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social compass 56(3), 2009, 345–361 DOI: 10.1177/0037768609338763 © The Author, 2009. Reprints and permissions: http://scp.sagepub.com http://www.sagepub.co.uk/journalsPermissions.nav André LALIBERTÉ Entre désécularisation et resacralisation: Bouddhistes laïcs, temples et organisations philanthropiques en Chine 1 L’auteur se penche sur le renouveau de la philanthropie bouddhiste en République Populaire de Chine (RPC) durant la dernière décennie, dans le but d’aborder la problématique plus vaste de l’utilité sociale de la religion aux yeux des autorités politiques et de constater dans quelle mesure les récents débats relatifs à la théo- rie de la sécularisation peuvent être pertinents vis-à-vis de la réalité chinoise. Un contexte de changements considérables survenus au niveau des conditions poli- tiques, économiques et sociales, caractérisé par un désengagement de l’État dans la prestation de plusieurs services sociaux, révèle l’émergence de la philanthropie bouddhiste. L’auteur décrit quelques organisations qui offrent une assistance aux plus démunis, voire certains services relatifs aux soins de santé et à l’éducation. Cet essor de la philanthropie bouddhiste, cependant, ne peut être interprété comme annonciateur d’un processus de “resacralisation” en Chine, puisque le Parti-État communiste poursuit une politique de sécularisation manifeste. Mots-clés: bouddhisme chinois · philanthropie · religion et travail social The author looks into the revival of Buddhist philanthropy in the People’s Repub- lic of China (PRC) in the last decade. It seeks to tackle the wider question of the social utility of religion in the eyes of the political authorities and to assess the extent to which recent debates on secularization theory may be relevant to the Chinese situation. The emergence of Buddhist philanthropy is coinciding with considerable changes in political, economic and social conditions, characterized by state disengagement from the provision of social services. The author describes various organizations offering assistance to the poor, as well as certain services related to healthcare and education. Yet this rise in Buddhist philanthropy should not be seen as evidence of a “resacralization” process in China because the com- munist Party-State continues its policy of manifest secularization. Key words: Chinese Buddhism · philanthropy · religion and social work Introduction Cet article se penche sur le renouveau de la philanthropie bouddhiste en République Populaire de Chine (RPC) durant la dernière décennie, dans le but d’aborder la problématique plus vaste de l’utilité sociale de la religion et de

Entre desecularisation et resacralisation: Bouddhistes laics, temples et organisations philanthropiques en Chine

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56(3), 2009, 345–361

DOI: 10.1177/0037768609338763 © The Author, 2009. Reprints and permissions: http://scp.sagepub.com http://www.sagepub.co.uk/journalsPermissions.nav

André LALIBERTÉ

Entre désécularisation et resacralisation: Bouddhistes laïcs, temples et organisations

philanthropiques en Chine1

L’auteur se penche sur le renouveau de la philanthropie bouddhiste en République Populaire de Chine (RPC) durant la dernière décennie, dans le but d’aborder la problématique plus vaste de l’utilité sociale de la religion aux yeux des autorités politiques et de constater dans quelle mesure les récents débats relatifs à la théo-rie de la sécularisation peuvent être pertinents vis-à-vis de la réalité chinoise. Un contexte de changements considérables survenus au niveau des conditions poli-tiques, économiques et sociales, caractérisé par un désengagement de l’État dans la prestation de plusieurs services sociaux, révèle l’émergence de la philanthropie bouddhiste. L’auteur décrit quelques organisations qui offrent une assistance aux plus démunis, voire certains services relatifs aux soins de santé et à l’éducation. Cet essor de la philanthropie bouddhiste, cependant, ne peut être interprété comme annonciateur d’un processus de “resacralisation” en Chine, puisque le Parti-État communiste poursuit une politique de sécularisation manifeste.

Mots-clés: bouddhisme chinois · philanthropie · religion et travail social

The author looks into the revival of Buddhist philanthropy in the People’s Repub-lic of China (PRC) in the last decade. It seeks to tackle the wider question of the social utility of religion in the eyes of the political authorities and to assess the extent to which recent debates on secularization theory may be relevant to the Chinese situation. The emergence of Buddhist philanthropy is coinciding with considerable changes in political, economic and social conditions, characterized by state disengagement from the provision of social services. The author describes various organizations offering assistance to the poor, as well as certain services related to healthcare and education. Yet this rise in Buddhist philanthropy should not be seen as evidence of a “resacralization” process in China because the com-munist Party-State continues its policy of manifest secularization.

Key words: Chinese Buddhism · philanthropy · religion and social work

Introduction

Cet article se penche sur le renouveau de la philanthropie bouddhiste en République Populaire de Chine (RPC) durant la dernière décennie, dans le but d’aborder la problématique plus vaste de l’utilité sociale de la religion et de

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constater dans quelle mesure les récents débats relatifs à la théorie de la séculari-sation peuvent être pertinents vis-à-vis de la réalité chinoise. Un contexte de changements considérables survenus au niveau des conditions politiques, écono-miques et sociales, caractérisé par un désengagement de l’État dans la prestation de plusieurs services sociaux, révèle l’émergence de la philanthropie boud-dhiste.2 Après l’intervention de nombre de fonctionnaires visant à exercer une pression sur les penseurs des think tanks chinois afin que ceux-ci envisagent des solutions de rechange en matière de prestation de services sociaux par l’État, les autorités gouvernementales ont, au tournant du 21ème siècle, tempéré leur position vis-à-vis des institutions religieuses. Ceci a permis à ces mêmes institu-tions d’offrir une assistance aux plus démunis, voire d’ouvrir certains services de soins de santé et d’éducation.3 Déjà actives à Taïwan, à Hong-Kong et en Chine d’outre-mer, les associations philanthropiques bouddhistes chinoises ont été invitées par différents organismes gouvernementaux chinois à prêter secours aux victimes de catastrophes naturelles au début des années 1990. Elles ont rapidement inspiré des associations populaires en RPC, voire servi de modèles dans la prestation de services sociaux. À l’instar de Peter Berger (1999) et d’autres sociologues des religions, devrions-nous voir, dans cet essor de la phi-lanthropie bouddhiste, le signe d’un processus de “désécularisation” ou encore de “resacralisation” en Chine?

Afin de répondre à cette question, l’article met en parallèle les débats relatifs à la théorie de la sécularisation avec les tendances générales sous-jacentes qui ont récemment été observées au sein de la société chinoise. L’article présente, ensuite, des résultats empiriques illustrant l’émergence d’organisations carita-tives bouddhistes et décrivant les activités entreprises par certaines de ces associations. Les données utilisées dans le cadre de cet article ont été recueillies lors d’enquêtes de terrain dans les provinces d’Anhui, de Hebei, de Hubei (à Shanghai),4 ainsi qu’à Taïwan,5 par le biais d’entretiens in situ et grâce à des ressources documentaires diffusées par des associations bouddhistes de la RPC.6

1. Une sécularisation avec des caractéristiques chinoises: la position de la religion entre État et société

La théorie de la sécularisation demeure sans doute le paradigme le plus pertinent pour l’étude des relations entre l’État et la religion en Chine (Goossaert, 2005: 8)7. Un des penseurs incontournables de la sociologie de la religion, le regretté Niklas Luhmann, a soutenu que le processus de sécularisation représente l’aboutissement d’un processus de différenciation fonctionnelle entre plusieurs sous-systèmes—soit, l’économie, le religieux, le politique—, chacun de ceux-ci disposant de sys-tèmes de communication propres et de codes spécifiques (Laermans et Verschraegen, 2001; Dobbelaere, 1987: 113–14).

Cependant, cette “différenciation fonctionnelle” ne correspond pas à une séparation totale, pas plus qu’elle n’exclut qu’un sous-système puisse intervenir à l’intérieur d’un autre sous-système, s’il se montre incapable de résoudre cer-tains de ses dilemmes les plus épineux (Lambert, 1999; Luhmann, 1972). Par conséquent, des États comme la France, la Belgique et l’Espagne—qui ont adopté des politiques de laïcité restreignant la place de la religion au sein de la sphère

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publique—ont néanmoins permis que des acteurs religieux s’acquittent de tâches liées à la prestation de services sociaux, un domaine pourtant perçu comme chasse gardée de l’État durant le 20ème siècle. Cette intervention du système religieux dans le système politique est acceptable pour peu que les acteurs qui y prennent part acceptent de se conformer aux règles, pratiques et normes du sous-système dans lequel ils interviennent. L’État belge, par exemple, reconnaît et subventionne une religion si elle est perçue comme utile sur le plan social.8 Cette dernière comparaison peut surprendre; qui plus est, la nature autoritaire du régime chinois paraît empêcher quelque comparaison que ce soit avec des régimes démocratiques occidentaux. Toutefois, les limites qu’a imposées la France à l’expression de la religiosité à l’intérieur de la sphère publique rappellent que la Chine, dans son insistance à vouloir contrôler la religion, n’est pas un cas unique, comme l’a récemment fait remarquer Peter Beyer. Bien que l’État français n’aille pas jusqu’à harceler les associations religieuses contemporaines, il a mis en place un appareil législatif qui établit ce qui est considéré comme une “bonne” ou une “mauvaise” religion (Beyer, 2006: 294–5).

La théorie de la sécularisation a essuyé sa part de critiques, et ce, dans plus d’un champ des sciences sociales au cours de la deuxième moitié du 20ème siècle.9 L’étude de cas exposée à travers ces pages met au jour certains facteurs qui peuvent éclairer la remise en cause de cette approche, en particulier quand il apparaît que, bien que le parti communiste chinois (PCC) continue à promouvoir une idéologie athée, la société et l’appareil étatique lui-même ne sont pas entière-ment sécularisés (Goossaert, 2005: 10). Cependant, les précisions apportées à la théorie de la sécularisation—plus spécifiquement, la distinction qui est opérée entre ses trois dimensions: soit, aux niveaux sociétal, organisationnel et indivi-duel (Dobbelaere, 2002: 8)—demeurent utiles afin de comprendre la situation chinoise. Cette distinction coïncide avec l’étude de Beyer sur la sécularisation dans un contexte mondial qui, par sa compréhension du phénomène, rend compte d’un processus qui ne se déploie pas nécessairement de façon simultanée à l’inté-rieur de chacune des trois dimensions évoquées précédemment (2006, 1999). Cette approche nous permet de distinguer trois questions différentes: celle des facteurs politiques et sociaux qui mènent à une sécularisation de la société—comprise ici en termes de rationalisation de la vie sociale—, celle des réponses des institutions religieuses face à ces orientations et, finalement, des réactions des individus vis-à-vis de leur propre engagement religieux.

La suite de cet article souligne la première des trois dimensions évoquées, en soutenant que la résilience religieuse observée en Chine—laquelle, il est vrai, peut varier selon la tradition religieuse particulière qui est analysée—ne laisse pas présager la fin du processus de sécularisation sociétale en Chine.10 Afin d’étayer cette thèse, il est nécessaire ici de rappeler la distinction opérée par Luckmann, entre sécularisations latente et délibérée. La première renvoie à un processus social, tandis que la seconde résulte d’une politique gouvernementale (1967: 39–40). Cet article repose, par conséquent, sur le postulat suivant: au niveau de la sécularisation sociétale, la Chine est simultanément confrontée à deux tendances. D’une part, si nous en croyons les dernières statistiques à pro-pos des pratiques curatives de toutes natures, même en milieu urbain (McCarthy, 2004), la Chine connaît un ralentissement du processus de sécularisation latente, voire un net processus de désécularisation, selon les tendances observées au sujet

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du renouveau religieux dans les régions rurales de Chine méridionale (Dean, 2003, 1998; Eng et Lin, 2002).11 D’autre part, l’État continue à appliquer une politique de sécularisation manifeste (Leung, 2005; Kindopp et Hamrin, 2004; Potter, 2003). L’État persiste, notamment, à mener le projet visant à dissocier les secteurs scolaire et politique de la religion, et n’a jamais cessé de promouvoir la science comme seule forme de connaissance légitime.12

La résilience religieuse est assurément importante. À un point tel qu’au sein de l’appareil étatique, plusieurs cadres se sentent obligés de réprimer toute forme de religiosité qui semble contredire leur projet de sécularisation sociétale. La Chine connaît encore des campagnes épisodiques et sporadiques, lancées par le PCC, contre des formes de religiosité qui débordent des limites étroites définis-sant le cadre acceptable des activités religieuses (Ostergaard, 2004; Keith et Lin, 2003). La législation en vigueur n’autorise aucune participation des organisa-tions religieuses dans l’éducation publique; elle ne leur permet que de dispenser l’enseignement ecclésiastique. On n’attend pas des institutions religieuses qu’elles dirigent des cliniques ou encore gèrent les services sociaux (Lambert, 2001). Néanmoins, l’État ferme les yeux sur le soutien financier que ces institu-tions peuvent accorder à des écoles, lorsque les autorités publiques ou le secteur privé ne peuvent pas apporter leur contribution. L’État ne parvient pas non plus toujours à se situer adéquatement face aux initiatives des guérisseurs, astrolo-gues, adeptes de la géomancie et autres praticiens des religions populaires ou des nouveaux mouvements religieux, comme le révèlent les nombreuses campa-gnes “anti-superstitions” et comme l’ont constaté les spécialistes de la tradition du qigong (Chan, 2004; Palmer, 2004; Thornton, 2002; Ching, 2001; Feuchtwang, 2000). Bien que nombre de cadres du PCC se montrent toujours réticents quant à un changement de cap, cet article avance l’idée que le Parti, dans sa quête de solutions permettant de juguler des crises de plus en plus fréquentes dans les domaines des soins de santé et des politiques sociales, a insisté, auprès des intel-lectuels en sciences sociales, pour qu’ils se penchent sur le potentiel de partici-pation des organisations religieuses officiellement reconnues pour aider l’État.13

Toutefois, cet article soutient aussi que, malgré leur visibilité publique gran-dissante, les organisations religieuses reconnues par l’État chinois ne susciteront vraisemblablement pas un éventuel processus de resacralisation de la société chinoise. L’environnement institutionnel dans lequel elles doivent évoluer limite considérablement leur capacité de contestation de la structure politique et de l’ordre idéologique imposés à la société chinoise. Même si le PCC a graduelle-ment renoncé à son projet de créer une “société nouvelle” dépourvue de toute religiosité, il promeut toujours une idéologie athée auprès des cadres du parti, à qui on inculque qu’adopter cette idéologie, c’est faire partie de l’avant-garde de la société.14 De surcroît, et pour emprunter le vocabulaire de l’école théorique de l’économie politique religieuse (Yang, 2006; Gill, 2001; Stark et Bainbridge, 1987), le “marché religieux” en Chine et “l’offre” de “choix” religieux restent très fortement contrôlés, ce qui empêche le développement de nouveaux courants reli-gieux à la fois acceptables aux yeux des autorités et susceptibles de répondre aux aspirations de nombreux Chinois à l’aube du 21ème siècle. Finalement, cet article soutient que la structure de contrôle mise en place par le Bureau des affaires reli-gieuses rend inconcevable l’idée que les associations religieuses, même celles jouissant d’une reconnaissance étatique, puissent recourir à ce qui s’apparente à

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des stratégies de pillarisation, lesquelles avaient été déployées comme moyens de résistance face aux politiques délibérées de sécularisation imposées aux institu-tions religieuses en Europe (Dobbelaere, 2002: 182; Lijphart, 1968)15.

La situation du bouddhisme en Chine illustre de façon éloquente les condi-tions d’existence des religions dans ce pays. Le bouddhisme chinois aurait pro-bablement été en mesure de susciter le développement d’une stratégie de pillarisation en Chine, grâce à son histoire institutionnelle et sa tradition ancienne de prestation de services sociaux (Gernet, 1995; Ch’en, 1964). En outre, le contexte socio-politique actuel aidant, des occasions de déploiement de ce type de stratégie pourraient se présenter: l’État abandonne, en effet, certaines de ses prérogatives dans la sphère de la croissance économique et de la redistribution de la richesse, posant, de ce fait, les conditions qui pourraient encourager une réémer-gence de la philanthropie bouddhiste. Même si l’argument selon lequel l’État chinois se dégagerait du contrôle de l’économie est exagéré, il n’en demeure pas moins qu’il se désengage de l’offre de services sociaux qui, durant l’ère des com-munes populaires, accompagnaient, en théorie, tous les citoyens de la naissance au trépas.16 L’argument avancé ici est que les institutions religieuses ont com-mencé à occuper une partie du terrain laissé vacant par l’État dans le domaine des services sociaux. Ne pouvant ici nous étendre davantage, les points discutés se limiteront aux organisations bouddhistes, sans que cela ne signifie que d’autres traditions religieuses ne soient pas engagées dans un processus parallèle.17

2. La réémergence de la philanthropie bouddhiste en Chine

2.1 Une relation évolutiveL’engagement philanthropique des bouddhistes tire son origine d’une tradition très ancienne. Après un déclin monastique long de plusieurs siècles, à la suite des persécutions étatiques durant la fin de la dynastie Tang, les pratiquants bouddhistes laïcs cherchaient à accumuler des mérites. Sous la dynastie Ming, ils ont donc pris des initiatives, telles que celle de s’engager dans des activités visant à assurer la subsistance des membres du clergé ou encore des activités d’impression de textes sacrés (Ch’en, 1964). À la fin de la dynastie Qing, après une succession d’attaques des rebelles Taiping, ainsi que des réformateurs à la cour impériale, la religion devait sa survie aux actions philanthropiques entre-prises par les laïcs (Duara, 1991; Welch, 1968). Suite à la chute du régime dynas-tique, une recrudescence de persécutions à l’endroit des bouddhistes laïcs—cette fois perpétrées par des seigneurs de guerre et des fonctionnaires radicaux du Guomindang—a amené nombre d’entre eux à la conclusion que, pour survivre, leur religion devait être plus organisée, de même que plus ouverte à la société en général. Guidé par des bouddhistes laïcs, le développement de la philanthropie a été encouragé par des moines réformistes comme Taixu, instigateur du nouveau courant théologique du “Bouddhisme d’ici-bas (Rensheng Fojiao )”, qui a soutenu que le salut viendrait de la charité et de la participation aux mouvements politiques et sociaux de l’époque.

À cet égard, le bouddhisme—comme tradition—en est venu à incarner beau-coup plus qu’une association de moines se tenant à l’écart de la politique, isolés des réalités mondaines (Deng, 2002; Jones, 1999; Jiang, 1993).

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Tel qu’imaginé par Taixu, le Rensheng Fojiao ne pouvait pas s’épanouir dans le contexte du règne des seigneurs de guerre, de l’agression japonaise et de la guerre civile. D’autres moines en ont retravaillé le concept. L’un d’entre eux, Yinshun, s’est exilé à Taïwan et a cherché à séculariser davantage le boud-dhisme, à travers ce qui sera connu sous le nom de “Bouddhisme humaniste (Renjian Fojiao)” (Jones, 1999: 134). Inconnu des cercles bouddhistes en dehors de l’île durant les premières phases de son développement, ce nouveau mouve-ment a, malgré tout, pris de l’ampleur au point de devenir, au cours des années 1980, le courant dominant à Taïwan. Ce mouvement a inspiré la plupart des leaders des grandes associations bouddhistes de l’île, comme Hsing Yun (Xingyun )—le fondateur de l’ordre monastique de la Montagne de la lumière bouddhique (Foguangshan ), une organisation avec des antennes sur tous les continents—, ainsi que Sheng Yen (Shengyan )—le fondateur de l’Association de la Montagne du tambour dharmique (Fagushan ), un important centre dédié au savoir bouddhiste, qui a aussi des ramifications à l’étranger. Yinshun a tout particulièrement inspiré Cheng Yen (Zhengyan ), une moniale taiwanaise, qui a alors fondé une importante association philanthropique, la Société des bonnes œuvres du Secours compatissant (Ciji Gongdehui ), qui compte plus de 10 000 bénévoles bouddhistes laïcs—ou commissaires (weiyuan )—et quatre millions de membres (huiyuan ) (Huang, 2005; Kan, 2004; Laliberté, 2004; Ding, 1999; Wang, 1999; Jiang, 1997). Selon la Fondation Himalaya—un groupe de réflexion qui étudie les associations philanthropiques—, Ciji se classe en première position d’importance parmi les associations philanthropiques de Taïwan (Himalaya Foundation, 2002). Elle fait figure d’acteur majeur au sein de la société civile de l’île, administrant ses propres hôpitaux, gérant sa station de radio et de télévision Da ai ( ) et publiant ses livres, journaux et magazines.

Aux yeux des gouvernements autoritaires, les organisations telles que Ciji—et dans une moindre mesure Foguangshan—présentent une caractéristique très importante: leur action charitable et leur prestation de services sociaux ne se livrent pas à un plaidoyer pour le changement, pas plus qu’elles ne visent à exer-cer une influence manifeste au niveau du processus décisionnel gouvernemental. De ce fait, Renjian Fojiao est un mouvement conservateur sur le plan politique; il est improbable qu’il mobilise la population en faveur d’un changement social.18 C’est dans cette attitude distinctive que réside l’attrait de telles organisations pour des États comme la RPC (Guo, 2000). Il ne fait pas de doute que ce type de comportement en a encouragé plus d’un à croire que le renouveau du boud-dhisme en RPC ne représenterait pas une menace pour le régime (Ye, 2000).

Cependant, les possibilités d’un tel réveil en Chine populaire restent circon-scrites. Hormis les tâches qui consistent à dispenser l’enseignement aux aspirants moines et à s’impliquer dans des collectes de fonds, les leaders des associations monastiques ne peuvent participer au système éducatif, pas plus qu’ils ne sont en mesure de gérer des cliniques ou des hôpitaux, ni même des orphelinats ou des maisons de retraite (Lazzarotto, 2002).19 Toutefois, les laïcs peuvent exécuter de telles activités pour autant qu’ils ne tentent pas de s’adonner au prosélytisme. Des millions de bouddhistes peuvent donc s’engager comme bénévoles dans le domaine du bien-être social, mais souvent, à l’insu de la majorité de leurs conci-toyens, puisque, contrairement à leurs collègues de Taïwan, ils ne portent pas d’uniforme caractéristique révélant leurs attaches.

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Par ailleurs, il est vrai que les rapports entre l’État et les associations boud-dhistes se sont considérablement améliorés depuis la fin de la Révolution Cultu-relle. Jusqu’à son décès en 2000, Zhao Puchu, leader bouddhiste laïc du Zhongguo Fojiao Xiehui, était une personnalité de premier plan du département du travail du front uni, grâce à sa nomination comme vice-président de la neu-vième Assemblée nationale de la CCPPC. Après que Deng Xiaoping ait désa-voué les excès engendrés par les politiques radicales de Mao et qu’il ait lancé sa propre politique de réformes économiques, les associations bouddhistes ont rapidement adopté le mot d’ordre d’“alliance entre le travail rural et Chan (Nong Chan Bingju )”, afin de dissiper toute impression selon laquelle elles auraient vécu aux crochets de la société chinoise (Krause, 2006; Ji, 2004). À la fin des années 1990, l’État s’est aperçu que les institutions bouddhistes consti-tuaient aussi une source de revenus pour l’industrie du tourisme et a donc sou-tenu la restauration de monastères bouddhistes, tablant sur le fait que cela pourrait générer des investissements de la part d’étrangers, de Chinois d’outre-mer, de Taiwanais et de riches entrepreneurs établis à Hong Kong (Ji, 2004: 8).

Le renouveau des institutions bouddhistes s’est clairement manifesté dans le domaine caritatif (Birnbaum, 2003). Plus que de perpétuer une longue tradition religieuse, le renouveau de la philanthropie atteint de nombreux objectifs étatiques, hormis celui d’attirer les investissements; c’est incontestablement le cas des prestations de services sociaux. Les réformes économiques progressant et le régime providentiel des entreprises d’État s’en allant à vau-l’eau dans les années 1990—amenant, dans son sillage, mécontentement social et instabilité—, les autorités ont reconsidéré leur point de vue, selon lequel les institutions religieuses devaient éviter tout engagement social. Plusieurs responsables gou-vernementaux sont conscients du fait que le désengagement de l’État en matière de prestation des services sociaux risque d’exposer des millions de personnes aux aléas du chômage, d’une santé précaire ou pire encore. Pour des millions de personnes, le développement de la logique de marché a entravé l’accès à l’édu-cation et aux soins de santé—l’achat d’une police d’assurance-maladie étant souvent au-dessus de leurs moyens. Plusieurs responsables politiques réalisent aussi que la philanthropie corporative ne peut, à elle seule, mettre fin au problème (China View, 2006; Mackay, 2005).

Il est prématuré d’affirmer que les mécanismes mis en place par le gouverne-ment central garantissent aux institutions bouddhistes qu’elles pourraient offrir des services sociaux de manière viable. Quoi qu’il en soit, le gouvernement tolère actuellement leurs initiatives en ce sens. La section suivante s’attarde à développer ce point, en décrivant les initiatives prises par des associations bouddhistes depuis la fin des années 1990, afin d’assurer secours et assistance à des populations en détresse ou défavorisées, dans un contexte où les autorités se sont montrées tantôt prudentes, tantôt bienveillantes.

2.2 Le développement des associations philanthropiques bouddhistes de baseLe PCC a ostensiblement accordé son soutien aux associations bouddhistes depuis le gouvernement de Jiang Zemin. Plusieurs membres du comité perma-nent du Bureau politique, l’instance dirigeante suprême en Chine, n’ont pas hésité à s’afficher en compagnie de moines et d’abbés très connus, et à laisser des inscriptions commémoratives, faisant ainsi État de leur estime à l’égard de

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telles relations. L’institutionnalisation du travail caritatif des associations boud-dhistes, cependant, reste à envisager. Comme on le verra, bien qu’il existe plu-sieurs associations philanthropiques bouddhistes à travers le pays, il n’y a pas d’organisme de coordination à l’échelle nationale. La Fédération caritative de Chine, dépendante du Ministère de l’Intérieur, coordonne les activités des asso-ciations philanthropiques en général, mais n’a pas répertorié les sociétés de bien-faisance décrites ci-après. Le Bureau des affaires religieuses, pour sa part, ne possède pas non plus de structure permettant d’encadrer le développement de la philanthropie religieuse. Enfin, même l’association nationale des bouddhistes de Chine, censée gérer les affaires courantes des bouddhistes, n’a aucune structure formelle de soutien aux activités philanthropiques. L’initiative émane des asso-ciations locales, qui opèrent dans un climat d’incertitude sur le plan légal.

Ces développements s’inscrivent dans un contexte où le monde du boud-dhisme chinois devient de plus en plus complexe et fragmenté. Bien qu’il n’existe qu’une seule association nationale pour les bouddhistes, plusieurs pro-vinces ont lancé la leur. Quelques associations ont aussi vu le jour au niveau des préfectures et même des comtés. Au moins une autre indication de la fragmenta-tion du bouddhisme se reflète dans la diversité de ses publications: jusqu’à 2007, plus de quatre-vingt-dix journaux avaient été édités par des associations boud-dhistes chinoises. Neuf de ces journaux bénéficient d’une distribution nationale et sept d’entre eux sont publiés à Beijing; sept autres journaux émanent d’une association bouddhiste provinciale et des douzaines d’autres ont été fondés par des associations qui relèvent de la préfecture, du comté ou du temple lui-même. Ces publications sont des sources d’information très utiles: elles fournissent des chiffres détaillés au sujet des dons et des projets financés par les activités boud-dhistes philanthropiques. L’émergence des organisations philanthropiques est un troisième signe de la diversification du bouddhisme chinois en RPC. Il n’existe aucune organisation philanthropique bouddhiste au niveau national, mais quel-ques associations—qu’elles dépendent de la province, de la préfecture ou du comté—ont établi leur propre organisation.

Si l’on admet le nombre de citations relevées par le moteur de recherche Google comme un indicateur valide, le Hebei a conçu, au niveau provincial, ce qui est sans aucun doute l’organisation philanthropique la plus visible d’entre toutes. Avec l’aide de la Fondation de la gracieuse gloire bouddhiste (Cihui fojiao jijnhui )—une organisation bouddhiste caritative de Hong Kong menée par un laïc—, la Société de charité et de bienfaisance bouddhiste du Hebei (Hebei Fojiao Cishan Gongdehui ) a créé, dans le comté de Zhao , une organisation caritative couvrant la province. Elle a été fondée en 1995, avec la bénédiction d’un illustre clerc de la province, le Véné-rable Jinghai , qui a joué un rôle clé dans la reconstruction du Temple Zen de la forêt de cyprès (Bailin Chansi ), un important centre boud-dhiste de la province du Hebei. Bien qu’il ait été abandonné des décennies avant la Révolution Culturelle, le monastère s’est révélé être un site de pèlerinage majeur du nord de la Chine, en plus d’être une destination visitée par les cher-cheurs chinois et étrangers (Yang, 2006). La Société de charité du Hebei consa-cre son énergie à administrer des orphelinats et à aider des enfants pauvres à fréquenter l’école. L’organisation gère son école, s’occupe d’enfants sans famille et publie aussi sa propre lettre d’information, le Merveilleux Lotus ( miaolianhua).

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Cette organisation philanthropique a reçu de l’aide de Cihui, après que son fondateur, Yang Hong, en ait visité le temple. Son vice-président, le Vénérable Chang Hui , a reconnu que son organisation cherchait à inscrire son action philanthropique dans le sillage de Taixu et de ses innovations théo-logiques. L’Association de charité bouddhiste du Hebei a indéniablement bénéfi-cié du soutien que lui a accordé le temple de Bailin, lequel est lui-même bien considéré par les autorités politiques. Mais à l’instar de ce qui est observé au niveau central, ce soutien est fragile: il est le produit de relations entre individus et non d’une institutionnalisation de la charité bouddhiste. Ni le bureau des affai-res civiles de la province de Hebei, normalement chargé des activités philanthro-piques, ni l’administration provinciale des affaires religieuses n’ont établi de liens avec l’Association de charité bouddhiste du Hebei.

Trois autres associations provinciales ont développé leurs propres organisa-tions philanthropiques. Entre 1993 et 2002, l’Association provinciale bouddhiste du Guangdong a établi six fondations prenant en charge des tâches diverses, allant des soins aux personnes âgées aux services de maternité (Gen, 2006: 268). De plus, l’association provinciale a créé, il y a peu, une Société de bienfaisance. En ouvrant sa propre clinique de médecine chinoise, cette gongdehui a même dépassé l’ambition de son équivalente du Hebei, qui ne fournit pas de soins de santé (Guangdong Fojiao, 2006). Peu importe de savoir si cette initiative sert à répondre aux demandes du gouvernement provincial ou si elle émane de la Société de bienfaisance elle-même, il est indéniable que cette expérience consti-tue un précédent important parce qu’en soutenant des activités non religieuses, elle teste les limites de la législation concernant les activités jugées acceptables pour les institutions religieuses aux yeux de l’État. L’Association bouddhiste provinciale du Hunan a créé, en l’an 2000, une fondation à l’échelle de la pro-vince permettant d’octroyer des bourses d’études aux enfants dans le besoin et de financer des écoles primaires; pour ce faire, elle s’est basée sur une expérience, qui s’est déroulée sur deux décennies, en matière de collecte de fonds pour l’ assistance aux victimes de catastrophes (Gen, 2006: 269). De 2004 à 2005, l’Association bouddhiste provinciale du Shanxi a travaillé à établir sa pro-pre Société de bienfaisance, la Shanxi Wutaishan Fojiao Cishan Gongde Zonghui

, destinée à venir en aide aux ménages à faible revenu et à offrir des bourses d’études (Gen, 2006: 269). Ces initiatives auraient été impossibles sans le soutien des autorités provinciales, mais encore une fois, ces dernières n’ont pas imaginé de structures permettant d’encadrer ces activités.

Le champ d’action de ces associations bouddhistes reste ultimement entravé par leurs ressources limitées, lesquelles sont consacrées à la reconstruction de leurs temples et à la formation de nouvelles générations de moines pour assurer la relève (Birnbaum, 2003). Par ailleurs, il existe de grandes disparités entre associations. Par exemple, si l’Association bouddhiste du Shanxi, qui vient d’être évoquée, peut espérer bénéficier de l’aumône et des dons des pèlerins et tou-ristes du célèbre site de Wutaishan, l’une des quatre montagnes bouddhistes sacrées de la Chine, toutes les associations bouddhistes ne peuvent bénéficier d’un tel avantage. De plus, certaines associations bouddhistes provinciales, pos-sédant des atouts semblables, ne choisissent pas nécessairement cette voie. Par exemple, l’Association bouddhiste de la province d’Anhui, où se situe Jiuhuashan

, une autre des quatre montagnes bouddhistes, n’a pas encore tiré profit

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de ce potentiel. La population du Jiangsu a reçu de l’aide de Cihui, mais l’Asso-ciation provinciale bouddhiste de cette province n’a pas encore établi d’organi-sation philanthropique pouvant servir tous les habitants sous sa compétence de juridiction. Dans ce cas, l’Association préfère soutenir des organisations locales, agissant au niveau de la préfecture, telle que la Société de bienfaisance de la préfecture de Taixing . L’Association bouddhiste de la province septentrio-nale du Liaoning en a fait de même avec la société de bienfaisance de la préfec-ture de Jinzhou (Zhonghua Fojiao Xinxiwang, 2005).

Trois associations bouddhistes de municipalités de rang provincial—soit, Shanghai, Chongqing et Tianjin—ont aussi fondé leurs propres organisations philanthropiques. L’Association bouddhiste municipale de Shanghai, une riche association responsable de sites importants, comme le temple du Bouddha de jade (Yufo si ) et le temple du Dragon de la fleur de lotus (Longhua si

), s’est basée sur ses 20 années d’expérience pour former sa propre fon-dation philanthropique, la Fondation caritative de la municipalité de Shanghai (shanghai shi cishan jijinhui ), qui vise à parrainer des écoles primaires et à aider des enfants dans le besoin. Les temples locaux et leurs membres prennent activement part à l’action philanthropique: le Centre de conférence de Yuanming (Yuanming Jiangtang ) publie même sa propre lettre d’information, Yuanming Cishan Tongxun , dans le but de documenter ses activités philanthropiques et de délivrer une information détaillée à propos des donateurs qui ont soutenu les organisations locales. En 1993, l’Association bouddhiste de Chongqing a lancé son propre comité, dit du “projet de l’espoir (xiwang gongcheng )”, en plus de parrainer la construction de classes dans des écoles primaires. La réponse du public a été assez encourageante pour inspirer, en 1998, la création d’une Société de bienfaisance et de charité (Cishan Gongdehui). Tianjin a aussi inauguré sa fondation caritative, Tianjin Fojiao Cishan Gongde Jijinhui , une organisation qui se révèle être un acteur majeur dans la prestation de services de secours aux plus démunis de la ville (Folian Shangwuwang, 2007).

À des échelons administratifs plus modestes, comme ceux de la préfecture ou du comté, les associations bouddhistes ont aussi établi leurs organisations philanthropiques. C’est le cas dans les préfectures de Huaibei (Anhui), de Taizhou (Zhejiang), de Nanting (Guangxi), de Shanwei (Guangdong), de Putian (Fujian), de Xuzhou (Jiangsu), de Chenzhou

(Hunan) et de Hunchun (Liaoning). Les associations bouddhistes de villes comme Nanjing, Chengde et Quanzhou ont procédé de même. En dépit de ressources limitées, certaines d’entre elles ont réussi à lancer leurs propres sites internet. Tel est le cas de la Fondation bouddhiste caritative de Ling chuan

, dans la province du Shanxi. Cette liste n’a pas la prétention d’être exhaus-tive. Elle sert, cependant, à illustrer le fait que les organisations philanthropiques bouddhistes sont en efflorescence dans toutes les régions du pays, indépendam-ment de leur niveau socio-économique et de leur degré de prospérité, ou encore de l’étendue des relations qu’elles entretiennent avec le monde extérieur.

Dans certains cas, les temples eux-mêmes mettent sur pied leur organisation caritative. De telles évolutions ont été observées dans la province du Hubei, où le temple de Wuzu (préfecture de Huanggang ), le temple de Zhanhua

(préfecture de Jingzhou) et le temple de Guangde (comté de Xiangfan)

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apportent une assistance aux personnes défavorisées. Les activités du temple de Wuzu ont eu assez de succès pour qu’il soit en mesure de lancer son site internet et son journal, Ciyuan , qui annonce les activités philanthropiques du temple, en plus de dévoiler une liste de donateurs. Une des caractéristiques res-sortant de l’étude des activités de ces temples réside dans leur envergure: leurs activités sont régionales et non seulement locales. Par exemple, des bénévoles du temple de Wuzu ont porté assistance à des travailleurs migrants aussi loin qu’à Wuhan. À cet égard, la prestation de services sociaux offerte par ces béné-voles se distingue de celle fournie par les temples ancestraux, telle que dépeinte dans les études de Chau (2006), Tsai (2002), ainsi que Eng et Lin (2002), et qui servent les habitants d’un village ou d’un canton.

Quelques-uns de ces temples ont très rapidement tiré avantage de leur histoire dans le but de s’assurer d’un appui financier et se permettre, ainsi, d’entre-prendre des activités philanthropiques. Dans cet esprit, Raoul Birnbaum a signalé l’exemple du temple de Nanputuo, à Xiamen—où Taixu était abbé—qui a su profiter de la renommée du temple pour mettre sur pied une organisation carita-tive. Cette entreprise a été couronnée d’un tel succès qu’en 1995, elle rejoignait les rangs de la Fédération caritative de Chine. Birnbaum ajoute que le succès si considérable du temple de Nanputuo à Xiamen a fait des émules: en l’an 2000, un couvent avec lequel il entretient des liens étroits, a créé sa propre orga-nisation philanthropique (2003: 444). La philanthropie bouddhiste établit même ses quartiers dans des lieux qui n’étaient pas traditionnellement réputés pour leurs activités bouddhistes, si l’on en croit les études de terrain méticuleuses menées par Welch (1968), à propos des temples qui subsistaient, à l’ère républi-caine. Ainsi, bien que l’implantation du bouddhisme ait été négligeable au Liao-ning au début du 20ème siècle, le temple de Chaoyang , situé à Dalian, abrite le siège d’une organisation caritative bouddhiste destiné à cette ville. Ces exemples suggèrent que les autorités publiques ferment les yeux sur ces évolu-tions parce qu’elles les jugent utiles pour pallier des lacunes dans l’offre de services sociaux, même si elles se réservent le droit d’y mettre un frein.

Remarques finales

Même s’ils ne peuvent agir en tant qu’agents effectifs de services sociaux, les monastères bouddhistes et leurs membres laïcs—en faisant preuve d’un compor-tement exemplaire—sont en mesure de garantir une forme indirecte de soutien aux politiques sociales de l’État. Bon nombre d’exigences en matière de services sociaux sont motivées par des attentes qui prennent leurs sources dans le vaste éventail des services sociaux offerts par les entreprises d’État. Du point de vue de l’État et aux yeux de la nouvelle classe d’entrepreneurs—qui préférerait que les autorités n’interviennent pas trop dans la prestation des services sociaux, en raison de la hausse des impôts sur les corporations que celle-ci pourrait générer—, les vœux de pauvreté prononcés par les clercs et mis en pratique par les laïcs les plus pieux, peuvent présenter une caractéristique louable. Les moines et les laïcs qui vivent durant une longue période dans les monastères font l’expéri-ence d’un mode de vie qui tranche fortement avec la mode consumériste qui caractérise la jeunesse urbaine. L’exemple de l’abnégation bouddhiste peut-il

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inspirer la population à réfréner ses désirs et à ne pas trop exiger de l’État en termes de services sociaux? Rien n’est moins sûr.

La frugalité qui règne au sein des monastères bouddhistes a très peu de consé-quences sur la prestation de services sociaux dans le reste de la société chinoise. La plupart des pratiquants bouddhistes ne demeurent pas au monastère pendant de longues périodes et une poignée d’entre eux seulement aspirent vraiment à un mode de vie frugal. En outre, comme en témoigne clairement la prospérité maté-rielle de nombreux temples bouddhistes en RPC et à Taïwan, la religion ne s’avère pas incompatible avec un étalage de richesse. Ceci n’est pas totalement contradictoire: pour les croyants, des signes extérieurs de prospérité des temples démontrent leur gestion saine, ce qui attire plus de fonds pour l’entretien du temple, de même que pour ses activités philanthropiques (Chandler, 2004).

En somme, les activités des organisations bouddhistes peuvent difficilement être perçues comme illustratives de la sacralisation de la société chinoise. D’emblée, il est évident que même lorsque les dirigeants des organisations natio-nales, provinciales ou locales lancent des initiatives—au nom de leur croyance religieuse—en matière de prestation de services sociaux, ils doivent travailler à l’intérieur des paramètres fixés par l’État. Ces organisations répondent aux recommandations des décideurs, qui estiment qu’elles peuvent contribuer à la stabilité sociale. En d’autres mots, elles servent des intérêts supérieurs qu’elles n’ont pas les moyens de déterminer. Cette réalité n’exclut pas la possibilité que les leaders religieux saisissent cette occasion afin de promouvoir leurs propres buts, soit celui de la préservation de leurs institutions. Il s’agit seulement de reconnaître qu’ils n’ont pas le pouvoir de remettre en question l’engagement continu de l’État à faire appliquer sa politique délibérée de sécularisation. Tout compte fait, le sous-système du politique en Chine maintient ses prérogatives sur les autres et continue d’agir comme un “dais sacré” (Dobbelaere, 2002: 193; Fenn, 2001: 122; Berger, 1967). Il reste à voir si, oui ou non, ce projet sera viable à l’avenir.

REMERCIEMENT

L’auteur tient ici à remercier Marijo Demers pour sa traduction, ainsi que le Conseil de recherche en Science humaine du Canada pour l’aide financière qu’il a apportée au finan-cement de l’étude menant à cet article.

NOTES

1. Une version précédente de cet article a été présentée au colloque Religion and Social Integration in Chinese Societies à l’Université chinoise de Hong Kong qui s’est tenu du 28 au 30 juin 2007.

2. Cette tendance se dessine depuis le début des réformes économiques lancées en 1978, à la suite du démantèlement des communes. Pour une discussion concernant les effets de ce processus sur le bien-être de la population, voir Gu, 2001.

3. Le 18 décembre 2007, lors d’un discours à la séance plénière du Politburo, l’organe décisionnel suprême en Chine, le président Hu Jintao a déclaré—ce qui est une première dans l’histoire du Parti—que le PCC devrait utiliser les éléments positifs de la religion, afin de l’aider à atteindre son but de “société harmonieuse”. Voir Sisci, 2007.

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4. Ces entretiens ont été réalisés en 2004 et 2006, lors de séjours dans les sites respectifs.5. Ces entretiens ont été réalisés entre 2001 et 2006, lors de séjours successifs.6. La plupart de ces publications ont été consultées au centre de recherche du Temple du

Bouddha de Jade à Shanghai, ainsi qu’à la bibliothèque du Temple de Bailin au Hebei.7. Yang Fenggang (2006), défenseur enthousiaste de l’école américaine de l’économie

religieuse, est l’un de ses critiques les plus clairs et les plus créatifs en ce qui concerne l’étude des religions chinoises.

8. Je remercie Karel Dobbeleare pour cette perspective concernant la place laissée aux sous-systèmes religieux dans les États occidentaux qui adoptent une politique de laïcisation.

9. Peter Berger (1999), pourtant l’un des pères fondateurs de l’approche, s’est, en fin de compte, rétracté, supervisant un ouvrage portant sur la désécularisation du monde.

10. L’apport du large corpus des enquêtes anthropologiques réalisées en Chine démontre aussi que la résilience religieuse varie de région en région. Dans un pays aussi vaste que la Chine, il est toujours hasardeux de procéder à des généralisations à partir de ce qu’a dévoilé l’enquête de terrain.

11. La validité de ces observations est confirmée par les contributions des autres collabo-rateurs à ce numéro, ainsi que par mes propres séjours en Chine en milieu urbain et dans de plus petites localités.

12. Signe que même les canons du matérialisme historique sont peut-être sur le point d’être remis en question, des discussions ont eu lieu, à l’intérieur de cercles d’intellectuels proches du PCC, à propos de la réhabilitation du confucianisme comme idéologie d’État.

13. Il faut souligner qu’en 2001, Pan Yue, un haut fonctionnaire de la commission étatique sur la réforme économique, y allait d’une déclaration de grande importance par rapport à notre discussion puisqu’il prônait une plus grande ouverture vis-à-vis de la religion. Selon ses dires: “la pensée marxiste à l’égard de la religion se doit d’être de son époque”.

14. Rencontrés en 2006 et 2007, des professeurs et cadres de l’école du Parti ont confirmé ces opinions et personne ne considérait comme plausible l’idée que des personnes prati-quantes puissent rejoindre le parti.

15. Arendt Lijphart décrivait comme des stratégies de pillarisation les efforts de commu-nautés distinctes visant à maintenir leur identité, par la constitution d’associations parta-geant les mêmes valeurs et croyances. Ce concept a été utilisé pour décrire les systèmes d’organisation sociale et politique utilisés à ces fins aux Pays-Bas et en Belgique, mainte-nant des identités politiques et communautaires par la création de médias, partis politiques, organisations syndicales et instituts d’études supérieures spécifiques.

16. Ceci ne veut pas dire que le gouvernement chinois se retire de tous les champs de la politique sociale. Il existe des programmes axés sur le développement des régions défa-vorisées de l’Ouest du pays, de même que différents projets qui sont explorés concernant les régimes des pensions, la mise sur pied de réformes pour alléger le fardeau fiscal des paysans. De même, des investissements sont réalisés dans les domaines de la santé et de l’éducation. Toutefois, l’État ne souhaite pas se poser en agent unique des politiques sociales; il encourage donc la participation du secteur privé.

17. Par exemple, des organisations, qui sont affiliées aux Églises patriotiques chrétiennes ayant l’approbation de l’État, participent activement à des missions de secours, en colla-boration avec des “Églises sœurs” internationales. La fondation protestante Amity, par exemple, a longtemps réalisé ce genre de travail. Voir à ce sujet Carino (2008).

18. Il y a déjà eu des exceptions: pendant l’élection présidentielle de 1996, Xingyun, le fondateur de Foguangshan, a parrainé la candidature de l’un de ses adeptes, Chen Lu’an, un bouddhiste laïc dont le père était un membre bien en vue du gouvernement du Parti nationaliste (Guomindang). En 2004, le dirigeant d’une autre association bouddhiste importante, Zhongtaichan, a mis en garde l’électorat: s’il donnait son appui au candidat Chen Shui-bian, un désastre majeur s’ensuivrait. Il faut souligner que ces actions étaient exceptionnelles et favorables à des politiciens plutôt conservateurs.

19. Cette observation n’indique pas que les moines demeurent les bras croisés. J’ai vu certains d’entre eux consacrer beaucoup d’efforts à aider des orphelins et des enfants handicapés.

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20. Les affaires bouddhistes en ligne.21. Le bouddhisme au Guangdong.22. Les nouvelles du bouddhisme chinois.

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André LALIBERTÉ a reçu son doctorat de l’Université de Colombie britan-nique en 1999. Il a publié The Political Behavior of Buddhist Organizations in Taiwan, 1989–2003 (Routledge), ainsi que plusieurs chapitres et articles de périodiques scientifiques sur les rapports entre État et religion en Chine populaire et à Taïwan. Il est professeur agrégé à l’École d’études politiques

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de l’Université d’Ottawa, au Canada, où il enseigne la politique comparée et la vie politique en Asie. Ses travaux actuels sont consacrés aux débats au sein des communautés scientifiques chinoises sur le rôle des institutions religieuses dans la vie publique. ADRESSE: École d’études politiques, Université d’Ottawa, 55, avenue Laurier Est, Édifice Desmarais, pièce 9144, Ottawa, Ontario, K1N 6N5, Canada. [email: [email protected]]