Ecole des hautes études en sciences de l’informatio n et de la communication
Université de Paris- Sorbonne (Paris IV)
MASTER PROFESSIONNEL
Magistère de Communication Management et Communications Interculturelles
« DU BLOG AU PODIUM DE MODE L’influence des blogueurs et du web 2.0 dans l’univers de la Mode aujourd’hui »
préparé sous la direction du Professeur Véronique Richard
Aline Geffroy Promotion : 2007- 2008 Soutenu le : 2/ 12/ 2009
Note au mémoire :
2
REMERCIEMENTS
"Mes remerciements les plus sincères à toutes les personnes qui auront contribué de près ou de loin à l'élaboration de ce mémoire ainsi qu'à la réussite de ces trois belles années universitaires au CELSA !" Remerciements à l’équipe enseignante :
- Monsieur Francis Yaiche, Responsable de Formation du Magistère de Communication du CELSA
- Madame Emmanuelle Ruette- Guyot, mon rapporteur professionnel, pour
son aide précieuse à la rédaction de ce travail.
- Madame Monique Beuvin, Assistante de formation, pour sa patience à toute épreuve.
Remerciements particuliers :
- Mes camarades de promotion avec lesquels j’aurai passé trois années mémorables, et partagé l’intensité des périodes de soutenances d’études de cas.
- Julie pour avoir accepté de procéder à la relecture de ce mémoire
Remerciements à ma famille :
- Merci à mes parents et mon frère et mes sœurs pour leur soutien moral !
3
REMERCIEMENTS 2
INTRODUCTION 5
I. LES BLOGS DE MODE : UNE COMMUNAUTE AUX CARACTERISTI QUES BIEN SPECIFIQUES 11
1) Les blogueurs de mode : portrait (s) 12 a. Les blogueurs de mode : un groupe loin d’être homogène................................................. 12 b. Les blogueurs de mode : des amateurs de mode très professionnels ............................... 14 c. Les blogueurs de mode : typologie ..................................................................................... 16
2) Le blog réinterprète la mode 19 a. Le blog de mode comme espace d’expression artistique ................................................... 19 b. Les blogs : une nouvelle vision de la mode, éloignée des magazines ............................... 21 c. Quand les blogueurs se réapproprient la mode.................................................................. 23
3) Le blog de mode : un lieu d’interactions 26 a. L’interactivité blogueur/ lecteur au cœur même du dynamisme du blog ............................ 26 b. La place du lecteur dans un blog de mode ......................................................................... 29 c. La mesure des interactions avec les lecteurs, un indicateur majeur pour les blogueurs de mode … et les marques ! ............................................................................................................. 30
II. LES MARQUES ET ENSEIGNES DE MODE FACE AUX BLOGUEURS DE MODE 33
1) Le blogueur de mode, une nouvelle source d’inspirat ion pour les marques de mode 34 a. Quand la mode passe à l’ère du 2.0 ................................................................................... 34 b. Le blogueur, une nouvelle muse pour les créateurs ........................................................... 36 c. Les blogs : nouveaux laboratoires de tendances pour la mode.......................................... 38
2) Les marques de mode et les blogueurs : focus sur le s « chasseurs de style » 40 a. Le « blogueur roi » : le chasseur de style ........................................................................... 41 b. Des blogueurs convoités et copiés ..................................................................................... 42 c. Les blogueurs de streetstyle : vers une professionnalisation ............................................. 44
3) Les blogs de mode et les marques : une relation en mutation 46 a. Les marques face à des blogs en mutation ........................................................................ 47 b. Les marques face à des blogueurs devenus professionnels .............................................. 49 c. Face à une blogosphère mode qui ne cesse de croître : identifier les futurs tendances d’internet ...................................................................................................................................... 50
III. L’APPARITION DE NOUVEAUX USAGES SUR INTERNET : LA R EMISE EN CAUSE DE LA SUPREMATIE DES BLOGS DE MODE 53
1) La part grandissante des sites communautaires dans les stratégies web des marques et enseignes de mode 54
a. Les réseaux sociaux : replacer le consommateur au cœur de la stratégie internet des marques de mode ........................................................................................................................ 55 b. Facebook : un réseau grand public qui doit être optimisé par les marques et enseignes de mode ............................................................................................................................................ 56 c. L’émergence de réseaux communautaires « brandés » : l’exemple de Burberry............... 58
4
2) Les blogs de mode : incubateurs d’idées pour les in ternautes 61 a. Des internautes désinhibés ................................................................................................. 61 b. Quand l’internaute/ consommateur se fait lui aussi créateur : ............................................ 62 L’émergence sur internet de la tendance du do- it yourself (DIY) .............................................. 62 c. Le succès des sites de D.I.Y : Esty.com, site pionnier et novateur .................................... 63
3) Vers la mode 3.0 et l’apparition de sites de mode « nouvelle génération » 67 a. La mode 3. 0 : Créer, partager, acheter sur un même site ................................................. 68 b. L’émergence de nouveaux modèles de site de mode : ...................................................... 70 2 exemples de sites à suivre........................................................................................................ 70
• lookbook.nu : Le succès des sites communautaires de stylisme........................................ 71 • Polyvore.com.com : une nouvelle révolution pour les marques et enseignes de mode..... 72
CONCLUSION 77
BIBLIOGRAPHIE 82
SITOGRAPHIE 85
ANNEXES 89
Annexe 1 : Classement Style99 90
Annexe 2 : Captures d’écran des principaux blogs de mode étudiés 93 Les accessoiristes........................................................................................................................ 93 Les chasseurs de style ................................................................................................................ 96 Les blogueuses “ Bons Plans” ................................................................................................... 105 Les blogueuses stylistes ............................................................................................................ 107
Annexe 3 : Captures d’écran des principaux sites év oqués 113
RÉSUMÉ DUTRAVAIL D’ETUDES ET DE RECHERCHE 123
MOTS- CLEFS 124
5
INTRODUCTION
La mode est un univers constitué, comme tant d’autres, de certaines traditions, à
commencer par la composition du « prestigieux » premier rang des défilés de
haute- couture. La tradition dans la mode, veut que siègent sur ces fauteuils tant
convoités, les célébrités les plus en vue, les puissantes rédactrices en chef de la
presse féminine, les clientes fidèles du couturier, les starlettes et autres jet setters.
Plus le premier rang, appelé dans le jargon de la mode Front Row est composé
de personnalités populaires, plus cela assure aux grandes maisons de couture de
s’assurer un maximum de retombées dans les médias ainsi qu’une publicité
supplémentaire pour leurs vêtements. Cependant, lors du défilé Dolce &
Gabbana à la Fashion Week de Milan, le 29 septembre 2009, on pouvait voir assis
à ce très select premier rang, quatre personnes, dont le profil détonait parmi leurs
voisins et voisines.
Ces quatre personnes ont pour nom Garance Doré, Scott Schuman, Brian
Yambao, Tommy Ton, mais ils sont plus connus sur internet sous les noms de
BrianBoy, The Sartorialist ou Jak&Jill. Leur particularité ? Ils tiennent, depuis
quelques années maintenant, des blogs lus chaque jour par des milliers de
personnes dans le monde, et ayant pour thématique principale … la mode ! Grâce
à ces espaces d’expression, ils sont devenus en quelques années, des figures
incontournables dans l’univers d’habitude si fermé de la mode, et leur présence à
ce défilé Dolce & Gabbana, illustre combien aujourd’hui, les grandes maisons de
couture, mais aussi les marques et enseignes de prêt-à-porter, ne peuvent plus
ignorer ces individus, tout droit issus du web 2.0. Qu’il s’agisse de Chanel, Sonia
Rykiel, Dior ou même de grands magasins de luxe multimarques tels que Holt
Renfrew1 au Canada, les marques de mode doivent apprendre à composer
aujourd’hui avec ces nouveaux influenceurs, qui, via leurs blogs, entrent en prise
directe avec les clients des créateurs.
Ces observations sur la nouvelle place occupée par les blogueurs dans la sphère
de la mode, ont soulevé un certain nombre de questions, à l’origine de
l’élaboration de la problématique de ce mémoire.
1 Holt Renfrew est l’équivalent canadien des Galeries Lafayette en France.
6
En effet, les interrogations qui sont survenues en premier lieu étaient les
suivantes :
Comment une personne, qui écrit au départ semble-t-il par passion pour son
domaine de prédilection, en l’occurrence la mode, parvient-elle, en l’espace de
peu de temps, à se hisser parmi les personnalités les plus influentes ?
Quand et pourquoi les marques ont-elles commencé à s’intéresser aux blogs et
plus récemment encore, aux réseaux sociaux ?
Comment les maisons de haute- couture et les marques de prêt- à – porter
travaillent-elles avec les blogueurs ?
Comment la professionnalisation de certains blogueurs « mode » est-elle perçue
par leur lectorat ?
Autant d’interrogations diverses et variées qui ont permis de formuler la
problématique principale de ce mémoire :
En quoi les blogs de mode sont-ils aujourd’hui deve nus à la fois source
d’inspiration et source de « business » pour les m arques dans la mode, et
de quelle manière leur influence se manifeste-t-ell e ?
Plusieurs hypothèses surviennent à l’énoncé de cette problématique.
Tout d’abord, il semble que le client des marques et enseignes de mode, qu’il
s’agisse de prêt-à-porter ou de luxe, arrivait à saturation des médias classiques de
la presse mode, et que toutes les parties prenantes, qu’il s’agisse des
consommateurs ou des créateurs, étaient dans l’attente de nouveauté et
d’innovation, que les blogueurs mode ont su apporter. Ce désir d’un vent nouveau,
véhiculant des valeurs plus proches des passionnés de mode que les mannequins
des parutions de mode ou de la presse féminine, peuvent expliquer le succès de
ces blogueurs.
D’autre part, il semble également que ces internautes, si amateurs fussent-ils lors
de la création de leurs blogs, se sont très vite professionnalisés et organisés, face
aux marques et enseignes de mode qui s’interrogent parfois encore sur leur
stratégie à adopter sur internet.
Enfin, si les blogs de mode sont bien plus qu’une tendance, à la vitesse à laquelle
internet évolue, on voit déjà apparaître de nouvelles formes de communication
vers lesquelles les marques et enseignes de mode devront très rapidement se
tourner si elles ne veulent pas manquer la tendance. Dans ces nouveaux espaces
7
de communication, le consommateur est placé au cœur du dispositif internet,
notamment grâce aux réseaux sociaux, et à l’émergence de nouveaux modèles de
sites dédiés à la mode.
Cependant, avant d’aller plus loin dans l’introduction de ce mémoire, et d’aborder
les questions de méthodologie et le plan de ce travail, revenons d’abord sur ce
qu’est un blog sur internet aujourd’hui.
C’est aux Etats- Unis, il y a 12 ans, qu’est apparu le mot « blog » pour la première
fois. C’est l’Américain Jorn Barger, un pionnier en matière de bloging avec son
weblog « Robot Wisdom », qui a d’abord utilisé l’expression « weblog » pour
« désigner son journal personnel, destiné à la communauté naissante des
internautes2 ».
Les weblogs étaient alors des pages personnelles en ligne, avec des articles
diffusés dans un ordre chronologique, accessibles à tous les internautes. Alors
que le weblogueur y laissait ses pensées quotidiennes, les internautes étaient
invités à les commenter. Une première forme d’interactivité commençait donc à
voir le jour.
Le mot « blog », tel que nous le connaissons aujourd’hui, a été établi par
l’américain Peter Merholz, peu de temps après Jorn Barger, aux environs de 1999.
La légende veut qu’il ait décidé de ne plus dire weblog, mais « we- log », pour ne
finalement garder que le mot blog. De là ont découlé les différentes déclinaisons
telles que « bloguer/ blogueur » pour désigner l’auteur d’un blog, et « blogging »
pour l’action d’écriture et de publication.
Si au départ, les blogs ne concernaient qu’une minorité d’internautes (on en
dénombrait 23 en 19993), ils ont rapidement pris de l’ampleur au- fur et à mesure
que l’internet s’est démocratisé. Aujourd’hui, on en dénombre plus de 24 millions
aux Etats- Unis4. La France est la quatrième nation « blogueuse » au Monde, se
classant derrière les Etats-Unis, la Chine et le Japon, avec plus de 9 millions de
blogs5 !
2 NUNES E., Etymologie du mot BLOG, Le Monde, Paris, 4 avril 2007 avril 2007 3 TREDAN O., Les Weblogs dans la Cité : entre quête de l’entre-soi et affirmation identitaire, IUT de Lannion – Université de Rennes1, Marsouin
4 EMARKETER.COM, Bloggers and (Personal) Brand-Building [ en ligne ] Disponible sur http://bit.ly/44CZSM
5 RAULINE N., France, terre de blogs [ en ligne ] Disponible sur http://bit.ly/5DXTHZ
8
Même s’il n’existe pas de mesure officielle des blogs, on estime néanmoins à près
de 150 millions, le nombre de blogs dans le Monde, parmi lesquels, quelques 40
millions seraient mis à jour régulièrement.
Aujourd’hui, définir ce qu’est un blog reste une chose peu aisée, et les blogueurs
eux- même ont du mal à en donner une définition unique, comme le montre
l’article que consacre Libération aux 10 ans du mot blog. Sur les 23 blogueurs
interrogés, chacun offre sa propre définition. Ainsi peut- on citer « Kek », du blog
KEK, qui décrit le blog comme Un espace de liberté qui permet de souffler et
d’apprendre des choses ou Guillaume Frat, du blog de GuiM, c’est Un blog est
une fenêtre de liberté, un espace personnel mais public pour faire découvrir,
informer, donner la parole, écouter : un lieu d’échange et de partage.
Il existe plusieurs types de blogs :
• Les blogs personnels , sont des journaux intimes en ligne
• Les blogs « corporate » ou « institutionnels » , sont tenus par des
entreprises, afin de mettre en avant leur image sur internet.
• Les blogs « portfolio » , comportent peu ou pas de textes, mais
mettent en avant des photos, des vidéos ou des illustrations.
• Les blogs thématiques : c’est la catégorie qui nous intéressera ici,
puisqu’il s’agit de blogs axant leur ligne éditoriale sur un thème en
particulier, et en l’occurrence ici, la mode .
Les blogs, et plus précisément les blogs de mode, s’inscrivent dans la mouvance
du web 2.0, ou plus simplement de l’internet dit « participatif et communautaire »,
qui voit notamment l’avènement des médias et des réseaux sociaux. Le web 2.0
redéfinit complètement la relation qu’entretenaient auparavant les marques avec
les consommateurs. .Plus que jamais, le consommateur est un consom’acteur, et
via les blogs, et autres outils du web participatif, il force la marque à se mettre à
son écoute, sortant de sa position de « passivité ».
Si jusqu’ici peu de marques de mode de haute- couture ou de prêt-à-porter
n’avaient élaborées de vraies stratégies marketing et commerciales à destination
des blogueurs et du web 2.0 en général. Cependant, lors de la Fashion Week
2009, de nombreuses initiatives de grandes maisons telles Louis Vuitton et la
retransmission de son défilé en live sur Facebook, ont montré que la mode se
mettait peu à peu au participatif, à tel point que sur certains sites spécialisés dans
9
la mode, on parle désormais de Fashion 2.0. Dès lors, on peut dire que 2009
marque un tournant pour la mode et la blogosphère mode internationale.
Pour répondre à la problématique énoncée précédemment, plusieurs
méthodologies ont été établies, afin de faire de ce travail à la fois un mémoire
professionnel et un travail de recherche.
• En premier lieu, l’analyse sémiologique des blogs évoqués dans ce
mémoire. Dans la mesure où la blogosphère mode mondiale est immense,
ce travail s’est focalisé sur 100 blogs, tirés du classement Style 99 publié
par le site Signature9, et qui est, à ce jour la seule liste officielle des blogs
de mode influents. Ce classement a été établi après l’étude de plusieurs
centaines de blogs dédiés à la mode, et après calcul de la moyenne
effectuée entre les statistiques de ces blogs sur les différents moteurs de
recherche et sites de classements de blogs ( ex : Technorati6 ), mais
également selon leur contenu et le nombre de retombées internet les
mentionnant.
• Dans un second temps, et parce que les blogs sont d’abord des espaces
d’expression écrite, procéder à une analyse de contenu a également été
jugé nécessaire pour la bonne réalisation de ce mémoire. Une fois de plus,
cette analyse s’est ciblée sur les 100 blogs identifiés par Style9.
• L’observation participante liée à la rédaction de deux blogs, et à une
fonction professionnelle de chargée de RP en ligne, dans une agence de
communication, sur des problématiques de mise en relation entre des
annonceurs grand public, des blogueurs et des sites internet., par le biais
d’actions variées.
• Une veille des dernières innovations et nouveautés de la mode sur
internet.
6 Technorati est le moteur de recherche de référence spécialisé dans les blogs. Il fournit également tous les ans, un rapport sur l’état de la blogosphère mondiale, ainsi qu’un classement des blogs seront leur influence.
10
• La constitution et la lecture d’un ensemble bibliographique constitué
d’ouvrages de communication et de marketing sur internet, mais également
de nombreux articles tirés de la presse nationale et internationale, abordant
la thématique des blogs de mode.
Trois axes seront développés dans ce mémoire, visant à répondre de la meilleure
façon possible à la problématique énoncée précédemment :
En quoi les blogs de mode sont-ils aujourd’hui deve nus à la fois source
d’inspiration et source de « business » pour les m arques dans la mode, et
de quelle manière leur influence se manifeste-t-ell e ?
Dans un premier temps, l’étude du sujet se concentrera sur l’établissement d’un
portrait des blogueurs de mode.
Qui se cache derrière ces influenceurs d’un nouveau genre ? Que représente le
blog de mode pour eux, comment l’alimentent- ils ?
La seconde partie de ce mémoire, se concentrera sur le cœur de la
problématique, à savoir la relation entre les marques et enseignes de mode.
Comment peuvent- être décrits les liens unissant les parties prenantes de ce
travail ? Comment sont-ils amenés à évoluer dans le temps ?
Enfin, la dernière partie de ce travail se concentrera sur les tendances à venir
pour les enseignes et marques de mode sur internet , tandis que le modèle du
« blogueur et du blog influent » semble déjà être en pleine mutation. Vers quels
outils internet les marques et enseignes de mode vont-elles devoir se tourner pour
ne pas prendre de retard dans leurs stratégies internet, sachant que la part des
achats en ligne des internautes ne va aller qu’en augmentant ?
11
I. Les blogs de mode : une communauté
aux caractéristiques bien spécifiques
Etudier l’influence des blogs de mode sur les marques implique en premier lieu, de
se pencher en détails sur ces espaces de communication et leurs auteurs. En
effet, le blog est d’abord un espace d’expression personnelle et de ce fait, il est
intéressant de savoir qui se cache derrière le simple pseudonyme du blogueur.
D’autre part, si tous ces auteurs partagent une même passion, la mode, il n’en
reste pas moins qu’ils la traitent chacun à leur façon, selon leur « vision ». On peut
même dire qu’ils la mettent en scène (et parfois en se mettant en scène), chacun
à leur façon, dans leur blog, faisant de ce dernier un véritable espace
d’expression artistique. Trois points seront donc abordés dans cette première
partie. Dans un premier temps, on s’attachera à dresser un portrait des blogueurs.
Quels sont leurs profils ? D’où viennent- ils ? Peut-on dresser une typologie des
blogueurs de mode ?
Ensuite, il s’agira de se pencher sur le point suivant : en quoi le blog de mode
offre-t-il aux internautes une vision alternative de la mode aux internautes ?
Finalement, et parce que c’est un élément crucial dans le concept même de blog,
qu’il s’agisse d’un blog de mode ou de sport, le plus important est l’interactivité qui
existe sur le blog, et la réactivité des lecteurs aux « billets » du blogueur.
C’est donc l’ensemble de ces points qui sera développé dans cette première
partie.
12
1) Les blogueurs de mode : portrait (s)
Travailler avec les blogueurs nécessite en premier lieu de savoir quelles sont ces
personnes qui se cachent derrière tous ses pseudonymes et noms étranges tels
que Shoewawa, Childhood Flames, The Sartorialist. Si certains blogueurs
conservent jalousement leur anonymat (ex : la/ le britannique de Fifi Lapin ou
l’auteur de Shoeblog) pour une majorité d’entre eux, des recherches un peu
poussées permettent d’établir leur profil, et d’en dresser un portrait. Il apparaît
ainsi que les blogueurs de mode sont une mosaïque de personnalités très
différentes (au premier abord), les unes des autres. Que d’autre part, les
blogueurs peuvent être apparentés à des amateurs, mais qu’en réalité ; c’est une
idée reçue et le blogueur mode de 2009 est d’abord un véritable professionnel de
la mode. Enfin, il s’agira de dresser une typologie de ces blogueurs. Comme cela
a été dit dans l’introduction de ce mémoire, l’étude portera sur un panel de 100
blogueurs, jugés comme étant les plus influents par les classements conjugués de
Style 99 et Technorati.
a. Les blogueurs de mode : un groupe loin d’être ho mogène
Chercher à définir le profil type du blogueur de mode n’est pas chose aisée, et on
pourrait s’aventurer à dire que c’est même chose impossible ! La blogosphère
mode, c'est-à-dire l’ensemble des blogs ayant pour sujet principal la mode, est
composée d’auteurs aux profils extrêmement variés.
Si l’on pioche de façon aléatoire dans les 99 blogs figurant dans le classement de
référence des blogs « mode » édité par le site de veille de tendances Signature
97, et rassemblant les blogs supposés être les plus influents, on peut ainsi
observer que le blogueur de mode peut- être une lycéenne du Texas ( Jane
Aldridge du blog Sea of Shoes ), une collégienne de tout juste 13 ans ( Tavi
Gavinson, de The Style Rookie ), un ancien programmateur en informatique (
Brian Yambao de Brian Boi ), un ancien responsable marketing et ventes devenu
photographe de renom ( Scott Schumann de The Sartorialist) . On recense
également beaucoup de journalistes freelance (ex : Caroline de Surany du blog
7 STYLE 99, 99 most influential fashion and beauty blog [en ligne] Disponible sur : http://www.signature9.com/style-99/ L’intégralité du classement est disponible en Annexe.
13
Caroline Daily, ou Géraldine Dormoy de Café Mode), de même que des
illustratrices (Garance Doré pour Garance Doré, Fifi- Lapin) et des graphistes.
Hormis les exceptions que sont les jeunes Jane Aldridge, Tavi Gavinson ou
Camille R. (respectivement 17 ans, 13 ans et 16 ans), la majorité des blogueurs
mode ont entre 25 ans et 41 ans, une majorité gravitant autour de la trentaine.
Dans la mesure où aucune étude n’a été faite sur le profil démographique des
blogueurs « mode », on peut se référer à la dernière étude de Technorati8, The
State of the Blogosphere 2009, menée sur plus de 2900 blogueurs identifiés
comme étant « influents ». Cette étude montre que plus de 60 % ont entre 18 et
44 ans.
Le blogueur « type » est généralement diplômé, avec au minimum un bac + 2 pour
75 % des interrogés, et un bac + 4 et plus pour 40% d’entre eux. Toujours en se
basant sur cette même étude que l’on peut également appliquer à la blogosphère
mode, deux blogueurs sur trois bloguent depuis au moins deux ans. À titre
d’exemple, Scott Schuman, « roi » de la blogosphère mode, tient son blog depuis
2005. Garance Doré a ouvert le sien en juin 2006, Betty Autier (Le blog de Betty)
présente ses tenues aux internautes depuis 2007.
Le succès d’un blog de mode est donc d’abord une affaire de durée, car attirer
près de 26 000 personnes par jour (comme c’est le cas sur le blog de Garance
Doré), ne se fait du jour au lendemain, et il faut du temps pour recruter et fidéliser
son lectorat.
Ainsi, entre les résultats de l’étude Technorati et l’étude de 99 profils des
blogueurs considérés comme « influents », on peut donc en déduire que le
blogueur de mode est majoritairement une femme âgée entre 25 et 35 ans
(exception faite de Scott Schuman, âgé de 41 ans, et des « jeunes » blogueuses
citées précédemment), diplômée, et souvent issue des classes moyennes/
supérieures de son pays d’origine. On pourrait également ajouter, toujours en
prenant le classement de Style 99 comme référence, que la majorité des blogs
sont nord- américains, britanniques et français. Viennent ensuite l’Australie,
l’Allemagne, avec deux blogs classés, et enfin l’Espagne, le Brésil et les
Philippines (un blog pour chacun).
8 TECHNORATI, State of the blogosphere 2009[ en line ] Disponible sur : http://technorati.com/blogging/feature/state-of-the-blogosphere-2009/
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Il n’est pas étonnant de retrouver les Etats- Unis, la Grande- Bretagne et la France
dans le peloton de tête des nationalités des blogueurs de mode. En effet, ces pays
ont une « culture mode » très forte, partie intégrante de leurs traditions (ex : La
Haute- Couture française), et où la mode occupe une place qu’elle n’a peut- être
pas encore dans des continents tels que l’Amérique Latine. Le fait que la Fashion
Week de New- York, Londres et Paris comptent parmi les rendez- vous à ne
manquer en aucun cas du monde de la mode n’est donc pas un hasard !
En conséquence, la communauté des blogueurs « mode » est constituée, en
apparence, d’individus aux profils extrêmement variés, allant de l’ancien
programmateur en informatique, à la collégienne, en passant par la journaliste
freelance ou la graphiste, mais qui partagent une passion commune pour la mode,
et c’est ce point qui fait d’eux une vraie communauté d’internautes.
Cependant, si ces internautes sont des passionnés, il n’en reste pas moins qu’ils
prennent leur blog très au sérieux, au point de reprendre de vraies techniques de
professionnels pour lui donner du contenu.
b. Les blogueurs de mode : des amateurs de mode trè s
professionnels
Les blogueurs de mode sont des amateurs pour la plupart, dans la mesure où, à la
première approche, le blogging n’est pas leur principale activité rémunératrice.
Si, comme cela a été vu précédemment, les blogueurs de mode ont des profils
sociaux et démographiques très variés, lorsque l’on se penche plus en détails sur
leurs profils, on note que beaucoup de ces auteurs ont déjà, en réalité, un pied
dans le monde de la mode.
Scott Schuman (The Sartorialist) a en effet été responsable marketing et ventes
dans de grandes maisons de coutures telles que Valentino, ou chez des
distributeurs de marques de luxe comme Onward Kashiyama (Jean- Paul
Gautier). On retrouve également beaucoup de stylistes, telles que Alix Bancourt
(The Cherry Blossom Girl) et sa consoeur de Punky B, Géraldine Grisey. De la
même façon, Jane Aldridge, la jeune blogueuse de Sea of Shoes, reproduit le
parcours de sa mère, un ancien mannequin américain, qui a lancé sa marque de
vêtements, et qui a ouvert un blog avant sa fille.
15
On retrouve également des journalistes … de mode, telles que Géraldine Dormoy
(du Nouvel Observateur), ou Caroline de Surany, journaliste pour la presse
féminine. Nathalie Zee Dieu, de Coquette, est éditrice d’un magazine de travaux
manuels en ligne, Craft Magazine.
Enfin, on trouve parmi les blogueurs de nombreuses attachées de presse évoluant
dans la mode, à l’image de Danielle de Bored and Beautiful, qui travaille dans une
agence de RP berlinoise.
De fait, de près ou de loin, tous les blogueurs de mode dits « influents », sont liés
professionnellement à la mode, ce qui leur confère, aux yeux des lecteurs, une
certaine légitimité à parler de ces sujets.
D’autre part, on peut également dire que ces amateurs de mode sont très
professionnels, de par la méthodologie qu’ils emploient pour rédiger leurs billets.
En effet, les blogueurs de mode sont d’abord des maîtres dans l’art de la veille,
afin de dénicher le plus rapidement les dernières tendances. Si aujourd’hui, et
comme cela sera développé par la suite, les marques contactent directement les
blogueurs pour leur transmettre des exclusivités, la veille occupe une part
importante du blogueur de mode, comme l’illustre ce témoignage du suisse David
Fisher, fondateur du blog de streetwear « High Snobiety9 » : « Tenir un blog
demande beaucoup de travail, beaucoup de recherche, et de nombreuses
personnes sous-estiment cet aspect. Alors, à peine arrivés sur la blogosphère, ils
sont déjà fermés. Tenir un blog, cela demande de la rigueur et nécessite de se
battre chaque jour pour offrir aux lecteurs le meilleur contenu possible. » Ce travail
de veille se manifeste le plus couramment via les nombreuses photos postées en
ligne, mais aussi par le recours aux planches de tendances (ou mood board ),
auxquelles certains blogueurs ont recours. Les planches de tendances ou,
littéralement, « planches d’humeur », sont le regroupement d’un ensemble
d’éléments sélectionnés (images, couleurs, textures, typographies, textes, objets
…) juxtaposés les uns à côté des autres comme on le ferait pour un collage.
L’objectif du mood board dans la mode est d’établir une atmosphère, un ton, un
style, sans avoir besoin de réaliser une création graphique aboutie et organisée.
Jane Aldridge et Tavi Gevison sont deux blogueuses10 qui ont énormément
recours à ces planches, très appréciées par leurs lecteurs.
En plus de cette veille, certains blogueurs de mode procèdent également à un vrai
travail d’archiviste- documentaliste, en mettant en avant des articles originaux, 9 Interview réalisée le 11 Mars 2009[en ligne] Disponible sur : STATUSMAGONLINE.com 10 Des exemples sont présentés dans l’ annexe 2.
16
tirés de numéros de Vogue, ou Elle, datant parfois des années 70, plus
fréquemment des années 80 et 90.
En conséquence, si les blogueurs de mode peuvent être considérés comme des
amateurs, dans la mesure où ils ne sont, a priori, pas rémunérés pour écrire leurs
billets, on note cependant qu’ils ont une connaissance quasi professionnelle de
leur sujet. Beaucoup d’entre eux gravitaient déjà dans l’univers de la mode avant
d’ouvrir leur blog.
Ils sont bien plus que des amateurs, également dans leur façon de rédiger leur
blog. Leur travail de veille pointu sur les tendances de la mode, les dernières
nouveautés produits, les actualités des maisons de couture et de prêt-à-porter,
couplé à leur travail de documentaliste- archiviste, fait que l’on pourrait presque
les comparer à des « planneurs stratégiques » dans leur travail de prospection
des tendances.
De ce fait, il a donc été vu que les blogueurs de mode sont des personnalités aux
profils et aux parcours variés qui, s’ils sont « amateurs », dans la mesure où ils ne
perçoivent pas directement de rémunération pour ce qu’ils écrivent, restent
néanmoins des professionnels de la mode dans la mesure où une majorité d’entre
eux travaillent ou ont travaillé dans cet univers. Professionnels également, par les
techniques de veille et de recherche qu’ils utilisent pour alimenter le contenu de
leur blog.
Cette étude du blogueur de mode ne serait finalement pas complète sans
l’établissement d’une typologie des différents blogueurs que l’on peut trouver sur
la blogosphère.
c. Les blogueurs de mode : typologie
Lorsque l’on observe la blogosphère « mode », on remarque assez rapidement
que les blogueurs n’ont pas une seule et même façon de parler de la mode.
Certes, de nombreux blogs parlent de façon généraliste de la mode, présentant
dans leurs billets les nouveautés produits, les dernières images des défilés, le
prochain mannequin à la mode, mais on remarque également que se sont
développés au fil du temps, des blogs que l’on pourrait qualifier de « blogs » de
17
niche, et pour lesquels on peut établir une typologie permettant d’y voir plus clair
dans la blogosphère de la mode.
Les blogueurs de mode, comme n’importe quels blogueurs en général, ont chacun
une thématique de prédilection, thématiques qui peuvent être regroupées en sous-
catégories. Ainsi, si l’on se base toujours sur le classement de référence
international des blogs mode Style 99, on observe une première catégorie, que
l’on pourrait appeler les «accessoiristes ».
Cette première catégorie regroupe les blogueurs qui traitent, dans leur ligne
éditoriale, essentiellement d’accessoires. Les chaussures et les sacs sont les
sujets les plus traités, et on ne verra rien d’étonnant à cela lorsque l’on sait que les
sacs, les lunettes de soleil et les chaussures représentent à eux trois la part de
marché la plus importante sur le marché mondial de la mode11.
Parmi les blogueurs phares en termes de chaussures, on pourrait citer Manolo,
de Shoeblog, qui, comme son nom l’indique, traite essentiellement de chaussures
et Jane Aldridge et Sea of Shoes. Côté sacs, Meaghan Mahoney, de The Purse
Blog, ne traite que de sacs à main, tout comme Abi Silvester de The Bag Lady.
Deuxième thématique abordée, et qui remporte un franc- succès en cette période
de crise, les blogueuses « bons plans ». Elles ont pour particularité d’être des
professionnelles des sites de vente en ligne, des coupons de réductions et autres
promotions. Dans cette catégorie, on peut citer sans hésitation Kathryn Finney, de
The budget fashionista, qui depuis 2003, renseigne les internautes sur tous les
« bons plans mode » des enseignes américaines.
Alix Bancourt de The Cherry Blossom Girl est une experte des sites de vente en
ligne, en particulier les sites américains et britanniques, tout comme sa consœur
Betty Autier, du Blog de Betty.
Autre catégorie très influente et très représentée sur la toile, il s’agit des styles
hunters, que l’on pourrait qualifier de « chasseurs de styles ». Catégorie
certainement la plus représentée médiatiquement, elle compte ses stars telles que
Garance Doré, Scott Schuman, le suisse Yvan Rodic (Facehunter) ou Mark
Hunter (Cobrasnake). Leur particularité ? Mettre en avant sur leur blog, des
inconnus « croisés » dans la rue et repérés pour leur style vestimentaire, leur
11 VERGNIOL K., La chaussure, nouvelle reine de la mode, BFM, 4 juin 2009
18
physique, leur charisme. De simples photos amateurs, ces images sont devenues
au fil du temps de véritables œuvres d’art, comme cela sera vu dans la partie
suivante. Si ce sont les plus connus, ces blogueurs sont également considérés
comme étant les plus influents aujourd’hui sur la scène mode internationale.
Apparus pour la première fois en 2005, ils ont véritablement été mis sous les feux
de la rampe en 2008, année à laquelle les médias « off-line » se sont intéressés à
ceux qui ont très vite été désignés comme étant un vrai phénomène. Un thème qui
est loin d’être échaudé lorsque l’on voit la façon dont ils sont courtisés par les
marques aujourd’hui.
Finalement, dernier type de blogueur, et pas des moindres, il s’agit des blogueurs
mode que l’on pourrait qualifier comme étant les « stylistes ».
Leur particularité ? Ils se mettent en scène dans leurs blogs afin de présenter à
leurs lecteurs internautes, des tenues. Parmi les plus connus, citons Géraldine
Grisey, alias Punky B, Alix Bancourt, The Cherry Blossom Girl, Jessica Shroeder
de What I Wore et la sensation de ces derniers mois, Tavi Gevinson de The Style
Rookie (elle est seulement âgée de 13 ans …). Ces dernières (car il n’y a pas
encore de blogueur homme se prêtant à ce jeu) se prennent en photo,
accompagnant leur série mode d’un texte sur elles, leur état d’esprit, ce qui les a
inspirées …
Ces blogueurs sont au cœur d’un véritable enjeu pour les marques, car ils ne
manquent pas de les citer dans le descriptif de leur tenue, ce qui peut avoir un
véritable impact sur les ventes d’un produit, en particulier sur les sites de vente en
ligne …
En conséquence, les blogs de mode forment certes une blogosphère homogène
parce qu’ils traitent tous d’un seul et même sujet : la mode, mais qui est
néanmoins abordé sous des prismes très différents, faisant de cet univers un sujet
d’étude à la fois vaste et riche. Etablir une typologie des blogueurs de mode,
permet ainsi de se rendre compte de la complexité de ce milieu, et de la nécessité
pour les marques de mode (prêt- à – porter et luxe), de prendre en compte ces
spécificités, pour pouvoir travailler avec ces blogueurs.
Après avoir étudié le profil des blogueurs de mode, il s’agit désormais de se
pencher sur les blogs de mode, leur forme et leur contenu…
19
2) Le blog réinterprète la mode
Les blogs de mode sont bien plus que de simples espaces d’expression pour
beaucoup de leurs auteurs. Comme nous l’avons vu dans les portraits de
blogueurs de mode, beaucoup d’entre eux sont des créatifs : illustratrices,
graphistes, photographes amateurs, stylistes … et cela se ressent dans le contenu
et l’apparence de leur blog. Ainsi, cette partie va s’attacher ici à l’étude du blog
comme lieu d’expression artistique : comme cela se manifeste-t-il ? Puis nous
nous attacherons à étudier comment, dans ces blogs, la mode est mise en scène.
Enfin ; sera développé un aspect important de cette esthétisation des blogs, à
savoir que le blog, de part cette dimension artistique, véhicule à travers l’œil du
blogueur, une forme de réalité fantasmée.
a. Le blog de mode comme espace d’expression artist ique
Par bien des aspects, le blog de mode s’éloigne du schéma classique d’un
contenu constitué d’une succession d’articles et de visuels dans un ordre
chronologique. Certains ont, en réalité, une vraie dimension artistique, faisant du
blogueur un artiste/ créateur, à sa façon. Plusieurs éléments, issus de l’analyse
sémiologique de blogs, nous permettent d’illustrer ce point.
La forme la plus évidente d’expression artistique qui apparaît dans ces blogs est la
photo , et en particulier les clichés pris par les « chasseurs de style » évoqués
dans la partie précédente. Si l’on compare les photos de Mark Hunter (The
Cobrasnake ), Garance Doré, Scott Schuman ( The Sartorialist ), ou les photos de
Copenhagen Street Style, on note que les clichés ne se ressemblent pas., dans le
style ni dans le type de sujets.
Mark Hunter prend des photos de jeunes filles et jeunes garçons, dans des
ambiances de fêtes ou la nuit le plus souvent. Son style est très reconnaissable
des autres, dans la mesure où il photographie en plan serré ses modèles, et use
(et parfois abuse) du flash sur leurs visages, pour un résultat qui oscille entre
photo « entre amis » et photo amateur.
A l’opposé, Scott Schuman et Garance Doré proposent à leurs lecteurs respectifs,
des photos très raffinées et travaillées, où les modèles sont des femmes et des
hommes qui incarnent un idéal de raffinement qui tranche avec les « oiseaux de
nuit » de Mark Hunter. Scott Schuman prend ses modèles en pied, de jour, et le
20
plus souvent en extérieur. Il accorde également un grand intérêt aux matières des
vêtements portés par ses modèles. Garance Doré publie quand à elle des photos
avec une mise en scène recherchée, et qui sont le plus souvent des portraits.
Une autre forme évidente d’expression artistique qui se dégage des blogs, c’est le
mood board . La « planche d’humeur » a déjà été évoquée dans la partie
précédente car elle illustrait le professionnalisme des blogueurs de mode qui vont
jusqu’à utiliser des techniques dignes des plus grands cabinets de tendance.
Cependant, certains blogs tels que Sea of Shoes et The Style Rookie, ont fait de
ces mood boards, de véritables supports d’expression artistique, qui, par la suite,
servent également de source d’inspiration aux rédactrices en chef des magasines
de mode.
Jane Aldridge (Sea of Shoes ) fait des mood boards numériques, c’est à dire
qu’elle scanne les images et dessins qui forment la planche de tendance, puis
colle les différents éléments à l’aide d’un logiciel tel que Photoshop. Tavi Gevinson
(The Style Rookie), en fait quant à elle, des fanzines en éditions très limitées,
qu’elle vend sur le site le plus connu de travaux manuels : ETSY. La planche de
tendances devient ainsi un livre, que Tavi photographie pour le montrer à ses
lecteurs.
Enfin, on peut dire que les blogs de mode sont des espaces d’expression
artistique car certaines blogueuses choisissent de s’exprimer à travers le dessin.
On retrouve deux types de dessins : les illustrations enfantines telles celles de
FIFI LAPIN, et les illustrations proches du stylisme, telles celles de Garance Doré.
Pour la plupart, ces illustrations s’accompagnent des photos de modèles ou de
défilés, « réelles ». Dans les deux cas, les illustrations sont clairement destinées
à des lectrices. Teintes pastels, traits naïfs, ces dessins évoquent, ou
représentent, l’image de jeunes filles en fleur, incarnation d’une représentation
d’une mode légère et pétillante, à l’opposé d’une mode parfois un peu austère et
rigide, telle qu’on pourrait la trouver dans certaines maisons de haute- couture, ou
à travers l’image véhiculée par quelques rédactrices de mode ( ex : Anna Wintour,
sévère rédactrice en chef de l’édition américaine de Vogue).
Ainsi, les blogs de mode offrent aux internautes une nouvelle vision de la mode,
bien éloignée des magazines, comme cela va être étudié maintenant.
21
b. Les blogs : une nouvelle vision de la mode, éloi gnée des
magazines
Dans les blogs de mode, et plus généralement dans la blogosphère, ce qui frappe
avant tout le lecteur c’est l’utilisation permanente de la première personne du
singulier, qu’il s’agisse d’un blog en anglais, en français ou en espagnol. L’étude
du contenu de quatre blogs identifiés comme ‘influents » montre une
omniprésence du « Je », du « I ». Ainsi, prenons pour exemple le billet en date
du 9 novembre 2009 de Garance Doré :
« Voici les Pirates Boots, un classique de Vivienne Westwood. J’aime leur tombé
qui fait une jolie jambe, j’aime qu’elles s’écroulent et se patinent divinement en
vieillissant, et j’aime qu’elles soient les chaussures officielles des filles les plus
cool que je connaisse … Pourraient peut- être devenir mes chaussures plates
idéales … Et vous, qu’en pensez- vous ? »
Prenons également un exemple plus masculin, tiré d’un billet de Scott Schuman,
du blog « The Sartorialist » :
“ I don't know why I think it is so funny, but whenever I wear a terrycloth robe in a
hotel I have to put a wash cloth in the chestpocket - like a little matching terrycloth
pocket square. I know it's just plain silly, but I can't help it . At least the waiters
who deliver room service in Milan always seem to get a chuckle out of it12.”
Et enfin, citons Jane Aldridge de « Sea of shoes » :
“I've been snapping webcam & phone pics the past couple of weeks to put
together for this collage. I like how by looking at a picture of a previous outfit, I can
remember exactly what I did that day ....it's a nice trick for someone with a
terrible memory like: me. xo Jane “13
Que nous révèlent ces différents verbatims ? Tout d’abord que le blogueur de
mode en 2009 pourrait presque paraître narcissique si l’on s’arrêtait à cette
omniprésence de la première personne. Ici, on peut dire que le blogueur de mode
12 SCHUMAN S., « Je ne sais pas pourquoi je trouve ça vraiment trop drôle, mais à chaque fois que je mets une robe de chambre dans un hôtel, je ne peux pas m’empêcher de glisser dans la poche située sur la poitrine, une petite serviette de toilette, tel un petit mouchoir de poche assorti. J’ai parfaitement conscience que cette manie est un peu idiote, mais je ne peux juste pas m’en empêcher, et au moins, ça fait toujours glousser les grooms en charge du service de chambre à Milan. » [En ligne] Disponible sur http://thesartorialist.blogspot.com/2008_12_01_archive.html 13 ALDRIDGE J. [en ligne] Disponible sur : http://seaofshoes.typepad.com/sea_of_shoes/2009/09/selfportrait-en-iphonepart-two-ps-im-not-a-dropout.html
22
se met en scène dans son blog, dans la mesure où c’est son expérience
personnelle qu’il fait partager aux lecteurs, des tranches de vie quotidienne dans
lesquelles, nous lecteurs, nous pouvons tous s’identifier, mais qui prennent très
souvent une allure romancée dans ses écrits.
Philippe Amen, chercheur sur le journal intime et l’autobiographie au XIXe, et
spécialiste du philosophe suisse Henri- Frédéric Amiel14, auteur d’un journal intime
de plus de 17 000 pages, livre dans l’un de ses articles15 une analyse comparative
extrêmement intéressante entre celui qu’il appelle « le blogueur posteur
moderne », et « le diariste de type ancestral », comme Amiel. Ainsi, si au XIXe
siècle le diariste pratique dans ses écrits « l’auto-destination », se parlant d’abord
à sa conscience, le blogueur de 2009 fait voler cette perspective en éclats. Son
objectif est d’abord de s’exposer au plus grand nombre. Il est très loin d’une
écriture dite « intime ». D’ autre part, même si le blogueur de mode emploie la
première personne dans ses écrits, on ne peut qualifier son blog de journal intime,
dans la mesure où, stylistiquement parlant, il n’est pas en quête d’écriture de
billets destinés à rester dans les annales de la littérature. Les extraits cités
précédemment en sont la preuve, puisque Garance Doré emploie des noms très
communs tels que « cool », Jane Aldridge de Sea of Shoes écrit comme elle
pourrait parler avec ses amies au lycée.
Le langage utilisé par ces auteurs relève beaucoup plus du langage courant que
du langage soutenu. Le blogueur se met ainsi dans une posture où il se fait « le
bon copain » de l’internaute. Le langage n’est pas ici une barrière à la
compréhension des internautes.
Ainsi, qu’est-ce que tous ces éléments nous apportent sur l’art de la mise en
scène du blogueur de mode ?
Les analyses de Philippe Amen, couplées à l’analyse du discours de ces
blogueurs, nous montrent que le blogueur de mode cherche avant tout à être
proche des ses internautes, en employant le « Je » et en donnant l’illusion à son
lecteur de rentrer dans sa vie par la fenêtre que sont les billets postés. Le
blogueur semble ainsi se poser en « bon ami » des internautes, « la bonne
copine » pour le lectorat féminin, celle qui livrerait ses confidences autour d’un
café, et avec laquelle il se possible de parler « chiffons ». En adoptant via ses
14 Frédéric- Henri Amiel est un philosophe suisse (Genève : 1821- 1881). C’est un intellectuel suisse qui a laissé à sa mort un journal intime de plus de 17 000 pages écrit sur 42 années et considéré aujourd’hui comme un monument de la pensée suisse. 15 AMEN P., Le blog, une mise en scène journalistique du soi [en ligne] Disponible sur : http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/le-blog-une-mise-en-scene-5931
23
écrits cette posture, le blogueur arrive donc à mettre en place une relation de
confiance avec ses lecteurs, relation dont par la suite, les marques de mode
auront tout intérêt à tirer profit.
Il a donc été vu ici que le blog est un espace de mise en scène en ce que les
blogueurs ont recours à différentes formes artistiques pour s’exprimer, mais aussi
parce qu’ils se mettent eux- même en scène à travers leurs écrits. Pour que cette
partie soit complète, il faut également se pencher sur la manière qu’a le blogueur
de mode de mettre en scène la mode sur internet, un point extrêmement important
à traiter si l’on veut comprendre l’intérêt qu’ont les marques de mode aujourd’hui à
se pencher sur ceux que l’on appelle les « nouveaux influenceurs ».
c. Quand les blogueurs se réapproprient la mode
Cette partie sera essentiellement fondée sur l’analyse sémiologique du corpus des
100 blogs identifié via Style 99 et Technorati, croisée avec la typologie des blogs
énoncées dans la partie consacrée aux portraits de blogueurs. En effet, comme
cela a été énoncé précédemment, les blogs de mode sont des espaces
d’expression artistique, au service de la mode. Cependant, chaque blogueur de
mode offre, à sa façon, une vision de la mode aux internautes. Nous avons déjà
pu avoir un aperçu via les photographes de streetstyle, qui, à travers la lentille de
leur appareil offre une certaine vision de la mode.
Garance Doré offre aux internautes, une vision très idéalisée de Paris et de la
femme. La journaliste Virginia Heffernan, dans son article POP COUTURE, publié
dans le New York Times Magazine16 , écrit que les photos et dessins de Garance
Doré « donnent à l’internaute la sensation d’entrer dans un univers où la ville et
ses piétons ne sont que splendeurs […]. Avec leurs écharpes et leurs foulards aux
tons pastels, leurs bouches telles des boutons de roses, il y a presque quelque
chose de divin dans les modèles que choisi Garance Doré. »
De la même façon, son acolyte masculin Scott Schuman, véhicule dans ses
photos de piétons, l’image d’un monde où style et raffinement sont les maîtres
mots, et peuplé de femmes à la beauté quasi- irréelle, perchées sur des talons
aiguilles de douze centimètres et d’hommes incarnation de l’idéal du gentleman,
portant de nuit comme de jour, des costumes trois-pièces et des chaussures en
cuir anglaises. 16 HEFFEMAN V., “Pop Couture” in New York Times Magazine, 19 décembre 2008
24
L’internaute doit donc faire attention à ne pas se laisser biaiser par ces « clichés »
( dans les deux sens du terme ) ; puisqu’une étude plus approfondie des modèles
de ces « chasseurs de style », nous révèlent que, si ce sont beaucoup d’inconnus
qui sont mis en avant, on dénombre aussi de nombreuses rédactrices de mode et
de célébrités, mannequins, dans ces photos.
Une phrase de la « chasseuse de style »australienne Hayley Hughues, qui officie
pour le compte du site melbournestreetfashion.com, résume assez bien l’écueil
dans lequel tombent (volontairement ou pas), ces photographes. Ainsi, dans un
article du The Sydney Morning Herald17 elle déclare « je dois constamment me
rappeler que c’est la mode de la rue de Melbourne que je dois documenter et
photographier, et non pas le point de vue sur la mode de Hayley Hughues. »
On peut également parler de mise en scène de la mode, à travers les photos des
blogueuses identifiées précédemment comme « stylistes ». Ici, en posant pour
leur blog, elles mettent en scène les vêtements et les marques de mode, d’une
façon différente de celle que l’on trouve dans les magazines de mode et les
féminins. Ces blogueuses représentent un énorme enjeu pour les acteurs de la
mode, puisque la plupart citent (contrairement aux photographes de streetstyle)
les marques qu’elles portent. Ainsi, elles font la promotion de leurs coups de cœur
vestimentaires auprès des internautes, d’une façon qui semble dénuée de tout
aspect commercial.
Qui plus est, à travers leurs photos, elles réinterprètent les pièces qu’elles portent,
donnant vie aux vêtements et les mettant en avant sur des filles « normales » ce
que les photos issues des défilés ne permettent pas, puisque les mannequins sont
formatées pour coller aux mensurations très étroites de la haute-couture. Leur
s« séquences » modes sont un moyen de redonner vie à des vêtements ou des
accessoires de grandes marques, des collections précédentes ou plus anciens
(dits « vintage »). Référence est faite ici à Jane Aldridge de Sea of Shoes, qui
s’est fait une spécialité de présenter à ses lecteurs, des modèles de chaussures
exubérants, datés des saisons et collections passées.
Ces blogueuses « stylistes » mettent en scène une mode mixant à la fois pièces
« bon marché » issues des friperies, des grandes chaînes de prêt-à-porter et des
sites de vente en ligne, et pièces de créateurs, en particulier dès qu’il s’agit
d’accessoires (sacs, chaussures, bijoux)… Cependant, ici aussi le lecteur se doit
de prendre du recul vis-à-vis du contenu des billets de la blogueuse. En effet, la
17 Mel Campbell, “Eats, shoots and blogs” in The Sydney Morning Herald, 7 janvier 2009
25
première impression qui peut se dégager, est que ces jeunes femmes ont un
budget illimité pour leur garde- robe. Si dans certains cas cela est vrai (Jane
Aldridge vient d’une famille très aisée), pour beaucoup d’autres blogueuses
comme Géraldine Grisey de Punky B ou Betty Autier du Blog de Betty, le système
D prévaut encore, même si les marques s’intéressent désormais à elles et leurs
envoient des vêtements gratuitement. Elles vont dans les friperies, les grandes
chaînes de prêt-à-porter, et n’hésitent pas à vendre leurs vêtements via la création
de blogs « vide-dressings », associés à leurs blogs de stylisme. Qui plus est ; pour
beaucoup d’entre elles, les fins de mois sont également difficiles, une réalité qui
est donc bien moins glamour que les clichés qu’elles postent sur internet !
Cette partie aura donc permis d’observer sous quels aspects le blog de mode est
un espace de mise en scène. Dans ces espaces de communication, on retrouve à
travers le contenu que diffusent leurs auteurs ; une vraie dimension artistique,
mise au service de la mode. Dans les blogs de mode, les blogueurs se mettent en
scène et par là même offrent une nouvelle vision de la mode, en proposant des
mises en avant des vêtements, accessoires, différentes de ce que les magazines
de mode et les créateurs proposent lors des défilés de mode. Tout cela représente
un véritable enjeu pour les marques de mode, dans la mesure où tout ces blogs
drainent de très fortes audiences, qui sont également très réactives aux articles
mis en ligne par ces auteurs. Ainsi, peut-on dire que certains blogueurs font des
certaines pièces des « must-have », que dès lors, leurs lecteurs vont s’empresser
d’acheter. Cette relation entre le blogueur et le lecteur est ce qui fait du lieu un lieu
d’échange, et place cet espace de communication au-delà du simple journal
intime. C’est donc la place du blog de mode comme lieu d’interaction qui va être
évoquée en dernier point de cette première partie.
26
3) Le blog de mode : un lieu d’interactions
Les interactions sont dans les fondements même du blog. Le blogueur écrit
d’abord pour les internautes, avant d’écrire pour lui-même, comme le font les
personnes qui rédigent un journal intime. Sans lecteurs ni commentaires, le blog
n’a pas vraiment lieu d’exister, et si cette conversation n’existait pas entre l’auteur
et les internautes, les marques ne s’intéresseraient pas aux blogs, et encore
moins aux réseaux sociaux, et le marketing conversationnel n’occuperait pas la
place qu’il occupe actuellement. En conséquence, la question des interactions qui
existent sur un blog ne pouvait être éludée dans ce travail, et elle sera abordée à
travers trois points. Tout d’abord l’interactivité au cœur des fondements même du
blog de mode, puis, il sera abordé la question de la place du lecteur dans le blog,
et enfin, il sera étudié l’importance des échanges sur un blog comme un des
critères de mesurabilité de son influence.
a. L’interactivité blogueur/ lecteur au cœur même d u dynamisme
du blog
Ce sont les échanges entre le blogueur et ses lecteurs, et plus
particulièrement leur intensité, qui font passer un blog du simple rang de
« banal » à influent. En effet, à travers son blog, le blogueur de mode bâtit
une communauté autour de sa personne virtuelle. Il a des fans, des gens
qui le lisent religieusement à chaque post, et n’hésitent pas à répondre à
ses questions. L’analyse des blogs identifiés comme « influents », révèle
que les blogueurs s’adressent régulièrement, et de façon directe à leurs
blogueurs. Voici quelques verbatims glanés au gré de ces analyses de
discours :
« Un bon week-end tout le monde ? », « Les Fringues qui disparaissent ça
vous arrive ? », « Au fait merci pour tout vos bons plans ! » (Le Blog de
Betty)
« Vous souvenez- vous de cette fois où je vous ai parlé de ces chaussures
Chloé qui sont désormais greffées à mes pieds ? », « Peut être devrais-je
27
me teindre en blonde d’ailleurs … et porter d’énooormes boucles d’oreilles,
qu’en pensez vous ? »(The Cherry Blossom Girl)
«Les tendances 2009/2010, vous les maîtrisez déjà sur le bout des doigts? »
« Je me suis dit que quelques clous que je n'aurais pas plantés moi-même
(n'ayez pas peur!) pourraient peut être vous botter! » (Punky B)
On relèvera une fois de plus les styles de langage très familier qu’emploient
les blogueuses pour s’adresser à leurs lecteurs, faisant fi d’adopter une
écriture littéraire, le principal étant que les articles soient compris par le plus
grand monde, et surtout, fassent réagir !
De la même façon, les lecteurs sont également très réactifs à ces
« apostrophes » virtuelles de la part du blogueur, et ils ne sont
généralement pas avares en commentaires (entre 100 et 300 en moyenne
sur ces blogs de mode influents), même si on ne leur a pas posé de
question où s’il n’y a pas de débat. Aussi, cela semble-t-il intéressant de
s’interroger sur le contenu des commentaires des internautes laissés sur
ces blogs.
Après une analyse détaillée des commentaires, sur plusieurs blogs de
mode francophones et anglophones, on peut, afin d’en avoir une vision plus
nette, détailler ces commentaires par typologies.
« Les observateurs » : ils scrutent en détails les tenues mises en ligne par
les blogueuses « stylistes » ou mises en scène à travers les clichés des
« chasseurs de style ». Ils s’improvisent par le biais des photos, stylistes de
mode, par le biais de la critique des tenues d’autrui, que cela soit positif ou
négatif.
« J’adore son look, si simple mais avec plein de détails qui tuent (d’où le
titre héhé). » (Garance Doré)
« J’adore ces chaussures, mais les pieds du mannequin, me font, dans un
sens, très peurs ! » (Jak and Jill Blog)
« J’adore son t-shirt noir et ses chaînes, ça apporte une touche de
fraîcheur à sa tenue. » (The Sartorialist).
28
« Les fans » : il s’agit ici des internautes qui, comme le nom de ce type de
lecteur l’indique, apprécient les billets du blogueur.
« Ta robe est très jolie, et j’adore tes cheveux, même en roux ! » (Sea of
Shoes)
« Un style génial, un blog génial, et pour moi tu es déjà une véritable icône
de la mode malgré ton jeune âge ! » (The Style Rookie)
« Tu es la personnification même de l’audace dans la mode, et pour ça, je
t’admire complètement ! » (The Style Bubble)
Enfin, il y a les lecteurs que l’on pourrait qualifier de « dialoguistes »,
puisqu’ils tentent d’entamer un dialogue avec le blogueur, parmi le flot de
commentaires dans lesquels ils se trouvent. On retrouve parfois le même
dialoguiste dans plusieurs blogs de mode différents (ex : l’internaute se
faisant appeler MAISON CHAPLIN, laisse des commentaires de la sorte sur
les blogs de Style Rookie et The Sartorialist). Ils nomment le blogueur par
son prénom et répondent à ses questions telles que « j’espère que vous
avez passé un bon week-end».
« Merci de prendre de nos nouvelles, je vais bien, et ma mère aussi. »
(The Style Rookie ).
« Bonjour Garance!! Ca me fait trop plaisir de pouvoir à nouveau te lire dès
le matin (merci la reprise des cours) ! Les petits détails de la vie… tout ce
que je préfère ! La jeune femme est tellement belle ! Au fait, sans vouloir
être pressante, tu avais dit que tu ferais un post sur les femmes enceintes
qui ont croisé ta route pendant la fashion week… Suis-je trop pressée ou ce
post est toujours d’actualité ? Gros bisous Garance ! ». (Garance Doré)
«Te bile pas, Punky, ce look du jour est ta seconde peau, me semble t-il,
.celui d'hier était plus habillé, so what? Ainsi vont les zumeurs des filles... »
(Punky B)
Quelles conclusions peut-on tirer de ces analyses de contenu blogueur/
lecteur et lecteur/ blogueur ?
29
Tout d’abord que blogueurs et lecteurs adoptent la même rhétorique pour
converser. On voit bien que si les blogueurs utilisent un langage familier
pour s’exprimer, il en va de même de leurs lecteurs. D’autre part, la
typologie des internautes laissant des commentaires sur les blogs nous
permet de se rendre compte que pour beaucoup, le blogueur apparaît
comme un ami, même s’ils ne l’ont jamais vu. Ainsi, et comme cela a déjà
été évoqué précédemment, les blogueur est un confident avec lequel on
pourrait s’installer autour d’un café pour discuter des dernières tendances
de la mode. Une fois de plus, le blogueur de mode est d’abord quelqu’un
qui suscite chez les internautes la confiance, et c’est confiance quasi
aveugle des internautes dans les conseils mode de leurs blogueurs favoris,
qui intéresse d’abord les marques de mode.
Cela nous amène nous donc à aborder le dernier point de cette partie entre
le blogueur et les marques de mode, quelle place occupe finalement le
lecteur dans un blog de mode ? N’est-il que simple « spectateur », ou bien
ses commentaires sont-ils lus par le blogueur, et si oui, ce dernier les prend-
t-il en compte ?
b. La place du lecteur dans un blog de mode
Face au blogueur de mode qui se met en scène à travers son blog, on peut
s’interroger sur la place, et le rôle de son lecteur et plus largement, de son
lectorat
Ce que l’on dire en premier lieu, c’est que, finalement, sans lecteurs qui lisent, ou
commentent les articles du blogueur, le blog n’a finalement pas lieu d’être. Car, et
cela a été abordé à plusieurs reprises, le blog, à la différence d’un journal intime,
et d’abord ouvert sur l’extérieur, et c’est l’avis de ce monde extérieur que
recherche d’abord le blogueur de mode. En effet, on imagine bien le désarroi
qu’éprouverait une blogueuse « styliste » comme Punky B/ Géraldine Grisey, si
elle postait une photo d’elle, et qu’aucun internaute ne prenait la peine de la
commenter. Le blogueur, et en particulier le blogueur de mode se doit d’être à la
fois un minimum extraverti et narcissique, pour se mettre scène de la sorte sur son
blog, que ce soit à travers ses mots, photos ou dessins. Les commentaires des
30
lecteurs sont ainsi une forme de récompense aux efforts qu’il déploie pour plaire à
son audience.
Si, comme on l’a vu précédemment, le blogueur dispose de tout un panel d’outils
pour mesurer de manière qualitative son audience, il ne s’agira toujours que de
chiffres sans expression, et de ce fait, d’un lectorat en quelques sortes invisible.
Le lecteur, parce qu’il va prendre de rédiger un commentaire sur une photo ou un
dessin, de donner son avis (le plus souvent positif), permet au blogueur d’avoir
une matérialisation de son « public ». Le mot « public » correspond d’ailleurs
parfaitement à l’audience d’un blog de mode, dans la mesure où le blog de mode
est d’abord un espace de mise en scène (voir partie 2).
Le lecteur apparaît donc comme la raison d’être du blogueur de mode. C’est
grâce à lui, et au bouche-à-oreille qu’il va faire auprès de ses autres amis
internautes, que le lecteur va permettre au blog d’accroître sa notoriété.
Cependant, et cela d’un point de vue commercial (et beaucoup plus trivial) le
lecteur d’un blog de mode, est aussi un client potentiel pour toute marque citée
par une blogueuse (ou un blogueur) de mode, et c’est tout là que se trouve l’enjeu
pour les marques de mode. Notamment parce que le lecteur a confiance en la
blogueuse, il sera beaucoup plus enclin à se laisser séduire par l’achat de tel ou
tel sac ou paire de chaussures qu’il aura aperçu sur plusieurs blogs de mode
influents, que s’il l’a vu dans les pages de ELLE ou de Vogue, porté par des
mannequins au physique bien loin des mensurations « normales », et dans une
mise en scène dans laquelle il aura certainement un peu plus de difficultés à se
projeter.
c. La mesure des interactions avec les lecteurs, un indicateur
majeur pour les blogueurs de mode … et les marques !
Contrairement aux diaristes tels qu’Amiel, évoqué précédemment, ou même le
Journal de Gide, considéré comme premier véritable journal intime à vocation
littéraire, les blogueurs de mode ne cherchent pas la reconnaissance des lecteurs
via leur style littéraire. Bien au contraire, leur utilisation d’un langage très familier,
comme les verbatims de la partie précédente l’ont illustré, montrent bien que
écrire de façon stylisée est la dernière de leur préoccupation. Le blogueur
d’aujourd’hui, vit, et éprouve une reconnaissance des internautes, à travers un
31
moyen beaucoup moins poétique : les statistiques. Philippe Amen, dont a déjà
abordé le travail sur les journaux intimes et les biographies ici, parle de
« narcissisme comptable ».
En effet, techniquement parlant, tous les blogs sont dotés d’outils permettant de
mesurer, de façon plus ou moins précise, l’audience du site, les pays d’origine des
lecteurs, si ces derniers sont revenus sur le blog, tout ça au moyen d’une donnée
très simple fournie par l’internaute-lecteur lui- même : l’adresse IP des ordinateurs.
Elle permet ainsi de tracer le parcours des internautes sur la toile, et au blogueur,
de se faire une idée plus précise de qui vient lire ou admirer ses photos et dessins
de mode. Le blog calcule toutes ces données et les met en forme dans des
tableaux bien connus des blogueurs. Mais ce dernier n’est pas le seul à avoir
accès à ces chiffres, puisque Google propose également un service appelé
« Google AdPlanner », qui, lorsque l’on rentre l’url (l’adresse internet) d’un blog,
nous dresse une fiche d’identité du blog. Le test a été fait avec
http://www.garancedore.fr/, et on apprend donc que le blog draine en moyenne
260 000 visiteurs par mois, dont 57 000 venus de France, qu’ils regardent deux
millions deux cent milles pages par mois, avec une moyenne de 8, 5 pages par
personne, et que chaque visiteur reste en moyenne 4.30 sur ce blog. Google
AdPlanner nous apprend aussi que 59% des lectrices de Garance Doré sont des
femmes, et qu’elles sont âgées entre 25 et 34 ans, pour 37 % d’entre elles. Elles
sont également, pour 40 % ; dotées d’un diplôme universitaire.
Google Adplanner, du point de vue d’un annonceur, est une vraie mine de
renseignements pour mesurer l’audience d’un blog et recueillir des informations
sur les lecteurs. Plus un blogueur « fait du chiffre », plus il devient intéressant pour
les marques, qui pensent plus en termes quantitatifs que qualitatifs (ex : contenu
des commentaires). Si ce qui va suivre est une hérésie pour les gourous du
marketing tels que Seth Godin ou Chris Brogan, dont la pensée sera développée
ultérieurement, pour les marques de mode et plus largement les annonceurs, un
blogueur influent c’est celui qui a d’excellentes statistiques, à savoir un très fort
trafic, des internautes qui reviennent plusieurs fois par semaine ( voir par jour ), et
des billets qui suscitent un nombre élevé de commentaires. Ces chiffres
permettent d’avoir une estimation du nombre de personnes qui seront touchées
par les informations relayées par le blogueur.
Mais, les interactions sur les blogs ne sont pas que questions de chiffres, et
derrière le blogueur virtuel, posté derrière son clavier, il y a un être humain, tout
32
comme le lecteur devant son écran, et les échanges entre les blogueurs de mode
et leurs lecteurs, sont au cœur même du dynamisme d’un blog de mode.
*
* *
En conséquence, cette partie aura permis de dresser un portrait complet de la
figure du blogueur de mode et des spécificités du blog de mode. Ainsi, si la
blogosphère « mode » est une communauté qui rassemble des férus de mode,
c’est aussi une mosaïque d’individus, répartis en micro-niches thématiques. Pour
les marques de mode, il est aujourd’hui nécessaire de comprendre comment
dialoguer avec ces nouveaux influenceurs, dont certains ont des audiences
pouvant concurrencer certains supports de la presse mode et féminine. D’autre
part, et parce que le blog est d’abord un lien d’interaction, le lecteur occupe une
place centrale dans le blog de mode, puisqu’il est à la fois la raison de « publier »
du blogueur, mais également un enjeu crucial à séduire pour les marques de
mode, dans la mesure où cet internaute est aussi un futur client.
Désormais, après avoir abordé en détails la question des blogs de mode et des
blogueurs, il s’agit désormais de s’intéresser à cette relation qui unit les marques
aux blogueurs de mode.
33
II. Les marques et enseignes de mode face aux blogueurs de mode
Après une première partie dédiée aux blogs et blogueurs de mode, étape
nécessaire puisqu’il s’agit du cœur du sujet, il s’agit désormais de se placer du
point de vue des marques. Comment gèrent-elles cette montée en puissances des
blogueurs dans la mode ? Comment s’adaptent-elles à cette nouvelle génération
d’influenceurs qui côtoient désormais les plus grandes rédactrices de mode ?
Quelles sont les stratégies qu’elles déploient pour optimiser la force de frappe de
ces espaces de communication, qui sont en contact direct avec leurs clients ?
Qu’il s’agisse de prêt-à-porter ou Fast Fashion comme chez H&M, ou de maison
de haute- couture comme Sonia Rykiel ou Louis Vuitton, c’est tout l’univers de la
mode qui a été chamboulé par la montée en puissance d’internet et du web
participatif et conversationnel ( ou web 2.0). La montée en puissance des blogs et
des réseaux sociaux a vu l’émergence de nouveaux influenceurs, dont les
messages se révèlent être parfois plus impactants auprès des consommateurs,
qu’une parution dans la presse ou de l’affichage dans les transports en commun
ou sur des panneaux en 4x3.
Les blogueurs ont changé la donne pour les enseignes de mode qui doivent
désormais composer avec ces nouveaux acteurs, même si certaines, en
particulier dans le luxe, affichaient jusqu’alors une certaine réticence à mettre en
place de vraies stratégies web en dehors de leurs sites de marques, internet
paraissant à leurs yeux, pas assez haut-de-gamme pour leur clientèle.
Aujourd’hui, certains blogueurs sont devenus de vraies figures bien installées
dans le microcosme des influenceurs de la mode, entre les rédacteurs en chef de
la presse mode et les stylistes.
Plusieurs points seront développés dans cette partie, afin de démontrer de la
meilleure façon qu’il soit, la relation complexe qui unit les blogs et les marques de
mode. En premier lieu, il sera ainsi abordé la question du blogueur de mode en
tant que nouvelle source d’inspiration pour les marques de mode, puis comment
les marques de mode, et plus généralement la « modosphère » ont fait des
blogueurs les nouvelles icônes du « milieu », et finalement, comment entre les
blogs et les marques de mode, la relation les unissant est déjà en pleine mutation.
34
1) Le blogueur de mode, une nouvelle source d’inspi ration pour les marques de mode
En février 2008, dans son supplément consacré à la Fashion Week parisienne, Le
Figaro titrait l’un de ses articles « Les blogs dictent leur mode 18 ». Un titre
révélateur de la place prise par les blogs et les blogueurs dans la mode
aujourd’hui. A tel point que si, il y a encore peu, la mannequin ou l’actrice étaient
les muses de référence des créateurs, aujourd’hui la tendance change et c’est
désormais le blogueur qui inspire, de plusieurs façons, le créateur. En tant que
personne d’abord, mais aussi source d’inspiration grâce à un contenu original, qui
fait du blog un incubateur à la fois de nouvelles idées, de tendances, mais aussi
de nouveaux mannequins !
Il sera donc abordé ici les thématiques suivantes : « Quand la mode passe à l’ère
du 2.0 », puis le « Blogueur comme nouvelle muse », et enfin « Les blogs de
mode : des laboratoires de tendance pour les marques et enseignes de mode ».
a. Quand la mode passe à l’ère du 2.0 L’expression « mode 2.0 » désigne le passage de la mode à l’ère des réseaux et
médias sociaux, et des blogs. Les marques de mode s’approprient peu à peu ces
outils, pour elles aussi rentrer en « conversation » avec leurs clients, mais aussi
leurs fans. En effet, pour certaines maisons de haute- couture tels que Louis
Vuitton ou Chanel, au vu de leurs prix pratiqués, on dénombre beaucoup de fans
de leurs styles, de leurs produits, de leurs valeurs, mais qui n’ont pas forcément
les moyens de s’acheter une de leurs pièces. Ce passage entraîne de profond
changements chez les marques, qui ne peuvent désormais plus passer outre cette
tendance, qui au fil du temps, s’inscrit comme une réalité pérenne. Désormais un
simple site internet avec un e-shop ne suffit plus, il faut aller à la rencontre des
fans de la marque sur internet, à travers les blogs, et les réseaux sociaux tels que
Facebook, Twitter, ou myspace, même si sa fréquentation est sur le déclin.
D’autre part, dans la haute-couture, les marques françaises affichent un retard sur
leurs voisins en matière de e-commerce. Une étude menée par le groupe XERFI
sur le sujet « Distribuer des produits de luxe sur internet19 » révèle que d’ici la fin
18 Guide Le Figaro, Les blogs dictent leur mode, Caroline Rousseau, mardi 26 février 2009 19 Etude Percepta, groupe XERFI, « Distribuer les produits de luxe sur internet : quelles stratégies pour vendre, valoriser, le capital des marques ? », 2 janvier 20008
35
2010, l’achat de produits de luxe en ligne représentera 10% du chiffre d’affaire
final des marques françaises, mais que ces dernières n’ont toujours pas bâti de
véritable stratégie. Pourquoi ? Parce que beaucoup ont encore des a priori sur la
nécessité d’être présent de manière stratégique sur internet. Ainsi, pour certains,
vente en ligne rime avec low- cost, l’incrédulité règne sur l’acte d’achat de produits
chers en ligne, et certaines marques ont peur de perdre leur territoire de marque
sur internet. Un verbatim de Marc Lolivier, président de la FEVAD20, résume bien
l’état d’esprit dans lequel étaient les marques de luxe jusqu’à il y a peu : « Les
réticences des acteurs du luxe tenaient au côté “cheap” associé à la vente sur
Internet, qu’ils jugeaient incompatible avec leur image haut de gamme ».
Or, du côté des consommateurs de luxe, une étude21 révèle que 44% d’entre eux
se disent plus influencés par internet dans leur acte d’achat, que par la presse (42
%), rendant internet incontournable pour les marques de mode. Par ailleurs, les
études et les articles se multiplient, tendant à prouver l’influence certaine qu’ont
les blogueurs de mode dans l’acte d’achat des consommateurs, qui sont aussi
leurs lecteurs. Ainsi, dans un article tiré de Libération et consacré à la blogueuse
Garance Doré peut-on lire « C’est lorsqu’une vendeuse lui avoue, en 2007, qu’une
photo publiée sur son blog a fait exploser les ventes d’un pull, que Garance Doré
réalise l’impact de son succès. ». La force du bouche-à-oreille des blogs de mode
serait-elle plus forte qu’une parution dans Elle ou Vogue ? C’et peut-être ce que
les marques et grandes enseignes de mode commencent peu-à- peu à réaliser,
en entrant en contact directement avec ces nouveaux influenceurs de la mode.
Ainsi, comme cela a pu être observé, certains marques rechignent à adopter une
stratégie sur internet, d’autres marques se sont fortement investies en 2009,
notamment vis-à-vis des blogueurs, voyant leurs créateurs s’engouffrer
directement dans la brèche du 2.0, en érigeant parfois au rang de muse, des
blogueurs de mode.
C’est ce point qui va désormais être développé dans la partie qui suit : comment le
blogueur de mode est passé de simple observateur et passionné de mode, à une
muse pour les marques ?
20 Marc Lolivier, président de la Fédération des Entreprises de Ventes à Distance, in CONSTANS Frédéric, « Etalage de luxe sur la toile » in Dynamique Commerciale n° 109, Mai- juin 2007 21 Etude Unity Marketing 2006
36
b. Le blogueur, une nouvelle muse pour les créateur s Comme l’ont évoqué les exemples des Fashion Week de Milan et Paris cités dans
l’introduction de ce mémoire, 2009 a été un tournant pour les blogueurs de mode,
qui se sont vus propulsés aux premiers rangs de l’univers de la mode.
Alors que les créateurs de haute- couture aimaient s’afficher avec des actrices,
des chanteurs, des starlettes, très vite il est devenu de bon ton d’avoir son
blogueur « muse ». Avant d’en venir aux exemples concrets, il semble intéressant
ici, de se pencher sur le concept même de « muse ».
Si l’on se fie à la définition donnée par le dictionnaire TLF, « muse » désigne à
l’origine les neuf filles de Zeus et Mnémosyne (déesse de la mémoire), et déesses
présidant aux arts libéraux22. Néanmoins, ce sera plus la définition telle qu’elle est
connue au XXe siècle, qui nous intéressera ici. Ainsi, la muse est désignée
comme étant la « femme inspiratrice » d’un artiste (écrivain, peintre, musicien …).
Certes, au sein de la blogosphère « mode », on notera que la muse peut aussi
être un homme. Le Wall Street Journal, dans un article intitulé « Fashion’s Secret
Helpers23 », met parfaitement en exergue ce nouveau phénomène. Ainsi, Kate et
Laura Mulleavy, créatrices et fondatrices de la marque de prêt-à-porter Rodarte,
affirment-elles avoir fait de la jeune Tavi Gevinson (The Style Rookie), leur muse
car « Tavi vous fait réfléchir, à travers son blog, de manière différente, et par
extension, elle vous fait voir les choses sous un autre angle. » D’autre part, et
toujours pour reprendre cet article du Wall Street Journal, il apparaît qu’avec la
crise, les gens pensent autrement leur façon de s’habiller, cherchant des moyens
plus économiques. Les blogueurs, en mixant pièces de luxe, de prêt-à-porter et
issues de friperie s’intègrent parfaitement à cette nouvelle tendance, que
désormais les marques de mode ne peuvent ignorer.
C’est ainsi que les blogueurs prennent peu à peu la place des rédactrices en chef,
et même des mannequins, au poste de muse. Ainsi, il existe de nombreux
exemples de « blogueur- muse ».
Brian Yambao (Brian Boy), que l’on a déjà évoqué dans ce mémoire, a un sac que
le créateur Marc Jacobs a nommé aux initiales de son blog : B.B. Mais si le
blogueur inspire le créateur, il nourrit également l’égo de ce dernier, dans la
mesure où Brian Yambao alimente les articles sur son blog, avec des informations
22 Les neuf Muses : Clio, muse de l'histoire; Euterpe, muse de la musique; Thalie, muse de la comédie; Melpomène, muse de la tragédie; Terpsichore, muse de la danse; Érato, muse de l'élégie; Polymnie, muse de la poésie lyrique; Uranie, muse de l'astronomie; Calliope, muse de l'éloquence: 23 Rosman Katerine, Fashion’s Secret Helpers, The Wall Street Journal, 11 septembre 2009
37
quasi-exclusivement consacrées à Marc Jacobs et son travail pour sa marque et
Louis Vuitton. On pourrait donc dire que ces deux individus se voue une forme
d’admiration réciproque. Marc Jacobs a par ailleurs été l’un des premiers
créateurs à s’exposer dans les médias avec un blogueur.
De la même façon, les deux blogueuses « stylistes » Betty Autier (Le Blog de
Betty) et Alix Bancourt ont posée pour la marque très tendance American Apparel,
et elles ont été faites plus récemment encore « web- ambassadrice » par Chanel,
pour leur ligne de sacs destinée à une clientèle plutôt jeune : la ligne Coco-
Cocoon, dont l’égérie est Lily Allen. Elles ont ainsi posté sur leurs blogs, des
photos d’elles, se mettant en scène avec le sac « phare » de la collection.
Jane Aldridge de Sea of Shoes , a posé pour la collection Simone printemps- été
2010 de la créatrice Katie Nehra, et le témoignage de cette dernière est assez
révélateur de la puissance qu’on désormais entre leurs mains les blogueurs de
mode. Ainsi, il semble ici opportun de rappeler que Jane Aldridge est une jeune
blogueuse de 17 ans, vivant à Trophy Club, au Texas. Ainsi, Katie Nehra, après
envoyé un mail à Jane pour lui proposer d’être son égérie pour sa collection à
venir, affirme se souvenir « être restée allongée et désemparée sur son lit », car
elle pensait qu’elle n’aurait jamais de retour de la part de Jane Aldridge. Cette
même blogueuse franchit désormais allègrement la frontière qui sépare internet de
la presse papier puisqu’elle pose désormais régulièrement pour TeenVogue et
d’autres publications nord-américaines destinées à un public d’adolescentes. Un
exemple encore trop peu repris en France, où malgré tout, les blogueuses en tant
que modèles restent cantonnées à la toile.
Cependant, les exemples se multiplient sur la blogosphère, où les blogueurs, se
font à la fois stylistes et modèles pour les marques de mode, de prêt-à-porter ou
de luxe. Les marques commencent donc à comprendre l’impact que ces nouvelles
muses peuvent avoir sur leurs clients, qui s’identifient plus dans une personne
telle que Géraldine Grisey (Punky B), dont la mode est la passion, mais qui,
parallèlement à ça, fera des références à son mari et à son petit garçon (comme
toute « fille normale), que dans un top- model sur du papier glacé, qui reste avant
tout une personne presque irréelle.
Ainsi, si le passage à l’ère du 2.0, du communautaire et du participatif reste
encore assez difficile pour certaines enseignes et marques de mode, pour celles
qui ont entrepris une vraie démarche stratégique sur le web, le blogueur occupe
38
désormais une place centrale dans leur communication. Modèle, styliste, le
blogueur peut tout faire et fait souffler un vrai vent de nouveauté et d’innovation
dans l’univers de la mode, au point de devenir une muse, une source d’inspiration
pour les créateurs.
Mais, il n’y a pas que sa personne qui inspire les marques, le contenu l’est
également, et en particulier celui des blogs de streetstyle, ou « chasseurs de
styles », tels que The Sartorialist, Facehunter ou Copenhagen Streetstyle. Avec
des blogs comme ceux précédemment cités et mettant en scène, à la même
enseigne, piétons inconnus, mannequins et parfois célébrités, ces blogs sont les
nouveaux observatoires de tendances pour les marques et enseignes de mode, et
c’est cet aspect qui va être développé dans la partie suivante.
c. Les blogs : nouveaux laboratoires de tendances p our la mode Certes, la mode, et plus particulièrement la haute- couture, est d’abord une
discipline artistique … Mais ce sont aussi des financiers, des commerciaux, et de
manière plus triviale, du business, et l’un des objectifs des enseignes, qu’il
s’agisse de Chanel ou Zara, et d’abord de faire du chiffre et donc de vendre. En
conséquence, et encore plus dans un contexte économique de crise, le challenge
pour les marques de mode est de créer des collections qui arriveront à toucher et
séduire le plus grand nombre de clientes. C’est ainsi que l’on a vu de nombreuses
maisons de haute- couture créer des lignes parallèles aux prix plus « doux », les
derniers exemples en date étant Yves- Saint- Laurent et sa collection (en édition
limitée tout de même) New Vintage, et Givenchy et Redux. Pour Jean- Jacques
Picart, consultant en luxe et interviewé récemment dans L’Express24, "Depuis trois
saisons déjà, on sentait que les collections avaient du mal à se vendre. Le public
en avait assez de cette débauche d'effets spectaculaires, de mannequins,
d'accessoires... La crise a précipité tout cela et a forcé les marques à changer
leurs valeurs". Les blogueurs arrivent donc à point nommé dans un univers de la
mode, où les créateurs semblent désormais en quête de simplicité, de
« normalité », bien loin des top- models et de la mode « bling- bling ». En ce sens,
leurs blogs sont des fenêtres d’observation sur les tendances qui « accrochent »
les acheteurs potentiels. Ainsi, pouvait-on voir il y a peu, fleurir sur les blogs de
mode, des manteaux de fourrure aux imprimés léopard, ainsi que des mitaines
24 BRUNEL C ., « Quelle mode pour l’après-crise »in L’Express, 12 novembre 2009
39
cloutées, deux tendances qui n’apparaissait pas forcément sur les podiums des
maisons de haute- couture, mais qui ont rapidement fleurit dans les grandes
enseignes de prêt-à-porter telles que Zara, H&M ou Uniqlo.
D’autre part, les blogs de mode sont également des laboratoires de tendances
pour les marques de mode, car leurs auteurs ont souvent un regard très critique
sur les dernières collections des créateurs, n’hésitant pas à afficher soit leur coup
de cœur pour certaines pièces (la dernière en date semblant être les chaussures
de la marque Chloé, de la dernière collection automne- hier, présentes sur tous
les blogs de mode ), soit leurs critiques ( ainsi peut- on lire sur le blog de Tavi
Gevinson, à propose de Burberry, qu’elle n’a jamais vraiment adhéré au style bien
trop classique de la maison, et que leur dernier défilé n’est pas fait pour arranger
les choses … ).
Le blog de mode est un laboratoire de tendances, car ses auteurs, par leur travail
de veille évoqué dans la partie une de ce travail, mettent parfois en avant des
labels peu connus du grand public, mais parce qu’ils emploient aussi des outils
comme les planches d’humeur, qui permettent d’avoir un aperçu de ce qui
inspirent ces passionnés de la mode, avant tout dénicheurs de tendances.
Enfin, les blogs de mode sont des laboratoires de tendances pour les marques et
les créateurs, car ils mettent également en scène le « piéton », l’anonyme, qui
peut parfois sembler bien loin de l’univers de la mode (même si au final cela est
rarement le cas, comme cela a été observé en partie une de ce travail).
Chaque modèle pris en photo dégage son propre style, et tous forment une vaste
base de données du style de la rue, que ce soit à Melbourne, Paris ou Rio de
Janeiro. C’est une grande source d’inspiration pour tous les créateurs, qui voient à
travers ces blogs, des individus qui s’habillent avec goût sans pour autant faire
attention aux marques, et qui découvrent que les podiums peuvent aussi être les
trottoirs en macadam des grandes métropoles aux quatre coins du monde. Les
blogs de streetstyle prouvent que l’allure et l’élégance se trouvent partout.
Si les marques et enseignes de mode ont mis du temps à se mettre à internet et à
développer de vraies stratégies sur ce média, aujourd’hui, beaucoup d’entre elles
se sont engouffrées dans la brèche. Face à la montée en puissance des
blogueurs, les marques de mode ont dû trouver de nouvelles manières de
travailler avec ces internautes influents, allant parfois même jusqu’à en faire des
muses. Mais ce n’est pas uniquement le blogueur qui suscite l’intérêt des
40
marques, mais aussi son contenu, puisque ces tendanceurs proposent à travers
leurs billets une vraie vision des tendances de la « rue », et ce parfois au sens
premier du terme, comme en témoigne le succès des blogs de streetstyle.
Parce qu’ils occupent une place prépondérante dans les médias, et parce qu’ils
sont aujourd’hui les figures de proue de la blogosphère mode, il semblait
nécessaire dans ce mémoire, de traiter plus en détails des liens qui unissent
marques et enseignes de mode, et les blogueurs identifiés comme « chasseurs de
styles ». C’est le sujet qui va être abordé dans la partie qui suit.
2) Les marques de mode et les blogueurs : focus sur les « chasseurs de style »
« Streetstyle » voilà un mot que l’on retrouve aujourd’hui sur tous les sites de
mode et dans les pages des magazines. Lors de la Fashion Week parisienne du
mois d’octobre, Elle titrait « de la femme streetstyle aux défilés de mode ». De la
même façon, Kirsty Munro, dans The Sydney Morning Herald le 14 août 2008,
consacrait une double page aux blogueurs « chasseurs de style » (ou « The style
hunters » dans le texte), et Mel Campbell, en janvier 2009 et dans le même
support, publiait « Eat, shoots and blogs. » et Le Figaro titrait il y a peu encore
« Le streetstyle, esperanto de la blogosphère ». Avec près de 150 000 visiteurs
par jour, Scott Schuman est sans conteste le roi des blogs de streetstyle et plus
généralement, des blogs de mode.
Parce que ces blogueurs et leurs photos, sont désormais partout, et qu’ils sont les
cœurs de cible des marques et enseignes de mode, il paraissait nécessaire
d’étudier plus en détails leur place dans la blogosphère mode, ainsi que leur
relation avec les marques, et enfin de quelle façon ils arrivent (ou pas ) à
conserver leurs indépendance, une des clefs du succès de la réussite de leurs
blogs. C’est donc ces trois points qui seront abordés dans cette partie.
41
a. Le « blogueur roi » : le chasseur de style
Garance Doré, The Sartorialist, Jak and Jill, The Cobrasnake, The Facehunter …
Autant de noms qui, s’ils ne disent rien à l’internaute « lambda », font frémir de
plaisir les férus de mode aux quatre coins du globe. Ces blogueurs, apparus entre
2005 et 2006 pour les précurseurs (Scott Schuman The Sartorialist, et Yvan
Rodic, Facehunter ) se sont fait connaître par leurs clichés de piétons qui, à leurs
yeux ont « quelque chose » en plus. Ces photographes de mode, qui jusqu’il y a
peu, prenaient leurs photos avec des appareils photos numériques « classiques »,
transforment les trottoirs de capitales en podium. Cela semble important de le
préciser, mais si ces blogueurs photographes traversent le globe de part en part à
la recherche du « style », et de la meilleure mise en scène par la rue des
tendances les plus pointues de la mode, il n’en reste pas moins que leurs
domaines de chasse de prédilection restent les quatre capitales de la mode :
Londres, New- York, Paris, Milan. D’autre part, aucun de ces blogueurs n’a été
formé professionnellement à la photographie, et c’est peut- être parce qu’ils ont
proposé un regard original sur la mode, qu’ils ont rapidement séduit les
internautes, sûrement des séries modes parfois trop conceptuelles de certains
magazines.
D’autre part, si ces chasseurs de style recherchent d’abord de la spontanéité dans
leurs clichés, s’ils cherchent à humaniser les photos de mode, il n’empêche
qu’une analyse sémiologique de leurs photos révèle qu’ils font poser ces piétons
« anonymes » comme des mannequins. Comme cela a été évoqué en partie une
de ce mémoire, ces blogueurs photographes mettent en scène à la fois leur sujet
et l’univers qui l’entoure. Ainsi, si l’on regarde les clichés de The Sartorialist ou de
Garance Doré pris à Paris, l’internaute pourrait avoir le sentiment que la capitale
française ne se résume qu’à St- Germain-des-Prés et le Canal St Martin, tout
comme Londres ne serait que Notting Hill.
La lecture d’articles consacrés au streetstyle25 (et ils sont nombreux), révèle,
également que même si l’objectif est de mettre en scène une variété de
personnalités, de profils, quand on se penche plus en détails sur ces
« mannequins d’un jour », on s’aperçoit que bien souvent, les personnes repérées
par ces chasseurs de style, on souvent de près ou de loin, un pied dans la mode.
L’intervention de Garance Doré dans Le Guide du Figaro dédié à la Fashion Week
25 ROUSSEAU C., Les blogs dictent leur mode, Guide Le Figaro, mardi 26 février 2009, Paris
42
Automne Hiver 2009, résumé assez bien ce phénomène : « Quand je tombe sur
quelqu’un que j’ai envie de photographier, j’échange d’abord quelques mots pour
expliquer ma démarche, et demander si il ou elle accepte de se prêter au jeu. La
plupart du temps, je m’aperçois que le plus souvent, il s’agit d’une personne qui
travaille de près ou de loin dans la mode … ».
De la même façon, on note parmi tous les modèles photographiés par Scott
Schuman ou Mark Hunter, des célébrités, qu’il s’agisse de mannequins, actrices
ou rédactrices de mode. Ces personnalités passent inaperçues dans le flot des
inconnus repérés et immortalisés par ces blogueurs, et aussi connues ces
personnes soient- elles, il n’y a pas de différence de traitement. Les blogueurs de
mode ne donnent pas l’identité des gens sur leurs photos, ou bien uniquement
leur prénom, les rendant peu identifiables, sauf pour un œil averti et connaisseur
des personnalités du microcosme de la mode
Au fil du temps, les chasseurs de style sont devenus les figures de proue de la
blogosphère mode, leur travail ayant rapidement été relayé par la presse et les
sites internet féminins, dédiés à la mode, mais également généralistes. En
parallèle, ce regain d’intérêt et les statistiques vertigineuses que ces blogueurs ont
rapidement affiché, ont également très vite attiré les marques et enseignes de
mode, faisant de ces blogueurs, des personnalités convoités… et copiées !
Ce sont ces deux aspects qui vont être développés dans la partie qui va suivre
b. Des blogueurs convoités et copiés
Très rapidement, les blogs de streetstyle ont rassemblé une très forte audience
venue du monde entier, et aujourd’hui, The Sartorialist peut compter jusqu’à
200 000 visiteurs par jour sur son blog, tout comme The Face Hunter et Garance
Doré et leurs quelques 6 000 internautes quotidiens. Cette façon qu’ont ces
blogueurs- photographes de mettre en scène la rue, est très vite devenu un
succès auprès du grand public, mais également auprès des professionnels de la
mode, qui , comme cela a été évoqué précédemment, ont trouvé dans ces sites
une véritable source d’inspiration tant au niveau des tenues portés par ces
mannequins d’un nouveau genre, que dans la forme même de ces photos, basées
43
sur une apparente spontanéité ( le blogueur arrête quelqu’un dans la rue, et le
prend en photo sur place).
Très exposés médiatiquement, ces blogueurs ont très vite attiré les enseignes et
marques de mode, qui leur ont rapidement proposé de travailler avec elles. Scott
Schuman est l’exemple type de cette voie vers la professionnalisation. Les
marques, plutôt que de copier ou singer la spontanéité des clichés de ces
blogueurs, ont donc directement fait appel à eux, et c’est ainsi qu’en février 2009,
Scott Schuman a signé la campagne de publicité pour la marque de jeans
américaine DKNY, qu’il a également crée un microsite pour la marque new-
yorkaise de chemises haut-de-gamme GANT, mettant en scène à la façon de son
blog, dix new- yorkais à la pointe de la mode, et fans de ces chemises.
Mais il n’est pas le seul à être approché par les enseignes de mode pour
collaborer avec elles. Ainsi, Garance Doré a-t-elle imaginé une collection pour
GAP, en créant des t-shirts reprenant ses illustrations de jeunes femmes. Elle a
aussi signé une campagne de publicité pour la maison Céline et sa collection de
vêtements de sport pour femmes, intitulée « Bicyclette », toujours basée sur ses
illustrations.
De la même façon, si aujourd’hui on retrouve dans de nombreux médias féminins
des pages de streetstyle signées par des journalistes « internes » au journal,
d’autres supports choisissent une fois de plus de faire directement appel à un
blogueur, à l’exemple de Vogue.com, qui a nommé Garance Doré responsable de
la rubrique « Une fille, un style ». Enfin, et même s’il ne s’agit pas de blogueurs de
streetstyle à proprement parler, mais de blogueuses « stylistes », l’hebdomadaire
ELLE fait régulièrement appel à la caution « blogueuse de mode » dans ses
articles.
A ce propos, le numéro « spécial mode » de la semaine du 28 août 2009 est
particulièrement éloquent, avec pas moins de six citations de blogueuses, parmi
lesquelles Tavi Gevinson (The Style Rookie), Géraldine Grisey (Punky B), et un
best-of des « fashion blogueuses », qui présentent leurs pièces modes favorites
de la rentrée.
Ces exemples illustrent donc parfaitement, à la fois l’influence qu’ont désormais
les blogueurs de mode spécialisés dans le streetstyle dans l’univers de la mode,
mais pas uniquement auprès des marques mais aussi des grands médias
féminins et de la presse spécialisée « mode ».
44
Cependant, comme tout ce qui remporte du succès, ces chasseurs de style sont
copiés et désormais, on trouve sur internet de nombreux apprentis « chasseurs de
style »,et également des sites entièrement dédiés au streetstyle, comme
lookbook,.nu, qui invite les internautes à présenter à la communauté, leurs styles
vestimentaires les plus créatifs, avec des informations sur les marques portées.
Ensuite, chacun vote pour le style qu’il préfère. Ce site crée en avril 2008,
rassemble déjà près de 1, 8 millions de visiteurs par mois, pour un total de 26
millions26 de pages vues mensuellement !
Enfin, pas un magazine de mode n’existe désormais sans sa rubrique streetstyle,
mettant en avant les lectrices ou lecteurs avec le plus de style. Les blogueurs de
mode « chasseurs de style » ont donc initié une vraie tendance, qui désormais
dépasse les frontières d’internet, et qui, comme cela sera vu par la suite, réinvente
la relation entre les marques et leurs consommateurs.
Cependant, face à cette montée en puissance de ces blogueurs de mode
spécialistes du streetstyle, l’attrait qu’ils suscitent auprès des marques, leurs
nombreux contrats, on peut désormais s’interroger sur la façon dont cela peut
affecter le contenu de leur blog, et plus particulièrement leur indépendance, qui
reste malgré tout le moteur de la confiance qu’a leur lectorat en eux (voir la partie
1 de ce mémoire).
c. Les blogueurs de streetstyle : vers une professionnalisation La partie précédente révélait que les blogueurs « chasseurs de style » et les
marques avaient commencé à tisser des liens professionnels dès lors que les
parties prenantes de la mode se sont aperçues de l’influence majeure de ces
internautes, qui, et cela est important de le rappeler, n’étaient que de simples
amateurs avides de documenter la mode de la rue. En 2009, les Fashion Week
ont révélé que ces photographes se professionnalisaient de plus en plus, et à ce
propos, un article de la blogueuse/ journaliste à L’Express, Géraldine Dormoy est
assez révélateur de ce changement. Ainsi, le 30 septembre 2009, elle publie « Le
streetstyle en mutation (et moi avec) ». Afin d’aller plus loin dans l’étude de cet
article, il semble important de rappeler qui est Géraldine Dormoy.
26 Source : Google AdPlanner et Alexa (site de référence dans les statistiques sur les sites internet du trafic web mondial )
45
Âgée de 32 ans, Géraldine Dormoy a commencé comme blogueuse sur Café
Mode, avant d’être récemment embauchée par L’Express.fr, en tant que
responsable de la rubrique mode, son blog devenant en totalité propriété du site
de l’Express. Sa ligne éditoriale est un mélange de streetstyle et d’articles de fond,
plus journalistiques, sur les dernières tendances. Elle rassemble entre 500 et 600
visiteurs par jour. Elle est, aux côtés de Garance Doré, l’une des pionnières de la
blogosphère mode française.
Au lendemain de la Fashion Week de New York et de Milan, elle a donc fait un
point sur les blogueurs « chasseurs de style », et sa conclusion est sans
équivoques : « Le visage du streetstyle est en train de changer. Bien entendu, ça
tient d'abord aux blogueurs eux-mêmes. Mieux équipés (la majorité travaille
désormais avec un Canon 5D, il est vraiment temps que je lâche mon vaillant
Nikon D80), plus stylés, certains ont aujourd'hui les moyens de couvrir les quatre
capitales de la mode (New York, Londres, Milan, Paris). En l'espace de quelques
saisons, un noyau dur s'est professionnalisé. »
Ainsi, ce qui n’était au départ qu’une passion pour tous ces blogueurs a donné
naissance, au fil du temps, à un nouveau métier pour quelques élus à l’œil
résolument novateur. Cependant, comme dans tout milieu professionnel, et
encore plus dans la mode, la concurrence est rude pour tous ces blogueurs, et
alors qu’aujourd’hui chaque internaute armé de son appareil photo numérique
peut s’improviser « sartorialist », les blogueurs de streestyle vont devoir
rapidement trouver de nouvelles façons de se renouveler, afin de ne pas lasser à
la fois leur lectorat, mais également les décideurs de la mode, qui sont en
constante quête de nouveautés … C’est pour cela que, toujours dans son article
consacré au streetstyle, Géraldine Dormoy affirme ne se cantonner qu’à des
événements bien particuliers pour procéder à ces séances photos, mais
également qu’elle choisit de se concentrer d’avantage sur l’écriture que sur
l’image.
En conséquence, cette partie aura permis d’étudier à la fois la montée en
puissance de ces blogueurs « chasseurs de styles », actuellement les meilleurs
ambassadeurs de la blogosphère mode, parce qu’ils ont fait souffler un vent de
nouveautés sur la mode, en proposant leurs clichés d’anonymes, et qu’ils ont, par
la même, provoqué une sorte de révolution dans la manière de mettre en scène la
46
mode. Face au succès fulgurant de certains blogueurs comme Scott Schuman ou
Garance Doré, très vite les marques et les enseignes de mode ont cherché elles
aussi à prendre part à ce phénomène, en proposant à ceux qui n’étaient à l’origine
que des photographes amateurs, des contrats publicitaires. C’est ainsi qu’au fil du
temps, on observe au sein de la communauté des blogueurs de streetstyle, une
vraie professionnalisation de la profession, ce qui soulève plusieurs questions à la
fois quand à la légitimité de les désigner encore par le nom de blogueur, mais
aussi quand à leur relation avec les marques et les enseignes de mode. C’est
d’ailleurs sur ce dernier aspect que se concentrera le dernier point de cette partie
consacrée aux marques et enseignes de mode face aux blogueurs.
3) Les blogs de mode et les marques : une relation en mutation
2008 et 2009 ont marqué de profonds changements pour les marques et
enseignes de mode sur internet, qui ont pris conscience de l’importance de
développer de vraies stratégies sur médias, mêlant à la fois achat d’espace
classique, optimisation de leur plateforme d’achat en ligne, mais également blogs
et réseaux sociaux. Cependant, alors même que l’univers de la mode commence
à se faire à la présence de nouveaux influenceurs dont la notoriété est toute droite
issue d’internet, déjà on relève des indices indiquant que entre les marques et les
blogs, les liens les unissant sont déjà en train d’évoluer ! On peut dire qu’ils sont
en mutation parce que les blogs dans leur apparence même se transforment, pour
s’adapter à un trafic toujours plus important et pour certains, on est désormais
bien loin du site personnel hébergé sur une plateforme comme overblog. D’autre
part, s’il y a peu encore, les influenceurs de la blogosphère mode restaient
facilement identifiables, la multiplication d’acteurs rend la tâche de moins en moins
aisée pour les marques, qui doivent déterminer les vrais blogueurs passionnés et
influents, des blogueurs qui font ça parce que « blogueur c’est tendance ». Enfin,
la relation marques/ blogs évolue, car les blogueurs se professionnalisent, et
certains blogs se posent en concurrents directs de la presse papier. Un
changement que les marques doivent dès lors intégrer, dans la mesure où alors
qu’elles s’adressaient à des amateurs il y a encore peu, désormais ce sont avec
des individus au vrai poids économique qu’elles discutent. C’est donc l’ensemble
de ces aspects qui vont être développés ici.
47
a. Les marques face à des blogs en mutation
Si encore beaucoup de blogs de mode ont un format qui correspond à la définition
classique des blogs (« des articles postés dans un ordre chronologique et ouverts
aux commentaires des internautes »), on note, et en particulier chez les blogs de
mode américains, une vraie évolution dans la forme, puisque de blogs, ils se
muent en « magazine en ligne », avec un rédacteur en chef (en général le
fondateur originel du blog) et une équipe de rédacteurs
Ainsi, prenons l’exemple du site suisse High Snobiety, que nous avons déjà
évoqué dans une première partie. Commencé comme un blog d’étudiants
consacré au streetwear, il est rapidement devenu un site internet avec une ligne
éditoriale très élaborée, et a changé de statut, passant de « blog » à « Magazine
quotidien en ligne ». Le fondateur de High Snobiety, David Fisher, a également
crée un groupe média, appelé Titel Media, sous lequel on retrouve ses magazines
en- ligne : High Snobiety, High Snobette, Selectism, Curated et Rad Collector.
Chacun est doté de sa propre ligne éditoriale, avec ses rédacteurs attitrés. David
Fisher continue quand à lui d’alimenter High Snobiety dès qu’il en a le temps. De
nombreux blogs empruntent cette voie du magazine en ligne. Fashionista est un
blog rédigé par deux rédactrices, et qui appartient également à un réseau média
de quatre publications exclusivement digitales : Breaking Media. A la différence de
Titel Media, ces publications ont des lignes éditoriales radicalement différentes
(finances, mode, droit). Les exemples de blogs adhérents à un réseau de blogs et
de sites internet sont nombreux dans la blogosphère mode internationale. Parmi
les réseaux identifiés comme puissants, on peut citer Glam Media, le plus
important réseau de blogs et sites féminins. Ces réseaux agissent également
comme des régies publicitaires, mais ils s’appliquent uniquement aux pure-
players. Glam Media met ainsi en relation les annonceurs et les blogueurs,
adaptant les publicités diffusées, à la ligne éditoriale du blog. En France, il existe
également des plateformes de la sorte, mêlant à la fois achat d’espace et servant
d’agrégateurs pour le contenu des blogs adhérents et servant également de points
de ralliements pour des blogueurs aux intérêts communs. Parmi les plus connus,
on peut citer Nuages de Filles, Hellocoton, Ladies Room, et la plus importante :
aufeminin network.
48
De ce fait, on note chez les blogs de mode, une tendance à se rapprocher de sites
hébergeant des communautés de blogueurs, comme si désormais, un blogueur ne
pouvait plus tout gérer par lui-même, et en particulier les demandes des
annonceurs et les propositions d’achat d’espace. C’est ainsi que peu à peu les
blogs de mode se retrouvent englobés dans des structures plus importantes. La
question subsistant du côté de lecteur étant celle de la liberté d’expression du
blogueur de mode.
Adhérer à un réseau peut-il affecter ou non la liberté de ton, et la ligne éditoriale
du blogueur ? Une expérience personnelle complétée par l’analyse de contenu
des blogs de mode, permet dire qu’être affecté à une plateforme n’affecte en rien
le contenu du blog et bien au contraire. Ces types de réseaux et de plateformes
sont tellement nombreux, qu’au final le blogueur dispose d’une relative liberté de
choix, cela lui permettant d’adhérer au réseau le plus en adéquation avec ses
besoins.
Par conséquent, les blogs se transforment, s’orientant peu à peu vers un format
de type webzine, à l’image de High Snobiety, avec malgré tout une écriture qui
conserve bien un style propre aux blogs (ce style avait été évoqué dans la partie I
de ce travail).
Il y a également une structuration des blogs en réseaux, au sein de sites qui font
les intermédiaires entre les annonceurs et les blogueurs en termes d’achat
d’espace, ce qui permet finalement à ces auteurs de se concentrer sur le contenu
de leur site, et d’enrichir le format du blog.
Cette évolution est quelque chose que les marques doivent prendre en compte,
notamment dans leur approche des blogueurs, qui ne sont plus des amateurs,
mais véritablement des rédacteurs professionnels, avec de vraies attentes vis-à-
vis des marques et enseignes de mode.
C’est cette professionnalisation des blogueurs, déjà abordée dans la partie
précédente pour le cas bien spécifique des blogueurs spécialistes du streetstyle,
qui sera l’objet du second point, car désormais, les blogueurs de mode dits
influents se comportent en vrais consultants « mode » et non plus comme des
passionnés de mode uniquement.
49
b. Les marques face à des blogueurs devenus profess ionnels
La seconde partie de ce mémoire présentait dans quelle mesure les blogueurs de
streetstyle se sont professionnalisés peu à peu. Aujourd’hui, ce phénomène tend à
s’étendre de plus en plus à l’ensemble de la blogosphère mode.
Désormais, les marques et enseignes de mode n’ont plus seulement à faire à des
passionnés de mode. Forts à la fois de leur savoir en matière de mode, mais
également de l’influence qu’ils exercent sur leur audience, les blogueurs prennent
leur indépendance et ils sont de plus en plus nombreux aujourd’hui à exercer des
métiers en lien avec le contenu rédactionnel de leur blog. Ainsi, parmi les
blogueurs français, nombreux sont ceux qui exercent la fonction de « consultant-
styliste freelance ». Géraldine Grisey de Punky B, est à la fois blogueuse à son
compte, mais elle travaille également pour la rubrique DIM News, du site
DIM.com. En parallèle, elle fait également du stylisme pour des séances photos
sur des blogs comme Brèvesdestyle.com, qui n’est autre que le blog de la marque
de prêt-à-porter haut-de-gamme Comptoir des Cotonnier. Nous avons vu
également que, tout en conservant son blog, la française Géraldine Dormoy est
devenue responsable de la rubrique Mode de l’Express.fr.
Pour certaines blogueuses, leur blog est aussi un moyen de franchir la barrière du
virtuel, et de se lancer dans la création. Ces créatrices savent qu’elles ont déjà un
public conquis à la fois par leur personnalité, mais également par leur style, et qui
plus, leur blog sert également d’espace de publicité pour leurs produits. Parmi
celles qui sont passées à l’acte, on peut citer Alix Bancourt de The Cherry
Blossom Girl qui vent enligne ses créations, ainsi que Géraldine Grisey (Punky
B),qui a lancé avec une amie une ligne de sacs à main, et à une autre échelle,
Jane Aldridge. Si les blogueuses françaises passent encore par des réseaux de
distribution confidentiels ; l’exemple de la jeune blogueuse texane (âgée de
seulement 17 ans), illustre parfaitement la façon dont, en Amérique du Nord, les
blogueurs de mode sont désormais perçus comme de vrais professionnels, avec
une vraie crédibilité et expertise mode à faire valoir. C’est ainsi qu’elle a lancé
pour les magasins très tendances Urban Outfitters, présents dans toute
l’Amérique du Nord, ainsi qu’en Grande- Bretagne, une ligne de chaussures à son
nom ; dont la vente s’est échelonnée entre juin et le mois de décembre de cette
année.
50
C’est la première fois qu’une blogueuse lance sa propre collection distribuée dans
une enseigne de dimension internationale, puisque les collaborations entre les
marques et les blogueurs se limitaient jusqu’ici à des collaborations artistiques et
du co- branding (Gap et Garance Doré, Marc Jacobs et Brian Boy …).
Cette professionnalisation tend donc à montrer que le blogueur peu-à-peu devient
lui-même une marque qui a le potentiel de faire vendre, puisque des investisseurs
sont prêts à financer des collections distribuées à l’international et pas uniquement
sur internet.
De ce fait, la relation blogueur de mode et marques est en mutation, dans la
mesure où, certes les blogueurs se professionnalisent, faisant de leur passion, un
vrai métier au service des marques. Mais cette relation évolue également car
certains blogueurs deviennent des marques à part entière, à l’image de Jane
Aldridge. Le blog de mode devient donc plus qu’un simple espace de
communication, c’est aussi un espace de promotion du blogueur est de ses
activités commerciales.
Face à ces évolution, la blogosphère mode attire de plus en plus de prétendants,
et désormais, le challenge pour les marques et enseignes de mode est d’arriver à
décrypter quelles seront les prochaines tendances du web participatif de demain.
c. Face à une blogosphère mode qui ne cesse de croî tre : identifier les futurs tendances d’internet
Aujourd’hui, nombreux sont les internautes qui rêvent de devenir les nouveaux
Scott Schuman et jouent aux photographes de streetstyle. Les apprentis
photographes se bousculent aux Fashion Week et soirées branchées, tout comme
les blogueuses stylistes ou les illustratrices. La réussite d’une centaine de
blogueur a éveillé des vocations, et désormais la compétition est rude sur la toile,
pour devenir le prochain « influenceur » de la mode, le nouveau Brian Boy, et
décrocher le Graal : une place au premier rang d’un défilé de haute- couture.
Face à cette blogosphère mode en expansion permanente, les marques de mode
doivent donc commencer à la fois à anticiper les prochaines tendances d’internet,
mais également identifier ceux qui seront les influenceurs de demain. En effet,
suite aux observations menées sur ‘l’évolution des blogs et la professionnalisation
des blogueurs, il semble que le modèle du « blog » tel qu’il est définit dans
51
l’introduction de ce travail, est voué à disparaître, au profit du webzine plus
élaboré dans sa forme. Cependant, on observe que ces magazines enligne mais
qui conservent malgré tout une des fondations du blog, à savoir l’interactivité avec
les lecteurs.
D’autre part, avec des blogueurs de mode « influents » qui sont désormais très
demandés par les marques et enseignes de mode, on peut s’interroger sur la
pérennité de leurs propres espaces de communication, qui leur ont servi de
« rampe de lancement » et leur ont ouvert la porte de l’univers de la mode. En
effet, déjà remarque-t-on que sur certains blogs, la fréquence de publication entre
les billets s’allonge par rapport aux articles du début du blog, et certains blogueurs
prennent de moins en moins le temps de répondre à leurs internautes (ex : The
Sartorialist ). Qui plus est, face aux blogs, de nouveaux sites émergent, dans
lesquels chacun peut désormais se muer à la fois en styliste/ photographe/
modèle. Référence est ici faite à la plateforme Lookbook.nu, sur laquelle on
retrouve déjà quelques uns des blogueurs influents. Ainsi, alors que les marques
et enseignes de mode commençaient à s’approprier le web 2.0, déjà internet
entame une mutation vers ce que les professionnels du webmarketing appellent le
fashion 3.0, et qui sera abordé dans la troisième partie de ce travail, où
désormais, la marque va rentrer directement en relation ( et conversation ) avec
ses consommateurs/clients en optimisant son utilisation des réseaux sociaux, et
les sites où le consommateur devient créateur ….
52
*
* *
Cette seconde partie du mémoire nous aura donc apporté un éclairage plus
approfondi sur la relation qui unit les blogueurs et les marques et enseignes de
mode. Il aura donc été observé que cette relation se caractérise d’abord par son
caractère « artistique », puisque l’on peut affirmer que les blogueurs sont la
nouvelle source d’inspiration des créateurs, et qu’ils sont désormais omniprésents,
que ce soit dans les maisons de haute- couture ou au sein des grandes enseignes
de prêt-à-porter, qui ne peuvent plus se passer d’eux, et en particulier des
blogueurs « chasseurs de styles ». Guidés par une élite de « blogueurs stars »,
ces internautes sont devenus les coqueluches du monde de la mode, mais aussi
des médias, qui les ont érigés en figure de proue de la blogosphère mode. Si ces
blogueurs ont véritablement fait souffler un vent de nouveauté artistique, ils ont
aussi amorcé une nouvelle génération de blogueurs, devenus professionnels, et
bien loin des passionnés de mode des débuts. Cette mutation est par ailleurs
généralisable à l’ensemble de la blogosphère mode, qui connaît de profonds
changements face auxquels les enseignes et marques de mode ne peuvent rester
insensibles. Ainsi, les blogs changent dans leur forme même, tandis que les
blogueurs se professionnalisent, tirant parti de leur notoriété sur internet, et
devenant parfois eux- même des marques « caution ».
Ainsi, tandis que les marques et enseignes de mode ont mis du temps à
s’imprégner de la culture internet, aujourd’hui elles ne peuvent se permettre de
rester en arrière des importants changements qui se produisent sur internet et
c’est ainsi que dans la troisième partie, il sera évoqué les prochaines tendances à
venir d’internet pour la mode, avec notamment la nouvelle place de l’internaute
comme créateur, et la possibilité pour les marques de converser directement avec
ces consommateurs, sans plus passer par le blogueur de mode.
53
III. L’apparition de nouveaux usages sur internet : la remise en cause de la suprématie des blogs de mode
Si les blogueurs de mode ont une influence qu’ont ne peut nier à l’heure actuelle,
à la vitesse à laquelle les usages et les besoins des internautes évoluent, il paraît
nécessaire dans la dernière partie de ce mémoire, d’identifier les nouveaux
médias et outils en ligne susceptibles de faire de la concurrence aux blogs, en
terme d’influence auprès des médias. Comme nous avons pu l’observer, la
blogosphère mode compte désormais de nombreux acteurs, et on peut imaginer
que, sur le long terme, les internautes se lassent des espaces d’expression et de
communication, en particulier si ces derniers muent en espaces d’autopromotion.
De plus, il ne faut pas perdre de vue que ce qui fait le succès des blogs de mode,
et ce qui a su séduire les marques et enseignes de mode, c’est leur caractère
novateur de parler de la mode, et à travers leurs auteurs, de montrer au grand
public que la mode ne se contente pas d’être sur les podiums des Fashion Week,
mais concerne également « Monsieur Tout-le-Monde ». A ce propos, Scott
Schuman affirme « Avant, la mode était très fermée et hiérarchique. Les
blogueurs de mode montrent aux gens normaux qu’eux aussi peuvent pénétrer
cet univers.27 »
Cependant, si comme on l’a vu, les marques et enseignes de mode n’ont pas de
doutes sur l’influence incontestable qu’exercent les blogueurs sur la décision
d’achat des internautes (et en particulier des femmes), en revanche, il n’y a pas
encore d’outils permettant de calculer si la mention d’un produit dans un blog,
provoque ensuite l’acte d’achat chez le consommateur. Or, le calcul sur le retour
sur investissement des actions de communication d’une marque ou d’une
enseigne est un élément dont les annonceurs ne peuvent, en toute logique se
passer et cette absence de données précise sur le R.O.I des blogs, est un
élément qui parfois freine certaines marques à s’engager dans une vraie stratégie
internet auprès des blogueurs.
C’est ainsi que les annonceurs « mode » commencent à se tourner vers de
nouveaux vecteurs d’influence en ligne susceptibles de toucher les internautes
plus directement, sans passer par le « blogueur intermédiaire ».
27 COPPING N., "Style bloggers take centre stage" in Financial Times, New- York, 13 Novembre 2009
54
Trois points seront abordés dans cette partie. En premier lieu il sera étudié la
place toujours plus importante accordée aux réseaux sociaux par les marques et
réseaux sociaux, puis le recul que prend l’internaute vis- à- vis du blogueur de
mode, et enfin, comment les marques et enseignes peuvent désormais s’adapter
à l’ère de la mode 3.0, dont le concept sera bien entendu explicitée.
1) La part grandissante des sites communautaires dans les stratégies web des marques et enseignes de mode
Le 7 octobre 2009, Louis Vuitton a présenté aux internautes une expérience
inédite : la possibilité de suivre le défilé de la marque, en live sur Facebook, à
l’occasion de la Fashion Week. Plus de 60 000 internautes fans de Louis Vuitton
se sont connectés pour prendre part à cette expérience inédite dans le monde de
la mode de luxe, et qui s’est avérée être un succès majeur, devenant très
rapidement, un modèle à suivre pour la concurrence.
Cependant, au-delà de son aspect novateur, cet événement est révélateur de la
place qu’occupent aujourd’hui les réseaux sociaux auprès des marques et
enseignes de mode, qui ont désormais compris l’intérêt qu’il y avait, à la fois à y
être présente, mais également à générer du contenu de qualité pour les
internautes, avides de nouveautés et d’exclusivités.
Les réseaux communautaires présentent un enjeu majeur pour les marques de
mode, dans la mesure où ils placent l’internaute en prise directe avec elles,
nécessitant de repenser le circuit de communication qui, comme avec les blogs,
n’est plus simplement descendant ( les marques parlent à leur consommateurs
« dociles »), mais bien dans un modèle conversationnel ( avec des échanges en
double sens ).
Facebook, en 2009, se pose en réseau social de référence pour les marques et
enseignes, et il semble nécessaire de se pencher sur ses différents atouts.
Enfin, il s’agira d’étudier le cas du premier réseau social brandé : « Art of The
Trench » de Burberry, établi en collaboration avec… Scott Schuman, du blog The
Sartorialist.
.
55
a. Les réseaux sociaux : replacer le consommateur au cœur de la stratégie internet des marques de mode
De façon générale, les réseaux sociaux deviennent incontournables pour les
stratégies des marques et enseignes de mode aujourd’hui. Si certaines restent
encore sceptiques quand à l’impact de ces réseaux en terme de retour sur
investissement, elles ne peuvent malgré tout rester que difficilement de glace, face
aux quelques 300 millions d’utilisateurs actifs28 de Facebook.
Réticentes il y a encore peu à afficher leur présence sur les médias sociaux,
aujourd’hui il y a pourtant une véritable attente des internautes vis-à-vis de leurs
marques sur leurs réseaux favoris. La récente étude Global Web Index29,
référence en matière de pratiques et usages des internautes sur les réseaux
sociaux, révèle qu’en France, 32% d’entre eux pensent que les marques devraient
mettre à leur disposition une page afin qu'ils puissent leur adresser directement
des questions, que 31% des personnes interrogées attendent aussi que les
marques écoutent les avis et commentaires postés sur les forums et réseaux
sociaux et enfin que 18% des internautes aimeraient que les marques leur offre de
la musique gratuite à télécharger.
David Day, P-DG du cabinet de consultants Lightspeed Research, et à la tête de
cette étude, affirme : « Les internautes sont ouverts au dialogue avec les
marques, ils veulent plus d'échange et d'interactivité. Les marques ne sont plus
cantonnées à une simple présence physique en magasin ou aux formes
traditionnelles de publicité statique. Il leur appartient désormais d'être toujours plus
créatives et de proposer plus de contenus adaptés en ligne. »
A la question « Lorsque vous demandez son avis à un tiers sur une marque pour
laquelle vous envisagez d’acheter un produit, quel avis, parmi la liste
d’interlocuteurs cités, vous inspire le plus confiance ? » Les sites communautaires
arrivent en troisième position après l’ami proche et un membre de la famille ( voir
graphique ci- dessous ).
28 Source : Facebook.com/ statistiques 29 LIGHTSPEED RESEARCH CONSULTING, Global Web Index Study, 26 octobre 2009 Etude de référence sur les réseaux sociaux. Les résultats qu’elle présente sont tirés d’un sondage effectué auprès de 32 000 internautes.
56
Ils jouent un rôle d’influenceurs majeurs dans la décision d’achat des internautes.
Ces derniers surfent sur les sites communautaires pour rester en contact avec
leurs amis « réels » et « virtuels », mais également pour se mettre à jour sur les
événements à venir dans leur vie sociale, et surtout, ils se rendent sur les groupes
des marques et les sites communautaires d’avis de consommateurs tels que
ciao.fr, afin de recueillir l’avis de vrais utilisateurs, et non de journalistes, dont le
regard peut parfois être un peu biaisé.
b. Facebook : un réseau grand public qui doit être optimisé par les marques et enseignes de mode
Facebook est à l’heure actuelle, le plus important réseau social, avec, comme cela
a déjà été évoqué, près de 300 millions d’utilisateurs dans le monde.
Facebook présente de nombreux avantages pour les marques et enseignes de
mode, et nombreuses sont celles qui ont récemment crée leur fanpage, attirant
déjà un nombre considérables de fans (ex : Louis Vuitton compte 762 000 fans,
Gucci compte 460 000 fans …). Pour préciser le terme fanpage, cela désigne un
groupe de « fans » sur Facebook, dont le contenu et l’animation est entièrement
géré par les marques. Comme l’illustre le graphique ci-dessous30 toutes les
30 Source : Données Facebook au 4 octobre 2009
57
marques, et notamment dans la mode de haute- couture, ne sont pas au même
niveau dans l’optimisation de ce réseau social :
Au-delà de l’aspect quantitatif, on peut s’interroger sur les aspects qui poussent
les marques et enseignes à se tourner vers Facebook tout particulièrement, et
quels intérêts elles ont à créer une page officielle sur ce site.
Ainsi, du point de vue de l’annonceur (marque ou enseigne de mode), Facebook
offre de nombreux atouts en termes de relation client.
En premier lieu, Facebook est un outil pour promouvoir les nouveautés produits à
des coûts moindres que de l’achat d’espace en nombre. Le site communautaire
offre aussi l’avantage (ou l’inconvénient, cela dépend), de suivre les évaluations
du public en « direct ».
D’autre part, Facebook permet aux marques d’avoir un espace où rassembler
leurs clients « fans ». Ces clients passionnés sont fédérés autour de leur affinité
pour une marque, et bien souvent ils forment des communautés de discussion et
d’échange d’information, faisant de la fanpage une sorte de forum.
Il est important pour une marque d’officialiser une fanpage et de collaborer de
près avec les groupes les plus influents, afin de pouvoir contrôler les contenus
diffusés auprès des internautes sur Facebook. En effet, certains groupes ont été
créés antérieurement aux pages officielles des marques, et rassemblent des
communautés de plus de 30.000 personnes, comme le groupe Louis Vuitton crée
par Stephen Green. Ainsi, pour ce groupe, l’administrateur a établi des règles
strictes permettant le filtrage des commentaires liés à Louis Vuitton, sur cette page
non- officielle.
58
Enfin, Facebook est une formidable base de données puisqu’elle rassemble des
données personnelles et professionnelles de ses utilisateurs. Ces dernières sont
gardées secrètes… mais jusqu’à quand ?!
Mais, si la démocratisation des marques de mode de luxe, et plus largement, des
marques et enseignes de mode passe par l’utilisation de sites communautaires
très grand public comme Facebook, certaines marques préfèrent aller encore plus
loin, et créer de nouveaux modèles de réseaux sociaux, entièrement dédiés à
leurs clients fans et en- dehors des réseaux « de masse ».
C’est le cas de Burberry, marque de prêt-à- porter haut- de- gamme, qui a très
récemment innové en lançant son propre réseau social « The Art of Trench »,
dédié aux fans du célèbre pardessus britannique. Une initiative qui a le mérite
d’être considérée comme une (très ) bonne pratique, car elle mélange à la fois
réseaux sociaux et influenceurs, puisque la marque s’est adjoint les services de
Scott Schuman, du blog The Sartorialist et icône du streetstyle.
C’est ce cas qui va désormais être développé ici.
c. L’émergence de réseaux communautaires « brandés » : l’exemple de Burberry
Déjà marque star sur Facebook avec plus de 700 000 fans, Burberry a décidé de
pousser encore plus loin sa stratégie sur les réseaux sociaux, en créant tout
simplement le sien. Entièrement dédié à sa pièce maîtresse, « LE Trench », le site
communautaire « Art of The Trench » est un exemple d’agrégation entre les blogs
et les réseaux sociaux. En effet, on s’inscrit sur Art of Trench grâce à l’application
Facebook connect. Il s’agit d’une application existant depuis juillet 2008.
C’est aujourd’hui la solution d’identification proposée par Facebook qui permet à
n’importe quel site demandant une identification de déléguer celle-ci à Facebook.
Les 4 principales fonctions du service sont:
- Trusted Authentification, pour permettre aux internautes de se connecter aux
sites partenaires via leur compte Facebook de manière sécurisé.
- Real Identity, permet aux utilisateurs d’utiliser leur véritable identité partout sur le
web.
- Friends access, pour ainsi interagir entre ses amis et le site partenaire.
- Dynamic privacy, pour conserver les options de confidentialité sur les sites
externes.
59
Facebook connect est amené à se généraliser à de nombreux sites
communautaires, et les premiers résultats aux Etats- Unis laissent entrevoir un
succès certain pour cette application : plus de 60 millions de connections via
Facebook Connect en avril 2009.
Ces précisions techniques faites, il s’agit de revenir au sujet central de cette
partie : « Art of The Trench » de Burberry. Voici ce que le directeur de création de
la marque britannique, Christopher Bailey, qui joue un rôle majeur dans la
digitalisation de la marque, dit à propos de ce nouveau site communautaire :
‘artofthetrench.com est une célébration de notre trench coat iconique, il capture
l’émotion qui se cache derrière notre riche héritage dans la création de vêtements
d’extérieur. Chaque personne a une histoire particulière en relation avec son
trench ou à la première fois qu’elle en a porté un. J’adore l’idée que tous ces gens
à travers le monde pourront partager ces histoires et ces images ainsi que les
différentes attitudes et expressions liées au trench Burberry et à ceux qui le
portent‘.
Pour susciter encore plus l’intérêt des médias, des internautes, mais aussi de la
communauté mode, la marque s’est adjoint les services du photographe Scott
Schuman, qui a pris en photo une centaine de « porteurs de trench » âgés de 7 à
77 ans. Les internautes peuvent commenter ou partager les photos, dont le
nombre ira en augmentant au gré des collaborations avec des photographes ou
des blogueurs « stylistes » ou « chasseurs de style ».
L’objectif de Burberry est de rassembler autour sa pièce maîtresse, les
internautes, qui sont aussi ses clients, mais également de rajeunir son image,
perçue comme classique il y a encore quelques années. « Art of The Trench »
s’inscrit dans une stratégie digitale mise en place progressivement par la marque.
Ainsi, cela a débuté avec la création d’un groupe officiel sur Facebook, puis
l’ouverture d’un compte sur Twitter, la diffusion du défilé printemps- été 2010 de la
marque sur Youtube, avant d’aboutir à la création de ce site communautaire
dédié, en collaboration avec un blogueur mode de renom.
« Art of The Trench » est donc l’exemple type de l’évolution des sites de marques
où l’ensemble des outils du web 2.0 se retrouvent rassemblés sous une même
plateforme.
60
En conséquence, si les blogs de mode se posent en influenceurs auprès des
internautes/ clients comme cela a été présenté dans les parties 1 et 2 de ce
mémoire, les marques et enseignes de mode se doivent malgré tout d’optimiser
d’autres canaux de communication pour toucher leurs consommateurs et tirer parti
de « leurs fans ». A ce propos, l’exemple du site communautaire The Art of The
Trench est un parfait exemple d’agrégation de différents médias sociaux :
blogueur/ Facebook, et il préfigure les sites de marques et enseignes de mode de
demain, dont la spécificité sera notamment de placer le consommateur en leur
centre, faisant de lui un influenceur/ créateur. Cette tendance émergente, est
notamment provoquée par l’influence des blogueurs de mode sur les internautes,
qui trouvent dans ces espaces de communication personnelle, des sources
d’inspiration qu’ils vont détourner pour l’appliquer dans leur vie quotidienne. Ainsi,
les blogs deviennent des incubateurs d’idées pour les internautes, et c’est les
changements engendrés par cette place occupée par les blogs, qui va être
abordée dans la seconde partie .
61
2) Les blogs de mode : incubateurs d’idées pour les internautes
Dans la seconde partie de ce mémoire, il avait été étudié la place des lecteurs
dans les blogs, de même que leur typologie, et il apparaissait clairement que tous
partageaient le point commun d’être passionnés par les écrits des blogueurs,
reprenant presque leur style littéraire, dans la rédaction de leurs commentaires.
Cette passion va plus loin puisque si les blogueurs ont été une source d’inspiration
pour les marques de mode tout en se nourrissant de leur côté de ces créations, ils
ont également provoqué un élan créatif chez les internautes. Ainsi, les blogueurs
de mode, en mettant « la mode dans la rue » ou sur le dos de personnes
normales, ont contribué à libérer les internautes de leurs idées reçues ou de leur
« complexe » face au style en général, et à la mode. Cette libération a entraîné un
élan créatif, corroboré par le retour en force de la tendance du « do it yourself », et
le succès de sites communautaires dédiés à cela, où chaque internaute peut lui
aussi devenir créateur, et vendre à la terre entière ses créations. C’est ainsi que
sera abordé en premier lieu, l’influence que les blogueurs de mode ont eu sur les
internautes, les amenant à se désinhiber créativement parlant. Puis ensuite, il sera
fait un point sur la tendance du Do- It- Yourself, et finalement sera abordé le cas
du site de référence mondiale en matière de D.I.Y : esty.com, qui a révolutionné
internet en matière d’échanges d’idées créatives entre les internautes.
a. Des internautes désinhibés Avant l’émergence des blogs de mode, la mode était cantonnée aux magazines
de mode, féminins ou masculins, ou aux reportages télé, supposés montrer au
grand public les coulisses de la mode. Internet a fait tomber le mythe de la mode
inaccessible, en la faisant chuter de son pied d’estal, en la faisant entrer chez des
gens normaux. Désormais, être élégant et chic, n’était plus l’apanage des people
et autres gens célèbres, et bien s’habiller, en étant au fait des tendances, pouvait
aussi être adapté à la bourse du client moyen. D’autre part, les blogs de mode
mettent également en avant des individus dotés de personnalités fortes, et qui
n’ont pas peur d’assumer leurs styles vestimentaires recherchés, créatifs,
62
différents. Les internautes, lecteurs réguliers de ces blogs se sont imprégnés au fil
du temps de cette manière de penser, et se sont mis à reproduire dans la rue, le
style de ces blogueurs. Les blogs de mode ont ainsi désinhibés les internautes,
qui n’ont plus peur de s’habiller dans la rue comme s’ils allaient à une Fashion
Week, ou bien qui créent leurs créations. Les blogs de mode se sont développés
en parallèle de la tendance D.I.Y ou Do It Yourself. Né aux Etats- Unis ce terme
désigne la création, l’altération ou la réparation de quelque chose sans l’aide
d’experts ou de professionnels. Aujourd’hui, les sites et blogs de créateurs
amateurs fleurissent sur internet, et le D.I.Y se pose de plus en plus comme la
tendance phare à venir en 2009 et 2010, fortement appuyée par l’aide d’internet.
C’est donc ce point, où l’internaute devient créateur, qui va être développé ici.
b. Quand l’internaute/ consommateur se fait lui aus si créateur :
L’émergence sur internet de la tendance du do- it yourself (DIY) Dans son édition de décembre 2009, le mensuel féminin Glamour, édité par le
groupe Condé Nast et revendiquant 12, 3 millions de lectrices à travers le monde,
titrait « Do it Yourself : Le créateur le plus tendance, c’est vous ! ». Comme cela a
été évoqué dans la partie précédente, le D.I.Y est une tendance émergente sur
internet, avec en tête de proue de ce mouvement, le site etsy.com, dont le cas
sera abordé dans un troisième temps.
Issu d’un mouvement alternatif, le D.I.Y qui est apparu dans les années 1950 aux
Etats- Unis, était au départ appliqué au bricolage, et au fait de rénover soi- même
sa maison. Récupéré par la suite, par le mouvement punk et les fanzines, il s’est
peu à peu démocratisé, désignant dans son acceptation commune aujourd’hui,
plutôt les arts manuels, la couture incluse. S’il y a peu encore, les travaux manuels
pouvaient être perçus comme vieillots, avec des figures comme la papesse
américaine du D.I.Y Martha Stewart, ou des publications telles que Le Magazine
Brico ou Main et merveilles, pour ne citer que les publications françaises, internet
a modernisé cette tendance, peu à peu devenue très branchée, notamment grâce
à la mise en avant que la blogosphère mode en a fait.
63
Des blogueuses telles que Tavi Gevinson ou Susie, la britannique de Style Bubble
ont largement recours au D.I.Y, présentant régulièrement à leurs lecteurs, des
accessoires, des robes, qu’elles ont fabriqué elles- même, s’inspirant de modèles
qu’elles ont vu sur les podiums, et qu’elles se réapproprient. Bien loin des clichés
des travaux manuels et de la couture, cette tendance du « fait main » et « fait
maison », a rapidement séduit au- delà des apprenties créatrices de la
blogosphère mode, touchant rapidement l’ensemble des internautes. Ainsi, elles
utilisent des sacs de courses qui deviennent des serre- têtes, ou rajoutent sur tel
ou tel t-shirt acheté dans une brocante, des boutons ; des broderies, l’objectif
étant que le vêtement reflète de la meilleure façon qu’il soit, la personnalité de
celui qui le porte.
Ce phénomène se place ici en opposition avec les enseignes de mode de fast
fashion, vendant des vêtements « en masse ». Référence est faite ici aux géants
du secteur tels que Zara ou H&M. Aujourd’hui, il semble que les consommateurs
soient moins attirés par ces chaînes aux collections standardisés (la récente
baisse du chiffre d’affaires de H&M en est peut- être la preuve31 ), et désormais,
les passionnés de mode semblent plus être en quête de personnalisation et
d’expression de leur créativité, que de vêtements déjà prêt-à-porter. Cependant,
étant donné l’étendue du marché qu’il représente, le mouvement du D.I.Y a donné
naissance à de nouveaux business modèle sur internet, où l’internaute peut
désormais créer, partager et vendre (ou acheter selon le point de vue duquel on
se place), ses créations.
A ce propos, le site Esty.com en est certainement l’exemple le plus réussi et
aboutit, et c’est pour cela que le troisième point de cette seconde partie sera dédié
à l’étude de ce site internet, qui n’a que quatre ans !
c. Le succès des sites de D.I.Y : Esty.com , site pionnier et novateur
Crée en juin 2005 par trois américains, Esty emploie aujourd’hui 70
personnes. Ce site internet a pour particularité de servir de plateforme afin
de mettre en relation des acheteurs et des vendeurs. Mais pas n’importe
quel type de vendeurs comme sur E-bay, où des vendeurs de téléphones
côtoient ceux qui souhaitent vendre leur voiture. L’objectif de Etsy est de
31 Agence Reuters « Le géant suédois de l'habillement Hennes & Mauritz (H&M ) fait état d'une baisse inattendue de ses ventes en octobre, imputée par le groupe aux conditions économiques de plusieurs de ses marchés principaux. », Paris, 16/ 11/ 09
64
promouvoir l’artisanat, et de ce fait, rassemble les passionnés de D.I.Y. Etsy
se pose donc en opposition avec les produits manufacturés et réalisés en
masse, au profit de la personnalisation et des produits « uniques ».
Cependant, au-delà de ses valeurs, ce qui fait la particularité de Etsy, et est
probablement aussi une des causes de son succès, c’est que le site innove
en proposant un nouveau modèle de e- commerce.
Etsy fait vivre une véritable expérience d’achat à l’internaute. En effet, avec
à l’heure actuelle près de 3, 4 millions de membres inscrits et près de
250 000 vendeurs32, il était nécessaire de repenser la recherche d’objets,
d’accessoires, ou de vêtements, et de l’adapter aux valeurs du D.I.Y, à
savoir inclure dans le moteur de recherche une dose de créativité, de
personnalisation, et même de proximité, puisque Etsy vise également à
promouvoir les artisans qui se trouvent le plus près des acheteurs.
Ainsi, dans les critères de recherche33 on retrouve « couleur » / « Trésors
découverts par nos membres »/ « Choix des rédacteurs ». Qui plus est, les
catégories sont très détaillées, et on peut trouver parmi celles- ci
« broderies », « tricot », « bijoux », « accessoires », « vintage »,
« mariage ». Lorsque l’internaute clique sur la recherche par « couleurs », il
accède à un pantone dynamique qui laisse apparaître, par le truchement
d’algorithmes, les produits dont les couleurs sont proches de la couleur
sélectionnée34. Concernant l’aspect financier, Etsy perçoit 20 centimes (en
dollars ) sur la mise en vente de chaque article, et touche 3, 5 % sur la
vente.
D’autre part, en comparaison du leader du e-commerce, Etsy insiste
beaucoup sur tout le contenu rédactionnel du site, avec non seulement un
blog, mais également des interviews des « artisans », chose que l’on ne voit
pas sur E-bay ou Amazon.
Le blog « The Storque » est très régulièrement mis à jour, et se revendique
comme « The Handmade’s blog35 ». Il présente des idées cadeaux aux
32 Source : Esty.com, chiffres octobre 2009 33 Copie d’écran de la page d’accueil disponible en annexe. 34 Voir copie d’écran dans la partie Annexes de ce travail. 35 Traduction : Le blog fait main .
65
internautes, de même qu’il a de nombreuses rubriques « How To », qui est
des tutoriels pour apprendre à faire des objets, des bijoux à la main. Enfin, il
met également en avant l’équipe derrière Etsy, de même que la
communauté.
Mais là où Etsy est véritablement novateur, c’est dans la relation vendeur/
acheteur, puisque Etsy étant basé sur un esprit de communauté de fans du
D.I.Y, il est donc très facile de correspondre avec le vendeur. Esty
humanise donc les rapports dans la relation marchande, même si cette
relation est virtuelle. Il n’est donc pas étonnant de retrouver sur ce site de
nombreuses blogueuses de mode, telles que la jeune Tavi Gevinson citée
précédemment, et qui vend sur Etsy, ses cahiers de tendances36 réalisés en
édition limitée sur son blog, et dont elle relate l’élaboration dans ses articles.
Esty prône donc des rapports marchands basés sur la confiance et
l’échange, en opposition avec le « tout sécuritaire » de E-bay.
La communauté Etsy est donc au cœur du business modèle de ce site,
comme le montre les vidéos régulièrement mises en avant des Handmade
moments, dans lesquels acheteurs et vendeurs s’expriment sur ce que le
site représente à leurs yeux. Un jeu concours faisant appel à la créativité
des membres de la communauté Etsy a même été lancé, pour déterminer
les meilleures vidéos.
Ainsi, Etsy est une véritable innovation, surfant à la fois sur la tendance
grandissante sur internet du D.IY, mais également en proposant un
nouveau modèle de site commerçant sur internet, basé sur un esprit
communautaire, et le développement de liens entre acheteurs/ vendeurs,
allant bien au-delà de liens commerciaux. Cette façon de concevoir le
commerce, qui emprunte ses valeurs à l’esprit malgré tout un peu hippie de
la philosophie du D.I.Y, s’inscrit en porte-à-faux avec les schémas actuels
du e- commerce, dont les leaders sont Amazon ou E- Bay.
Avec près de 134 millions de dollars de chiffre d’affaire à date, on peut dire
que Etsy a encore de beaux jours devant lui.
36 Exemples visibles en annexe3.
66
Cette seconde sous- partie aura donc permis de voir qu’aujourd’hui les
internautes libèrent leur créativité, notamment avec le retour en grâce du
D.I.Y que de nombreuses blogueuses mode en particulier les « stylistes »,
ont mis en avant dans leur blog. Désormais, chacun peut devenir créateur
et vendre ses créations sur des nouvelles plateformes d’e- commerce,
laissant la part belle aux interactions entre acheteurs et vendeurs. Esty.com
est le pionnier et le leader de ces sites de e- commerce nouvelle
génération, plus en accord avec des consommateurs désormais en attente
de relations commerciales personnalisées. Le grand succès de Etsy est
l’exemple pour les marques de mode, que le commerce en- ligne est en
pleine mutation, et qu’elles doivent prendre en compte ces changements
dans leurs propres business model. Cela est également corroboré par
l’apparition de sites entièrement dédiés à la mode, préfigurant le passage à
l’ère de la mode 3.0, et c’est ce point qui va finalement être étudié en
troisième partie.
67
3) Vers la mode 3.0 et l’apparition de sites de mode « nouvelle génération »
Jusqu’ici était abordé dans le cadre de ce mémoire, la Mode 2.0, c’est à dire
les marques et enseignes de mode qui intègrent dans leurs stratégies de
communication les outils du web participatif, tels que les blogs, les réseaux
sociaux comme Facebook. Aujourd’hui, avec l’apparition de nouveaux sites
comme Etsy.com, évoqué précédemment, on peut dire que de nouveaux
business modèles se créent sur internet, modifiant profondément les sites
internet qui se font désormais « tout en un », incluant un blog, un site
communautaire, et la possibilité de laisser pour les internautes de noter
leurs pairs. Cette évolution « menace » en quelque sorte l’influence des
blogs de mode, puisque désormais, chacun peut se faire influenceur. Cette
évolution laisse donc préfigurer de nombreux changements sur internet,
risquant de toucher à la suprématie de la blogosphère mode, et à son rôle
d’influenceur sur internet. Face à cela, les marques se doivent de connaître
le fonctionnement de ces sites émergeants, qui remportent déjà un franc-
succès auprès des internautes. Elles doivent se familiariser avec ces
nouveaux modèles « tout en un », dans lesquels les internautes laissent à
la fois libre cours à leur imagination, mais conversent également
directement entre eux, sans l’intermédiaire d’aucune autre personne,
comme cela pourrait être le cas sur un blog ou une page Facebook
modérée directement par une marque ou enseigne de mode.
Ainsi, pour clore cette partie consacrée aux tendances d’internet que les
acteurs économiques de la mode vont devoir prochainement intégrer dans
leurs stratégies il semblait nécessaire de se pencher sur la Mode 3.0 et ses
nouveaux modèles de sites internet qui se dessinent, et parce qu’il n’y a pas
meilleure exemple que des cas concrets, il sera étudié ici les sites
Polyvore.com et lookook.nu, deux sites arrivés il y a peu sur internet, mais
qui connaissent un succès fulgurant et laissent présager de la forme future
que va prendre la mode sur internet.
68
a. La mode 3. 0 : Créer, partager, acheter sur un m ême site Il a été vu au cours de ce mémoire, que les marques et enseignes de mode,
en travaillant avec les blogueurs, puis en développant des stratégies sur les
réseaux sociaux, que ce soit sur Facebook, ou sur des sites
communautaires brandés à leur image, commençaient à intégrer et
optimiser les ressources du web participatif ou web 2.0. Cependant, les
évolutions sur internet sont extrêmement rapides, et tandis que le monde de
la mode fait au mieux pour rattraper le retard pris par peur de s’engager sur
internet, déjà les besoins des internautes évoluent, et déjà de nouveaux
sites novateurs émergent, préfigurant que ce certains appellent déjà la
Mode 3.0.
Afin de procéder à une étude de ces sites en question, il semble opportun
de débuter cette partie avec une définition du web 3.0. Certes, il s’agit en
toute logique d’une évolution du web 2.0, mais il cela va bien au-delà. Si le
web 2.0, comme cela a pu être étudié, fait référence à la nouvelle
génération des services en ligne comme les sites de réseautage, les blogs
et d’autres outils de communication qui font de la collaboration et le partage
entre utilisateurs leur fondement, définir le web 3.0 est plus complexe. Eric
Schmidt, président de Google le dit, le web 3.0 est le « futur web », on ne
peut donc que faire des hypothèses sur ce à quoi il va ressembler. Malgré
cela, il est important pour les marques et enseignes de mode de suivre ces
débats, dans la mesure où tôt ou tard, ces changements vont forcément
impacter leur stratégie sur internet.
De ce fait, comment définir, de manière synthétique et vulgarisée le web
3.0 ?
John Markoff37, journaliste au New York Times et sommité en matière de
web, définit le web 3.0 comme « la 3e génération de service en ligne à
valeur ajoutée pour les utilisateurs, car ceux-ci utilisent un Web plus
intelligent (web sémantique, forage de bases de données plus complètes,
agents dont l’intelligence artificielle est supérieure, bureau sémantique) ».
Ces technologies aident donc l’ordinateur à comprendre l’information afin 37 MARKOFF J., "Entrepreneurs See A Web Guided By Common Sense" in New York Times, 12 novembre 2006
69
que l’on soit plus productif et que les réponses cherchées sur l’Internet
soient plus complètes, bref avoir une meilleure expérience d’utilisateur.
Selon Nova Spivack38,“nous allons d’un web de documents connectés à un web
de données connectées”. Ainsi, aujourd’hui, pour avoir une information sur une
marque ou une enseigne de mode, l’internaute doit passer en revue de longues
listes de commentaires glanées sur le web, notamment sur Facebook ou à travers
les blogs. Avec le web 3.0, le système lui classera tous les commentaires et
trouvera, par déduction cognitive, la marque pour son besoin particulier.
Si comme cela a été précisé, il ne s’agit que de vision hypothétique du web, il est
malgré tout nécessaire de réfléchir dès lors pour les marques et enseignes de
mode, à des modèles de sites pouvant s’adapter à cette évolution du web 2.0, qui
de se situe bien au-delà de la blogosphère, puisque tout comme le web 2.0 a
généré des gains importants, il apparaît qu’il en sera sûrement de même avec le
web 3.0 et les différentes applications qu’il va permettre, parmi lesquelles, la
généralisation des applications de réalité augmentée, qui pourraient être un outil
de marketing extrêmement intéressant à exploiter pour les marques e mode.
Définie de manière générale, la réalité augmentée vise à compléter la perception
du monde réel des usagers, en y ajoutant des éléments fictifs, non perceptibles
naturellement. La réalité augmentée désigne les différentes méthodes qui
permettent d'incruster de façon réaliste des objets virtuels dans une séquence
d'images. Son application vise en priorité les téléphones appelés smartphones,
dont l’exemple le plus parlant est l’Iphone.
Fred Cavazza39, spécialiste français d’internet et des réseaux sociaux, et auteur
prolixe d’un blog à son nom, décrit la réalité augmentée appliquée à la téléphonie
mobile comme cela : « Le principe est simple : vous installez une application sur
votre Smartphone et celle-ci récupère des données pour les afficher en sur-
impression en mode caméra. 40» Ainsi, on imagine tout de suite les applications
que pourraient en tirer les marques et enseignes de mode. Une acheteuse
potentielle voit un vêtement qui lui plaît sur une personne dans la rue. Elle va
placer son téléphone en mode caméra sur cette personne, et elle pourra obtenir la
marque du vêtement, son prix, et grâce à la géolocalisation, les points de vente
38 Nova Spivack est président de Radar Networks, une start-up qui exploite le contenu de sites de réseaux sociaux. 39 CAVAZZA F [ en ligne ] Disponible sur : http://www.fredcavazza.net/ 40 CAVAZZA F., La réalité augmentée, nouvel eldorado des smartphones , http://www.fredcavazza.net/, 14 juillet 2009
70
les plus proches où se procurer cet habit. Bien entendu, il faudra que l’habit en
question soit équipé d’une étiquette spéciale, mais on peut tout à fait imaginer
qu’une enseigne de mode sorte une application de la sorte dans les années à
venir.
Cependant, si le web 3.0 n’est encore qu’une vaste suite de conjectures, certains
sites de mode tentent aujourd’hui d’aller au-delà de la simple relation d’échange et
de participation, et d’inventer de nouveaux modèles, qui s’apparentent peu à peu
à ce que pourrait être le web 3.0, et fondés sur les valeurs suivantes : Créer/
Partager/ Influencer/ Acheter.
Les exemples les plus parlants sont donc ceux de lookbook.nu et Polyvore.com,
qui vont être développés dans l’ultime partie qui va suivre.
b. L’émergence de nouveaux modèles de site de mode :
2 exemples de sites à suivre La mode est, de manière générale, encore majoritairement à l’ère du web 2.0.
Cependant, déjà de nouveaux modèles de sites se dessinent, et déjà certaines
marques cherchent à y prendre leurs marques.
Ainsi, Polyvore.com.com et lookbook.nu sont deux sites révolutionnaires à leur
façon, et qui marquent un vrai changement pour la mise en scène des marques et
enseignes de mode sur internet, et il semblait important, dans cette partie
consacrée aux nouveaux usages sur internet auxquels marques et enseignes de
mode doivent s’intéresser, de les étudier.
De ce fait, cette étude des « bonnes pratiques », débutera avec Lookbook.nu, puis
suivra Polyvore.com.com.
71
• lookbook.nu : Le succès des sites communautaires de stylisme
Lookbook.nu est un site américain, fondé à San Francisco en Avril 2008 par
deux passionnés de mode et d’art. Dans la présentation de leur site, ils
disent s’être inspirés de blogs tels que The Sartorialist et de forums comme
What I wear today ?, sur lesquels les internautes échangent sur leurs
tenues du jour.
lookbook.nu est un site communautaire présentant via la mise en ligne de
photographies, les styles d’inconnus du monde entier. Son accès pour
poster des clichés n’est cependant accessible que sur invitation, mais la
visualisation et le vote des photos est ouvert à tous. lookbook.nu possède
également un blog, un forum, et est présent sur les principaux réseaux
sociaux (Facebook et Twitter).
lookbook.nu se pose en contrepied des séries modes des magazines en
version papier, même si on note que le style de photos des « élus » pouvant
poser sur ce site, en reste très inspiré. Ainsi, de la même façon que
Polyvore.com.com, se veut un laboratoire de tendances, lookbook.nu se
veut le miroir de la mode de la rue. Cependant, et comme cela avait été
remarqué dans la partie de ce travail consacrée aux portraits des blogueurs
de mode, parmi les internautes stylistes les plus populaires sur ce site, on
notera que nombreux sont ceux qui viennent du monde de la mode
(étudiants en stylisme, étudiants en design, stylistes …).
lookbook.nu compte actuellement près de 1,3 millions de visiteurs uniques
par mois, qui visionnent près de 26 millions de pages, et qui restent en
moyenne près de 9 minutes sur le site.
lookbook.nu est majoritairement financé par la publicité, et les annonceurs
sont choisis de façon stratégique, afin d’être en parfait adéquation avec les
internautes cibles du site.
Si le concept de lookbook.nu apporte un regard neuf sur la mode, notamment la
mode « de la rue » en opposition à la mode des magazines, et de ce fait en fait le
plus grand site de streetstyle de tout internaute, son caractère novateur réside
72
dans une fonction beaucoup plus lucrative. Ainsi, certes chaque internaute
détenteur d’une information peut poster la photo de ses styles favoris, mais il doit
ajouter la référence des vêtements qu’il porte sur lui. lookbook.nu ajoute
directement des liens hypertextes qui dirigent l’internaute vers des sites de
commerce en ligne vendant ces produits. Ainsi, la mode devient à portée de clic
de chacun. Lookbook.nu étant un site encore récent, il n’existe pas encore de
chiffres permettant de se faire une idée du chiffre d »affaire généré sur ces sites
de vente en ligne après passage sur lookbook.nu. Cependant, de la même façon
que quand Betty Autier (Le Blog de Betty) pose avec ses tenues achetées sur des
boutiques de vente en ligne britanniques, elle influence ses lectrices sur leurs
décisions d’achats, il en va de même, mais cette fois dans des proportions
mondiale, sur lookbook.nu.
Cependant, si le site californien est déjà considéré comme le prochain site qui va
révolutionner la mode, par les experts du marketing, c’est pourtant Polyvore.com
qui présente aujourd’hui la vision la plus aboutie de ce que pourra être la Mode en
version 3.0.
• Polyvore.com.com : une nouvelle révolution pour les marques et enseignes de mode
Polyvore.com est un site américain crée en 2007, non pas par une
passionnée de mode, mais par un ancien dirigeant de chez Yahoo, nommé
Pacha Sadri. Polyvore.com est un agrégateur de visuels, venus de tout le
web, et plus particulièrement des plus grands sites de boutiques en ligne.
L’internaute est ensuite invité à réaliser des collages virtuels41, dont la forme
rappelle celle des « planches d’humeur » de Jane Aldridge, de Sea of
Shoes, et que nous avons déjà évoqués précédemment. Les internautes
peuvent se noter entre eux, et les plus talentueux sont mis à l’honneur sur
la page d’accueil, avec un classement selon des thématiques (ex :
célébrités, tendances, sites les plus cités …).
Pour les professionnels de l’e- commerce et de la mode, Polyvore.com
redéfinit les bases même du commerce, en lui ajoutant une touche de
créativité.
41 Voir exemple en annexe.
73
Ainsi, comme cela vient d’être dit précédemment, les membres ayant
adhéré à la communauté Polyvore.com s’improvisent stylistes en créant des
collages de vêtements et d’accessoires piochés dans l’immense base de
données de visuels de Polyvore.com, soit l’équivalent de plusieurs milliers
de pages de rubriques shopping des magazines de mode, mises à jour
quotidiennement. Qui plus est, les marques et enseignes peuvent
également mettre à jour leurs visuels directement sur le site.
Signe de son succès, Polyvore.com a également signé un accord avec
Amazon, permettant à ses membres d’intégrer de la musique dans leurs
planches de style, musique qu’ils peuvent ensuite aller acheter sur ce
même site.
Et c’est bien là que se trouve l’innovation pour Polyvore.com, dans le fait
que chaque article est directement cliquable, et mène … au site où il est
vendu ! Polyvore.com inaugure donc une nouvelle forme d’e- commerce.
Pour Pasha Sadri, fondateur de Polyvore.com, et interviewé dans le New-
York Times42, « Les sites de vente en ligne ont recours aux photos
numériques pour présenter leurs produits aux internautes. Les sites de
vente de vêtements en ligne ont repris la même technique, mais ça ne va
pas. Pour vendre des vêtements il faut mettre encore plus l’accent sur la
créativité et l’aspect visuel. A la différence d’un appareil photo ou d’un livre,
le consommateur achète des vêtements ou des accessoires en tant
qu’éléments isolé d’une tenue vestimentaire complète. De ce fait, on ne
peut vendre des vêtements de manière isolée, en les présentant seuls. »
Polyvore.com se pose en site novateur, et certaines marques de mode ont
déjà bien perçu son potentiel. Ainsi, la marque de chaussures et de prêt-à-
porter américaine Tory Burch, dans la cadre du lancement de sa nouvelle
gamme a-t-elle organisé un jeu- concours avec Polyvore.com, dans le quel
les internautes étaient invités à créer leur plus belle planche de style dédiée
à la marque. De la même façon, pour lancer la nouvelle collection de jean
GAP Born To Fit, Polyvore.com a organisé une grande opération exploitant
toutes les richesses du site : les participants devaient choisir et mélanger
42 CAIN MILLER C., Sites win Fashion Fans by Letting them design, New York Times ,27 juillet 2009
74
des images de jeans GAP avec d'autres produits de leur choix et signer
ainsi leurs propres collages. GAP récompensait les collages les plus créatifs
par un chèque cadeau de 100 $. Sur chaque collage figuraient un lien vers
le site GAP et les adresses des boutiques. Résultat, en 11 jours : 1 500
collages43. Pour GAP, l’objectif n’était pas de vendre en direct, mais d’être
présent au cœur d’une audience composée d’internautes créatives, tout en
leur donnant les outils pour exercer leurs talents, et pour… s’amuser !
Aujourd’hui, Polyvore.com compte 3, 7 millions de visiteurs uniques par
mois, qui restent en moyenne 10 minutes par session, et regardent 20
pages44, contre 3 minutes sur un site de e- commerce classique.
Le modèle économique de Polyvore.com est basé sur trois piliers :
- Le sponsoring (ex : Concours Gap et Tory Burch évoqués plus haut )
- Le système de commissions lorsqu’un internaute clique ou achète chez
un marchand (Polyvore.com renvoie sur les sites de e-commerce près de
1% du nombre de ses pages vues par mois)
- La Connaissance client : Polyvore.com compte exploiter la richesse des
données laissées par les internautes (ex : quelle chaussure se vend mieux
à L.A. qu’à New York ?; quelle couleur marche le mieux auprès des
internautes en ce moment ? ).
Polyvore.com serait donc un bureau des tendances mondiales, comme le
sont à l’heure actuelle les blogs de mode.
Malgré cela, si Polyvore.com est un modèle qui fait frémir toutes les
marques à l’heure actuelle, pour le moment on ne peut savoir exactement
l’influence que ce site a sur la décision d’achat des internautes. Un
« détail » qui ne semble pas arrêter les investisseurs, puisqu’en juin 2009,
Polyvore.com a procédé à une levée de fonds de 5, 6 millions de dollars.
43 FAGUER L., Customer Insight Consulting [en ligne] Disponible sur http://www.cercle-md.com/Polyvore.com-com,-le-site-Fashion-ou-la-cliente-fait-tout_a207.html, 44 Google Ad Planner [en ligne].
75
Ainsi, Polyvore.com, par de nombreux aspects énoncés précédemment, se
présente comme un site innovant pour les marques et enseignes de mode,
et il préfigure les mutations à venir en matière d’internet, où les marques et
enseignes de mode vont devoir à la fois créer de la proximité avec les
internautes pour les inciter à consommer, mais également leur faire vivre
une véritable expérience d’achat, comme sur Polyvore.com ou lookbook.nu.
76
*
* * En conséquence, à travers cette troisième partie, « cahier des tendances »
à venir sur internet pour les marques de mode, il ressort trois éléments
majeurs. En premier lieu, il apparaît qu’il va y avoir de la concurrence pour
les blogueurs dans les années à venir, puisqu’ils voient leur influence
auprès des internautes remise en question par l’optimisation de l’utilisation
des réseaux sociaux grand public par les marques et enseignes de mode.
Cette montée en puissance de sites tels que Facebook ou Twitter incarne
une vraie menace pour les blogueurs de mode, dans la mesure où ils
permettent aux marques de converser directement avec leurs
consommateurs, sans plus avoir à passer par l’intermédiaire du blogueur
« influenceur ».
En second lieu, il semble que le consommateur d’aujourd’hui soit lassé par
la mode de masse des enseignes de Fast Fashion telles que H&M, et qu’il
soit en quête aujourd’hui de personnalisation dans ses achats, notamment
ses achats vestimentaires. Cela donne lieu au renouveau de tendances
telles que le D.I.Y, qui trouve un vrai écho sur internet, notamment par le
biais de sites novateur tels qu’etsy.com, où chacun peut se faire créateur et
vendre ses produits. Ainsi, l’internaute n’est plus seulement
« consommateur », il devient « acteur- créateur ».
Enfin, et là réside peut- être à la fois l’évolution majeure pour la Mode, mais
peut- être aussi la menace la plus forte pour les blogs, ce sont ces sites tels
que lookbook.nu ou Polyvore.com, rassemblant à la fois un esprit
communautaire, mais également une expérience d’achat novatrice, qui
semble pour les marques et enseignes de mode, beaucoup plus attractive
que l’influence de quelques blogs.
77
CONCLUSION
Dans l’introduction de ce mémoire, avait été énoncée l’hypothèse suivante :
En quoi les blogs de mode sont-ils aujourd’hui deve nus à la fois source
d’inspiration et source de business pour les marqu es dans la mode, et de
quelle manière leur influence se manifeste-t-elle ?
Suite à la présentation de cette problématique, plusieurs hypothèses
avaient été formulées, et il semble opportun de les répéter ici, puisqu’elles
apportent de nombreux éclairages à la problématique.
En premier lieu, il a été dit que les blogs de mode devaient leur succès à
leur caractère novateur, et à leur capacité, par leur contenu, à bousculer le
milieu d’habitude si fermé et institutionnalisé de la mode. Les blogs de
mode apportent à la fois une nouvelle interprétation de la mode, mais
également une nouvelle façon d’en faire la promotion, en touchant un public
très large (certains blogs affichent près de 200 000 connections
quotidiennes). Les blogs de mode ont permis d’ériger en haut du podium,
une nouvelle génération d’influenceurs . Ces individus sont au départ, des
gens normaux, aux profils et origines sociales très variées et dans lesquels
tout internaute peut s’identifier, à la différence des mannequins ou des stars
qui peuplent les magazines. Grâce à leur lectorat qu’ils ont touché à travers
leurs billets ou leurs photos, ils sont devenus des personnages « qui
comptent » dans la mode, voir, pour certains, de vraies muses, comme cela
a pu être observé dans la première partie de ce mémoire. Cependant,
comme cela a également pu être examiné, ces individus n’étaient pas tous
guidés uniquement par la passion de la mode, et pour beaucoup, bloguer
était au départ un moyen de se faire connaître, pour par la suite, trouver des
opportunités professionnelles. Aussi, n’est- il pas étonnant qu’une élite de
blogueurs de mode « professionnels » se soit très rapidement formée,
78
comptant parmi elle des personnages à la fois charismatiques et
médiatiques tels que Garance Doré ou Scott Schuman de The Sartorialist.
Cet aspect de la problématique correspond d’ailleurs à la deuxième
hypothèse énoncée dans l’introduction de ce travail, et qui portait sur la
rapide professionnalisation des blogueurs, face au manque de réactivité des
marques à s’approprier ce nouvel outil, notamment par peur de ne pouvoir
en contrôler le contenu, quand c’est cette capacité de libre- expression qui
rend le blog intéressant.
En effet, ces espaces de communication libres permettent de recueillir
directement et presqu’instantanément les avis des consommateurs sur les
nouvelles collections des créateurs, ou bien sur le dernier sac à la mode.
Mais, si l’on revient un instant sur ce thème de la professionnalisation des
blogueurs, on notera que, de manière paradoxale, la constitution de cette
élite de blogueurs de mode, se pose en porte-à-faux avec le principe de leur
blog, qui est un espace ouvert à tous, et un espace démocratisation de la
mode, comme l’affirmait Scott Schuman dans un article du Financial Times
cité dans ce travail. Ainsi, alors que les blogueurs se caractérisent par leur
proximité avec leurs lecteurs, ces derniers, en atteignant les « sommets »
de la mode, rentrent finalement progressivement, dans la même catégorie
que les puissantes rédactrices en chef mode, de magazines tels que les
publications ELLE ou Vogue. Des modèles qu’ils cherchaient d’abord à
éviter, notamment en réinterprétant la mode, et en la montrant à l’opposé de
la mise en scène des défilés de mode ou des séances photos de
magazine ; c’est- à- dire dans la rue ou sur des vrais gens.
Cette recherche de « réalisme », de retour aux sources a ainsi donné
naissance à un style photographique venu tout droit des blogs de mode, et
qui a véritablement révolutionné l’univers de la mode, tout en asseyant
l’influence des blogueurs de mode aux yeux des marques et des
enseignes : le streetstyle.
Ce style, longuement évoqué dans ce mémoire, consiste à arrêter des
inconnus dans la rue, pour les vêtements qu’ils portent, et aussi le charisme
79
qu’ils dégagent. Ce mouvement des « chasseurs de style », a été initié par
des blogueurs qui, pour la plupart, étaient des amateurs, travaillant avec un
simple appareil photo numérique, et qui, au fil du temps, se sont, une fois
de plus, professionnalisés, en faisant désormais un métier à part entière.
Aujourd’hui, il n’existe pas un magazine ou un site de mode qui n’aurait pas
sa rubrique de streetstyle, et les marques font désormais appel à des
« chasseurs de style » tels que l’omniprésent Scott Schuman, pour
orchestrer leurs campagnes de publicité …hors- ligne !
On notera ainsi que c’est notamment par ce biais que des liens
professionnels, mais aussi créatifs, se sont petit-à-petit crées entre les
marques et les enseignes de mode, et la communauté des blogueurs. Dès
lors, l’indépendance des blogueurs n’a pu qu’être remise en question aux
yeux des lecteurs de blogs de mode, qui, face à un billet citant telle ou telle
marque ; sont en droit de se demander s’il s’agit d’un billet sponsorisé
(équivalent du publi-reportage dans les médias classiques), ou d’un vrai
coup de cœur du blogueur.
Face au succès et à la médiatisation de certains blogueurs de mode, la
blogosphère a considérablement augmenté en termes quantitatifs, et peu
en termes qualitatifs. Or, lors d’une troisième hypothèse, on s’interrogeait
sur la possible saturation de l’internaute face à ces blogs de mode.
En plus d’être lassé, on peut se demander si, dès lors qu’un blogueur n’a
de cesse de citer son adoration pour telle marque ou tel créateur, cela
n’éveille pas des doutes chez les internautes. A l’issue de ce mémoire, on
ne peut dès lors que s’interroger sur le moment où les internautes ne feront
plus confiance qu’à quelques blogueurs de mode, parce que les autres
seront envahis par de la publicité, et des contenus uniformisés. Qui plus
est ; les marques et enseignes de mode ont rattrapé leur retard en matière
de déploiement de stratégies sur internet, et c’est ainsi qu’elles multiplient
les outils leur permettant d’entrer en contact directement avec leurs
consommateurs. C’est ainsi que Facebook remporte actuellement un franc-
succès auprès des marques et enseignes de mode, qu’il s’agisse de prêt-à-
porter ou de luxe. Comme cela a été exposé précédemment, il possède de
80
nombreux avantages, sur le court le long terme, et rassemble déjà une
communauté de près de 300 millions de membres, venus des quatre coins
du globe.
En plus des possibilités qu’il offre aux marques et enseignes de créer de la
proximité avec leurs consommateurs, notamment par le biais des groupes,
sur le long terme Facebook offre une base de données inégalée pour les
marques.
Ainsi, la suprématie des blogs de mode en termes d’influence sur les
consommateurs est loin d’être profondément implantée sur internet,
environnement où tout évolue très vite.
Les blogs de mode en tant qu’outils de communication, sont menacés
auprès des internautes mais également des marques et enseignes de
mode, par l’émergence de nouveaux modèles de sites, qui allient à la fois
esprit communautaire/ lieu d’expression créative/ de l’interactivité et, c’est là
que réside leur valeur ajoutée, ils donnent naissance à une nouvelle façon
d’acheter des vêtements et des accessoires de mode. Car, c’est bien là une
des « faiblesses » des blogs aux yeux des marques et enseignes, mais qui
fait à la fois sa force auprès des internautes … Les blogs influencent certes
les consommateurs dans leurs décisions d’achat, comme cela a été étudié à
plusieurs reprises, mais ils ne permettent pas aux marques de mode, de
calculer de manière sûre leur retour sur investissement…Or, c’est pourtant
ce qui intéresse au final, les directeurs du marketing et financiers.
En conséquence, des sites tels que Polyvore.com ou lookbook.nu
préfigurent de la meilleure façon ce à quoi va ressembler la mode sur
internet, et on peut alors s’interroger sur ce que sera la place des blogs
dans la mode à l’ère du web 3.0.
Cependant, il semble opportun de rajouter que, malgré les évolutions
d’internet, les internautes auront toujours besoin de figures
« indépendantes » des marques à leurs yeux, et faisant office à la fois de
trendsetters, et de contre- pouvoir. Ainsi, si le blog dans sa forme est peut-
être voué à disparaître, il n’en va pas forcément de même pour la figure du
81
blogueur « influent ». La professionnalisation des blogueurs, qui ont fait de
leur passe- temps un métier ( styliste, photographe, illustratrice ) peut
d’ailleurs peut- être contribuer à légitimer leur influence et leur savoir aux
yeux de tous.
Par conséquent, et comme cela a également été vu dans ce mémoire, s’ils
veulent se pérenniser, les blogs doivent se développer, et c’est ainsi qu’on
observe déjà en Amérique du Nord, cette mutation avec un passage du blog
vers le « magazine online », qui se situe à la jonction du site et du blog.
De ce fait, on peut aujourd’hui affirmer que les blogs de mode restent, et
plus particulièrement les blogueurs, des influenceurs et des prescripteurs de
tendances pour les internautes et les marq(ues et enseignes de mode.
Cependant, la question qui semble désormais surgir est la suivante :Cela
va-t-il ou peut-il durer ?
En effet, face aux nombreuses évolutions qui guettent internet, et la vitesse
à laquelle ces changements arrivent, il se peut que dans un futur proche,
les blogs aient cédé leur place à de nouvelles formes d’outils participatifs et
conversationnels. Il revient donc désormais aux marques et enseignes de
mode, de procéder dès à présent à une veille de ces tendances à venir, afin
de pouvoir le plus rapidement possible aux prochaines envies, et attentes,
des consommateurs de demain. On pourra ajouter qu’avec la part
croissante du commerce en ligne aujourd’hui, dont il est presque certain
que l’évolution ne va aller qu’en augmentant dans les prochaines années,
les marques et enseignes de mode doivent développer des sites novateurs,
qui feront vivre à leurs consommateurs de vraies expériences de marque en
ligne. Un aspect auquel les blogs, même s’ils sont interactifs, ne pourront
certainement pas remédier.
82
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89
ANNEXES Annexe 1 : Classement Style99 Annexe 2 : Copies d’écran des principaux blogs de mode étudi és Classement selon les typologies évoquées dans la partie 1 du mémoire Les accessoiristes
– Meaghan Mahoney The Purse Blog – Abi Silvester The Bag Lady
Les chasseurs de style
- Scott Schuman The Sartorialist - Garance Doré Garance Doré - Mark Hunter The Cobrasnake - Yvan Rodic FaceHunter
Les blogueuses bons plans
- Betty Autier Le blog de Betty - Kathryn Finney The budget fashionista
Les blogueuses stylistes
- Alix Bancourt The Cherry Blossom Girl - Jane Aldridge Sea of Shoes - Tavi Gevison Style Rookie
Annexe 3 : Copies d’écrans sites partie 3
- Facebook : un exemple de la page Louis Vuitton
- The Art of Trench par Burberry
- Etsy.com
- Lookbook.nu
- Polyvore.com
90
Annexe 1 : Classement Style99
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93
Annexe 2 : Captures d’écran des principaux blogs de mode étudiés
Classement selon les typologies évoquées dans la partie 1 du mémoire
Les accessoiristes
MEAGHAN MAHONEY THE PURSE BLOG
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ABI SILVESTER SHOEWAWA
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Les chasseurs de style
SCOTT SCHUMAN, THE SARTORIALIST ( extraits choisis )
97
98
99
GARANCE DORE, GARANCE DORE ( extraits choisis )
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101
MARK HUNTER, THE COBRASNAKE ( extraits choisis )
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YVAN RODIC, FACEHUNTER ( extraits choisis )
104
105
Les blogueuses “ Bons Plans” BETTY AUTIER, LE BLOG DE BETTY ( extraits choisis )
106
KATHRYN FINNEY THE BUDGET FASHIONISTA ( extraits choisis )
107
Les blogueuses stylistes ALIX BANCOURT THE CHERRY BLOSSOM GIRL ( extraits choisis )
108
109
JANE ALDRIDGE, SEA OF SHOES ( extraits choisis )
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111
TAVI GEVISON, STYLE ROOKIE ( extraits choisis )
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Annexe 3 : Captures d’écran des principaux sites évoqués FANPAGE FACEBOOK, LOUIS VUITTON ( extraits choisis )
114
ART OF THE TRENCH, BURBERRY ( Photos signées Scott Schuman )
115
ETSY.COM : Page d’accueil ( extraits choisis )
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ETSY.COM : Le blog
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ETSY.COM : Capture d’écran d’une recherche effectuée selon le critère « couleur »
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LOOKBOOK.NU : Page d’accueil ( extraits choisis )
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LOOKBOOK.NU : Capture d’écran d’une page de membre
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POLYVORE.COM : Page d’accueil ( extraits choisis )
121
POLYVORE.COM : Capture d’écran d’une page de membre
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123
RÉSUMÉ DUTRAVAIL D’ETUDES ET DE RECHERCHE A l’ère du web participatif et du marketing conversationnel, cette étude se penche
sur la place qu’occupent aujourd’hui les blogs, et de manière plus générale le web
2.0, dans les stratégies de communication des marques et enseignes de mode.
Se pose ici la question suivante :
En quoi les blogs de mode sont-ils aujourd’hui deve nus à la fois source
d’inspiration et source de « business » pour les m arques dans la mode, et
de quelle manière leur influence se manifeste-t-ell e ?
La première partie de cette étude est consacrée à l’observation des blogueurs de
mode, et à la blogosphère. Qui sont les blogueurs de mode ? Qu’est-ce qu’ils
écrivent ? Il est également étudié en quoi le blog de mode offre aux internautes
une vision alternative de la mode, et enfin ; qu’elles sont les relations entre les
blogueurs et leurs lecteurs.
Dans un second temps, ce travail se recentre sur les liens qui se sont crées entre
les marques et les blogs, et cela avec un accent mis du côté des blogueurs. De ce
fait, on s’intéresse ici à éclaircir trois points. En premier lieu, il apparaît que le
blogueur de mode est une nouvelle source d’inspiration pour les marques de
mode, grâce notamment au travail des blogueurs de streetstyle. Ensuite, il est
abordé la manière dont les marques de mode, et plus généralement la
« modosphère » ont fait des blogueurs les nouvelles icônes du « milieu », voir des
muses ! Cependant, il est observé que déjà, la relation unissant les blogs et les
marques de mode est en pleine mutation.
Enfin, alors que de plus en plus de marques et enseignes de mode adoptent
aujourd’hui une vraie stratégie de communication sur internet, il s’agit de se
pencher dans une troisième partie, sur les tendances à venir sur internet, en
termes d’internet participatif. Il s’agira ici de répondre à l’interrogation suivante :
Vers quels outils internet les marques et enseignes de mode vont-elles devoir se
tourner pour ne pas prendre de retard dans leurs stratégies internet, sachant que
la part des achats en ligne des internautes ne va aller qu’en augmentant ? Cette
mutation est susceptible de remettre en cause l’influence des blogs, et c’est ce qui
va être observé ici.
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MOTS- CLEFS
Blogs Blogueurs Créateurs E- commerce Internet Mode Marques Réseaux sociaux Sites communautaires Web 2 .0