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C laude Guéant et l’UMP aboient, Ed Epstein passe. Mis sur le gril par VSD, le journaliste new-yorkais révèle des faits inédits, supprimés de son enquête – le magazine New York Review Of Books craignait un procès. Des faits qui renforcent sa théorie d’un DSK sur- veillé, avec la complicité d’Accor. Eps- tein révèle pourquoi la justice ne s’est pas aperçue, après plusieurs mois d’enquête, de la disparition du BlackBerry de DSK. Il l’avoue aussi à demi-mot : ce sont les avocats de DSK qui lui ont donné accès aux fameuses vidéos. Enfin, dans ses déclarations, rien n’indique que la surveillance dont aurait fait l’objet DSK ne soit incompatible avec une tentative de viol. VSD. Avez-vous déjà rencontré DSK ? Edward Epstein. Je n’ai eu aucun contact avec DSK, ni avant ni après mon enquête. Je ne lui ai jamais parlé. Je lui ai envoyé un e-mail, mais il ne m’a pas répondu. Quant à Michel Taubmann (biographe et farouche soutien de DSK, qui a déclaré être ami avec Epstein, NDLR), nous nous sommes rencon- trés à New York en juillet, à sa demande. Ensuite, il est parti voir DSK, quelque part en Amérique. À son retour, je crois que c’était fin août, nous avons discuté une heure. C’est tout. Je ne suis pas son ami. VSD. Vous pensez donc que quelqu’un pistait DSK pour lui nuire. Vous citez l’UMP. E. E. Ce que je pense, c’est que DSK était sous surveillance le 14 mai. Quelqu’un épiait ses mou- vements et attendait qu’il fasse une erreur, pro- bablement depuis longtemps. Mais son Black- Berry du FMI, qui aurait contenu des preuves de cette surveillance, a disparu. Je ne peux donc rien prouver. Personne ne m’a dit : « Oui, c’est exact, nous le surveillions. » C’est une hypothèse sur laquelle j’ai tra- vaillé, en essayant d’expliquer pourquoi le portable de DSK s’est volatisé, pourquoi ça l’a rendu soucieux, pour- quoi il a appelé l’hôtel pour demander qu’on le rapporte. Mais je n’ai aucune preuve impliquant l’UMP dans cette surveillance. VSD. Pourquoi la justice ne s’est-elle pas interrogée sur la disparition du BlackBerry ? E. E. Le procureur Vance a fait une erreur. Il a listé tous les messages entrants et sortants de DSK, sur tous ses portables. On y trouve un message de sa lle Camille à 12 h 31, l’informant de bouchons sur la Sixième Avenue. DSK était alors dans un taxi. Le procureur a cru que ce message était reçu sur son BlackBerry du FMI, donc que Strauss-Kahn ‘‘ À NEW YORK, DSK ÉTAIT SOUS SURVEILLANCE’’ Edward Epstein était parti de l’hôtel avec et qu’il ne pouvait l’avoir perdu que dans un taxi ou au restaurant. C’était faux : l’appel de Camille est entré dans un second BlackBerry, un appareil d’appoint. La justice a sim- plement confondu ces deux portables. VSD. Et Nafissatou Diallo ? Utilisée, selon vous ? E. E. À mon avis, cette femme est un pion sur un échiquier, victime plutôt que coupable. Je crois qu’elle avait pour tâche de distraire (sic) DSK, mais elle ne savait pas pourquoi on lui a demandé d’entrer dans la chambre. VSD. Comment expliquer la relation sexuelle ? E. E. (Il coupe.) Sous serment, Nafissatou Diallo a menti aux procureurs. Elle a caché ses visites dans la chambre 2820. Si elle avait dit la vérité, le bureau du procureur aurait eu un dossier solide. La chambre 2820 serait devenue une scène de crime : son ou ses occupants auraient fait partie de l’en- quête. Ses mensonges forment une entrave à la justice. En revanche, après le rapport avec DSK, les enregistrements des caméras de surveillance la montrent assise en bas de l’escalier de l’hôtel, devant le bureau de la sécurité, pendant soixante- dix minutes. Au vu des images – que j’ai visionnées sans le son –, elle n’avait pas l’air d’une conspira- trice. Les agents de sécurité l’ignoraient plus ou moins. Elle leur a ensuite décrit ce qui s’est passé : elle montre du doigt sa poitrine, probablement pour expliquer que DSK a voulu la lui agripper. Elle raconte son histoire. Peut-être lui ont-ils demandé d’arranger certains détails : par exemple, ne pas évoquer la chambre 2820, en lui expliquant que ça ferait du tort à l’hôtel. VSD. Vous avez confié au « Journal du dimanche » que deux hauts responsables d’Accor se sont échangé vingt-six textos en quatre minutes, entre 12 h 21 et 12 h 25. Alors que DSK n’est même pas sorti du Sofitel et que Diallo n’a prévenu personne. C’est un apport fracassant à la théorie du complot, et vous n’en faites pas mention dans l’enquête ? E. E. Mes propos ont été faussement retranscrits. Si j’avais découvert ça, ç’aurait été dans l’article. La connexion n’était pas bonne, la journaliste ne par- lait pas un très bon anglais. (Elle est mariée à un Américain et a vécu plus de dix ans aux États-Unis, NDLR). Enfin, j’ai la chronologie devant moi. Ce qui s’est vraiment passé, c’est que, entre 10 h 21 et 10 h 35, Brian Yearwood, chef des services tech- niques de l’hôtel, et John Sheehan, directeur de la sécurité, se sont échangé treize textos, et ce, sept minutes après que DSK a appellé sa femme Anne Sinclair. Pendant ce temps, Nafissatou Diallo a uti- lisé deux fois sa carte magnétique pour entrer dans la chambre 2820. Des coïncidences troublantes. VSD. Ces textos, envoyés le matin, renforcent l’idée sinon d’un coup monté, au moins d’une surveillance. Pourquoi ne pas en parler dans votre article ? Pourquoi dire à la place que M. Sheehan a été prévenu « par téléphone à 13 h 03 » ? E. E. Les avocats de la New York Review Of Books ont relu mon texte attentivement. Le paragraphe sur la coïncidence temporelle tombait pour eux sous le coup d’une loi américaine, l’« implied libel ». Même si je ne faisais que mentionner des faits troublants sans les lier, j’étais coupable d’« insinuations ». Le paragraphe a donc été retiré. VSD. Accor jure que la danse entre Yearwood et un inconnu n’a duré que huit secondes. E. E. Accor a menti en disant que ces vidéos n’exis- taient pas. Maintenant, on prétend que la danse victorieuse ne dure que huit secondes. Je maintiens qu’elle a duré entre deux et quatre minutes. Et puis, une minute ou une heure, quelle importance ? VSD. Pour certains, ça en a beaucoup. Ils auraient pu fêter la victoire d’une équipe de football… E. E. Accor n’a qu’à montrer l’enregistrement aux JT français. VSD. Avez-vous une copie de cette vidéo ? E. E. Non. VSD. Comment vous l’êtes-vous procurée ? E. E. Ces images sont des documents de justice. Elles ne sont pas secrètes mais sont protégées. Une des parties de cette affaire m’a montré la vidéo, je ne peux vous en dire plus. VSD. Pourquoi la justice n’a-t-elle pas fait mention de cette danse durant l’enquête ? E. E. Je n’ai pas la réponse. Plusieurs personnes en ont connaissance dans le milieu de la justice, dont celles qui m’ont montré la vidéo. VSD. Accor affirme aussi que le client de la chambre 2820, dont l’identité n’a pas été révélée, est parti à 11 h 36. E. E. Quelqu’un est sorti de la chambre à 11 h 36, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y avait plus per- sonne à l’intérieur… ‘‘NAFISSATOU DIALLO EST UN PION SUR L’ÉCHIQUIER, VICTIME PLUTÔT QUE COUPABLE’’ 22 N° 1788 LE JOURNALISTE AMÉRICAIN, QUI A RELANCÉ L’ENQUÊTE SUR DSK ET L’IDÉE DU COMPLOT, NOUS DÉVOILE QUELQUES DÉTAILS SUPPLÉMENTAIRES. PAR MAXIME ROBIN, À NEW YORK Passionné de mystère Réputé pour son sérieux, Epstein a écrit sur les grands scandales, notamment sur la mort de Kennedy. D. R.

ED EPSTEIN

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"DSK : CE QUE JE N'AI PAS DIT" : itw la veille de la sortie de son enquête dans le New York Review of Books

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Page 1: ED EPSTEIN

Claude Guéant et l’UMP aboient, Ed Epstein passe. Mis sur le gril par VSD, le journaliste new-yorkais révèle des faits inédits, supprimés de son enquête – le magazine New York Review Of Books craignait un procès. Des faits qui renforcent sa théorie d’un DSK sur-veillé, avec la complicité d’Accor. Eps-

tein révèle pourquoi la justice ne s’est pas aperçue, après plusieurs mois d’enquête, de la disparition du BlackBerry de DSK. Il l’avoue aussi à demi-mot : ce sont les avocats de DSK qui lui ont donné accès aux fameuses vidéos. Enfi n, dans ses déclarations, rien n’indique que la surveillance dont aurait fait l’objet DSK ne soit incompatible avec une tentative de viol. VSD. Avez-vous déjà rencontré DSK ?Edward Epstein. Je n’ai eu aucun contact avec DSK, ni avant ni après mon enquête. Je ne lui ai jamais parlé. Je lui ai envoyé un e-mail, mais il ne m’a pas répondu. Quant à Michel Taubmann (biographe et farouche soutien de DSK, qui a déclaré être ami avec Epstein, NDLR), nous nous sommes rencon-trés à New York en juillet, à sa demande. Ensuite, il est parti voir DSK, quelque part en Amérique. À son retour, je crois que c’était fi n août, nous avons discuté une heure. C’est tout. Je ne suis pas son ami. VSD. Vous pensez donc que quelqu’un pistait DSK pour lui nuire. Vous citez l’UMP.E. E. Ce que je pense, c’est que DSK était sous surveillance le 14 mai. Quelqu’un épiait ses mou-vements et attendait qu’il fasse une erreur, pro-bablement depuis longtemps. Mais son Black-Berry du FMI, qui aurait contenu des preuves de cette surveillance, a disparu. Je ne peux donc rien prouver. Personne ne m’a dit : « Oui, c’est exact, nous le surveillions. » C’est une hypothèse sur laquelle j’ai tra-vaillé, en essayant d’expliquer pourquoi le portable de DSK s’est volatisé, pourquoi ça l’a rendu soucieux, pour-quoi il a appelé l’hôtel pour demander qu’on le rapporte. Mais je n’ai aucune preuve impliquant l’UMP dans cette surveillance. VSD. Pourquoi la justice ne s’est-elle pas interrogée sur la disparition du BlackBerry ?E. E. Le procureur Vance a fait une erreur. Il a listé tous les messages entrants et sortants de DSK, sur tous ses portables. On y trouve un message de sa fi lle Camille à 12 h 31, l’informant de bouchons sur la Sixième Avenue. DSK était alors dans un taxi. Le procureur a cru que ce message était reçu sur son BlackBerry du FMI, donc que Strauss-Kahn

‘‘À NEW YORK, DSK ÉTAIT SOUS SURVEILLANCE’’

Edward Epstein

était parti de l’hôtel avec et qu’il ne pouvait l’avoir perdu que dans un taxi ou au restaurant. C’était faux : l’appel de Camille est entré dans un second BlackBerry, un appareil d’appoint. La justice a sim-plement confondu ces deux portables. VSD. Et Nafi ssatou Diallo ? Utilisée, selon vous ?E. E. À mon avis, cette femme est un pion sur un échiquier, victime plutôt que coupable. Je crois qu’elle avait pour tâche de distraire (sic) DSK, mais elle ne savait pas pourquoi on lui a demandé d’entrer dans la chambre.VSD. Comment expliquer la relation sexuelle ?E. E. (Il coupe.) Sous serment, Nafi ssatou Diallo a menti aux procureurs. Elle a caché ses visites dans la chambre 2820. Si elle avait dit la vérité, le bureau du procureur aurait eu un dossier solide. La

chambre 2820 serait devenue une scène de crime : son ou ses occupants auraient fait partie de l’en-quête. Ses mensonges forment une entrave à la justice. En revanche, après le rapport avec DSK, les enregistrements des caméras de surveillance la montrent assise en bas de l’escalier de l’hôtel, devant le bureau de la sécurité, pendant soixante-dix minutes. Au vu des images – que j’ai visionnées sans le son –, elle n’avait pas l’air d’une conspira-trice. Les agents de sécurité l’ignoraient plus ou moins. Elle leur a ensuite décrit ce qui s’est passé : elle montre du doigt sa poitrine, probablement pour expliquer que DSK a voulu la lui agripper.

Elle raconte son histoire. Peut-être lui ont-ils demandé d’arranger certains détails : par exemple, ne pas évoquer la chambre 2820, en lui expliquant que ça ferait du tort à l’hôtel. VSD. Vous avez confi é au « Journal du dimanche » que deux hauts responsables d’Accor se sont échangé vingt-six textos en quatre minutes, entre 12 h 21 et 12 h 25. Alors que DSK n’est même pas sorti du Sofi tel et que Diallo n’a prévenu personne. C’est un apport fracassant à la théorie du complot, et vous n’en faites pas mention dans l’enquête ?E. E. Mes propos ont été faussement retranscrits. Si j’avais découvert ça, ç’aurait été dans l’article. La connexion n’était pas bonne, la journaliste ne par-lait pas un très bon anglais. (Elle est mariée à un Américain et a vécu plus de dix ans aux États-Unis, NDLR). Enfi n, j’ai la chronologie devant moi. Ce qui s’est vraiment passé, c’est que, entre 10 h 21 et 10 h 35, Brian Yearwood, chef des services tech-niques de l’hôtel, et John Sheehan, directeur de la sécurité, se sont échangé treize textos, et ce, sept minutes après que DSK a appellé sa femme Anne Sinclair. Pendant ce temps, Nafi ssatou Diallo a uti-lisé deux fois sa carte magnétique pour entrer dans la chambre 2820. Des coïncidences troublantes. VSD. Ces textos, envoyés le matin, renforcent l’idée sinon d’un coup monté, au moins d’une surveillance. Pourquoi ne pas en parler dans votre article ? Pourquoi dire à la place que M. Sheehan a été prévenu « par téléphone à 13 h 03 » ?E. E. Les avocats de la New York Review Of Books ont relu mon texte attentivement. Le paragraphe sur la coïncidence temporelle tombait pour eux sous le coup d’une loi américaine, l’« implied libel ». Même si je ne faisais que mentionner des faits troublants sans les lier, j’étais coupable d’« insinuations ». Le paragraphe a donc été retiré. VSD. Accor jure que la danse entre Yearwood et un inconnu n’a duré que huit secondes. E. E. Accor a menti en disant que ces vidéos n’exis-taient pas. Maintenant, on prétend que la danse victorieuse ne dure que huit secondes. Je maintiens qu’elle a duré entre deux et quatre minutes. Et puis, une minute ou une heure, quelle importance ? VSD. Pour certains, ça en a beaucoup. Ils auraient pu fêter la victoire d’une équipe de football…E. E. Accor n’a qu’à montrer l’enregistrement aux JT français. VSD. Avez-vous une copie de cette vidéo ?E. E. Non.VSD. Comment vous l’êtes-vous procurée ?E. E. Ces images sont des documents de justice. Elles ne sont pas secrètes mais sont protégées. Une des parties de cette affaire m’a montré la vidéo, je ne peux vous en dire plus.VSD. Pourquoi la justice n’a-t-elle pas fait mention de cette danse durant l’enquête ?E. E. Je n’ai pas la réponse. Plusieurs personnes en ont connaissance dans le milieu de la justice, dont celles qui m’ont montré la vidéo.VSD. Accor affi rme aussi que le client de la chambre 2820, dont l’identité n’a pas été révélée, est parti à 11 h 36.E. E. Quelqu’un est sorti de la chambre à 11 h 36, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y avait plus per-sonne à l’intérieur…�

‘‘ NAFISSATOU DIALLO EST UN PION SUR L’ÉCHIQUIER, VICTIME PLUTÔT QUE COUPABLE’’

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LE JOURNALISTE AMÉRICAIN, QUI A RELANCÉ L’ENQUÊTE SUR DSK ET L’IDÉE DU COMPLOT, NOUS DÉVOILE

QUELQUES DÉTAILS SUPPLÉMENTAIRES.P A R M A X I M E R O B I N , À N E W Y O R K

Passionné de mystère Réputé pour son sérieux, Epstein a écrit sur les grands scandales,

notamment sur la mort de Kennedy.

D. R

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