique reliant toutes les sries, y compris celles qu'occasionne non plus Yacte ralis dans le monde par les formes, mais la puissance qui demeure inpuise qui cre, par consquent, des fuites par o nulle influence ne sera assure de nele;

point voir s'couler son effort.

LA CONTINGENCE DANS LA NATURE.

63

Telle est la source de la contingence. Sauf la mtaphysique des formes et de leur relation la matire, on retrouve ici Cournot\ pour qui la contingence rsulte aussi de rencontres entre des sries causales indpendantes 2 Mais pourquoi suppose-t-on qu'il en est ainsi? Car enfin nul ne sait o s'arrtent les embotements des choses, ni les contenances mutuelles de leurs lois, et qu'est-ce qui empche de croire que tout obit une suprme action dont l'ampleur galerait toute la capacit de la matire, de telle sorte que celle-ci ne pourrait chapper d'aucune part, et ne revtirait de dterminations que celles qui seraient commandes par elle? Saint Thomas a bien vu l'objection, et il observe, ce que n'avait point fait Aristote, qu'il ne suffit pas, pour assurer la contingence, d'invoquer la possibilit de la matire. A parler en gnral, dit-il, celle-ci n'est une raison suffisante de hasard que si l'on.

ajoute, de la part de la puissance active universelle, qu'ellen'est pas

tait ainsi

rigoureusement dtermine ad unum. Car si elle dtermine, la puissance passive qui lui cor.

respond serait dtermine de mme 3 Pourquoi refuse-t-on de supposer, de ]a part de la nature universelle, une telle dtermination? videmment, c'est le conceptualisme qui s'y oppose, et, derrire le conceptualisme, plus profond encore que lui, l'optimisme. Il paraitvident saint

Thomas comme au

Stagyrite que toute liaison

de phnomnes n'est pas galement naturelle, n'tant pas galement objet de raison, n'tant pas galement bonne.reprsente une ide de nature; Ainsi, Y homme-blanc Y homme-musicien reprsente une combinaison de l'art; mais le blanc-musicien que reprsente-t-il? Il y a l une liaison qui n'enferme aucune ide, qui ne ralise aucun bien, qui ne dit rien l'esprit juge du monde. On en con-

1. Cf.

2. 1" pars, q.

Revue de Mtaphysique et de Morale, novembre 1902. CXV, art. 6, cum comment. Cajet.; q. CXVI, art.Pri Hermenias,lect. xiv.

1,

cum com-

ment.3.

In

I

64clut

SAINT

THOMAS D AQUIN.

queil

c'est

la nature plus

Or,le

en

est

une rencontre accidentelle, et que rien, dans que dans la vie, n'y est directement ordonn. ainsi de mille liaisons de fait observes dans;

monde. La pluie fait pousser le grain la chaleur vivifie la terre; la semence humaine ralise dans le sein maternous assurons que tout cela est voulu, nel des merveilles premirement parce que nous y reconnaissons une ide, et tout au fond ces deux motifs un bien; deuximement parce que nous voyons ces choses se produire concident ou toujours ou le plus souvent, d'o nous concluons que:

la nature les recherche. Mais si la pluie pourrit le grain

dans la grange si la chaleur dessche et si la semence germe en monstre, nous disons que cela est accidentel; non que chaque srie causale aboutissant ces effets ne;

galement rigide, et qu' ce point de vue, ce qui se passe ne soit galement naturel; mais parce que la rsultante obtenue ne nous semble pas gouverne par une intention de nature; parce que nous ne pensons pas qu'un agent ou un complexus dfini d'agents soit ordonn naturellement une telle uvre. Nous jugeons de l'univers, selon la comparaison d'Aristote, comme d'une maison o les enfants suivent la loi du pre et ne manquent au bien commun qu'en peu de chose, alors que les esclaves et les btes largissent le domainesoit

du quelconque,

et

imposent au bien

commun

des fuites.

Ainsi les grandes activits clestes font-elles toujours, ou

peudans

prs, ce qui convient au but voulu de la natureleil

;

mais

monde du

corruptible, beaucoup d'agents dfail-

lent;

y a des -ct d'action, des rsultats qui ne sont pas des fins, et c'est le respect mme que nous avons pour la nature qui nous en fait parler de la sorte1 .

OnSi,

voiteffet,

que

cette conception ignore l'ide

de progrs.inces-

en

l'univers tait

conu non plusphases,

comme un recomune reprise

mencement1.

ternel des

mmes

In XII Met., et lect.xu.

LA CONTINGENCE DANS LA NATURE.sant du

65

mme travail, mais comme l'immense recherche hypothses modernes ouvrent les perspectives, on restreindrait trangement le domaine du hasard. Sous l'influence d'une ide directrice immanente qui serait commedontles

l'me du monde, on verrait celui-ci se dvelopper faon d'un organisme en devenir, etconu.

la

nombre dele

ce que nous

appelons accidents rentreraient dans

souple plan ainsi

Un

reliquat considrable en demeurerait; car les

cosmique seraient toujours affectes dans une mesure par l'irrmdiable indtermination de la matire. Les fonctions secondaires n'y seraient jamais soumises l'me commune que selon les liens d'un principat politique , non despotique . Nanmoins, l'unit de composition ainsi ralise serait autrement riche qu'en l'autre hypothse, les myriades de sicles tant l pour achever les formes et faire aboutir les ralisations qui, dans une ide de plan plus troite, paraissaient hors cadre. Mais cette ide de progrs est trangre saint Thomas. Pour lui, comme pour la plupart des Anciens, le monde donne toujours, dans l'ensemble, tout ce qu'il peut donner.conditionstravailIl

du

y a progrs ici-bas pour chaque

tre, relativement la

perfection de son espce; mais les espces sont immuables,

parce qu'invariable est leur source immanente. Le mme agit toujours de mme. L'immutabilit des cieux couvre etenserre le mobile terrestre.selles sont fixeslits

Les grandes natures univeret

en perfection

n'enveloppent de virtuamanifestent. Pn-

que

celles

mmes

qu'elles nous

lope ternelle, la nature redfait pour refaire; elle n'est pas

en marche vers une constitution d'elle-mme toujours plus haute, dont la plupart rvent aujourd'hui Pourquoi d'ailleurs le serait-elle? Le point de vue thologique, qui proccupe avant tout saint Thomas, ne l'invite pas dpasser les points de vue antiques. Ce monde est pour lui Omnia profiter electos. Que ce chanun chantier d'mes tier se perfectionne, ce serait heureux sans doute, et tout, la flexibilit indfinie de dans son systme, s'y prteraitcette puissance::

SAINT THOMAS d'AQUIN.

T.

II.

5

G6

SAINT

THOMAS

I>'aQUI>".

la matire; la richesse inpuisable

de l'Agent premier;

l'infini de la Fin suprme. Mais cela n'est pas ncessaire;

monde qu' un degr de perfecde l'absolu, serait nant, et comme nulle trace exprimentale ne s'en montre, on s'en tient cela ne porterait jamais letion relative qui, l'gard

l'apparent, qui est la reprise perptuelle des

mmes

phases.

L'me gnrale de la nature, c'est le ciel. Les moyens du ciel se rsument dans des mouvements cycliques courtes priodes. Il s'ensuit trs videmment que le cortge universel marche en cercle. La fin du monde sera un arrt arbitraire, dis-je, ne regarder que la naarbitraire

ne sera pas la conscration d'un ach Ce qui a t, c'est ce qui sera, et ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera, ces paroles de l'Ecil n'y a rien de nouveau sous le soleil clsiaste donnent l'impression exacte et puissante de l'uniture physiqueet

vement, d'une amlioration juge suffisante.

:

vers thomiste.

Ds lors, ce qui est accidentel par rapport ce cyclerestreint est accidentel tout court;

cela ne fait point partie

de l'ordre immanent; c'est un dchet qui ne se rachte point par des voies dnature. Il faudra, pour ramener cedliement partiel un plan, faire appel l'unit transcendante du Premier Principe.

Que si nos hypothses cosmogoniques eussent t connues de l'Aquinate, on peut se demander ce qu'elles lui eussent inspir ici. Deux voies eussent t ouvertes devantlui.

Ou revenir

l'antique opinion qui avait

si

fort scan-

dalis Aristote, savoir

que

le ciel est

l'uvre du hasard,l'unit

en ce sens qu'il rsulterait de rencontres particulires sansunit propre

j'entends sans unit immanente; carOu bien

en Dieu ne peut prir.dfinir,

postuler, sans pouvoir se leferait des

quelque plus large enveloppement qui

actions nbulaires les servantes d'une ide directrice. Pascal croyait ainsi des embotements d'univers se contenant l'unl'autre,

d'une contenance la

fois spatiale et causale.

Sans pousser jusqu'

l'infini,

comme

l'auteur des Penses

LA CONTINGENCE DANS LA NATURE.parait le faire,

67

comme

le

thomisme

l'interdit,

on pouvait

donnerle

satisfaction

l'esprit intgriste qui travaille tout

moyen ge

en mettant quelque supposition de ce genre.

C'et t simplement rejeter dans l'hypothtique le point

d'appui que fournissaient la thse actuelle

les

apparences

du

ciel.

Quoi qu'il en

soit,

le

sens de la thse en question doit

apparatre maintenant avec clart.Il ne s'agit pas de nier le dterminisme en tant qu'il est un postulat de la science; il s'agit de le limiter en mme temps que nous limitons la science. Il ne s'agit pas non plus de nier le principe de raison-,

suffisante dans sa plus haute conception, mais seulement de l'carter au sens rationaliste. Cette affirmation universelle que tout ce qui se passe doit se passer tant donn l'ensemble des conditions du rel, peut parfaitement tre maintenue, bien comprise, et en la maintenant, nous viterons l'arbitraire des commencements absolus la faon de Renouvier. Mais il faut se -rendre compte que l'une des conditions dont on parle, savoir la matire, tant un indtermin, nulle forme dfinie ou dfinissable, nul ensemble de conditions dfinies ou dfinissables ne rgit l'action selon tout

ce qu'elle porte.Il y a des dficiences, des rgressions vers l'activit des formes infrieures, qui sont matire par rapport celle en

qui l'activit considre trouve sa rgle.Et cela est sans fond, tant donn que ni au point de

vue

qualitatif,

ni au point de vue quantitatif, nous

ne

croyons l'atome.Il

s'ensuit

manifestement que

le

contingent

comme

tel

l'intelligence. Les probabilits y taillent encore une part pour l'esprit; mais le contingent, sous ce rapport, n'est plus le contingent. Car s'il est contingentest inaccessible

qu'il pleuve

en

t,

il

n'est

pas contingent qu'il pleuve en

68t plus qu'au

SAINT THOMAS d'aQCIN.

printemps ou l'automne. Le frquent,

commedentel

frquent, constitue sa manire

un

droit;

l'acci-

parce que Y ensemble prtendu de ses conditions ne peut pas s'intgrer, un indtertel n'y prte point,

comme

min

s'y introduisant

comme lment

irrductible.

Ceux qui ont cru possible une intelligence procdantla ntre, savoir par abstraction de la matire, d'une formule gnrale du monde telle que tout vnement singulier y serait contenu, ceux-l ne savent pas ce que c'est que la matire. Ils se figurent que le singulier est fait avec de l'universel, et que celui-ci, entirement pntr, l'puis, alors que l'universel abstrayant toujours de quelque chose, et que toute ide, mme la mieux prcise, n'tant invitablement qu'un schma, il est impossible jamais, par les moyens de l'homme, dfaire entrer dans des Nous ne savons le tout lois tout ce que ralise la nature de rien il y a l plus qu'une constatation, il y a un arrt, parce que le tout qu'il faudrait pntrer enveloppe l'infini de Impuissance; parce que ce tout n'est mme pas un tout, tant un indtermin au regard de tout pouvoir d'agir ou

comme

tablir

1

.

:

de connatre.D'ailleurs, ce

que nous disons chapper aux

lois, c'est-

-dire aux cadres de la pense abstraite, n'en est pas

moins

contenu sous la loi, tant pos et inluctablement pos par l'ensemble des conditions du rel. Ce qui rsulte de la matire, par opposition la forme, n'en sort pas moins de la nature. La matire est nature aussi. Qui la matriserait par la connaissance tiendrait tout le contingent avec elle, car ilsaurait de l'action tout, les

impedimenta commelois qu'il

le reste

2.

Mais ce n'est point dans desseraitles

connatrait tout, ce

dans une intuition totale, intelligences pures 3.

telle

que

la

peuvent avoir

1.

2. I

3.

Q. un. De Anima, art. XX. C. Gnies, c. i.xvh, n 3. Q. un. De Anima, loc. cit.

LA CONTINGENCE DANS LA NATURE.

69l'intellectua-

On

le voit

donc, ce qui est rpudi

ici, c'est

lisme outrancier ou notionalisme; c'est le prjug d'aprs lequel le rel ne serait qu'une sorte d'agglomrat d'abstractions, qui, numres, nous feraient tenir l'autre. Nous n'admettons comme ide du rel puisant tout le rel que

l'ide cratrice, et,

quand

il

plait Dieu, ce qu'il

munique auxla source

esprits*. Mais cette descente d'ide, issuela

o prend origine

matire

comme

en comde la forme, est

pleine de la richesse

du

rel.

Au

contraire, ce qui

monte

nous par

l'effort

d'abstraclion de l'intellect est vid en

partie, pareil aux vapeurs de la mer o l'eau se distille, abandonnant aux sables et aux rochers toutes ses substancessolides.

Quoi qu'il en soit,

j'insiste

dire que, contrairement de

fausses interprtations, le principe de raison suffisante n'a rien perdu ici de ce qui lui revient en tant qu'il exprime laloi

de

l'tre, c'est--dire

contradiction.

On

dit

en tant que driv du principe de seulement que l'tre, en son ampleur,

comprend de l'indtermin, et qu'il y a donc des raisons qui ne sont pas les raisons des rationalistes. Dans l'intellectualisme d'un Kant, d'un Descartes ou d'unLeibnitz,il

n'est nullementncessaire que l'univers s'enferme.

Saint

Thomas est intellectualiste

sa manire; mais

on peut

voir ici que cette manire est plus large. Dans l'tre objet de la raison, il fait entrer quelque chose qui dpasse la raison

en haut, parce que l'immatriel ne concerne en bas, parce que l'abstraction mme dfend la raison qui procde ainsi de pntrer ce dont elle abstrait. La nature est pour lui sans:

en deux sens

plus qu'indirectement la raison abstraite

;

fond,

comme l'esprit est sans

fond, bien que ce soit pour des2.

raisons contraires. Ce rapprochement nous aidera plus tard

comprendre le libre arbitre

Pour

l'instant,

concluons

que

si,

selon saint Thomas, tout ce qui se passe dans la na-

ture a sa raison dans l'absolu de l'tre, tout n'en devient pas1.

Q. un.

De Anima,1.

loc. cit.

2.

Cf. infra,

VI, en.

m.

70

SAINT THOMAS D AQDIN.

pour cela ncessaire. Dans une philosophie finaliste, cela seul est ncessaire qui est l'effet propre d'une activit dtermine le produire. Le reste, je veux dire les rencontres qui ue sont pas contenues dterminment et comme tellesdans une nature des choses suprieure, cela, dis-je, n'est car ne trouvant point son quivalent dans les sources intelligibles d'o l'on conoit que coulent les phnomnes; n'tant donc pas recherch par l'action, mais lui survenant, on ne peut pas affirmer que cela soit dcid d'avance, pas plus que l'invention d'un trsor par qui creuse un tombeau ou la rencontre de deux esclavespas ncessaire;

ne sont dcides ou contenues dans aucune intention humaine. cet art vise des effets dfinis Il y a un art dans la nature et en occasionne d'autres. La nature veut, c'est--dire tend vers des ralisations qui sont pour elle des fins et des biens tout ce qui rentre dans ces volonts, dans cet art est ncessaire, ne regarder que sa cause immdiate. Si cela peut tre empch par des rencontres malheureuses, cela est contingent au total; si rien ne peut l'empcher, cela est ncessaire tout court, comme dans les mouvements clestes. Mais ce qui n'est pas prvu nommment dans l'art immanent de la nature, bien que cela puisse tre prvu de nous qui savons faire des units avec des rencontres sans lien en soi, on ne le dira pas ncessaire, on le dira fortuit ouenvoys chacun part;

;

accidentel.

A

plus forte raison appellera-t-on ainsi ce qui

ne peut

tre prvu,

parce que ses causes contiennent une

dose d'indtermination irrmdiable.C'est bien l ce que voulait dire Aristote, ce que veut dire avec lui saint Thomas quand ils rptent l'envi que l'accidentel, comme tel, n'a pas de cause; qu'il n'a pas de g-

nration ou de naissance {non habet causam neque genera-

Cela ne signifie videmment pas que rien n'en lionem) explique la venue et ne la conditionne; mais il n'a pas de[ .

1.

In VI Met., lect.

III.

LA CONTINGENCE DANS LA NATURE.gnration en ce sens qu'il n'y a pas deturelle.

71

mouvement gnra-

teur ordonn lui; qu'il ne rpond aucune tendance na-

Ce que disent tant de modernes, que tout est rsultat, nullement fin, saint Thomas le dit de l'accidentel, et rien ne pouvait nous faire mieux comprendre ce qu'est au vrai la finalit thomiste. Elle se rattache au systme des formes en sa plus haute signification, c'est--dire l'affirmation des natures, ou plus gnralement encore du primat de l'acte, en l'entendant de l'acte dfini, rationnel en soi, fondement authentique du rationnel humain. Cette thorie va d'ailleurs s'claircir encore juger de sa forme logique, et de ses rapports avec les ides de fatalit ou de providence.

A.

LA CONTINGENCE ET LA VRIT. LE

FATUM

.

Logiquement, la contingence s'exprime chez saint Thol'adhsion et le concours qu'il apporte une thse fameuse d'Aristote. De deux propositions contradic-

mas par

toires relatives

un

futur contingent, l'une est-elle d-

terminment vraie ou fausse? demandait le Stagyrite. Et Non; car de la ralit du contingent, l'vneil rpondait ment seul dcide, et il n'y a vrit que de ce qui est dj dcid; d'erreur, que de son contraire. Le rel pos en soi ou dans ses causes tel est le fondement du vrai, puisque l vrai, c'est l'tre envisag sous l'un de ses rapports. Saint Thomas appuie cette dcision en de longs commentaires il la reprend pour son compte plusieurs reprises. Elle exprime en effet trs nettement sa position aussi bien quant la mtaphysique du vrai que relativement la constitution de la nature. La vrit vient l'intelligence de sa conformil avec les choses. Conformit, cela veut dire, dans le langage thomiste, participation la forme, rception en nous de l'intelligibilit diifuse dans le:

:

1

;

I.

In

I

Teri Hermeneias,

lect.

XIV.

72

SAINT THOMAS D AQUIN.et

monde

par laquelle celui-ci

est; car cela n'est pas qui

n'a pas sa raison intelligible (propria ratio); qui ne se trouve pas dfini par l'esprit et pour l'esprit je dis par,:

pense cratrice; pour, cause du reflet que nous en communique, aprs l'avoir ralis dans la matire, l'objet de la connaissance humaine. Il suit de l que cela

songeant

la

est vrai

un moment donn qui

est,

pour ce moment-l,

dfini intelligiblement en soi ou dans ses causes. Si donc,

dansil

la nature, se trouve

une source d'indtermination, un

arrire-fond que l'intelligibilit universelle n'enveloppe pas,

y aura l un trou noir, une limite la vrit immanente au monde. On dpasserait donc le vrai en disant d'un futur contingent Cela sera, parce que cela sera n'aurait de vrit:

que

s'il

se rapportait

un;

acte, c'est--dire le

une

intelligi-

bilit

rellement pose

or

futur contingent sort, par d-

de la puissance, du fond obscur que l'me du monde ne pntre pas il ne peut donc tre dclar vrai, et la vrit qu'il aura plus tard, s'il arrive l'tre, ne saurait faire retour au pass pour sanctionner une affirmationfinition,:

sans fondement d'intelligibilit actuelle.

On

a dit plus haut que le contingent:

comme

tel

n'a

pas de gnration c'est donc qu'il n'a pas d'tre. Et comment serait-il, puisque rien n'est ordonn lui dans la nature; puisqu'il n'a pas de forme propre. Cela est, qui reprsente une ide de nature; qui voit ses lments contenus

dans ce cadre la fois idal et rel que nous appelons la forme, j'entends la forme en son sens le plus gnral, ne serait-ce qu'une forme d'ordre, fonde sur des relations relles. Mais ce qui est pure rencontre, sortant du fond inrelle

dterminable des choses, cela n'est pas une ralit natucar premirement cela n'est pas uvre de nature, n'cherch par rien, et deuximement cela n'est pas un, tant;

si

ce n'est dans l'esprit qui en joint les termes. C'est une

liaison qu'on peutla

former aprs coup en la disant vraie, car mais celle-ci n'en fournit que ralit obtenue s'y prte;

les

lments pris part, et la liaison

comme

telle est

notre

LA CONTINGENCE DANS LA NATURE.uvre.sort pasIl

73 ne

s'ensuit

que

l'intelligibilit qu'elle contient;

des faitsIl

du fond de la nature qu'elle nat de la relation obtenus, non de la relation intelligible des causes.il

n'y a donc pas rgression de vrit, et que cela soit vraift

aujourd'hui qu'il pleut, cela ne prouve pas qu'hiervrai de dire dterminment:

Il

pleuvra

1.

D'aprs cela, la thorie dus'entend de trois faons.

fatum;

est facile.

Ou

l'on dsigne

Le fatum par l les immuaentend parler

bles dispositions de la Providencesoit

ou

l'on

d'une cause suprieure,;

soit

d'une connexion de causes

qui envelopperait toutd'avance.

dans laquelle tout serait donn

Ou bien enfin, rservant la contingence, on peut appeler fatum la forme d'ordre qui relie d'une faon tellequelle les vnements de la nature et de la vie, de par les

influences gnrales qui dominent le

vres magistrales, saint

Thomas

insiste

monde. Dans ses upeu sur ce dernierpas dans lesarti2.

point de vuecles

;

il

ne

le

mentionne

mme

Dans des uvres plus libres, dont Fopuscule apocryphe De Fato donne le ton, il accumule des notions dont beaucoup ont plus que vieilli, dont certaines font sourire. L'rudition en est d'ailleurscurieuse et la donne gnrale en est claire.

de la

Somme

consacrs au fatum

ici-bas,

Les influences astrales gouvernent beaucoup de choses mme de celles qui paraissent exclusivement for-

tuites.

Qui

ne

verraitfois,

la

mare que sur une

seule

plage, et une

seule

pourrait croire un accident

banal; qui tudie en grand le phnomne y reconnat l'action de la lune. Or ce qui se produit l se produit en une foule de choses. Les soi-disant hasards des naissances,des caractres, des socits, des fortunes, des passions qui ont pour sige les sens, n'en dpendent pas moins, en beau-

coup de cas, que1.

les

phnomnes cosmiques. Lexiv; q. VI,

tout sera

In

art. 7,

2.

I Pri Hermenlas, ad 24 m 25">. P pars, q. CXVI.,

lect.

De Malo,

art.

un, ad 21 m ; Q. XVI,

lk

SAINT THOMAS d'aQUIN.prvisible, tout

donc

science, et davantage

au moins dans mesure que

la

mesure de notre

celle-ci progressera.

Mais puisqu'en raison de la matire, l'intelligibilit de l'univers n'est que relative;

puisque la contingence brise lestelle l'astrologie,

mailles du destin ainsi compris {solvitur vmcidum), lessciences qui entendent le pntrer:

se-

ront toujours conjecturales 1position

.

une disimmobile imprime des choses mobiles , et il en serait de lui, quant l'vnement, comme du conseil d'un sage, dont les faits peuvent lgitimement s'carter, parce que des conseillers immdiats ont d l'adapter des cirAussi pourrait-on, en ce sens, dfinir le destin

constances nouvelles 2Si l'on

.

appelle

fatum

la

srie enchaneil

des causes,

commereuse;

l'entendirent les stociens,telle srie

faut dire qu'en elle-

mme, unelaisse place

n'implique aucune ncessit rigou-

mais seulement un ordre gnral du monde qui la contingence. Les stociens ont eu le tort de croire que tout ce qui arrive a une cause dfinie et dfinissable, alors que le contingent comme tel n'en a point, mais qu'il se tient du ct de la matire, qui est un inconnaissable 3 Ils ajoutaient, non moins tort, qu'une cause tant pose, il est ncessaire que son effet suive. Cela n'est pas rigoureux; car il n'est nulle cause naturelle qui ne puisse tre empche, aucune ne dominant toutes les conditious o tombe son acte. Et ce qui est vrai de chacune est vrai de toutes prises ensemble car mme ainsi intgres,.;

elles n'puisent

pas

le rel

;

la matire,

principe d'indivi-

duation, leur chappe pour une part, demeurant variable

sous toutes les

lors, nulle certitude

dterminations qu'elles y impriment. Ds immanente au monde n'englobe tous;

les effets qui s'y produisent1.

nul pronostic n'est sr,c.

mmeCXV,

cliv,

De Fato, med ; Q..

art. 2, 3 et

4;

Fil (7.

G entes,

lxxxiv, in fine; lxxxv, in fine;

V,

De

Verit., art. 10, corp. et arg., 7

cum resp.

1" pars, q.

art. 4,2.

ad 3 m De Fato,.

art. 3.1*

3. Cf.

adhuc

pars, q.

LXXXV1,

art.3.

LA CONTINGENCE DANS LA NATUREprocdant d'une science acheve,s'il

75

a rapport aux flux et

aux

reflux qui ont

pour sigela

la matire.

Les assertions actuelles des dterministes, qui prtendent

envelopper dans

formule du monde

mme le nom du:

masque de fer cause du libredel'acte

sont repousses par l doublement;

arbitre

cause de la part d'indtermile

nisme, d 'inintelligibilit queEnfin, sinous rattachons levoici ce

mlange de.

la puissance et

occasionne dans la nature.

fatum

l'ide

de providence,

que nous devons dire. Ce qui a lieu accidentellement dans le monde, soit par le fait du libre arbitre, soit en raison de l'indtermination de la matire, dpend d'unecause transcendante qui le prordonne, et que nous appelons la Providence. Tullius et d'autres ont eu le tort denier le

fatum

ainsi

compris 1 On.

les.

a rfuts plus haut en

essayant de lever leurs scrupules 2

Le fond de leur illusion consiste n'avoir pas saisi la transcendance. Ils n'ont pas vu que le problme de Dieu consiste rechercher une source de l'tre en tant que tel, et par consquent de l'tre quant toutes ses diffrences,le

contingent et le ncessaire compris. Leur Dieu,;

s'ils

le

empruntait sa notion catgories, comme saint Augustin raconte qu' ses aux yeux de jeune philosophe, Dieu empruntait sa substance je ne sais quelle matire pure. Ds lors, ml au complexusil

posrent, n'tait qu'un dmiurge

ds causes,pas,

il

subissait leurs conditions,la

et

s'il

n'agissait

l'homme ou;

naturelle

mais

s'il

nature restaient leur spontanit agissait, son efficience souveraine pri-

mait tout; il n'y avait plus, sous lui, ni libert ni contingence. Ce dilemme tabli, chacun, selon son humeur etselon la face des choses qui lerefusaitcette

frappait,et

ou accordait oule

divine

action,

ceux qui l'accordaientest

tombaient dans

le fatalisme;

ceux qui la niaient dansIl

naturalisme. Mais notre Dieu est d'autre essence.1.

I

pars,q. CXVI, art. 1; Quodl., XII, q.

III, art.

4

2. Cf.

supra,

t.

I, 1.

II,

ch.

m, q.

76

SAINT

THOMAS D AQUIN.est pas

la cause de l'tre,

et n'y

ml;

il

est suprieurles-

aux catgories, suprieur aux transcendantaux parmi

quels le contingent et le ncessaire se rangent. Toute condition du rel est sous sa dpendance, sans qu'il y troublerien de ce qu'au contraireil

donne.

Au

contingent

il

a

prparsaires.

les causes contingentes,

au ncessaire

les nces-

L'indtermination de la matire vient de lui; elle est dtermine pour lui; non qu'il la voie dtermine, ce qui serait une erreur; non qu'il la fasse dtermine, ce qui serait violer sa nature; mais en ce que l'indterminationqu'elle affecte n'affecte point sa science et ne limite point

son pouvoirtivit

;

en ce que la part

d'intelligibilit et

de posi-

qui lui

manque n'est:

point

un

obstacle qui

domine

ou inintelligible, positif ou en pur devenir. Il n'y a qu'une chose que Dieu ne voie pas, encore voit-il que Dieu ne fasse pas, c'est ce qui n'est pas le possible, en tant qu'il est possible. Mais ce et fait-il tout qui est, contingent ou non, libre ou non, en puissance ouces diffrencesintelligible

en acte, c'est Dieu qui lui donne tout, en raison de quoi nous disons qu'il le contient et qu'il le juge qu'il le pense, cela ne ft-il point en soi pensable qu'il l'enveloppe de son intelligibilit transcendante et de son pouvoir, cela ne ftil, en soi, ni intelligible ni matire possible d'action. Et si l'on croit qu'il y a l une contradiction dans les termes, qu'on veuille bien se souvenir de la doctrine des noms divins, et de la ncessaire quivoque qu'ils con;

;

Que Dieu pense l'impensable et qu'il pose le non positif, cela ne se pourrait point si ces mots appliqustiennent1.

lui avaient le mme sens qu'appliqus nos objets. Mais leur sens n'est qu'analogique. La pense de Dieu est suprieure la pense, et c'est pourquoi elle peut contenir ce

que la ntre trouve tranger son ordre et inassimilable. La pense humaine est fonde sur Y acte; ce qui est puissance lui chappe. Mais Dieu fonde la puissance et l'acte,

1.

Cf. supra,

t.

I, 1. II,

ch.

m,

C. a.

LA CONTINGENCE ANS LA NATURE.etil

77

contient en son essence super-intelligible soit l'intelli-

gibilit

de

celui-ci, soit l'inintelligibilit

de

l'autre.

De mme, Dieu, en crant le contingent, le dtermine tre mais prcisment parce qu'il est contingent, c'est cela qu'il faut dire que Dieu le dtermine. Il n'en devient donc pas ncessaire. Si l'on peut ainsi dire, Dieu le dtermine tre indtermin. Et ici encore, Y analogie sauve la contradiction apparente. La dtermination cratrice tant relative l'tre en tant que tel, l'tre en sa plus haute gnralit, n'y est pas elle-mme comprise; elle n'est donc pas affecte par nos modes elle n'implique donc, de soi, ni ncessit ni contingence au sens humain de ces termes.; ;

Elle laisse ces diffrences

ce qu'elles sont, savoir desd'tre troubles par l'ac-

diffrences

du

cr, incapables

tion transcendante qui, au contraire, les pose.

Mais ces choses ont t dites. Tout ce qu'il faut ajouterici, c'est

que rien ne s'oppose,:

si

l'on

regarde ainsi en Dieu;

domine ce qui est et par suite co'urt', ne l'est plus, compar sa Cause contingent tout ncessaire. Il en est comme de deux courriers qu'un commun matre envoie secrtement en un mme lieu par des routes diverses. Quant eux, leur rencontre est fortuite quanta lui, elle est ordonne et voulue 2 On sait maintenant jusqu' quelle profondeur cet exemple porte. C'est donc l le divin Destin. Seulement, c'est un destin qui n'en est pas un au sens antique, et c'est pourquoi lesla nature, ce qu'on dise

Un

destin la

contingent relativement aux causes cres

;

.

Pres de l'gliseC'est

ont gnralement repouss ce terme 3

.

un destin qui n'enlve aucune destine elle-mme c'est un fatum qui ne rend rien fatal. Ici encore il faut se reporter la partielle quivoque des termes; je veux dire Yanalogie, dont la notion domine toute science du divin, et, par suite, se retrouve au fond de tout.;

1.

P

2.

P

pars, q. pars, q.

XIV,

art. 13, art. 1

ad 3 m;

;

q.

CXVI,

q.

XXII,

art. 2,

XVI, De Malo, ad l m.

art. 7, d. 15.

3. Ibid.

LIVRE V

LA VIE ET LA PENSE

CHAPITRE PREMIERL'IDE

GNRALE DE LA VIEpas un naturaliste;

Saint

Thomas

n'est

mais sa curiosit

universelle et le sens profond de la solidarit de toutes lesparties de la science lui ont suggr des recherches d'o

sont sorties, en ce qui concerne l'tude de la vie, des notions

de tout premier ordre. On verra que sur plus d'un point il a devanc les plus, rcentes conceptions, et s'est trouv en garde contre des illusions qui, presque fatales son poque, ont entran de nos jours des philosophes avertis cependant parles progrs de la science exprimentale. Sa mthode gnrale n'est pas l'introspection. Son point de dpart est tout physique il correspond la doctrine Omniscognitio a sensu. Le vivant est un corps naturel d'une certaine espce on cherche d'abord ce qu'est le corps naturel, et, de J, on vient aux conditions qu'il revt dans le vivant. Si aprs cela un vivant se fait voir dou d'une fonction qui dpasse les pouvoirs du corps naturel, on tudiera cette fonction part, sans oublier son point d'attache. Le;

:

:

trait

de l'me intellectuelle reprsentera ainsi;

comme une

fuite tangentielle

par la en tablira la notion.Il

mais ce sera en fonction du cercle que, double mthode de similitude et de diffrence, onpas sans intrt de remarquer que l'tude des

n'est

80

SAINT THOiMAS

T)

AQUIN.

substances spares et celle de Dieu ne sont que le prolon-

gement de

cette recherche,

dont l'lgante unit frappera

tout penseur.Il s'agit, au fond de tout cela, de la matire et de la forme, de la puissance et de Y acte, dont l'ascension ontolol'indtermin par gique s'tablit entre deux extrmes:

par absence de limitation poabsence telle sorte que la science, qui est fonde sur tentielle. De l'inconnaisl'acte, s'tablit elle-mme entre deux limites sable par nant et l'inconnaissable par plnitude.d'acte; l'indtermin:

Ce procd objectif

est,

au fond, celui de toute

la phi-

losophie antique. Est-il mauvais? Oui, au point de vue de l'idalisme et des doctrines qui en procdent; non, au point

de vue du ralisme relatif auquel s'est attach saint Thomas. C'est donc la thorie de la connaissance, et, par l, toute laici en cause. que l'introspection devait avoir, en Avouons toutefois toute hypothse, sa trs grande part. Quand on a l'trange fortune de porter en soi-mme l'objet de son tude, il serait curieux de s'obstiner ne regarder jamais que du dehors. Saint Thomas ne mrite-t-il point ce reproche,

philosophie, qui seraient

je ne saurais le dire.

Il

a subi la pression

du temps.

Il

ob-

serve au dedans, mais pour ainsi dire le moins possible. L'homme est pour lui un objet, qu'il construit en fonction

de rares intervalles seulement, il s'en rfre proprement au sujet et aux donnes relatives lui que nous fournissent les phnomnes de conscience.des autres objets.A.

Quoi

qu'ille

amorces

en soit, voici, dans sa doctrine problme de la vie se rattache.

,

quelles

Toute existence, dans tous les ordres, se manifeste par de soi l'tre est dynamognique. Mais l'tre, se trouvant ralis dans les natures enl'action; le bien est difusif;

des formes diverses, implique aussi diverses formes d'action.Or, relativement notre problme,

deux cas fondamentaux

doivent tre envisags.autre que l'agent;il

Il

est des actions dont le sujet est

en

est

qui sont reues dans l'agent

L IDE GNRALE DE LA VIE.

81

mme; non

pas

comme

tel,

videmment; car parler avec

prcision, rien ne peut se mouvoir, l'agir et le ptir impli-

quant l'un affirmation, l'autre ngation d'acte. Mais on veut dire que certains tres sont dous d'une multiplicit qui leur

permet

d'tre la fois agents et patients sous divers rap-

ports, et l'on dit alors qu'ils sequ'il sont vivants.

meuvent eux-mmes; on

dit

une quivoque. Tous les tres semblent dous, certains gards, de cette autonomie de mouvement qu'on dit tre caractristique de la vie. Tout corps est lourd ou lger; or le corps lourd tombe, leIl est

ncessaire, d'ailleurs, d'carter ici

corps lger monte sans intervention extrieure. Maisa l qu'une difficult apparente. Les corps lourds se

il

n'y

vent d'eux-mmes, mais

ils

ne sont

meupas mus par eux-mmes:

moventur seipsis, sed non aseipsis 1 L'engendrant, qui leur a donn leur nature, est cause propre du mouvement que manifeste cette nature; car vrai dire, ce mouvement n'est pour eux qu'un complment de gnration, le corps qui se.

meut

ainsi s'efforant vers sa disposition naturelle 2

.

Ds que

celle-ci est

obtenue, le

mouvement

cesse, et puisqu'il n'y a

pas lieu, pour le sujet, de faire face des circonstances intrieures, ni de suivre un plan de dveloppement dfini, la

nature neil

l'a

dou d'aucun pouvoir d'action sur lui-mmepas.

;

ne

se

meut

cas

Le vivant, au contraire, tout en se trouvant dans le mme que le grave en ce qu'il reoit d'un autre sa nature etles

consquemment

tendances fondamentales qu'elle impli-

que, le vivant, dis-je, a ceci de particulier que les tendances

un plan de dveloppement qu'il devra raliser par ses moyens propres. Il devra, de luimme, orienter ces tendances vers des applications partireues sont relatives

de la mme faon qu'un principe s'applique des consquences par l'intercalation de mineures successives. La plante procde ainsi en ce qu'elle assimile, et, par ceculires,1.

2.

I*

Q. XXIV, De Verit., art. 1. pars, q. XVIII, art. 1, ad 2 mSAINT THOMAS d'AQUIN.

;

Cf.

supra,

liv.

IV, ch.

i,

B.

a.

T.

H.

6

82

SAINT THOMAS d'aQUIN.et ralise,

moyen, volue

par uu travail dont elle est l'ouvrier, le plan qu'exprime sa nature. L'animal fait cela mme et quelque chose de plus; car il connat, et par l fournit au travail qui s'opre en lui et par lui des ressources

incomparablement suprieures. Enfin, l'animal raisonnable que nous sommes ajoute ce qu'il participe de la bte et de la plante la facult djuger ses fins, au lieu de seulement les atteindre sous l'impulsion de sa nature et des circonstances. Par l il domine ses objets, et, au lieu d'tre simplement Y agent de ses destines, comme la plante ou d'en tre l'arbitre inconscient, comme l'animal, il en aie libre,

arbitre, c'est--dire qu'il n'obit fatalement qu' sa nature

foncire, et que,

nature,Il est

il

dans le domaine laiss aux bats de cette peut choisir sa destine au lieu de la subir.

certain que celte ide gnrale de la vie n'a rien

craindre de l'exprience savante; elle pourra seulement s'y

Pour nous comme pour saint Tho qui se meut lui-mme , mas, l'tre c'est--dire qui a la proprit de parcourir un cycle de changements dfinis, par des moyens que dtermine sa nature propre. Ce qui est dit des graves, bien que faux dans la forme de prcision qu'on lui donne, est vrai relativement au problme prsent, et l'opposition tablie, au point de vue action, entre vivants et non vivants reste inattaquable. Il n'y a plus dire, aprs cela, comment, dans le syscomplteret s'y prciser.

vivant est bien celui

tme thomiste, devront, en gnral, s'expliquer la formation, la conservation et l'volution gnrale du vivant. Faire de celui-ci, avec les anciens ou les nouveaux naturalistes le rsultat

d'un concours accidentel de forces

;

un

point de

concentration fortuit et

momentan

d'activits gnrales

sans lien, c'est ce qui n'est pas possible. La thorie des

formes et celle de la finalit, qui lui est identique, s'y opposent. La nature est intelligible et ralise de l'intelligible; tout se fait, ici-bas, selon des plans; tout obit, pour l'agir comme pour l'tre, des ides de ralisation, des idesdirectrices

immanentes.

L IDE GNRALE DE LA VIE..

83et

Dans

le vivant, l'ide-forme s'appelle

me,

l'me ex-

plique tout, en ce que c'est elle qui

marque

la direction

que

prendra l'volutioncollaboration

vitale, la

faon dont sera utilise la

du milieu,

les manifestations internes et ex-

ternes qui devront s'ensuivre.Est-ce dire qu'un certain vitalisme,excessif, et d'aprs lequelfils

d'an spiritualisme

l'me envisage seule serait

proprement parler le moteur du corps, reprsente la vrit thomiste ? Aucunement, et c'est ici que des prcisions sentncessaires.

Pour

le vitalisme, il

y

a,

dans

le vivant,

une force

vitale

particulire, qui collabore avec les activits physico- chimi-

ques, les enveloppe, les contraint, au besoin les contreditet leur rsiste.

D'o la dfinition de Bichat

:

La vie

est

l'ensemble des fonctions qui rsistent la mort

, ce que La vie est l'ensemble des proprits vitales qui rsistent aux proprits physiques. Or l'exprience tend de plus en plus tablir que pas un des phnomnes de la vie organique, regard de prs et dans son essence particulire, n'est irrductible aux activits cosmiques. L'autonomie du mouvement extrieur n'est qu'une apparence grossire, qui se rsout, l'analyse, en

Claude Bernard traduit

:

phnomnes de dsassimilation et d'actions mcaniques combines. L'ide que l'me soulve le bras et agite les jambes par une action propre est une ide de sauvage, pareille celle qui faisait croire mues par un animal intrieur lespremires locomotives entrevues aux pays barbares.

Quant

la nutrition, base

de tout,

il

semble bien qu'elle

ne

soit,

titre excutif, que le rsultat de multiples combi-

naisons dont on aura prochainement la formule.

On dit La cellule se nourrit et agit pour elle-mme : donc il y a l une force spciale. Conclusion excessive. Pour elle-mme indique ici une finalit immanente, donc un principe immanent de cette finalit mais non pas une force executive spciale. L'excution s'explique ou pourra s'expliquer par les changes d'actions physiques:

;

84et

SAINT THOMAS DAQUIN.

chimiques du milieu intrieur. Le succs de la mthode exprimentale applique aux vivants prouve, tant donn les moyens de cette mthode, que la vie a pour instrumentsexclusifs

Or, saint

de son action Thomas en

les forces

physico-chimiques.

est d'accord.

A

ses yeux,

il

y a dans

tout individu vivantl'unit, la

un principeet,

substantiel qui en fait

nature propre,

par

l, les

proprits et la loi

volutive. L'tre ainsi constitu tendra par sa nature

mme

raliser

le

cycle d'oprations que nous avons reconnu;

mais ce par quoi il le ralisera, ce sont les qualits lmentaires dont le complexus spcial suit la nature de ce mixte.Qu'on se souvienne de la thorie gnrale du mixte4.

tre la caractristique de la vie

une synthse de substances vanouies comme telles dans l'unit nouvelle constitue, mais qui subsistent v irtuellement, c'est--dire par la survivance, au seinest

Un mixte

nouveau, des proprits de ses lments, simpletempres par leur alliance, et orientes par la ment forme propre du mixte vers de nouvelles manifestations. Cette thorie s'applique ici pleinement, et dans ses deux termes. L'me n'est pas plus un moteur organisant par une action propre des lments dous d'autonomie ontologique et fonctionnelle, que la forme du mixte n'est le moteur dedel'tre

soi-disant substances conservantet

une

activit

autonomes.

Il

en son sein une existence y a unit relle du vivant

comme du mixte, et il y a multiplicit virtuelle du vivant comme du mixte. Tout, dans le vivant, est vital, mme ce quilaisss

que d'une action rciproque d'lments eux-mmes, et tout, dans le vivant, est le rsultat de vertus lmentaires, mme ce qu'on voudrait appeler excluparait ne rsulter

sivementest

vital. L'tre vivant, comme le compos chimique, lui-mme dans toutes ses parties l'esprit ne le rsout pas en d'autres, mais en lui-mme dou de dispositions;

diverses. Tout ce qu'il s'assimile lui est rellement assimil,

1.

Cf.

supra,

1.

IV, ch.

i,

A.

l'ide gnrale de la vie.

85

et non pas seulement soumis. L'aliment subit un renouvellement intime qui atteint aux profondeurs de sa subs-

tance, jusqu' la division de la matire

et

de la formequi luisoit

(nsgue ad materiam primam), c'est--dire qu'il perd toute

dtermination ontologique etet

fonctionnelle

rellement propre, pour se laisser envelopper dans un tre

un fonctionnement

suprieurs. Mais ce fonctionnementqualitativeslaisses

utilisera les dterminations

dans

le

mixte vivant par l'laboration progressive de la matire,sous l'empire des prcdentes formes.Cette ide,si

cohrente l'ensemble du systme,

est

en

soi

extrmementprofonde,et,j'oseledire,extrmementactuelle.Les plus matrialistes

d'une part, les

cartsiens

ou

platoniciens attards de l'autre y sont

amens malgr eux,

tant l'vidence des faits contraint ceux que leur systme de

philosophie gnrale rendrait

ici le

plus hostiles.

Tout

le

monde en

convient aujourd'hui plus ou moinsest

explicitement,

un compos chimique

une unil dont

les

radicaux sont tout autre chose, uneplus videmment encore,

fois

englobs dans cetteest

unit, qu'ils ne seraient l'tat de substances libres. Bien

un organisme

une

unit,

une

substance dtermine en soi, non une colonie de cellules

ou d'atomes. Hors de l, nul ne saurait tenter une explication quelque peu plausible de ce fait que le vivant peut s'assimiler son milieu pour premirement se dvelopper; deuximement rparer ses pertes, en se rgnrant d'aprs les donnes d'un plan vital toujours identique; troisimementse reproduire avec ses caractres spcifiques et selon leslois

de l'hrdit Or, de cette vrit saint Thomas a le sentiment profond. Il dfend l'unit organique avec une vigueur inlassable contre les partisans de la pluralit des formes 2 Il ne conoit pas1.

.

1. Cf. Paul Vignox, Revue de philosophie, Hrdit, p. 8, 17, 18. 2. Cf. Opusc. de Pluralitate formarum ; in

1"II,

juillet

1901;

Le Dantec,i,

De Anima,

lect.

med.

86qu'il puisse

SAINT THOMAS d'aQUIN.

y avoir, en un mme tre, plusieurs ides de nature travaillant chacune pour son compte, sans unit immanente, sans harmonie. Ce serait l une anarchie, cene serait pas un tre. L'tre est avant tout ide, tant surtout forme, acte; la matire n'tant qu'une limite et comme

un non-lre ml o se

l'tre. Il s'ensuit

que toute substance

fait voir l'unit d'ide, ralise l'unit d'tre, et c'est

donc que les lments employs la former perdent en lui leur autonomie ontologique. Us deviennent vivant dans le vivant, chien dans le chien, homme dans l'homme. Mais, par ailleurs, saint Thomas ne cesse d'affirmer que si les manifestations vitales sont orientes par la forme vivante vers un but prfix par elle, en tant qu'ide immanente, elles sont ralises par la collaboration des proprits lmentaires que le milieu intrieur du vivant nous rvle, avec, pour condition, le concours actif et passif du milieu extrieur.

Pour

lui,

comme s'il n'y avait ment comme s'il n'ylit,

dans l'organisme, tout se passe chimiquement point d'me, et tout se passe vitale-

avait point de chimie. La forme du empruntant un exemple d'ristote, n'est pas athibuable la scie, mais l'art; et cependant, c'est la scie qui excute. De mme, l'assimilation, qui est le tout de l'anidit-il,

mal, est

titre excutif le rsultat

des qualits lmentaires,elle

en particulier de la chaleur, mais.

n'en est pas moinsoriente

aitribuable l'me 1 Celle-ci est l'artles oprations vitales;

immanent qui

ce n'est pas le mcanicien de Platon,

ni l'esprit pur de Descartes, uni au corps

pour oprer en commun avecrpartir.

lui

on ne sait comment, un travail impossible par son application d'abord la

Cette notion

va

d'ailleurs s'claircir

aux diverses phases de la vie animale,gnration.

et tout

1.

In

II,

De Anima,

lect. vin,

in fine; q. XIV,

De

Veril., art. 5.

l'ide gnrale de la vie.

87

a.

la gnration animale.Nutrition et croissance.

Ceux qui pensent que l'me organise par elle-mme samatire; qu'elle assimile, qu'elle rpareet qu'elle

meut,

sont ports logiquement faire remonter ce travail jusqu'au

moment de

la

premire assimilation, de

la

premire motion,

qui est la gnration elle-mme. De l l'ide que le semenorganisateur, ds sa jonction avec une matire, est dou

d'une me, et que

c'est cette

me qui

fabrique

le

corps.

Or rien n'est plus loign de la pense thomiste. Dans le semen organisateur (nous dirions aujourd'hui dans l'ovule fcond), il n'y a aucune me, mais la vertu d'une me, c'est--dire un complexus de proprits dont l'me de l'engendrant a fourni la formule; qui reprsente donc l'espce qui est vertu de l'espce qui travaille pour son compte, et qui provoquera ainsi, de par l'me initiale, l'closion d'une autre me. Mais l'me de l'engendr n'adviendra qu'avec la disposition ultime; car dans toute gnration, la forme vient au bout de l'altration;

;

progressive qui lui donne sa matire propre.

Dans

la

gnration, la forme n'a de causalit que par manire de fin. C'est la vertu de l'espce qui travaille dans le

en des pouvoirs lmenpar elle-mme d'unit. C'est pourquoi, chacun des pouvoirs en question ne travaillant qu' soncette vertu s'incarnetaires et n'a point

semen; mais

uvre propre,

et leur collection n'ayant

pas de principe

immanent

d'unit,

on

dit,

selon la constante doctrine descollectivement pris, ne fontils

formes, que ces pouvoirs,

mme

point leur uvre, mais l'uvre de la substance d'o

manent,

dans cette substance, l'uvre de la forme, qui est raison intelligible, donc principe de toutes les finalits que poursuit l'tre *.et,

1.

Q.

III,

De

Pot., art. 12.

88C'est

SAINT THOMAS D'AQUIN.

nrations par fissiparit. Car,

par l que s'expliquent, selon Dotre auteur, les gdit-il, le degr d'organisation

de certains vivants est assez restreint pour que nul organe en particulier ne soit indispensable la vie de l'tre, ou incapable d'tre rgnr par la vie laisse aux autres organes. L'ide vitale se trouvant manifeste au complet ouquivalent ment dans chacune des parties divisibles, sparercelles-ci,

ce n'est point tuer, mais multiplier.

L'me, qui

pourra donc passer de l'unit la multiplicit, parce que, ds le dbut, en raison des conditions de son support, elle tait multiple en puissance. Il en est, toute proportion garde, comme du continu homogne, o la division multiplie numriquement la forme, l'ide de nature que reprsente celle-ci se trouvant ralise dsormais en plusieurs. En toutes choses, la division, si elle ne tue pas, multiplie Quoi qu'il en soit d'ailleurs de ce cas, il reste que dans le systme thomiste, la fabrication du corps n'est nullement,n'est autre chosel'ide

que

immanente de

la vie,

1

.

titre excutif,

l'uvre de l'me. Celle-ci, acte du corps

organis, ne peut subsister qu'en lui, et elle est, en lui, le

terme de la gnration, non son principe. Quant l'me de l'engendrant, elle rpond du travail comme le chef rpond de la bataille dont il a fourni le plan les soldats, c'est--dire, ici, les qualits des lments mis en jeupar l'action gnratrice, gardant l'honneur des ralisations et, par;

suite, la responsabilit

du dtail.de la gnration proprementdite,

Queil

s'il

en

est ainsi

de la nutrition et de la croissance, qui gnration d'un certain genre; car si le sont aussi une tissu vivant n'y est pas engendr directement et en soi,doittre ainsiil

en

est

qu'il

engendr dans le tissu prexistant augmente (aggeneratur) 2 De fait,.

qu'il

rgnre ou

saint

Thomasvertu

ex-

plique

la

nutrition et

la

croissance par une

l'espce [virtus speciei convcrtcns)',1.

de mais cette vertu n'est

2.

Q. In

III,I,

De Pot., De Gner,

art.

m 12, ail 5

.

et vorrupt., lect.

xvn, n

6.

L IDE GNRALE DE LA VIE.

89

point l'me seule

;

c'est la

puissance assimilatrice du com-

pos, laquelle se rsout, l'analyse, dans l'me d'une part,

en tant que celle-ci donne l'espce et dtermine par suitela finalit; mais, d'autre part,

taires qui excutent,

en ce

qu'ils

dans les pouvoirs lmendonnent lieu aux altra-

tions qui aboutissent cette transsubstantiation vitale. Ces

pouvoirs, eux seuls, ne feraient que le matriel de la be-

sogne; l'me, elle seule, n'en donnerait que le plan; la synthse corps a?ii?n, me incarne assimile vritablement,c'est--dire

soumet

l'espce, fait entrer sous l'ide vitale

des lments qui, pour s'incorporer, devront perdre, ainsi

qu'on le

disait,

leur autonomie

ontologique aussi bien quela nutrition

leur autonomie fonctionnelle.

On pourrait dire d'un motla gnration, l'me agit

:

Dans

comme dans

par

les proprits

physico-chimi-

ques; les proprits physico-chimiques agissent se Ion l'me.Et ce n'est qu'en apparence aussi qu'il parait diffrer, quand il s'agit non plus de gnration ou d' aggnration , de formation en un mot, mais d motion..

Inutile d'insister, le cas est le

mme

1

B.

COMMENT

L'AME MEUT LE CORPS.

De mme que l'me, par elle-mme, ne fabrique pas, ne rpare pas le corps, l'me, par elle-mme, ne le meut pas. Saint Thomas dit toujours que l'me meut le corps par sespuissances, et que ses puissances sont organiques, c'est--direqu'elles ont

pour moyen l'organisation, laquelle.

n'est autre

chose que la synthse lmentaire susdite 2phie gnrale. Si l'mea raison de matire,seule, soit moteur.est

Cette thorie, d'ailleurs, ressort nettement de sa philoso-

forme, et

il est

si le corps, son gard, impossible que l'me, envisage

La forme n'a aucune action propre, Verit., art. 5.

1.

Cf.

2.

Q.

III,

De Gen. et corrupt., loc. cit. ; q. XIV, De De Pot., art. 11, post med.

90

SAINTqu'elle

THOMAS d'QCHT;dans cecas, n'est-

moins

ne

soit subsistante; encore,

ce point en tant que telle qu'elle agit. La forme a pour rle

de constituer, non d'agir;

elle se*,

repose en son sujet, bien

quand l'action se produit, qu'elle le constitue agissant cette action doit tre attribue au compos, non la forme 2 Si donc on dit, comme on peut le dire en effet, que l'me meut le corps, il faut l'entendre de l'me incarne; ou, ce qui revient au mme, du corps anim, du corps organis dont l'me est l'acte. Et cela quivaut dire L'me est ie principe par lequel le corps organis sous sa loi se meut lui-mme 3 Le pouvoir moteur qui rside dans le vivant est donc, titre excutif, la disposition mme du mobile 4 ,et.

:

.

savoir l'organisation, rsultant des relations combines des qualits lmentaires. signe

Dans plusieurs passages de ses uvres, saint Thomas ascomme raison de la diffrence qui existe entre vivants et non-vivants, au point de vue de la motion exercer sur soi-mme, que l