Eugene Ionesco Ou a La Re

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Eugene Ionesco

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  • Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptationrservs pour tous les pays, y compris l'U.R.S.S.

    Editions Gallimard, 1973.

  • Le critique doit re f aire le parcoursdu pote. Le pote a souvent fait letrajet dans une sorte de nuit ou depnombre. Le critique, lui, une lan-terne la main, refait le mme tra-jet, en clairant.

    Eugne Ionesco,Notes et contre-notes.

    L'auteur et ses problmes.

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  • En commenant mon tude surIon Barbu, je suis pouvant parmon indiffrence vis--vis des pro-blmes de critique littraire. je suisdsol de ces efforts de mensonge.

    Eugne Ionesco,Nu ( Non ), 1934.

    Il faut se prendre un peu ausrieux. Si l'on se prend trop ausrieux, il n'y a plus de libert, c'estla prison, c'est l'touffement. Il fauttre moiti srieux.

    Eugne Ionesco,journal en miettes.

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  • Discours de la mthode

    1. NON

    Au dbut, mon travail sur l'oeuvre d'Eugne Ionesco avan-ait d'une manire satisfaisante.

    Toutes les msaventures ont commenc comme dans

    beaucoup de rcits dans une belle journe d'automne .En me trouvant Bucarest aprs une longue absence

    j'ai profit de l'occasion pour relire, dans la Bibliothque del'Acadmie roumaine, les premiers ouvrages de Ionesco,ouvrages crits en roumain et inexistants en France, tanten franais que dans leur langue d'origine ouvrages presqueoublis de moi.

    J'ai pass assez rapidement sur les Elegii pentru junte mici( Elgies pour des tres minuscules ), recueil de vers assez lamentables d'aprs le jugement de l'auteur lui-mme vers d'un anthropomorphisme rudimentaire desfleurs qui pleurent et qui saignent, qui rvent des prairies, des printemps ou je ne sais quoi .

    Par contre, j'ai lu et relu passionnment son Nu ( Non ),recueil d'tudes critiques sur quelques grands crivains rou-

    1. Entretiens avec E. Ionesco, de Claude Bonnefoy.

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    mains de ce temps-l (1934) et aussi de rflexions sur la cri-tique littraire, comme genre en particulier et sur l'artet la vie, en gnral. Si les Elgies pour des tres minus-cules ne sont point significatives pour l'crivain de plus tard,en revanche dans Non on peut dj trouver presque tousles lments de sa cration futures. Ce livre, crit par Ionesco vingt-deux ans, garde maintenant trente-neuf ans aprssa publication tout son impact sur un connaisseur de lalittrature roumaine et on peut d'autant plus s'imaginer soneffet de bombe l'poque.

    En lisant Nu, j'ai t, tour tour, surpris, indign, amuset finalement, inquiet.

    Evidemment, je me disais, c'est un livre de scandale, faitspcialement pour scandaliser, pour choquer les milieux litt-raires et le bon bourgeois, pour marquer, ainsi, une entre fra-cassante dans la culture roumaine et attirer, en consquence,l'attention sur son jeune auteur, encore inconnu.

    Les jugements de valeur, je me le rptais, ne comptentpas dans ce cas, mais le style audacieux, la rvolte pure etsurtout, l'originalit. D'ailleurs, Ionesco lui-mme ne cache passes intentions relles Mon tude sur Ion Barbu je l'crisdans le mme esprit tactique qu'elle fasse du bruit

    Pourquoi s'tonner ? Laclos avoue quelque part le mmebut propos de ses Liaisons dangereuses.

    Et lui n'tait ni le premier, ni le dernier.Mais, en somme, de quoi s'agit-il dans ce livre incendiaire ?Eugne Ionesco ( l'poque Eugen Ionescu) analyse les

    uvres de quelques grands crivains roumains Tudor Arghezi,Ion Barbu et Camil Petrescu et dans la premire partie deson tude en arrive la conclusion que ces auteurs

    2. Cela serait un sujet intressant d'tude pour un essai entier, y com-pris les racines roumaines de la cration ionescienne.

    3. Non .

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    considrs comme tant parmi les meilleurs de toute l'histoirede la littrature roumaine ne mritent pas leur clbrit etqu'en ralit ils sont des crivains mdiocres, voire stupides.

    Tout cela aprs une analyse minutieuse et brillante, denature branler toutes les anciennes convictions.

    Les arguments semblaient irrfutables.Une fois le travail termin et ses verdicts conclus, Ionesco

    en partant de mmes fragments analyss, gardant les mmescitations, nous dmontre d'une manire aussi irrfutableque les crivains ci-dessus cits sont des gnies, plus grandsque toute la critique antrieure ne pouvait le supposer.

    Par-del tout jugement de valeur moi-mme je ne savaisplus si les crivains analyss sont des gnies ou non j'airessenti que le problme est plus grave qu'il ne semble unepremire vue et les consquences qu'on en peut tirer dpassentde loin toutes les questions concernant la hirarchie des valeursdans le cadre de la littrature roumaine.

    Ainsi, pour la premire fois ds le dbut de mon travail,j'ai commenc m'interroger.

    C'tait l mon pch originel, car cela fut la premireimpasse.

    Il. SUR LA RELATIVIT DE LA CRITIQUE

    On peut facilement objecter que j'exagre que toute l'tudede Ionesco ne constituait qu'un simple jeu dans lequel sonauteur lui-mme ne croyait pas vraiment une plaisanteried'enfant terrible. C'est--dire qu'il faut rire au lieu de s'in-quiter.

    En ralit, Ionesco tait plus sincre qu'on peut imaginer l'instant que j'ai commenc crire mon tude si

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    vhmentement', si sr dans mon ton, si intgralement etsi inflexiblement ngative, les posies d'Arghezi ont recom-menc me paratre extrmement belles. Mais je ne pouvaisplus rien faire j'avais crit dj la moiti de mon tude5.

    Nous sommes au cur du problme l'inconstance deIonesco n'est pas un manque de srieux, mais une preuved'impossibilit de toute constance dans la critique littraire(on sait que le seul animal consquent est l'ne), de l'impossi-bilit de choisir une fois pour toutes un certain critre, un cer-tain angle de vue.

    Ionesco a interrompu plusieurs fois son tude maintesfois il voulait renoncer la terminer Depuis quatre semai-nes, depuis que j'ai pens crire mon tude, je n'ai plus uninstant de paix. Je me rends compte que, en eux-mmes, mesarguments ne sont ni valables, ni non valables. J'abandonnetout et mets toutes mes esprances en prsentation verve,ironie, sret, apparence logique et inflexible, charge, pol-mique et autres poudres aux yeux. Mes arguments ne comp-tent pas. Ils se dissolvent dans l'incandescence de l'loquence.Il reste, au lecteur ahuri, seulement des chos de lointains tin-tements aux oreilles et de la fume de la bataille aux yeux 6.Que veux-je dire ? Ionesco a t parfaitement conscient del'inconsistance de ses jugements de valeur, de la futilit deson travail et si malgr toutes ces hsitations il l'a ter-min, cela s'explique par d'autres raisons que l'acceptation oula rfutation de tel ou tel crivain.

    Plus tard, l'apoge de sa carrire, Ionesco va expliquerainsi les intentions relles de Nu J'ai voulu prouver queni la littrature ni la critique n'avaient d'existence relle puis-que je pouvais, par exemple, d'abord dmontrer que toute

    4. Il s'agit de son tude sur T. Arghezi dont il avait ni la valeur potique.5. Non Pages de Journal.6. Non .

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    une oeuvre d'un grand pote ne valait rien puis, ensuite,dmontrer qu'elle avait une grande valeur et tout cela sanschanger de critres

    Certes, la longue, Ionesco a chang partiellement d'avismme son activit cratrice le prouve aussi son acharnementenvers les critiques littraires.

    Tt ou tard on devient plus mfiant mme dans le pes-simisme. Il n'y a pas longtemps, lorsque j'ai pri EugneIonesco de me prter Nu, il a hsit en me disant Mais,qu'est-ce que vous voulez dmontrer avec ? Finalement, voussavez, c'est un pch de jeunesse.

    Qu'est-ce que je veux dmontrer ? Qu' il n'y a pas decritres en critique, que l'on peut dire n'importe quoi, que toutpeut tre argument, expliqu, justifi. .

    Ce n'est pas moi qui dis tout cela, mais toujours M. EugneIonesco. Et non pendant sa jeunesse coupable, mais dans sesEntretiens avec Claude Bonnefoy, donc en 1966

    Si je ne me trompe pas, cela s'appelle, dans le langage juri-dique, une rcidive. Mais, si on peut dire n'importe quoi.si tout peut tre argument, expliqu, justifi et dmontr ,il en rsulte que rien ne peut tre expliqu et dmontr.

    Tout livre plat si on veut et dplat si on veut. Je suisconvaincu de l'inutilit de la critique littraire. , critIonesco dans le mme Nu (dans le chapitre significativementnomm Faux itinraire critique ).

    Sa conclusion est bien logique, si on accepte l'arbitrairecomme seule loi de la critique littraire.

    La relativit et l'impuissance de toute critique littrairec'est cela la premireconclusion inquitante qu'on peut entirer.

    De l il y a un seul pas pour arriver l'impossibilit de la

    7. Dcouvertes.

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    critique et voire si on persiste son absurdit Noussavons tous que la critique semble impossible, que les critresvarient, que les critres ne couvrent pas l'oeuvre, que, parlantd'une ceuvre littraire, les critiques font, en ralit, de la psy-chologie ou de la sociologie ou de l'histoire. C'est--dire, ilssont toujours ct de l'oeuvre, dans le contexte

    III. AUX SOURCES DE LA CRITIQUEDISCOURS DE LA MTHODE

    C'tait mon second point mort et pour quelque temps j'aiinterrompu mon travail.

    Cependant, ma curiosit fut plus forte c'est elle qui m'apouss plus loin dans mes recherches.

    Je ne me suis plus content de constater cette impossibilitde la critique de dmontrer quelque chose d'une manire irr-futable j'ai voulu savoir d'o vient tout cela, comment onpeut expliquer cette impuissance (pourtant, indiscutable).

    Mon travail critique devenait, de plus en plus, une rflexionsur la critique, en gnral.

    Cela est bien explicable et ne doit gure surprendre.Ionesco crivait En mme temps, chaque oeuvre drama-

    tique est comme une rflexion sur l'oeuvre dramatique engnral*. Sans hsitation on peut en dire de mme surchaque tude critique.

    Chaque homme, chaque instant, par sa vie mme, par soninterrogation, recre la vie, l'univers.

    Chaque crateur artistique qui justifie son nom danschaque uvre, redcouvre l'art, le recre.

    8. Entretiens avec E. Ionesco, de C. Bonnefoy.9. Journal en miettes.

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    C'est la mme chose pour chaque critique, qui doit faire table rase de ses ides reues, ses partis pris, qui doitdcouvrir pour lui-mme sa propre vrit, qui doit rinventerla critique littraire pour l'appliquer d'une manire vivante.

    Certes, je n'ai pas la prtention de dire quelque chose denouveau (mais on oublie souvent les vrits anciennes, pre-mires, qui par rptition, s'usent et deviennent des clichs).

    En fait, je ne fais que rpter, en d'autres termes, Des-cartes Pour atteindre la vrit, il faut une fois danssa vie se dfaire de toutes les opinions que l'on a reues etreconstruire, de nouveau, et ds le fondement, tous les systmesde ses connaissances.

    Ionesco dans sa Cantatrice chauve a ni le thtre,pour mieux le dcouvrir.

    Moi comme critique littraire je commence par met-tre en doute la critique, afin de pouvoir la redcouvrir pourmieux l'utiliser. Je ne dsespre pas. Tt ou tard j'arriverai mettre en doute ma premire mise en doute cela entredans la rgle du jeu, en langage dialectique cela s'appelle langation de la ngation.

    C'est une mthode d'tude, mon discours de la mthode.

    IV. LA QUESTION FONDAMENTALE ET UNE RPONSEPROVISOIRE LA CRITIQUE COMME

    LE REFLET D'UN REFLET

    La question fondamentale de chaque homme qui veutconnatre le monde est Qu'est-ce que cela ?

    C'est la premire question de chaque enfant c'est la ques-tion de l'homme depuis toujours.

    Donc, qu'est-ce que la critique littraire ?

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    Rpondons provisoirement qu'elle est un reflet de l'oeuvrelittraire, qui, son tour, reflte l'univers (objectif ou subjectif)du crateur mais ils concident presque Je tche de pro-jeter sur scne un drame intrieur (incomprhensible moi-mme) me disant, toutefois, que le microcosme tant l'imagedu macrocosme, il peut arriver que ce monde intrieur, dchi-quet, dsarticul, soit, en quelque sorte, le miroir ou le sym-bole des contradictions universelles I0.

    Pour rsumer, on peut, donc, dfinir la critique comme unreflet d'un reflet (on peut pousser plus loin notre analyse etparler sur le jeu de miroirs, mais je m'arrte ici).

    L'univers objectif est, par dfinition, complexe et donc,contradictoire Rien n'est comique. Tout est tragique. Rienn'est tragique, tout est comique, tout est rel, irrel, impossible,concevable, inconcevable. Tout est lourd, tout est lger

    Ou, encore mieux, l'autocaractrisation de Roberte II

    Je suis lgre, frivole, je suis profonde.Je ne suis ni srieuse, ni frivole,Je m'y connais en travaux agricoles,Je fais aussi d'autres travaux,Plus beaux, moins beaux, aussi beaux.Je suis juste ce qu'il vous faut.Je suis honnte, malhonnte12. etc.

    Les exemples peuvent se multiplier. Ionesco adore lescontradictions c'est l un de ses procds comiques prf-rs. Mais au-del de l'intention humoristique, le substrat estbien srieux Rien n'existe et rien n'est pens que paropposition un contraire qui existe aussi et que l'on refoule

    10. Notes et contre-notes, Je n'ai jamais russi.11. Ibid. Notes sur le thtre, Cerisy-la-Salle, 1953.12. Jacques ou la soumission.13. Journal en miettes.

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    D'ailleurs, c'est justement pour exprimer l'aspect complexeet contradictoire du monde, que Ionesco a choisi le thtrecomme moyen d'expression Si j'ai fait du thtre plutt quedu roman, plutt que de l'essai, c'est parce que l'essai et mmele roman supposent une pense cohrente, alors que l' inco-hrence ou les contradictions peuvent se donner libre coursdans une pice de thtre

    Voil, d'ailleurs, une autocaractrisation de son thtre Pas d'intrigue. pas d'architecture. simplement une suitesans suite, un enchanement fortuit, sans relation de cause effet, d'aventures inexplicables ou d'tats motifs, ou un enche-vtrement indescriptible, mais vivant, d'intentions, de mouve-ments, de passions sans unit, plongeant dans la contradictioncela peut paratre tragique, cela peut paratre comique, ou lesdeux la fois, car je ne suis pas en mesure de distinguer ledernier du premier. Je ne veux que traduire l'invraisemblableet l'insolite, mon univers

    A mon tour je pourrais donner une explication semblablepour la forme de mon ouvrage comme reflet d'une uvrecomplexe et contradictoire, l'tude critique doit tre galementcomplexe et contradictoire.

    V. SUR LA PLURALIT DE LECTURESD'UNE UVRE LITTRAIRE

    Au fur et mesure que j'avanais dans mes recherches, lesdifficults que je devais surmonter taient de plus en plusgrandes.

    En thorie tout semblait sinon simple, du moins clair.

    14. Entretiens avec E. Ionesco, de C. Bonnefoy.15. Notes et contre-notes, Je n'ai jamais russi.

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    Mais, en pratique, je me heurtais des obstacles insurmon-tables. Les contradictions de Ionesco taient multiples chaquepice contredit la prcdente, chaque pisode d'une pice est lecontraire de l'autre Ionesco poussant les contradictions jus-qu'au milieu de la mme phrase.

    Je ne pouvais pas me dcider sur un certain sujet, sur unecertaine interprtation de l'oeuvre de Ionesco (pourquoi celle-ciet non une autre, mme la contraire, du moment que laseconde est galement vraie ou fausse cela vaut de mmeque la premire ?).

    En tenant compte qu'on peut prouver tout j'avais mmepeur de ne pas soutenir cause de mon esprit de contra-diction la thse contraire celle de la majorit de sescritiques.

    Et cela non par conviction, mais cause d'un esprit dia-lectique trop dvelopp

    Mais j'ai dpass assez vite cette inquitude, cause descontradictions entre les critiques eux-mmes.

    Il tait impossible de m'approprier une thse qui contrediseles autres, tant donn que pour chaque affirmation existaitdj son contraire. ( lire la belle collection de citations dedivers critiques, collection prsente dans un montage dyna-mique par C. Bonnefoy la fin de ses Entretiens avecE. Ionesco, dans le chapitre Ionesco devant ses contempo-rains ou le dialogue de la critique ).

    16. Voir p. 12-13.17. Je ressemble comme structure critique Ionesco, davantage

    que je n'aurai jamais pu l'imaginer. Il faut que je fasse attention. Ionesco,par exemple, avait l'intention de critiquer aussi l'crivain X. En apprenantqu'un certain critique avait dj publi une tude contre X, il renona son travail commenc et nota Quoi ? Que je discute moi aussi maintenantIon Barbu, du mme point de vue ? Voil une chose insense. Je n'crisplus mon tude. J'attends quelque temps et j'en crirai, peut-tre, une autrepour la rhabilitation de Barbu. (Evidemment, seulement si l'tude de Canta-cuzino va prendre ") ( Non ).

    Mais, de ce sujet nous aurons l'occasion de reparler.

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    .Une foule d'interprtations possibles, sur l'oeuvre deIonesco de sujets d'essais foisonnaient dans ma tte.

    Assez tard j'ai compris que cela tait explicable et, onverra, mme ncessaire.

    En effet, chaque oeuvre a une pluralit de sens. Une uvrequi peut tre rduite une seule, ne justifie pas sa valeur.Pensons un instant la littrature crite au sujet de DonQuichotte o toutes les interprtations coexistent de lathorie Don Quichotte satire des romans chevaleresques la thorie qui prsente Don Quichotte comme un hros pro-fondment tragique

    En ce qui concerne l'oeuvre de Ionesco, c'est lui-mme lepremier qui a insist sur sa polysmie.

    Encore en 1934, il crivait Dans mon tude sur IonBarbu j'ai montrer une chose bien significative RigaCrypto Nastratin Hogea 19, etc., peuvent symboliser la foisdeux, trois ou plusieurs choses. En d'autres termes, ces pomesreprsentent des cadres pour plusieurs symboles, indiffrents,non engags. Tous les sens spirituels engags par les diverssymboles tombent avec la substitution arbitraire d'un symbole

    20

    par un autre 20.Cette pluralit de significations rsulte d'une pluralit d'in-

    tentions de l'artiste, comme Ionesco l'expliquera plus tard propos de sa Cantatrice chauve En ralit, en crivant cettepice, puis en crivant celles qui ont suivi, je n'avais pas

    une intention au dpart, mais une pluralit d'intentionsmi-conscientes, mi-inconscientes "1.

    Enfin, dans les Entretiens avec Bonnefoy, Ionesco va dcla-

    18. Il y a une thorie qui soutient, ni plus, ni moins, que Don Quichotteest une transcription chiffre du livre de Zohar, le livre mystique juif quise trouve la base de la Cabale

    19. Des personnages des pomes de I. Barbu.20. Non .21. Notes et contre-notes, On m'a souvent pri.

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    rer catgoriquement Une pice n'est pas ceci ou cela. Elleest plusieurs choses la fois, elle est et ceci et cela.

    Le critique roumain B. Elvin explique la technique del' quivoque chez Ionesco par une influence kafkaenne Ionesco a emprunt Kafka la technique des quivoques etdes ambiguts dans le rcit des faits, guid par la mme inten-tion et nommment de montrer leur polyvalence de sens 22.

    Mise part l'influence de Kafka discutable mon avison observe toujours une certaine quivoque chez Ionesco,

    qui rend presque impossible une seule interprtation d'unepice ou mme d'un seul personnage.

    Qui est par exemple le mystrieux Tueur sansgages ?

    Un criminel ordinaire et stupide, un dsquilibr mental(voir M de Fritz Lang), un Ange de la mort, ou peut-tresignifie-t-il autre chose ?

    De la pluralit de sens, on arrive logiquement, la plu-ralit de lectures, donc d'interprtations d'une oeuvre.

    Chaque pice de Ionesco peut tre lue de quelques pointsde vue, d'aprs l'angle de vue choisi. Jeux de massacrepar exemple peut tre analyse comme mystre mdival(inspir directement par le thtre du Moyen Age), commethtre de marionnettes (Grand-Guignol), comme un opra-comique (la pice a une structure musicale rigoureuse) oulittralement, comme un spectacle de foire, un jeu de mas-

    23

    sacre

    Ou encore quelles sont les significations possibles de LaSoif et la faim ? S'agit-il d'une soif et une faim physiques ?S'agit-il de la soif et la faim du bonheur ? De l'absolu ? D'un

    22. B. Elvin Introduction aux uvres choisies d'E. Ionesco.23. Pour ne rien dire d'une tude passionnante de littrature compare,

    qui traiterait des rapports possibles avec La Peste de Camus qui a presquele mme thme.

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