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© Koninklijke Brill NV, Leiden, 2013 DOI: 10.1163/1477285X-12341245 Journal of Jewish Thought & Philosophy 21 (2013) 143–160 brill.com/jjtp Décision humaine et animale dans la pensée de Rabbi Isaac Israeli Shalom Sadik Tel-Aviv University Cohn Institute; Bar Ilan University [email protected] Résumé Le but de cet article est d’analyser la théorie du libre arbitre de Rabbi Isaac Israeli (9 ème -10 ème siècle, Kairouan). Dans la première partie est exposée la différence entre la psychologie animale et la psychologie humaine. Selon Israeli, l’homme peut agir dans une situation spécifique de plusieurs manières différentes en raison de sa capacité de discernement et plus précisément de la cogitation et de la considération. Ses capacités lui permettent d’acquérir des sciences théorétiques et d’être capable de différencier le bien du mal. Les animaux, ne possédant pas ses capacités, sont donc déterminés à agir d’une seule et même manière dans chaque situation particulière. Dans la seconde partie, nous voyons que la liberté humaine est une conséquence de la situation intermédiaire de l’homme entre les purs intellects et les animaux. L’homme se sert de sa cogitation et de sa considération pour atteindre une connaissance plus élevée. Tant qu’il se sert de ces deux capacités, sa connaissance n’est pas parfaite et il est encore hésitant. Après avoir réussi à s’unir à l’intellect universel, l’homme ne se servira plus de sa cogitation ni de sa considération, n’hésitera plus, et agira dans chaque situation de la meilleurs manière possible. Abstract The aim of this article is to analyze the opinion of Rabbi Isaac Israeli (ninth-tenth century, Kairouan) on the question of free will. The first part of the article describes the difference between human and animal psychology. According to Israeli, a human being can act in a number of ways when faced with a specific situation. The reason for this ability is the capacity of discernment, and more specifically of cogitation and consideration. Due to these capacities humans are able to acquire theoretical and practical knowledge and become capable of differentiating between good and evil. Because animals do not possess these capacities, they are limited to acting in a definite way in particular situations. The second part of the article demonstrates that human freedom is a consequence of humans’ position between pure intellect and beast. People use their cogitation and consideration to attain a higher level of knowledge. However, as long as humans use those capacities their knowledge will remain imperfect and they will continue to hesitate and be uncertain. Once they have united with the universal intellect they will not use those capacities any more. They will no longer be uncertain and will act in the best possible way in all situations. Mots-clés Isaac Israeli, libre arbitre, akrasie, néo-platonisme juif

Décision humaine et animale dans la pensée de Rabbi Isaac Israeli

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© Koninklijke Brill NV, Leiden, 2013 DOI: 10.1163/1477285X-12341245

Journal of Jewish Thought & Philosophy 21 (2013) 143–160 brill.com/jjtp

Décision humaine et animale dans la pensée de Rabbi Isaac Israeli

Shalom SadikTel-Aviv University Cohn Institute; Bar Ilan University

[email protected]

RésuméLe but de cet article est d’analyser la théorie du libre arbitre de Rabbi Isaac Israeli (9ème-10ème siècle, Kairouan). Dans la première partie est exposée la différence entre la psychologie animale et la psychologie humaine. Selon Israeli, l’homme peut agir dans une situation spécifique de plusieurs manières différentes en raison de sa capacité de discernement et plus précisément de la cogitation et de la considération. Ses capacités lui permettent d’acquérir des sciences théorétiques et d’être capable de différencier le bien du mal. Les animaux, ne possédant pas ses capacités, sont donc déterminés à agir d’une seule et même manière dans chaque situation particulière.

Dans la seconde partie, nous voyons que la liberté humaine est une conséquence de la situation intermédiaire de l’homme entre les purs intellects et les animaux. L’homme se sert de sa cogitation et de sa considération pour atteindre une connaissance plus élevée. Tant qu’il se sert de ces deux capacités, sa connaissance n’est pas parfaite et il est encore hésitant. Après avoir réussi à s’unir à l’intellect universel, l’homme ne se servira plus de sa cogitation ni de sa considération, n’hésitera plus, et agira dans chaque situation de la meilleurs manière possible.

AbstractThe aim of this article is to analyze the opinion of Rabbi Isaac Israeli (ninth-tenth century, Kairouan) on the question of free will. The first part of the article describes the difference between human and animal psychology. According to Israeli, a human being can act in a number of ways when faced with a specific situation. The reason for this ability is the capacity of discernment, and more specifically of cogitation and consideration. Due to these capacities humans are able to acquire theoretical and practical knowledge and become capable of differentiating between good and evil. Because animals do not possess these capacities, they are limited to acting in a definite way in particular situations.

The second part of the article demonstrates that human freedom is a consequence of humans’ position between pure intellect and beast. People use their cogitation and consideration to attain a higher level of knowledge. However, as long as humans use those capacities their knowledge will remain imperfect and they will continue to hesitate and be uncertain. Once they have united with the universal intellect they will not use those capacities any more. They will no longer be uncertain and will act in the best possible way in all situations.

Mots-clésIsaac Israeli, libre arbitre, akrasie, néo-platonisme juif

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KeywordsIsaac Israeli, free choice, akrasia, Jewish Neo-Platonism

Le libre arbitre et sa définition étaient au Moyen-Âge, et le sont encore aujourd’hui, des éléments essentiels de toute pensée philosophique1. Il en est de même dans l’œuvre de Rabbi Isaac Israeli (dans la suite de l’article Israeli), médecin renommé et l’un des premiers philosophes juifs de tendance néo-platonicienne. Israeli vécut du milieu du 9ème au milieu du 10ème siècle à Kairouan2, et a influencé la pensée scolastique chrétienne3. Malgré l’impor-tance de cet auteur, tant pour l’histoire de la philosophie juive postérieure que pour la compréhension des sources utilisées par les scholastiques chrétiens, sa théorie concernant la liberté humaine n’a pas été jusqu’ici analysée4.

Le but de cet article est, tout d’abord, d’établir la différence entre le proces-sus psychologique amenant à la décision chez l’homme et chez l’animal dans la pensée d’Israeli. Par la suite, nous essayerons d’analyser la dynamique interne de l’âme humaine et de définir l’essence de la liberté et de la responsabilité humaine. Dans ce but, nous analyserons les textes dans lesquels Israeli traite du choix et de la délibération dans ses différents écrits philosophiques5.

La compréhension du dynamisme de la psychologie humaine chez Israeli permet d’approfondir d’autres sujets traités par l’auteur. Par exemple, la théo-rie des trois parties de l’âme6 sera mieux comprise grâce à la description du

1   Pour une vue d’ensemble de cette question dans la philosophie scolastique voir entre autres J. Verweyen, Das Problem der Willensfreiheit in der Scholastik, auf Grund des Quellen dargestellt und kritisch gewürdigt (Heidelberg: C. Winter, 1909).

2 A propos de la vie et de l’œuvre philosophique d’Israeli voir entre autres A. Altmann et S. Stern, Isaac Israeli: A Neoplatonic Philosopher of the Early Tenth Century (Oxford: Greenwood Press, 1958). Il existe une nouvelle édition avec une préface d’A. Ivry, publié à Chicago, 2009 (la nouvelle édition a conservée la pagination de l’original); C. Sirat, Introduction a la philosophie juive au Moyen Age (Paris: Centre national de la recherche scientifique, 1983), 80-7.

3 A propos de son influence sur Thomas d’Aquin voir J. Guttmann, Das Verhältniss des Thomas von Aquino zum Judentum und zur jüdischen Literatur (Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht, 1891), 15. A propos de son influence sur d’autres auteurs scholastiques voir J. Guttmann, Die Scholastik des 13. Jahrunderts in ihren Beziehungen zum Judentum und zur jüdischen Literatur (Breslau: M. & H. Marcus, 1902), 55-0 (sur Albert le grand); 129-30 (sur Vincent de Beauvais); 139 (sur Bonaventure); et 150 (sur Roger Bacon).

4 L’article principal ayant trait à un sujet proche du notre est H. A. Wolfson, “Notes on Isaac Israeli’s Internal Senses,” Jewish Quarterly Review 51 (1961): 275-87. Cet article décrit les différents sens internes de l’âme mais ne traite pas du choix.

5 Les citations dans le texte de l’article seront celle des traductions latines. Dans les notes je citerai l’original arabe quand il existe et renverrai parfois aux traductions hébraïques médiévales.

6 A propos de ce sujet voir Altmann et Stern, Isaac Israeli, 165-70.

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rôle de chacune de ces parties dans le processus psychologique amenant à la liberté humaine. De plus, son opinion sur l’union entre l’intellect humain et l’intellect universel7 se verra enrichie par la compréhension de l’influence de cette union sur la psychologie de l’homme ayant accédé à ce niveau.

Comparaison de la psychologie humaine et de l’instinct animal

Israeli adopte la division de l’âme humaine de Plotin8. D’après cette division, les animaux possèdent les parties végétales, comprenant les tentations corpo-relles, ainsi que les parties animales de l’âme, tandis que l’intellect est la pré-rogative des humains9. Dans son livre De definicionibus Israeli différencie les capacités de l’âme appartenant aux humains et aux animaux10:

Cumque illud ita sit, tunc iam remanet ut sciamus quod animarum ordines sunt tres; unus eorum est ordo animae racionalis, et secundus est ordo animae animalis et bestia-lis, et tercius est ordo animae vegetabilis. . .11. Et propter hoc factus est homo racionalis discernens inquirens suscepibilis scienciae et sapienciae, separans inter laudabilia et vituperabilia, immorans in bonitatibus, alienans se a malis. Et proter hoc factus est remunerabilis damnabilis quoniam discernit inter illud quod remuneratur et inter illud propter quod damnatur12.

   7 Ibid., 185-95.    8 Plotin, Ennéades IV, 4, 28. La théorie de Plotin est elle-même une symbiose entre celle

d’Aristote et celle de Platon. Selon l’opinion d’Aristote (Aristote, De l’âme, traduction de Richard Bodeus [Paris: GF-Flammarion 1993], livre III, pp. 240-3) l’âme est divisée en trois parties: la végétative ou végétale; l’animale et l’intellectuelle. D’après le stagiarite, les tentations viennent de la partie animale de l’homme. Plotin adopte cette division de l’âme, mais attribue les tentations à la partie végétale de l’âme, influencé par la division de l’âme de Platon (La République).

   9 A propos de la division de l’âme chez Israeli voir entre autres Liber de definicionibus (J. T. Muckle, “Isaac Israeli, Liber de definicionibus,” Archives d’histoire doctrinal et littéraire du Moyen-Âge XII-XIII (1937-1938): 312-5. Les citations latines de cette œuvre d’Israeli se feront selon cette édition. Sur ce sujet voir aussi S. Stern, “The Fragments of Israeli’s ‘Book of Substances,’ ” Journal of Jewish Studies 7 (1956): 22-3 (les autres citations de se livre se baseront sur cette édition); traduction anglaise, Altmann et Stern, Isaac Israeli, 85.

10 Nous verrons par la suite que les humains peuvent fonctionner, dans certain cas comme des animaux et les animaux peuvent eux aussi avoir des capacités ressemblant à celles des humains. A ce propos, voir S. Stern, “Isaac Israeli’s ‘Chapter on the Elements’ (MS Mantua),” Journal of Jewish Studies 7 (1956): 55-7 (les autres citations de se livre se baseront sur cette édition); traduction anglaise, Altmann et Stern, Isaac Israeli, 124-5.

11   Ici Israeli dit que la partie rationnelle de l’âme vient de l’ombre de l’intellect. A propos de la théorie de l’émanation chez Israeli, voir entre autres Altmann et Stern, Isaac Israeli, 151-80.

12 Muckle, “Liber de definicionibus,” 313-4; traduction anglaise, Altmann et Stern, Isaac Israeli, 41.

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Et ceci étant tel, maintenant il nous reste à savoir que l’âme a trois parties13; l’une d’entre elles est la partie rationnelle de l’âme, la seconde est la partie animale et bestiale, et la troisième est la partie végétale de l’âme . . . et grâce à ce fait, l’homme est rationnel, discernant, cherchant (et) susceptible de science et de sagesse, capable de séparer l’honorable du méprisable, s’arrêtant sur les bonnes (actions), s’éloignant des mauvaises. Et grâce à ce fait (l’homme) est rémunérable et damnable car il discerne entre ceux (les actes) qui sont rémunérés et ceux pour lesquels il sera damné14.

Dans ce passage, Israeli définit les différentes capacités de l’âme qui sont l’apa-nage de sa partie rationnelle: le discernement (discernens) d’abord, c’est à dire (entre autre)15 la possibilité de faire des recherches et d’accéder à la science et à la sagesse, puis la capacité de faire la différence (separans) entre ce qui est honorable et méprisable. De ces capacités découle la possibilité pour l’homme de s’approcher des bonnes choses et de fuir les mauvaises (damnabilis). Grâce à elles, les humains sont sujets à la réprimande et à la rétribution divine car ils peuvent discerner entre les actes entraînant une récompense et ceux entraî-nant une réprimande16.

La capacité d’acquérir les sciences et la sagesse est purement théorétique17, alors que la capacité de distinguer entre différentes choses est pratique. Le discernement18 est indispensable aux deux. La responsabilité humaine19 est la conséquence de l’union des capacités théorétique et pratique. L’homme est sujet à la rémunération divine car il lui est possible, premièrement de savoir la vérité, et deuxièmement, de tirer les conséquences pratiques de cette connaissance20. Grace à ces deux capacités l’homme est libre et responsable

13 Ordine dans le texte latin. 14   Toutes les traductions sont les miennes. Les mots entre parenthèses ont été rajoutés pour

aider à la compréhension du texte. 15   Nous voyons dans la suite de ce passage que le discernement est aussi la capacité grâce à

laquelle l’homme différencie les actions bonnes (pour lesquelles il est rétribué) des mauvaises (pour lesquels il est damné).

16   A propos de la rétribution divine voir entre autres Muckle, “Liber de definicionibus,” 302; traduction anglaise Altmann et Stern, Isaac Israeli, 12.

17   A propos de la définition de la sagesse voir Muckle, “Liber de definicionibus,” 306-7. 18   A propos de la définition du discernement voir Muckle, “Liber de definicionibus,” 321. Le

terme judeo-arabe pour le discernement est תמיז. Pour l’original arabe et la définition du discernement voir H. Hirschfeld, “The Arabic Portion of the Cairo Genizah at Cambridge, no. vi,” Jewish Quarterly Review 15 (1902): 691 (les citations futures de l’original arabe du Liber de definicionibus seront basées sur cette édition). A propos du discernement dans la pense d’Israeli voir Wolfson, “Notes on Isaac Israeli’s Internal Senses.”

19   Responsabilité qui découle de la capacité de la l’homme à différencier le bien du mal. 20 Aristote (Ethique a Nicomaque VII, 3-5) définit le contrôle de soi de l’homme comme la

capacité de tirer les conséquences pratiques de ses connaissances théorétiques. Selon leur opinion,

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de ses actes21. Il est important de noter qu’Israeli utilise des mots venant du verbe discenere pour designer l’acquisition de la connaissance ainsi que sont application pratique ce qui montre que le discernement comprend les facul-tés utiliser pour ses deux activités22.

Dans la suite du De definicionibus Israeli expose quelles sont les capacités de l’âme animale:

Et inferior quidem anima racionali . . . est anima bestialis . . .23 et privatur perscruta-cione et discrecione et facta est aestimativa secundum veritatem et meditativa secun-dum transposicionem. Iudicat enim de re ex eo quod apparet, non ex eo ubi est veritas. Et ex proprietate eius sunt sensus et motus et permutacio in locis et propter hoc fac-tae sunt bestiae presumptuosae multae audaciae quarentes victoriam et principatum sicut leo qui quaerit dominium super alias bestias absque investigacione et discrecione et cognicione eius quod facit; significat autem quod bestiae sunt aestimantes et non discernentes. . . . Et propter hoc non consequuntur bestiae retribucionem neque poe-nam quoniam non discernunt neque sciunt illud quod remunerantur, licet faciant ipsum et mereantur sibi retribucionem aut faciam contrarium ipsius et diversum ab eo et mereantur damnacionem sibi. Illud quidem est quia privata sont investigacione et discrecione et percepcione veritatum rerum et quia appropriata sunt cum aestima-cione et meditacione24.

Et celle-ci (la partie de l’âme étant) inferieure à l’âme rationnelle . . . est l’âme bestiale . . . et elle est privée du pouvoir de scruter et du discernement et en fait elle est

l’homme perd le contrôle de ses actes quand ses tentations corporelles l’empêchent de tirer les conclusions pratiques de ses connaissances théorétiques. Nous verrons dans la suite de l’article qu’Israeli a une opinion plus proche de celle de Socrate que de celle d’Aristote sur ce sujet.

21   Il est théoriquement possible (selon ce texte) que selon Israeli l’homme ne soit en fait pas libre de ses actes mais juste responsable des actions qu’il commet. Cette opinion est celle du philosophe juif espagnol de la fin du 14ème et debut du 15ème Rabbi Hasdai Crescas. A ce propos voir entre autres: Rivon Krygier, A la limite de Dieu: L’énigme de l’omniscience divine et du libre arbitre humain dans la pensée juive (Paris: Publisud, 1998), 179-213; S. Feldman, “Crescas’ Theological Determinism,” Daat 9 (1982): 3-28; S. Feldman, “A Debate Concerning Determinism in Late Medieval Jewish Philosophy,” Proceedings of the American Academy for Jewish Research 51 (1984): 15-37; A. Ravitsky, Crescas’ Sermon on the Passover and Studies in His Philosophy (en hébreu) (Jérusalem: Magnes, 1988), 34-68. Mais Israeli ne mentionne nulle part une telle théorie inexistante dans la pensé juive philosophique avant le début du 14ème (Abner de Burgos). De plus les textes que nous allons voir par la suite (essentiellement dans la deuxième partie de l’article, sur l’hésitation) rendent une telle opinion très peu probable.

22 Chez Israeli la différence entre le vrai et le bien existant chez Maimonide (Guide des égarés I, 2) n’existe pas. Selon lui, la définition du bien est l’application pratique du vrai. Pour pouvoir faire le bien, l’homme doit donc découvrir le vrai.

23 Dans ces deux passages Israeli mentionne que l’âme animale émane de l’âme rationnelle. 24 Muckle, “Liber de definicionibus,” 314-5; traduction anglaise, Altmann et Stern, Isaac Israeli,

41-2.

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estimative selon la vérité et méditante ( juste) de manière métaphorique25. Elle juge donc les choses selon leur apparence, non selon ce qu’elles sont en vérité. Et parmi les propriétés (de l’âme bestiale) sont les sens, le mouvement et la permutation de lieux et grâce à ses faits les bêtes sont supposer (être) plus audacieuses dans la recherche de la victoire et le pouvoir, comme le lion qui cherche dominer les autres bêtes sans investi-gation, discernement et cogitation de ce qu’il fait; ce qui signifie aussi que les bêtes sont estimantes et non discernantes. . . . Et pour cela les animaux ne reçoivent ni rétribution ni peine car ils ne discernent ni ne savent ceux (les actes) qui sont rémunérés, de même (ils ignorent) les actions (qu’ils devraient) faire pour mériter la rétribution ou s’ils fai-saient le contraire (de ces actions) et (agissaient) différemment d’elles26 méritant par là leur damnation. Il est de même car (les animaux) sont privées d’investigation, de discernement et de perception des choses (telle qu’elles sont) en vérité et parce que leurs propriétés sont l’estimation et la méditation.

Dans ce passage, Israeli établit la liste des capacités que l’âme animale possède et de celles qui lui manque. Les animaux n’ont ni discernement (discrecione), ni pouvoir de scruter (perscrutacione), ni investigation, ni cognition27. Par contre ils possèdent les différents sens: la capacité de se mouvoir, l’estimation28 (capacité permettant aux animaux de juger instinctivement de leurs actions) et la méditation pour décider de leurs actes. De plus les animaux sont incapables de reconnaitre les choses pour ce qu’elles sont en vérité. C’est pourquoi, les animaux ne sont pas responsables de leurs actes. Ils sont incapables de savoir si un acte est digne d’une récompense ou amène à la punition.

Israeli décrit dans ce passage la différence essentielle entre les humains et les animaux. Les premiers sont sujets à la rétribution divine car ils se servent de leur capacité rationnelle pour découvrir la vraie essence des choses, fuir les actes amenant à la damnation et se rapprocher de ceux amenant une rému-nération. Les animaux au contraire ne disposent que des données que leurs sens leur transmettent. Ils ne connaissent donc ni damnation, ni rémunération étant donné que la différentiation entre les actes entrainant une récompense

25 C’est à dire que l’âme bestiale est appelée méditante par métaphore et en vérité elle est estimative.

26 C’est-à-dire que les animaux agissaient d’une manière différente de la manière amenant la rétribution.

27 Le terme judéo-arabe pour la cognition est פכר, pour la définition de la cognition dans l’originale arabe voire Hirschfeld, “The Arabic Portion of the Cairo Genizah at Cambridge, no. vi,” 690; pour cette définitions dans la traduction latine voir Muckle, “Liber de definicionibus,” 321. A propos de la définition de cette capacité chez Israeli voir H. A. Wolfson, “Notes on Isaac Israeli’s Internal Senses.” Nous verrons plus tard les différents rôles de cette capacité chez Israeli.

28 Le terme judéo-arabe pour l’estimation est ּטן. A propos de la définition de l’estimation dans l’original arabe voir Hirschfeld, “The Arabic Portion of the Cairo Genizah at Cambridge, no. vi,” 691-2. Pour la traduction latine de cette définition voir Muckle, “Liber de definicionibus,” 324. Il est important de noter que le terme arabe habituellement traduit par estimation est והם.

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ou une punition dépend du discernement. De plus, même s’ils connaissaient ces catégories de manière intellectuelle, ils seraient incapables d’établir la cor-respondance entre actes et catégories intellectuelles.

L’étude de ce passage du De definicionibus montre que la liberté de l’homme vient des ses capacités rationnelles. Dans la suite de cet article, nous essaye-rons d’analyser la dynamique des différentes capacités, tant chez les hommes que chez les animaux, dans le but de définir la place de la liberté humaine. Par liberté nous entendons la possibilité réelle pour l’homme d’agir, dans une situation donnée, de plusieurs manières différentes.

Tournons nous maintenant vers l’analyse du processus psychologique ame-nant à l’acte animal: l’animal dispose au même titre que l’humain de la volonté. En effet toute action corporelle dénote, selon Israeli, de la volonté de l’être agissant29. L’animal reçoit de ses sens les données de base sur le monde exté-rieur et sur ses propres besoins physiques30. Il estime31 alors quel est l’acte le plus approprié. Cette estimation conduit alors à la naissance de la volonté qui fait se mouvoir l’animal vers le but estimé être le meilleur. Le problème prin-cipal de l’estimation est qu’elle permet à l’animal d’appréhender une situation uniquement selon son aspect extérieur (ex apparicione) et non selon la vérité (ex eo ubi est veritas). L’animal n’a donc pour but que de satisfaire ses besoins naturels. De plus il est incapable de discerner la vraie signification des données que ses sens lui fournissent, ce qui le gène également dans la satisfaction de ses besoins.

Quelle sont les différences qui existent entre le processus psychologique de l’homme et celui de l’animal? L’homme, contrairement à l’animal, peut arri-ver à un stade de purification qui lui permet d’annuler ses instincts corporels. Israeli décrit ce niveau élevé que l’homme a acquis après avoir été illuminé par l’intellect:

Inquit Isaac: haec descripcio32 est magna et longae profunditatis et sublimis intencio-nis; sapiens namque voluit, cum dixit solicitudo mortis, intelligi sollicitudinem cum mortificacione desideriorum animalium et voluptatum bestialium33.

29 A propos de la volonté animale voir Muckle, “Liber de definicionibus,” 325; traduction anglaise, Altmann et Stern, Isaac Israeli, 64-5.

30 A propos de l’influence des sens sur les actions (des humains et des animaux) voir Muckle, “Liber de definicionibus,” 324-5; traduction anglaise, Altmann et Stern, Isaac Israeli, 64.

31 A propos de l’estimation voir note 20.32 Dans ce passage Israeli commente une phrase attribuée à Platon dans laquelle il dit que les

philosophes désirent la mort. 33 Muckle, “Liber de definicionibus,” 305; traduction anglaise, Altmann et Stern, Isaac Israeli, 26.

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Isaac dit: Cette description est grandement et longuement profonde ainsi que sublime-ment intentionnelle; quand il dit “sollicitant la mort,” il a la connaissance et la volonté d’exprimer “sollicitant la mort des désirs animaux et des voluptés bestiales.”

Nous voyons ici que, contrairement aux animaux qui sont les sujets passifs de leurs désirs bestiaux, les humains ont la possibilité d’amoindrir ces désirs jusqu’à leur complète annihilation. Chez les hommes, l’impact du désir ne dépend pas seulement de l’état physique et des données extérieures mais aussi du niveau intellectuel. L’homme illuminé par l’intellect, non seulement domine ses désirs bestiaux, mais il ne les ressent même plus34.

Israeli décrit les différentes sortes d’homme et leurs désirs dans plusieurs de ses œuvres comme par exemple dans le De elementibus, où, dans un passage, il explique la manière dont la bible s’adresse aux hommes35.

Namque est aliquis in quo animalis anima iam vicit et qundam est in quo iam vicit anima vegatabilis36.

Et dans certains (hommes) l’âme animale vainc (les autres parties de l’âme) et dans d’autre c’est l’âme végétale qui vainc.

Comme nous le voyons dans ce passage, l’homme peut être dominé par des âmes différentes. Israeli mentionne dans la suite de ce texte que les désirs de l’homme dépendent des relations entre les diverses parties de son âme37. Un homme chez qui l’âme végétale38 domine sera attiré par les plaisirs corporels dépendant de cette âme (nourriture; boisson et reproduction). Un homme dominé par son âme animale39 sera prompt à la colère et aux meurtres. Il en va

34 Nous verrons par la suite que c’est état peut être définie comme une seconde liberté. La liberté de l’homme d’agir selon sa nature supérieure (c’est-à-dire son intellect). Cette liberté contredit la premier car l’homme complètement libère de ses désires bestiaux n’agis plus que conformément a sont intellect et ne peut donc agir que d’une manière (la bonne) dans une situation donnée.

35 Sur la théorie de la prophétie d’Israeli voir Altmann et Stern, Isaac Israeli, 209-17.36 Omnia opera Ysaac, editeur: J. De La Plate (Lyon, 1515), 10. Pour la traduction hebraique de

ce texte voir S. Fried, ed., Das Buch über die Elemente (Frankfurt: Zopnik, 1900), 57-8. A propos de la division des humains selon l’âme dominante voir aussi le texte de Mantou: Stern, “Isaac Israeli’s ‘Chapter on the Elements’ (MS Mantua),” 124-5.

37 L’âme est ici entendue dans un sens plus large que dans la phrase antérieur. Ici il s’agit de l’âme comprenant toute les parties non corporelles de l’homme. Dans la phrase d’avant chaque âme représentait juste une certaine partie de cette dernière (l’âme végétale ou bestiale par exemple).

38 Cette a dire la partie végétale de l’âme. 39 Ou par la partie animale de l’âme.

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de même pour les autres âmes. Il est aussi possible, comme le dit Israeli par la suite, qu’un homme soit dominé par deux âmes à la fois, par exemple l’homme dominé par les âmes végétale et rationnelle remplira les besoins de son âme végétale de manière rationnelle et pudique . . .

Nous voyons donc dans les deux textes précédents que les sentiments de l’homme vis à vis de ses différents désirs dépendent de son niveau intellectuel (le sage étant uniquement dominé par son âme rationnelle)40. La question qui se pose alors est la suivante: à quel point l’homme peut-il influencer la teneur de son niveau intellectuel et à quel point ce niveau dépend-il de données de base qu’il ne peut modifier (naissance, éducation et cetera)41.

Comme la plupart des philosophes néo-platoniciens, Israeli pense que l’homme a la possibilité de changer son état et d’élever son âme vers sa source intellectuelle.

Pour améliorer son niveau intellectuel, l’homme doit arriver à la connais-sance de la vérité. Les capacités par lesquelles l’homme arrive à cette connais-sance sont essentiellement la considération et la cogitation. Comme Israeli le mentionne expressément dans De definicionibus:

Definicio de racionalitate; racionalitas est scienca cadens super occulta cum conside-racione et cogitacione42.

Étant donné la différence entre la traduction latine et l’original arabe il est important de citer ici ce dernier:

אלקול עלי אלנטק אלנטק עלם ואקע עלי אלחקיקה באלרויה ואלפכר43

Définition de la raison: la raison est la science qui accède à la vérité par la considération et la cogitation.

D’après le texte original nous voyons que la considération (רויה) et la cogita-tion (פכר) conduisent à la vérité (אלחקיקה). La vraie connaissance intellec-tuelle dépend de la bonne utilisation de ces deux capacités rationnelles, qui

40 Cette a dire par la partie rationnel de son âme.41   Il est important de noter que le passage antérieur au texte cité établit une fois de plus que la

responsabilité humaine découle de la possibilité d’agir conformément à la volonté divine.42 Muckle, “Liber de definicionibus,” 321.43 Original de Liber de definicionibus, 690. Il faut noter que dans les textes latins médiévaux,

les mots venant de fikr sont traduits par cogito et cognicio. Sur la question de la traduction de fikr et wahm en hébreux, voir S. Sadik, “Sur le sens des mots fikr et wahm dans le judéo-arabe et sur le problème de leur traduction en hébreux au Moyen-âge,” qui doit être publié dans Leŝonenu.

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sollicitent non seulement la partie théorétique de l’âme rationnelle mais aussi sa partie pratique.

En effet c’est grâce à ces deux capacités que l’homme peut différencier le bien du mal. La comparaison de ce texte avec le premier passage cité, permet de conclure que la cogitation et la considération font partie du discernement, puisque le processus d’acquisition des sciences est attribué dans ici à la cogita-tion et la considération alors qu’auparavant, il était attribué au discernement.

La première des conditions de la responsabilité humaine est donc la connais-sance théorétique de la vérité qui dépend de l’utilisation par l’homme de sa cogitation et de sa considération44.

A présent tournons-nous vers la deuxième condition de la responsabilité humaine: la possibilité d’appliquer pratiquement les connaissances théoréti-ques et de différencier les bonnes actions des mauvaises:

Quod si quarens interrogaverit quare homo sit racionalis, dicetur ei ut discernat intelli-gencia sua, et investiget consideracione sua et cogitacione, et percipiat veritates rerum et faciat quod conveniens est veritati ex justicia et rectitudine, et inquirat bona et alie-netur e malis ut per hoc consequatur retribucionem creatoris45.

Si quelqu’un demande pourquoi l’homme est rationnel, nous disons: car il discerne par son intelligence, et investigue par sa considération et sa cogitation, et il connaît véritablement les choses et fait ce qui convient à la vérité de la justice et la rectitude, et cherche le bien s’éloigne du mal et par là, obtient la rétribution de son créateur.

Dans ce passage nous voyons que la définition de l’homme comme créature rationnelle dépend de ses capacités de cogitation46 et de considération qui

44 A propos de l’utilisation de la cogitation et de la considération pour arriver à la connaissance d’étant immatérielle voir entre autres Muckle, “Liber de definicionibus,” 302; traduction anglaise, Altmann et Stern, Isaac Israeli, 24-5; 317, traduction anglaise 46-7; Stern, “The Fragments of Israeli’s ‘Book of Substances,’ ” 27, traduction anglaise 92).

45 Muckle, “Liber de definicionibus,” 302; traduction anglaise, Altmann et Stern, Isaac Israeli, 12).46 Dans la philosophie arabophone nous pouvons distinguer deux manières différentes

d’utiliser le terme fikr: (1) Une réflexion pratique: cette réflexion est à la base du choix, ce dernier ne pouvant exister sans elle. Ce mode d’utilisation est particulièrement bien défini par Al-Farabi au début du 23e chapitre des Idées des habitants de la cité vertueuse (original arabe, éd. A. Aibarya [Tel-Aviv: Tel-Aviv University Press, 2007], 100; traduction française de R. P. Jaussen, Y. Karam, et J. Chlala [Le Caire: Institut français d’archélogie orientale, 1949], 68). (2) Une réflexion intellectuelle: qui permet d’acquérir des connaissances spirituelles. Ce sens est, lui aussi, utilisé par Al-Farabi au cours du 20e chapitre de cette œuvre (original arabe p. 90, traduction française p. 57). Dans une autre de ses œuvres (Fusūl Al-Madanī: Aphorisms of the Statesman, éd. D. M. Dunlop [Cambridge: University Press, 1961) Al-Farabi se sert de ce terme uniquement dans le premier des deux sens

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chez Israeli ont un sens pratique et théorétique47. Ces capacités lui permettent non seulement de percevoir les choses conformément à leurs vérités mais aussi de procéder aux actes vrais et justes. Comme nous l’avons vu plus haut, la res-ponsabilité de l’homme dépend de son aptitude à, premièrement connaître la vérité et, deuxièmement arriver à transformer cette connaissance théorique en connaissance pratique.

En conclusion, la responsabilité de l’homme dépend de deux de ses capa-cités rationnelles: sa cogitation (פכר) et sa considération (רויה). Grâce à ces deux capacités faisant partie du discernement48, l’être humain peut d’un côté découvrir la vérité, tant sur le monde physique que sur le monde spirituel, et de l’autre coté appliquer cette connaissance à des situations pratiques et donc faire la différence entre une bonne action et une faute.

vus plus haut. De plus il mentionne expressément que la réflexion est pratique. A ce propos voir par exemple les passages VI (arabe p. 106, anglais pp. 30-1), XXX (arabe p. 124, anglais p. 42) et XC (arabe p. 168, anglais p. 75). Contrairement à Al-Farabi, Avicenne utilise le plus souvent le terme fikr dans le deuxième sens vu plus haut. Par exemple dans son petit traité de l’âme (S. Landauer, “Die Psychologie des Ibn Sinâ,” Zeitschrift der Deutschen Morgenländischen Gesellschaft 29 [1875]: 335-418), il n’utilise que ce deuxième sens qui est aussi le plus courant dans les passages traitant de l’âme dans le Sifa et le Najat. Malgré cela, il utilise lui aussi au moins une fois le premier sens (le plus couramment utilisé par Al-Farabi) dans le Sifa: F. Rahman, Avicenna’s “De Anima”: Being the Psychological Part of “Kitâb Al-Shifâ’ ” (Londres: Oxford University Press, 1959), 40.

Dans la pensée juive arabophone postérieure à cette époque, il faut noter que Maïmonide emploie la plupart du temps le premier sens. C’est ce sens qu’il utilise toujours dans le Traité des huit chapitres influencé par les Aphorismes d’Al-Farabi (a ce propos voir H. Davidson, “Maimonides’ Shemonah Peraqim and Alfarabi’s Fusūl Al- Madanī,” Essays in Medieval Jewish and Islamic Philosophy, éd. A. Hyman [New York: Ktav Publishing House, 1977], 116-33). Dans le Guide, c’est aussi ce premier sens qui est le plus courant. Malgré cela, Maïmonide se sert aussi quelquefois du deuxième sens comme par exemple dans le 47e chapitre de la première partie. À propos du terme fikr dans la pensée juive médiévale, essentiellement chez Maïmonide, voir H. A. Wolfson, “Maimonides on the Internal Senses,” Jewish Quarterly Review 25 (1934): 441-67; H. A. Wolfson, “The Internal Senses in Latin, Arabic and Hebrew Philosophic Texts,” Harvard Theological Review 28 (1935): 69-133; A. Nuriel, Concealed and Revealed in Medieval Jewish Philosophy (en hébreu) (Jérusalem: Magnes, 2000), 142-6. Chez R. Yehuda Halevi, les deux sens sont utilisés: le premier (le pratique) par exemple dans le Kuzari 2e traité, §50 et 4e traité, §25, le deuxième (en rapport avec la connaissance théorétique) dans le 2e traité, §60 et 4e traité, §§5-6.

47 Contrairement a la plupart des penseurs arabe musulman postérieure l’utilisant surtout dans un sens et conformément a sont utilisation chez R. Yehuda Halevi (voir note précédente).

48 Israeli utilise dans se texte le mot “discernat” pour définir l’utilisation de la considération et de la cogitation.

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La liberté humaine entre la servitude bestiale et la détermination angélique

A quel point existe-t-il, chez Israeli, une corrélation entre la responsabilité de l’homme et sa liberté d’action? Ces deux capacités fonctionnent-elles de manière automatique comme la volonté de l’animal que nous avons vue plus haut? Ou bien sont elles indéterminées et sujettes à des fluctuations dépen-dant de l’homme lui-même?

Dans un important passage du De definicionibus, Israeli parle de la différence entre intellect d’une part et cogitation et considération d’autre part.

Inquit philosophus: intelligencia est specialitas rerum; voluit per hoc quod specialitas rerum sempiternarum et perpetuarum sit apud eam semper praesens. Cumque vult scire aliquam earum, redit ad se ipsam et invenit eam praesentem apud se, et scit eam ex ipsa absque cogitacione et consideracione49.

Le philosophe dit: l’intellect50 est l’espèce des choses; cela veut dire que par lui (l’intel-lect), les espèces des choses sont toujours en perpétuité et chez (lui) elles (les choses) sont toujours présentes. Quand il (l’intellect) veut connaitre l’une d’elles, il se tourne vers lui-même et les trouvent présentes en lui, et il les connait de lui-même sans cogi-tation (et)ni considération.

Dans ce passage nous voyons que l’intellect n’a besoin ni de considération ni de cogitation. Il connaît tout de par son essence même car, selon Israeli, les êtres corporels tirent leur existence de l’intellect. Ils n’ont donc aucun besoin de ces deux capacités intellectuelles liées à un niveau intellectuel inférieur. A la suite de ce passage, Israeli explique la différence entre le niveau intellectuel qui a besoin de cogitation et de considération et l’intellect:

Et illud quidem consideratur ex testimonio. Invenimus enim artificem ingeniosum in arte sua prudentem cum vult aliquid ex ea operari, redire ad se ipsum et invenit illud apud se praesens et scit ipsum ex ea; quamvis inter magistros sit differencia manifesta proptera quod intelligencia scit ea quae scit absque cogitacione et consideracione proptera quia invenit essenciam suam semper ita quod non alteratur neque haesitat, neque consequitur ipsam addicio neque diminucio neque aliqua disposicio artificis aut prudentis arte sua, propter illud quod consequitur ipsum de haesitacione et oblivione et contrarietatibus in cordibus in sollicitudinibus rerum; dividitur essencia et indiget

49 Muckle, “De definicionibus,” 309-10; traduction anglaise, Altmann et Stern, Isaac Israeli, 35-6.

50 “Intelligencia” traduit par intellect d’après la suite de la phrase.

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cogitacione et consideracione et perscrutacione et discrecione ante applicacionem sui ad desiderium et voluntatem suam51.

Et cela est confirmé par le témoignage (des faits): Nous voyons que l’artisan ingénieux et prudent dans son art quand il veut faire quelque chose se tourne vers lui-même et les trouvent (les choses qu’ils veut faire) présentes en lui et les connaît de lui-même; Il existe quand même entre (la connaissance de l’intellect et celle de l’artisan) une grande et manifeste différence, car l’intellect52 sait ce qu’il sait sans cogitation ni consi-dération, grâce à cela (les choses) se trouvent toujours dans son essence et il n’est ni altéré ni hésitant, n’est sujet ni à l’addition ni à la diminution. (Au contraire) les dispo-sitions de l’artisan prudent dans son art, parce qu’il est sujet à l’hésitation à l’oubli et à la contrariété dans son cœur dans la sollicitude des choses, est divisé dans son essence et a besoin de la cogitation, de la considération et du pouvoir de scruter et du discerne-ment avant l’application de son désir et de sa volonté.

Au cours de ce passage Israeli explique à ses lecteurs quelles sont les différen-ces entre l’intellect supérieur et celui des humains, qui ont besoin de cogitation et de considération53. L’intellect ne change pas, n’est pas sujet à augmentation, à diminution ou à division, n’a pas de disposition et surtout n’hésite pas. Les hommes, au contraire, sont faits d’une essence qui n’est pas unique mais sujette à plusieurs influences: l’influence de l’intellect humain qui le pousse à étudier et celle de son corps qui le pousse à dormir ou manger. De plus la capacité intellectuelle des humains est sujette à la diminution ou à l’augmentation54. La conséquence de ces divers défauts de l’intelligence humaine est l’hésitation.

En effet, l’intellect pur n’hésite pas, car d’un côté il sait ce qui est vrai et bon et de l’autre, il ne ressent aucune tentation contraire à sa connaissance. Mais l’homme est un être multiple, il dispose d’une capacité rationnelle mais aussi intellectuelle et est sujet à différentes tentations corporelles. De plus l’état de son intellect ne lui permet pas toujours d’accéder à la certitude et il est souvent dans le doute. La cogitation et la considération sont là pour compenser les dif-férents manques de la condition humaine.

51   Muckle, “De definicionibus,” 310-11; traduction anglaise, Altmann et Stern, Isaac Israeli, 35-6. 52 Ici aussi “intelligencia” dans texte latin. 53 Sur l’importance des termes פכר et רויה chez Maimonide, voir entre autres Huit chapitres,

fin du premier chapitre. Ce texte vient des Aphorismes d’Al-Farabi 7. A propos de l’opinion de Maimonide, chez lequel le פכר joue aussi un rôle essentiel dans la liberté réelle des hommes, voir S. Sadik, “Maimonides’s Mechanism of Choice,” à paraître. Dans cet article j’essaie de démontrer que la position de Maimonide dans les Huit chapitres concorde avec celle exposée dans le Guide des Egarés.

54 Nous avons vu plus haut que les la manière dont l’homme ressent les influences extérieures est influencée par son niveau intellectuel.

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Ces deux capacités sont celles qui permettent à l’homme d’accéder à un niveau intellectuel supérieur55. Grâce à elles, l’homme est capable de connaî-tre la vérité et de voir à quelle action correspond cette vérité. En cas d’hésita-tion entre les diverses tentations, ce sont elles qui lui permettent de choisir. De même qu’un artisan qui hésite entre construire une table en bois ou en fer, uti-lisera sa cogitation pour décider quels matériaux utiliser, l’homme qui hésite à suivre diverses tentations (se reposer ou manger) utilisera sa cogitation pour prendre cette décision. Le rôle essentiel de la considération est de trouver les meilleurs moyens de mener à bien cette décision.

De plus nous voyons à la fin de ce passage que la cogitation humaine aide l’homme à combler ses désirs et à accomplir sa volonté. Mais l’homme est sujet à différent désirs (car son essence est multiple contrairement à celle de l’intel-lect). Par exemple il est tiraillé entre son désir de se reposer et sa faim qui le pousse à chercher de la nourriture. L’homme se sert alors de sa cogitation pour sortir de son hésitation et décider selon lequel de ses désirs il lui faut agir.

Nous sommes à présent en mesure de décrire la dynamique interne de la psychologie humaine selon Israeli. L’homme est sujet, comme les animaux, à diverses tentations corporelles. Contrairement aux animaux, ces diverses ten-tations ne se manifestent pas automatiquement et de la même manière chez chaque individu. L’homme ayant un intellect d’un plus haut niveau est moins sujet à ses désirs corporels alors qu’un homme s’étant uni à l’intellect ne ressent plus du tous les siens56. De plus, l’homme, grâce à sa cogitation a une vue du monde différente de celle de l’animal dans deux principaux domaines: d’abord il connaît le monde de manière plus juste, et ensuite il est capable de diffé-rencier le bien du mal, tant de manière théorique que de manière pratique. Après ce premier stade de réflexion, l’homme hésite entre ses différents désirs et à l’aide de sa cogitation et de sa considération, il décide, premièrement quel désir il veut suivre (à l’aide de la cogitation), et deuxièmement quelle est la meilleure manière de l’assouvir (grâce a la considération).

Nous voyons donc pourquoi chez Israeli ces deux capacités sont la base de la responsabilité et de la liberté humaine. Contrairement aux animaux, les humains ne suivent pas automatiquement leurs tentations corporelles. Les

55 Le rôle de la cogitation étant plutôt le côté purement théorétique de l’acquisition des sciences tandis que la considération permet à l’homme d’abstraire des principes scientifiques du monde corporel.

56 A propos de la progression intellectuelle de l’homme chez Israeli et de sa place dans la théorie Néoplatonicienne voir Altmann et Stern, Isaac Israeli, 185-95. La différence essentielle entre l’optique d’Israeli et la théorie de Plotin étant que chez Israeli l’union n’est pas avec la divinité mais avec l’intellect universel créé par lui.

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hommes peuvent d’un coté diminuer la force de leurs désirs et de l’autre être conscients des retombées de leurs actes grâce à leur meilleure connaissance du monde. Mais contrairement à l’intellect, la plupart des hommes n’ont pas de connaissance complète du monde et sont encore sujets aux désirs corpo-rels. De cette essence divisée entre le bestial et l’intellectuel naît l’hésitation de l’homme. L’homme essaie de sortir de cette hésitation en utilisant au mieux sa cogitation et sa considération. Il peut grâce à ses deux capacités résister à ses tentations corporelles et ainsi augmenter encore et encore son niveau intellec-tuel jusqu’à la domination complète de son corps.

D’après Israeli, la liberté et la responsabilité humaines proviennent de la position intermédiaire de l’homme entre intellect pur et animal. Il faut noter que certains penseurs postérieurs57 définissent la vraie liberté comme la déter-mination à agir selon la nature intérieure de l’être. Selon Israeli, c’est effective-ment le but de l’homme qui sera atteint avec la perfection de l’intellect humain et son union avec l’intellect universel. Cette perfection annihilera toute ten-tation d’agir contrairement au commandement de l’intellect et lui permettra de prendre ses distances par rapports aux besoins corporels et de convertir la connaissance de la vérité en pratique de la bonne action. Mais cette défini-tion de la liberté annule complètement la possibilité pour l’homme d’agir de manière différente dans une situation donnée58.

Conclusion: le problème de l’akrasie

L’akrasie (ou faiblesse de la volonté) est le terme qui design un des problèmes majeur de la philosophie morale: l’homme peut’ il consciemment faire le mal?

Il existe dans la tradition platonicienne deux opinions divergentes concer-nant se problème59. Selon Socrate l’homme sachant complètement ce qu’il doit faire ne peut faire le mal. A l’opposé, selon Platon, il est possible que l’homme soit dominé par ses désirs corporels et fasse le mal tous en étant conscient de la teneur de son acte60. Israeli ne parle pas directement de ce sujet mais on peut

57 Comme Spinoza à propos de la liberté humaine (Éthique V).58 Qui est la définition que nous avons utilisée aux cours de cet article, car elle correspond

mieux à la théorie non déterministe d’Israeli. 59 A propos de l’akrasie à l’époque médiévale voir entre autres R. Saarinen, Weakness of the

Will in Medieval Thought from Augustine to Buridan (Leyde: Brill, 1994).60 Ce résumé se base sur l’opinion traditionnelle des chercheurs divisant les dialogues de

Platon entre les dialogues anciens, dans lesquels Platon expose les vues de son maitre Socrate, niant la possibilité de l’akrasie (principalement le Protagoras) et les dialogue plus récents dans lesquels il expose sa propre opinion, plus proche de l’opinion d’Aristote et acceptant la possibilité

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supposer que pour lui la liberté humaine dépend de l’imperfection et de l’hé-sitation de l’homme. Si l’homme est en mesure de savoir avec certitude qu’un acte est mauvais, il n’y a plus d’hésitation possible et donc plus de liberté. Non seulement l’homme ne pourra se décider à l’accomplir mais de plus, il n’aura probablement même plus le désir de le faire. Il est donc probable qu’en ce qui concerne l’akrasie, Israeli tienne parti pour l’opinion de Socrate contre celle de Platon et d’Aristote61.

Selon Israeli, il existe une relation directe entre le niveau de connaissance de l’homme et la force de ses tentations bestiales. Plus le niveau intellectuel de l’homme est élevé et moins la tentation a de prise sur lui. Nous avons vu au cours de cet article que selon Israeli, la liberté humaine est le fruit de son statut mitigé entre l’animal, suivant toujours ses désirs naturels et l’intellect, connaissant toujours la vérité et sans désir naturel. La plupart des hommes

de l’akrasie (principalement La République). Dernièrement cette opinion a été critiquée. Tout d’abord, certains spécialistes affirment que Socrate n’a jamais eu l’opinion qui lui est attribuée tant par Aristote (Ethique a Nicomaque VII, 2) que par les premiers chercheurs. Selon eux, Socrate a nié la possibilité de l’akrasie, mais pas de la manière radicale qui lui est attribuée par Aristote (il ne fait aucun doute qu’Aristote influencé l’opinion des anciens chercheurs). Une autre critique de l’opinion traditionnelle nie la division des différents dialogues de Platon et essaie de comprendre tous les dialogues de manière uniforme. De nombreuix articles ont été écrits dans ce sens, par exemple T. Brickhouse and N. Smith, “Socrates on Akrasia, Knowledge, and the Power of Appearance,” Akrasia in Greek Philosophy: From Socrates to Plotinus, éd. Ch. Bobonch and P. Destrèe (Leyde: Brill, 2007), 1-18. D’autres supportent l’opinion traditionnelle: Ch. Rowe, “A Problem in the Gorgias: How is Punishment Supposed to Help with Intellectual Error?,” ibid., 19-40; Ch. Bobonich, “Plato on Akrasia and Knowing Your Own Mind,” ibid., 41-60; Ch. Shields, “Unified Agency and Akrasia in Plato’s Republic,” ibid., 61-6; R. Weiss, “Thirst as Desire for Good,” ibid., 87-100; G. R. Carone, “Akrasia and the Structure of the Passions in Plato’s Timaeus,” ibid., 101-18; L. A. Dorion, “Plato on Enkrateia,” ibid., 119-38.

Il est important de noter que le debat historique sur l’opinion de Platon et de Socrate n’a que peu d’importance pour la compréhension des philosophes juifs médiévaux. Premièrement, ces débats portent essentiellement sur la compréhension de termes grecs, la plupart des philosophes juifs médiévaux ne connaissaient pas. Deuxièmement le débat entre les chercheurs modernes se base sur des dialogues qu’Israeli ne pouvait connaitre car ils n’ont pas été traduits en arabe (comme le Protagoras). A propos des traductions arabes des œuvres de Platon voir entre autres F. Klein-Franke, “Zur Überlieferung der platonischen Schriften im Islam,” Israel Oriental Studies 3 (1973): 120-39. Les sources principales dont disposait Israeli étaient le résumé des opinions de Platon dans l’éthique d’Aristote et d’autres écrits de Platon comme la République.

61   A propos de l’opinion d’Aristote sur ce sujet voir entre autres R. Sorabji, Necessity, Cause, and Blame: Perspectives on Aristotle’s Theory (Ithaca: Cornell University Press, 1980); A. Kenny, Aristotle’s Theory of the Will (New Haven: Yale University Press, 1979); P. Destrèe, “Aristotle on the Causes of Akrasia,” Akrasia in Greek Philosophy: From Socrates to Plotinus, éd. Ch. Bobonch and P. Destrèe (Leyde: Brill, 2007), 139-66; M. Zingano, “Akrasia and the Method of Ethics,” ibid., 167-92; D. Charles, “Aristotle’s Weak Akrates: What Does Her Ignorance Consist in?,” ibid., 193-207.

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sont en permanence dans cet état intermédiaire et sont donc sujets à l’hésita-tion à laquelle ils essaient de pallier grâce à leur cogitation et à leur considé-ration. Mais il est aussi possible que l’homme prenne suffisamment de bonnes décisions pour arriver à un niveau proche de celui de l’intellect, ou au contraire qu’il prenne suffisamment de mauvaises décisions pour que ses désirs bestiaux le dominent et qu’il ne se serve de son intelligence que pour les assouvir. Mais même ces deux états extrêmes ne sont finalement que la conséquence des actions et des décisions que l’homme a prises quand il était encore libre de ses actes.

Selon Israeli l’homme peut, étant donné son doute sur le bien et le mal et son hésitation quant à ses actions, se tourner vers le bien ou le mal. Il est clair que les hommes naissent en ayant des niveaux de tentation et d’intellect dif-férents les uns des autres. Mais d’après la théorie décrite ici par Israeli, tous les hommes, au début de leur maturité62 sont dans un état d’hésitation, dont la teneur exacte, change selon les cas et peuvent donc se diriger vers le bien ou le mal. Leur liberté est la conséquence de cet état intermédiaire. Leur respon-sabilité est le résultat de leur capacité à différencier le bien du mal. Arrivé au niveau final de l’union avec l’intellect, l’homme reste responsable car il connaît le bien et le mal, mais sa liberté63 n’est plus réelle. Sa connaissance parfaite du bien annihile en lui toute tentation de faire le mal car sans hésitation, plus de tentation64. La grande majorité des philosophe pensaient qu’il il existe une relation directe entre le niveau de connaissance de l’homme et la force de ses tentations bestiales. Mais Israeli est un des seul penseurs médiévaux à avoir suivi jusqu’au bout l’opinion de Socrate et a affirmer que l’homme peut attein-dre un niveau de connaissance telle que ses tentations bestiale disparaissent complètement.

La description du processus psychologique peut améliorer la compréhen-sion de certains autres sujets traités par Israeli. Nous voyons que la définition des âmes animale, végétale et intellectuelle joue un rôle important dans la psy-chologie d’Israeli. Selon lui, les tentations viennent de l’âme végétale65, alors que la connaissance du bien et du mal vient de l’intellect. Les animaux n’ayant pas d’intellect, ils vont automatiquement suivre leur tentation naturelle. La

62 Age dans le quelle se développe leur discernement cette a dire leur considération et leur cogitation.

63 Dans le sens de la possibilité réelle d’agir différemment. 64 Mais la responsabilité, venant de la capacité de différencier le bien du mal, quand a elle

demeure.65 Sur cette question il est d’accord avec Plotin. Voir note 8.

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plupart des hommes hésitent entre leur intellect et les tentations venant de la partie végétale de leur âme.

Ce processus psychologique reste le même jusqu’à que l’homme ait atteint l’union avec l’intellect universel. A ce moment, le processus de décision change complètement et l’homme passe de l’hésitation et du doute à la connaissance complète et n’exécute que des bonnes actions.