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1 N° 74 Mars 2016

Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du travail ... · paiement de rappels de salaires, sans déduction des sommes perçues par le salarié au titre du ... les techniciens

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N° 74 Mars 2016

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SOMMAIRE

A - CONTRAT DE TRAVAIL, ORGANISATION ET EXÉCUTION DU TRAVAIL B - DURÉE DU TRAVAIL ET RÉMUNÉRATION C - SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL F - RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL G - ACTIONS EN JUSTICE

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A - CONTRAT DE TRAVAIL, ORGANISATION ET EXÉCUTION DU TRAVAIL

1. Emploi et formation

*CDD – Requalification

Soc., 16 mars 2016 Rejet

Arrêt n° 552 FS-P+B

N° 15-11.396 - CA Paris, 26 novembre 2014

M. Frouin, Pt - M. Ludet, Rap. - Mme Robert, Av. Gén.

Sommaire

Le calcul des rappels de salaire consécutifs à la requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée, qui s’effectue selon les conditions contractuelles fixant les obligations de l’employeur telles qu’elles résultent de cette requalification, n’est pas affecté par les sommes qui ont pu être versées au salarié par l’organisme compétent au titre de l’assurance chômage.

Note :

En l'espèce, un salarié a été engagé par la société France Télévision France 3 en qualité de chef opérateur son-vidéo dans le cadre de 769 contrats de travail à durée déterminée à temps partiel successifs, conclus entre le 1er juin 1983 et le 5 avril 2009.

La société ayant cessé de le solliciter, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et au paiement de diverses sommes dont un rappel de salaire pour les périodes interstitielles. Les premiers juges d'appel ont requalifié la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée à temps partiel. Saisie une première fois par le salarié, la Cour de cassation a cassé la décision rendue qui, « ayant constaté que le contrat de travail à temps partiel ne répondait pas aux exigences de l'article L. 3123-14 du code du travail, écarte la présomption

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de travail à temps complet qui en résulte, sans constater que l'employeur fait la preuve de la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire, convenue » (Soc., 9 janvier 2013, pourvoi n°11-16.433, Bull. 2013, V, n°5). La cour d'appel de renvoi requalifie les contrats successifs en un contrat à durée indéterminée à temps plein, et condamne l'employeur au paiement de rappels de salaires, sans déduction des sommes perçues par le salarié au titre du chômage. L'employeur forme pourvoi contre cet arrêt.

La question posée à la chambre sociale était de savoir si les sommes versées au salarié au titre de l'assurance-chômage devaient être déduites des rappels de salaires consécutifs à la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein. Les indemnités chômage touchées au titre des périodes interstitielles devaient-elles être déduites des rappels de salaires alors que la requalification en contrat à durée indéterminée couvrait ces mêmes périodes ?

Le contrat à durée déterminée est un contrat d'exception au sens de l'article L. 1221-2 du code du travail, et le non-respect des règles attachées à celui-ci est sanctionné par la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée. Ce mécanisme permet au juge d'allouer une indemnité dite de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, aux termes de l'article L. 1245-2 du code du travail.

Cependant, pour obtenir le paiement des salaires correspondant aux périodes intercalaires entre deux contrats à durée déterminée, le salarié doit démontrer s'être tenu à la disposition de l'employeur (Soc., 9 décembre 2009, pourvoi n°08-41.737, Bull. 2009, V, n° 282 ; Soc., 10 décembre 2014, pourvoi n° 13-22.422, Bull. 2014, V, n° 284). La chambre sociale a précisé que « la perception d'indemnités de chômage n'exclut pas à elle seule que le salarié se tienne à la disposition de l'employeur » (Soc., 25 juin 2013, pourvoi n° 11-22.646, Bull. 2013, V, n° 164), et que la charge de la preuve incombait au salarié ( Soc., 16 septembre 2015, n° 14-16.277, en cours de publication).

Dans la présente affaire, le salarié se tenait effectivement et constamment à disposition de l'employeur. Pour autant, l'employeur contestait le mode de calcul des rappels de salaires puisque le salarié avait touché des indemnités chômage perçues au titre du régime des intermittents.

Le présent arrêt du 16 mars 2016 tranche la question et juge que le calcul du rappel de salaire s'effectue suivant les conditions contractuelles résultant de la requalification du contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, requalification qui fixe les obligations de l'employeur, de nature contractuelle. Dès lors, ce calcul ne peut pas se voir affecté par les sommes qui ont pu être versées au salarié par l'organisme compétent au titre de l’assurance-chômage puisqu'il ne s'agit pas de l'évaluation d'un préjudice. Les indemnités versées, de

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nature non salariale et n'émanant pas de l'employeur, ne peuvent être déduites de la créance découlant du contrat de travail. Le pourvoi est donc rejeté.

*Existence du contrat de travail

Soc., 23 mars 2016 Cassation

Arrêt n° 626 FS-P+B

N° 14-14.811 - CA Paris, 30 janvier 2014

M. Frouin, Pt - Mme Sabotier, Rap. - M. Boyer, Av. Gén.

Sommaire

Un agent de la SNCF mis à la disposition d'un comité d'entreprise pour y accomplir un travail pour le compte de ce dernier et sous sa direction est lié par un contrat de travail à cet organisme, lequel a dès lors la qualité d'employeur.

*Période d’essai

Soc., 31 mars 2016 Cassation partielle

Arrêt n° 679 FS-P+B

N° 14-29.184 - CA Aix-en-Provence, 16 octobre 2014

M. Frouin, Pt. - Mme Goasguen, Rap. - M. Beau, Av. Gén.

Sommaire

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1221-19, L. 1221-21, L. 1221-22 du code du travail et de l’article 2 II de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 aux termes duquel les stipulations des accords de branche conclus avant la publication de cette loi et fixant des durées d'essai plus courtes que celles fixées par l'article L. 1221-19 restent en vigueur jusqu'au 30 juin 2009, qu’à l'issue de cette période transitoire, les durées maximales de la période d'essai prévues aux articles L. 1221-19 et L. 1221-21 du code du travail se sont substituées

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aux durées plus courtes, renouvellement compris, résultant des conventions collectives de branche conclues antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008.

Note:

La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail, a assuré la transposition législative de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008. Elle a introduit dans le code du travail, pour les contrats à durée indéterminée, une durée maximale de la période d'essai variant selon la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié. Ainsi, pour les ouvriers et les employés elle est de deux mois, pour les agents de maîtrise et les techniciens elle est de trois mois et pour les cadres elle est de quatre mois (article L. 1221-19 du code du travail). Elle dispose également que la période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser quatre mois pour les ouvriers et employés, six mois pour les agents de maîtrise et techniciens et huit mois pour les cadres (article L. 1221-21 du code du travail).

L'article L. 1221-22 du code du travail dispose, quant à lui, que les durées des périodes d'essai fixées par ces articles ont un caractère impératif. Toutefois les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi et fixant des durées d'essai plus longues que celles prévues par la nouvelle loi, resteront applicables après l'entrée en vigueur de celle-ci. De même pour les accords collectifs conclus après la date de publication de la loi précitée et fixant une durée plus courte ainsi que pour les lettres d'engagement ou les contrats de travail fixant une durée plus courte.

Concernant les stipulations des accords de branche conclus avant la publication de la loi et fixant des durées d'essai plus courtes que celles fixées par l'article L. 1221-19 du code du travail, l'article 2 II de la loi prévoyait qu'ils restaient en vigueur jusqu'au 30 juin 2009. Cette période transitoire devait permettre à la négociation de branche d'adapter la durée de la période d'essai à chaque secteur d'activité.

En l'espèce, un cadre dirigeant avait été recruté le 18 janvier 2010 par une société dont l'activité était régie par la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (dite convention SYNTEC). La période d'essai prévue dans son contrat de travail était de quatre mois renouvelables. Devant prendre fin le 17 mai 2010, l'employeur avait prolongé, avec l'accord du salarié, la période d'essai jusqu'au 17 septembre 2010. Mais le 14 septembre 2010, la période d'essai était rompue par l'employeur.

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Estimant que la rupture était intervenue hors période d'essai, le salarié avait saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de préavis, de congés payés et de dommages-intérêts pour rupture abusive.

La cour d'appel avait retenu que la durée de la période d'essai initiale était de quatre mois (en vertu de l'article L. 1221-19 du code du travail) et que la durée du renouvellement devait être fixée, en vertu de l'article 7 de la convention SYNTEC, à trois mois. La période d'essai expirant, selon ce calcul, le 17 août 2010, la cour d'appel en avait déduit que la rupture du contrat de travail était intervenue après l'expiration de la période d'essai et avait condamné l'employeur à payer au salarié certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de Cassation censure le raisonnement des juges du fond. Elle rappelle qu'à l'issue de la période transitoire, les durées maximales de la période d'essai prévues aux articles L. 1221-19 et L. 1221-21 du code du travail se sont substituées aux durées plus courtes, renouvellement compris, résultant des conventions collectives de branche conclues antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008.

Dans la présente affaire, l'article 7 de la convention collective SYNTEC, conclue le 15 décembre 1987, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008, instaure une durée maximale de la période d'essai, renouvellement compris, de six mois. Cette durée étant plus courte que celle résultant de l'article L. 1221-21 du code du travail, elle est restée en vigueur jusqu'à l'expiration de la période transitoire, le 30 juin 2009. A compter de cette date, la durée des articles L. 1221-19 et L. 1221-21 s'est substituée à celle de la convention collective, tant pour la période d'essai initiale que pour la période de renouvellement, en l'absence d'un nouvel accord collectif conclu postérieurement à la loi du 25 juin 2008.

Le salarié ayant été engagé après le 30 juin 2009, il se trouvait donc soumis à une période d'essai, renouvellement compris, de huit mois maximum, et non de sept mois comme l'avait retenu à tort la cour d'appel en se fondant sur des dispositions conventionnelles ayant pris fin antérieurement à la conclusion du contrat de travail.

4 - Contrats particuliers

*Contrats de travail intermittents

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Soc., 2 mars 2016 Cassation partielle

Arrêt n° 467 FS-P+B+R

N° 14-23.009 - CA Versailles, 18 juin 2014

M. Frouin, Pt - M. Flores, Rap. - M. Liffran, Av. Gén.

Sommaire n° 1

Si, en droit interne, le travail intermittent se distingue du travail à temps partiel en ce qu’il est destiné à pourvoir des emplois permanents comportant une alternance entre périodes travaillées et périodes non travaillées, il entre dans le champ d’application de la directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES, en application duquel les Etats membres ont l’obligation d’identifier, d’examiner et, le cas échéant, d’éliminer les obstacles qui peuvent en limiter les possibilités.

La durée de travail maximale annuelle prévue par l’article 4.5.1 de la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005, dans sa rédaction alors applicable, ne porte pas sur la définition des emplois permanents qui, par nature, comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées.

Encourt la cassation l’arrêt qui requalifie en “contrat de travail” un contrat de travail intermittent en raison du dépassement de la durée de travail annuelle maximale prévue par la convention collective, alors que, si un tel dépassement ouvre droit au paiement d’heures supplémentaires et, le cas échéant, quand le salarié a effectué des heures de travail au-delà de la limite prévue à l’article L. 3123-34 du code du travail, à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, il n’affecte pas, à lui seul, la qualification de contrat de travail intermittent.

Note :

En droit interne, le travail intermittent doit être distingué du travail à temps partiel en ce qu’il est destiné à pourvoir des emplois permanents comportant une alternance de période travaillées et de périodes non travaillées (Soc., 20 février 2013, pourvoi n° 11-24.531). Si le formalisme applicable à ces deux types de contrat de travail est relativement proche, ils font l’objet de dispositions légales distinctes, les articles L. 3123-1 et suivants du code du travail

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pour le travail à temps partiel, les articles L. 3123-31 et suivants du même code pour le travail intermittent.

Dans le cadre de l’exécution de sa prestation, le salarié intermittent peut être amené à exécuter des horaires de travail inférieurs à la durée légale sans pour autant que la qualification de travail à temps partiel puisse être retenue. En application de l’article L. 3123-31 du code du travail, le recours au travail intermittent est subordonné à la conclusion d’un accord collectif définissant les emplois qui, par nature, comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées (Soc., 27 juin 2007, pourvoi n° 06-41.818, Bull. 2007, V, n° 113). A défaut d’un tel accord collectif, le contrat de travail intermittent est illicite et la requalification en contrat de travail à temps complet est encourue de plein droit (Soc., 8 juin 2011, pourvoi n° 10-15.087, Bull. 2011, V, n° 150).

Mais si le code du travail opère une distinction entre le travail à temps partiel et le travail intermittent, le droit de l’Union européenne considère que le travail intermittent ne constitue qu’une modalité particulière du travail à temps partiel, qualifiée de travail à temps partiel cyclique vertical (CJUE, arrêt du 10 juin 2010, Bruno e.a., C-395/08 et C-396/08), qui, de ce fait entre dans le champ d’application de la directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES. Or, cette directive fait obligation aux Etats membres d’identifier et d’examiner les obstacles de nature juridique ou administrative qui peuvent limiter les possibilités de travail à temps partiel et, le cas échéant, de les éliminer.

En l’espèce, la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005 étendue par arrêté du 21 novembre 2006 prévoyait non seulement le recours au travail intermittent, mais plafonnait le nombre d’heures pouvant être exécutées dans ce cadre à une durée annuelle de 1250 heures. Se posait alors la question de savoir si, en cas de dépassement de ce plafond, la qualification de travail intermittent devait être remise en cause.

La chambre sociale de la Cour de cassation s’est appuyée sur la clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu le 6 juin 1997, mis en œuvre par la directive 97/81/CE du Conseil précitée (figurant en annexe de cette directive) pour considérer que ce plafond de 1 250 heures ne pouvait pas constituer un obstacle au recours au travail intermittent dans la plage comprise entre 1 250 et 1 607 heures. En effet, ce plafond ne porte pas sur la définition même des emplois pouvant relever de la qualification de travail intermittent et l’exécution d’heures complémentaires ou supplémentaires ne remet pas en cause l’alternance de périodes travaillées et de périodes non-travaillées qui conditionne la qualification de travail intermittent. La chambre sociale en a déduit qu’un tel dépassement ne pouvait pas, à lui seul, remettre en cause la qualification de travail intermittent. En revanche, si le dépassement du plafond bouleverse les prévisions du contrat et place le salarié en situation de rester à la disposition permanente de l’employeur, la requalification en contrat de travail à temps complet pourrait être demandée (Soc., 18 juin 2008, pourvoi n° 07-40.123). La chambre sociale de la Cour de cassation a également précisé qu’en cas de dépassement du plafond

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conventionnel, le salarié pouvait réclamer le paiement des heures ainsi accomplies, avec, le cas échéant les majorations applicables, ainsi que des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

5. Statuts particuliers

*Sportifs professionnels

Soc., 2 mars 2016 Cassation partielle

Arrêt n° 467 FS-P+B+R

N° 14-23.009 - CA Versailles, 18 juin 2014

M. Frouin, Pt - M. Flores, Rap. - M. Liffran, Av. Gén.

Sommaire n° 2

Aux termes de l'article 9.2.3.1, 1°, de la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005, une prime égale à 1 % du salaire minimum conventionnel du groupe 3 est accordé aux salariés justifiant de vingt-quatre mois de travail effectif après la date d'extension de la présente convention ou le cas échéant vingt-quatre mois de travail effectif après l'embauche lorsque le salarié a été embauché après la date d'extension de la présente convention.

Il en résulte que la condition d'écoulement du délais de vingt-quatre mois doit être acquise après l'arrêté d'extension.

Note:

Il résulte de la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005, en son article 9.2.3.1 relatif à l'« ancienneté d'entreprise », qu' « Une prime égale à 1 % du SMC du groupe 3 est accordée aux salariés :

- justifiant de 24 mois de travail effectif après la date d'extension de la présente convention ;

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- ou le cas échéant de 24 mois de travail effectif après l'embauche lorsque le salarié a été embauché après la date d'extension de la présente convention. »

La convention collective nationale du sport a fait l'objet d'une extension par arrêté du ministre en charge du travail le 21 novembre 2006. Elle est depuis cette date applicable à l'ensemble des relations de travail établies dans des entreprises du secteur relevant de son champ d'application.

C'est dans cette dernière prévision que s'inscrivent nos faits d'espèce. Un salarié, entraîneur d'un club sportif associatif, a été recruté en contrat de travail à durée déterminée à temps partiel. Puis la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée signé le 1er avril 2003. Un contrat de travail intermittent a ensuite été conclu le 18 octobre 2007, jusqu'à ce que le salarié prenne acte de sa rupture le 31 août 2010. Il saisit alors le conseil de prud'homme de diverses demandes. Parmi elles figure l'obtention d'une prime d'ancienneté prévue par la convention collective, et des congés payés y afférents.

Pour accueillir sa demande, la cour d'appel retient que ancienneté, au moment de la publication de l'arrêté d'extension, était alors de plus de vingt-quatre mois, soit davantage que la durée fixée par l'article 9.2.3.1. comme durée minimum d'ancienneté, et qu'en conséquence, ce salarié était en droit d'obtenir dès le mois de novembre 2006 une prime d'ancienneté majorée de 1 % vingt-quatre mois plus tard.

Formant un pourvoi en cassation, l'association sportive conteste dans son troisième moyen la décision des juges du fond d'attribuer cette prime d'ancienneté. Saisie de l'interprétation de cette convention collective, la Cour de cassation a précisé que l'arrêté d'extension de la convention collective du sport constitue, pour l'application de son article 9.2.3.1, non pas la date d'appréciation d'une ancienneté susceptible d'être acquise avant la publication de l'extension, mais le point de départ du calcul des vingt-quatre mois d'ancienneté visés.

Au regard de cette règle, l'ancien entraîneur, bien que recruté en 2003, ne pouvait bénéficier dès le mois de novembre 2006 de l'ancienneté de vingt-quatre mois requise au sens de la convention collective.

La chambre sociale censure alors l'arrêt d'appel en ce qu'il attribue au salarié le bénéfice de cette prime d'ancienneté à compter du même mois que celui de l'extension de la convention collective nationale du sport.

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B - DURÉE DU TRAVAIL ET RÉMUNÉRATIONS

1- Durée du travail, repos et congés

*Temps de travail - temps effectif

Soc., 2 mars 2016 Cassation partielle

Arrêt n° 465 FS-P+B

N° 14-25.896 - CA Aix-en-Provence, 9 septembre 2014

M. Frouin, Pt. - Mme Goasguen, Rap. - M. Liffran, Av. Gén.

Sommaire

S’il résulte d’un accord collectif, prévoyant pour certains salariés une pause rémunérée de dix minutes au cours d’un cycle de 3 heures de travail effectif qui sera prise à des conditions déterminées par le chef de service, que les salariés concernés doivent bénéficier d'un temps de pause rémunéré à l'intérieur d'un cycle de 3 heures de travail effectif, il ne s'en déduit pas que ce temps de pause rémunéré doive augmenter le temps de présence ou se traduire par l'octroi d'un supplément de rémunération. *Temps partiel - Mention obligatoire

Soc., 16 mars 2016 Rejet

Arrêt n° 553 FS-P+B

N° 14-17.538 - CA Agen, 18 mars 2014

M. Frouin, Pt - Mme Aubert-Monpeyssen, Rap. - Mme Robert, Av. Gén.

Sommaire

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L'article 4.3 de l'accord du 22 janvier 2010 relatif à l'emploi des seniors au sein de Pôle emploi prévoit, pour les demandes des intéressés en vue d'une baisse du temps de travail, que des modalités spécifiques d'organisation du temps partiel peuvent être mises en place dans les établissements.

Dès lors, la cour d'appel retient exactement que les dispositions conventionnelles applicables n'imposent pas à l'employeur l'obligation de proposer à un salarié, auquel elle reconnaissait le principe du droit au temps partiel, un avenant reprenant les modalités d'organisation sollicitées par celui-ci.

C - SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

2- Protection du salarié malade ou victime d’un accident du travail

2 -1 - Protection contre le licenciement

*Obligation de reclassement pesant sur l’employeur

Soc., 31 mars 2016 Cassation

Arrêt n° 681 FS-P+B

N° 14-28.314 - CA Amiens, 8 octobre 2014

M. Frouin, Pt - Mme Guyot, Rap. - M. Beau, Av. Gén.

Sommaire

Il ne résulte pas des dispositions de l’article L. 1226-2 du code du travail, relatives au reclassement du salarié déclaré inapte par le médecin du travail du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment que les propositions de reclassement doivent être faites par écrit.

Viole en conséquence ce texte, en ajoutant à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, l’arrêt qui, pour dire un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de

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l’employeur à son obligation de reclassement, retient que les propositions de reclassement présentées au salarié doivent être écrites.

Note:

Cet arrêt apporte des précisions utiles sur le contentieux probatoire relatif à la présentation des propositions de reclassement à un salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

L'article L. 1226-2, alinéa 1er, du code du travail contraint l'employeur à proposer un autre emploi approprié aux capacités du salarié qui a été déclaré inapte par le médecin du travail.

Le législateur n'a pas prévu la modalité par laquelle l'employeur doit faire ces propositions de reclassement.

La question soulevée par ce pourvoi pouvait légitimement se poser parce que le régime de la preuve relatif au reclassement du salarié n'est pas uniforme. L'article L. 1226-12, alinéa 1er, du code du travail dispose en effet que « Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. » Par ailleurs, en matière de licenciement économique, l'article L. 1233-4, alinéa 3, du code du travail prévoit que « Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ».

La Haute juridiction était invitée à se prononcer sur le régime probatoire des propositions de reclassement au salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

En l'espèce, un salarié avait été engagé en qualité de manager du département boucherie en contrat de travail à durée indéterminée. A la suite d'un arrêt de travail pour maladie non professionnelle, ce salarié a été déclaré inapte à son poste. Le médecin du travail avait précisé dans son avis que le salarié pouvait effectuer un travail de boucher sans management d'équipe ou dans un autre secteur. L'employeur a recherché les possibilités de reclassement de ce salarié et a convoqué les délégués du personnel pour une concertation sur ce sujet. A l'issue de cette réunion, l'employeur a proposé par courrier un poste d'employé de boucherie, avec une réévaluation à la baisse de sa rémunération. Le salarié n'a pas donné suite à cette proposition de reclassement. Estimant que l'employeur n'avait pas accompli de recherches sérieuses de reclassement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour demander diverses indemnités.

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Le conseil de prud'hommes a estimé que la recherche de reclassement du salarié avait été effective et l'a débouté de ses demandes.

La cour d'appel a considéré au contraire que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement. Elle a énoncé que « Les propositions de reclassement présentées au salarié doivent être écrites, précises quant au profil du poste proposé, aux fonctions qui devront être exercées, à la rémunération proposée, et doivent impartir au salarié un délai pour y répondre. », et qu' « un refus global (au demeurant insuffisamment établi) du salarié d'un type de poste ne peut pallier l'exigence d'une proposition écrite pour chaque poste disponible. ». Elle a également relevé que l'employeur avait embauché cinq personnes peu après la concertation qui avait été tenue au sujet du reclassement, et qu'en conséquence « en s'abstenant de les proposer par écrit [au salarié], l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement du salarié inapte ». La cour d'appel a donc jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Sur pourvoi de l'employeur, la chambre sociale de la Cour de cassation décide que les propositions de reclassement n'ont pas à être faites par écrit. Elle casse et annule la décision de la cour d'appel, au motif que celle-ci a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoyait pas.

3- Maternité

3-1 Protection contre le licenciement

Soc., 23 mars 2016 Cassation partielle

Arrêt n° 621 FS-P+B

N° 14-24.486 - CA Colmar, 10 juillet 2014

M. Frouin, Pt – M. Chauvet, Rap. - M. Boyer, Av. Gén.

Sommaire

Aux termes de l’article 2, § 2, c, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, constitue une discrimination directe tout traitement moins favorable d’une femme liée à la grossesse ou au congé de maternité.

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Il en résulte que l’article 2 de l’accord du 29 mars 1990 fixant les conditions d’une garantie d’emploi et de continuité du contrat de travail et du personnel des entreprises de propreté en cas de changement de prestataire, selon lequel la condition pour la salariée de ne pas être absente depuis quatre mois ou plus à la date d’expiration du contrat de nettoyage ne s’applique pas aux salariées en congé maternité qui seront reprises sans limitation de leur temps d’absence, doit être interprété en ce sens qu’une absence en raison de maternité ne peut être prise en compte à ce titre, quand bien même le congé de maternité a pris fin avant la date de la perte du marché de nettoyage.

Note:

La présente décision est importante en ce qu'elle précise, à la lumière du droit de l'Union européenne, l'étendue de la protection dont doit bénéficier une salariée en raison de sa maternité, et dont le contrat de travail est affecté par un changement de prestataire.

Une salariée travaillait comme agent de service, chargée du nettoyage d'un site. Elle a été en congé de maternité du 1er avril 2008 au 28 décembre 2008, puis en congés payés ou en arrêt de maladie jusqu'au 7 mars 2009. Le marché de nettoyage du site auquel était affecté cette salariée a été transféré à une autre société à compter du 23 février 2009. La société nouvellement titulaire du marché a signifié à sa concurrente son refus de reprendre le contrat de travail de cette salariée, cette dernière estimant à l'inverse qu'il avait été transféré.

La salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins de juger, notamment, que son contrat de travail avait été transféré.

Les conditions de ce transfert étaient régies par l'article 2 de l'accord du 29 mars 1990 organisant le transfert conventionnel des salariés présents sur un marché transféré, annexé à l'ancienne convention collective nationale des entreprises de propreté du 1er juillet 1994, alors applicable.

Cet article 2 prévoyait que ce transfert était subordonné à plusieurs conditions, dont celle de ne pas être absent depuis quatre mois ou plus à la date d'expiration du contrat de nettoyage. Cependant, il était précisé que cette condition ne s'appliquait pas aux salariées en congé de maternité qui devaient être reprises sans limitation de leur temps d'absence.

Le conseil de prud'hommes a considéré que le contrat de travail de cette salariée devait être transféré à la société repreneuse. La cour d'appel a infirmé ce jugement et a retenu que le

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transfert du contrat ne pouvait être effectué au motif que la salariée n'était plus en congé de maternité à la date du transfert du marché.

La société anciennement titulaire du marché de nettoyage ayant formé un pourvoi, la chambre sociale de la Cour de cassation devait se prononcer sur le transfert de contrat de travail. Elle a décidé de relever d'office le moyen tiré de ce que l'article 2 de l'accord du 29 mars 1990 devait être interprété à la lumière des articles 2, § 2, c, et 15, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.

L'article 15 de la directive précitée énonce qu' « une femme en congé de maternité a le droit, au terme de ce congé, de retrouver son emploi ou un emploi équivalent à des conditions qui ne lui soient pas moins favorables et de bénéficier de toute amélioration des conditions de travail à laquelle elle aurait eu droit durant son absence. »

L'article 2, § 2, dispose qu'au sens de cette directive, la discrimination inclut tout traitement moins favorable d'une femme liée à la grossesse ou au congé de maternité au sens de la directive 92/85/CEE.

Par une décision du 30 juin 1998, la Cour de justice des Communautés européennes a décidé qu'un travailleur féminin ne peut être licencié à un moment quelconque au cours de sa grossesse en raison d'absences dues à une incapacité de travail causée par une maladie trouvant son origine dans cette grossesse (CJCE, arrêt du 30 juin 1998, Mary Brown / Rentokil Ltd, C-394/96).

En l'espèce, la décision de la cour d'appel résultait des termes de l'accord collectif, qui précisaient que la condition pour la salariée de ne pas être absente depuis quatre mois ou plus à la date d'expiration du contrat de nettoyage ne s'appliquait pas aux salariées « en congé maternité », ce qui supposait que l'absence passée d'une salariée en raison de la maternité pouvait être prise en compte si le congé de maternité avait pris fin avant la date de la perte du marché de nettoyage.

C'est cette interprétation que censure la Haute juridiction.

Elle énonce que ladite condition, telle que prévue par l'article 2 de l'accord du 29 mars 1990, doit être interprétée à la lumière des articles 2, § 2, c, et 15, de la directive 2006/54/CE, en ce

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sens qu' « aucune absence en raison de la maternité ne peut être prise en compte à ce titre, quand bien même le congé de maternité a pris fin avant la date de la perte du marché de nettoyage ».

Cette solution est à mettre en perspective avec l'article 7.2, I, de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, aujourd'hui applicable, qui prévoit que la salariée doit être en congé de maternité au jour du transfert du marché pour bénéficier de la non-prise en compte de son absence.

6 – CHSCT

6-1 Fonctionnement

*Recours à un expert

Soc., 15 mars 2016 Cassation partielle

Arrêt n° 628 FS-P+B+R+I

N° 14-16.242 - CA Bourges, 23 janvier 2014

M. Frouin, Pt. - Mme Lambremon, Rap. - M. Boyer, Av. Gén.

Sommaire

Aux termes de l’article 62 de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Par décision n° 2015-500 QPC du 27 novembre 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail en ce que la combinaison de l'absence d'effet suspensif du recours de l'employeur et de l'absence de délai d'examen de ce recours conduit à ce que l'employeur soit privé de toute protection de son droit de propriété en dépit de l'exercice d'une voie de recours, mais a reporté au 1er janvier 2017 la date de cette abrogation au motif que l'abrogation immédiate de ces textes aurait pour effet de faire disparaître toute voie de droit permettant de contester une décision de recourir à un expert ainsi que toute règle relative à la

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prise en charge des frais d'expertise. Il s'en déduit que ces textes tels qu'interprétés de façon constante par la Cour de cassation constituent le droit positif applicable jusqu'à ce que le législateur remédie à l'inconstitutionnalité constatée et au plus tard jusqu'au 1er janvier 2017.

Par suite, méconnaît la portée de l'article 62 de la Constitution et l'article L. 4614-13 du code du travail, l'arrêt qui rejette la demande de l'expert tendant à faire supporter par l'employeur le coût de l'expertise dont l'annulation a été ultérieurement prononcée.

Note:

En vertu de l’article L. 4614-12 du code du travail, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) peut faire appel à un expert lorsqu’un risque grave est constaté dans l’établissement ou en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

Il résulte de l’article L. 4614-13 du même code que les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur et que l’employeur qui entend contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût, l’étendue ou le délai de l’expertise, saisit le juge judiciaire.

Qu’advient-il de la prise en charge des frais d’expertise si, à la suite d’une contestation de la nécessité de l’expertise par l’employeur, la décision d’y recourir est annulée par le juge judiciaire, étant observé que le recours de l’employeur n’a pas un caractère suspensif, et que l’expertise faite en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail est réalisée dans le délai d’un mois en application de l’article R. 4614-18 du code du travail, de sorte que l’expertise a pu être réalisée en tout ou partie au moment où le juge statue ?

On pourrait concevoir que cette prise en charge incombe alors au CHSCT, sauf que le texte de l’article L. 4614-13 précité est très clair en ce qu’il met ces frais à la charge de l’employeur et qu’en tout état de cause le CHSCT n’a pas de budget propre et ne pourrait donc s’en acquitter.

Confrontée à la question mentionnée ci-dessus sur recours d’un expert qui poursuivait le paiement de ses honoraires contre l’employeur et avait été débouté de sa demande devant les juges du fond, la Cour de cassation (Soc., 15 mai 2013, pourvoi n° 11-24.218, Bull. 2013, V, n° 125) avait censuré leur décision aux motifs, d’une part, que tenu de respecter un délai pour exécuter la mesure d’expertise qui court de sa désignation, l’expert ne manque pas à ses obligations en accomplissant sa mission avant que la cour d’appel se soit prononcée sur le

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recours formé contre la décision rejetant la demande d’annulation du recours à expertise, d’autre part, que l’expert ne dispose d’aucune possibilité effective de recouvrement de ses honoraires contre le CHSCT qui l’a désigné, faute de budget pouvant permettre cette prise en charge.

La cour d’appel de renvoi ayant débouté l’expert de sa demande, un nouveau pourvoi a été formé contre la décision de la cour d’appel de renvoi.

Cependant, avant que la Cour de cassation ne statue sur ce nouveau pourvoi, une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la constitutionnalité des dispositions de l’article L. 4614-13 du code du travail et l’interprétation jurisprudentielle afférente a été transmise dans une autre affaire à la Cour de cassation, qui l’a renvoyée au Conseil constitutionnel, considérant qu’elle présentait un caractère sérieux, en ce que l’absence de budget propre du CHSCT, qui a pour conséquence que les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur, y compris lorsque ce dernier obtient l’annulation de la délibération ayant décidé de recourir à l’expertise après que l’expert désigné a accompli sa mission, est susceptible de priver d’effet utile le recours de l’employeur.

Par décision du 27 novembre 2015 (Cons. const., 27 novembre 2015, décision n° 2015-500 QPC, société Foot Locker France SAS [Contestation et prise en charge des frais d’une expertise décidée par le CHSCT], le Conseil constitutionnel a décidé :

- que le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 4614-13 du code du travail sont contraires à la Constitution ;

- que la déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter du 1er janvier 2017 dans les conditions fixées au considérant n° 12, lequel dispose que l’abrogation immédiate des dispositions inconstitutionnelles aurait pour effet de faire disparaître toute voie de droit permettant de contester une décision de recourir à un expert ainsi que toute règle relative à la prise en charge des frais d’expertise et que par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l’inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2017 la date de cette abrogation.

C’est en l’état de ces éléments que la Cour de cassation a tranché le nouveau pourvoi dont elle était saisie dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 mai 2013 précité.

Par l’arrêt du 15 mars 2016, ici commenté, la Cour de cassation considère en premier lieu que la décision du Conseil constitutionnel du 27 novembre 2015 constitue un élément de droit nouveau dans l’appréhension de la question qui lui est soumise par le pourvoi, et qui l’oblige

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puisqu’aussi bien, en application de l’article 62 de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Or, que dit le Conseil constitutionnel dans sa décision ?

Après avoir rappelé la jurisprudence constante de la Cour de cassation, mais sans la remettre en cause, le Conseil relève successivement :

- qu’en vertu des articles L. 4614-12 et L. 4614-13, alinéa premier, du code du travail, le CHSCT peut dans certains cas faire appel à un expert agréé et que, dans une telle hypothèse, les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur ;

- qu’un recours devant le juge judiciaire est ouvert à l’employeur par la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 4614-13 pour contester la nécessité de l’expertise ;

- que l’expert peut accomplir sa mission immédiatement nonobstant l’existence d’un recours, tandis qu’aucune disposition légale n’impose au juge judiciaire de statuer dans un délai déterminé, de sorte que l’employeur est tenu de payer les honoraires de l’expert même s’il a obtenu l’annulation de l’expertise déjà réalisée,

pour en déduire que la combinaison de l’absence d’effet suspensif du recours de l’employeur et de l’absence de délai d’examen du recours conduit, dans ces conditions, à ce que l’employeur soit privé de toute protection de son droit de propriété en dépit de l’exercice d’une voie de recours et, qu’en conséquence, le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 4614-13 du code du travail doivent être déclarées contraires à la constitution.

En d’autres termes, le Conseil constitutionnel considère que l’application des dispositions légales conduit à faire supporter par l’employeur la charge des frais de l’expertise ordonnée par le CHSCT même quand il a obtenu l’annulation de la décision du CHSCT. C’est ce qui en justifie l’inconstitutionnalité et, partant, l’abrogation, le grief d’inconstitutionnalité résidant non dans l’interprétation jurisprudentielle des dispositions législatives en cause, mais dans ces dispositions elles-mêmes.

Cependant, comme il a été dit plus haut, le Conseil constitutionnel décide qu’afin de permettre au législateur de remédier à l’inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2017 la date de cette abrogation.

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Par conséquent, sans qu’il résulte de sa décision aucune autre disposition concernant la période transitoire et les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel reporte purement et simplement à la date du 1er janvier 2017 les effets de l’abrogation des textes déclarés inconstitutionnels, ce dont il se déduit que ces textes, tels qu’interprétés de façon constante par la Cour de cassation, constituent le droit positif applicable jusqu’à ce que le législateur remédie à l’inconstitutionnalité constatée, et au plus tard jusqu’au 1er janvier 2017.

En considération de ces éléments, la Cour de cassation censure la décision attaquée au motif que la cour d’appel, en statuant comme elle l’a fait, a méconnu la portée de l’article 62 de la Constitution et de l’article L. 4614-13 du code du travail.

D - ACCORDS COLLECTIFS ET CONFLITS COLLECTIFS DU TRAVAIL

1- Accords et conventions collectives

*Accords collectifs et conventions collectives divers

Soc., 23 mars 2016 Cassation partielle sans renvoi

Arrêt n° 654 FP-P+B

N° 14-15.295 - CA Toulouse, 7 février 2014

M. Frouin, Pt - Mme Farthouat-Danon, Rap. - M. Petitprez, Av. Gén.

Sommaire

L'article 8 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, qui prévoit que des autorisations exceptionnelles d'absence pour exercice d'un mandat syndical électif pourront être accordées aux salariés dûment mandatés, à concurrence de 10 jours ouvrables par an, qu'elles ne donneront pas lieu à réduction de salaire et ne viendront pas en déduction des congés annuels,

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n'assimile pas le temps pendant lequel le salarié est ainsi autorisé à s'absenter à du temps de travail effectif.

Soc., 31 mars 2016 Cassation

Arrêt n° 683 FS-P+B

N° 14-23.649 - CA Nancy, 25 juin 2014

M. Frouin, Pt - M. Alt, Rap. - M. Beau, Av. Gén.

Sommaire

Si l'article 21 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 prévoit une majoration pour chaque année d'expérience acquise au-delà de 23 ans jusqu'au moment où ils accèdent aux fonctions de la position II et de la position III, cette majoration n'implique nullement un accès direct à de telles fonctions.

*Avantages individuels acquis

Soc., 2 mars 2016 Cassation partielle sans renvoi

Arrêt n° 468 FS-P+B+I

N° 14-16.414 - CA Lyon, 25 février 2014

M. Frouin, Pt - Mme Ducloz, Rap. - M. Liffran, Av. Gén.

Sommaire

La structure de la rémunération résultant d’un accord collectif dénoncé constitue à l’expiration des délais prévus à l’article L. 2261-13 du code du travail un avantage individuel acquis qui est incorporé au contrat de travail des salariés employés par l’entreprise à la date de la dénonciation.

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Quand bien même il estimerait les nouvelles modalités de rémunération plus favorables aux intéressés, l’employeur ne peut, sans l’accord de chaque salarié, modifier cette structure et ne peut avoir force obligatoire un engagement unilatéral de sa part contraire à ce principe.

Note:

Le présent litige a été initié par sept salariés à l’encontre de la caisse d’épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes, et présentait des liens étroits avec une précédente instance, dirigée par divers syndicats contre la caisse nationale des caisses d’épargne et de prévoyance (CNCEP).

En effet, le 20 juillet 2001, la CNCEP a dénoncé divers accords collectifs nationaux et locaux applicables au sein des entreprises du réseau des caisses d’épargne, dont l’un, du 19 décembre 1985, prévoyait le versement, outre d’un salaire de base, de primes de vacances, familiale et d’expérience.

Quatre accords de substitution, conclus le 28 juin 2002, ont été frappés d’opposition par les syndicats majoritaires, en sorte qu’aucun accord de substitution ne devait in fine être adopté à l’expiration des délais prévus à l’article L. 2261-13 du code du travail.

A l’issue de la période de survie des accords qui avaient été dénoncés, la caisse d’épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes (la caisse) a, par lettre du 23 octobre 2002, informé ses salariés que ces primes, devenues des avantages individuels acquis, ne figureraient plus de manière distincte sur les bulletins de paie comme auparavant, mais seraient intégrées au salaire de base.

C’est dans un tel contexte, ayant entraîné la saisine du juge par différents syndicats, que la chambre sociale de la Cour de cassation, rompant avec sa jurisprudence antérieure (Soc., 11 mai 2005, pourvoi n° 04-40.539), a jugé dans deux arrêts de principe que “la structure de la rémunération résultant d’un accord collectif dénoncé constitue, à l’expiration des délais prévus par l’article L. 132-8, alinéa 3, du code du travail, devenu L. 2261-10, alinéa 1er, de ce code, un avantage individuel acquis qui est incorporé au contrat de travail des salariés employés par l’entreprise à la date de la dénonciation” ; il s’en déduit que “l’employeur ne peut la modifier sans l’accord de chacun de ces salariés, quand bien même estimerait-il les nouvelles modalités de rémunération plus favorables aux intéressés” (Soc., 1er juillet 2008, pourvois nos 06-44.437 et 07-40.799, Bull. 2008, V, n° 147).

En conséquence de ces décisions, la caisse a, à compter du mois de janvier 2010, établi des bulletins de paie mentionnant sur des lignes distinctes le salaire de base et les avantages

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individuels acquis pour des montants cristallisés à la date de leur incorporation aux contrats de travail.

Sept salariés de la caisse ont alors saisi le conseil de prud’hommes, en contestant le fait que les primes litigieuses figuraient invariablement sur les bulletins de paie pour leur montant d’octobre 2002.

Leur principale revendication tendait en conséquence à la réécriture des bulletins litigieux, par la mention, sur des lignes distinctes, des divers avantages individuels acquis pour un montant réévalué en fonction de l’évolution du salaire de base.

La juridiction prud’homale a débouté les salariés de leur demande.

En revanche, la cour d’appel a retenu que l’employeur avait pris en octobre 2002 un engagement unilatéral non dénoncé depuis, qui portait sur l’intégration des avantages individuels acquis dans l’assiette de calcul des augmentations de salaire, et que les primes intégrées avaient ainsi suivi l’évolution du salaire de base.

En conséquence, infirmant le jugement déféré, les juges d’appel ont condamné la caisse à établir, pour chacun des salariés, des bulletins de paie faisant apparaître distinctement le salaire de base et chacune des primes, maintenues au titre des avantages individuels acquis, valorisées en fonction de l’évolution de ce salaire.

C’est contre cette dernière décision que la caisse a formé pourvoi.

Il résulte des dispositions de l’article L. 2261-10, alinéa 1er, du code du travail que “lorsque la dénonciation émane de la totalité des signataires employeurs ou des signataires salariés, la convention ou l’accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure”.

L’article L. 2261-13 vise spécifiquement l’hypothèse de l’absence d’accord de substitution, en énonçant, à son alinéa 1er, que “lorsque la convention ou l’accord qui a été dénoncé n’a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans un délai d’un an à compter de l’expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu’ils ont acquis, en application de la convention ou de l’accord, à l’expiration de ce délai”.

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Il est de jurisprudence constante que l’avantage individuel acquis, au sens du texte précité, est un avantage qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l’accord collectif, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel (Soc., 5 novembre 2014, pourvoi n° 13-14.077, Bull. 2014, V, n° 258).

Un tel avantage est réputé s’être incorporé au contrat de travail au jour où les dispositions de l’accord dénoncé ont cessé de produire effet, et doit être maintenu pour l’avenir (Soc., 28 avril 2006, pourvoi n° 04-41.863, Bull. 2006, V, n° 155).

Il est tout aussi constant que les avantages individuels acquis sont cristallisés au jour de leur incorporation dans le contrat de travail (Soc., 12 février 1991, pourvoi n° 89-45.321, Bull. 1991, V, n° 62 ; Soc., 22 avril 1992, pourvoi n° 88-40.921, Bull. 1992, V, n° 296 ; Soc., 9 novembre 2010, pourvoi n° 09-40.744 ; Soc., 13 février 2013, pourvoi n° 10-26.250).

Ainsi a-t-il été jugé que si, à la suite de la dénonciation d’un accord collectif, les salariés ont droit au maintien du niveau de rémunération atteint au jour où cet accord a été dénoncé, ils ne peuvent cependant plus prétendre à la réévaluation, pour l’avenir, de leur salaire selon les dispositions de cet accord, celle-ci ne constituant pas un avantage individuel acquis (Soc., 26 janvier 2005, pourvoi n° 02-44.938, Bull. 2005, V, n° 32).

La décision rendue par la chambre sociale le 2 mars 2016 vient s’inscrire dans cette ligne jurisprudentielle.

La Haute Juridiction réaffirme le principe selon lequel la structure de la rémunération issue d’un accord collectif dénoncé constitue, à l’expiration des délais légaux, un avantage individuel acquis, incorporé au contrat de travail des salariés employés par l’entreprise à la date de la dénonciation.

La structure de la rémunération, en ce qu’elle est devenue un élément du contrat de travail, ne peut donc être modifiée sans l’accord de chacun des salariés.

Cet accord est nécessaire, même si l’employeur estime les nouvelles modalités de rémunération plus favorables à ces derniers.

Il en résulte enfin qu’un engagement unilatéral de l’employeur, contraire à ce principe, est dépourvu de force obligatoire.

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En l’espèce, il n’était pas contestable que, de novembre 2002 à décembre 2009, la structure de la rémunération des requérants avait été modifiée par la caisse, et que les primes, intégrées dans le salaire de base, avaient suivi l’évolution de ce dernier.

Pour autant, les juges d’appel ne pouvaient y voir un engagement unilatéral à force obligatoire de l’employeur portant sur la revalorisation des avantages individuels acquis.

Ces derniers auraient dû au contraire considérer que l’intégration des primes dans l’assiette de calcul des augmentations du salaire de base n’était que la conséquence de la décision illicite, prise par la caisse le 23 octobre 2002, de modifier unilatéralement la structure de la rémunération.

Ils auraient dû également retenir que les avantages individuels acquis étaient cristallisés à leur niveau immédiatement antérieur à cette décision illicite.

Etait en conséquence injustifiée la demande des salariés tendant à la remise de nouveaux bulletins de paie avec mention de chacune des primes pour un montant revalorisé en lieu et place du montant “cristallisé” à la date d'octobre 2002.

En y faisant néanmoins droit, les juges d’appel avaient rendu une décision nécessairement vouée à la censure.

E - REPRÉSENTATION DU PERSONNEL ET ELECTIONS PROFESSIONNELLES

F - RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

2 – Licenciements

2.1- Mise en œuvre

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*Préavis

Soc., 31 mars 2016 Cassation partielle sans renvoi

Arrêt n° 680 FS-P+B

N° 14-19.711 - CA Aix-en-Provence, 17 avril 2014

M. Frouin, Pt - Mme Vallée, Rap. - M. Beau, Av. Gén.

Sommaire

Le refus d'un salarié de poursuivre l’exécution de son contrat de travail en raison d'un simple changement des conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction rend ce salarié responsable de l’inexécution du préavis qu'il refuse d’exécuter aux nouvelles conditions et le prive des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférents.

Note:

Aux termes de plusieurs arrêts récents, l'Assemblée plénière puis la chambre sociale de la Cour de cassation ont décidé que le refus réitéré du salarié, lié par une clause de mobilité, de rejoindre sa nouvelle affectation, sans justifier d'un motif légitime, peut caractériser une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail (Ass. plén., 23 octobre 2015, pourvoi n° 13-25.279, en cours de publication ; Soc., 12 janvier 2016, pourvoi n° 14-23.290, en cours de publication).

Il restait en suspens la question de savoir si, lorsque le licenciement avait été prononcé sans faute grave, le salarié qui n'exécutait pas son préavis aux nouvelles conditions devait être tenu d'en supporter les conséquences.

Par l'arrêt commenté, la chambre sociale s'est prononcée sur cette question.

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En l'espèce, un technicien support technique avait été engagé par contrat à durée indéterminée, qui prévoyait une clause de mobilité. Son employeur l'avait affecté à l'agence de Nice, puis à Antibes. Une dizaine d'années après son embauche, l'entreprise a réorganisé ses équipes en regroupant l'ensemble de l'équipe « Maintenance logiciel » à son siège, situé à Asnières-sur-Seine. Le salarié était concerné et son employeur a décidé de l'affecter en cette ville. Par courrier, le salarié a refusé le changement de son lieu de travail. L'employeur a licencié ce salarié pour refus de mise en œuvre de la clause de mobilité, en précisant que le préavis devait être effectué à Asnières-sur-Seine.

Le salarié n'a pas effectué son préavis au lieu indiqué et a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. Le conseil de prud'hommes a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et n'a donc pas statué sur l'imputabilité du refus d'exécution du préavis. L'employeur a interjeté appel et la cour a infirmé le jugement sur ce point. Elle a retenu que la clause de mobilité était régulière et que le refus opposé par le salarié caractérisait la cause réelle et sérieuse du licenciement.

S'agissant du préavis, la cour d'appel a estimé que l'employeur ne justifiait d'aucun obstacle au maintien du salarié à Antibes. Elle a considéré que le salarié avait été mis dans l'impossibilité d'exécuter son préavis dès lors que l'employeur avait exigé que celui-ci soit effectué à Asnières-sur-Seine alors qu'il se trouvait licencié au motif qu'il avait refusé sa mutation. La cour d'appel a donc confirmé le jugement contesté en ce qu'il avait accueilli la demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, « due même en l'absence d'exécution ».

Le salarié a formé pourvoi à la suite duquel son employeur a introduit un pourvoi incident.

La chambre sociale de la Cour de cassation n'a pas suivi le raisonnement tenu par les juges d'appel. Elle a décidé que le refus d'un salarié de poursuivre l’exécution de son contrat de travail en raison d'un simple changement des conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction rend ce salarié responsable de l’inexécution du préavis qu'il refuse d’exécuter aux nouvelles conditions et le prive des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférents.

Cette responsabilité du salarié mis en cause se comprend dès lors que le changement des conditions de travail repose sur une décision valablement prise par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction. Le refus d’exécuter son préavis étant alors imputable au salarié fautif, ce dernier, en plus d'en être responsable, se trouve alors également privé des indemnités visant à compenser la durée d'un préavis non effectué.

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Cette solution s'appuie sur une ligne jurisprudentielle déjà établie par la Haute juridiction. En effet, par un arrêt du 17 octobre 2000, la chambre sociale imputait déjà la responsabilité de l’inexécution du préavis au salarié refusant de poursuivre l’exécution du contrat en raison, non pas d'une modification de son contrat, mais d'un simple changement de ses conditions de travail, décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction (Soc., 17 octobre 2000, pourvoi n° 98-42.177, Bull. 2000, V, n° 327).

En outre, la Cour de cassation a jugé en 2006, dans des termes repris par l'arrêt commenté, que le refus de poursuivre l’exécution de son contrat de travail en raison d'un simple changement des conditions de travail décidé par l'employeur rendait le salarié responsable de l’inexécution du préavis qu'il refusait d’exécuter aux nouvelles conditions, le privant par là même des indemnités compensatrices de préavis auxquelles il prétendait (Soc., 4 avril 2006, pourvoi n° 04-43.506, Bull. 2006, V, n° 133).

2.4 Licenciement économique

*Licenciement économique en cours de procédure collective

Soc., 23 mars 2016 Rejet

Arrêt n° 623 FS-P+B+I

N° 14-22.950 - CA Caen, 13 juin 2014

M. Frouin, Pt – M. Maron, Rap. - M. Boyer, Av. Gén.

Sommaire n° 1

Si, en l'état d'une autorisation administrative de licencier un salarié protégé accordée à l'employeur par l'inspecteur du travail, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur le caractère réel et sérieux de la cause de licenciement, il résulte de l'article L. 631-17 du code de commerce que lorsqu'un licenciement a été autorisé par une ordonnance du juge-commissaire, le caractère économique du licenciement et la régularité de l'ordonnance du juge-commissaire ne peuvent être discutés devant l'administration.

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Il en résulte que c’est à bon droit qu’une cour d'appel retient que le juge judiciaire est compétent pour apprécier la régularité de l'ordonnance du juge-commissaire autorisant des licenciements.

Sommaire n° 2

En application de l'article R. 631-26 du code de commerce, des licenciements économiques ne peuvent être valablement prononcés en vertu d'une autorisation de licencier donnée par la juridiction qui arrête un plan de cession qu'à la condition que cette décision précise, dans son dispositif, le nombre des salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées.

C’est dès lors à bon droit qu’une cour d'appel, qui a constaté que l'ordonnance du juge-commissaire autorisant les licenciements ne déterminait pas elle-même le nombre des salariés dont le licenciement était autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées mais renvoyait à une annexe, laquelle n'était pas signée, a, par ces seuls motifs, décidé que les licenciements pour motif économique étaient sans cause réelle et sérieuse.

Note commune aux deux sommaires:

En l'espèce, quatre salariés étaient investis d'un mandat représentatif et bénéficiaient à ce titre du statut protecteur. Atteintes par des difficultés économiques, les sociétés employant ces salariés ont d'abord été placées en redressement judiciaire. Sur requête de l'administrateur judiciaire, le juge-commissaire aux opérations de redressement les a autorisées à procéder au licenciement économique des salariés occupant les postes et les catégories mentionnés à une annexe à son ordonnance. Cette annexe était constituée d'un tableau mentionnant les emplois et la catégorie professionnelle ; elle n'était signée ni par le juge ni par le greffier. Après autorisation de l'inspection du travail, les quatre salariés ont été licenciés pour motif économique. Le redressement judiciaire a ensuite été converti en liquidation judiciaire pour les deux sociétés en cause.

Les quatre salariés protégés ont saisi la juridiction prud'homale pour contester la régularité de leur licenciement. La cour d'appel leur a donné raison et la Cour de cassation a approuvé son analyse.

Deux questions distinctes se sont posées. En premier lieu, le juge judiciaire peut-il connaître de la régularité de la décision du juge-commissaire autorisant des licenciements (premier

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sommaire) ? En second lieu, l'ordonnance du juge judiciaire peut-elle renvoyer à une annexe pour préciser le nombre des salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées (second sommaire) ?

I.- Sur les pouvoirs du juge judiciaire (premier sommaire) :

L'article L. 631-17, alinéa 1er, du code de commerce dispose que « Lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d'observation, l'administrateur peut être autorisé par le juge-commissaire à procéder à ces licenciements. »

L'autorisation de licenciement donnée par le juge-commissaire ne dispense pas l'administrateur de recueillir préalablement l'autorisation de l'inspecteur du travail pour licencier un salarié protégé. Toute la difficulté réside dans l'articulation de ces deux régimes d'autorisation de licenciement.

Dans son pourvoi, le liquidateur des sociétés employeurs prétendait que le juge judiciaire n'était pas compétent pour apprécier le caractère réel et sérieux de la cause des licenciements de ces salariés protégés, alors qu'une autorisation administrative de licenciement avait déjà été accordée à l'employeur.

Ce moyen résulte de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation. Elle a en effet décidé, par un arrêt du 14 février 2007, que l'autorisation de l'inspecteur du travail ne permet plus au salarié de discuter, devant le juge prud'homal, la cause de son licenciement, en particulier au titre d'une irrégularité de fond affectant la décision rendue par le juge-commissaire (Soc., 14 février 2007, pourvoi n° 05-40.213, Bull. 2007, V, n° 23). Il s'agit d'une application particulière de la règle selon laquelle la séparation des autorités administratives et judiciaires ne permet pas au juge prud'homal de se prononcer sur la régularité de la décision du juge-commissaire permettant des licenciements (Soc., 13 juillet 2004, pourvoi n° 01-42.943, Bull. 2004, V, n° 211 ; Soc., 27 octobre 2004, pourvoi n° 02-46.935, Bull. 2004, V, n° 270).

La présente décision marque une rupture avec la jurisprudence précitée, en rejetant le moyen qui était proposé. La Haute juridiction approuve la cour d'appel d'avoir retenu que le juge judiciaire était compétent pour apprécier la régularité de l'ordonnance du juge-commissaire. Elle énonce en effet que « si, en l'état d'une autorisation administrative de licencier un salarié protégé accordée à l'employeur par l'inspecteur du travail, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur le caractère réel et sérieux de la cause de licenciement, il résulte de l'article L. 631-17 du code de commerce que

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lorsqu'un licenciement a été autorisé par une ordonnance du juge-commissaire, le caractère économique du licenciement et la régularité de l'ordonnance du juge commissaire ne peuvent être discutés devant l'administration ».

Cette rupture avec la jurisprudence antérieure peut s'expliquer par la volonté d'une harmonisation avec celle du juge administratif. En effet, le Conseil d’État a considéré, par une décision du 3 juillet 2013, que pendant la période d'observation, la réalité des difficultés économiques de l'entreprise et la nécessité des suppressions de postes soient examinées par le juge de la procédure collective dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire (CE, 3 juillet 2013, n° 361066, publié au Recueil Lebon).

La chambre sociale de la Cour de cassation tire les conséquences de cette évolution en permettant au salarié protégé de contester devant le juge judiciaire les conséquences d'une éventuelle irrégularité de la décision du juge de la procédure collective.

II.- Sur le renvoi à une annexe (second sommaire) :

L'article R. 631-26, alinéa 1er, du code de commerce énonce que « L'ordonnance rendue par le juge-commissaire en application de l'article L. 631-17 indique le nombre des salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées. »

En l'espèce, le juge-commissaire avait pris une ordonnance qui renvoyait, pour la détermination des postes et des catégories professionnelles concernées, à une annexe. Cette annexe existait en effet, mais elle n'était signée ni par le greffier, ni par le juge.

La cour d'appel avait retenu que le corps de l'ordonnance ne comportait aucune mention relative au contenu de l'annexe, ce qui rendait impossible le contrôle d'un lien entre l'annexe et la décision du juge-commissaire. Elle avait donc décidé que l'ordonnance violait le texte précité et qu'en conséquence, le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Le second moyen du pourvoi qui contestait cette interprétation n'a pas prospéré.

La chambre sociale de la Cour de cassation décide que le nombre des salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées, doivent être mentionnés dans le dispositif de la décision du juge-commissaire.

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Cette solution s'inscrit dans la ligne d'un arrêt important publié au rapport annuel de l'année 2004 : il avait été jugé que l'ordonnance qui n'indique pas les activités et les catégories professionnelles concernées prive l'ordonnance de son effet, et le licenciement de sa cause réelle et sérieuse (Soc., 5 octobre 2004, pourvoi n° 02-42.111, Bull. 2004, V, n° 244).

2.7 Indemnités de licenciement

Soc., 16 mars 2016 Cassation partielle

Arrêt n° 556 FS-P+B

N° 14-23.861 - CA Paris, 1er juillet 2014

M. Frouin, Pt – M. Belfanti, Rap. - Mme Robert, Av. Gén.

Sommaire

L'indemnité de licenciement, lorsqu'elle est prévue par le contrat de travail, a le caractère d'une clause pénale et peut être réduite par le juge si elle présente un caractère manifestement excessif.

Viole les articles 1134 et 1152 du code civil, la cour d'appel qui, pour condamner l'employeur à payer au salarié, sans réduction, une somme à titre d'indemnité de licenciement, retient le caractère conventionnel de cette indemnité, alors qu'elle constate que le contrat de travail se réfère, non pas à l'application globale d'un accord d'entreprise, mais seulement à la base de calcul de l'indemnité conventionnelle prévue par cet accord.

Note:

Un salarié travaillait depuis 1981 pour une société de services. Le 1er septembre 2009, il a été engagé par une autre société en qualité de directeur général, avec reprise de son ancienneté. Son contrat de travail se référait à la base de calcul de l'indemnité conventionnelle prévue par un accord d'entreprise, qui n'était pas applicable à son employeur, mais qui avait été appliqué antérieurement au salarié, par son premier employeur. Le contrat de travail n'opérait donc pas de renvoi global à cet accord collectif. Quelques mois après l'embauche, ce salarié a été licencié pour faute grave.

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Celui-ci a saisi le conseil de prud'hommes pour contester ce licenciement et a présenté diverses demandes, dont une demande fondée sur cette clause, d'un montant substantiel dans la mesure où le calcul prévu par l'accord d'entreprise tenait compte de l'ancienneté acquise depuis 1981.

Le litige s'est cristallisé sur la question de savoir si cette clause avait la nature d'une clause pénale au sens de l'article 1152 du code civil, et donc si le juge avait le pouvoir de modérer le montant de cette indemnité, comme le lui demandait l'employeur.

L'article 1152 du code civil prévoit en effet, en son deuxième alinéa, que « le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. (...) ».

Or, il a été jugé que lorsque les parties conviennent de l'application au contrat de travail d'une convention collective autre que celle applicable de droit, l'indemnité de licenciement prévue par cette convention revêt la nature d'une indemnité conventionnelle non susceptible d'être réduite par le juge (Soc., 9 novembre 2011, pourvoi n° 09-43.528, Bull. 2011, V, n° 253).

Le présent litige devait-il recevoir la même solution ?

La cour d'appel a jugé que cette indemnité avait une nature conventionnelle, et qu'il n'y avait « aucun obstacle juridique à ce que le salarié fasse valoir un accord d'entreprise expressément visé dans son contrat de travail (…), dans la mesure où il s'avèr[ait] plus favorable pour lui, conformément au droit positif applicable à ce sujet ».

Ce n'est pas la solution retenue par la chambre sociale de la Cour de cassation.

En effet, elle accueille le moyen du pourvoi formé par l'employeur, qui soutenait que l'application volontaire, dans le contrat de travail, d'une clause d'un accord collectif pour le calcul de l'indemnité de licenciement n'ôtait pas à la clause sa nature contractuelle.

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La chambre sociale énonce ainsi que « (…) le contrat de travail se référait, non pas à l'application globale de l'accord d'entreprise Eurogem du 1er septembre 2003, mais seulement à la base de calcul de l'indemnité conventionnelle prévue par cet accord (...) ».

En conséquence, la clause incriminée était bien de nature contractuelle et la cour d'appel voit sa décision censurée au motif qu'elle aurait dû vérifier si cette indemnité était manifestement excessive.

2-8 Nullité du licenciement

Soc., 16 mars 2016 Cassation partielle

Arrêt n° 555 FS-P+B+R

N° 14-23.589 - CA Montpellier, 25 juin 2014

M. Frouin, Pt - M. David, Rap. - Mme Robert, Av. Gén.

Sommaire

Est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié.

Note:

Par l’arrêt ici commenté, la Cour de cassation affirme qu’est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié.

Selon une jurisprudence constante, la chambre sociale reconnaît au juge prud’homal le pouvoir de prononcer la nullité d’un licenciement et d’ordonner la poursuite des relations contractuelles, même en l’absence de dispositions le prévoyant, en cas de violation d’une liberté fondamentale (Soc., 13 mars 2001, pourvoi n° 99-45.735, Bull. 2001, V, n° 87).

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Cependant, la Cour de cassation affirmait que le licenciement intervenu en raison de l’action en justice intentée par le salarié sur le fondement d’une violation du principe « à travail égal, salaire égal » n’encourait pas la nullité (Soc., 20 février 2008, pourvois n° 06-40.085 et n° 06-40.615, Bull. 2008, V, n° 38). Cette décision s’expliquait par le refus d’étendre, en l’absence de texte, la nullité du licenciement faisant suite à l’action en justice introduite par un salarié invoquant une discrimination prévue par l’article L. 1134-4 du code du travail. Elle avait fait l’objet de réserves de la part de la doctrine (voir notamment C. Radé, « De l’effectivité du principe "à travail égal, salaire égal" », Dr. soc. 2008, p. 530 ; F. Guiomard, « Droit d’agir en justice du salarié discriminé : une protection inachevée », Rev. dr. tr. 2008, p. 330).

C’est sur cette jurisprudence que la Cour de cassation revient, par l’arrêt objet du présent commentaire, ainsi que par un arrêt approuvant une cour d’appel d’avoir déclaré nul un licenciement que l’employeur avait motivé, entre autres griefs, par la saisine par le salarié de la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail (Soc., 3 février 2016, pourvoi n° 14-18.600, en cours de publication).

Ces deux décisions se fondent sur le caractère fondamental du droit d’agir en justice, élément du droit à un procès équitable.

Un tel droit est de longue date reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, plén., arrêt du 21 février 1975, Golder c. Royaume-Uni, n° 4451/70), qui a ainsi jugé que l’expulsion d’un ressortissant étranger empêchant l’examen de son recours par le tribunal saisi constituait une atteinte à l’exercice du droit à un recours effectif (CEDH, gde ch., arrêt du 13 décembre 2012, De Souza Ribeiro c. France, n° 22689/07).

L’article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales consacrant le « droit à un tribunal » protège l’action en contestation d’un licenciement (CEDH, gde ch., arrêt du 29 juin 2011, Sabeh El Leil c. France, n° 34869/05 ; voir aussi CEDH, arrêt du 6 novembre 2012, Redfearn c. Royaume-Uni, n° 47335/06). La jurisprudence de la Cour de cassation sur le fondement de ce texte est également protectrice du droit d’agir en justice (Ass. plén., 7 avril 2006, pourvoi n° 05-11.519, Bull. 2006, Ass. plén., n° 3 ; 1re Civ., 9 avril 2013, pourvoi n° 11-27.071, Bull. 2013, I, n° 66). Ainsi, la chambre sociale affirme que le licenciement prononcé en raison d’un écrit produit en justice ou d’une attestation est nul (Soc., 28 mars 2006, pourvoi n° 04-41.695, Bull. 2006, V, n° 127 ; Soc., 29 octobre 2013, pourvoi n° 12-22.447, Bull. 2013, V, n° 252).

Par trois décisions commentées au Rapport annuel 2013 de la Cour de cassation (p. 568 et p. 572), la chambre sociale de la Cour de cassation a affirmé que l'employeur ne pouvait pas rompre un contrat à durée déterminée en violation du droit du salarié à un procès équitable (Soc., 6 février 2013, pourvoi n° 11-11.740, Bull. 2013, V, n° 27 ; Soc., 9 octobre 2013, pourvoi n° 12-17.882, Bull. 2013, V, n° 226 ; Soc., 18 décembre 2013, pourvoi n° 13-10.908,

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Bull. 2013, V, n° 311). Si l’arrêt ici commenté s’inscrit dans le prolongement de cette jurisprudence, la situation d’espèce est sensiblement différente.

En effet, l’arrêt du 6 février 2013 précité statuait sur une rupture par l’employeur d’un contrat à durée déterminée avant l’échéance du terme pour un motif non prévu par l’article L. 1243-1 du code du travail alors que le salarié avait introduit une action tendant à la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée. La rupture ainsi intervenue étant illicite, la Cour de cassation affirmait qu’il appartenait à l’employeur d'établir que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice par le salarié de son droit d'agir en justice.

Dans la situation d’espèce de l’arrêt du 16 mars 2016, le salarié avait également agi en justice pour obtenir la requalification du contrat à durée déterminée le liant à son employeur en contrat à durée indéterminée. Cependant, selon les constatations de l’arrêt attaqué, pendant le cours de l’instance prud’homale, le contrat de travail était devenu à durée indéterminée par l’effet de sa poursuite après l’échéance du terme. L’employeur a licencié le salarié en invoquant un motif prévu par la loi. L’apparence de licéité que présente la rupture du contrat de travail ainsi intervenue conduit la chambre sociale de la Cour de cassation à faire peser sur le salarié la charge de la preuve de ce que le licenciement procédait d’une mesure de rétorsion à l’action en justice qu’il avait engagée.

5. Retraite et préretraite

5-2 - Retraite

*Mise à la retraite – conditions

Soc., 9 mars 2016 Cassation

Arrêt n° 491 FS-P+B

N° 14-25.840 - CA Paris, 24 septembre 2014

M. Frouin, Pt - M. Betoulle, Rap. - M. Richard de la Tour, Av. Gén.

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Ne donne pas de base légale à sa décision au regard des articles L. 1132-1 et L. 1133-1 du code du travail et de l'article 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi la cour d'appel qui, pour débouter un salarié d'EDF, mis d'office en inactivité à l'âge de 55 ans, de sa demande de condamnation de l'employeur pour nullité de la rupture et discrimination, retient que pour réaliser l'objectif de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs occupant les fonctions les plus pénibles, le départ à la retraite anticipée du salarié était un moyen approprié et nécessaire dès lors qu'il avait été exposé pendant 23 ans à des conditions de travail pénibles caractérisées par une nuisance « bruit » de 100 % et des astreintes alors qu'elle avait constaté que le salarié occupait depuis cinq ans un poste administratif et que son médecin traitant l'avait déclaré en mesure de poursuivre une activité professionnelle et sans rechercher si la mise en inactivité anticipée était un moyen approprié et nécessaire.

Note:

Un salarié est engagé en 1979 avec le statut d'agent EDF, par l'entreprise EDF-GDF. Après avoir occupé pendant 23 ans les fonctions d’ouvrier électricien puis, pendant cinq ans, un poste administratif, il se voit notifier sa mise à la retraite d’office au 1er novembre 2006, lendemain de son 55ème anniversaire.

Contestant le bien-fondé de cette rupture, le salarié saisit la juridiction prud’homale et soutient que l’initiative de l’employeur est fondée sur le seul critère de l'âge, constituant ainsi une mesure discriminatoire contraire aux articles L. 1132-1 et L. 1133-1 du code du travail interprétés à la lumière de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Débouté de ses demandes tant en première instance qu’en appel, il forme un pourvoi à l’encontre de l’arrêt confirmatif.

La mise à la retraite des agents EDF était régie, jusqu’à son abrogation par le décret n° 2008-1072 du 20 octobre 2008, par le décret n° 54-50 du 16 janvier 1954, par la circulaire Pers 70 du 10 février 1967 et par l’annexe 3 du statut des industries électriques et gazières selon lesquels un agent pouvait être mis à la retraite d’office par son employeur à l’âge de 55 ans, s’il avait 25 ans de services au sein de l’entreprise dont 10 ans de services insalubres ou 15 ans de services insalubres ou actifs.

Or, la prohibition de la discrimination en raison de l’âge constitue un principe général du droit de l’Union, déclinaison du principe général d’égalité de traitement. La Cour de Luxembourg veille à ce que le principe de non-discrimination en raison de l'âge l'emporte sur toute disposition contraire du droit national des Etats membres. Elle autorise le juge national à laisser inappliquée une disposition de la réglementation nationale qui serait contraire au principe de non-discrimination posé par la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, sans être tenu de l'interroger au préalable (CJCE, arrêt du 22 novembre 2005, Mangold, C-144/04 ; CJUE, arrêt du 19 janvier 2010, Kücükdeveci, C-555/07).

Dans ces dossiers, le juge national est appelé à exercer un double contrôle.

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Il doit d'abord vérifier que le texte réglementaire réponde aux exigences de la directive : celle-ci autorise les États membres à instaurer des différences de traitement fondées sur l'âge, à la condition que ces dernières soient objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime, notamment de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires.

Il doit ensuite s'assurer que la mise en œuvre de la décision individuelle de mise à la retraite est dépourvue de caractère discriminatoire.

L'arrêt commenté met en œuvre le second type de contrôle, sur lequel la chambre sociale avait déjà apporté des précisions, notamment dans deux arrêts du 11 mai 2010 commentés au Rapport annuel 2010.

Dans un premier arrêt concernant la limite d'âge imposée au personnel de l'Opéra de Paris (Soc., 11 mai 2010, pourvoi n° 08-43.681, Bull. 2010, V, n° 105, arrêt n° 2) la Cour de cassation avait cassé la décision ayant statué sans constater que pour la catégorie d'emploi du salarié, dont la mise à la retraite était régie par un décret, la différence de traitement fondée sur l’âge était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime, et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires. Cette ligne jurisprudentielle a été poursuivie dans des arrêts postérieurs (Soc., 26 novembre 2013, pourvoi n° 12-18.317, Bull. 2013, V, n° 284 ; Soc., 17 mars 2015, pourvoi n° 13-27.142, Bull. 2015, V, n° 53).

Le second arrêt de 2010 concernait la limite d'âge des pilotes du groupe Air France (Soc., 11 mai 2010, pourvoi n° 08-45.307, Bull. 2010, V, n° 105, arrêt n° 1). Dans cette espèce, les juges du fond retenaient que la limite imposée pour l'exercice de l'activité de pilote répondait à un objectif légitime de bon fonctionnement de la navigation aérienne et de sécurité des utilisateurs, mais la chambre sociale leur a reproché de n'avoir pas recherché si la décision de l'employeur imposant la cessation de toute activité de pilotage au requérant était nécessaire à la réalisation de cet objectif. Pour la chambre sociale, l'impératif de sécurité n'imposait pas nécessairement la cessation totale de l'activité de pilotage, mais pouvait permettre aux pilotes de poursuivre, par exemple, une activité de co-pilotage. La solution était reprise par un arrêt de 2011, relatif à la SNCF (Soc., 16 février 2011, pourvoi n° 10-10.465, Bull. 2011, V, n° 50 (2), également commenté au Rapport annuel 2011 de la Cour de cassation.

Dans l'affaire ayant donné lieu au présent arrêt, s'il était exact que le salarié avait été exposé pendant 23 ans à des conditions de travail pénibles, notamment du fait d'une exposition très importante au bruit, il occupait depuis cinq ans un poste administratif et produisait un certificat médical le déclarant apte à poursuivre son activité professionnelle. Si la protection de la santé du salarié était un objectif légitime, la mesure de mise à la retraite d'office n'allait-elle pas au-delà de ce qui était nécessaire pour assurer cet objectif ? Les conditions de pénibilité du travail ayant cessé au moment de la décision de mise à la retraite, les juges du fond devaient se livrer à une analyse in concreto de la situation, et cette nécessité justifiait la cassation de l'arrêt frappé de pourvoi.

G - ACTIONS EN JUSTICE

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*Référés

Soc., 31 mars 2016 Rejet

Arrêt n° 684 FS-P+B

N° 14-25.237 - CPH Bobigny, 1er août 2014

M. Frouin, Pt - M. Rinuy, Rap. - M. Beau, Av. Gén.

Sommaire

En l'absence de dispositions excluant l'exercice de ses pouvoirs, prévus par les articles R. 1455-5 à R. 1455-8 du code du travail, la formation de référé du conseil de prud'hommes ne peut se voir interdire de statuer.

N'excède pas ses pouvoirs qu'elle tire de l'article R. 1455-7 du code du travail cette formation qui, pour allouer une provision sur salaire, relève que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avait constaté un danger grave et imminent d'exposition des travailleurs à l'amiante et qu'un recours de l'employeur sur la validité de la procédure initiée par ce comité n'avait toujours pas abouti.

Note:

Le présent litige a été initié par plusieurs agents de la RATP, en charge de la maintenance du matériel roulant ferroviaire.

S’estimant confrontés à une situation potentiellement dangereuse du fait de l’écaillage de peinture amiantée sur les rames en maintenance, ces derniers ont décidé de faire usage de leur droit de retrait.

La RATP a contesté le motif raisonnable de l’utilisation du droit de retrait et effectué une retenue sur leur salaire pour absence injustifiée.

Saisie par les agents concernés, la formation de référé du conseil de prud’hommes a ordonné à la RATP de verser à chacun d’eux une provision à titre de rappel de salaire.

C’est contre cette ordonnance que la RATP a formé pourvoi.

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Il est à noter que cette situation de risque grave et imminent dénoncée par les agents a également été constatée par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui, par délibération, a préconisé l’arrêt de toute activité de maintenance sur les rames dans l’attente de travaux.

Cette délibération a elle-même fait l’objet d’un recours de la part de la RATP devant le tribunal de grande instance.

La question posée par le présent pourvoi était la suivante : la formation de référé pouvait-elle, sans excéder ses pouvoirs, attribuer une provision aux agents, en considérant non sérieusement contestable leur créance de salaire ?

Aux termes de l’article L. 4131-1 du code du travail :

“Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d’une telle situation.

(...)”.

L’article L. 4131-3 précise par ailleurs qu’“aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux”.

A l’inverse, les salariés qui se retirent d’une situation de travail qu’ils estiment dangereuse peuvent faire l’objet d’une retenue sur salaire s’ils n’avaient pas un motif raisonnable de penser que la situation présentait un tel danger (Soc., 11 juillet 1989, pourvoi n° 86-43.497, Bull. 1989, V, n° 516).

L’appréciation de l’existence du motif raisonnable conditionne ainsi la solution du litige né de l’exercice du droit de retrait.

La Cour de cassation a précisé l’office du juge du fond lorsqu’il est saisi d’un tel litige.

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Ce dernier est en effet tenu de rechercher, sous le contrôle de la Cour, si le salarié avait un motif raisonnable de penser que la situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa sécurité et pour sa santé justifiant l’exercice de son droit de retrait (Soc., 9 mai 2000, pourvoi n° 97-44.234, Bull. 2000, V, n° 175).

Ce motif, que le juge doit rechercher, fait l’objet d’une appréciation souveraine (Soc., 11 décembre 1986, pourvoi n° 84-42.209, Bull. 1986, V, n° 597 ; Soc., 20 janvier 1993, pourvoi n° 91-42.028, Bull. 1993, V, n° 22 ; Soc., 23 avril 2003, pourvoi n° 01-44.806, Bull. 2003, V, n° 136).

Faut-il pour autant en déduire que seul le juge du fond a compétence pour se prononcer sur l’existence du motif raisonnable ?

Le doute est en effet permis à la lecture des dispositions de l’article R. 1455-7 du code du travail, selon lequel “Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé [du conseil de prud’hommes] peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire”.

Ce “référé-provision” prud’homal, qui n’est pas sans rappeler la règle générale de l’article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, a en pratique recouvré des situations très variées.

Ainsi a-t-il été jugé que la formation de référé avait compétence pour allouer une provision sur les indemnités afférentes à un licenciement abusif, dès lors qu’il n’est pas sérieusement contestable qu’est sans cause réelle ni sérieuse le licenciement intervenu sans aucun motif (Soc., 28 juin 1995, pourvoi n° 93-43.893, Bull. 1995, V, n° 222).

De la même manière, n’est pas critiquable l’ordonnance de référé accordant une provision sur un rappel de salaire afférent à une période de mise à pied conservatoire, dès lors que l’employeur ne rapporte pas la preuve des actes et griefs qui, selon lui, ont justifié cette sanction (Soc., 30 mars 1994, pourvoi n° 92-40.730).

Il s’évince des décisions précitées que le paiement de toute somme, quelle qu’en soit la nature - salaire ou indemnité - est susceptible d’être ordonné par la formation de référé, dès lors que la dette invoquée à l’appui de la demande en paiement n’est pas sérieusement contestable.

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L’arrêt commenté est une nouvelle illustration de l’importance des pouvoirs que confèrent les dispositions de l’article R. 1455-7 du code du travail à la formation de référé.

La Haute juridiction relève qu’en l’espèce, le danger grave et imminent d’exposition à l’amiante, loin de constituer une simple allégation des agents de maintenance, avait été constaté par le CHSCT dans le cadre d’une délibération, et que le recours de l’employeur sur la validité de la procédure initiée par le comité n’avait toujours pas abouti lors de l’audience de référé.

Il n’était donc pas sérieusement contestable que les agents avaient un motif raisonnable de penser que leur situation de travail présentait un danger grave et imminent pour leur vie et leur santé, et qu’ils étaient fondés à s’en retirer.

N’était pas davantage contestable le fait que l’employeur avait opéré à tort une retenue sur leur salaire en considérant leur absence injustifiée, et qu’il se retrouvait débiteur d’une obligation.

Dès lors, la formation de référé s’était à bon droit placée sur le terrain de l’article R. 1455-7 du code du travail pour allouer aux agents une provision sur le salaire indûment retenu.

Le pourvoi ne pouvait qu’être rejeté.

*Syndicat -droit d’action

Soc., 9 mars 2016 Cassation

Arrêt n° 486 FS-P+B

N° 14-11.837 et 14-11.862- CA Paris, 5 décembre 2013

M. Frouin, Pt. - M. Déglise, Rap. - M. Richard de la Tour, Av. Gén.

Sommaire

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L’action en contestation du transfert d’un contrat de travail étant un droit exclusivement attaché à la personne du salarié, viole l’article L. 2132-3 du code du travail, ensemble l’article L. 1224-1 du même code, la cour d’appel qui déclare recevable l’action du syndicat tendant à la constitution d’une réserve spéciale de participation en raison d’une fraude alléguée aux droits des salariés à la participation aux résultats de l’entreprise, qui résulterait d’une mise en location-gérance, dès lors que cette action suppose au préalable que le juge se prononce sur la validité du transfert des contrats de travail intervenu en application de l’article L.1224-1 du code du travail.

Note:

La participation a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l'entreprise et prend la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise, constituant la réserve spéciale de participation (article L. 3322-1 du code du travail). Elle est obligatoire dans les entreprises employant habituellement au moins cinquante salariés (article L. 3322-2 du code du travail).

Dans la présente affaire, la société X avait donné en location-gérance son fonds de commerce de transport de voyageurs à la société Y, appartenant au même groupe, selon contrat du 17 mars 2006 avec effet au 1er mars 2006, ce qui avait entraîné le transfert d'un certain nombre de contrats de travail et avait réduit à moins de cinquante le nombre de salariés de la société X.

Auparavant, la société X avait signé le 3 mai 2005, avec un tiers, une promesse de vente d'un bien immobilier et l'acte authentique avait été signé le 21 décembre 2006. Cette vente avait permis à la société X de présenter un résultat bénéficiaire à la clôture de l'exercice de l'année 2006.

Un syndicat, alléguant une fraude des deux sociétés aux droits des salariés à la participation aux résultats de la société X, les avait assignées devant le tribunal de grande instance en constitution d'une réserve de participation au profit des salariés sur les bénéfices réalisés au cours de l'année 2006. Le syndicat soutenait que la mise en location-gérance du fonds de la société X était frauduleuse, de sorte que les salariés passés au service de la société Y devaient bénéficier d'une participation aux résultats de la société X, au titre de bénéfices réalisés après le transfert de leur contrat de travail.

La question qui se posait était de savoir si une organisation syndicale pouvait agir seule en justice pour demander la condamnation d'un employeur à constituer une réserve de participation et sa répartition entre les salariés de l'entreprise et ce en invoquant une fraude de l'employeur lors du transfert des contrats de travail ?

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L'article L. 2132-3 du code du travail permet aux syndicats d'exercer devant toutes les juridictions « tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ». Ainsi, il a été jugé par la Cour de cassation qu'un syndicat était recevable à demander et obtenir la condamnation d'un employeur à constituer une réserve spéciale de participation ainsi qu'à sa répartition entre les salariés de l'entreprise (Soc., 3 mai 2007, pourvoi n° 05-12.340, Bull. 2007, V, n° 68 (1).

Toutefois, le pouvoir des syndicats trouve sa limite dans les droits propres des salariés. Ainsi « la reconnaissance d'un contrat de travail étant un droit exclusivement attaché à la personne de celui qui se prétend salarié d'un employeur, une organisation syndicale n'est pas recevable à introduire une telle action sur le fondement de l'article L. 411-11 [devenu L. 2132-3] du code du travail » (Soc., 23 janvier 2008, pourvoi n° 05-16.492, Bull. 2008, V, n° 22).

En ce qui concerne l'action en contestation du transfert d'un contrat de travail, la chambre sociale juge qu'il s'agit un droit exclusivement attaché à la personne du salarié et qu'une organisation syndicale ne peut agir par voie d'action principale pour obtenir la remise en cause du transfert d'un contrat de travail. Cependant son intervention au côté du salarié pour demander l'indemnisation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession est recevable (Soc., 23 septembre 2009, pourvoi n° 08-42.109, Bull. 2009, V, n° 198 ; Soc., 11 septembre 2012, pourvoi n° 11-22.014, Bull. 2012, V, n° 226 (2).

Dans la présente affaire, l'action du syndicat avait été accueilli favorablement par la cour d'appel aux motifs que l'absence de réserve de participation, instituée « collectivement » par l'article L. 3322-1 du code du travail au profit des salariés, causait nécessairement un préjudice direct à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représentait.

Au soutient de leur pourvoi en cassation, les deux sociétés faisaient valoir que l'action exercée par le syndicat, si elle tendait à la constitution d'une réserve spéciale de participation, supposait préalablement que le juge se prononce sur l'existence d'une fraude alléguée en ce qui concernait l'opération de mise en location-gérance du fonds de commerce et sur la validité du transfert des contrats de travail par l'effet de cette mise en location-gérance. Or l'action en contestation du transfert d'un contrat de travail étant un droit exclusivement attaché à la personne du salarié, la cour d'appel, en déclarant recevable l'action du syndicat, avait violé l'article L. 2132-3 du code du travail.

La Cour de cassation approuve ce raisonnement et censure l'arrêt de la cour d'appel en rappelant que l'action en contestation du transfert d'un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié. Il s'en déduit que l'action du syndicat tendant à la constitution d'une réserve spéciale de participation ne pouvait être exercée par le seul

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syndicat car elle supposait au préalable l'examen par le juge de la validité du transfert des contrats de travail.

Soc., 23 mars 2016 Cassation partielle

Arrêt n° 656 FP-P+B

N° 14-23.276 - CA Versailles, 19 juin 2014

M. Frouin, Pt - M. Alt, Rap. - M. Beau, Av. Gén.

Sommaire

La violation des dispositions relatives au travail temporaire, en diminuant la possibilité d'embauche de travailleurs permanents, est de nature à porter préjudice à l'intérêt collectif de la profession.

Soc., 23 mars 2016 Cassation partielle

Arrêt n° 657 FP-P+B

N° 14-22.250 - CA Reims, 4 juin 2014

M. Frouin, Pt - Mme Schmeitzky-Lhuillery, Rap. - M. Beau, Av. Gén.

Sommaire

La violation des dispositions légales relatives au contrat à durée déterminée est de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif de la profession.

Viole l'article L. 2132-3 du code du travail la cour d'appel qui déboute le syndicat de sa demande en dommages-intérêts au motif qu'il n'est pas démontré l'existence d'une atteinte à l'intérêt collectif dès lors que l'employeur n'a pas méconnu les dispositions de la convention collective applicable.

Note commune aux 2 sommaires:

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Par ces deux décisions en date du 23 mars 2016, la Haute juridiction vient réaffirmer le principe selon lequel la violation par un employeur des dispositions légales relatives aux contrats précaires est de nature à porter atteinte à l’intérêt collectif de la profession que représentent les syndicats.

Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt n° 656 (pourvoi n° 14-23.276), une salariée avait effectué 17 missions d’intérim au profit d’une société utilisatrice en qualité d’opératrice de saisie, puis d’assistante administrative. Elle avait ensuite signé avec cette dernière un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’assistante logistique.

Elle devait in fine être licenciée au motif d’absences répétées et injustifiées et d’un abandon de poste.

Devant le conseil de prud’hommes, la salariée a, non seulement contesté le bien-fondé de son licenciement, mais également présenté une demande de requalification des contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée.

Un syndicat est intervenu volontairement à l’instance et a sollicité des dommages-intérêts.

Il était en effet soutenu par l’organisation syndicale intervenante que le non-respect par l’employeur des dispositions légales relatives au travail temporaire avait causé un préjudice à la collectivité des salariés.

Les premiers juges ont fait droit à la demande de requalification de la salariée, mais ont débouté le syndicat intervenant de sa demande indemnitaire.

La cour d’appel a confirmé cette décision, tant sur le principe de la requalification que sur le montant de l’indemnité allouée à la salariée à ce titre.

En revanche, réformant le jugement, elle a déclaré recevable l’action du syndicat et alloué à ce dernier des dommages-intérêts.

La société a formé pourvoi contre cette décision.

Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt n° 657 (pourvoi n° 14-22.250), une salariée avait été engagée par la Poste dans le cadre d’une première série de contrats à durée déterminée sur la période du 1er juin 1992 au 31 mars 1993, terme des relations entre les parties.

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Elle avait été à nouveau engagée par la Poste à compter du 11 mars 2000 en vertu d’un contrat à durée déterminée, suivi le 1er décembre 2002 d’un contrat à durée indéterminée.

La salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de ses contrats à compter de la date initiale du 1er juin 1992.

Un syndicat est intervenu volontairement à l’instance et a présenté une demande indemnitaire du chef de l’atteinte causée par les manquements de l’employeur à l’intérêt collectif de la profession.

Le conseil de prud’hommes a fait partiellement droit à la demande de requalification de la salariée, mais a rejeté les prétentions du syndicat intervenant.

La cour d’appel a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.

Pourvoi a été formé par la salariée et le syndicat contre l’arrêt confirmatif.

Inclus dans les dispositions relatives à la capacité civile des syndicats, l’article L. 2132-3 du code du travail dispose :

“Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.

Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent”.

La jurisprudence a été très vite amenée à apporter une double précision sur cette notion d’“intérêt collectif de la profession”, auquel le litige doit nécessairement porter atteinte (Soc., 18 novembre 2009, pourvoi n° 08-44.175, Bull. 2009, V, n° 261).

D’une part, il est constant que l’intérêt collectif de la profession, dont se prévaut le syndicat, se distingue de l’intérêt individuel du salarié, victime d’une infraction pénale (Crim., 16 décembre 1991, pourvoi n° 91-82.056, Bull. crim. 1991, n° 479) , et qu’il ne se confond pas davantage avec l’intérêt général (Crim., 3 décembre 1981, pourvoi n° 80-94.038, Bull. crim. 1981, n° 323).

Toutefois, cet intérêt collectif peut se superposer à l’intérêt individuel directement atteint, et le syndicat peut exercer une action qui, en complément des demandes formées par le salarié au

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titre de son préjudice individuel, vise à faire sanctionner par une indemnisation séparée l’attitude de l’employeur (Soc., 18 novembre 2009, préc.).

D’autre part, malgré la forte connotation pénale du terme “action civile”, il a toujours été admis que les syndicats pouvaient agir devant les juridictions civiles à l’occasion de faits non constitutifs d’une infraction pénale, dès lors que le litige concerne ou est susceptible de concerner une collectivité de travailleurs (Soc., 9 décembre 1960, pourvoi n° 59-40.080, Bull. 1960, IV, n° 1168 ; Soc., 3 mai 2007, pourvoi n° 05-12.340, Bull. 2007, V, n° 68 ; Soc., 16 janvier 2008, pourvoi n° 07-10.095, Bull. 2008, V, n° 10).

Très tôt, s’est posée la question de savoir si un syndicat pouvait se prévaloir d’une atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession, en cas d’inobservation par l’employeur des dispositions encadrant le recours aux contrats précaires.

Sur la question du travail temporaire, la chambre criminelle, première saisie de la difficulté, a jugé que “la violation constatée des dispositions légales relatives au travail temporaire, en diminuant la possibilité d’embauche de travailleurs permanents, est de nature à causer à la profession, représentée par le syndicat demandeur, un préjudice matériel et moral distinct de celui subi personnellement par le salarié intérimaire concerné” (Crim., 15 novembre 1983, pourvoi n° 82-94.092, Bull. crim. 1983, n° 299 ; Crim, 22 juin 1993, pourvoi n° 92-82.928).

La jurisprudence de la chambre sociale a ensuite fait écho à cette solution jurisprudentielle, en jugeant recevable, en application de l’article L. 411-11 [devenu L. 2132-3] du code du travail, l’action d’un syndicat aux fins d’obtenir des dommages-intérêts du fait de la requalification de contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée (Soc., 23 février 2005, pourvoi n° 02-40.913, Bull. 2005, V, n° 71).

Il est donc acquis que l’employeur, par les irrégularités qu’il commet dans l’élaboration et la transmission des contrats de mission, se place en dehors du champ d’application du travail temporaire, et porte un préjudice à l’intérêt collectif de la profession que représente le syndicat (Soc., 8 avril 2009, pourvoi n° 07-41.847).

Le contrat de travail à durée déterminée fait l’objet d’une solution similaire, dans la mesure où la violation des dispositions légales qui le régissent est également de nature à porter un préjudice à l’intérêt collectif de la profession (Soc., 28 septembre 2011, pourvoi n° 09-71.139).

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Cette jurisprudence a même été étendue au cas où l’employeur méconnaît des dispositions conventionnelles encadrant le recours au contrat à durée déterminée.

Aussi a-t-il été jugé que, s’il est établi que l’employeur n’a pas respecté les dispositions de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) limitant à 60 jours sur un même trimestre civil la durée des contrats à durée déterminée, l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession est constituée (Soc., 10 février 2016, pourvoi n° 14-26.304, en cours de publication), en sorte que doit être accueillie la demande d’un syndicat en réparation d’une telle atteinte.

Les deux décisions rendues par la Haute juridiction le 23 mars 2016 viennent s’inscrire dans la droite ligne de cette jurisprudence.

Dans la première espèce, la chambre sociale approuve la cour d’appel d’avoir condamné l’employeur à verser au syndicat intervenant une somme à titre de dommages-intérêts, dès lors que la violation par l’employeur des dispositions relatives au travail temporaire, en ce qu’elle diminue la possibilité d’embauche de travailleurs permanents, est de nature à porter préjudice à l’intérêt collectif de la profession.

La thèse du pourvoi, selon laquelle seul l’intérêt individuel du salarié avait été atteint par cette violation, ne pouvait qu’être rejetée.

En revanche, dans la seconde espèce, les juges du fond avaient débouté l’organisation syndicale, en se fondant sur la circonstance que la Poste avait, au cours de la relation contractuelle, respecté les dispositions de la convention collective commune la Poste-France Télécom, et notamment celles - contenues à son article 24 - relatives à la reprise de l’ancienneté.

C’était toutefois méconnaître le fait que le respect des stipulations conventionnelles ne dispensait en rien l’employeur de se conformer aux prescriptions légales relatives au contrat de travail à durée déterminée.

En conséquence, dès lors qu’il était établi que l’employeur avait violé ces dispositions légales, les juges d’appel devaient considérer qu’il avait été porté atteinte à l’intérêt collectif de la profession, et réparer le préjudice subi du fait de cette atteinte.

La cassation était dès lors inéluctable.

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