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1 Dr. Florence LEFANC, Service de Neurochirurgie, Hôpital Erasme, Bruxelles, ULB A. TRAUMATISME CRANIEN I .Rappels I.1. HYPERTENSION INTRACRÂNIENNE (HTIC) Le cerveau se trouve dans la boîte crânienne, enceinte osseuse rigide contenant trois compartiments : le sang (artériel et veineux), le liquide céphalo_rachidien (LCR) et le parenchyme cérébral. Ces trois compartiments répondent à la loi de Monroe et Kellie qui rend compte de la constante du volume intracrânien : Volume (V)= Constante = V (LCR) + V (sang) + V (parenchyme cérébral) Lorsque les trois compartiments sont en équilibre la pression intracrânienne (PIC) moyenne est inférieure à 10 mmHg ou 14 cmH 2 O. Cette pression à l’intérieur du crâne est équivalente à celle dans le parenchyme cérébral, ou celle dans les ventricules cérébraux, ou encore celle mesurée lors d’une ponction lombaire en décubitus latéral. Physiologiquement, la PIC augmente de façon transitoire et asymptomatique lors des manœuvres de Valsalva : toux ou effort de défécation, par exemple. Ces manœuvres sont responsables d’une augmentation de la pression intrathoracique et donc d’augmentation de PIC par diminution du retour veineux vers le cœur. On parle d’hypertension intracrânien (HTIC) à partir d’une PIC moyenne de 16 mmHg (=20 cmH 2 0). L’HTIC se caractérise par une triade : céphalées, vomissements en jet, troubles de la conscience. Le tracé de PIC reflète le pouls cérébral. A chaque systole correspond une onde de pouls cérébral avec une ondulation ample du tracé en rapport avec le rythme respiratoire. Trois mécanismes peuvent compenser l’augmentation de PIC : - l’expansion du cul-de-sac dure-mérien au niveau lombo-sacré, - les sorties de sang veineux lorsque les veines sont comprimées, - l’augmentation de la réabsorption de LCR par les granules de Pacchioni. Lorsqu’un des trois compartiments (sang, LCR, parenchyme) augmente ou qu’un volume supplémentaire, comme par exemple un hématome, se développe dans la boîte crânienne, arrive un moment ou les mécanismes compensateurs sont insuffisants. Une HTIC se développe et le cerveau, maintenu dans l’enceinte rigide qu’est la boîte crânienne, essaye alors de trouver une issue par engagement, passage de matière cérébrale dans un obstacle. SEMINAIRES IRIS

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Dr. Florence LEFANC, Service de Neurochirurgie, Hôpital Erasme, Bruxelles, ULB

A. TRAUMATISME CRANIEN

I .Rappels I.1. HYPERTENSION INTRACRÂNIENNE (HTIC)

Le cerveau se trouve dans la boîte crânienne, enceinte osseuse rigide contenant trois compartiments : le sang (artériel et veineux), le liquide céphalo_rachidien (LCR) et le parenchyme cérébral. Ces trois compartiments répondent à la loi de Monroe et Kellie qui rend compte de la constante du volume intracrânien : Volume (V)= Constante = V (LCR) + V (sang) + V (parenchyme cérébral) Lorsque les trois compartiments sont en équilibre la pression intracrânienne (PIC) moyenne est inférieure à 10 mmHg ou 14 cmH2O. Cette pression à l’intérieur du crâne est équivalente à celle dans le parenchyme cérébral, ou celle dans les ventricules cérébraux, ou encore celle mesurée lors d’une ponction lombaire en décubitus latéral. Physiologiquement, la PIC augmente de façon transitoire et asymptomatique lors des manœuvres de Valsalva : toux ou effort de défécation, par exemple. Ces manœuvres sont responsables d’une augmentation de la pression intrathoracique et donc d’augmentation de PIC par diminution du retour veineux vers le cœur. On parle d’hypertension intracrânien (HTIC) à partir d’une PIC moyenne de 16 mmHg (=20 cmH20). L’HTIC se caractérise par une triade : céphalées, vomissements en jet, troubles de la conscience. Le tracé de PIC reflète le pouls cérébral. A chaque systole correspond une onde de pouls cérébral avec une ondulation ample du tracé en rapport avec le rythme respiratoire. Trois mécanismes peuvent compenser l’augmentation de PIC : - l’expansion du cul-de-sac dure-mérien au niveau lombo-sacré, - les sorties de sang veineux lorsque les veines sont comprimées, - l’augmentation de la réabsorption de LCR par les granules de Pacchioni. Lorsqu’un des trois compartiments (sang, LCR, parenchyme) augmente ou qu’un volume supplémentaire, comme par exemple un hématome, se développe dans la boîte crânienne, arrive un moment ou les mécanismes compensateurs sont insuffisants. Une HTIC se développe et le cerveau, maintenu dans l’enceinte rigide qu’est la boîte crânienne, essaye alors de trouver une issue par engagement, passage de matière cérébrale dans un obstacle.

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I.2. L’ENGAGEMENT On distingue quatre types d’engagement : 1. L’engagement sous-falcoriel du lobe frontal sous la faux est asymptomatique. 2. L’engagement temporal du lobe temporal au bord libre de la tente du cervelet avec

compression d’éléments anatomiques est responsable de la symptomatologie suivante: ��mydriase (dilatation pupillaire) unilatérale (par compression du nerf oculomoteur commun) ��souffrance ischémique (par compression des artères cérébrales postérieures et choroïdiennes

antérieures) ��troubles de la vigilance et coma progressif (par compression du tronc cérébral) ��hémiplégie (paralysie d’un côté) (par compression du faisceau pyramidal au niveau du tronc

cérébral) 3. L’engagement central transtentoriel du diencéphale est responsable de:

��irrégularité respiratoire ��bradycardie ��pupilles bilatéralement peu réactives ��décès

4. L’engagement des amygdales cérébelleuses dans le trou occipital est responsable de: ��perte du réflexe pharyngé et de la déglutition (par compression des nerfs mixtes) ��irrégularité respiratoire ��et bradycardie (par compression du bulbe)

1. Engagement sous-falcoriel

2.Engagement temporal

4. Engagement amygdalien cérébelleux

Tente du cervelet

3. Engagement central

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I.3. LA PRESSION DE PERFUSION CEREBRALE (PPC) La pression de perfusion cérébrale (PPC) est définie comme la différence entre la pression artérielle moyenne et la pression intracrânienne moyenne. Afin de maintenir une perfusion cérébrale optimale et donc éviter l’ischémie, elle devrait se maintenir aux alentours de 70 mmHg.

PPC = Pression artérielle moyenne – PIC moyenne = +/- 60-70 mmHg

I.4. L’ECHELLE DU COMA DE GLASGOW (GCS=Glasgow Coma Scale) L’échelle de coma de Glasgow examine l’ouverture des yeux, la réponse verbale et la réponse motrice à un stimulus mais n’équivaut pas un examen neurologique complet. Le score maximal est de 15 sur 15 points, minimal de 3 sur 15 points. Tableau plus loin. Cette échelle a les avantages suivants : Elle permet un examen rapide et reproductible par d’autres examinateurs, une classification pronostique du traumatisme crânien et donc un langage commun objectif entre les intervenants.

II. Les soins primaires du traumatisme crânien modéré à sévère = Le ABCDE de la réanimation La prise en charge d’un patient traumatisé crânien consiste en la prise en charge d’un polytraumatisé potentiel ainsi que d’un traumatisé médullaire potentiel.

La réanimation initiale : Airway and cervical spine control Breathing Circulation Dysfunction of the central nervous system Exposure and environmental control

II.1. Airway and breathing

-Le premier geste à effectuer sera l’ouverture et la libération des voies aériennes (extraction éventuelle d’un corps étranger), -Un collier cervical rigide de taille adaptée sera ensuite bien positionné, -Une OXYGENATION généreuse au masque chez le patient conscient sera effectuée, Une SONDE NASALE ne sera JAMAIS mise en place vu le risque de créer une fausse voie vers le cerveau en cas de fractures de la base du crâne (voir plus loin). Indications de l’intubation (toujours par voie ORALE) : . Traumatisme crânien GCS < 8/15 . Détresse respiratoire (après drainage d’un pneumothorax éventuel) . Choc circulatoire sévère . Perte du réflexe laryngé (protection des voies aériennes) . Douleurs importantes

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-Tout patient intubé doit être VENTILE au ballon ou mieux à l’aide d’un respirateur de transport. -Il faut éviter l’hypoxémie et l’hypercapnie (en visant la normocapnie dans le traumatisme crânien). Une hyperventilation modérée (paCO2 30-35mmHg) sera effectuée en cas de signes neurologiques d’engagement cérébral.

Signes de fracture de la base du crâne Hématome périorbitaire bilatéral (yeux de raton laveur, hématomes en lunettes) (1) Hémotympan Epistaxis ou rhinorrhée (2) Otorragie ou otorrhée Hématome de la mastoïde (3) Rhinorragie, rhinorrhée et hématomes en lunettes (ou yeux de raton laveur) sont rencontrés dans les fractures de la base du crâne antérieure (éthmoïde et sphénoïde). Otorragie, otorrhée et hématome de la mastoïde sont rencontrés dans les fractures du rocher.

1. Hématomes en lunettes 2. Otorragie ou rhinorragie 3. Hématome de la mastoïde En cas de suspiscion de telles fractures, la mise en place d’une sonde gastrique par le nez ou sonde à oxygène est interdite sous peine de créer une fausse route et positionner la sonde dans le cerveau. De même l’intubation par le nez est contre-indiquée. En cas d’écoulement de LCR (par le nez ou l’oreille), il existe un contact direct du LCR avec les germes bactériens extérieurs et donc un risque de méningite (infection des méninges). Par le même chemin mais inverse à celui du LCR, de l’air peut entrer dans le cerveau et engendrer une pneumocéphalie, le risque d’infection est grand. Une intervention neurochirurgicale doit être menée en urgence afin de parer la brèche de la dure-mère. Notre expérience dans ce cas nous pousse à ne pas administrer d’antibiothérapie prophylactique mais d’effectuer la sanction neurochirurgicale le plus rapidement possible (Erasme, 2002). En cas

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de méningite, ce qui est rare, le traitement antibiotique sera adapté aux germes mis en évidence dans le liquide céphalo-rachidien.

Causes principales d’insuffisance respiratoire aiguë précoce du polytraumatisé 1. Obstruction des voies aériennes corps étranger, contenu gastrique, traumatisme facial ou cervical 2. Hypoventilation d’origine centrale coma, sédation 3. Traumatisme pariétal thoracique fracture de côtes, sternum hémo/pneumothorax 4. Altérations pulmonaires inhalation contusion pulmonaire œdème pulmonaire embolie gazeuse 5. Traumatisme diaphragmatique

II.2. Circulation Polytraumatisme = Hypovolémie Hypotension chez polytraumatisé = Hypovolémie avant tout MAIS le traumatisme crânien à lui seul ne peut PAS être responsable de l’hypotension artérielle, sauf chez le bébé En cas d’hypotension artérielle chez un traumatismé crânien, il faudra donc rechercher un traumatisme associé. Cette hypotension artérielle peut bien entendu être due à une perte sanguine (voir tableau), mais aussi à une altération de la régulation sympatique comme dans les traumatismes médullaires (voir plus loin chapitre Trauma du rachis).

Sites principaux de perte de sang chez le polytrauma OUVERT OCCULTE 1. Plaies du scalp 2. Trauma maxillo-facial 3. Fractures ouvertes 4. Trauma des tissus mous

1. Intrapéritonéal ou rétropéritonéal 2. Hémothorax 3. Fracture du bassin 4. Dans les extrémités au site de fracture

des os longs 5. Hématome sous- ou extra-dural chez

l’enfant 6. Rupture traumatique de l’aorte

REGLES : 1 à 2 grosses VOIES D’ACCES VEINEUX PERIPHERIQUES 1 voie d’accès veineux central si et seulement si difficultés d’accès périphérique la veine fémorale est facile en urgence chez l’enfant l’accès intra-osseux est parfois nécessaire Administration de solution saline ou expanseur plasmatique Administration de sang dès que possible lors d ’hémorragies

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PAS d’administration de solution glucosée (vu l’augmentation de la pression intracrânienne).

IDENTIFIER et CONTROLER les sources de saignement au plus vite :

- compression vasculaire, - points de rapprochement, - fractures de membres alignées et immobilisées, - salle opération… - garrot

II.3. Détresse neurologique

L’échelle de Glasgow est simple et reproductible.

GLASGOW COMA SCALE

ADULTE PEDIATRIQUE

E 4 Spontanée Spontanée

Ouverture 3 A l’appel A l’appel

des yeux 2 A la douleur A la douleur

1 Aucune Aucune

V 5 Cohérente Orientée, sourire

Réponse 4 Confuse Désorientée, pleurs

Verbale 3 Inappropriée Inappropriée, pleurs persistants

2 Incompréhensible Sons, grognements

1 Aucune Aucune

M 6 Obéit Spontanée, sur ordre

Réponse 5 Orientée Localise la douleur

Motrice 4 Evitement Flexion, évitement

3 Flexion Décortication (flex mbr sup)

2 Extension Décérébration (ext et rot ext mbr sup)

1 Aucune Aucune

Total / 15 Voici l’illustration des mouvements de décortication et de décérébration:

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Cette échelle sera évaluée dès la phase initiale de la prise en charge et permettra le suivi comparatif du patient traumatisé crânien. Un patient ne sera jamais sédaté avant d’avoir évalué son état de conscience par cette échelle. Tous les patients dont le Score de Coma de Glasgow (GCS) initial est inférieur à 8/15 doivent être intubés et ventilés dès la phase préhospitalière de leur prise en charge. Il faudra également évaluer précocément le diamètre des pupilles et leur réflexe à la lumière (signes éventuels d’engagement cérébral). La recherche de signes de latéralisation neurologique en examinant la force et la sensibilité aux membres supérieurs et inférieurs (monoparésie, hémiparésie, paraparésie, tétraparésie) peut se faire une fois le traumatisé chargé dans l’ambulance.

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Ennemis du trauma crânien (TC) 1. Hypoxémie 2. Hypotension artérielle 3. Hypercapnie 4. Hyperglycémie 5. Agitation 6. Fièvre 7. Anomalies électrolytiques 8. Les manœuvres de Valsalva

Recommandations thérapeutiques 1. Oxygénation : PaO2 supérieure à

100mmHg Masque chez le patient conscient Ventilation mécanique pour GCS < 8/15

2. Pr.art.moyenne>90 mmHg, chez trauma crânien (TC) isolé Pr.art.systolique>90 mmHg, chez TC en état hémodynamique instable

3. Hyperventilation modérée PaCO2 aux environs de 35mmHg 4. Pas de perfusion glucosée

Monitorage de la glycémie, insuline au besoin, maintenir la glycémie < 150 mg/dl

5. Analgésie et sédation 6. Antipyrétiques et matelas

refroidissants pour maintenir la t° < 38° C

7. Apports suffisants en électrolytes Contrôle ionogramme

8. Eviter les aspirations endotrachéales répétées et de faire tousser, Eviter les accélérations et décélérations lors du transport ambulance

Tout traumatisé crânien doit être amené vers un centre ayant un neurochirurgien disponible 24h/24h.

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Algorithme du traitement de l’hypertension intracrânienne

Chez le traumatisé crânien (TC) isolé et donc hémodynamiquement stable, on visera une pression artérielle moyenne supérieure ou égale à 90 mmHg afin d’assurer une perfusion cérébrale optimale (PPC = +/_ 60, 70 mmHg, cf avant). Chez le traumatisé crânien hémodynamiquement instable et donc chez lequel un traumatisme associé est présent, on visera une pression artérielle systolique supérieure ou égale à 90 mmHg afin de ne pas déstabiliser une hémostase temporaire. Lorsque le patient présente une hémorragie non contrôlée d’origine évidente, il ira directement au bloc opératoire ou en salle d’angiographie diagnostique et thérapeutique. Chez un malade plus stable sur le plan hémodynamique, on pourra se permettre des examens comme l’échographie abdominale et/ou cardiaque et le CT scan de préférence spiralé (voir chapitre sur la radiologie). Pour traiter l’HTIC, on peut agir au niveau de chacun des trois compartiments cérébraux. Au niveau du compartiment sanguin veineux :

��avoir un bon drainage veineux par dégagement des veines jugulaires (attention lors de la mise en place du collier cervical rigide),

��chasser le CO2 vasodilatateur des veines en hyperventilant modérément, ��éviter de faire tousser le malade (augmentation de PIC par Valsalva) lors d’aspiration

endotrachéale par exemple. Au niveau du compartiment sanguin artériel :

��oxygéner généreusement le malade. Au niveau du compartiment parenchymateux :

��administrer du furosémide (Lasix R, diurétique, 1ampoule) et du mannitol (diurétique osmotique, 1g/Kg de poids corporel, il s’agit de mannitol 20% (20g/100ml) et donc 300ml sont nécessaires pour un patient de 60Kg). Cette administration ne peut être effectuée

Signes engagement Mannitol 1g/Kg

Hyperventilation modérée

USI Part invasive PIC et PPC

Coma barbi si HTIC persistante

Salle opération PIC

Interv. neurochir.

CT Scan cérébral

TC isolé BUT: Part moy >= 90mmHg

Echo abdominale CT Scan abdominal

Malade plus stable

Salle d'angiographie Salle d'opération

Hémorragie non contrôlée

Traiter l'hémorragie

Hémodynamique instable BUT: Part syst >= 90mmHg

Bilan autres lésions

Règle ABCD Intubation-oxygénation

Ventilation (PaCO2 35mmHg) Perfusion NaCl 0,9%

GCS <= 8

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qu’à la condition que le patient soit stable hémodynamiquement (traumatisme crânien isolé) et uniquement en cas de signes neurologiques d’engagement cérébral.

��traiter chirurgicalement la lésion cérébrale (hématome par exemple). Au niveau du compartiment LCR :

��drainer du liquide céphalo-rachidien par un cathéter placé dans une corne ventriculaire. ��ATTENTION en cas de suspicion d’HTIC, une ponction lombaire ne peut pas être effectuée

sous peine d’engagement cérébral.

II.4. Mécanisme lésionnel Dans la prise en charge préhospitalière, le mécanisme lésionnel et l’importance du traumatisme sont des éléments d’anamnèse très important qu’il ne faudra jamais négliger et transmettre avec le plus de précision possible à l’équipe qui prendra en charge le patient à l’hôpital. En effet, il est important de considérer que pour une circonstance donnée, les forces mises en jeu sont souvent reproductibles et qu’elles entraînent chez le blessé des lésions statistiquement semblables. En conséquence, l’analyse du mécanisme lésionnel (traumatisme direct fermé ou pénétrant, décélération, blast) et son importance (hauteur d’une chute, chute sur un sol dur ou meuble, vitesse de l’accident, notion de morts lors d’un accident de la voie publique) permettent a priori d’anticiper sur la nature et les conséquences des lésions d’un traumatisé.

II.5. Traitement de la douleur et de l’anxiété (voir chapitre consacré) L’analgésie et la sédation permettent : 1. D’assurer le confort du patient ; 2. D’éviter les fluctuations tensionnelles (de la pression artérielle et donc de la pression

intracrânienne); 3. De faciliter la réanimation et d’accélérer le bilan lésionnel ; 4. De mieux adapter le malade à la ventilation mécanique assistée. On peut induire une sédation et/ou une anesthésie seulement lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1. Avoir examiné correctement le patient surtout sur le plan neurologique ; 2. Utiliser des drogues à action courte ou antagonisables ; 3. Limiter les effets secondaires hémodynamiques de cette sédation ; 4. Avoir corrigé l’hypovolémie. • Analgésie : Morphine indispensable en intraveineux (mg par mg) : effets après quelques minutes Fentanyl éventuellement • Anesthésie : Etomidate (Hypnomidate) : courte durée action, dose 0,3 mg/Kg – 20 mg chez adulte (diminue le débit sanguin cérébral et diminue la consommation cérébrale d’oxygène) • Sédation : Midazolam (0,05-0,1mg/Kg en bolus, 3-7mg/adulte, avec une perfusion)

II.6. Transport -Immobilisation : • Maintenir constamment l’axe tête-cou-tronc, sans traction axiale notamment cervicale.

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• Mise en place d’un COLLIER CERVICAL RIGIDE de taille adaptée. NON OUI • Mise en place d’attelles pour fractures • Et du MATELAS COQUILLE -Prévention de l’hypothermie : couverture isolante au_dessus des couvertures ordinaires -orientation du patient vers le centre le plus adapté

II.7. Dans l’ambulance Ré-évaluation du ABCDE. Surveillance en cours de transport de l’évolution du patient. Appel de l’hôpital de destination et information de celui-ci :

- type de traumatisme ; - ventilation assistée et état hémodynamique ; - bilan lésionnel ; - besoins anticipés.

PREHOSPITALISATION Sur le terrain - ABCD réanimation, OXYGENATION, PERFUSIONS INTRAVEINEUSES - collier cervical RIGIDE - Bilan sommaire des lésions - Identification et CONTRÔLE rapide des sources de saignement - ANALGESIE et SEDATION au besoin - IMMOBILISATION des fractures - Transport vers l’hôpital approprié et informé des besoins anticipés

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Dans l’ambulance - Oxymètre pulsé - Monitoring éléctrocardiographique - Ré-évaluation ABCD - Déshabillage - Bilan plus approfondi - Prise de sang : examens usuels urgents et groupe /compatibilité. Le mieux est de l’effectuer dès la mise en place du cathéter de perfusion intraveineuse.

B. TRAUMATISME DU RACHIS

I. Les lésions médullaires

Elles sont variables, allant de la simple contusion médullaire qui peut récupérer intégralement en quelques heures jusqu’à la section médullaire complète. Les lésions les plus fréquentes sont les lésions de compression médullaire aboutissant à une ischémie et les lésions de contusion médullaire associant destruction axonale et foyers hémorragiques. Les lésions ne doivent jamais être considérées comme définitives, elles sont susceptibles d’évoluer pour leur propre compte : extension de l’ischémie et des zones hémorragiques conséquences néfastes de l’ischémie, syndrome de reperfusion. Même lors d’une section médullaire complète, ces phénomènes sont importants car ils intéressent les zones situées sous la lésion, et leur limitation peut avoir une incidence fonctionnelle en permettant une récupération neurologique sur un ou deux métamères.

II. Conséquences de l’atteinte médullaire • Conséquences cardiovasculaires La disparition de l’activité sympathique et la perte des réflexes d’adaptation dans le territoire sous-lésionnel sont responsables d’une vasoplégie sous-lésionnelle avec hypovolémie relative entraînant une baisse des résistances systémiques, du retour veineux et donc du débit cardiaque. La préservation du système parasympathique est responsable de la bradycardie observée surtout chez les traumatisés cervicaux, et qui est maximale au 4ème jour. L’atteinte cervicale haute C1, C2 est fréquemment responsable d’un arrêt cardiaque au moment du traumatisme. • Conséquences ventilatoires L’atteinte ventilatoire est dépendante du niveau lésionnel. Une lésion au-dessus de C4, endroit d’émergence des nerfs phréniques, entraîne une paralysie diaphragmatique et une complète dépendance ventilatoire. Dans les atteintes cervicales basses C4 à C7 et dorsales hautes, la conservation de l’activité diaphragmatique permet une autonomie ventilatoire. Cette autonomie est toutefois précaire en raison de l’atteinte de la commande des muscles intercostaux et abdominaux. Les atélectasies et l’encombrement bronchique guettent ces patients, suite à l’atteinte des principaux muscles expiratoires qui permettent une toux efficace. Dans les atteintes dorsales basses et lombaires, les problèmes ventilatoires sont mineurs. • Conséquences digestives Un iléus paralytique peut durer entre 3 et 10 jours et impose la mise en place d’une sonde gastrique notamment pour prévenir la dilatation gastrique aiguë.

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• Conséquences urinaires L’absence d’autonomie vésicale impose un sondage urinaire (incontinence/rétention). • Conséquences thermiques L’hypothermie est fréquente ; elle est également secondaire à l’atteinte orthosympathique.

Signes du trauma spinal Hypotension avec relative bradycardie

Diminution de force musculaire et sensibilité sous la lésion Diminution du tonus sphincter anal

Priapisme III. Examen sur le terrain

A la phase initiale, l’examen pourra être orienté par une douleur rachidienne ou une déformation. Ces signes peuvent manquer ou être masqués par d’autres signes de détresse vitale, un trouble de la conscience ou d’autres fractures plus douloureuses. L’association de traumatisme crânien et de lésion médullaire est toujours possible. Tout accidenté inconscient devra donc être considéré comme un traumatisme rachidien jusqu’à preuve du contraire c’est-à-dire jusqu’à la réalisation de radiographies du rachis entier. Les mesures de prévention et contention sont donc identiques, qu’il s’agisse d’une suspicion clinique de fracture du rachis avec ou sans déficit neurologique, d’un sujet inconscient après un traumatisme ou encore d’un sujet ayant une détresse vitale ne permettant pas de s’assurer de l’intégrité du rachis. Un examen neurologique rapide est indispensable pour tout patient suspect de lésion rachidienne. Il faudra maintenir l’axe tête-cou-tronc ainsi que le plan horizontal au cours des manœuvres de dégagement et de brancardage en immobilisant le polytraumatisé avec le matelas coquille et un collier cervical rigide de taille adaptée. Le matelas coquille ne devra surtout jamais être fermé ni à la tête ni aux pieds afin d’éviter les compressions sur le rachis lors des accélérations et décélérations de l’ambulance par exemple.

IV. Le score ASIA (American Spinal Injury Association) Ce score a l’avantage d’être international, chiffré et parfaitement reconnu. Il est divisé en un score moteur et un score sensitif. Le score moteur ne teste que les membres. La cotation est réalisée en 5 points de la façon suivante.

Graduation de la force motrice SCORE RESULTAT DE L’EXAMEN

0 Paralysie complète 1 Contraction visible ou palpable 2 Mobilité sans résistance à la gravité 3 Mobilité contre gravité

4 Mobilité contre résistance mais plus faible que la normale

5 Force normale

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Il est nécessaire de rechercher la réalisation du mouvement contre résistance sur les principaux métamères. Le score sensitif est très précis et cote chaque métamère à la fois pour la sensibilité tactile et douloureuse. L’absence de trouble sensitif superficiel tactile ne permet pas d’éliminer une lésion médullaire. Enfin, si l’on devait choisir entre le toucher et le pincement (stimulation douloureuse), le second permet une meilleure discrimination des lésions du cordon antérieur de la moelle, ce qui est le plus fréquemment rencontré dans les traumatismes médullaires. Rappel, Territoires sensitifs Le score ASIA sensitif évalue tous les métamères (cf dessin), au toucher et à la piqûre, du côté droit et gauche du malade, avec le score 0=absent, 1=diminué, 2=normal. Une asymétrie ou une abolition des réflexes myotatiques doit inciter à la recherche d’une lésion neurologique. Enfin le très classique priapisme est un signe habituel de lésion médullaire sévère. Un arrêt cardiocirculatoire initial, rapidement récupéré par un remplissage vasculaire ou la bradycardie sont très évocateurs d’une lésion médullaire cervicale. Chez un sujet inconscient, les signes déficitaires ne sont plus apparents. Il faut donc rechercher une asymétrie des réflexes myotatiques, cutanés plantaires et abdominaux,

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douloureux, une hypotonie, une moindre mobilisation spontanée d’un segment corporel. Si cette asymétrie est focalisée sur un seul membre, il faut aussi penser à une lésion plexique.

Lecture de la radiographie standard Alignement du mur vertébral antérieur Alignement du mur vertébral postérieur Marge des facettes postérieures Alignement du bord antérieur des processus épineux Alignement du bord postérieur des processus épineux Intégrité des corps vertébraux, des lames, pédicules Intégrité de l’espace prévertébral

V. Traitement

• La réanimation médullaire Le maintien d’une pression de perfusion médullaire suffisante est primordial. L’hypovolémie relative (vasodilatation périphérique) ou absolue (hémorragie) doit être rapidement corrigée par un remplissage vasculaire et souvent un agent vasoconstricteur, tel la dopamine. La correction d’une hypoxémie et d’une hypothermie profonde est importante. Il faut aussi éviter l’hyperglycémie. L’administration précoce de méthylprednisolone à fortes doses améliore le pronostic neurologique au cours de modèles expérimentaux de compression ou d’ischémie médullaire par inhibition de la peroxydation lipidique membranaire. Les études cliniques ont également montré une amélioration du pronostic neurologique pour autant qu’elle soit administrée dans les 8 heures du traumatisme.

Mise au point radiologique des pathologies médullaires

CT ScanRMN

Anormale

RMN

Normale

Radiographie Standard

PRESENTS

CT Scan

Anormale

_

Normale

Radiographie Standard

ABSENTS

Signes neurologiques

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Traitement médicamenteux du trauma spinal Methylprednisolone (Solu-Medrol) : 30 mg/Kg en bolus intraveineux lent suivi d’une

perfusion de 5,4 mg/Kg/h pendant 23 h dans les 3 h qui suivent le traumatisme pendant 47 h dans les 3 à 8 h du traumatisme.

• Chirurgie précoce ou différée La chirurgie du rachis traumatique consiste à effectuer une réduction de la fracture, une décompression médullaire, et une fixation du foyer fracturaire à partir des vertèbres sus- et sous-jacentes. Ces interventions utilisent généralement un abord postérieur, en décubitus ventral. Lorsque la lésion médullaire est incomplète ou qu’une aggravation est notée dans les premières heures, la plupart des équipes considèrent qu’il s’agit d’une urgence chirurgicale. Par contre, l’attitude chirurgicale pour les lésions médullaires complètes d’emblée reste discutée. CONCLUSIONS Le diagnostic de lésion médullaire est évident pour un sujet conscient présentant un déficit massif. Dans les autres circonstances, un examen rapide mais précis doit être réalisé dès la prise en charge du patient. Le score ASIA est de choix. Il faut considérer tout polytraumatisé comme un traumatisé médullaire jusqu’à preuve radiologique du contraire.

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