Upload
j
View
215
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
273
Ann Dermatol Venereol2007;134:272-6
Lettres à la rédaction
nitie sont fréquents chez les malades africains infectés par le
VIH [7]. Au cours de la coexistence vitiligo-VIH, l’infection par
le VIH précède l’apparition du vitiligo dans tous les cas rappor-
tés à ce jour, et très probablement dans notre observation chez
cette malade noire africaine.
Un cas de repigmentation de vitiligo apparue au cours d’une
infection VIH sous trithérapie a déjà été rapporté [6]. Ce phé-
nomène, associé clairement dans cette observation à l’aug-
mentation des lymphocytes CD4, n’a pas été élucidé. Le VIH
n’induit pas seulement un déficit immunitaire mais est égale-
ment associé à une dysrégulation immunitaire qui peut se ma-
nifester par une réaction auto-immune. La lymphopénie CD4
idiopathique peut aussi s’accompagner de vitiligo sans infec-
tion VIH avérée [8]. Plusieurs mécanismes ont été proposés
pour le développement d’un vitiligo dans le contexte d’une in-
fection VIH, sur des bases purement spéculatives : une infec-
tion des mélanocytes par le VIH, une activation lymphocytaire
B polyclonale produisant des anticorps anti-mélanocytes, une
augmentation de la réponse cellulaire cytotoxique dirigée con-
tre les mélanocytes en raison d’une production d’interféron
gamma augmentée dans l’infection VIH, un déséquilibre des
populations auxiliaires, suppressives-cytotoxiques provoqué
par l’infection VIH [2].
L’altération profonde de l’état général avec un déficit im-
munitaire important dans notre observation suggère une in-
fection massive à VIH avec une atteinte de plusieurs organes
et tissus, incluant le système nerveux [9] et les dérivés des crê-
tes neurales comme les mélanocytes. La biopsie de cette ma-
lade n’a pas pu être revue pour rechercher une réaction
inflammatoire infraclinique qui aurait précédé le vitiligo.
Références
1. Gauthier Y, Cario Andre M, Taieb A. A critical appraisal of vitiligo etio-logic theories. Is melanocyte loss a melanocytorrhagy? Pigment Cell Res2003;16:322-32.
2. Duvic M, Rapini R, Hoots WK, Mansell PW. Human immunodeficiencyvirus-associated vitiligo: expression of autoimmunity with immunodefi-ciency? J Am Acad Dermatol 1987;17:656-62.
3. Tojo N, Yoshimura N, Yoshizawa M, Ichioka M, Chida M, Miyazato I,et al. Vitiligo and chronic photosensitivity in human immunodeficiencyvirus infection. Jpn J Med 1991;30:255-9.
4. Garcia-Patos Briones V, Rodriguez Cano L, Capdevila Morell JA,Costells Rodellas A. Vitiligo associated with the acquired immunodefi-ciency syndrome. Med Clin 1994;103:358.
5. Cho M, Cohen PR, Duvic M. Vitiligo and alopecia areata in patients withhuman immunodeficiency virus infection. South Med J 1995;88:489-91.
6. Antony FC, Marsden RA. Vitiligo in association with human immuno-deficiency virus infection. J Eur Acad Dermatol Venereol 2003;17:456-8.
7. Aftergut K, Cockerell CJ. Update on the cutaneous manifestations of HIVinfection. Clinical and pathologic features. Dermatol Clin 1999;17: 445-71.
8. Yamauchi PS, Nguyen NQ, Grimes PE. Idiopathic CD4+ T-cell lympho-cytopenia associated with vitiligo. J Am Acad Dermatol 2002;46:779-82.
9. Koenig S, Gendelman HE, Orenstein JM, Dal Canto MC,Pezeshkpour GH, Yungbluth M, et al. Detection of AIDS virus in macro-phages in brain tissue from AIDS patients with encephalopathy. Science1986;233:1089-93.
Ulcération chronique de l’oreille à Cryptococcus neoformansH. ADAMSKI (1), S. PESSEL (1), V. FERRARO (1), C. ARVIEUX (2), S. CHEVRIER (3), F. LE GALL (4), J.-P. GANGNEUX (3), J. CHEVRANT-BRETON (1)
ryptococcus neoformans est une levure encapsulée,
sphérique, de 4 à 20 µm, isolée dans les déjections
de pigeons ou volailles, les bois en décomposition et
les sols [1, 2]. Il en existe quatre sérotypes définis par la spéci-
ficité des antigènes capsulaires du cryptocoque (A, B, C, D).
La majorité des cryptococcoses cutanées sont secondaires.
Après une inoculation pulmonaire, la levure envahit le systè-
me nerveux central et d’autres organes comme la peau dans
5 à 15 p. 100 des cas. Cette forme est surtout décrite chez les
immunodéprimés [1]. La cryptococcose cutanée primitive
(CCP) est une entité à part entière rare et méconnue. Elle ré-
sulte d’une inoculation directe de la levure dans la peau sans
dissémination systémique [2, 3]. Nous en rapportons une ob-
servation originale par sa localisation à l’oreille.
Observation
Un homme de 60 ans consultait en décembre 2004 pour des
ulcérations du pavillon de l’oreille droite existant depuis 2 ans,
sans signes généraux associés. Dans ses antécédents, on
notait : une spondylodiscite à Yersinia pseudotuberculosis en
1986 compliquée d’une splénomégalie et d’une néphropathie
interstitielle (traitée depuis 2004 par hémodialyse), et une cel-
lulite à éosinophiles de Wells des membres inférieurs en 1995.
Devant son affection de l’oreille, de nombreux traitements lo-
(1) Service de Dermatologie, (2) Service des Maladies Infectieuses, (3) Laboratoire de Parasitologie et Mycologie, (4) Laboratoire d’Anatomopathologie, CHU Pontchaillou, Rennes.
Tirés à part : H. ADAMSKI, Service de Dermatologie, CHU Pontchaillou,
rue Henri Le Guilloux, 35033 RENNES Cedex 09.
E-mail : [email protected]
C
274
Lettres à la rédaction Ann Dermatol Venereol2007;134:272-6
caux (antifongiques, dermocorticoïdes) avaient été appliqués
sans succès depuis 2002. En novembre 2004, une corticothé-
rapie per os (prednisone 1 mg/kg/j) était débutée. Un mois
plus tard une aggravation était caractérisée par une augmenta-
tion de la taille des ulcérations d’aspect fibrino-nécrotique as-
sociée à une amputation de l’extrémité postérieure de l’oreille
externe (fig. 1). Le reste de l’examen clinique était sans particu-
larité hormis une splénomégalie connue. Les examens biolo-
giques montraient une thrombopénie à 97 000/mm3 stable et
ancienne avec une altération de la fonction rénale (créatininé-
mie à 187 µmol/l). La sérologie VIH était négative. L’examen
histologique d’une biopsie cutanée montrait dans le derme
quelques foyers circonscrits par une réaction inflammatoire
granulomateuse épithélioïde (fig. 2) avec en leur centre des
éléments arrondis prenant la coloration de Gomori-Grocott
(fig. 3). L’examen mycologique trouvait à l’examen direct et en
culture la présence de Cryptococcus neoformans var. neoformansde sérotype D. L’antifongigramme révélait une sensibilité
pour le fluconazole (CMI : 0,25 µg/ml). La recherche d’une at-
teinte systémique de cryptocoque était négative (scanner cra-
nio-thoraco-abdomino-pelvien ; examen direct, cultures et
détection d’antigènes circulants dans le sang et urines). De-
vant l’absence de signe neurologique, la ponction lombaire
n’était pas réalisée. L’interrogatoire permettait d’identifier
l’origine de la contamination, probablement liée à la manipu-
lation régulière de bois en décomposition depuis 8 ans par le
malade vivant en zone rurale. Un traitement par fluconazole
400 mg × 2/semaine (prise après chaque séance d’hémodialy-
se) était prescrit pendant 5 semaines associé à une décroi-
ssance de la corticothérapie. Au bout de 3 semaines, une
cicatrisation complète avec séquelle de l’oreille était obtenue.
Il n’a pas été observé de récidive avec un recul de plus d’un an.
Discussion
Notre malade avait une cryptococcose cutanée primitive. Cette
affection atteint les immunocompétents aussi bien que les im-
munodéprimés [2-6]. Dans 75 p. 100 des cas, on note un trau-
matisme ou des blessures secondaires aux activités de loisirs
ou professionnelles en zone rurale, ce qui était le cas ici [3]. La
rareté de la CCP est peut-être expliquée par la méconnaissance
du diagnostic et la présentation clinique aspécifique (ulcéra-
tion, nodule, cellulite ou abcès), notamment chez les person-
nes exposées aux microtraumatismes répétés [2, 3]. Les lésions
sont souvent uniques et siègent habituellement aux membres
(main, jambe). Notre cas est particulier par la localisation de la
cryptococcose à l’oreille ce qui a conduit au retard diagnosti-
que. Les lésions céphaliques dans la CCP sont rarement
rapportées : une étude française de 28 cas ne trouvait que trois
cas ayant une atteinte du visage [3].
Fig. 1. Ulcérations fibrino-nécrotiques de l’oreille droite.
Fig. 2. Examen histologique : infiltration inflammatoire polymorphe comportantdes lymphocytes, polynucléaires neutrophiles, histiocytes et une cellule géante dansle derme.
Fig. 3. Examen histologique : dans le derme, mise en évidence par la coloration deGomori-Grocott de plusieurs levures rondes.
275
Ann Dermatol Venereol2007;134:272-6
Lettres à la rédaction
Le diagnostic de CCP est souvent apporté par la biopsie
cutanée (examen histologique avec colorations spécifiques
et culture mycologique). La fréquence de l’association de
C. neoformans de sérotype D avec la CCP a été soulignée [3].
La recherche d’antigène cryptococcique sérique et urinaire
est un élément important dans le suivi de la maladie mais
ne conditionne pas la durée de traitement [2, 3]. Dans tous
les cas, des signes d’infection cryptococcique généralisée
ainsi qu’une immunodépression (non trouvées chez le ma-
lade présenté) sont à rechercher car ils déterminent le type
de traitement antifongique et sa durée. Dans la CCP, il
n’existe pas de consensus sur la prise en charge thérapeuti-
que. Les azolés, notamment le fluconazole, sont les antifon-
giques les plus utilisés avec une réponse thérapeutique
rapide variant de 1 à 3 mois. Ils peuvent être combinés à la
chirurgie.
Références
1. Thomas I, Schwartz RA. Cutaneous manifestations of systemic crypto-coccosis in immunosupressed patients. J Med 2001;32:259-66.
2. Christianson JC, Engber W, Andes D. Primary cutaneous cryptococcosisin immunocompetent and immunocompromised hosts. Med Mycol 2003;41:177-88.
3. Neuville S, Dromer F, Morin O, Dupont B, Ronin O, Lortholary O, et al.Primary cutaneous cryptococcosis. Clin Infect Dis 2003;36:337-47.
4. Yuge S, Bastazini Junior I, Coelho MC, Soares CT. Cutaneous cryptococ-cosis in an immunocompetent host. Acta Derm Venereol 2006;86:165-6.
5. Droitcourt C, Adamski H, Arvieux C, Chevrier S, Le Gall F, Michelet C,et al. Cryptococcoses cutanées primitives chez des patients transplantés :à propos de deux observations. Rev Med Interne 2005;26:157-9.
6. Quereux G, Milpied B, Morin O, Andrès P, Parant E, Poirier P, et al.Cryptococcoses cutanées primitives chez des sujets séronégatifs pour leVIH. Ann Dermatol Venereol 2001;128:1009-13.
Dermographisme : une cause méconnue de vulvodyniesP. MATHELIER-FUSADE, E. AMSLER, F. LEYNADIER
es vulvodynies sont des causes fréquentes de consulta-
tion gynécologique. Leur association à un œdème vul-
vaire dans les minutes suivant un rapport sexuel doit
faire évoquer une pathologie connue mais rarement sympto-
matique au niveau génital comme le montrent ces trois obser-
vations.
Observations
Trois jeunes femmes ont consulté début 2005 dans le service
d’allergologie pour une suspicion d’allergie au liquide sémi-
nal. Âgées entre 22 et 25 ans, les trois malades décrivaient des
symptômes identiques. Depuis leurs premiers rapports
sexuels, elles avaient 5 à 10 minutes après chaque rapport un
œdème et un prurit vulvaire évoluant sur 30 à 60 minutes.
Ces symptômes étaient moins importants avec l’utilisation de
préservatifs chez deux des malades. Dans chaque cas, les
nombreux prélèvements locaux associés à des traitements
mycologiques ou antibiotiques avaient été sans effet. Une
psychothérapie avait été débutée chez une des malades pour
vulvodynies d’origine psychogène. Dans l’hypothèse d’une al-
lergie au liquide séminal, un dosage des IgE spécifiques était
pratiqué (résultats négatifs dans les trois observations) mais
la pratique de tests cutanés en prick-tests s’avérait impossible
du fait de la découverte d’un dermographisme. Ce dernier
était connu de deux malades mais ignorée de la troisième car
peu invalidant. Le caractère peu prurigineux du dermogra-
phisme dans les trois observations n’ayant pas conduit à une
prise en charge thérapeutique, le lien possible avec la sympto-
matologie vulvaire n’avait pas été évoqué. L’utilisation de
lubrifiants lors des rapports et la prise quotidienne d’antihis-
taminiques a permis une amélioration significative de l’en-
semble des symptômes (œdème, brûlures et douleurs).
Discussion
Le dermographisme est l’urticaire physique la plus fréquente.
Déclenché en quelques minutes par les frottements et les
points de pression, il se manifeste par des papules urticarien-
nes dessinant le plus souvent des stries linéaires. Outre cette
forme classique à déclenchement immédiat, il existe des for-
mes intermédiaires et retardées apparaissant plusieurs heu-
res après et surtout perdurant 24 à 48 heures pouvant faire
évoquer dans ce cas, à tort, une urticaire retardée à la pres-
sion. Le dermographisme est le plus souvent primaire surtout
chez les adultes jeunes et évolue sur de nombreuses années
(en moyenne 5 à 10 ans). Au même titre qu’il existe des der-
mographismes localisés, chez certaines femmes, le dermo-
graphisme peut affecter les muqueuses génitales aboutissant
à des vulvodynies. Décrit pour la première fois en 1997 [1], cet-
Service de Dermatologie et Allergologie, Hôpital Tenon, Paris.
Tirés à part : P. MATHELIER-FUSADE,
62, avenue de la Grande Armée, 75017 Paris.
E-mail : [email protected]
L