LE ROLE DES MEDIAS DANS LA GESTION DES DIFFERENCES CULTURELLES.
DEUX EXEMPLES DE XENOPHOBIE: LA PRESSE DE ROUMANIEET LA PRESSE D’ITALIE SUR LES IMMIGRES ROUMAINS
EN ITALIE (2007-2009)
Conf. univ. dr. Dumitru BORTUNÉcole nationale d'Études Politiques et Administratives,
Bucarest
dumitru.bortun @ comunicare.ro
Résumé
Le problème de la gestion des différences culturelles àl'égard de la communication authentique a été envisagé parFred L. Casmir et Nobleza C. Asuncion-Lande, qui ont publiéen 1990, l'étude «La communication interculturelle révisée: laconceptualisation, la construction du paradigme et les approchesméthodologiques». Leur principale conclusion est qu'il estpossible de construire des situations historiques concrètesdans lesquelles la communication interculturelle devienneauthentique. De telles situations sont décrites en utilisantle concept de «troisième culture». Malheureusement, les analysesrécentes ont conclu que les médias ne contribuent pas à laformation de la troisième culture. Ils ont remplacé lesanciennes autorités avec des autres nouvelles, sans que leuracceptation soit démontrée.Le mode dans lequel les médias italiens et roumainsreflètent les scandales concernant les immigrés roumains enItalie, relève une attitude commune: la peur de l'Autre. La seuledifférence remarquable réside en ce que pour la presseitalienne l'Autre est le Roumain et pour la presse roumainel'Autre est le Rom (ou Tsiganes). Notre communicationidentifie les caractéristiques communes de la façon dont les
médias dans les deux pays continuent de développer laconfrontation avec les autres, au détriment de la formation de latroisième culture.
1. La troisième culture, une stratégie de gestion des
différences culturelles
Le problème de surmonter les obstacles de
communication, inhérents au pluralisme culturel, à la
direction d'une véritable communication est envisagé en tant
que problème pratique (même si traitée avec des moyens
d'enseignement théorique) par Fred L. Casmir et Nobleza C.
Asuncion-Lande. Venant de l'horizon d'une vie sui generis, avec
un bagage d'expérience (inter) culturelle que seuls les
États-Unis peuvent fournir, les deux auteurs ont publié en
1990, l'étude «La communication interculturelle révisée: la
conceptualisation, la construction du paradigme et les approches
méthodologiques» (Casmir & Asuncion-Lande, 1990, p. 278-309).
L’angle à partir duquel les auteurs attaque le problème
est le refus de la domination / de l’asservissement
culturel; ils essaient de trouver les opportunités de
développement mutuel des cultures qui se trouvent en
interaction proximale, comme celles qui vivent ensemble dans
la société américaine. Pour déduire correctement les
conséquences de leur théorie, il est très important de
comprendre que la troisième culture, ne remplace pas les
cultures originaires, mais elle contribue à leur
préservation (dans un nouveau contexte). Fondamentalement,
les choses sont comme il suit: la naissance spontanée de la
troisième culture, permet la réalisation simultanée de deux
conditions de la communication interculturelle efficace qui,
en son absence, ne peuvent pas être satisfaites
qu’alternativement: a) la conservation des cultures originaires
et b) l’existence d’un langage commun. Quand il n’y a pas
une troisième culture, les deux conditions ne peuvent pas
être satisfaites simultanément.
Bien qu’ils partent des perceptions et des
comportements différents, et parfois opposés, les individus
appartenant à deux cultures constituent, par leur
interaction, un cadre unique pour cette interaction. Suite à
la conjonction des deux cultures est née une troisième
culture, plus large que les originaires, qui sera partagé
par les deux parties (par les individus provenant de deux
cultures).
Dans le cadre de la troisième culture, les originaires
peuvent communiquer entre eux plus efficacement que
lorsqu'il manque une troisième culture. Ainsi, la troisième
culture n'est pas simplement le résultat d'une fusion entre
deux ou plusieurs entités, mais les produits de leur
«harmonie» réciproque, qui deviennent des composants d'un
ensemble cohérent. Par conséquent, l'étude séparée des
cultures originaires, ne nous dévoilera pas les règles de
base de la communication au sein de la troisième culture.
Casmir et Asuncion-Lande caractérisent la troisième
culture en tant qu’une «sous culture de situation» dans
laquelle les personnes en interaction peuvent ajuster leur
comportement temporairement tant qu ils essaient d’atteindre
des objectifs communs. Dans le cadre des efforts communs, de
convenance mutuelle, les individus accumulent une
expérience des aspects communs, qui ensuite, peut leur
servir comme point de départ pour des nouvelles
interactions.
Selon les deux auteurs, on n’arrive pas à la troisième
culture ni par la perfection spirituelle, ni tout simplement
par la voie de l'éducation (même si l'éducation peut
soutenir ce processus, et son résultat peut être vu comme un
perfectionnement spirituel). On arrive à la troisième
culture forcément sous la pression d'une situation objective et
contraignante: la situation où les gens issus des milieux
culturels différents sont obligés de contribuer à
l’accomplissement des taches sur lesquelles ils ont convenu
qu’il faut accomplir.
Des analyses récentes concluent que les changements
technologiques contemporains, avec impact sur les médias
conduisent à une «privatisation» de la vie au détriment de
l'interaction ou vers des majeurs bouleversements culturels.
Dans son livre de 1985, No Sense of Place / Pas de sens du lieu,
Meyrowitz insistait, en se référant aux États-Unis, sur les
grands changements culturels dus aux moyens médias: ils ont
déchiré le rideau entre la scène et les coulisses dans le
sens de Goffman (1971, 1974). Meyrowitz montre que nous
n'avons pas une compréhension de notre place spécifique dans
le temps et l'espace - il n'y a donc aucune «connaissance
privilégiés». Peu importe l'âge, le sexe, l'éducation, toute
personne peut connaître les mêmes choses au même moment,
simplement assis devant la télévision. Les médias créent
l'illusion d'interaction, alors qu'en fait, le public n'a
qu'une seule alternative: accepter ou refuser (Meyrowitz,
1985).
Chaque fois que les moyens des medias sont utilisés, la
possibilité d'une troisième culture est plus faible par
rapport aux opportunités qui existent dans les familles et
les cultures traditionnelles. Les médias remplacent les
anciennes autorités avec des nouvelles autorités, sans que
leur acceptation soit motivée. Les institutions des médias
donnent du crédit d'autorité à des personnes selon leur
position dans ces institutions, tout comme ils procédaient
les anciennes maisons royales (Jamnson, 1985). Les nouveaux
«grands prêtres» menacent avec «la destruction de leur
nouvelle culture», s'ils ne sont pas protégés contre «les
ennemis non principaux».
2. Xénophobie latente et xénophobie manifeste dans la
société roumaine de nos jours
Certainement, la xénophobie n’est pas une spécialité
roumaine1. Le trait caractéristique de toute interaction
entre deux cultures est que chacun regarde l'altérité de
l'autre de sa propre perspective. La perception de la
différence et la tolérance par rapport a celle-ci peut être
déterminée tant psychologiquement, que culturellement. Quand
on dit «psychologique» on pense aux structures de profondeur1 Il y a une importante littérature sur la xénophobie, d’ou on peutdéduire qu’il s’agit d’un phénomène général humain. Pourtant, on vaobserver une intéressante expérience roumaine – française : le premiervolume de psychosociologie, coordonné par un spécialiste de Roumanie encollaboration avec un spécialiste de France (Adrian Neculau et GillesFerréol, coord. Minoritaires, marginaux, exclus, Iasi, Maison d’éditionPolirom, 1996). Dans ce volume, Serge Moscovici, Gabriel Mugny et JuanAntonio Perez analysent l’ «Influence des minorités» ; Gilles Ferréol(France) communique sur les «Représentations sociales des tsiganes», etAdrian Neculau sur les caractéristiques du groupe de tsiganes. Ils sontcomprises aussi les études : «La démocratisation et la marginalisationdans les sociétés est – européennes, de Temenuga Rakadjiiska(Bulgarie) ; «Une approche psychosociologique de la xénophobie», deMargarita Sanchez-Mazas (Suisse) ; «Sources d’influence sociale in-groupet out-group et niveaux du changement», de Bernard Personnaz et MariePersonnaz (France) ; «Les immigrants de l’Europe d’Est en Hollande», deMonica Savulescu-Voudouris (Hollande) ; «Les groupes sociaux marginaux.Les mécanismes de la séparation», d’Erhard Roy Wiehn (Allemagne) ;«L’expérience du chômage en France : procès d’exclusion et laconstruction de l’identité», de Didier Demaziere (France) ; «Unereconsidération de la pauvreté : autonomisation et droits des citoyens»,de John Friedmann (Etats Unies) ; «De la pauvreté à l’exclusion :société salariale ou société des droits de l’homme ?», de Pierre Strobel(France).
de la psychologie collective, tels que l'ethnocentrisme. De
nombreux auteurs en parlent comme d'une orientation de
valeur, donc, comme d’une réalité culturelle. D'autres
voient dans l'ethnocentrisme une réalité psychologique et le
traitent en termes des théories sur les représentations
sociales. À notre avis, l'ethnocentrisme est avant tout une
structure épistémique, transformé psychologiquement et
culturellement codé, fixé et transmis par l'apprentissage
social comme «modèle culturel» dans le sens des analyses du
Ralf Linton, pour lequel, l'individu, ses besoins et ses
capacités se situent à la base de tous les phénomènes
sociaux et culturels (Linton, p. 45-68).
Une des explications possibles de la xénophobie latente
qui existe dans la société d'aujourd'hui contient dans le
même temps la perspective psychologique et la perspective
culturale, parce qu'elle vient de la direction d'une
philosophie de l'histoire: l'état de la modernisation de la société
roumaine.
Nous avons montré dans une autre partie (Bortun, 2005,
p. 46-54) que la modernisation de la société roumaine,
processus commencé au milieu du XIXème siècle, n'est pas
encore terminée. Parmi les valeurs de la modernité comme une
sorte de civilisation il y a la citoyenneté - mais pas en tant
que statut politique, mais comme une forme d'identité qui
dépasse l'identité exclusivement ethnique et / ou
religieuse. La citoyenneté moderne n'est pas liée aux
relations de famille ou de voisinage, ou la confession, mais
avec aux valeurs communes (res publica), avec un idéal
politique commun, donc, avec une communauté politique.
Toutefois, au sein de la société roumaine il n’y a jamais
existé une telle communauté.
Par conséquent, l'identité nationale des roumains, qui
représente 89,5% de la population totale, est ethnique. Cette
affirmation ne renvoie pas seulement à une minorité ethnique
roumaine ; elle est valable aussi pour les Hongrois ou les
Tziganes. Mais la xénophobie latente se manifeste le plus
vis-à-vis de tsiganes. Il n'y a pas de recherche sur le
sujet, mais on est en droit de croire que le nombre de
Roumains qui voient dans les tsiganes des co – citoyens, est
infime. Pratiquement, il n’y a pas de roumain qui dise,
quand il voit un gitan nomade: «Voilà un citoyen roumain!».
Parfois, la xénophobie latente devient manifeste. Les
manifestations xénophobes sont devenues plus fréquentes
après le 1 Janvier 2007, lorsque la Roumanie est devenue
membre de l'Union Européenne et les citoyens roumains sont
devenus des Européens. Les premiers à profiter de la
nouvelle situation ont été les gitans, qui, on peut dire, en
utilisant une contradiction dans les termes, étaient déjà
adaptés: ils n'ont jamais resté trop longtemps au même
endroit, et leur existence a été organisé, par tradition,
sous l’empire du nomadisme.
Le fait que dans les pays de l'Union Européenne, les
Tsiganes sont considérés roumains dérange le plus les
Roumains dans le pays. Ceux-ci ne pensent pas que cette
appellation de «roumain» se réfère à la citoyenneté, parce
que pour les roumains, comme on a déjà précisé, la
nationalité n'a jamais été un élément essentiel de
l'identité nationale. Pour eux, la confusion entre «rom» et
«roumain» passe pour une grave confusion ethnique, mais
aussi pour un défi à leur propre identité.
Mais la véritable épopée de la xénophobie manifeste a
commencé par un événement tragique survenu à l'automne du
2007, quand Giovanna Reggiani a été violée et assassinée sur
une colline à la périphérie de Rome. Le principal suspect:
l'immigrant Nicolae Romulus Mailat, citoyen roumain d'ethnie
rrome.
3. Deux exemples de xénophobie: la presse de Roumanie et la
presse d’Italie
sur les immigrés roumains en Italie (2007-2009)
Dans la soirée du 30 Octobre, 2007, la police italienne
a retenu le citoyen roumain Nicolae Romulus Mailat, de 25
ans, originaire de la localité de Vurpar, le département de
Sibiu, pour l'agression physique et sexuelle de Giovanna
Reggiani, de 47 ans, dont le corps presque sans vie a été
abandonné dans un village près de la gare de Tor di Quinto,
à la périphérie de Rome. La victime de l'agression est
décédée ultérieurement, à l'hôpital Sant'Andrea, à la suite
des blessures subies.
L’interrogatoire en cause a débuté deux jours après la
détention du suspect, dans la présence du juge Claudio
Mattinoli et le procureur Maria Bice Barborini. Le juge
italien qui a interrogé Nicolae Romulus Mailat, accusé
d'avoir tué le italienne Giovanna Reggiani, a émis le mandat
d'arrestation à titre préventif pour tentative d’assassinat,
agression sexuelle et vol. Mailat, assisté par l'avocat
d’office Piero Piccinni, a admis avoir volé à la victime,
mais il a rejeté les autres accusations.
Suite au scandale provoqué par cet incident, le
gouvernement de Rome s’est réuni quelques heures après dans
une séance extraordinaire pour l'adoption urgente d'un
paquet de mesures destinées à faciliter l'expulsion des
criminels étrangers. Le décret-loi a été adopté par le
Conseil des Ministres et promulgué le jour suivant par le
Président italien, Giorgio Napolitano. Ce décret permettait
l'expulsion des citoyens communautaires s'ils étaient
considérés comme une menace pour la sécurité publique. Le
document adopté à Rome permettait encore aux préfets
d'expulser tout citoyen de l'Union Européenne, s’il était
considéré un danger pour l'ordre public. Moyennant ce décret
ils pouvaient être expulsés tous les étrangers qui sont des
citoyens de l'Union Européenne, sont majeurs et sont en
Italie depuis moins de dix ans. Le Ministre de l'Intérieur,
Giuliano Amato, et les dirigeants de la police ont été
discrets sur le nombre d'immigrants à expulser. Des premiers
calculs effectués par les carabiniers en vertu des
arrestations de citoyens roumains accusés de crimes graves,
moyennes et mineures, le nombre des personnes expulsées
pourrait atteindre 5000.
À Bucarest, le Ministère roumain des Affaires
Étrangères a immédiatement annoncé qu'il avait pris note de
l'adoption, le 31 Octobre, 2007, du décret-loi qui modifie
et complète une série d'articles du Décret législatif no.
30, du 6 Février, 2007, concernant le régime de la
circulation et du séjour des citoyens des Etats membres de
l'Union Européenne sur le territoire de l’Italie. La mise en
œuvre par les autorités italiennes du décret-loi italien au-
dessus mentionné, apparaîtra sur l'ordre du jour de
l’intense dialogue politique roumain - italien, a déclaré le
Ministre des Affaires Etrangères, qui indiquait qu'il va
observer et évaluer la mise en œuvre de la nouvelle
législation et il va exprimer la conviction que ces mesures
ne sont pas susceptibles de conduire à des restrictions du
droit des citoyens roumains à la libre circulation et au
séjour légale sur le territoire italien. L’évaluation du
Ministre des Affaires Etrangères a été transmise au bureau
du Président et du Premier ministre à Bucarest.
Toujours à Bucarest ont apparu immédiatement des
réactions sévères: Florin Cioaba, le roi (se faisant
appeler) «des Roms partout», affirmait que les actions
déclenchées par le Gouvernement dirigé par Romano Prodi
contre les Rroms en Italie ont été préméditées. En outre, il
estimait que ces démarches portent une atteinte à la libre
circulation des personnes dans l'Union Européenne. Depuis
l'éclatement du scandale, l’opinion de Cioaba a été ferme :
le cas de Romulus Mailat est seulement un prétexte. Le Roi
des Rroms a annoncé qu'il va envoyer à Prodi une lettre
moyennant laquelle il désirait, premièrement, exprimer la
désapprobation du geste du jeune Romulus Mailat et présenter
des excuses au nom de la communauté tsigane et,
deuxièmement, attirer l'attention du Premier ministre
italien que, par son décret, il viole gravement la
législation européenne. La modalité de présentation de
l'agression d’Italie, ayant comme potentiel auteur un
roumain d’ethnie rrome, reflète réellement une vieille image
des Roumains à l'étranger, l'incident étant l'étincelle qui
a fait exploser le baril de poudre sur lequel se trouvaient
déjà nos compatriotes, présumés d’être coupables dans leur
totalité.
La presse a réagit immédiatement. «L'agression d’une
italienne par un citoyen d’ethnie rome, finalisée avec la
morte de la victime, a déclenché en Italie une explosion de
révolte sans précédent contre les étrangers et a modifié la
législation concernant l'immigration», écrivait le quotidien
The Guardian. « Le cas de Giovanna Reggiani n'est que le
dernier d'une longue série d'affaires criminelles», a noté
le journal La Repubblica, dans l’article intitulé «La bandiera
della Romania». Le quotidien milanais Corriere della Sera du
vendredi le 2 Novembre 2007, écrivait que la police a lancé
des raids et la démolition de camps de Rroms et elle a
commencé leur évacuation. Il Messaggero, le quotidien de la
capitale italienne, présentait le même message sur la
première page intitulé «Des contrôles dans la zone des
nomades et les premières décharges». Le journal, qui a
publié aussi l'image de Nicolae Romulus Mailat, présente
dans ses paragraphes le résultat de l’examen médico-légal du
Docteur Luigi Cipolloni de l’Hôpital «La Sapienza» à Rome:
«La coma de Giovanna Reggiani a été causé par un traumatisme
cranio - faciale, qui a conduit à une hémorragie interne
dans le cerveau». L'article continue avec des détails sur le
contrôle des 70 Roms qui vivaient dans 78 casernes, entre
Tor di Quinto et Foce dell'Aniene, commencé par la police
dès les premières heures du matin d’après l'incident. À Tor
di Quinto, où vivait aussi Mailat, 17 habitants du camp ont
été identifiés sur la base des documents en tant
qu’immigrants, 6 ont été retrouvés sans papiers d'identité,
et 35 avec de faux papiers. En Foce dell'Aniene, des 35
Rroms contrôlés, 11 n’avaient aucune pièce d’identification,
et 43 avaient de faux papiers. Les carabiniers ont continué
les vérifications approfondies dans les deux camps de Roms.
Il Messaggero publiait, en outre, des déclarations des
citoyens roumains d’ethnie rome: «Cette nuit-là, Nicolae se
rendit à boire avec un ami de la République de Moldavie. À
propos de Nicolae, les Roms du camp disent qu'ils ne savent
rien de l'assaut, mais que pendant qu'il était en Roumanie,
il avait été hospitalisé pour être malade et il se passait
mal avec sa tête». D'autres Roms du camp disent que, s'il
«avait fait de même avec une de nos femmes ou mères ou nos
filles, elles l’auraient tué». La Repubblica, quotidien de
Rome, publiait la réponse tranchante de Carlo Mosca, le
préfet de Rome: «Les mesures sévères sont nécessaires parce
que, dans le cas des bêtes, nous ne pouvons pas répondre
qu’avec la plus grande sévérité. Et l'équation «Tous les
Roumains sont des délinquants» est inacceptable. L'eau doit
être débarrassée de poissons infectés afin de protéger leurs
compatriotes qui viennent en Italie pour travailler
honnêtement». Il secolo XIX, le journal de Gênes, signale qu’à
une distance de quelques kilomètres Nicolae Romulus Mailat,
l’exécuteur, a montré la plus grande indifférence et a nié
avoir tué Giovanni. Mailat a dit au sénateur Salvatore
Bonadonna, qui lui a rendu une visite dans la prison Regina
Coeli, qu’il a seulement volé le sac à la gare de Tor di
Quinto et qu’il n'a même pas touché la femme.
Suite au scandale généré par le cas du Mailat, les
télévisions italiennes ont rapporté, comme une obsession,
les histoires de certaines familles de tsiganes qui
semblaient parler plus correctement l'italien que la langue
de leur pays d'origine, et cela parce qu'ils vivent depuis
de nombreuses années dans la Péninsule. Après quelques jours
passés dans la péninsule, l'impression est que la plupart
des Italiens sont chaleureux et exubérants, et non pas
réticents lorsqu'un touriste roumain leur demander l'aide,
et certains sont vraiment curieux d'en savoir plus sur la
Roumanie, le niveau de vie ou de lieux à visiter. Il y a
aussi le contraire: les excès des roumains rencontrent,
parfois, les excès italiens. Non plus tard d’une semaine
après l'incident au cours duquel il a été impliqué Mailat,
deux jeunes roumains ont été poignardé près de la ville de
Turin, augmentant ainsi les statistiques noires des
incidents au cours desquels les roumains deviennent des
victimes.
D'autre part, il ne faut pas ignorer la responsabilité
des autorités de Bucarest. Peut-être le problème créé par le
décret pris par le gouvernement italien aurait été résolu
autrement si de la situation de l'immigration s’occupait un
ambassadeur, non pas le chargé d'affaires de l'Ambassade de
la Roumanie à Rome, Radu Horumba, clairement au-delà de la
situation créée par le cas Mailat. Il convient de mentionner
que, au moment de l'incident, le poste d'ambassadeur à Rome
est resté vacant pendant huit mois, et les citoyens roumains
en Italie se sont déclarés plusieurs fois mecontents de
l’indolence des représentants diplomatiques en Italie.
Mais cela n'excuse pas l’impotence des diplomates roumains
dans la capitale italienne pour répondre efficacement à une
situation de crise ; on peut dire que les représentants de
l'Ambassade à Rome, ont échoué au test de la diplomatie.
Inévitablement, il est issu une autre situation qui a
conduit à l’augmentation de la crise: les journalistes qui
ont écrit sur le cas Mailat n’ont pas respecté, en grande
partie, la présomption d'innocence, en violant ainsi
l'éthique journalistique, selon un rapport publié par
l'Agence de Surveillance des Médias concernant la couverture
médiatique de cet événement (PHC, 2008).
Pour l’établissement de l'étude publiée à la fin de
Janvier 2008, l’Agence de Surveillance des Medias a suivi,
pendant la période comprise entre le 1 et 10 Novembre 2007,
les éditions en ligne des journaux Jurnalul National et Evenimentul
Zilei, ainsi que celle du tabloïd Libertatea. Ils ont été
analysés 78 articles qui se réfèrent à Romulus Mailat et les
événements connexes. Les trois publications ont été choisies
en fonction de la circulation, ceux-ci occupant les trois
premières positions - selon les données publiées par le
Bureau Roumain d’Audit des Tirages (BRAT). Les éditions en
ligne ont été privilégiées car elles permettent aux lecteurs
d'afficher des réactions aux articles, il était donc
possible une analyse claire de l'opinion publique contre
cette pratique2.2 C.I, «Etude AMP: Le cas Mailat a produit des dérapages graves dans la presse roumaine et italienne», Hot News.ro, mercredi, le 20 février 2008, 19:26 – voir http://economie.hotnews.ro/stiri-media_publicitate-2408265-studiu-amp-cazul-mailat-produs-derapaje-grave-presa-romana-
Intitulé «Le Cas Mailat dans la presse - du crime à la
crise», le rapport indique que «dans moins d'une semaine, le
cas Mailat s’est développé d’une manière spectaculaire, de
la présentation d’un présumé crime commis par un citoyen
roumain en Italie, à la description des relations roumaines-
italiennes dans un registre marqué par la violence et
l'hostilité». Ainsi, Ionut Codreanu et Nicoleta Fotiade,
ceux qui ont coordonné la réalisation du rapport affirment
que les journalistes roumains et italiens ont transformé
«une infraction en phénomène infractionnel, un citoyen de la Communauté en
immigrant, une personne appartenant à un groupe ethnique et une ethnie dans
une nation» ; la conclusion était que les publications locales
se sont rapportées presque exclusivement aux informations
fournies par la presse italienne, sans vérifier, leur
véracité ou leurs sources.
La recherche a eu deux composantes: un quantitatif, qui
gérait le nombre d'articles publiés par trois journaux,
pendant la période comprise entre le 1 et le 10 Novembre (78
au total, dont: Jurnalul National - 29, Evenimentul Zilei - 27 et
Libertatea - 22), et un qualitatif, qui comprenait l'analyse du
contenu des articles. Ainsi, ils ont relevé trois thèmes
principaux d'intérêt: la réaction des autorités roumaines
dans la gestion de l'affaire (le thème dominant), le
phénomène infractionnel en Italie, en se concentrant sur les
italiana.htm
citoyens roumains dans le pays, et le déroulement du crime allégué
de Romulus Mail.
Conformément au rapport, des 78 articles, en 61 il
s’imposait le respect de la présomption d'innocence, et de
ceux-ci seulement 17 faisaient appel à ce sujet. L'étude a
également montré que, de la totalité des articles, 19 ont
été des matériaux d'opinion. Les attributs que les
journalistes des trois publications ont décidé d’utiliser
pour parler de l’ethnie Rrome, ont eu, en premier lieu, un
caractère indésirable, négativiste («Voleurs»,
«Infracteurs», «Assassins», «Criminels», «Bâtards»,
«Crimes», «Violes», «Agressions physiques», «Proxénétisme»,
etc.).
«Sous la pression de la crise, certains mécanismes
régulant le fonctionnement harmonieux du journalisme roumain
se sont détériorées, un système de règles s’est rompu», a
déclaré Mircea Toma, le président de l'AMP. Il a souligné
que l'intention à l'égard de ce rapport, n’a pas été
d’incriminer le journaliste roumaine. «Je pense, toutefois,
qu'il est besoin de formation des journalistes pour des
situations de crise», a déclaré Mircea Toma. Le Président de
l'Association des Journalistes de la Roumanie (AJR), Cezar
Ion, a souligné l'importance «de l'éducation du journaliste
dans l'esprit des règles de déontologie», qui «commence de
chaque rédaction en partie».
Conformément aux conclusions du rapport «le public
roumain a appris, dans les premiers jours de Novembre 2007,
des nouvelles sur l'expulsion, plus spécifiquement sur des
milliers d'expulsions ou de messages lus, plus ou moins
conciliants, présentés d’un côté et de l’autre de l'Europe,
et quand on n’a pas eu des données sur l'enquête du suspect
de crime ou des information sur les mesures prises par les
autorités de Bucarest, ont été mentionnés les statistiques
qui placent les roumains sur le podium de la criminalité de
l’Italie».
«La crise roumaine-italienne» a offert le cadre idéal
pour projeter dans l’esprit collectif l’image du roumain
honnête, victime de la xénophobie et/ou du racisme dans la
péninsule. Dans le même contexte ont été présentés les
gaffes diplomatiques des officiels roumains et les activités
de propagande des partis politiques en Roumanie. Le tumulte
des événements a permis l'émergence de certaines
irrégularités dans le démarche d’information du public: la
violation de la présomption d'innocence dans le cas de
Romulus Mailat et l’association fréquente de l’ethnie Rrome
à la criminalité», affirme le rapport. Le fait est que
Nicolae Romulus Mailat a été accusé de crime, agression
sexuelle et vol. La veille de l’accomplissement d’une année
après les événements, le 29 Octobre, 2008, la Cour d'Assises
de Rome l’a condamné à 29 ans de prison.
L’acte de Mailat reste – ainsi que les autres actes
criminels des roumains en Italie - un geste répréhensible et
capable d’horrifier le sens civique et moral de chaque
citoyen, indépendamment de l'appartenance ethnique. Mais la
présentation subjective de cette situation a stigmatisé
l'ensemble de la communauté roumaine en Italie. Les images
des roumains vivant dans des tentes à la périphérie des
villes italiennes, les informations publiées dans les médias
concernant les roumains qui commettent des crimes dans ce
pays étaient la poudrière qui avait besoin d'une étincelle:
le cas Mailat-Giovanna Reggiani. Les valeurs de l’Union
Européenne et les droits universels de l'homme ont passé à
l'arrière-plan.
Au début du XXI siècle, nous avons assisté à deux
xénophobies, presque symétriques, qui ont alimenté l’une
l'autre, à travers les médias des deux pays européens, selon
le principe des miroirs parallèles: la xénophobie italienne dirigée
contre les immigrés roumains et la xénophobie des roumains contre l'émigration
des Roms en Italie, qui affecte «l'image de la Roumanie» et
«l’image de roumains qui travaillent honnêtement en Italie3.
3 Les roumains établis légalement en Italie ont leur dédier un clipdiffusé sur le canal Italia1, à la mi-novembre 2007. Le clip contenaitdes messages extrêmement durs à l’adresse des co-citoyens roms coupablesd’actes infractionnels. «Tuez-vous !», «Allez à la prison !», «Vous êtesdes bêtes !», «Nous ne vous supportons plus !», «Vous avez salit le nomde roumain !», «Tournez à la maison !», disaient les 12 roumains quidéfilaient sur l’écran, devant le drapeau de la Roumanie. Parmi les« bons roumains il y a une journaliste, une secrétaire, un soigneur, uninformaticien, un électricien, un garçon, un intermédiaire financier,une personne qui travaillait dans le domaine de l’assistance pour lesimmigrants, un mécanicien et un ouvrier. A notre avis, les 12 visages de
Cet épisode a révélé une situation paradoxale, que je
qualifierais comme «xénophobie interne». Outre les étrangers
venant de l'étranger il y a aussi «nos» étrangers, les
minorités nationales. La Roumanie n’a pas réussi leur
intégration symbolique, par conséquent, comment peut-on dire
d’un tzigane qu’il est roumain quand il est vraiment gitane? Et à l’inverse:
Comment peut-on dire d’un gitan qu’il est roumain? Comme le disent les
Italiens! Comment dit l'Ouest!!!
On ne pourra pas parler avec consistance de
l’intégration paneuropéenne des pays de l'Union Européenne
pour autant que dans nos pays il n’y a pas l’intégration interne,
la communication et la coopération entre tous les groupes
ethniques. Et la presse a fait beaucoup à cet égard. Que ce
soit sa dimension informative, où les nouvelles doivent
assumer le poste de «carte culturelle du monde» comme la
définition de Ioan Dragan (2008, p. 135-139), que ce soit la
dimension formative, où la langue devrait être utilisé comme
un instrument de connaissance et de (re)modelage de
l'identité nationale, tel que proposé par Malina Ciocea lors
de l'analyse «langue-programme» (Ciocea, 2009, p. 135-152),
les médias ont un rôle crucial dans la gestion des
différences culturelles dans un monde global. En bref, la
la « xénophobie interne». Le clip a été diffusé dans le cadre del’émission «Les Hyènes», un talk-show connu, au cours duquel lesparticipants ont voulu ironiser l’hystérie contre les roumains del’Italie, mais ils l’ont fait en récapitulant les infractions commisespar les citoyens roumains. Un jour avant, le même poste de télévisionavait diffusé des images avec cinq roumains qui avaient vandalisé le bard’un italien.
presse ne devrait pas se contenter en créant l'illusion
d'interaction (Meyrowitz), mais elle doit proposer de construire
une culture d'interaction entre les groupes ethniques et, si
possible, la formation de la troisième culture (Casmir).
Mais pour que ces choses se produisent lorsque l'on
veut, le système des médias doit redéfinir son rôle dans la
société contemporaine et définir explicitement ses propres
objectifs, autres que ceux dictés par le marché. Dans ce
but, nous laissons, cependant, le terrain de jeu que nous
avons marqué pour entrer dans un autre domaine: le
territoire de la responsabilité sociale de grandes sociétés
de presse...
Références
1. L’Agence de Surveillance des Médias (AMP). 2008. «Le CasMailat dans la presse – du crime à la crise», Media Fax, Bucarest.http://www.mediafax.ro/cultura-media/raport-amp-in-cazul-mailat-presa-nu-a-respectat-prezumtia-de-nevinovatie.html?1706;2402323. 15:42, le20.02.2008.2. Borţun Dumitru. 2005. Les relations publiques et la nouvelle société.Bucarest: Maison d’Edition Triton. 3. Casmir Fred L. (dir.). 1978. Intercultural and internationalcommunication. Washington: University Press of America.4. Casmir Fred L., Asuncion-Lande Nobleza C. 1990. «Intercultural Communication Revisited: Conceptualization,Paradigm Building, and Methodological Approaches ».Communication Yearbook, n° 12. Univeristy of Kansas. p. 278-309.
5. Ciocea Malina. 2009. La sécurité culturelle. Le dilemme de l'identitédans le monde global. Bucarest: Maison d’Edition Triton. 6. Dragan Ioan, Cismaru Diana-Maria (dir.). 2008. Teleromaniaen 10 jours. Bucarest: Editura Triton. 7. Goffman E. 1971. Relations in public. New York: Basic Books. 8. Goffman E. 1974. Frame analysis: An essay on the organization ofexperience. Cambridge: Harvard University Press.9. Linton Ralph. 1968. Le fondement cultural de la personnalité.Bucarest: Maison d’Edition Stiintifica10. Meyrowitz J. 1985. No Sense of Place. New York: OxfordUniversity Press.