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Une espèce nouvelle de Rostellariidae (Mollusca, Gastropoda, Littorinimorpha) dans le Lutétien (Éocène moyen) du bassin de Paris. Redécouverte du matériel type de Hippochrenes fissura (COQUEBERT de MONTBRET & BRONGNIART, 1793) A new species of Rostellariidae (Mollusca, Gastropoda, Littorinimorpha) for the Lutetian (Middle Eocene) of the Paris Basin. Rediscovered of the type material of Hippochrenes fissura (COQUEBERT DE MONTBRET & BRONGNIART, 1793) Jean-Michel PACAUD 1 & Bruno CAZE 1 1 Muséum National d’Histoire Naturelle, UMR 7207 du CNRS, Centre de recherche sur la Paléobiodiversité et les Paléoenvironnements, CP 38 57 rue Cuvier, F – 75005 Paris, France. E.mails: [email protected]; bruno.caze@ mnhn.fr PACAUD J.M. & CAZE B., 2011. Une espèce nouvelle de Rostellariidae (Mollusca, Gastropoda, Littorinimorpha) dans le Lutétien (Éocène moyen) du bassin de Paris. Redécouverte du matériel type de Hippochrenes fissura (COQUEBERT de MONTBRET & BRONGNIART, 1793). Cossmanniana, 13: 21-31, Antwerpen, 30 juin 2011 — ISSN 1157-4402. Résumé: Une espèce nouvelle appartenant au genre Hippochrenes a été reconnue dans l’Éocène moyen (Lutétien) du Bassin de Paris. Hippochrenes boucheri nov. sp. avait été confondue jusqu’ici avec Hippochrenes fissura (COQUEBERT DE MONTBRET & BRONGNIART, 1793) dont nous venons de redécouvrir le matériel type ainsi que le manuscrit original de 1791 donnant sa description. Cette nouvelle espèce est discutée et comparée aux espèces lutétiennes les plus proches, H. fissura et H. murchisoni (DESHAYES, 1865). Mots clés: Lutétien, Éocène moyen, bassin de Paris, Mollusca, Rostellariidae Abstract: A new species, belonging to the genus Hippochrenes, was recognized in the Middle Eocene (Lutetian) of the Paris basin. Hippochrenes boucheri nov. sp. has been confused up to now with Hippochrenes fissura (COQUEBERT DE MONTBRET & BRONGNIART, 1793), the type material of which we have just rediscovered as well as the original manuscript of 1791, giving its description. This new species is discussed and compared with the Lutetian species, H. fissura and H. murchisoni (DESHAYES, 1865). Key words: Lutetian, Eocene, Paris Basin, Mollusca, Rostellariidae Introduction Chez les Gastéropodes, l’extinction de la fin du Crétacé est marquée à l’échelle spécifique, mais reste limitée à l’échelle des familles en Europe (PACAUD et al. 2000). Ainsi, à partir d’espèces survivantes, certaines familles vont connaître un nouvel essor. C’est le cas de la famille des Rostellariidae GABB, 1868 dont les taxons les plus anciens sont datés du Crétacé supérieur (PERRILLIAT & VEGA, 1997; KIEL & PERRILLIAT, 2001) avec la présence avérée du genre Hippochrenes au Maastrichtien (KAUNHOWEN, 1898; PETHÖ, 1906; KIEL & BANDEL, 2002; KRONENBERG & BURGER, 2002 ) et dont la diversité va augmenter de manière importante au début du Paléogène. WRIGLEY (1938) constate en effet une grande diversité des coquilles de l’Éocène d’Angleterre, en particulier au sein des Rostellariidae. Les Rostellariidae sont des gastéropodes marins présentant une forte diversité morphologique dans le registre fossile, notamment dans le Paléogène du Bassin de Paris. Au Cénozoïque, les Rostellariidae ont été décrits dans de nombreux travaux (LAMARCK, 1803; DE MONTFORT, 1810; DESHAYES, 1835; 1865; ABICH, 1858; RUTOT, 1876; VON KOENEN, 1889; COSSMANN, 1889; WRIGLEY, 1938; PACAUD 1994, 2008b; PACAUD & LEROY, 2006). Une espèce nouvelle, vraisemblablement confondue jusqu’ici avec Hippochrenes fissura (COQUEBERT DE MONTBRET & BRONGNIART, 1793), a été reconnue dans l’Éocène moyen (Lutétien) du Bassin de Paris. Cette espèce n’est connue que par peu d’exemplaires, toutefois elle présente des caractères suffisamment éloignés de ses congénères pour justifier l’introduction d’une espèce COSSMANNIANA 2011 13 Publication du Groupe d’Études et de Recherches Macrofaune Cénozoïque, Paris COSSMANNIANA 2011 13 : 21-31

Une espèce nouvelle de Rostellariidae (Mollusca, Gastropoda, Littorinimorpha) dans le Lutétien (Éocène moyen) du bassin de Paris. Redécouverte du matériel type de Hippochrenes

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Une espèce nouvelle de Rostellariidae (Mollusca, Gastropoda, Littorinimorpha) dans le Lutétien (Éocène moyen) du bassin de Paris.Redécouverte du matériel type de Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793)

A new species of Rostellariidae (Mollusca, Gastropoda, Littorinimorpha) for the Lutetian (Middle Eocene) of the Paris Basin. Rediscovered of the type material of Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793)

Jean-Michel PACAUD1 & Bruno CAZE1

1 Muséum National d’Histoire Naturelle, UMR 7207 du CNRS, Centre de recherche sur la Paléobiodiversité et les Paléoenvironnements, CP 38 – 57 rue Cuvier, F – 75005 Paris, France. E.mails: [email protected]; [email protected]

PaCaud J.M. & Caze B., 2011. Une espèce nouvelle de Rostellariidae (Mollusca, Gastropoda, Littorinimorpha) dans le Lutétien (Éocène moyen) du bassin de Paris. Redécouverte du matériel type de Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793). Cossmanniana, 13: 21-31, Antwerpen, 30 juin 2011 — ISSN 1157-4402.

Résumé: Une espèce nouvelle appartenant au genre Hippochrenes a été reconnue dans l’Éocène moyen (Lutétien) du Bassin de Paris. Hippochrenes boucheri nov. sp. avait été confondue jusqu’ici avec Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793) dont nous venons de redécouvrir le matériel type ainsi que le manuscrit original de 1791 donnant sa description. Cette nouvelle espèce est discutée et comparée aux espèces lutétiennes les plus proches, H. fissura et H. murchisoni (deshayes, 1865).

Mots clés: Lutétien, Éocène moyen, bassin de Paris, Mollusca, Rostellariidae

Abstract: A new species, belonging to the genus Hippochrenes, was recognized in the Middle Eocene (Lutetian) of the Paris basin. Hippochrenes boucheri nov. sp. has been confused up to now with Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793), the type material of which we have just rediscovered as well as the original manuscript of 1791, giving its description. This new species is discussed and compared with the Lutetian species, H. fissura and H. murchisoni (deshayes, 1865).

Key words: Lutetian, Eocene, Paris Basin, Mollusca, Rostellariidae

Introduction

Chez les Gastéropodes, l’extinction de la fin du

Crétacé est marquée à l’échelle spécifique, mais reste limitée à l’échelle des familles en Europe (PaCaud et al. 2000). Ainsi, à partir d’espèces survivantes, certaines familles vont connaître un nouvel essor. C’est le cas de la famille des Rostellariidae gabb, 1868 dont les taxons les plus anciens sont datés du Crétacé supérieur (Perrilliat & Vega, 1997; Kiel & Perrilliat, 2001) avec la présence avérée du genre Hippochrenes au Maastrichtien (Kaunhowen, 1898; Pethö, 1906; Kiel & bandel, 2002; Kronenberg & burger, 2002 ) et dont la diversité va augmenter de manière importante au début du Paléogène. wrigley (1938) constate en effet une grande diversité des coquilles de l’Éocène d’Angleterre, en particulier au sein des Rostellariidae.

Les Rostellariidae sont des gastéropodes marins présentant une forte diversité morphologique dans le registre fossile, notamment dans le Paléogène du Bassin de Paris. Au Cénozoïque, les Rostellariidae ont été décrits dans de nombreux travaux (laMarCK, 1803; de Montfort, 1810; deshayes, 1835; 1865; abiCh, 1858; rutot, 1876; Von Koenen, 1889; CossMann, 1889; wrigley, 1938; PaCaud 1994, 2008b; PaCaud & leroy, 2006). Une espèce nouvelle, vraisemblablement confondue jusqu’ici avec Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793), a été reconnue dans l’Éocène moyen (Lutétien) du Bassin de Paris. Cette espèce n’est connue que par peu d’exemplaires, toutefois elle présente des caractères suffisamment éloignés de ses congénères pour justifier l’introduction d’une espèce

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nouvelle dans le genre Hippochrenes de Montfort, 1810 (Espèce type: Rostellaria macroptera laMarCK, 1803 par désignation originale). L’observation des motifs colorés résiduels sous éclairage UV (Caze et al., 2007, 2008, 2010, 2011; Merle et al., 2008) présente un grand intérêt et est considéré comme une approche complémentaire pour accéder à la variabilité intraspécifique. L’examen de ces exemplaires montre également une distinction de motifs colorés par rapport à ceux observés chez H. fissura et chez H. murchisoni.

Cadre géographique

Le présent travail est consacré à l’étude des Rostellarii-dae du Paléogène français. Il s’agit de spécimens du Lutétien moyen (Éocène moyen). Les sites mentionnés se répartissent dans deux secteurs principaux:– d’une part, dans la région centrale du bassin de Paris,

dans le département de l’Oise, au sud de Beauvais, (Fercourt, Châteaurouge, Chaumont-en-Vexin, Parnes); dans le département du Val d’Oise, au nord de Pontoise (Les Garennes, Chaussy) et dans le département des Yvelines, près de Thiverval-Grignon (Villiers-Saint-Frédéric).

– d’autre part, dans le département de la Marne, au sud-ouest de Reims, près d’Epernay à Damery et à Chamery.

Abréviations

MNHN.F Muséum national d’Histoire naturelle, collections de Paléontologie, Paris (France).

UCBL Université Claude Bernard, service des collections de Paléontologie, Lyon (France)

Systématique

Classe Gastropoda CuVier, 1797Clade Hypsogastropoda Ponder & lindberg, 1997

Clade LittorinimorphagoliKoV & starobogatoV, 1975

Super-famille Stromboidea rafinesque, 1815Famille Rostellariidae gabb, 1868

Genre Hippochrenes de Montfort, 1810

Espèce type: Rostellaria macroptera laMarCK, 1803

(par désignation originale) Origine: Lutétien (Éocène), France.

Hippochrenes boucheri nov. sp. Pl. 1, Fig. 1-8; Pl. 4, fig. 3

Material type: Holotype (MNHN.F.A27319, leg. Boucher), paratypes, spécimen n°1 (coll. Boucher), spécimen n°2 (MNHN.F.A25082, leg. Pacaud), spécimen n°3 (MNHN.F.A32375, leg. Ledon).

Locus typicus: Fercourt (Oise, France).

Stratum typicum: Lutétien (Éocène).

Derivatio nominis: espèce dédiée à Pascal Boucher qui a découvert le matériel étudié.

Dimensions:Holotype. Hauteur: 84 mm – Diamètre dorso-ventral: 26 mm. Paratype n°1. Hauteur: 72 mm – Diamètre dorso-ventral: 23 mm.Paratype n°2. Hauteur: 77 mm – Diamètre dorso-ventral: 25 mm.Paratype n°3. Hauteur: 90 mm – Diamètre dorso-ventral: 28 mm.

Description: Coquille de taille moyenne. Protoconque non visible, téléoconque à spire conique, composée de 13 tours plans, lisses, séparés par des sutures linéaires. Les premiers tours sont ornés de filets spiraux fins et espacés. Dernier tour ovale, large, à base déclive, égal à un peu plus de la moitié de la hauteur totale, comprimé dorso-ventralement. Ouverture longue, étroite et rétrécie dans son angle adapical. Canal siphonal brisé sur les exemplaires étudiés, mais qui montre sur la partie préservée un canal droit s’infléchissant légèrement. Labre au profil orthocline, légèrement sinueux, non réfléchi vers l’intérieur, présentant une large expansion latérale en demi-cercle sur la spire. Elle se replie à peu près à hauteur de l’antépénultième tour. Elle redescend ensuite légèrement du côté opposé en décrivant une large courbe arrondie au niveau de la suture du dernier tour. Bord columellaire calleux, surtout sur la région pariétale, bien limité sur la base; se prolongeant sur la spire. Canal anal formant une gouttière étroite et profonde avec l’étalement labral et se repliant peu avant l’apex. Encoche siphonale peu visible. L’exposition sous lumière UV montre des traces de motif coloré résiduel consistant en de très larges bandes axiales sombres, coalescentes sur les premiers tours. Au niveau de l’anté-pénultième tour, elles perdent leur coalescence, sont séparées par de fins liserés clairs et deviennent opisthocyrtes à orthoclines. Sur le dernier tour, les bandes forment une nette sinuosité dans la partie postérieure. L’expansion labrale porte des tâches

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collabrales diffuses et légèrement coalescentes.

Discussion: Plusieurs espèces d’Hippochrenes ont été reconnues dans le Lutétien du bassin de Paris (laMarCK, 1803; deshayes, 1835, 1865; CossMann, 1889; staadt, 1908; PaCaud, 2008a). H. baylei (deshayes, 1865) (Pl. 3, Fig. 1) diffère de H. boucheri par sa grande taille, par sa coquille ventrue, par son canal siphonal long et droit et par la large expansion latérale en demi-cercle très étalée, dépassant l’apex et redescendant du côté opposé jusque vers les derniers tours. H. macroptera (laMarCK, 1803), espèce type du genre Hippochrenes de Montfort, 1810 (Pl. 3, Fig. 2), autre grande espèce, diffère de H. boucheri par sa taille, son galbe svelte, son canal siphonal fortement infléchi et par la large expansion labrale en demi-cercle étalée, dépassant l’apex, sans redescendre du côté opposé. Dans le Lutétien du Bassin de Paris deux autres espèces, H. fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793) et H. murchisoni (deshayes, 1865) ont été signalées.

Après de longues recherches dans la collection Brongniart, collection qui fut « démembrée » et déposée en divers endroits au Muséum (Paléontologie, Géologie) et à la Sorbonne (actuellement à l’Université Pierre et Marie Curie, Paris), nous avons retrouvé les syntypes de H. fissura provenant du Lutétien moyen (Éocène moyen) de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). De plus en 2007, suite à une recherche de divers documents paléontologiques anciens, nous avons trouvé chez un libraire et fait acheter par le Muséum le manuscrit original autographe de Coquebert de Montbret, signé et daté de 1791, discutant de l’espèce lutétienne Strombus fissurella linnaeus, 1767 et décrivant les espèces nouvelles Strombus fissura et S. canalis dont nous avons également retrouvé le matériel type (MNHN.F.A25525). Cette note fut finalement publiée en 1793 avec Alexandre brongniart dans le Bulletin de la Société Philomatique et c’est dans la collection de ce dernier que nous avons retrouvé le matériel type et figuré des espèces discutées. Nous avons pu ainsi comparer directement H. boucheri aux syntypes de H. fissura notamment à celui qui a été illustré dans le travail de Coquebert de Montbret & brongniart (1793: pl. 5, fig. 4) et dont la figure a été reprise par CossMann (1905: fig. 4) ainsi qu’à près de 150 exemplaires des collections du Muséum. Afin de lever toute ambigüité au sujet de ce taxon, dont l’aire est sympatrique de H. boucheri, nous désignons parmi les syntypes de Strombus fissura l’exemplaire illustré (MNHN.F.A25264) comme lectotype (paralecto-

types, 3 spécimens MNHN.F.A27369).

Typiquement H. fissura est caractérisé par la forme de son expansion labrale, mince, échancrée abapicalement et dont le lobe postérieur forme une languette plus ou moins prolongée (motivant ainsi les noms de Rostellaria columbaria laMarCK, 1803, de R. columbata laMarCK, 1822 et de R. columbella deshayes, 1835, synonymes subjectifs plus récents de Strombus fissura Coquebert de Montbret & brongniart, 1793), montrant ainsi un large sinus (Pl. 2, Fig. 1-4), au lieu de remonter sur la spire (deshayes, 1835: pl. 83, fig. 5-6; CossMann, 1905: 85, fig. P1-P1a; CossMann & Pissarro, 1911: pl. 31, fig. 157-3 vue dorsale). Dans de rares cas, chez certains spécimens, cette digitation est peu prononcée, voire même inexistante (Pl. 2, Fig. 5-8); l’expansion labrale forme alors un demi-cercle, légèrement atténué adapicalement avant de remonter sur la spire (CossMann, 1905: 85, fig. P2; CossMann & Pissarro, 1911: pl. 31, fig. 157-3 vue ventrale). Dans ce cas précis, rien ne permet de séparer ces morphotypes de la forme typique de cette espèce; ils présentent de façon analogue un galbe élancé, un dernier tour nettement arrondi, non comprimé dorso-ventralement, supérieur à la moitié de la hauteur totale, une encoche siphonale nette mais peu marquée, un canal siphonal long et pointu, et une surface lisse et brillante. L’exposition sous lumière UV des coquilles de Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793) montre sur les premiers tours de spire un motif consistant en des bandes axiales sombres, assez larges, nettement sigmoïdes, et à point d’inflexion située au centre du tour (Pl. 4, Fig. 5). Les bandes deviennent plus ou moins orthoclines et coalescentes sur les derniers tours de spire. Elles sont mieux exprimées dans la partie postérieure des tours que dans la partie antérieure. Sur le dernier tour, les bandes forment des flammules collabrales, assez visibles et étirées à la base. L’expansion labrale porte de nombreuses bandes axiales. H. boucheri se distingue de H. fissura, notamment des exemplaires a expansion labrale sans digitation, par son galbe plus trapu, par son dernier tour ovale, faiblement comprimé. L’expansion labrale, large, en forme de demi-cercle, se replie aux environs de l’antépénultième tour alors que chez H. fissura ce raccord se fait vers le dernier tour. Son bord columellaire calleux est nettement plus épais et plus largement étalé sur la spire.

L’examen des syntypes (UCBL EM32790) de H. murchisoni (deshayes, 1865) provenant du Lutétien moyen (Éocène moyen) de Damery (Marne) et de 30

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spécimens des collections du Muséum provenant du Lutétien moyen de Damery et de Chamery (Marne) montre (Pl. 4, Fig. 1-2), malgré une forte ressemblance, une coquille de taille supérieure à celle de H. boucheri, un dernier tour non comprimé dorso-ventralement, un étalement de l’expansion labrale plus importante, se repliant plus loin vers les premiers tours de spire et un bord columellaire calleux plus épais et plus largement étalé sur la spire. L’exposition sous lumière UV montre des traces de motif coloré résiduel consistant en de larges bandes axiales sombres, ayant tendance à devenir coalescentes (Pl. 4, Fig. 4). Elles sont séparées par de fins liserés clairs. Sur l’avant-dernier tour, elles perdent leur coalescence et deviennent opisthocyrtes à orthoclines. Sur le dernier tour, les bandes forment une faible sinuosité dans la partie postérieure; au centre du tour, elles s’étirent, puis forment un chevron marqué au dessus du départ du canal siphonal. L’expansion labrale porte des tâches collabrales diffuses et légèrement coalescentes. Si les bandes sombres et assez larges du motif coloré résiduel sont partagées avec H. fissura, en revanche, leur forme en chevron à la base du dernier tour n’a été observée que chez H. murchisoni. Le motif de couleur résiduel chez H. boucheri (Pl. 4, Fig. 3) ressemble à celui de H. fissura et de H. murchisoni, toutefois il se distingue par la largeur des bandes sombres et par l’absence de chevrons sur le dernier tour.

Conclusion

Au Lutétien, 4 espèces du genre Hippochrenes sont

signalées dans la région centrale du bassin de Paris, H. boucheri nov. sp., H. baylei (deshayes, 1865), H. macroptera (laMarCK, 1803) et H. fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793). L’espèce H. murchisoni (deshayes, 1865) n’a été signalée que dans l’horizon à Campanile giganteum (laMarCK, 1804) de la région d’Epernay à Damery et à Chamery, au fond du golfe de la mer lutétienne, où aucune autre espèce n’est signalée, et n’a jamais été récoltée dans la partie centrale du bassin de Paris. Avec ce nouveau taxon, ce sont 13 espèces du genre Hippochrenes qui sont désormais connues dans le Paléogène nord-européen, du Caucase (Kazakhstan) (abiCh, 1858; KorobKoV, 1955; alexeeV, 1965) et de Bulgarie (KaragiuleVa 1964) (Tableau 1). Le genre Hippochrenes est connu depuis le Crétacé supérieur avec les espèces H. nuda (binKhorst, 1861) du Maastrichtien des Pays-Bas, H. subtilis (Pethö, 1906) du Maastrichtien de Serbie (Pethö 1906; binKhorst 1861; Kaunhowen 1898; bandel 2007). La découverte récente d’H. kussi Kiel & bandel, 2002 dans les sédiments maastrichtiens d’Egypte (Afrique) place géographiquement ce genre du nord au sud de la Téthys centrale.

Remerciements

Nos plus sincères remerciements vont à Pascal Boucher et à Daniel Ledon pour les spécimens qu’ils ont mis à notre disposition pour cette étude, à Philippe Loubry et à Christian Lemzaouda (MNHN) pour les photographies

Hippochrenes boucheri n. sp. Hippochrenes macroptera (laMarCK, 1803)Hippochrenes murchisoni (deshayes, 1865)Hippochrenes fissura (Coquebert & brongniart, 1793) Hippochrenes baylei (deshayes, 1865) Hippochrenes lavacillensis (de gregorio, 1894) Hippochrenes dewalquei (deshayes, 1865)Hippochrenes incrassata (deshayes, 1865) Hippochrenes ampla (solander in brander, 1766)Hippochrenes incerta (wrigley, 1938) Hippochrenes variculosa (donCieux, 1908)Hippochrenes oligocenicus (lefèVre, 1881) Hippochrenes abichi (alexeeV, 1963)

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Tableau 1 – Distribution des espèces d’Hippochrenes du Paléogène européen.

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et l’infographie des planches.

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Pacaud J.M. & Caze B.

Explication des planches

Planche 1

Hippochrenes boucheri nov. sp. du Lutétien (Éocène moyen) de Fercourt (Oise).

Fig. 1-2. Holotype (MNHN.F.A27319, leg. Boucher)Fig. 3-4. Paratype n°1 (coll. Boucher)Fig. 5-6. Paratype n°2 (MNHN.F.A25082, leg. Pacaud)Fig. 7-8. Paratype n°3 (MNHN.F.A32375, leg. Ledon).

Planche 2

Fig. 1-2. Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793) lectotype (MNHN.F.A25264, coll. Brongniart), Lutétien moyen (Éocène moyen) de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines).

Fig. 3. Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793) Lutétien moyen (Éocène moyen) de Chaumont-en-Vexin (Oise) (MNHN.F.A25249, coll. Braillon).

Fig. 4. Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793) Lutétien moyen (Éocène moyen) de Parnes (Oise) (MNHN.F.B63160).

Fig. 5. Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793) Lutétien moyen (Éocène moyen) de la Butte St-Léonard, Villiers-Saint-Frédéric (Yvelines) (MNHN.F.A29451, coll. Schtrock).

Fig. 6. Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793) Lutétien moyen (Éocène moyen) de La Grande Cronière, Parnes (Oise) (MNHN.F.A29452, leg. Pacaud).

Fig. 7. Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793) Lutétien moyen (Éocène moyen) de la Butte St-Léonard, Villiers-Saint-Frédéric (Yvelines) (MNHN.F.A29453, leg. PaCaud).

Fig. 8. Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793) Lutétien moyen (Éocène moyen) Les Garennes, Chaussy (Val d’Oise) (MNHN.F.A32376, coll. Ledon)

Planche 3

Fig. 1. Hippochrenes baylei (deshayes, 1865) du Lutétien inférieur (Éocène moyen) de Chaumont-en-Vexin (Oise) (MNHN.F.A25345, coll. Schtrock).

Fig. 2. Hippochrenes macroptera (laMarCK, 1803) du Lutétien moyen (Éocène moyen) Les Garennes, Chaussy (Val d’Oise) (MNHN.F.A25351, coll. Schtrock).

Planche 4

Fig. 1. Hippochrenes murchisoni (deshayes, 1865) du Lutétien moyen (Éocène moyen) de Damery (Marne) (MNHN.F. B70320, coll. d’Orbigny).

Fig. 2. Hippochrenes murchisoni (deshayes, 1865) du Lutétien moyen (Éocène moyen) de Damery (Marne) (MNHN.F. A29343, leg. Pacaud).

Fig. 3. Motifs de couleurs résiduels révélés sous lumière UV de Hippochrenes boucheri nov. sp. du Lutétien moyen (Éocène moyen) de Fercourt (Oise) Paratype n°2 (MNHN.F.A25082, leg. Pacaud).

Fig. 4. Motifs de couleurs résiduels révélés sous lumière UV de Hippochrenes murchisoni (deshayes, 1865) du Lutétien moyen (Éocène moyen) de Chamery (Marne) (MNHN.F.A25006, coll. Faullummel).

Fig. 5. Motifs de couleurs résiduels révélés sous lumière UV de Hippochrenes fissura (Coquebert de Montbret & brongniart, 1793) (deshayes, 1865) du Lutétien moyen (Éocène moyen) de Châteaurouge (Oise) (MNHN.F. A29379, leg. Boucher).

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Planche 2

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Planche 3

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Planche 4

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