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61 DOSSIER HISTOIRE, MONDE & CULTURES RELIGIEUSES 27 OCTOBRE 2013 Roues des casinos, Néo-traditionalistes et évangéliques Religion, politique et développement économique dans quelques communautés Anishinaabeg du Sud du Lac Supérieur OLIVIER SERVAIS Université de Louvain-La-Neuve L < #L@E C< ;W98K JLI Cl@DGC8EK8K@FE ;lLE :8J@EF 8E@D< C8 G<K@K< M@CC< ;< +F:B=FI; LE< M@CC< ;< ?89@K8EKJ T C8 frontière de L’Illinois et du Wisconsin. Les habitants poussent à l’implantation d’un établissement indien face à l’arrivée plausible d’un casino imposant à Beloit à 15 miles de là, juste de l’autre côté de la frontière d’État dans le Wisconsin. Le projet est promu par la Ho-Chunk Nation et envisage d’implanter en outre un centre de conférence, des hôtels et des commerces. La Bad River et Sainte-Croix Chippewa Band du nord du Wisconsin avait proposé à l’origine ce projet, mais elle s’est retirée. La nation Ho-Chunk a alors pris le relais et les perspectives se JFEK 8DWC@FIW<J f :<KK< ;8K< C8 KI@9L ;F@K <E:FI< F9K<E@I Cl8GGIF98K@FE du gouvernement fédéral. L’analyse faite à Rockford est qu’il est peu probable que deux casinos puissent cohabiter avec succès si près l’un

ROUES DES CASINOS, NÉO-TRADITIONALISTES ET ÉVANGÉLIQUES Religion, politique et développement économique dans quelques communautés Anishinaabeg du Sud du Lac Supérieur. Revue

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DOSSIERHISTOIRE, MONDE & CULTURES RELIGIEUSES N°27 OCTOBRE 2013

Roues des casinos, Néo-traditionalistes et évangéliques

Religion, politique et développement économique dans quelques communautés Anishinaabeg du Sud du Lac Supérieur

OLIVIER SERVAIS

Université de Louvain-La-Neuve

L <� �� #L@E� �� ��� C<� ;W98K� JLI� Cl@DGC8EK8K@FE� ;lLE� :8J@EF� 8E@D<�C8� G<K@K<� M@CC<� ;<�+F:B=FI;� LE<� M@CC<� ;<� ������?89@K8EKJ� T� C8�frontière de L’Illinois et du Wisconsin. Les habitants poussent à

l’implantation d’un établissement indien face à l’arrivée plausible d’un casino imposant à Beloit à 15 miles de là, juste de l’autre côté de la frontière d’État dans le Wisconsin. Le projet est promu par la Ho-Chunk Nation et envisage d’implanter en outre un centre de conférence, des hôtels et des commerces. La Bad River et Sainte-Croix Chippewa Band du nord du Wisconsin avait proposé à l’origine ce projet, mais elle s’est retirée. La nation Ho-Chunk a alors pris le relais et les perspectives se JFEK�8DWC@FIW<J�f�:<KK<�;8K<��C8�KI@9L�;F@K�<E:FI<�F9K<E@I�Cl8GGIF98K@FE�du gouvernement fédéral. L’analyse faite à Rockford est qu’il est peu probable que deux casinos puissent cohabiter avec succès si près l’un

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de l’autre, de sorte que celui qui construira le premier aura la main1. Seuls quelques chrétiens évangéliques s’opposent à cette installation et plus généralement aux Indian Casinos, lieux de vices et de dépendances maladives. Mais leurs arguments sont rapidement balayés, étiquetés comme « exagérés », ou déconstruits plus méticuleusement, arguments contre arguments, par les partisans du casino2.

Ce cas de Rockford est typique de la dynamique actuelle des établissements amérindiens de jeux de hasard et des tensions, notamment religieuses, qu’ils génèrent. Les positions théoriques et rhétoriques des acteurs en présence sont connues. Les images d’Épinal sont pléthoriques et renvoient presque exclusivement à l’image d’une opposition unilatérale des évangéliques aux jeux de hasard ou d’une caricature d’amérindiens devenus tous businessmen. Pourtant, il J<D9C<�8L�:FEKI8@I<�HLlLE<�F9J<IM8K@FE�GCLJ�mE<�;<J�IW8C@KWJ�KWDF@>E<�de convergences improbables, et surtout de la complexité des positionnements à l’égard de ces établissements.�L� mE8C�� DYD<� J@� :<� K<II8@E� <JK� <D9IPFEE8@I<�� <K� Jl@C� <JK�

G8IK@:LC@XI<D<EK�;@=m:@C<�T�D<KKI<�<E�gLMI<�� @C�J<D9C<�GIFD<KKI<�LE<�porte d’entrée riche et novatrice pour comprendre les tensions entre le développement économique amérindien et les convictions religieuses sur la rive Sud du Lac Supérieur�. Dans cette optique, deux acteurs importants nous ont semblé devoir être retenus pour l’analyse. Tout d’abord les groupes traditionalistes amérindiens, des mouvements DWm8EKJ� M@JTM@J� ;<� C8� DF;<IE@KW� F::@;<EK8C<� <K� I<M<E;@HL8EK� LE�réancrage des communautés dans les spiritualités amérindiennes. On conçoit aisément que de tels collectifs aient pu s’opposer fermement à la dynamique capitaliste que représentent les casinos. Comme second acteur, nous songeons aux églises évangéliques qui constituent le fer de lance de la lutte contre les jeux de hasard à l’échelle nationale. Au vu des positionnements très rigides des églises nationales, nous serions étonnés d’une position fort différente à l’échelon local. C’est donc ces deux acteurs que nous avons voulu passer au crible des casinos.

Dans le présent article, nous tenterons ainsi de répondre à la question JL@M8EK<���HL<CJ�JFEK�C<J�GFJ@K@FEE<D<EKJ�;<J�DFLM<D<EKJ�WM8E>WC@HL<J�et des groupes amérindiens traditionalistes sur cette problématique des casinos chippewa au Michigan, Wisconsin et Minnesota ? Et de manière

1. Site ?KKG���NNN@E;@8EQ:FD�"E;@8E 8D@E>��� ��������8JG�/F@I�8LJJ@� ��?KKG���NNNIIJK8I:FD�@EJ@>?K�O����� ����(LI/@<N-8B<8;<<G9I<8K?>FM<IEFI?FC;PFLInose-and-sign-gambling-bill��FEJLCKW�<E�C@>E<�C<� ��;W:<D9I<��� �

2. ?KKG���IF:BI@M<IK@D<J:FD��� ��������B<<G@El@KBC<<EJ?FLC;8:8J@EF:FD<KFIF:B=FI;, consulté <E�C@>E<�C<� ��;W:<D9I<��� �

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sous-jacente, quels sont les ressorts permettant d’expliquer l’évolution des positionnements des acteurs sur cette question ? � )FLI�EFLJ��C<�:8J�;<J��?@GG<N8�;<J�SK8KJ.E@J��,L;�<K�(L<JK�

;L�%8:�,LGWI@<LI��<JK�<D9CWD8K@HL<�;<�:<KK<�J@KL8K@FE�8D9@>LZ�<EKI<�traditionalisme de préservation et évangélisme. En effet, parmi les premières nations, les Chippewas assument très tôt, avec quelques autres, la fonction symbolique de « Résistants » à la colonisation 9C8E:?<��8EJ�C<LIJ�>L<II<J�:FEKI<�C<J�"IFHLF@J��XVIIe��C<J�,@FLO��XVIIIe���FL�C<J��DWI@:8@EJ��XIXe���@CJ�8M8@<EK�;WAT�=8@K�WD<I><I�8LGIXJ�;<J�:FCFEJ�américains une image particulièrement rude d’eux-mêmes. Il est dès lors CF>@HL<�HL<�;XJ�C<J�8EEW<J� �����:<J�GFGLC8K@FEJ�=LI<EK�G@FEE@XI<J�<E�matières de préservations des droits des Amérindiens. A cette époque, @CJ�=FE;XI<EK�T�:<KK<�mE�ClAmerican Indian Movement, un des principaux groupes de pression indien aux États-Unis. De nombreuses affaires furent ainsi portées devant les tribunaux, et les Chippewa se bâtirent une solide image de « résistance » autochtone, notamment dans le cadre de la contre-culture américaine. On a ainsi beaucoup essentialisé ces populations, dont aux premiers plans ces groupes de résistants traditionalistes en les intégrant dans des discours culturalistes� et de facto en les épurant. Dans la même veine, leurs opposants, parmi lesquels les églises évangéliques, ont été représentés de pareille manière. Notre hypothèse de travail est qu’au delà des caricatures de camps homogènes et univocaux, c’est plutôt la complexité et l’ambiguïté qui prévalent concernant les attitudes des autochtones traditionalistes et des pasteurs chrétiens vis-à-vis de la réalité des casinos amérindiens.

L’objectif premier de cette contribution sera d’examiner la sémantique, la rhétorique et les imaginaires renvoyés par ces deux groupes souvent antagonistes à l’égard des maisons de jeux gérées par les communautés. On s’apercevra certes de leurs profondes divergences, mais on tentera surtout de percevoir les paradoxaux rapprochements qui unissent ces frères ennemis sur cette problématique.

Après avoir expliqué synthétiquement notre approche, nous reviendrons dans un premier temps sur les fondements culturels des jeux de hasard chez les Anishinnabeg. Ensuite, nous contextualiserons le phénomène dit du « Nouveau Bison » et son développement récent. Quelques réserves nous permettront d’illustrer empiriquement cette réalité. Sur cette base, nous examinerons les rhétoriques successives sur les casinos des Chippewas traditionalistes et des pasteurs évangéliques. Il s’agira d’analyser essentiellement les sermons, ouvrages littéraires et discours publics des différents protagonistes. Cette confrontation des perspectives nous permettra alors de tirer quelques enseignements en termes d’analyse plus large du phénomène.

��/F@I� G8I� <O<DGC<� C<J� KI8M8LO�;<�+LK?�LANDES, Ojibwa sociology, New York, Columbia .E@M<IJ@KP�)I<JJ��:FCC�c��FCLD9@8�.E@M<IJ@KP��FEKI@9LK@FEJ�KF��EK?IFGFCF>P��MFC����d�� ���

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Pour ce faire, nous fondons notre propos sur des sources différentes. En premier lieu nous avons inventorié les établissements chippewa de jeu dans les deux États5. Ensuite, sur cette base nous avons recensé LE�D8O@DLD�;<�;@J:FLIJ�GL9C@:J�T�GIFGFJ�;<�C<LIJ�:8J@EFJ�;<� ����T��� �� �� C@KKWI8KLI<�8DWI@E;@<EE<��;@J:FLIJ�GFC@K@HL<J��J@K<J�N<9�<K�9CF>�des communautés et des municipalités en jeu et presse locale�. Au delà des discours, notre étude vise aussi à mesurer la nature du débat autour de ces énoncés souvent prescriptifs et moralistes. Pour ce faire, nous avons passés au crible, les forums internet des groupes traditionalistes chippewa� et les « Frequented Asked Questions » des sites évangéliques ou d’opposants au jeu8. Par ailleurs, les documents à diffusion plus large, comme les journaux et certains documents d’archives nous ont permis de compléter nos informations9��EmE��EFLJ�8MFEJ�;WGFL@CCW�GCLJ�JPJKWD8K@HL<D<EK�C<J�JFLI:<J�C@W<J�T�;<LO�:FDDLE8LKWJ����8I8>8��&@:?@>8E��<K�-LIKC<�%8B<��0@J:FEJ@E�T�HL<CHL<J�D@ELK<J�;L�&@EE<JFK8��Le choix de ces communautés n’est pas le fruit du hasard. Baraga est une des plus anciennes communautés sédentarisées. On rattache son histoire à la venue des jésuites au XVIIe siècle. Des éléments majeurs de la culture occidentale y ont ainsi été intégrés de très longue date. Turtle Lake de son côté, déjà évoquée dans le cas de Rockford est devenu une entreprise de casino très dynamique, largement au delà des murs de la réserve puisque son aire d’action s’étend au Minnesota voisin et jusqu’en Illinois. Les dimensions d’histoire longue, d’une part, et de dynamisme économique, d’autre part, nous semblaient intéressantes à sonder dans cette analyse au statut préliminaire.

D’un point de vue méthodologique, nous avons procédé en trois étapes. Dans un premier temps, nous avons réalisé un inventaire et un classement des sources en fonction de leur positionnement sur la question des casinos au sein d’une part des mouvements Chippewa traditionaliste et des églises chrétiennes locales. Sur base de ce

5. ?KKG���NNNE@>:>FM�et ?KKG���NNN@E;@8E>8D@E>:FD ���%<J� J@K<J� JL@M8EK� FEK� WKW� JPJKWD8K@HL<D<EK� ;WGFL@CCWJ� <K� 8E8CPJWJ���?KKG���NNN

stcroixcasino.com ̂ ?KKG������E8K@FEJ:FD�̂ ?KKG���NNNB9@:EJE>FM�̂ ?KKG���FA@9N8com ̂ ?KKG���NNNFA@9N8:8J@EF:FD�̂ ?KKG���NNNN@J:FEJ@EI8G@;JKI@9LE<:FD ̂ ?KKG���NNNbeloitdailynews.com ̂ ?KKG���NNND@E@E>AFLIE8CE<K ̂ ?KKG���NNNJFF<M<E@E>E<NJ:FD�̂ ?KKG���NNNDE;8@CP:FD ̂ ?KKG���NNNKN@E:@K@<J:FD ̂ ?KKG���NNNJK8IKI@9LE<:FD. On 8AFLK<I8�C<J�AFLIE8LO�;<J�;<LO�:FDDLE8LKWJ����'1/@/4�//1'4' pour Turtle Lake et Wiikwedong �'@./��0/(=+ pour Baraga.

���?KKG���NNN8@DFM<D<EKFI> ̂ ?KKG���NNNE8K@M<C8E>L8><JFI>�̂ ?KKG���NNNculturalsurvival.org.

8. ?KKG���NNNGI:8FI>�̂ ?KKG���NNNN@GIF9C<D>8D9C<IJFI>�̂ ?KKG���NNND@:?8G>com ̂ ?KKG���:@K@Q<EJ8>8@EJK>8D9C@E><OG8EJ@FE:FD�̂ ?KKG���:?I@JK@8E@KP89FLK:FD ̂ ?KKG���www.apologeticspress.org ̂ ?KKG���NNN>FKHL<JK@FEJFI> ̂ ?KKG���NNNN<CJE<K�̂ ?KKG���NNNelca.org.

9. On songe particulièrement aux productions des communautés chippewa.

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classement, nous avons opéré une comparaison entre catégories, G<ID<KK8EK� EFK8DD<EK� ;lWKL;@<I� GCLJ� mE<D<EK� C<J� ;@==WI<E:<J� <K�ressemblance entre les rhétoriques et argumentations des protagonistes. �EmE��EFLJ�8MFEJ�GIF:W;W�T�LE<�I<:FEK<OKL8C@J8K@FE��EFK8DD<EK�G8I�une archéologie linguistique et ethnographique des différents termes renvoyant au jeu chez les Chippewa, et plus largement dans l’ensemble anishinaabe. L’objectif est de mettre en lumière les logiques rhétoriques et les grands positionnements des acteurs spirituels et religieux sur ces jeux de hasard autochtones.

Le jeu traditionnel chez les Anishinaabeg

Chez les Anishinaabeg, comme dans bien des sociétés humaines, le jeu s’ancre dans une longue tradition culturelle. Cette histoire a d’ailleurs laissé son empreinte dans la langue à travers l’existence de certains mots.

Sur cette base lexicale, les jeux les plus classiques sont les jeux sportifs, dont le plus courant est Baaga’adowe, le jeu bien connu de Lacrosse � Mais la référence au jeu de hasard est aussi d’emblée présente. Ataage�J@>E@m<�C@KKWI8C<D<EK�c�C<�A<L�;<�?8J8I;�d�(E�I<KIFLM<�C8�DYD<�racine dans ataadiwin, à la lettre « jouer aux cartes » et ataadiwag, « le jeu de cartes ». Ataw c’est ainsi « jouer aux cartes avec quelqu‘un »11.

La chance est aussi évoquée de deux manières. La première se trouve JFLJ�C8�J@>E@m:8K@FE�c�*I'<5/8�'99+@�G, « d’être satisfait » avec le terme *+(/@/. On la retrouve associée à la nourriture et au repas avec debise, J@>E@m8EK�c�D8E><I�8JJ<Q�d��c�YKI<�I8JJ8J@W�d��9I<= �8MF@I�JL=mJ8DD<EK12. La chance en ce sens est ce qui satisfait et donne en quantité raisonnable. Debi s’est donc « satisfaire quelqu’un », « donner quelque chose d’approprié à quelqu’un ». Ce registre de la chance renvoie de la sorte à ce que procure la chasse, la pêche et la cueillette, ce que permet le travail de l’homme, dont probablement la négociation avec des entités capables ;<�GFLIMF@I�:<KK<�HL8EK@KW�JL=mJ8EK<�.E<�8LKI<�:?8I><�JWD8EK@HL<�<JK�C8�fortune associée au spirituel. %.'=+4*''-5@/�veut dire « être béni », « être pieux », « être fortuné ». La fortune est ainsi adjointe à une bénédiction liée à une attitude pieuse, à un don reçu d’entités non-humaines qui =FLIE@JJ<EK�C8�:?8E:<��I<=��CT�F^�C8�:?8E:<�<JK�;WmE@<�:FDD<�JL=mJ8E:<�elle est intra-humaine, alors que la fortune comme bénédiction apparaît extrahumaine.

��#���NICHOLS and E. NYHOLM, A Concise Dictionary of Minnesota Ojibwe, Minneapolis, .E@M<IJ@KP�F= �&@EE<JFK8�)I<JJ�� �����G����

11. Ibid.,�G� � �12. Ibid.,�G����<K�� �

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Cette perspective n’est pas sans rappeler les thèses de Roberte Hamayon sur la chasse de la chance qui conditionne la prise de gibier �. C’est dans cette optique une société cynégétique où c’est la chance qu’il faut chasser et c’est alors elle qui livre le gibier. Cette vision s’inscrit à l’opposé d’une société de chasse occidentale où c’est, a contrario, l’habileté du chasseur à attraper sa proie qui est la qualité première. La chance, ou la fortune, assume ainsi un rôle clé dans ce type d’univers culturel.

La littérature ethnographique et historique est moins précise sur ces distinctions linguistiques ou conceptuelles, mais plus descriptives sur C8� E8KLI<� ;<J� A<LO�'@:FC8J�)<IIFK�� LE� :FLI<LI� ;<J� 9F@J� ;<� C8� mE�;L�XVIIe siècle, mentionne plusieurs jeux, mais il évoque plus en détail deux A<LO�;<�?8J8I;���C<�A<L�;<J�G8@CC<J��<K�C<�A<L�;<�;WJ�"C�J@>E8C<�;WAT��c�C<J�sauvages perdent au jeu des pailles non seulement tout ce qu’ils ont, mais encore ce qui appartient à leurs camarades ». La question du jeu, <JK�;FE:�;<�ClFI;I<�;L�;W9FI;<D<EK���c�@C�=8LK�I<D8IHL<I�HLl8GIXJ�8MF@I�perdu au jeu, ce qu’on a devant soy, on continüe de joüer sur la parole, si on asseure qu’on a des effets quoyqu’ils ne soient pas présents. Mais quand on continüe d’avoir du malheur, le gagnant peut refuser des grains au perdant pour la valeur qu’il luy demande, et l’obliger d’aller quérir des effets sans vouloir jouer davantage qu’il ne le voye, à quoy il n’y a pas de réplique à lui faire. » �. Ce gain ou cette perte il faut absolument la compenser, pour rééquilibrer la chance. Impossible de demeurer en dette de chance, quitte à être relayé par un ami ou un parent. « Le perdant dira sur-le-champ à un de ses camarades de les luy apporter, et si le malheur continue, il perdra tout ce qu’il a. Un de ses camarades le relève ensuitte et prend sa place, déclarant à celuy qui est le gagnant ce qu’il a adessein de risquer au jeu… Ce jeu dure quelquefois des trois ou quatre jours »15.

Perrot note qu’un tel jeu dure souvent jusqu’au moment où un des deux camps a tout perdu. Pour les protagonistes, impossible de quitter ce combat ludique et agonistique sans que tout ne soit perdu, d’un côté ou de l’autre. « Il ne peuvent se dispenser de donner la revenche » témoigne Perrot �.

Dans ces parties parfois interminables, les attitudes des joueurs sont centrales. Les comportements moraux sont de mise. A ce propos, une distinction tout en nuance a court entre attitudes recommandées et attitudes proscrites. La tricherie, c’est-à-dire le fait d’enfreindre les règles pour gagner, est blâmée alors que l’adresse et la ruse,

��/F@I� EFK8DD<EK� ��+�HAMAYON, Le chamanisme : ou l’art de gagner sa chance grâce à des partenaires imaginaires��S:FC<�=I8EV8@J<�;l�OKIYD<(I@<EK���<EKI<�;<�)WB@E�������� �1""�G

��'@:FC8J�PERROT, �A35/8+� 9;8� 2+9�3H;89�� )5;9:;3+9�� +:� 8+22/-/549� *+9� 9';<'-.+9� *+� 2I�3A8/7;+�septentrionale��&FEKIW8C���FD<8L�<K�'8;<8L�� ���4 ���5��G�����

15. Ibid.��G����� ��Ibid.

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c’est-à-dire la tromperie en respectant les règles, sont louées �. Le joueur rusé reçoit beaucoup de prestiges de ces attitudes qui témoignent de son intelligence. D’ailleurs, ces parties sont tout sauf des rituels privés. La dimension publique, voire collective, y est centrale. Perrot nous rapporte d’ailleurs que le jeu se déroule dans les cabanes des chefs, car elles sont grandes. La capacité à accueillir un large groupe est centrale dans le critère du choix du lieu. On joue en face d’un autre joueur, mais surtout en présence d’un large public qui assiste aux sanctions de la chance.

La multiplicité de ces jeux de chance est impressionnante. Perrot évoque bien entendu le « jeu de dez »18, mais il cite aussi un jeu d’os. Six petits os plats, un plat en bois bien rond. Le jeu est aussi pratiqué par les femmes, mais les règles y sont un peu différentes livre-t-il.

Copway, un autochtone converti au christianisme, signale lui aussi que les jeux de chance sont particulièrement en vogue parmi les Ojibway19� "C�;W:I@K� C<� A<L�;L�DF:8JJ@E��HLl@C�;WmE@K�:FDD<�c�J@DGC<�d�<K�I<D8IHL<�HLl@C�G<LK�YKI<�AFLW�T���FL���-IF@J�DF:8JJ@EJ�JFEK�LK@C@JWJ�pour cacher une bille, le but est de deviner où se trouve la bille. Copway EFK<� HLlFE�D@J<� T� :<� A<L� ;<� EFD9I<LO� 9@<EJ� �� =LJ@CJ�� G@X><J� <E� =<I��habits, etc. « Jusqu’à ne plus rien avoir » dit-il��.

Au XXe siècle on retrouve toujours cette pratique sociale. Deux types de jeux étaient pratiqués par les Chippewa pour Densmore21���C<J�A<LO�de chance, incluant les jeux du mocassin, de main, du plat, du serpent et du bâton et des jeux d’adresse. Dans cette version, le jeu du mocassin consiste à cacher quatre billes sous quatre mocassins, l’une d’entre elle étant marquée. L’un cache la bille sous le mocassin et son opposant doit la retrouver en devinant. On peut le faire aussi sous ses mains à la place des mocassins. D’autres jeux proches existent comme le jeu des mains. Le « jeu de dez » est appelé par Densmore « le jeu du plat »22. Ce A<L�LK@C@J<�LE�GC8K�<K�;<J�m>LI@E<J�K8@CCW<J�;8EJ�;<J�FJ�%<�9LK�;L�A<L�<JK�;<�I<KFLIE<I�C<�GC8K�8M<:�C<J�m>LI@E<J�<E�JFE�J<@E�<K�8CFIJ�;<�>8I;<I�LE�D8O@DLD�;<�:<J�JK8KL<KK<J�<E�GFJ@K@FE�;<9FLK�,<CFE�C8�m>LI@E<�<E:FI<�d’aplomb, des points différents sont attribués. Les autres jeux cités par Densmore sont apparentés.

Hilger, une religieuse bénédictine et anthropologue, témoigne qu’elle a observé le jeu du mocassin, ma’kisinatadiwin, joué par les hommes

��Ibid.��G���18. Ibid.��G���19. G. COPWAY, The Traditional History and Charactéristic Sketches of the Ojibway Nation,

!FEFCLCL��.E@M<IJ@KP�)I<JJ�F= �K?<�)8:@m:�������4 ���5��G����� Ibid.��G����21. F. DENSMORE, Chippewa Customs��&@EE<8GFC@J��+FJJ���!8@E<J��4 ���5 �����G� � �22. Ibid., p. 115.

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et les jeunes garçons dans deux de ces terrains��. Elle nous informe HLl<E� ����8L�C8:�/<ID@CCFE��LE�8E:@<E�;<����8EJ�8GGI<E8@K�C<�A<L�;L�DF:8JJ@E�T�;<J�<E=8EKJ�U>WJ�;<���T� �8EJ�f�C@JK<I�KFLJ�:<J�<O<DGC<J��@C�<JK�8JJ<Q�WM@;<EK�HL<�C<J�A<LO�;<�?8J8I;��

par leur multiplicité et leur présence sur toute l’aire anishinaabe, constituaient un élément culturel caractéristique des Chippewas. Ceux-ci étaient des joueurs, et au delà du sport, les jeux de fortune y existaient sous de multiples formes et généraient une réelle effervescence communautaire.

Une panoplie de recettes pour attirer la chance ou la bonne fortune existait d’ailleurs. Jenness, côté canadien, nous rapporte une pratique régulière en ce sens, le port d’une patte droite d’un lapin��. Dans la même veine, une pierre, obtenue seulement auprès d’un shaman JGW:@mHL<�� C<� tchissaki, donne la prospérité25. L’auteur précise que « si vous la garder dans votre maison un été, vous deviendrez riche ». En outre, aucun mauvais esprit ou chaman ne peut dès lors vous agresser. Protection personnelle et chance au jeu vont de pairs. La queue d’un michipichi, le fameux lynx sous-marin entraîne des faveurs similaires D8@J�;<�D8E@XI<�8DGC@mW<��CC<�:8CD<�C<J�<EE<D@J��<E:FLI8><�C8�9FEE<�volonté et apporte bonne fortune et prospérité.

C’est au XIXe siècle, avec des missionnaires catholiques ultramontains et les missions méthodistes et baptistes, qu’un jugement « moraliste » sévère va imposer un sérieux frein à la pratique régulière de ces jeux��. �<KK<�;PE8D@HL<�IWGI<JJ@M<�D8E@=<JK<�LE<�DWm8E:<�M@JTM@J�;L�DFE;<�moderne, par une discipline morale de répression et surtout par une :FE;8DE8K@FE�;<�C8�;8EJ<�<K�;<�KFLK<�8KK@KL;<�HL8C@mW<�;lF::8J@FE�;<�pécher. Dans ce cadre, les jeux sont contrôlés de manière bien plus stricte. �<KK<�GWI@F;<�:C]K��F=m:@<CC<D<EK��C<J�GI8K@HL<J�;<�A<LO�;<�?8J8I;J�EFE�contrôlés. Toutefois, comme nous le démontrent Densmore, Diamond ou Hilger, une partie de ces populations anishinaabes, sédentaires ou nomades au moins partiellement, est réfractaire à ces politiques de réprimande. Et comme le contrôle des activités de jeu en dehors des points de mission ou dans la réserve sous souveraineté amérindienne est ;@=m:@C<��:<CC<J:@�G<I;LI<EK�%8�GI8K@HL<�;<D<LI<�;FE:�GIF989C<D<EK��mais dans un cadre plus limité.

���"�HILGER, Chippewa Child Life and its cultural Background, St Paul, Minnesota Historical ,F:@<KP�)I<JJ�� ����4 �� 5��G� � �

����� JENNESS, The Ojibwa Indians of Parry Island, Their Social and Religious Life, Ottawa, :FCC�c��EK?IFGFCF>@:8C�,<I@<J�d��E`� ��� �����G���

25. Ibid.��� /F@I� #� PIROTTE, !+,'/8+� 2'� ).8A:/+4:A� 5;:8+�3+8�� �+9� 3A:'3586.59+9� *I;4� 6850+:� *+� )547;C:+�

(XIXe - milieu du XXe), in L. VAN YPERSELE, et A.-D. MARCELIS, Rêve de Chrétienté. Réalités du monde, Louvain-La-Neuve, PUL��)8I@J���<I=����� ��G��� ������(�SERVAIS, « Construction identitaire et faux pas missionnaires. Le cas des Amérindiens Anishinaabek du Canada », Bulletin du Centre Protestant d’Études�� <EXM<��K�����E`����������G����

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ROUES DES CASINOS, NÉO-TRADITIONALISTES ET ÉVANGÉLIQUES

Le phénomène du Nouveau Bison

%8�DFEKW<�<E�GL@JJ8E:<�;l8=mID8K@FE�@E;@>WE@JK<�I<M<E;@HL8EK�LE�retour aux traditions va marquer une rupture dans cette limitation des jeux. La forme actuelle des jeux de hasard remonte, dans la plupart des :FDDLE8LKWJ�:?@GG<N8�8L�;W9LK�;<J�8EEW<J� �����FDD<�;8EJ�9@<E�des endroits aux États-Unis, c’est le Bingo qui semble avoir été le premier jeu publiquement promu dans les communautés amérindiennes. Cette situation n’est pas étonnante, puisque ce jeu fut le plus toléré par les institutions chrétiennes. Celles-ci organisaient même des bingos et des CFK<I@<J�:8I@K8K@M<J�GFLI�mE8E:<I�:<IK8@E<J�;<�C<LIJ�gLMI<J�,lFGGFJ<I�T� :<� KPG<� ;<� GI8K@HL<J� ;<M<E8@K� 8@EJ@� ;<� =8:KF� GCLJ� ;@=m:@C<� GFLI� C<J�;@==WI<EK<J�:FE=<JJ@FEJ�:?IWK@<EE<J�GIFDFKI@:<J�<K�9WEWm:@8@I<J�;<�:<�type d’activités.

Mais depuis une vingtaine d’années le jeu de hasard amérindien, sous toutes ses formes, subit une véritable accélération suite à la EFLM<CC<�CW>@JC8K@FE�=W;WI8C<���Cl"E;@8E� 8D@E>�+<>LC8KFIP��:K��IGRA��%<� ��F:KF9I<� �����C<�>FLM<IE<D<EK�8DWI@:8@E�;W:IXK<�C8�CW>8C@J8K@FE�des jeux de hasard en territoires indiens, autorisant de ce fait les nations indiennes reconnues par le pouvoir fédéral à développer des jeux de hasard sur leur terre.

Cette législation était une réponse à deux décisions de la Cour ;lSK8K� �,<D@EFC<�� ���� <K� �898QFE�� ����� HL@� 8M8@K� 8=mIDW� C<� ;IF@K�des communautés amérindiennes à organiser ces jeux en dehors des limitations et des règlements imposés à de telles activités par la loi des états. L’apparition de l’IGRA a entraîné une expansion phénoménale des jeux amérindiens à travers tous les États-Unis, bien au-delà de ce qu’imaginaient ces promoteurs. Ainsi, alors qu’en 1988 il y 8M8@K� J<LC<D<EK� <EM@IFE� ��� WK89C@JJ<D<EKJ� KI@98LO� ;<� G<K@K<J� K8@CC<J��C<LI� EFD9I<� 8� >I@DGW� ALJHLlT� 8KK<@E;I<� <EM@IFE� ���� <E� �� ��. Et certains d’entre eux s’avèrent de véritables casinos géants, hautement GIFmK89C<J��LAFLI;l?L@������>IFLG<J��JF@K�<EM@IFE������;<J�����KI@9LJ�indiennes reconnues par le niveau fédéral aux États-Unis détiennent un FL�GCLJ@<LIJ�WHL@G<D<EKJ�;<�A<L��C8�DFP<EE<�<JK�T�G<@E<�@E=WI@<LI<�T�;<LO�WK89C@JJ<D<EKJ�G8I�:FDDLE8LKW��

Cette expansion s’observe également dans la croissance considérable des revenus des jeux de hasard pour les communautés. D’environ � ��D@CC@FEJ�;<�;FCC8IJ� <E� �����FE�<JK�G8JJW� T�GI<JHL<� ��D@CC@8I;J�;<�;FCC8IJ�<E���� �������<E������<K������<E��� 28. En outre, comme ces entreprises ne sont pas considérées comme des jeux commerciaux GI@MWJ� D8@J� ;<J� WK89C@JJ<D<EKJ� KI@98LO� �;FE:� GL9C@:J��� <CC<J� E<� JFEK�pas sujettes à imposition. Dès lors, même pour des communautés

���%<J�:?@==I<J�GIFM@<EE<EK�;<� C8�National Indian Gaming Commission� ��?KKG���NNNE@>:>FM�%@EB�C@:B8JGO�mC<K@:B<K��#�2B *'>1���;�K89@;����

���?KKG���NNNE@>:>FM� 8D@E>6+<M<EL<6+<GFIKJ8JGO

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isolées, dans des zones éloignées, les casinos constituent très souvent la source de revenus principale pour le budget tribal. Par conséquent, le jeu d’argent est présenté aujourd’hui par beaucoup de communautés autochtones comme le symbole de l’avenir, après des décennies, ou même des siècles, de pauvreté et de perspectives économiques sombres. Ceci permet de comprendre pourquoi on le désigne métaphoriquement aujourd’hui chez les amérindiens des plaines comme le « nouveau bison ».

La situation économique et sociale précédente à cette expansion DWI@K<� LE� :FLIK� I8GG<C� �8EJ� C<J� 8EEW<J� ���� <K� ����� :<CC<J:@� J<�caractérisaient très majoritairement par une économie en stagnation, EFK8DD<EK� G8I� D8EHL<� ;<� :8G@K8LO�� 8M<:� <EKI<� ��� <K� ��� �� ;<�chômage selon les lieux, et des salaires ridiculement bas. Avant les casinos, seuls quelques centres récréatifs ou artistiques existaient ;8EJ� :<IK8@E<J� :FDDLE8LKWJ� %8� J@KL8K@FE� JF:@8C<� I<nWK8@K� 8LJJ@� :<J�IW8C@KWJ�W:FEFD@HL<J�;@=m:@C<J� �� KIFL9C<J�=8D@C@8LO�T�:8LJ<�;<� Cl8C:FFC��<E� ���� G8I� <O<DGC<�� ����� :?<Q� C<J��DWI@E;@<EJ� :FEKI<� ���� <E�DFP<EE<� GFLI� KFLK� C<� &@EE<JFK8����KIFL9C<J� T� ClFI;I<� GL9C@:� ���� ��:?<Q�C<J��DWI@E;@<EJ�:FEKI<� ����GFLI�KFLK�C<�&@EE<JFK8����898E;FEJ�J:FC8@I<J��<E� �� �������;l898E;FE�<K� ����GCLJ�HL<�������29.

L’arrivée des établissements de jeu change radicalement la donne. Chez les Chippewa, le nombre de ce type d’établissements a littéralement explosé. On ne compte plus les sites de jeu dans les réserves, dont les façades virtuelles ont fortement accru la présence sur la toile��. %<� :8J@EF� ;<� C8� :FDDLE8LKW� ;<� �8I8>8�� :IWW� G8I� C8� $<N<<E8N�

Bay Indian Community� �� ����� @E;@<EJ� @EJ:I@KJ�� <JK� G8IK@:LC@XI<D<EK�:8I8:KWI@JK@HL<� ;<� :<KK<� =FC@<� ;L� A<L� %<� :8J@EF� <JK� FLM<IK� ��?�����l<JK�LE�WK89C@JJ<D<EK�;<������DXKI<J�:8IIW�8M<:�����D8:?@E<J�T�JFLJ�et 12 tables de jeu. L’établissement comprend trois hôtels et deux restaurants. La communauté possède un second établissement en dehors ;<�C8�IWJ<IM<�T�<EM@IFE����B@CFDXKI<J��CC<�8E@D<�;<LO�I8;@FJ����8>C<�County & The Rockin’ Eagle. Dans cet environnement nouveau, le conseil tribal devient parfois le véritable conseil d’Administration d’une <EKI<GI@J<�;@M<IJ@mW<�<K�?8LK<D<EK�GIFmK89C<�)FLIK8EK�C8�:FDDLE8LKW�est située à l’écart des grands axes, loin des centres urbains, sur les rives sud du lac Supérieur, une région assez isolée et au tissu économique fragile.

Un autre cas est emblématique, celui de Turtle Lake dans le Wisconsin. La communauté des Chippewa de St Croix possède trois �8J@EFJ� ;WEFDDWJ� c�,K� �IF@O�d� �� -LIKC<� %8B<�� �8E� �<IP� <K� !<IK<C�

29. E. J. DANZIGER, The Chippewas of Lake Superior, Univ. Of Oklahoma Press, Norman, ����4 ���5��G ���<K�JL@M

���)8I�<O<DGC<���?KKG���NNNFA@9N8:8J@EF:FD�<M<EKJ8JGO���?KKG���NNN:8J@EF:@KP:FD�LJ�D@�98I8>8�FA@9N8�

� �?KKG���NNNFA@9N8:8J@EF:FD et ?KKG������E8K@FEJ:FD�:8J@EFJ�D@(A@9N8�8I8>88JG

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Express�� alors qu’elle est pourtant située à plus d’une centaine de kilomètres de Minneapolis en zone rurale. Et l’éloignement n’est pas un frein à son activité et à son développement. Les établissements ,K��IF@O�JFEK�FLM<IKJ�W>8C<D<EK���?�����F::LG<EK�LE�<JG8:<�;<�GCLJ�;<������D2�(E�P�KIFLM<�G8J�DF@EJ�;<� ���D8:?@E<J�T�JFLJ�����K89C<J�;<� A<L� �IFLC<KK<J��:I8GJ��<K:���LE<�J8CC<�;<�GFB<I�8M<:� �� K89C<J�&8@J�:<�G<K@K� <DG@I<�E<� Jl8IIYK<�G8J�8LO�8:K@M@KWJ� CL;@HL<J� �� I<JK8LI8EKJ�� <K�DYD<�LE�?]K<C�;<� ���:?8D9I<J�<K���JL@K<J�.E�MWI@K89C<�G<K@K�G8I8;@J�pour joueurs où l’on peut se divertir, dépenser son argent, manger et ;FID@I�%<J�8:K@M@KWJ�C@W<J�8L�A<L�<DGCF@<EK�<EM@IFE� ����G<IJFEE<J�T�Turtle Lake, et plusieurs centaines pour les autres établissements. Elle se revendique ouvertement comme un des principaux employeurs du Nord Wisconsin.

Cette véritable industrie nouvelle, où le joueur a remplacé le gibier, 8�LE� @DG8:K�D8A<LI�JLI� C<J�8:K@M@KWJ�;<� C8�:FDDLE8LKW��?@GG<N8�f�Turtle Lake, le casino St Croix sponsorise aujourd’hui la compétition annuelle de Pow-Wow qui se déroule dans l’amphithéâtre local, la Ma’koode Arena. Les danseurs et joueurs de tambours viennent de tout le Middle West pour s’affronter dans l’espoir de gagner les centaines de dollars mis en jeu. Cet événement se tient durant le dernier week-end de AL@E�8M<:�LE<�G8I8;<��C8�c� I8E;��EKIP�d��C<�M<E;I<;@�<E�mE�;<�AFLIEW<��puis les compétitions s’enchainent les deux jours suivants. De multiples autres activités culturelles ou commerciales sont organisées durant ces trois jours.

Le jeu d’argent constitue ainsi, au-delà d’un revenu important, une véritable promesse d’avenir pour bon nombre de ces groupes 8LKF:?KFE<J�%<�G8JJ8><�G8I�:<�:8G@K8C@JD<�mE8E:@<I�;<�>I8E;<�8DGC<LI�a accru les moyens de ces communautés après des décennies de pauvreté. Il a paradoxalement aussi permis de remettre en avant les dynamiques traditionnelles, sous de nouveaux habits.

Au regard de cette mutation majeure de la vie socio-économique de ces communautés amérindiennes, on est en droit de s’interroger sur les réactions des principaux groupes convictionnels, traditionalistes amérindiens et protestants évangéliques.

Le Jeu et les traditionalistes

Les traditionalistes auraient au moins deux raisons de se réjouir du « nouveau bison ». D’une part, ce phénomène des casinos reconnecte l’économie indienne à des logiques anciennes propres à la culture anishinabee. On l’a vu auparavant, les jeux de hasard occupaient une place importante dans la socialité de ces sociétés amérindiennes. Or,

���?KKG���NNNJK:IF@O:8J@EF:FD�/F@I�8LJJ@�GFLI�C8�:FDDLE8LKW���?KKG���JK::@NJK:IF@O:8J@EF:FD�KI@98C?@JKFIPG?G��K�8LJJ@���?KKG���NNNJK::@N:FD

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:<J�A<LO�G8IK@:@G8@<EK�;lLE�JPJKXD<�;<�><JK@FE�;<�Cl8CW8KF@I<��8L�:gLI�;<J�logiques chamaniques. Dans cette optique, il est évident que ce type de pratiques pouvait constituer un compromis avec l’économie « blanche » permettant de protéger certains éléments jugés fondamentaux de leur culture ancestrale. En outre, ses jeux ayant longtemps été l’objet d’une désapprobation, voire d’une interdiction, de la part des autorités civiles ou religieuses, ils peuvent constituer des outils de résistance, symboliquement performants. -FLK<=F@J� :<� :8G@K8C@JD<� mE8E:@<I�� <K� C<� 98J:LC<D<EK� W:FEFD@HL<�

HLl@C�GIFD<LK��GFLII8@<EK�8LJJ@�JLJ:@K<I�;<�C8�DWm8E:<�(E�JFE><�T�C8�><JK@FE�;@=m:@C<�;lLE<�I@:?<JJ<��JFL;8@E�89FE;8EK<�-FLK�<JK�CF@E�;lYKI<�IFJ<�<K��;8EJ�:<IK8@E<J� IWJ<IM<J��;<J�>IFLG<J�JGW:@mHL<J�Jl8::8G8I<EK�la rente de cette manne improbable��. En outre, les « bandes » les plus favorisées et possédant les établissements les plus importants subissent une transformation de leur conseil. Les enjeux économiques y ont une place de plus en plus importante et risquent parfois de submerger les autres dimensions de la communauté��. Cette situation ambivalente est caractéristique du positionnement des tendances favorables à une valorisation ou à un redéploiement des traditions spirituelles amérindiennes chez les Chippewa américains.

Au moment de l’IGRA ces groupes amérindiens traditionalistes se sont montrés hostiles à l’implantation de tels établissements dans les réserves. Gérald Vizenor, un des auteurs majeurs du monde chippewa, <JK�<D9CWD8K@HL<�;<�:<KK<�GFJ@K@FE���

« Anishinaabe singers are the heirs of a rich tradition of chance and games, the mocassin games…There are no traditional songs to tease the electronic machines^ the coins are the sounds of technology, the possession of time and place without music ��».

Les arguments évoqués par ces défenseurs de l’identité anishinaabe J<�JFEK�GCLJ�FL�DF@EJ�JKIL:KLIWJ�<E�HL8KI<�<EJ<D9C<J���

���%8�C@KKWI8KLI<�8DWI@E;@<EE<�I<>FI><�;l?@JKF@I<J�JFD9I<J�HL@�;WDFEKI<EK�T�=F@JFE�:<KK<�;<JKIL:K@FE� ;<J� :FDDLE8LKWJ� G8I� C<� A<L� /F@I� <EKI<� 8LKI<J� �� )�PASQUARETTA, Gambling and Survival in Native North America��-?<�.E@M<IJ@KP�F= ��I@QFE8�)I<JJ��������G� �� ��

���.E<� =F@J� ;<� GCLJ� C8� :FDDLE8LKW� ;<�-LIKC<� %8B<� <K� C<J� KIF@J� :8J@EFJ� ,K��IF@O� JFEK�emblématiques de cette expansion économique majeure. A cet égard, le site facebook de C8� :FDDLE8LKW� KI8;L@K�9@<E� KFLK� C<�;PE8D@JD<�;<�:<KK<�<EKI<GI@J<�nFI@JJ8EK<� ��?KKG���=I=I=8:<9FFB:FD�G8><J�,K�IF@O�?@GG<N8�FEK<JK)FN0FN�� �������������

��� �VIZENOR, Casino coups, in VIZENOR G., Manifest Manners : Postindian Waarriors of Survivance��!8EFMI<��0<JC<P8E�.E@M<IJ@KP�)I<JJ.E@M<IJ@KP�)I<JJ�F= ��E>C8E;�� �����G� �� ���/F@I� 8LJJ@� C<� KIXJ�9FE�:?8G@KI<� JLI� C<J� KI8;@K@FE8C@JK<J� <K� C<J� A<L�;<�?8J8I;� ��)�PASQUARETTA, Gambling and Survival in Native North America��-?<�.E@M<IJ@KP�F= ��I@QFE8�GI<JJ��������G� �� ��

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1. Le jeu peut miner les valeurs culturelles et spirituelles de la communauté.

2. %8� :I8@EK<� ;<� C8� ;WG<E;8E:<� <K� ;<� C8� DWm8E:<� M@JTM@J� ;<�C<LIJ�>FLM<IE<D<EKJ�KI@98LO�I<JG<:K@=J� �:8J�;<�;WKFLIE<D<EK��de fraude et de corruption opérés par des membres de >FLM<IE<D<EKJ�8LKF:?KFE<J��

�� L’inquiétude de voir émerger des Bingo Chief, c’est-à-dire de la naissance d’une inégalité socio-économique au sein des communautés et l’apparition de chefs de rente. Une version amérindienne du Big-Man�� en quelque sorte.

�� L’accroissement des violences dans les réserves et la jalousie intertribale.

Au-delà, plusieurs leaders autochtones ont exprimé les craintes ;lLE<� JFLM<I8@E<KW� I898@JJW<� �� C8� JFLM<I8@E<KW� 8� WKW� C@D@KW<� G8I� C<�gouvernement américain et « Les casinos ne représentent en rien la mesure de la souveraineté tribale d��L�;WG8IK�;FE:��FE�G<LK�:C8@I<D<EK�8=mID<I�HL<�c’est à une opposition franche contre le jeu des Blancs que se trouve confronté IGRA.-FLAFLIJ� <JK@C�HL<� C8� C@9WI8C@J8K@FE�;<J� A<LO�<JK�D@J<� <E�gLMI<�<K�

que nombre de communautés utilisent cette opportunité. L’argent gagné de la sorte, dans des établissements publics, reste du ressort de la collectivité. La plupart des gouvernements tribaux ont utilisé ces I<M<ELJ�EFLM<8LO�GFLI�D<KKI<�<E�gLMI<�LE�:<IK8@E�EFD9I<�;<�D<JLI<J�sociales et économiques. On a construit des écoles, des hôpitaux, des centres communautaires, des musées, des centres de soin de jour pour les aînés, et un ensemble d’autres investissements d’infrastructure dans C<J�IWJ<IM<J�(LKI<� C<J�>8@EJ�mE8E:@<IJ�� ClWK89C@JJ<D<EK�;<� A<L�8�D<EW�une régression massive du chômage et subséquemment de la pauvreté.

Mais cet essor capitaliste a surtout permis d’accroître l’autonomie des communautés et a paradoxalement renforcé directement et ouvertement le développement des mouvements traditionalistes. Ce renforcement ne s’est pas produit par opposition au casino, mais par un JFLK@<E�;@I<:K�;<J�:8J@EFJ�8L�GIFmK�;<�:<J�>IFLG<D<EKJ��l<JK�;FE:�LE<�GFC@K@HL<�;<� JL9M<EK@FEE<D<EK�;@I<:K� HL@� 8� @EnW:?@� ClFGGFJ@K@FE��<�fait, bien des « bandes » ont pu investir une partie des sommes gagnées dans des projets culturels ou spirituels, par exemple, la conservation ou la revitalisation de leurs langues maternelles, dans des programmes spéciaux, des éco-musées, des stages, etc... Ces créations culturelles ont contribué pour leur part à accroître l’attrait de la réserve et dès CFIJ� T� 8KK@I<I� ;<� EFLM<8LO� :C@<EKJ� GFLI� C<J� :8J@EFJ� f� ClFGGFJW� ;lLE�affaiblissement mutuel, traditionalisme et économie des casinos se renforcent donc conjointement.

���,LI�C<�:FE:<GK�;<��@>&8E��MF@I�Cl8IK@:C<�=FE;8K<LI���&�SAHLINS, « Poor Man, Rich Man, Big Man, Chief^ Political Types in Melanesia and Polynesia », Comparative Studies in Society and History��MFC����E`����G�������

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Il va de soi toutefois que ces bouleversements récents ne sont pas sans poser des problèmes. De fait, au-delà du pragmatisme amérindien que révèle cette gestion du jeu, l’émergence d’un tel phénomène a créé ;<�EFLM<8LO�:FEn@KJ�)CLJ@<LIJ�:FDDLE8LKWJ�FEK�W:8IKW�:<KK<�GI8K@HL<�comme moyens de développement économique et d’autonomisation tribale en raison des antagonismes qu’elle génère.

Confrontations

Ces confrontations semblent avoir surgi à plusieurs niveaux. Tout d’abord, la situation a parfois semblé tourner à l’affrontement entre communautés chez les Chippewa du Wisconsin et du Michigan. Les réserves situées à proximité des grandes agglomérations étaient accusées de détourner la clientèle des premiers casinos souvent plus éloignés. Et inversement, les casinos lointains surenchérissaient d’innovation GFLI�D8@EK<E@I�C<LIJ�I<M<ELJ��N<<B<E;�JGW:@8LO��J@K<J�@EK<IE<K�;<�A<L��<K:�� %<J� I<C8K@FEJ� K<E;L<J� 8M<:� C<J� GFGLC8K@FEJ� 9C8E:?<J� 8C<EKFLIJ�constituent le deuxième impact net de l’arrivée des casinos amérindiens. �L>D<EK8K@FE�;L�KI8m:��8KK@KL;<J�;<�;WG<E;8E:<J�8L�A<L��8::IF@JJ<D<EK�de l’insécurité sont les principales lignes de fractures entre ces groupes. On ajoutera à ce tableau relativement noir la montée en puissance de :FEn@KJ�HL8E;�C<J�GFGLC8K@FEJ�8DWI@E;@<EE<J�FEK�:FDD<E:W�T�LK@C@J<I�les revenus du jeu pour agrandir leur base territoriale. Ce rachat par les autochtones de territoires « blancs » constitue la première inversion symbolique des rapports de force entre communautés autochtones <K� <LIF8DWI@:8@E<J� )FLI� :FEKI<I� :<J� ;@=m:LCKWJ�� LE<� G8IK@<� ;<J�communautés autochtones ont tenté d’améliorer leurs relations de voisinage. Une fois encore, c’est l’argent des casinos qui va permettre ;<�IW?89@C@K<I�Cl"E;@<E��FE:IXK<D<EK��C<J�:FDDLE8LKWJ�mE8E:<EK�;<J�infrastructures locales, participent à des programmes de répressions du crime ou de la dépendance au jeu, font don aux organismes charitables CF:8LO�� MF@I<� DYD<� :FLMI<EK� C<J� ;Wm:@KJ� mJ:8LO� HLl<EKI8[E<EK� C<LI�rachat de terres. �<KK<�8M8E:W<�J@>E@m:8K@M<�<K�LE�G<L�G8I8;FO8C<�;<�C8�:8LJ<�@E;@>WE@JK<�

et traditionaliste grâce à l’économie-casino n’enlève rien à l’ambivalence, voire à la gêne profonde que la présence de tels établissements engendre chez bien des intellectuels anishinaabe. Louise Erdrich, la romancière bien connue, et auteure pour enfants, a écrit abondamment sur des m>LI<J�:?@GG<N8�;L�c�'8K@M<��D<I@:8E�+<E8@JJ8E:<�d��K�<CC<�P�;W:I@K�en profondeur la réalité des casinos amérindiens. Dans The Bingo Palace, Erdrich analyse les effets positifs et négatifs du casino indien établi dans une communauté chippewa��.

���)FLI�LE<�8E8CPJ<�=FL@CCW<�MF@I�����CHAVKIN, The Chippewa Landscape of Louise Erdrich, University of Alabama Press, Tuscaloosa & London, 1999.

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c�4e5� 8D9C@E>�mK�@EKF�K?<�FC;�KI8;@K@FEJ��:?8E:<�was kind of an old time thing…Money was the key to assimilating. So Indians were taught. Why not make a money business out of money itself 4e5�d��.

Ce passage du roman renvoie implicitement à cette ambiguïté fondamentale décrite comme une ruse de l’argent pour piéger les Indiens. Dans cette perspective, une dimension traditionnelle du jeu de hasard est clairement reconnue. Gurtwirth a souligné combien, dans ce cas, la m>LI<� ;L�-I@:BJK<I��'8E89FQ?F�� C<� ?WIFJ� :LCKLI<C� :?@GG<N8�� GFLM8@K�être associée aux jeux de hasard. Métaphoriquement, les casinos sont donc, en quelque sorte, totalement traditionnels��. Toutefois, ils sont 8LJJ@�C8�D8IHL<�;L�:FCFE@J8K<LI�<K�;<�JFE�JPJKXD<�:8G@K8C@JK<�8L�:gLI�même de la communauté. Impossible de laisser en l’état cette cicatrice en sol amérindien. Dès lors, le compromis permettant l’acceptation de telles institutions exogènes va progressivement consister à indianiser les casinos.

On va pour ce faire indianiser les infrastructures et le personnel, développer le programme spirituel en lien avec les activités ludiques. La théologie néo-traditionnelle va procéder à une reconstruction de l’histoire, et les jeux historiques vont être remis en avant. Le concept de Mà’kisin ata’diwin devient un slogan qui ancre l’activité de jeu contemporaine dans une longue histoire autochtone. L’analogie entre Games� �>@9@<I�A<LO�� <K� Gaming �AFL<I�:?8JJ<I� sera abondamment DF9@C@JW<�JFLJ�C<J�MF:89C<J���8K8l;@N@E�<K�D8K:?@l�8K8l;@N@E%<J�JPD9FC<J�M@J@9C<J�J<IFEK�8LJJ@�IWnW:?@J�<E�:<�J<EJ�f�-LIKC<�%8B<��

C<�CF>F�;L�:8J@EF�D<K�<E�8M8EK�Cl@EWM@K89C<�KFIKL<��8E@D8C�:?8D8E@HL<�G8I�<O:<CC<E:<��<K�LE<�IFL<�IFL><�<E�8II@XI<=FE;�I<EMFP8EK�T� C8�=F@J�à la roue de roulette tout autant qu’au cercle de vie amérindien. Le marketing se mâtine de référents spirituels, mais joue abondamment de l’ambiguïté des référents symboliques. En permanence on doit pouvoir lire une symbolique occidentale, mais aussi, et tout autant, une symbolique amérindienne. Dans le cas de « St croix » se surajoute ce référent chrétien qui achève de permettre à chacun d’y retrouver son ancrage. �l8LKI<J� JPD9FC<J� 8E@J?@E889<J� �[C<�� :<I:C<�� C8G@E�� J8:� DW;<:@E<��

apparaissent aussi de plus en plus dans d’autres établissements. Mais l’adaptation culturelle ne s’arrête pas aux symboles pictographiques. Le

����@E>F�G8C8:<�4c�-?<��@E>F�)8C8:<�d5��)8I@J��+F9<IK�%8==FEK�� �����G������� �C� GUTWIRTH, « Stop Making Sense. Tricksters variations in the Fiction of

Louis Erdrich. » In REESMAN J.C., Tricksters livres. Culture and myths in american Fiction, University F= � <FI>@8�)I<JJ����� ��G� �� ��

Logo du Casino de Turtle Lake

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cercle est généralisé dans les formes de certains bâtiments ou dans leurs aménagements. Bref, le renforcement matériel et imagé des traditions que permet l’économie-casino a globalement entraîné une acceptation du jeu moyennant une coloration Chippewa voire un lissage symbolique généralisé.

Jeu, Diable, et évangéliques

Si le lien entre la tradition spirituelle amérindienne et les jeux de hasard est relativement facile à établir, il en est tout différemment pour les relations entre le christianisme et ces mêmes activités. Les jeux de hasard et les missionnaires chrétiens entretiennent une vieille inimitié historique. C’est dès XIXème siècle avec les mouvements de réveils protestants et d’ultramontanisme catholique que les jeux d’argent vont tomber dans le domaine des vices et du diable. Soulignons quelques 8:K<LIJ� 8:KL<CJ� <K� @;<EK@mFEJ� C<� :gLI� ;<� C<LIJ� 8I>LD<EKJ� <K� ;<� C<LIJ�stratégies.

Parmi les plus actifs dans la région, la United Methodist Church est sans 8D9@>L\KW�JLI�:<KK<�GIF9CWD8K@HL<���« Gambling is a menace to society, deadly to the best interests of moral, social, economic and spiritual life, and destructive of good governement�� ». L’église presbytérienne elle aussi témoigne d’une opposition importante à ces pratiques� ��EmE��Bethlehem Baptist Church in Minneapolis est probablement l’église la plus en pointe sur ces questions. %<� )8JK<LI� #F?E� )@G<I�� W:I@K� <E:FI<� <E� ����� LE<� C<KKI<� FLM<IK<� 8L�Governeur Tim Pawlenty « regarding Pawlenty’s new support for the expansion of statewide gambling�d�"C�P�W:I@K�EFK8DD<EK���

c�4e5�PFL�8I<�N@CC@E>�KF�GIFDFK<�8E�@E;LJKIP�K?8K�;<JKIFPJ�D8EP�C@M<J��8E;�K?<E�K8B<�some of income and try to do remedial work with the human wreckage. You are a �?I@JK@8E�"�I<AF@:<�@E�K?8K�"�8D�EFK�JL>><JK@E>�8EP�E8\M<�8KK<DGK�KF�iC<>@JC8K<�PFLI�morality.” I am suggesting that the Bible informs our vision of what is good for G<FGC<��8E;�FLI�;8@CP�C@M<J�:FEmID�K?<�N@J;FD�F= � F;��EFK�K?8K�?<�E<<;J�@K��-?8K�@J�surely the case with gambling. Evidence abounds that gambling damages the fabric of the community—especially the Native community.�� »

��� ?KKG���NNNLD:FI>�J@K<�8GGJ�ECE<K�:FEK<EK8JGO�:�CN%�$E' %K!�9������� �:K����������:FEJLCKW�<E�C@>E<�C<����EFM<D9I<��� �

� �?KKG���NNNGI<J9PK<I@8ED@JJ@FEFI>�D@E@JKI@<J� � �>8D9C@E>��<K�?KKG���D@EE<JFK8GL9C@:I8;@FFI>�;@JGC8P�N<9��� � ����=8HGLCCK89J, consultés en ligne le 28 novembre �� �

��� ?KKG���NNN;<J@I@E>>F;FI>�I<JFLI:<C@9I8IP�K8JK<J<<8IK@:C<J�8EFG<EC<KK<IKF>FM<IEFItim-pawlenty-concerning-the-expansion-of-state-supported-casino-gambling-in-minnesota, consulté <E�C@>E<�C<� �EFM<D9I<��� �

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Les modes d’action privilégiés varient selon l’intensité des discours avancés plus haut. Pour les plus intransigeants, il s’agira de convaincre C<J� G8JK<LIJ� @EnL<EKJ�� G8I� :<� DFP<E� ;<� G<IJL8;<I� C<J� G8JK<LIJ�indiens, et parallèlement de diffuser des publipostages de masse sur les conséquences du jeu, en lien avec des mobilisations et des lettres F=m:@<CC<J�%<J�GCLJ�C@9WI8LO���8K?FC@HL<J�<K�%LK?WI@<EJ��Jl<E�K@<E;IFEK�T�;<J�C<KKI<J�F=m:@<CC<J�<K�;<J�8:K@M@KWJ�G8JKFI8C<J�T�M@JW<�GIWM<EK@M<��E�tout état de cause, peu d’Églises choisissent la rupture unilatérale avec la Communauté chippewa détentrice du casino.

Du point de vue intra-tribal, la question centrale a souvent été de savoir si le jeu représente une solution utile et raisonnable aux problèmes sociaux et économiques de toute la communauté. Alors que les partisans soulignent les avantages matériels potentiels d’un casino, les adversaires, dont aux premiers plans les chrétiens les plus fervents, arguent du fait que le jeu peut miner les valeurs culturelles et religieuses de la communauté. De manière sous-jacente d’autres arguments sont avancés comme l’évocation d’une crainte de la dépendance et de la DWm8E:<� M@JTM@J� ;<� C<LIJ� >FLM<IE<D<EKJ� KI@98LO� I<JG<:K@=J� �K� ;<�fait, ce dernier élément est caractéristique de la situation amérindienne 8LO�SK8KJ.E@J�%8�DWm8E:<�;<�9<8L:FLG�;l8LKF:?KFE<J�<EM<IJ�C<LIJ�propres gouvernements tribaux est répandue. Pour les affaires de jeu, on peut mentionner à cet égard de nombreux cas de détournement, de fraude et de corruption opérés par des membres de gouvernements autochtones. &8@J� :l<JK� C<� GF@EK� ;<� ML<� <OKI8KI@98C� HL@� 8=m:?<� C8� GCLJ� >I8E;<�

visibilité. En effet, l’opposition prend ici souvent la forme de coalition de grande ampleur, souvent à l’échelle d’un état et parfois au niveau national. La plus connue est sans aucun doute la National Coalition �>8@EJK� 8D9C@E>��OG8EJ@FE��'CAGE��HL@�=W;XI<�;<J�:FE=<JJ@FEJ�8LJJ@�;@==WI<EK<J�HL<�C<J��JJ<D9CW<J�;<��@<L��)<EK<:]K@JK<J��� C<J�CLK?WI@<EJ�évangéliques ou les baptistes, toutes principalement de mouvance évangélique. Ce type de coalition prend aussi une forme à l’échelle d’un État ou de plusieurs. Ainsi, Vernon Bergstrom du Minnesota, est le fondateur et président du Board of Minnesotans Against Gambling. Ces lobbys de part leur nature fédératrice et leur action ultra-médiatique pèsent sur les tenanciers autochtones d’établissement de jeu, notamment certaines communautés voisines du Wisconsin.

Au Wisconsin, Scott Anderson, directeur exécutif du Wisconsin Council of Churches combat les jeux de hasard, et particulièrement tout JFLK@<E�T�LE<�8@;<�>FLM<IE<D<EK8C�T�:<�J<:K<LI�;l8:K@M@KWJ��XJ� �����:<��FEJ<@C�;W:C8I8@K�JFE�FGGFJ@K@FE�JKI@:K<� ��c�-?<�0@J:FEJ@E��FLE:@C�of Churches is unalterably opposed to any governmental sponsoring

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of organized gambling in any form, whether by Federal, State, Tribal or County governments. Organized gambling is a burden to society��. »&8@J��@C�EL8EV8@K�;l<D9CW<���

« At the same time, the Wisconsin Council of Churches totally supports the principle of Tribal Sovereignty. The government of the State of Wisconsin has no right to interfere in the internal decisions of tribal governments, any more than it does in the decisions of other States. The State does have an obligation to cooperate with tribal governments in order to address the issues which compel those governments to look to gambling to provide an economic base for their citizens. »

Anderson manifeste donc une opposition aux établissements de jeu certes, mais sans pour autant désirer une action qui contreviendrait à l’autonomie des communautés amérindiennes. Il va plus loin même en 8=m:?8EK�JFE�KFK8C�JFLK@<E�T�C8�JFLM<I8@E<KW�;<J�KI@9LJ�8DWI@E;@<EE<J�Dans cette région des États-Unis, les luthériens, d’origine allemande, sont particulièrement implantés, et le Wisconsin Evangelical Lutheran Synod GXJ<�G8IK@:LC@XI<D<EK�CFLI;��IWW�<E� ����G8I�KIF@J�G8JK<LIJ�8CC<D8E;J�T�&@CN8LB<<�� @C�I8JJ<D9C<�8LAFLI;l?L@�GCLJ�;<� ����:FE>IW>8K@FEJ�<E��DWI@HL<� ;L� EFI;� <K� I<M<E;@HL<� GCLJ� ;<� ������� 98GK@JWJ� <K� ����pasteurs. Sur les réponses préétablies de leur FAQ�FE�KIFLM8@K�<E������Cl<OKI8@K�JL@M8EK���

c�4e5�,:I@GKLI<�;F<J�EFK�<OGC@:@KCP�;<8C�N@K?�>8D9C@E>�FI�NFIB@E>�@E�GFJ@K@FEJ�I<C8K<;�KF� K?8K� @E;LJKIP� � �LK� K?<� �@9C<� ;F<J� N8IE� 8>8@EJK� >I<<;� 8E;� KIP@E>� KF� 9<E<mK� 8K�the expense of others, and in gambling there cannot be winners without losers. In participating in organized gambling, Christians have to also consider the effect it has on society and especially on the weak and those who fall victim to it. A Christian will always be alert to attitudes of greed or a get-something-for-nothing spirit that are so prevalent in such an environment. Loving our neighbor as ourselves will put us on guard against contributing to or endorsing things that do damage. »

Ce passage reconnaît que la Bible ne dit rien des jeux de hasard, mais ancre un positionnement moral dans les conséquences du jeu sur différentes catégories de personnes. Et par ce biais il pousse à une inquiétude sans pour autant s’opposer absolument. C’est avant tout une question de conscience qu’il revendique. Mais il précise immédiatement HL<���

���Wisconsin Council of Churches Board of Directors Statement-December 2, 1997, MF@I�EFK8DD<EK���?KKG���NNNN@:?LI:?<JFI>�J@K<:FEK<EK�G;=6mC<J�GIF>I8DJ�N::6GFC@:P6JK8K<D<EKJG;=� :FEJLCKW�<E�C@>E<�C<����EFM<D9I<��� �

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ROUES DES CASINOS, NÉO-TRADITIONALISTES ET ÉVANGÉLIQUES

« On the other hand, one consistent testimony of Christians who do work at casinos @J� K?@J��i2FL�N@CC� J<<� K?8K�DP�:LJKFD<IJ�8I<�?<I<� KF�GC8P��EFK� KF�>8D9C<�-?<P�8I<�having a good time. They are not miserable. My customers know the price they are paying for the play they are getting and accept that price, just as they would for the price of any other recreation or entertainment”. »

Cette mise en avant d’un cas de terrain est révélatrice car elle met en avant l’expertise des professionnels du jeu reconnu comme des chrétiens authentiques. Les luthériens évangéliques se refusent ainsi ;<�AL><I�;<�D8E@XI<�89JFCL<�C<�A<L�<K�@EM@K<�T�LE<�IWn<O@FE�DFI8C<�<E�contexte. Ce faisant, ils adoptent une position relativement progressiste sur cette problématique. Ils utilisent d’ailleurs abondamment l’ouvrage de Tuttle, professeur de droit à l’Université jésuite de Georgetown, Gambling : A Study for Congregations. Dans cette même veine d’ouverture et de nuance se positionnent également une large part des Catholiques, autre grand courant chrétien présent dans les Communautés chippewa. %<LI�GFJ@K@FE�<JK�KIXJ�GIF:?<�;<�C8�GIW:W;<EK<���c� 8D<J�F= ��?8E:<e�are not in themselves contrary to Justice. They become morally unacceptable when they deprive someone of what is necessay to provide for is needs and those of others. »

Luthériens évangéliques et Catholiques se positionnent sur une même ligne, dans une relative nuance, pour ne pas dire ambiguïté. Elle consiste à condamner les abus et dérives des jeux, tout en revendiquant une préservation de l’autonomie des communautés indiennes en =8@J8EK�:FEm8E:<�8LO�:?IWK@<EJ�8LK?<EK@HL<J�<E�C<LI�J<@E��EFK8DD<EK�le personnel des établissements.

Conclusion

Tout au long de ces pages, nos discussions nous ont amené à percevoir l’ancrage historique es jeux de hasard dans la culture anishinaabe. Cette perspective de longue durée témoigne aussi de l’articulation symbolique originale qui peut être bricolée aujourd’hui entre des établissements à rendement capitalistique élevé et cette tradition du jeu. Par ce moyen FEK�IWGFE;�T�;<LO�HL<JK@FEJ�G<E;8EK<J���)FLIHLF@�:<KK<�<OGCFJ@FE�;<J�établissements de jeu dans les réserves ? Et comment les mouvements traditionalistes ont-ils pu accepter cette invasion ? (E� Cl8LI8� :FDGI@J�� :<� :FDGIFD@J� JPD9FC@HL<� <JK� ClgLMI<� ;lLE�

habile bricolage qui permet aux mouvements traditionalistes d’articuler cognitivement, mais aussi politiquement « jeu » et « culture ancestrale ». Selon ces tenants, la chance économique nouvelle provient d’un retour aux sources de la tradition anishinaabe. C’est tout sauf une rupture d’avec les ancêtres. Par le jeu, on renoue avec un pan de son passé

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Du côté, des mouvements chrétiens, la Bible est invoquée pour relativiser un message à l’encontre des jeux. Et c’est la morale chrétienne qui est convoquée pour dénoncer les vices et abus liés aux jeux. Même dans les cas les plus virulent, on agit avec une certaine précaution oratoire, particulièrement vis-à-vis des activités des réserves. Et pour les grandes dénominations chrétiennes, Catholiques et Luthériens, on renvoie la prise en charge des problèmes aux chrétiens autochtones ou employés du jeu tout en soulignant le respect de l’autonomie des communautés autochtones. f�C8�C<:KLI<�;<�:<J�;<LO�JPEK?XJ<J�;<J�GFJ@K@FEE<D<EKJ�FE�<JK�JLIGI@J�

de constater qu’elles partagent en bien des aspects une attitude similaire ;<�GI8>D8K@JD<�(E�G<LK�C8�IWJLD<I�G8I�KIF@J�8O@FD<J�:FDDLEJ���

– Le Gouvernement ne peut pas promouvoir les jeux de hasard…Mais il ne peut pas les priver de subventions.

– Il faut mettre en garde contre les dangers du jeu, mais ne pas se battre contre tous les types de jeux.

– Il faut respecter la souveraineté des communautés chippewas et celles-ci doivent contribuer au développement socio-économique de leur région

Sur la base de ce compromis, et à l’exception des groupes les plus extrémistes, on constate, au delà des joutes médiatiques ou oratoires un relatif accord sur la vertu de cette nouvelle pratique de chasse qui permet de nourrir bien au delà des familles amérindiennes. Depuis ������C8�:I@J<�W:FEFD@HL<�8�8::WCWIW�:<�GIF:<JJLJ�;<�;WM<CFGG<D<EK��tout en stigmatisant aussi les oppositions… Le nouveau bison semble JlYKI<�@EJK8CCW�GFLI�CFE>K<DGJ�;8EJ�:<J�EFLM<8LO�GUKLI8><J�mE8E:@<IJ

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