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Mise au point

Anatomopathologie et anatomoclinique des spondylarthrites

Pathology and clinico-pathologic correlations in spondyloarthropathiese

Bernard Fournié

Service de clinique de rhumatologie, hôpital Purpan, place du Docteur-Baylac, 31059 Toulouse cedex 9, France

Reçu le 18 septembre 2003 ; accepté le 4 février 2004

Disponible sur internet le 19 mars 2004

Résumé

Les spondylarthrites forment un groupe de rhumatismes voisins qui ont en commun de se manifester par une inflammation des synovialeset des enthèses. La synovite est peu spécifique et évoque d’assez près la synovite rhumatoïde. Leur particularité tient surtout à l’inflammationdes enthèses, ou enthésite, dont le syndrome d’hyperostose–ostéite–périostite est la triade anatomoclinique. Le concept d’enthèse ne doit passe limiter aux insertions osseuses des tendons, des ligaments ou des capsules articulaires, mais s’élargir à d’autres structures fibreuses commeles amphiarthroses (symphyses pubienne et manubriosternale, disque intervertébral) et les diarthro-amphiarthroses (région sacro-iliaque,articulations du thorax, extrémité des doigts et des orteils). Ces structures forment, avec les enthèses proprement dites, un vaste territoire quiest la cible privilégiée des spondylarthrites.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

The term “spondyloarthritis” encompasses a variety of conditions that manifest as inflammation of the synovial membranes and entheses.The synovial inflammation lacks specificity and shares many features with rheumatoid synovitis. The hallmark of spondyloarthritis isinflammation of the entheses, which manifests as a combination of hyperostosis, osteitis, and periostitis. The entheses include not only the siteswhere tendons, ligaments, and joint capsules attach to bone, but also other fibrous structures such as the amphiarthroses (pubic symphysis,manubriosternal symphysis, and discovertebral junctions) and the diarthro-amphiarthroses (sacroiliac area, chest wall joints, and tips of thefingers and toes). This vast entheseal territory is the target selectively involved in patients with spondyloarthropathy.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Spondylarthrite ; Enthèse ; Enthésite ; Synovite

Keywords: Spondylarthritis; Enthesis; Enthesitis; Enthesopathy; Synovitis

Les spondylarthrites sont un groupement de rhumatismesqui gardent leur individualité, mais qui s’associent par certai-nes de leurs qualités. Parmi celles-ci, l’inflammation desenthèses tient une place privilégiée. Il s’agit d’une confédé-ration de rhumatismes voisins et non d’un amas diffus de

rhumatismes indistincts, ou aux limites floues, comme lesuggère le concept classique de nébuleuse des spondy-larthropathies.

La confédération des spondylarthrites comprend la spon-dylarthrite ankylosante, le rhumatisme psoriasique, le SA-PHO, les rhumatismes entérocolopathiques et deux affec-tions plus rares : l’hyperostose sterno-costo-claviculaire etl’ostéomyélite récurrente multifocale chronique. Cette listene fait pas l’unanimité et nombre d’auteurs, à la suite de M.F.Kahn [1], considère le SAPHO (qui englobe l’hyperostose

Adresse e-mail : [email protected] (B. Fournié).e Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans lemême volume de Joint Bone Spine.

Revue du Rhumatisme 71 (2004) 1130–1135

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© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.rhum.2004.02.002

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sterno-costo-claviculaire et l’ostéomyélite multifocale)comme une entité à part, tout en reconnaissant des liens deparenté avec les spondylarthrites.

1. Anatomopathologie

Il est maintenant bien établi que l’enthésite et la synovitesont les lésions fondamentales des spondylarthrites. Ellesrésultent d’un processus inflammatoire non spécifique, donton ne connaît pas la cause.

1.1. L’enthésite

Il existe deux types d’enthèses [2] : les enthèses fibreusesqui s’attachent sur le périoste des diaphyses et les enthèsesfibrocartilagineuses qui correspondent aux insertions osseu-ses des tendons, des ligaments et des capsules articulaires. Cesont celles-ci qui retiendront notre attention car elles intéres-sent au premier chef les spondylarthrites. Elles sont dissémi-nées à tout le squelette, et trois notions anatomiques [3]permettent de mieux comprendre leur pathologie :

• la majeure partie de l’enthèse est intra-osseuse, et ilexiste une continuité anatomique entre les trabécules del’os et les fibres du tendon qui s’ossifient progressive-ment ;

• entre l’os et la partie terminale du tendon se trouve uneplaque cartilagineuse traversée par les fibres tendineu-ses ;

• à la périphérie de l’enthèse, le périoste se confond avecle périténon.

Niepel [4] et Ball [5] sont les premiers à décrire clairementle mécanisme de l’enthésite dont ils distinguent deux phasessuccessives :

• l’ostéite sous-chrondrale. L’inflammation débute dansla zone intra-osseuse de l’enthèse, sous la plaque cartila-gineuse. L’infiltrat lympho-plasmocytaire est surtoutpérivasculaire, mais se retrouve en amas plus ou moinsdiffus dans la moelle osseuse attenante. Le granulomedétruit l’os et la plaque cartilagineuse ;

• l’ossification cicatricielle. La destruction est vite rem-placée par une reconstruction osseuse, d’abord d’ « ostissé » puis lamellaire. L’ossification se propage à lapartie terminale du tendon, donnant naissance à un en-thésophyte (Fig. 1).

Au stade précoce de l’enthésite, les études immuno-histochimiques récentes [6–8] ont montré un infiltrat de lym-phocytes T CD8+ dans la moelle osseuse, et une infiltrationdu fibrocartilage par des macrophages CD68+ qui pourraitjouer un rôle pathogénique déterminant.

1.2. La synovite

La synovite des spondylarthrites ressemble d’assez près àla synovite rhumatoïde. L’inflammation est moins intense etla fibrose plus précoce, mais aucune lésion histologique n’est

caractéristique [9]. Nous prendrons comme exemple la syno-vite psoriasique qui a été la mieux étudiée [10–12], en souli-gnant que parfois elle peut prendre un aspect destructeur quila rapproche un peu plus de la synovite rhumatoïde.

On lui reconnaît trois phases successives :• précoce. Elle est surtout marquée par un œdème intense

et diffus des franges synoviales. La couche synoviocy-taire n’est que modérément hyperplasique. Le chorionest congestif avec une néovascularisation anarchique etun infiltrat lympho-plasmocytaire périvasculaire. La fi-brose débute ;

• floride. Les signes s’accentuent, mais le granulome nes’organise que rarement en un pannus synovial. La paroides vaisseaux s’épaissit ; elle est infiltrée par les cellulesinflammatoires et prend un aspect en « bulbe d’oignon ».L’hypertrophie des cellules endothéliales se traduit enM E par un ergatoplasme dilaté, un œdème intercellu-laire sans rupture des jonctions et un épaississement dela membrane basale vasculaire. Il n’existe pas de né-crose des cellules endothéliales, ni de dépôt de com-plexe immun, ni de particule virale [13]. En immuno-fluorescence, on note la présence d’IgG, d’IgA et à unmoindre degré d’IgM et de C3, contrairement à l’arthriterhumatoïde où l’IgM et le C3 sont communément re-trouvés [14]. L’infiltrat inflammatoire est diffus ou enamas, exceptionnellement à disposition nodulaire. Leslymphocytes et les plasmocytes sont majoritaires, lesmacrophages sont inconstants, les mastocytes et les po-lynucléaires neutrophiles ou basophiles sont rares.L’étude du phénotype lymphocytaire montre une prédo-minance de lymphocytes T CD4+ CD8+, quelques lym-

Fig. 1. L’enthésite.1 – Ostéite sous-chondrale inaugurale.2 – Ossification cicatricielle secondaire qui donne indifféremment un enthé-sophyte, une épine, un syndesmophyte, une ankylose osseuse ou une hype-rostose.3 – Périostite « réactionnelle » à la périphérie de l’enthèse.4 – Ostéomyélite aseptique éventuelle par contamination directe de lamoelle osseuse à partir du foyer d’ostéite initial.

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phocytes B et des lymphocytes NK, sans caractère dis-tinctif par rapport aux autres rhumatismesinflammatoires [15]. La fibrose progresse avec une pro-lifération des fibroblastes et la formation de trousseauxcollagènes dans l’axe des franges. L’œdème régresse ;

• séquellaire. La fibrose remplace la synoviale et éteintl’inflammation. Les synoviocytes pourraient agircomme facteurs de croissance des fibroblastes en pro-duisant un excès de TNFa et de PDGF [16].

2. Anatomoclinique

Aux enthèses proprement dites, ou enthèses communes,correspondent des structures articulaires souvent peu ou pasmobiles, à fort contingent fibreux et à synoviale pauvre ouabsente, que Poirier et al. [17] classent comme amphiarthro-ses et diarthro-amphiarthroses :

• les amphiarthroses sont de véritables ligaments interos-seux, en tous points comparables à de volumineusesenthèses. Il s’agit des symphyses pubienne et manu-briosternale ainsi que du disque intervertébral, que lesanciens anatomistes appelaient d’ailleurs « ligament in-tervertébral » ;

• les diarthro-amphiarthroses comprennent la régionsacro-iliaque, les articulations du thorax et la distalitédes doigts et des orteils. Ce sont des articulations fibreu-ses et synoviales, mais mieux pourvues en ligaments ouen fibrocartilages qu’en synoviale, donc riches en enthè-ses.

À l’opposé, la synoviale prédomine aux articulations clas-siques que sont les diarthroses. Ici, le contingent fibreux estréduit à la seule capsule articulaire.

2.1. Le disque et le péri-rachis fibreux

Il faut comprendre le disque intervertébral comme forméde deux éléments distincts : l’annulus fibrosus et la partiecentrale du disque.

2.1.1. L’annulus fibrosusC’est un ligament qui s’insère à la périphérie des plateaux

vertébraux, sur les apophyses des corps vertébraux ou listelsmarginaux. Pour Rainer [18], l’annulus fait partie de l’appa-reil fibreux qui entoure les corps vertébraux, et unit entreelles les vertèbres. C’est ce qu’il nomme le péri-rachis quicomprend en outre le ligament vertébral antérieur dont ildistingue deux types de fibres :

• les fibres courtes qui s’insèrent sur les faces latérales etantérieures des corps vertébraux, où elles sont en conti-nuité avec le périoste, et qui passent en pont devantl’espace discal ;

• les fibres longues superficielles, qui forment l’essentieldu ligament vertébral antérieur (Fig. 2). Le péri-rachisde Rainer est largement pourvu en enthèses fibrocartila-gineuses (annulus) et fibreuses (fibres courtes).

La syndesmophytose vertébrale est la conséquence del’enthésite de l’annulus fibrosus et des fibres courtes dupéri-rachis. Du site et de l’étendue de l’inflammation dépen-dent la localisation et la forme du syndesmophyte. Fin etcomme tracé au tire-ligne de listel à listel, il est situé dansl’annulus. Plus grossier, à base d’implantation large sur lescorps vertébraux, et parfois associé à de véritables couléesd’hyperostose, il siège dans les fibres courtes.

La spondylite antérieure [19] traduit l’ostéite inauguralede l’entésite de l’annulus qui peut se manifester par unsquaring vertébral, une érosion marginale, ou une condensa-tion du listel. Les ossifications paravertébrales [20] et lessyndesmophytes « libres », dont la signification précise n’estpas claire, siégeraient dans les espaces sous-ligamentaires dupéri-rachis.

2.1.2. La partie centrale du disque

On retrouve, dans la partie centrale du disque, tous leséléments constitutifs de l’enthèse [21] : un système originalde fibres disposées concentriquement autour du nucleuspulposus, équivalent des cellules hydrophiles incluses entreles fibres du tendon, et insérées tangentiellement dans lecartilage des plateaux vertébraux, équivalent de la plaquecartilagineuse de l’enthèse. L’enthésite disco-vertébralecentrale est responsable d’une spondylodiscite aseptiqueavec pincement discal, condensation irrégulière des pla-teaux vertébraux, et parfois véritable géode intrasomatique.Elle est indépendante de l’atteinte de la périphérie discale[22], avec qui elle peut s’associer. Elle est différente de lamétaplasie osseuse tardive du disque, que l’on observe surle rachis ankylosé, et qui pourrait être influencée par l’im-mobilisation.

Fig. 2. Le disque intervertébral et le péri-rachis fibreux.1 – Ligament vertébral antérieur.2 – Fibres courtes du ligament vertébral antérieur qui s’insèrent sur les corpsvertébraux.3 – Espace sous-ligamentaire.4 – Annulus fibrosus qui s’insère sur les apophyses des corps vertébraux.5 – Partie centrale du disque dont les fibres s’insèrent tangentiellement dansle cartilage des plateaux vertébraux.

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2.2. La région sacro-iliaque et l’extrémité des doigtset des orteils

2.2.1. La région sacro-iliaqueElle rassemble les structures anatomiques qui unissent le

sacrum à l’os iliaque. Elle comprend deux zones :• l’articulation sacro-iliaque, de faible volume, à syno-

viale réduite et parfois vestigiale, entourée par les liga-ments sacro-iliaques antérieur et postérieur ;

• la zone sus-articulaire constituée par un puissant liga-ment interosseux, qui représente un volume enthésiquesans équivalent dans l’économie.

Trois faits permettent d’avancer que la sacro-iliïte desspondylarthrites est une enthésite de la région sacro-iliaque :

• l’étendue de l’atteinte. Les lésions débordent largementla zone articulaire, où elles prédominent, pour intéresserla zone sus-articulaire ligamentaire, réalisant une at-teinte globale de la région sacro-iliaque ;

• la diachronie des lésions. Les trois stades évolutifs de lasacro-iliïte, décrits par Forestier [23], sont ceux d’uneenthésite de l’interligne, qui débute par une lyse puis unecondensation osseuse (phase d’ostéite), et se termine parune ankylose osseuse (phase de réparation) ;

• l’histologie de la sacro-iliïte. Des biopsies précocesd’articulations sacro-iliaques de spondylarthritiques,comparées à des biopsies prélevées sur des attachestendineuses de l’ischion, montrent des lésions tout à faitcomparables, avec ostéite inflammatoire sous-chondraledans l’articulation sacro-iliaque et dans la zone d’inser-tion des tendons à l’ischion, suivie d’une proliférationfibreuse évoluant vers l’ossification : ankylose osseusesacro-iliaque et enthésophyte à l’ischion [24].

2.2.2. L’extrémité des doigts et des orteilsIl y a une analogie frappante entre la région sacro-iliaque

et l’extrémité des doigts et des orteils. L’articulation inter-phalangienne distale (IPD) est pauvre en synoviale et richeen terminaisons ligamentaires provenant des tendons exten-seur et fléchisseur. En outre, il existe un système enthésiqueoriginal entre la phalangette, l’ongle et la pulpe, ceux-ci étantétroitement unis à la phalangette par des cloisons conjoncti-ves qui s’insèrent profondément dans l’os. Cette anatomieparticulière pourrait expliquer la grande fréquence de l’at-teinte distale des doigts et des orteils dans les spondylarthri-tes, qu’il s’agisse d’une arthrite de l’IPD, d’une pulpite, oudes remaniements ostéopériostés de la phalangette, surtoutobservés dans le rhumatisme psoriasique [25].

2.3. Les articulations du thorax et les symphyses

Les articulations du thorax constituent le système d’atta-che des côtes aux vertèbres et au plastron sternal, et duplastron sternal à la ceinture scapulaire par le biais desclavicules. Ce sont des articulations peu ou pas mobiles, àprédominance fibreuse ou fibrocartilagineuse, à synovialeabsente ou peu étendue, qui sont renforcées par tout unréseau de ligaments en position juxta- ou péri-articulaire.

Il s’agit :• des articulations costo-vertébrales, acromio-

claviculaires et sterno-costo-claviculaires, ces derniè-res avec une synoviale plus développée que les autres,mais aussi avec un fort contingent fibreux à la foispériphérique (ligaments sterno-claviculaires), juxta-articulaire (ligaments costo-claviculaire et interclavicu-laire), et intra-articulaire (fibrocartilage méniscoïde) ;

• des articulations chondro-costales et chondro-sternales, véritables synarthroses faites d’un tissu fibro-cartilagineux sans cavité articulaire et sans synoviale ;

• de la symphyse manubriosternale, constituée d’unfibrocartilage comparable aux disques intervertébraux,avec une partie centrale plus molle, parfois creuséed’une fente dessinant une vague cavité articulaire.

L’enthésite des articulations du thorax [26,27] prédomineaux articulations costo-vertébrales dont les ligaments s’ossi-fient, aux articulations sterno-costo-claviculaires où les si-gnes d’ostéite sont prépondérants, et à la symphyse manu-briosternale dont l’inflammation peut aboutir à une ankyloseosseuse, comme c’est aussi le cas pour la symphyse pu-bienne qui est un ligament interosseux.

2.4. Les diarthroses

À l’inverse des structures que nous venons de voir, lesdiarthroses sont des articulations à forte synoviale dont lecontingent fibreux est généralement limité à la capsule arti-culaire.

Au cours des spondylarthrites, leur inflammation est due àun double processus [28] associant :

• une synovite, qui évolue vers l’ankylose fibreuse ;• une capsulite, qui tend à l’ankylose osseuse de l’articu-

lation.La synovite est particulièrement bruyante aux grosses

articulations des membres dont l’atteinte capsulaire passesouvent inaperçue, sauf à la hanche où l’on peut observer desenthésophytes péri-articulaires (coxite pseudo-coxar-throsique), ou même une ossification de la capsule articulaire(coxite engainante). En revanche, l’enthésite capsulaire estbien visible aux petites articulations comme les interapophy-saires, où elle donne une ankylose osseuse, et les interpha-langiennes, dont l’ostéolyse puis l’ankylose sont très évoca-trices du rhumatisme psoriasique [29].

3. Synthèse

L’enthèse est au centre des spondylarthrites, et l’inflam-mation de l’enthèse est, de l’avis de nombreux auteurs, lalésion principale dont dérive tout le reste [21,27,30–34].

3.1. Le territoire enthésique

Comme nous venons de le voir, on peut élargir le conceptd’enthèse aux amphiarthroses et aux diarthro-amphi-

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arthroses. D’un point de vue anatomique, ce sont des articu-lations fibreuses, à synoviale absente ou raréfiée, qu’on peutconsidérer comme des structures apparentées aux enthèses[21]. Le mécanisme de leur inflammation est celui de l’enthé-site. Elles forment, avec les enthèses communes, un vasteterritoire qui est la cible privilégiée des spondylarthrites.L’atteinte inflammatoire du territoire enthésique est le déno-minateur commun des spondylarthrites et le signe qui lesdistingue le mieux des autres rhumatismes inflammatoires,qui s’expriment essentiellement par une synovite.

3.2. Le syndrome d’hyperostose–ostéite–périostite

La triade radiologique hyperostose–ostéite–périostite ré-sume les différentes étapes de l’enthésite [21,34]. L’ostéiteinaugurale se manifeste par des douleurs, une hyperfixationscintigraphique, des modifications intra-osseuses à l’IRM ouà l’échographie, et des images radiologiques plus tardives àtype d’ostéolyse localisée, entourée d’une condensation os-seuse irrégulière plus ou moins importante. L’hyperostosetraduit la réparation osseuse secondaire, qui donne les ima-ges classiques d’enthésophyte, d’épine, de syndesmophyteou d’ankylose, selon le site considéré. À la périphérie del’enthèse, on peut observer une réaction périostée de voisi-nage.

3.3. Les lésions dérivées

L’enthésite pourrait induire l’inflammation des structuresattenantes. L’ostéomyélite aseptique, que l’on observe danscertaines spondylarthrites comme le rhumatisme psoriasi-que, et le SAPHO, serait due à une contamination directe dela moelle osseuse à partir du foyer d’ostéite initial [21]. Lasynovite, pour sa part, pourrait être initiée par l’inflammationcontiguë de la capsule articulaire.

Il ne s’agit que d’hypothèses dont on n’a aucune preuve, etla plupart des auteurs [35] qui soutiennent la nature infec-tieuse de l’ostéomyélite (Propionibacterium acnes), ne seprononce pas sur l’origine de la synovite.

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1135B. Fournié / Revue du Rhumatisme 71 (2004) 1130–1135


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