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La critique littéraire africaine et le colloque de Yaoundé de 1973

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Alhousseyni Maiga

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  • 1. LA CRITIQUE LITTERAIRE AFRICAINE ET LE COLLOQUE DE YAOUNDE DE 1973 : lappropriation littraire NOKE SIMON FRANCIS Doctorant en Littrature et Civilisations africaines, LCA, Universit de Yaound I Tables des matires Introduction I Comprhension des concepts I-1 Critique littraire I-2 Histoire littraire I-3 Francophonie II Lexercice de lactivit critique littraire en Afrique II-1 Fondements de la critique dans lexercice de la critique dans les socits orales africaines II-1-1 Le critique Africain qui est-il ? Quest-ce que la critique africaine ? II-1-2 Les exigences dune Critique africaine II-1-3 Les arguments de la Critique africaine selon le colloque de Yaound de 1973 II-2 Lexercice de la critique dans les socits orales africaines et la question de la cration littraire II-3 Fondements de la critique dans le langage. III Littrature africaine et Francophonie Conclusion

2. INTRODUCTION La littrature, loin dtre un ensemble duvres crites ou orales auxquelles on reconnat une finalit esthtique, est lme dun peuple. La questionner, cest rpondre du mme coup aux problmes qui minent la socit humaine intgrale. Cest du moins, inscrire les signes culturels dans le sens contextuel de la vie dun peuple. La littrature est une pratique humaine depuis la nuit des temps. Quelle soit orale ou crite, elle met lhomme au centre de tout. Elle est donc homocentrique. Comme pratique, la littrature en gnral a ses normes dapprciation, ses propres jugements esthtiques. Cette apprciation normative sinscrit dans une autre sous-pratique de la littrature appele : critique littraire, saffirmant dj avec beaucoup de difficults comme une branche scientifique et littraire autonome. Toute littrature est expression dune culture, dune vision du monde propre un peuple. Il y a donc autant de littratures quil y a de peuples. Cest au sein de sa littrature quun peuple dit sa joie de vivre, ses difficults face la vie, ses prires et ses souhaits face son avenir et au-del. Cest au sein de sa littrature quun peuple lance un dfi la nature et la mort et se met dbout devant cette dernire pour ressusciter chaque fois un errements quelconque du destin. Partant de ces prrequis ou de ces prsuppositions, on ne peut mieux lire une uvre littraire que si lon se place dans un contexte, que lorsquon vit une certaine ralit. Et, au del de cette lecture, il est indubitable que toute lecture est mobilisation dune certaine perception, dune certaine reprsentation du monde. Autrement dit, un africain par exemple ne peut lire quen temps quafricain et par extension, il ne peut lire une uvre occidentale quen la contextualisant et en lintgrant son vcu et sa vision du monde. Pour tout dire, nous pouvons affirmer que : toute lecture est ethnipte. Cest dans ce sens quon parle dappropriation littraire. Lappropriation littraire, loin dtre une technique visant intgrer par une lecture, une uvre littraire dans un systme idologique spcifique, implique aussi le caractre que doit revtir toute critique dune uvre. Cest dans ce sens que nous pouvons affirmer que toute critique de quelque ordre que ce soit, pour comprendre une uvre littraire, pour la saisir dans son originalit, doit tre : une critique littraire appropriatrice. Cette dernire perspective simpose dans la logique des peuples qui ont rsoudre leurs problmes de 3. dveloppement et plus loin, elle sinscrit dans le cadre du renouvellement de la crativit, elle entre en droite ligne de la lutte contre luniformisation qui porterait un coup dur au patrimoine culturel mondial. Lobjet de notre expos englobe en gnral la notion dappropriation littraire dans le cadre dapplication Africain. Il sappuie sur la lecture de textes constituant une sorte de corps normatif, pour une sorte de construction de ce nous pouvons appeler : une bonne critique littraire africaine. I- COMPREHENSION DES CONCEPTS I-1 Critique littraire La critique est laction de porter un jugement, de dcrire, de juger, de comprendre les uvres littraires. Ce jugement est beaucoup plus qualitatif et permet une apprciation selon un canevas de normes. La critique est apparue dabord la renaissance pour devenir un terme courant lge classique. Sur le terme critique, on apposait le plaisir de la conversation. Il est devenu trs vite une mise en vidence des difficults dordres gnraux que les crateurs avaient lors de la cration de leurs uvres (dtermination des fautes). Puis, lge classique le terme devient une application de la potique une uvre particulire. Dans une tentative de dfinition, Locha Mateso voit entre la rception dune uvre littrature et la critique littraire, une sorte de relation dquivalence. Car les deux termes revoient la notion de public. Si la rception dune uvre littraire cest laccueil, ou du moins, la manire dont lauteur et son uvre sont accueillis dans un espace-temps dtermin, la critique littraire serait une rception applique utilisant la lecture pour une opration ultrieure et dans la continuit. Mateso reconnait en effet dans les Actes du Colloque de Yaound de 1973: On peut dire que le rcepteur est davantage (mais non exclusivement) ce lecteur qui soccupe de la fonction critique fondamentale consistant retenir ou rejeter. Tandis que le critique est ce lecteur qui occupe, dans certains cas, le rle du producteur, imitant ou rinterprtant de faon polmique, une uvre antcdente Depuis Aristote, qui lon attribue la paternit du mot, la critique littraire est marque par les questions suivantes : Comment lire, interprter, comprendre ou juger. Si avec Roger Fayolle, la critique est ne avec lcriture, on affirmait du mme coup, oubliant le systme propre de la critique des uvres orales africaines par les africains, que lAfrique prcoloniale, ignorant lcriture ne pouvait se targuer de pratiquer une quelconque critique. 4. Dans son mergence et son vu de simposer comme domaine autonome du savoir, elle fut conteste. Cest pourquoi au mme titre que lhistoire ou la philosophie, elle narrivait pas sindiffrencier des sciences humaines. Ce nest quau XIXe que la critique littraire prit du volume en se libralisant par le biais de lcole avec la pratique de lcriture. Une sorte dambigut persiste nanmoins quant cette discipline. Cest ainsi que Pierre Macherey a pu dire : serait-ce, une activit normative, ou une activit spculative, un art ou une science, une interprtation ou une explication ? I-2 Lhistoire littraire Lhistoire littraire est une sorte de catgorisation priodicisante des uvres littraires crites ou orales dune re dfinie. Dans cette priodicisation, la mthode de catgorisation des uvres est fonde sur le principe que : chaque poque ou selon une rgion bien dtermine lensemble des uvres propres cette priode possde une logique idologique hirarchise que lon spcifie dans une diffrenciation ou une comparaison une autre. I-3 Francophonie La francophonie est tout simplement lensemble des 53 tats et 10 tats en observation en 2005 ayant le franais pour premire langue, pour langue officielle ou vhiculaire. Ce terme dans son premier sens fut usit par un gographe nomm Onesime Rclus en 1880. Il dsigna par ce moyen lensemble linguistique en volution pendant la conqute imprialiste. Le terme ressurgit dans les annes 1960. En gnral et selon Mohamadou Kane dans son article Francophonie et spcificits littraire africaine , elle fonctionne en cercle concentriques dont la France occupe le centre, la Belgique et la Suisse sont les premiers cercles, le Quebec vient ensuite et le reste des pays en majorit constitue des pays du tiers monde occupe la partie priphrique. Cest ainsi quil affirme quil y a : une francophonie du centre, une francophonie du milieu et une francophonie priphrique. p122. Au dbut, seule la promotion de la langue franaise commune tous les 53 pays, constituait le leitmotiv de la politique de la France. Ceci pour la dcouverte, lexpansion des cultures du monde Francophone. Ensuite, en voyant la rpartition du monde en Nord et Sud, en pays dvelopps et en sous-dvelopps, elle sest ouverte vers une coopration qui intgrait 5. non plus seulement le ct linguistique, mais la politique, lconomie..etc. cest ainsi que lACCT (Agence de coopration culturelle et technique) avec lAUPELF (lassociation des universits partiellement ou entirement de langue franaise) effectuent des actions tous azimuts sur le plan culturel, scientifique. Mais malgr tout cela, comme le remarque Mohamadou Kane dans le mme article : linfluence de la langue, des cultures du centre (Paris) sur celles de la priphrie (les pays du tiers monde francophones).1[1] II LExercice de lactivit critique littraire en Afrique Il a t object que les africains de la priode prcoloniale, parce quils ne connaissaient pas lcriture, navaient aucune prtention la critique littraire qui du moins selon Roger Fayolle est ne avec lcriture qui tait libralise par le biais de lcole. Cette rflexion est plus quune rponse ce prjug. Elle sarticule pour lessentiel dpasser cette polmique longtemps rabche pour montrer que non seulement les socits africaines prpondrance orales avaient une critique de leurs productions mais aussi et surtout, que cette critique avait des fondements. II-1 Fondements de la critique dans lexercice de lactivit critique au sein des socits orales africaines. Comme nous lavons dit, cette partie a pour mission de lever lquivoque, de dconstruire le mythe logocentrique de la scripturalit quil faut rapporter ici lcriture comme fondement unique et exclusif la critique. Cest ainsi que nous allons dmontrer avec M.A.M Ngal, son article : lartiste africain, tradition, critique et libert cratrice 1[2], lexistence dune critique traditionnelle africaine et au del, lexistence dune libert cratrice particulire. Mais avant dy arriver : qui est le critique africain ? Quest-ce que la critique littraire africaine ? Quel est largument de la critique africaine ? II-1.1 Le critique africain qui est-il ? Quest-ce que la critique africaine ? Ces interrogations ont taraud lesprit des participants au colloque de Yaound sur le Critique africain et son peuple comme producteur de civilisation du 16 au 20 avril 1973. Lutilisation du terme critique africain reste ambigu. Permet-il une gnralisation, une 6. agrgation de notions incluant lart et dautres productions cratives ? L reste le nud de la question. Mais, sil faut dire et reconnatre du mme coup que la civilisation est trs englobante, le terme critique africain serait donc une agrgation de plusieurs pratiques qui outrepasseraient la notion de littrature, dart tout court. Quoiquil en soit, dans notre cas, le critique africain se comprend autour de ladjectif littraire. Cest ainsi que nous parlons du critique littraire africain comme celui l qui est appel juger, dcrire, comprendre, interprter une uvre quil aurait lue, perue ou entendue. Cest dans ce sens que nous intgrons dans la critique littraire, loralit et/ou lcriture. Dans cette perspective, nous disons que la critique littraire africaine est cette activit l qui est amene juger, dcrire les uvres orales ou africaines. Mieux, toute critique littraire peut-elle tre africaine ? Que faudrait-il dans ce cas pour tre critique africain ou pour quune critique soit africaine ? II-1.2 Les exigences dune critique littrature africaine Ces exigences, elles aussi, ont constitu le moment faste du colloque de Yaound. Ceci parce que, certains non africains qui ne connaissaient lAfrique que par la langue commune qui nous runie, simprovisaient africanistes, critiques duvres littraires et dart. Cette prtention unilatrale a amen tablir les exigences dune critique littraire africaine. Allant du principe que toute critique est dabord intgration dans un vcu culturel, quelle est informatrice, guide du peuple dont elle tire ses sources nourricires, il fallait donc trouver un accord qui rside dans la conviction que dsormais tout non-africain, tout(e) critique devait avoir fait au pralable, un travail dinformation srieux sur le vcu interne et externe du peuple objet de la critique. Le peuple africain, qui tait absent et qui lest encore de la critique littraire africaine, devait reprendre sa place, comme nous le montrerons avec Ngal et Melone, dans le jugement et lapprciation des uvres littraires comme il tait de coutume dans lAfrique traditionnelle prcoloniale. Cette absence du peuple dans la critique aujourdhui, est cause par lanalphabtisation. Si le colloque exige du critique quil soit ouvert au monde, ceci en sinformant et en sinspirant des mthodes usites ailleurs, il importe avant toute critique de pas oublier que le 7. fonds de culture et de civilisation est un lment trs dterminant dans toute appropriation dune manifestation quelconque de la cration africaine. En somme, les exigences dune critique littraire africaine sont trouver dans limmersion au sein du vcu culturel et civilisationnel ; une sensibilit et une comprhension des perceptions et reprsentations du monde africain et aussi, la restitution de la place du peuple dans lexercice de la critique. II-1.3 Largument de la critique africaine selon le colloque de Yaound Largument de la critique littraire africaine nat partir dun constat alarmant de la critique en Afrique. Ce constat alarmant est le suivant : toutes les uvres artistiques et littraires de lAfrique sont prsentes au peuple africain qui en est le lgitime destinataire par une critique occidentale qui a le pouvoir de juger, dapprcier, de consacrer ou de dsavouer la dmarche des crateurs et des crations. Bien plus, cette critique a le pouvoir de dcider de la grandeur dun ouvrage ou de son crateur, elle fixe les normes et les lignes directrices dans lesquelles nos uvres littraires doivent sintgrer pour tre juger de bonnes ou de mauvaises, dutiles ou dinutiles. Tout ceci parce que : le peuple africain, do sont issus les crivains et les artistes en question, na pas les moyens dapprcier le talent de ceux-ci 1[3] et parce que dune manire profonde, le support des uvres repose sur les langues issues de la colonisation. Largument de la critique littraire africaine repose donc sur la pense selon laquelle : Chaque socit a ses normes dapprciations. Celles-ci sont parties intgrante de son thique de la vie. Les courants extrieurs, si gnreux soient-ils, ne sauraient remplacer leffort personnel de recherche et de confrontation qui, seul, permet dclairer le jugement travers le contexte dune civilisation spcifique1[4]. Au del de cet argument, il sagit pour la SAC (Socit Africaine de Culture) : de faire accder le peuple tout entier avec ses artistes, aux responsabilits que la vie moderne impose chaque nation et chaque civilisation 1[5]. 8. II.2 Lexercice de lactivit critique dans les socits orales africaines et la question de la cration littraire Cette problmatique est dveloppe dans larticle : Lartiste africain : tradition, critique et libert cratrice , publi dans les Actes du colloque de Yaound de 1973. Dans cet article, M.A.M. Ngal nous amne rompre avec lapproche traditionnelle sempiternelle de la gense de la littrature orale et de la question de lartiste et de sa communaut. Ici, les questions suivantes sont le nud de la problmatique : qui est le vritable auteur de luvre orale ? Le peuple considr collectivement ou lartiste qui droule son texte face un public ? Avant de rpondre cette question, faisons un bref background dans la pense traditionnelle sur lartiste, le texte traditionnel et le public. A ceci, on retrouve une rponse lorsquon lit le clbre article de Pierre Ngijol : la critique littraire africaine dans la littrature traditionnelle orale 1[6]. Cet auteur, en droulant une pope basaa et son dire communautaire, arrive la conclusion selon laquelle lauteur vritable de luvre orale est les gnrations qui ont contribu llaboration de luvre. Lintervention de lartiste ne consiste donc qu une relecture, une actualisation de la tradition. Cest allant contre courant de cette pense que Ngal affirme que dans la tradition orale, lartiste nest pas un robot au service de la communaut. La littrarit de luvre orale rside pour lui dans la dialectique dinventivit et de soumission, de libert et de fidlit dont fait montre lartiste africain. En rcitant son texte, lartiste fait preuve de critique, il y ajoute telle ou telle squence, ajoute des lments spectaculaires ou symboliques, fait de la mise en scne, agrmente le discours avec la recherche dun langage qui se veut en premier lieu loquence. Pour Ngal Nous avons plus un simple liseur , recrateur mais un critique crateur dont les mditations dbouchent sur la cration dune uvre fidle la tradition mais se revtant dune libert cratrice qui la soustrait de luniformisation. Si dans les socits orales, le public joue un rle dans la critique en approbant ou en dsapprobant telle ou telle uvre, il a les moyens dapprcier le degr de respectabilit ou de conformit du texte la tradition commune. Sil apprcie et attend de lartiste rcitant, sa contribution lenrichissement du patrimoine traditionnel, il na pas le mme prestige dans la nouvelle situation de lcriture. Il convient de lui donner les moyens, pour une appropriation 9. fconde du texte car comme le montre Thomas Melone dans la critique littraire et les problmes du langage : point de vue dun africain, il est urgent de restituer au peuple son privilge dexprimer sa pense dans la production artistique et littraire si cela est possible, au travers de lexpansion de lducation. Cette restitution du privilge du peuple, la critique comme dans lAfrique prcoloniale repose sur plusieurs options importantes : une option politique : cette option sinscrit dans une logique de libration du pays. Libration par rapport aux crises diverses auxquelles est confront le peuple africain. Une option culturelle : cest dire limmersion ou la rinsertion contextuelle de lartiste et de son public dans lhistoire collective culturelle dont ils sont les membres et une immersion de ces derniers dans le creuset culturel et les valeurs civilisatrices de vie du monde africain. Une option mthodologique qui implique que si la critique est participation et motion, elle est aussi et surtout dtachement et objectivit, une reconstitution de tous les mouvements originaux, de tous les mcanismes du travail crateur chez lartiste. II .3 Le fondement de la critique dans le langage Dans la littrature orale africaine, il existe trois critres principaux dapprciation dune uvre littraire orale : le premier rside dans les lments linguistiques et ludiques, le second rside dans la fonction didactique de luvre orale et le dernier, rside dans la variation et la fidlit par rapport au patrimoine collectif culturel. Cest du premier critre quil sagit ici. Sil est avr quune langue est le vhicule des ides dune civilisation donne, sa comptence sestompe ds lors quelle est appele dsigner des ralits relevant dun autre univers culturel. Bien plus, et au del dune langue, le problme du langage est celui gnral de lAfrique. Il pose un vritable malaise surtout lorsque lartiste, qui est amen une sorte de perception de lexprience humaine, se donne pour mission de la transmettre. Cette transmission cre une sorte de malaise ou selon les propos de Melone un naufrage gnralis . Mais dans cette transmission de lexprience, il est important de se demander ce que sacrifie lartiste. A-t-il les moyens pour russir cette transmission ? quelles difficults est-il confront ? A ceci, nous disons que le langage africain est riche, color, imag et nuanc. Il est le rsultat de la parole primordiale cest--dire, cette voix intrieure au travers de laquelle sont 10. dcrits les ralits et les moindres nuances de la culture, de la socit humaine, de la culture et du cosmos. Mais, lorsquon sait que ce nest pas avec le langage africain que lartiste dcrit ce quil voit ou ressent, il est engag dans la lutte existentielle. Sa parole primordiale, qui est consubstantielle avec latmosphre et le vcu qui lui sont propres, nexprime plus sa magie. Car, lartiste est oblig de transcrire son vcu dans une langue trangre qui dnature le sens de ses propos et laline. Dans ce malaise, il n y a plus donc appropriation de tous les symboles qui peuplent le monde. Pourtant, il doit y avoir entre le monde, lhomme et la langue expression du monde un effet de causalit circulaire, une prsupposition. Mieux, ils doivent se crer rciproquement et sexpliquer mutuellement. Si lartiste lui mme a des problmes, la tche du critique est donc ardue. Car, quand bien mme lartiste africain russit passer son message, le monde africain est un monde du symbolisme o tout participe la description des ralits au sens polysmique, lexplication de ltre et de son vcu. Pour quun critique puisse comprendre les nuances du symbolisme africain, il faut quil puisse tre capable de comprendre en profondeur les significations profondes du langage africain parsem de proverbes, dimages au sens divers et fortement contextualis au gr des situations de la vie. Pour comprendre la beaut artistique et la saisir dans son vcu il faut participer dun certain univers, pdagogique ou de lducation du sujet crant, autant que celle du lecteur et donc du critique, il faudrait une sensibilit devant luvre, une certaine assimilation de la culture expose 1[7]. Toujours selon Melone, la tche du critique, si elle veut tre technique et cration se situe un autre niveau. Elle est suggre, voire impose par la problmatique du langage cest--dire de la structure profonde de luvre. Pour lui enfin la dcouverte des techniques, des ressources, des connotations, des mouvements du langage est linstrument heuristique le plus prcieux, le plus sr, le plus dterminant pour le critique littraire. 11. IV Littrature africaine et Francophone La francophonie est un systme qui entretient les notions post coloniales de centre et de priphrie. La situation de la francophonie tant particulire il existe, une francophonie du centre dont la France occupe le centre, une francophonie du milieu o lon place la Belgique, la Suisse et le Quebec et enfin une francophonie priphrique occupe par le tiers monde francophone. Malgr leffort de quitter de la problmatique question de la promotion de la langue franaise commune, la France, optant dsormais avec la rpartition du monde en nord et sud pour une coopration tous azimuts (politique, culturelle, acadmique) avec ses institutions ACCT et AUPELF, na rien chang rien sa pratique interculturelle. Celle-ci reste fortement marque par linfluence de la langue, des cultures du centre (Paris) sur celles de la priphrie. Partant de ce qui prcde, certains comme M Kane ( Francophonie et spcificits littraires africaines ) convoquent le terme de spcificit littraire africaine qui se conoit et se peroit autour de loralit. Selon Kane, la francophonie na pas boulevers les rapports de continuit loralit. Elle est venue enrichir lAfrique en entranant des mutations certaines dans le vcu des africains. On assiste comme il le dit la naissance dune esthtique qui est composite, mais qui savre moins hybride quon ne la dit trs souvent on relve une remarquable continuit de lesthtique traditionnelle lesthtique nouvelle Il affirme que, la francophonie a offert lcriture aux africains. Celle-ci leur a offert la possibilit de fixer sa pense, de la dpasser, de la diffuser Comme mutation, la notion dauteur dans le contexte de loralit a t bouleverse. Cest ainsi quavec lcriture, il existe en Afrique un auteur mme si celui-ci traduit la vision dun peuple. Aussi, la francophonie a boulevers en Afrique traditionnelle les notions duvres littraires, de crateur, de public. Luvre nest plus un bien public que tout le monde peut reprendre son propre compte. Il existe dsormais une individualit. Ici aussi Mohamadou Kane, est fier de lexistence dcrivains qui sont alls vers la francophonie sans perdre leur spcificit africaine que lon retrouve dans ses formes orales. Il cite Birago Diop qui a pu, son sens, dans ses rapports avec le franais : renouveler le conte africain, le faire vivre dans un contexte de modernisation p 128 12. La francophonie a mut le terme dengagement en Afrique aujourdhui : lengagement de la littrature toute entire est mise au service du groupe , cet engagement est utilitaire, pragmatique et sert la diffusion et la sauvegarde des valeurs du groupe. Toujours dans les rapports avec la francophonie, et enfin, Justin Bisanswa Kalulu nous amne dans Littrature ngro-africaine et Francophonie , une nouvelle piste de lecture des tendances de la littrature ngro-africaine dexpression franaise. Partant de lanalyse selon laquelle la littrature africaine dans sa gnralit est toujours une posie de chant dombre , des hosties noires , une posie de la souffrance, se disant tout temps par le truchement du mythe et de limage, il arrive une analyse institutionnelle de la littrature. Pour lui, dans cette analyse, lorsquun crivain crit, ses stratgies textuelles sont homologables des rapports de place qui se jouent entre lui et les autres agents dun tat donn de linstitution littraire et celles-ci obissent aux rgles plus ou moins avoues dune logique de la distinction. Ainsi selon lui crire, cest du mme coup inscrire sa pratique du texte dans un champ peupl dautres textes vis vis desquels on dploie une double stratgie de diffrenciation et dintgration. La logique institutionnelle oblige donc le texte africain sinscrire dans un cadre remarquable, produire des signes notables, jouant de leur distinction mais aussi de leur assimilation ou conformation par rapport telle ou telle esthtique dominante. Cest ce rapport de distinction et dassimilation qui accompagne le pote. Sil est vrai que la littrature africaine, comme jamais dailleurs toute autre littrature, a ds son mergence, montr son vu de vouloir vincer tout modle dominant elle a montre ce qui lui obsde dans lhritage qui lui tait propre. Mais, dans la relation littrature ngro- africaine et francophonie, Justin B voit limage du pre et du fils ou le rapport de force est disproportionn. Il affirme dans la continuit que la cohorte des crivains africains ne disposent pas de force assez puissante pour branler victorieusement lnorme armature de la francophonie. Pire, elle lui est redevable de trop de chose pour pouvoir se dbarrasser delle dun simple coup de reins. CONCLUSION Sil reste important pour nous de signaler que toute question de rappropriation de lessentiel de notre histoire est un pas important vers la conqute de notre destine. Cet impratif passe par une activit dappropriation de la littrature. 13. Lappropriation littraire est donc le ferment dune critique consciente et responsabilisante. Elle passe par la restitution de la place de critique quavait le peuple africain dans la production des uvres littraires et artistiques et surtout par une immersion dans notre systme et vcu reprsentatif culturel. Combien de temps, continuerons-nous promouvoir une culture et une langue qui ne nous appartiennent pas