40
1 Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours I. Cours de littérature française et de littérature étrangère littérature comparée 1. Pourquoi le roman ? 2. Pourquoi période XVIIIe s. ‐ XXIe s. ? II. Cours qui demande une lecture active + établir rapports entre les oeuvres, entre lectures et notions théoriques, entre les savoirs III. Vision diachronique : connaître le contexte historique, culturel, philosophique d’une oeuvre IV. Un cours = un focus sur une oeuvre : il est conseillé de lire les oeuvres, résumés disponibles sur l’UV. Certains cours impliquent une lecture obligatoire (v. liste sur l’UV). Titre : Rapide panorama de l’histoire du roman I. Qu’est-ce qu’un roman ? 1. Définition : a) Genre populaire - ça n’a pas tjrs été le cas : lgtmps mal-aimé car frivole, immoral et invraisemblable - il n’a acquis sa légitimité qu’au cours de ces 2 derniers siècles b) Genre hégémonique (dominant) et impérialiste (qui déborde sur tous les autres genres) - Place dominante dans le champ littéraire - Renversement historique - Contamine les autres discours Ex. : storytelling (en pub et politique), biographie romancée c) Capacité d’assimilation - Le roman s’approprie le discours d’autres genres > son succès - Investissement des discours philosophiques, historiques, scientifiques, … d) Genre protéiforme : en réinvention perpétuelle et en évolution constante e) Capacité de renouvellement : adaptabilité, permanence et développement d’adaptions cinématographiques f) Genre caméléon/buvard : se nourrit de tout ce qui l’entoure La spécificité du roman est son indétermination. Il n’existe aucun critère définitoire strict, d’où la difficulté de donner une définition stable et précise.

Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

1

Grands courants de la littérature

Titre : Introduction : le thème du cours

I. Cours de littérature française et de littérature étrangère littérature comparée

1. Pourquoi le roman ?

2. Pourquoi période XVIIIe s. ‐ XXIe s. ?

II. Cours qui demande une lecture active + établir rapports entre les oeuvres,

entre lectures et notions théoriques, entre les savoirs

III. Vision diachronique : connaître le contexte historique, culturel, philosophique

d’une oeuvre

IV. Un cours = un focus sur une oeuvre : il est conseillé de lire les oeuvres,

résumés disponibles sur l’UV. Certains cours impliquent une lecture obligatoire (v.

liste sur l’UV).

Titre : Rapide panorama de l’histoire du roman

I. Qu’est-ce qu’un roman ?

1. Définition :

a) Genre populaire

- ça n’a pas tjrs été le cas : lgtmps mal-aimé car frivole,

immoral et invraisemblable

- il n’a acquis sa légitimité qu’au cours de ces 2 derniers

siècles

b) Genre hégémonique (dominant) et impérialiste (qui déborde sur

tous les autres genres)

- Place dominante dans le champ littéraire

- Renversement historique

- Contamine les autres discours

• Ex. : storytelling (en pub et politique), biographie

romancée c) Capacité d’assimilation

- Le roman s’approprie le discours d’autres genres > son

succès - Investissement des discours philosophiques, historiques,

scientifiques, …

d) Genre protéiforme : en réinvention perpétuelle et en évolution

constante e) Capacité de renouvellement : adaptabilité, permanence et

développement d’adaptions cinématographiques

f) Genre caméléon/buvard : se nourrit de tout ce qui l’entoure

La spécificité du roman est son indétermination. Il n’existe aucun critère définitoire strict,

d’où la difficulté de donner une définition stable et précise.

Page 2: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

2

2. Caractéristiques indicatives et non définitoires

a) Forme : le roman est une œuvre en prose

- car ≠ de la poésie, a priori

• N.B. : il existe des romans en vers (ex. : Moyen-Âge

et les textes épiques, Pouchkine ou Byron au XIXe, Christoph Ransmayr en 2008 « La

Montagne volante »)

b) Genre : le roman est un genre sans forme préétablie

- Pas de modèle antique : ni règles, ni traités… ; chacun les

invente - Genre ouvert, libre

- Hétérogénéité structurelle

- Certains romans = modèles > imités/parodiés>format° de

ss-genres - Modèles vite contestés, non-contraignants

« Or, le critique qui, après Manon Lescaut, Paul et Virginie, Don Quichotte, Les Liaisons

dangereuses, Werther, Les Affinités électives, Clarisse Harlowe, Emile, Candide, Cinq Mars, René, Les

Trois Mousquetaires, Mauprat, Le Père Goriot, La Cousine Bette, Colomba, Le Rouge et le Noir,

Mademoiselle de Maupin, NotreDame de Paris, Salammbô, Madame Bovary, Adolphe, Monsieur de

Camors, L'Assommoir, Sapho, etc., ose encore écrire : « Ceci est un roman et cela n'en est pas un »,

me paraît doué d'une perspicacité qui ressemble fort à de l'incompétence. » - Maupassant, « Le

roman », dans Pierre et Jean (1887)

c) Monde représenté : le roman relève de la fiction

- La question de la vérité ou du vrai n’y est pas pertinente

• > quest° du vraisembable (illusion romanesque)

- Roman crée sa propre vérité, invente son monde

- Réalité du roman = monde possible, produit

• « Mentir vrai » - Aragon

• « Fict° mimant la réalité » - Butor

• « Vérité par le mensonge » - Vargas Llosa

- Rapport de proximité/d’éloignemt ac la réel variant selon

la période • Vraisemblance = convent° de certains ss-genres

(ex. : romans réalistes >< romans fantastiques)

- E d’un pacte de lecture : « suspension consciente de

l’incrédulité »

« Personne n’avait encore prononcé le mot d’épidémie, ni celui de pandémie. Nul ne parlait de

calamité. La première manifestation avait frappé, plus d’un an plus tôt, une maison de retraite

de Phoenix, dans l’Arizona, laissant miraculeusement les pensionnaires indemnes, mais

fauchant sept infirmières et aides soignantes. […] La grippe de Phoenix parut circonscrite,

explicable. » - Laura Kasischke, En un monde parfait

d) Narration : le roman raconte une histoire

Page 3: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

3

- Importance la logique narrative : capacité du romancier à

organiser sa matières et à jouer en particulier sur le temps de la narration

• Tension, crise, dénouement, …

- ≠ énumérat°

- Organisat° et orientat° des événemts en fct d’un sens et d’une

fin : produire un effet sur le lecteur

cf. : - Structurer le temps : Tmps et Roman

• Travail sur la chronologie (cf. roman-feuilleton du XIX :

histoires qui étaient publiées par parties dans les journaux au rez-de-chaussée)

◘ Retour en arrière = flashback = analepse

◘ Anticipation = flashforward = prolepse

« Le lecteur nous excusera d’abandonner une de nos héroïnes dans une situation si critique,

situation dont nous dirons plus tard le dénouement. […] On se souvient que, la veille du

jour où s’accomplissaient ces événements que nous venons de raconter [l’enlèvement de

l’héroïne], Rodolphe avait sauvé Mme d’Harville d’un danger imminent, danger suscité par la

jalousie de Sarah, qui avait prévenu Mme d’Harville du rendez-vous si imprudemment

accordé par la marquise à M. Charles Robert. » - Eugène Sue, Les Mystères de Paris (1842-

1843) = analepse pour rafraîchir la mémoire

• Travail sur le rythme (modificat° du tempo de la narrat°)

avec les 3 tmps : diégèse (l’histoire) – narration (écriture) – lecture dans le but d’accélérer ou

ralentir l’histoire

« Mon lecteur ne devra donc pas s’étonner si, dans le cours de cet ouvrage, il trouve certains

chapitres très courts et d’autres tout à fait longs ; certains qui ne comprennent que le temps

d’un seul jour, et d’autres des années ; bref, si mon récit semble parfois piétiner sur place et

d’autres fois voler. […] car, étant en réalité le fondateur d’une nouvelle province littéraire, j’ai

toute liberté d’édicter les lois qu’il me plaît dans cette juridiction. »- Henry Fielding, Tom

Jones (1749) ◘ Ellipses (TN=0 qd TD=n) : certains éléments de

l’intrigue sont passés sous silence : degré max de l’accélérat°

« Deux mois plus tard, Frédéric, débarqué un matin rue Héron, songeait immédiatement à

faire sa grande visite. » - Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale (1869)

◘ Sommaires (TN<TD) : condensat° des faits de lge durée :

degré intermédiraire de l’accélérat°

« Les années s’écoulèrent ennuyeuses et vides […] Mon enfance s’était passée dans la nuit,

mon adolescence se passa dans le vague […] » - Octave Mirbeau, Le Calvaire (1886)

◘ Pauses (TD<TN) : ralentissemt du rythme de la narrat°

svt au profit de descript° (ex. : Nouveau roman)

« […] il commence à couper son repas en petits cubes. Un quartier de tomate en vérité sans

défaut, découpé à la machine dans un fruit d'une symétrie parfaite. La chair périphérique,

Page 4: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

4

compacte et homogène, d'un beau rouge de chimie, est régulièrement épaisse entre une bande

de peau luisante et la loge où sont rangés les pépins, jaunes, bien calibrés, maintenus en place

par une mince couche de gelée verdâtre le long d'un renflement du cœur. Celui-ci, d'un rose

atténué légèrement granuleux, débute, du côté de la dépression inférieure, par un faisceau de

veines blanches, dont l'une se prolonge jusque vers les pépins – d'une façon un peu

incertaine. Tout en haut, un accident à peine visible s'est produit : un coin de pelure, décollé

de la chair sur un millimètre ou deux, se soulève imperceptiblement. »- Alain Robbe-Grillet,

Les Gommes (1953) ◘ Scènes (TN=TD) : adéquat° du rythme de la narrat° à

celui de l’histoire (ex. : dialogues, discours direct)

« -Que fait-il en Angleterre ?

-C’est un des sectateurs les plus ardents d’Olivier Cromwell.

-Qui l’a donc rallié à cette cause ? Sa mère et son père étaient catholiques, je crois ?

-La haine qu'il a contre le roi.

-Contre le roi ?

-Oui, le roi l'a déclaré bâtard, l'a dépouillé de ses biens, lui a défendu de porter le nom de

Winter.

-Et comment s'appelle-t-il maintenant ?

-Mordaunt. Puritain et déguisé en moine, voyageant seul sur les routes de France.

-En moine dites-vous.

-Oui, ne le saviez-vous pas ?

-Je ne sais rien que ce qu'on m'a dit. »- Alexandre Dumas, Vingt ans après (1845)

- Point de vue et roman

• Le Narrateur : qui raconte ?

◘ Hétérodiégétique : narrateur extérieur à l’histoire,

invisible (instance supérieure)

« Vers la fin de sa troisième année, le père Goriot réduisit encore ses dépenses, en montant au

troisième étage et en se mettant à quarante-cinq francs de pension par mois. Il se passa de

tabac, congédia son perruquier et ne mit plus de poudre. » - Balzac, Le Père Goriot (1835)

◘ Homodiégétique : narrateur héros ou témoin de

l’histoire, impliqué (subjectivité/individualité/regard sur le monde/doute)

« Ce jeune homme, à son tour, m’examinait d’une façon toute différente de celle des autres ;

elle était plus modeste, et pourtant plus attentive : il y avait quelque chose de plus sérieux qui

se passait entre lui et moi. »- Marivaux, La Vie de Marianne (1731-1742)

• • Pt de vue : qui voit ? = focalisat° ou perspective

narrative = manière dont le narrateur choisit de présenter les choses àpd un pt de vue

particulier

◘ Omniscient/Zéro/Vision par derrière

(N>P) : regard panoramique du narrateur

Page 5: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

5

« M. de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, lorsqu’il fut proche d’elle, et

qu’elle lui fit la révérence, il ne put s’empêcher de donner des marques de son

admiration. Quand ils commencèrent à danser, il s’éleva dans la salle un murmure de

louanges. Le roi et les reines se souvinrent qu’ils ne s’étaient jamais vus, et trouvèrent

quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. »-

Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves (1678)

◘ Interne/Vision avec (N=P) : regard du ou des personnages =>

« réalisme subjectif »

« Les groupes stationnaient cependant. Pour en finir, des agents de police en bourgeois

saisissaient les plus mutins et les emmenaient au poste, brutalement. Frédéric, malgré

son indignation, resta muet ; on aurait pu le prendre avec les autres, et il aurait

manqué Mme Arnoux. »- Flaubert, L’Education sentimentale (1869)

◘ Externe/Vision du dehors (N<P) : regard

extérieur : les faits ne semblent pas passer par une conscience => Interprétat°,

décryptage du comportmt des personnages (approche behavioriste et roman américain

de l’entre 2 guerres avec Hemingway, Faulkner, Dos Passos) >< approche

psychologique

« L’homme élégant est descendu de la limousine, il fume une cigarette anglaise. Il

regarde la jeune fille au feutre d’homme et aux chaussures d’or. Il vient vers elle

lentement. C’est visible, il est intimidé. Il ne sourit pas tout d’abord. Tout d’abord, il

lui offre une cigarette. Sa main tremble. »- Marguerite Duras, L’Amant (1984)

N.B. : Un roman peut contenir les ≠ pts de vue

e) Récept° : le roman produit un effet particulier sur le lecteur

- Besoin anthropologique (élargissemt de notre champ

d’expérience) - Comblemt de frustrat°, insatisfact° :« Dans l’embryon de

tout roman frémit une insatisfaction, palpite un désir inassouvi. » (Vargas Llosa)

- Instruct° (comprendre le monde, donner sens à

l’expérience humaine) cf. Ricoeur

- Emot°/plaisir/effets proprmt physiques

> méfiance, critique, censure : le roman met en

danger l’équilibre des « âmes sensibles »

« cette partie du livre sera lue, la respiration gênée, le cou tendu, les yeux avides, par

tous ceux qui ont de l’imagination ou seulement du cœur »- Balzac, Etudes sur M.

Beyle

« Jamais fille chaste n’a lu de romans, et j’ai mis à celui-ci un titre assez décidé pour

qu’en l’ouvrant on sût à quoi s’en tenir. Celle qui, malgré ce titre, en osera lire une

seule page est une fille perdue ; mais qu’elle n’impute point sa perte à ce livre, le mal

était fait d’avance. » - J.-J. Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse (préface)

Page 7: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

7

romanesque (cf. Madame Bovary, Don Quichotte)

Donc : roman = rencontre, à un moment historique et culturel donné, d’une

forme ou d’un ensemble de traits distinctifs (structure) avec une matière

(thématique, imaginaire)-> théorie en faisant de l’histoire

En résumé :

Le roman est une œuvre en prose.

Il n’a pas de règles fixes.

Il relève de la fiction.

Il repose sur une narration.

Il a longtemps été perçu comme un genre potentiellement suspect et « dangereux ».

Il possède des traits distinctifs (une structure) avec une matière (thématique ; imaginaire).

II. Quelques repères historiques

N.B. : Histoire littéraire = science évolutive non figée (dont la chronologie est

fondamentale)

1. Ou I. A l’origine

a) Antiquité : anachronisme : pas encore de roman

- Ex. : Satyricon, Pétrone : k de roman

- Donc : pas d’art du roman, absence de modèle

antique>cdt° de l’évolut° du genre

2. Latin et roman

a) Apd XIIe en France :

- dép : romanz : forme linguistique vulgaire, opposée au

latin - extension : mil XIIe romanz : tt écrit en langue romane car

langue = reflet de la réalité, s’adapte pr traduct° fidèle

• romancier : traduire du latin vers le français

- le roman traduit la perception individuelle d’une réalité

collective • subit l’influence de l’évolution sociale, des

mentalités et bouleversements historiques cf. société du XIIe en mutation (relative

pacification des États/féminisation des cours/changemt du comportmt de

l’aristocratie)

=> apparition d’un nouveau genre littéraire, qui correspond davantage à cette

nouvelle société et s’adresse à l’individu

LE ROMAN S’ADRESSE PLUS AU CŒUR DU LECTEUR QUE NE

LE FAISAIT L’EPOPEE (éveil enthousiaste des guerriers et peuples)

3. Roman et chanson de geste (< gesta=hauts faits)

a) D’abord en vers

b) Lu (donc, plus chanté, mais tjrs oral)

c) Fond de merveilleux

d) Gde place de l’amour

Page 8: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

8

e) Faits héroïques (à la base car idéologie féodale) -> récits

d’aventure

CCL : on ne perçoit plus le roman de la même manière

d) Caractéristiques :

- Thèmes et épisodes qui se reproduisent d’œuvre en œuvre

(pas de not° d’originalité : on peut réinventer la même œuvre plusieurs fois) : fausse

mort, séparat° des amants, enlèvement, combat singulier, …

- Monde dépeint = monde inventé, svt idéalisé

• réel mis en scène = transposit° de la réalité

=> les critiques et censeurs y voient un danger

N.B. : « réalisme » polysémique : mvmt littéraire du XIXe

4. Matière antique et matière bretonne

a) Sources antiques/mythologiques

- Ex. : Roman d’Eneas, Roman de Thèbes, Roman de Troie

Ici : Ulysse et les sirènes

b) Sources orientales, indiennes

- Ex. : Cycle des Septs Sages de Rome

cf. cycle des 7 sages

c) Sources celtiques (Bretagne) – les + fécondes et durables

- Ex. : cycle arthurien, les chevaliers de la table Ronde,

Tristan et Yseult

cf. table ronde

Cf. Tristan et Yseult

Page 9: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

9

5. L’affirmation de la fiction (Chrétien de Troyes : 5 romans entre 1177 et

1181) a) Lancelot, Le Chevalier à la charrette : romans médiévaux

d’inspiration bretonne (roie Arthur, chevaliers de la table ronde, …)

b) Différenciat° /e/ roman et épopée par affirmat° /e/ fict° et Histoire

c) Recours à l’imaginaire, au merveilleix

d) Apparit° de la figure du chevalier solitaire > Don Quichotte

e) Confirmat° du roman en tant que genre libre

6. Apparit° de la prose dans le roman

a) Coexistence /e/ romans en vers et romans en prose

- Prose = langage + naturel, + proche du langage parlé =

expression naturelle du roman

b) Rapport avec l’acte de lecture même : transformation dans la

manière d’appréhender l’écrit

- On passe de la lecture orale à la lecture murmurée,

silencieuse

NB : Les romans de chevalerie sont repris d’auteur en auteur.

2. ou III. Renaissance et première mordernité

1. XVIème siècle – les best-sellers

a) Redécouverte de la culture antique par les Italiens

(Rinamiscento) Pourquoi ? Car :

- Proximité avec les vestiges du monde antique

- Conjoncture économique (des mécènes soutiennent des

artistes, commandent des œuvres)

- Immigrat° des savants grecs (fuite des Turcs)

b) 3 gds noms :

- Dante Alighieri (1265-1321) : poésie

- Boccace (1313-1375) : prose (Decameron)

- L’Arioste (1474-1533) : Roland furieux

c) L’Arioste : Roland furieux (best-seller : impact énorme sur

peinture, jusqu’au XIXème siècle)

Dominique Ingres, Roger délivrant Angélique (1849)

Page 10: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

10

- Epopée en vers qui annonce le roman

- Présence d’éléments romanesques

• Destiné à ê lu et non chanté

• Narrat° et non répétit° d’épisodes

• Intrigues amoureuses à côté d’épisodes guerriers,

complexité - Mélange de tons, de registres : tragique et comique

= Transition entre le poème épique et le roman héroïque

2. Apparition de romans « modernes » (qui se distinguent de tradit°)

a) Romans « modernes »

- Parodie du roman médiéval – s’en distingue clairement

- Polyphonie : diversité des langages, plusieurs types de

voix, de différents niveaux et registres (nobles, paysans, …)

Définition : Existence dans un texte de plusieurs voix, parfois concurrentes, qui ne disent pas

la même chose et qui ne s’expriment pas de la même manière et qui expriment plusieurs points

de vue différents sur le monde, ce qui s’oppose au discours unique et qui entraîne une

décentralistation et une relativisation des points de vue.

- Réalisme voire trivialité (quotidien, monde des lecteurs

voire sujets grossiers, vulgaires)

(Il existerait en effet un va-et-vient entre 2 tendances au cours de l’Histoire de la littérature :

on passe irrémédiablement du réalisme vers l’idéalisme et inversement)

Selon Mikhaïl Bakhtine (théoricien russe – 1920 ; impact en 1978)

Roman médiéval Roman « moderne »

Monde idéal Société contemporaine, proche du lecteur

Passé lointain/légendaire (figé, fermé) Présent : monde en évolut° (parfois, fins ouvertes)

Héros pft (vertus chevaleresques et noblesse)

Héros problématique : complexe, non noble, proche des lecteurs, hétérogène

Monologique : unité de pt de vue, de voix, pas d’ouverture ; discours unique

Polyphonie : diversité des pts de vue

-> Centralité du point de vue -> Relativité des points de vue

Elevé, sérieux Parodique

b) En France, Rabelais

- Recueille héritage médiéval mais le transforme (parodie)

- Encyclopédisme : vision complète de la réalité

- // Curiosité démultipliée

- => humanisme : intérêt pr un savoir général

• Rabelais était médecin en plus d’homme littéraire

- Rire et satire => distance par rapport au médiéval et aux situat°

rapportées cf. parodie. Nous hériterons de Rabelais de nouveaux mots (gargantuesque,

pantagruélique, rabelaisien)

Page 11: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

11

c) Roman picaresque : Espagne, 2ème moitié du XVIe, veine réaliste

- Caractéristiques

• Epoque contemporaine

• Structure épisodique : tribulat° d’un personnage qui

voyage • Fin ouverte

• Ton trivial, satirique, anti-clérical

Murillo, Dos niños comiendo melòn y uvas (1650-1655)

- Confession imaginaire d’un picaro, en prose

• Personnage du picaro : paria, vaurien, coquin, canaille,

marginal, voleur, mendiant = anti-héros qui tente de faire son chemin et

d’accéder aux classes supérieures par la ruse, aux dépends des hautes

classes dans une société hiérarchisée étanche. Misère et faim

- Subjectivité : roman homodiégétique et focalisat° interne

Table des matière des épisodes

de Guzmàn de Alfarache (1599-

1604) de Mateo Alemàn (1547-

1620)

Extrait du Guzmàn, traduit par

Lesage en 1777

Page 12: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

12

• Franco Moretti, Atlas du roman européen (1800-1900)

- Exemples :

Page 13: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

13

• • Mateo Alemàn, Guzmàn de Alfarache (1599-

1604) : dimension morale • Francisco de Quevedo (1580-1645), La Vie de

l’Aventurier Don Pablos de Segovie : dimension grotesque

- En Angleterre :

• Thomas Nashe (1567-c. 1601), Le Voyageur

malchanceux (The Unfortunate Traveller, 1594)

• XVIIe s.: « romans de gueuserie » (literature of

roguery) : George Fidge, English Gusman (1652)

• XVIIIe s.: Daniel Defoe (c.1660-1731), Moll

Flanders (The Fortunes and Misfortunes of the Famous Moll Flanders, 1772)

- En Allemagne :

• Hans Jakob Christoffel von Grimmelshausen (c.

1622-1676), Les Aventures de Simplicius Simplicissimus (Der Abenteuerliche

Simplicissimus Teutsch, d.h. die Beschreibung des Lebens eines seltsamen Vaganten,

genannt Melchior Sternfels von Fuchsheim, 1668)

- En France :

• Alain-René Lesage (1668-1747), L'Histoire de

Gil Blas de Santillane (1715-1735)

d) Cervantes, Don Quichotte ’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte

de la Manche ‘(El Ingenioso Hidalgo Don Quijote de la Mancha) (1605-1615)

- Roman de Miguel de Cervantes Saavedra (1547-1616)

• donquichottisme (croire aux romans)

• hidalgo (gentilhomme)

• Sancho Panza (personnage terre à terre, drôle)

- Tournant

• Rupture avec la litt médiévale

• Personnage qui « réussit à édifier sur les ruines du

monde légendaire auquel il se réfère le monde ambigu dont il est le héros » (Foucault)

• Un chevalier dans un monde sans héroïsme

- Modernité

• Parodie

• Polyphonie : Sancho >< Don Qui

• Auto-réflexive > influence car qu’est-qu’un

roman ? • Puissance contagieuse de littérature

• Place active et critique réservée au lecteur ; on

l’interpelle, on l’invite à rentrer dans les coulisses du roman -> déstabilisant

• Mise à nu des convent° romanesques

3. ou IV. Le XVIIe siècle : entre baroque et romantisme

1. Roman baroque : invraisemblances du romanesque : tendance à

l’évasion : fin du XVIe (entrée d’Henri IV, 1594) -> 1661 (mort de Mazarin)

Page 14: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

14

a) Exaltat° idéalisée des âmes : transfigurat° de la réalité par le

style b) Roman=poème : genre noble exalté de l’Antiquité

- Réalité = réalité poétique

• ÷ /e/ romanesque et artifice de l’express°

• expression ≠ parole vraie et dire vrai >< bien dire :

prétent° élevée du bien dire, décence => + de discours et de descript°

c) Emprunte règles de l’Ant d’autres arts : poésie, orat°, théâtre

- Roman = épopée en prose

- Unités de tmps, lieu et act°

=> Enfermemt ds artifice et convent° : éloignemt du vraisemblable

d) Thématique assez variée

- <épopées antiques

- romans sentimentaux, histoires tragiques (cf troubles des

guerres de religion) : amours chastes et contrariées

- âge pastoral (surtt à l’étranger)

Roman pastoral : idéal d’amour chaste, discours sur amour, nature

idéalisée

1. Modèles européens

a) Arcadia (1486-1496, publ. en 1504) de Jacopo

Sannazaro (1457-1530) : décors artificiels et poétiques + mélange de vers et de prose

b) Diana (1559) de Jorge de Montemayor (1520 ?-1561) :

mélange de vers et de prose c) Galatea (1585) de Miguel de Cervantes : auteur connu

d) The Arcadia (1577-1580) de Sir Philip Sidney (1554-

1586) : nature idéalisée

2. En France, surtt présent ds peinture, théâtre et opéra sauf…

Best-seller : Honoré d’Urfé, L’Astrée : poésie et lyrisme

« O quelle veue fut celle-cy pour Celadon ! Il fut tellement surpris qu’il demeura immobile

sans poulx, et sans haleine, et n’y avoit en luy autre signe de vie que le battement du cœur et

la veue qui sembloit estre attachée sur ce beau visage. Mais il luy advint lors comme à ces

personnes qui ont longuement demeuré dans des profondes tenebres, et qui sont tout à coup

portées aux plus clairs rayons du soleil ; car tout ainsi qu’elles demeurent esblouyes par trop

de clarté, de mesme pour avoir trop de contentement, il n’en pouvoit jouyr d’un seul, les

ayant eu tout à coup, et venant de quitter l’obscurité de ses desplaisirs. Quelque temps apres,

ayant repris un peu plus de force, il commença de considerer ce qu’il voyoit, tantost

regardant ce visage aymé, tantost le sein de qui les thresors ne luy avoit jamais esté

descouvers, et sans se pouvoir saouler de considerer toutes ces beautez, il eust voulu, comme

un nouvel Argus, avoir tout le corps couvert d’yeux. »

Succès ? a) Dimension compensatoire

b) Gaule bucolique, idéalisée : transposition d’une Fr qu’on

voudrait atteindre alors qu’on est en guerres

- Evasion d’une réalité difficile

c) Sublimat° des désirs

d) Idéal du comportmt élevé et noble : modèle de raffinemt

e) Raffinmt des mœurs

Page 15: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

15

= désir de mieux

Roman héroïque/précieux (1630-1660 : pdt succès de L’Astrée)

1. Contexte : salons du XVII (dans la ruelle d’une femme noble) :

lieu où se retrouvent 2 élites : intelligentia et aristocratie

=> art de la conversat° et du bien dire : jeux d’esprit et écriture collective

Ex. : Mlle Scudéry, son salon :

a) Art de converser

b) Savoir-vivre mondain, développmt de la délicatesse

- Délicatesse

- Idéal esthétique de distinct°

- Raffinmt des relat° amoureuses

- Langage châtié

c) Importante place des femmes ds société : possible émancipat°

d) « Roman galant » = « roman précieux » mais utilisé par critiques

(cf Molière, « Précieuses ridicules »

Ex. : Antoine Baudeau de Somaize, Le Grand Dictionnaire des précieuses ou

la Clef de la langue des ruelles (1660)

Artamène ou le Grand Cyrus (1649-1653)

Clélie, histoire romaine (1654-1660) -> Carte de Tendre

2. Roman en quête de vraisemblable :

a) Contexte

- aristocratie baroque >< bourgeoisie réaliste : réact° au k

artificiel du baroque - Montée de la bourgeoisie

- Réact° face aux invraisemblances romanesques, à l’emphase de

la langue • Retour à une langue + naturelle et parlée

• Satires et parodies

b) Le Roman bourgeois : étape intermédiaire par rire et moquerie

- Charles Sorel(1582-1674), La Vraie Histoire comique de

Francion (1623-1633)

- Paul Scarron (1610-1660), Le Roman comique (1651-1657)

c) De la nouvelle historique au roman d’analyse

La Princesse de Clèves (1678) de Mme de La Fayette (1634-1693)

- Intertextualité : inspirat° d’œuvres anté et inspirent œuvre post

- Roman écrit par ♀ = dangereux, hors de décence, scandaleux

cf : avoue son amour pr un autre à son mari

- Vers + de réalisme

• Quête de l’authenticité des sentimts, etc

• Terme « roman » peut utilisé : nouvelle, histoire ><

roman héroïque - Prétent° à la vraisemblance

• renonce au héros pr homme ordinaire

• simplificat° de l’intrigue

Page 16: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

16

• brièveté

• simplicité et sobriété classique

- Evolut° des formes et mentalités

• passion coupable et destructrice -> finit mal

• nvelle relat° à l’histoire : cadre intime

• aperçu de l’Histoire par lorgnette

- Essor roman en « je » : mémoires, journaux, lettres (mono ou

polyphoniques), récits de voyage, manuscrit retrouvé

ex. : lettre de la religieuse portugaise

4. ou V. XVIIIe, âge d’or du roman

1. Roman anglais, nveau modèle

a) Emergence et essor du novel

b) Roman réaliste et bourgeois (proche du lecteur // changemt social)

c) Roman gothique (sous –genre)

d) Roman sentimental (sous-genre)

2. Roman épistolaire : Richardson

a) Réalisme subjectif : partage des sentimts des héros

b) Plusieurs formes : monodiques, polyphoniques

- monodique : Pamela, ou la Vertu récompensée (moralité des

filles, éducation, héroïne persécutée)

- polyphonique : Clarisse Harlowe

c) Romans parodiés, traduits et repris dans l’art plastique

- traduit par Prévost

- Eloge par Diderot pr dimension morale >< frivolités

CCL : Roman sérieux car complexité, forme originale et dimension morale et sensible

Les grands débats sur le roman

I. Contexte

1. 1660-1715 : Période de transit°

Page 17: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

17

a) Pas de véritable coupure /e/ XVIIe et XVIIIe siècle

b) 2 tendances :

- Réveil du romanesque (vs classicisme) : exotisme, aventure,

merveilleux, … Télémaque (1699), Fénelon (1651-1715)

• A cheval sur +ieurs registres : modèle épique et modèle

matriciel (d’éducation)

- Tendance réaliste

• Réalité + contemporaine, monde quotidien >< mode

idéalisé, moral, merveilleux ou étrange

• Héritage picaresque : pas d’héroïsme

• Des sentiments on évolue vers le libertinage, la peinture

des sentiments et de la sexualité

• Variation thématique : roman de mœurs, libertin,

comique, …

2. 1715 -1760 : fin de la transition, début du changement

a) Roman de + en + suspect : auteurs honteux

- Roman de + en + populaire malgré critiques (interdict° -> ↑

frénésie) b) Roman en évolution car

- Mvmts politiques : Louis XIV -> Régence -> Louis XV

- Montée de la classe bourgeoise

• Public – élitiste : classe moyenne

c) Volonté de peindre l’homme moderne

- Homme humaniste, contestataire de la religion

- Préoccupation de la vie quotidienne thèmes ≠

d) Roman donne des leçons au lecteur : leçons morales, roman didactique

e) Période de réflex° sur forme et contenu du roman

- But : imiter la réalité quête du réalisme

- Pas d’opposit° /e/ vraisemblable et romanesque combinaison

des 2 pour vertu compensatoire et évasion du lecteur

Roman = mode d’expression privilégié d’une classe sociale pour exprimer son vécu > texte

adressé à de plus en plus de monde (polyvalence du lectorat)

- Plan formel :

• Prédilect° de la narrat° à la 1psg identificat° + simple

NB. : en vogue : le roman épistolaire, ancré par le succès de la Nouvelle Héloïse de Rousseau

(héritage et intertextualité) • Connivence avec le lecteur : lien particulier /e/ auteur,

narrateur et lecteur : il n’y a plus de séparation radicale entre la production et la lecture

ex. : interpellation du lecteur

• Style + simple et naturel : suppression des périphrases de

la préciosité illusion d’un langage naturel // recherche formelle

3. En France

a) Lesage, Gil Blas de Santillane (1715-1735) : roman d’inspiration

picaresque > représentation traditionnelle du réalisme de l’époque : image idéalisée, imaginée

de l’Espagne transposition fantaisiste de l’imagination d’un auteur et de sa réflexion

intellectuelle ; ici l’Espagne = la France que veut Lesage

Page 18: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

18

b) Abbé Prévost, dit d’Exiles : traducteur des Lettres anglaises ou Histoire

de miss Clarisse Harlowe et auteur de Mémoires et aventures d’un homme de qualité qui s’est

retiré du monde ; il inscrit en abîmes des histoires indépendantes

- Inspirat° métaphysique : questions existentielles sur le quotidien

de l’individu - Souci de réalisme : topos du manuscrit retrouvé, contexte

historique, confusion entre fiction inventée dans un cadre réaliste

- Atmosphère : détails pittoresques pr inclusion du lecteur

- Descript° de cdt° matérielle et morale des personnages

4. Genres + représentés

a) Roman de mœurs : peuple encore absent du centre

b) Roman sentimental : goût pr effusions (ex. : Nvelle Héloïse)

- Tadit° de la Princesse de Clèves : imaginaire psychologique de

personnages - Romans féminins : femmes écrivaines (méprisées : catégorie

mineure dans un genre mineur)

c) Roman libertin : centré sur prouesses dans la séduction et vie sexuelle

(ex. : Les Liaisons dangereuses)

d) Roman philosophique : dont les auteurs sont des philosophes, projection

d’idées débattues dans des traités philosophiques (ex. : Candide de Voltaire, ou encore romans

de Montesquieu)

Thématiques variées qui se recouvrent aussi souvent

Focus : Denis Diderot 1713-1784 ; dans le cadre du chapitre sur les débats

I. Denis Diderot

1. Triade : Diderot, Rousseau et Voltaire

a) Rousseau et Voltaire : légendes incarnées de leur vivant

Page 19: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

19

b) Diderot : méconnu (éditions posthumes), mal interprété, mais ajd, c’est

lui le + connu et le + adapté à la scène.

2. Cmt est-il considéré ?

a) Directeur de l’Encyclopédie : ni gd romancier, ni gd philosophe

b) Connu pour « Bijoux indiscrets » et « Pensées philosophiques »

- càd pr roman libertin

- càd pr critiques du régime, et +- athéisme

censure et prison

csq : prudence, il garde ses txts mais ne les publie pas et

les lègue à sa mort à Catherine II de Russie

- Esprit brouillon, décousu, incompréhension

II. Jacques le Fataliste : un tournant dans l’Histoire du Roman

1. Contexte : interrogation sur l’art de romancer ds fict° même

a) Innovat° techniques

b) Forme et fond indissociables

- Anti-roman délibéré : lève le voile sur artifices romanesques

« […] il ne tiendrait qu’à moi que tout cela n’arrivât. » « Il est évident que je ne fais point

un roman, puisque je néglige ce qu’un romancier ne manquerait pas d’employer. Celui qui

prendrait ce que j’écris pour la vérité, serait peut-être moins dans l’erreur que celui qui le

prendrait pour une fable . »

c) Composé sur le long-court : longs dialogues

d) Roman irrésumable : pas racontable, ne peut être ramené à un résumé

narratif e) Intertextualité : références à Don Quichotte et Sancho : couple du

maître et du domestique Jacques et son Maître (pas de nom) – on arrive in media res, on ne

sait pas d’où ils viennent ni où ils vont

« Comment s’étaient-ils rencontrés ? – Par hasard, comme tout le monde. – Comment

s’appelaient-ils ? – Que vous importe ? – D’où venaient-ils ? – Du lieu le plus prochain. – Où

allaient-ils ? – Est-ce que l’on sait où l’on va ? – Que disaient-ils ? – Le maître ne disait rien

; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-

bas était écrit là-haut. »

f) Diderot ne sait rien, ses personnages décident, soumis au hasard des

événements et de sa traduction littéraire >< Romancier balzacien omniscient (qui arrive +

tard) - Allégorie de la vie elle-même : soumise au hasard

g) Constantes interventions de l’auteur dans le roman, perturbant pr le

lecteur

« Vous voyez, lecteur, que je suis en beau chemin, et qu’il ne tiendrait qu’à moi de vous faire

attendre un an, deux ans, trois ans le récit des amours de Jacques, et le séparant de son

maître, et en leur faisant courir à chacun tous les hasards qu’il me plairait. Qu’est-ce qui

m’empêcherait de marier le maître et de le faire cocu? D’embarquer Jacques pour les îles

[…] Qu’il est facile de faire des contes! »

h) Rien de continu ni de linéaire : électron libre, fil rouge pr cohérence (le

roman des amours de Jacques, que le lecteur n’aura jamais car toujours interrompu)

Dénonce le genre romanesque comme falsification de la réalité, rappelle que le genre est

construit, dénonce le style qui fait croire à la réalité (>< Balzac – pas encore né – un seul

Page 20: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

20

déroulement possible)

2. Conclusion : le roman de Diderot…

a) Brise illusion romanesque

b) Rompt l’hypnotisme de la lecture

c) Est un roman de tous les possibles narratifs (montre toutes les voies

possibles, les choix, les amorces de romans refusés)

« Jacques ne se fit pas prier, aussitôt il tourne bride, et regagne au petit pas, car il n’était

jamais pressé… – Le château immense ? – Non, non. Entre les différents gîtes possibles, ou

non possibles dont je vous ai fait l’énumération qui précède, choisissez celui qui convient le

mieux à la circonstance présente. »

d) Etablit une distanciation p/r aux personnages comme s’ils vivaient

indépendamment de lui et prétend être contraint à raconter la vérité ( !! Paradoxe !!)

e) Inclut son lecteur, qui est impliqué et provoqué

Roman expérimental pour définir et interroger les limites du roman.

Dimension parodique, destruction volontaire

Roman complexe : 1 trame parcourue par d’autres fils

Distanciation p/r aux modèles : Réaliste car éléments quotidiens ; Pas réaliste

car éléments quotidiens utilisés parodiquement + personnages dépourvus de psychologie

Intérêt du roman > traitement de matière romanesque et non du contenu. En même

temps : réalisme et déconstruction du réalisme pour rompre l’illusion

Le Roman anglais : The Life and Opinion of Tristram Shandy, Gentleman – Laurence

Sterne

I. Un roman parodique

1. Parodie des prétentions du roman à imiter la réalité : dénonce illusion

Page 21: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

21

mimétique romanesque : ceci n’est pas la vie de Tristram Shandy Tristram Shandy = roman

≠ vie

2. Remise en cause du modèle autobiographique

a) Mots ≠ reproduction des objets du monde ; Mots = création d’un monde

inventé par l’auteur

NB : Roman à certaines pages ttes blanches, ou noires, ou colorés : éléments OVNI anti-

roman, méta-roman

II. Un anti-roman : contre-convention + réflexion sur le roman

1. Prise de conscience de la forme romanesque en la détruisant

2. Sujet du roman = le roman comme genre

3. Transgression vis-à-vis des attentes du lecteur et invitation à la collaboration

dans l’élaboration de l’histoire

II. Contexte

1. Avènement du novel en Angleterre

a) Période de débat sur le roman

b) Nouveautés < Angleterre

c) Triomphe de l’individu

- sur le plan intellectuel : John Locke (l’Essai sur l’entendement

humain, 1690) • connaissance < expérience (empirisme)

- sur le plan économique et social : ascension de la bourgeoisie

-> Mise en avant de l’individu, de ses capacités d’analyse, de pensée et de réussite sociale

d) Nouveau roman (d’héritage picaresque)

- Description de l’homme moderne dans la société moderne

- sa vie extérieure (héritage picaresque)

- sa vie intérieure (réalisme subjectif chez Richardson)

- Héros en devenir dans une société qui évolue

Ex. : Daniel Defoe (1660-1731), Robinson Crusoé (1719); Moll Flanders (1722) :

journalisme, reportage, détricote l’authenticité

Tobias Smollett (1721-1771), La Carrière d’un vaurien (The Adventures of Ferdinand

Count Fathom, 1753) : portrait critique de l’arrivisme social

Henry Fielding (1707-1754), Tom Jones (1749) : roman picaresque moderne à l’anglaise,

parcours initiatique roman d’apprentissage

Samuel Richardson (1689-1761), Pamela, ou la Vertu récompensée (Pamela, or Virtue

Rewarded, 1741)

e) Nouveautés

- souci d’ancrer l’intrigue dans le temps présent

- goût pour l’analyse (voire la critique) de mœurs

- goût pour l’analyse psychologique

- personnages ≠ stéréotypes

- mise en place de structures narratives complexes

- humour, ironie

Objectifs du novel : Fiction vraisemblable, crédible et leçon de morale (exemplarité, utilité)

Prise à rebours

2. Auteur : Laurence Sterne

Page 22: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

22

a) Origine irlandaise, étudiant à Cambridge, inspiré par John Locke,

Rabelais et Cervantès

b) 1738 : devient pasteur, écrit des sermons et prend goût à l’écritique

c) Tombe malade (tuberculose) et fait le Voyage sentimental ≈ Grand

Tour pour se soigner mais meurt quand même

III. Livre (9 livres)

1. Résumé

a) Work in progress : étalement, constante évolution

- Roman sans histoire

b) Héros narrateur pas encore né – entorse au « récit de vie »

c) Naissance compliquée

d) Personnages animés d’un hobby-horse

- Walter Shandy

- Oncle Toby (siège de Namur)

2. Pistes d’analyse

a) Incipit : lieu stratégique, passage initial (car < incipere : prendre en

main, commencer ; passage initial d’un texte narratif ; fonction codifiante, fonction

informative, fonction dramatique, fonction séductrice)

- Pseudo-autobiographie

- naissance -> conception du héros (préhistoire)

- Personnage et commentateur (focalisation 0)

- ≠ début in media res

- début « ab ovo »

- Récit de sa conception

«A mon sens, lorsque mes parents m’engendrèrent, l’un ou l’autre aurait dû prendre garde à

ce qu’il faisait : et pourquoi pas tous deux puisque c’était leur commun devoir ? […]

-Pardon mon ami, dit ma mère, n’avez-vous pas oublié de remonter la pendule ?

-Grand Dieu ! s’exclama mon père, non sans un effort pour étouffer sa voix, depuis la

création du monde, une femme a-t-elle jamais interrompu un homme par une question si

sotte ? »

b) La structure

- Contre la linéarité : éloge de la ligne serpentine

• >< contre un récit orienté en fct de sa fin

• logique de la vie où tout peut arriver, liberté

= plaidoyer contre le classicisme

« Comment avez-vous pu, madame, lire avec si peu d’attention le précédent chapitre ?

– […] J’ai donc, Monsieur, sauté une page.

– Non, Madame, vous n’avez pas sauté un mot.

– Alors, monsieur, c’est que je dormais.

– […] en guise de punition vous allez revenir en arrière aussitôt (j’entends quand j’aurai

fini ma phrase) pour relire ce chapitre. »

La préface arrive après le ch XX du volume II

- Digressions

• = partie du discours où l’on traite de choses qui

Page 23: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

23

paraissent hors du sujet principal Sterne -> hors sujet = principal

• renversement hiérarchique dans la disposition de la

matière romanesque • lieu d’expression de la subjectivité

• associations d’idées < fonctionnement de l’esprit

- Interruptions : suspensions (≠ suspens)

« Il était une fois un roi de Bo-hê–

A peine le caporal franchissait-il les frontières de la Bohême que mon oncle Toby le pria de

s’arrêter un instant.

[…]

« Il était une fois un roi de Bohême – sous quel règne ? hormis le sien, je ne saurais le dire à

Votre Honneur –

– Je ne te le demande nullement, Trim, s’écria mon oncle Toby.

« En l’an de grâce 1712, n’en déplaise à Votre Honneur –

-A vrai dire, Trim, interrompit mon oncle Toby, toute autre date m’eût satisfait

davantage… »

« Il était donc, n’en déplaise à Votre Honneur, dit Trim qui haussa la voix et se frotta

joyeusement les mains, un certain Roi de Bohême –

-Ne donne aucune date, Trim, dit mon oncle Toby […] ; les histoirse se passent très bien

de ces enjolivements si l’on n’en est pas très sûr. »

« Ce malheureux roi de Bohême – dit Trim.

–Il était donc malheureux ? s’écria mon oncle Toby. »

Stratégie déceptive

- Narrateur

• visible et omniprésent

• manifestation du narrateur comme auteur

• monstration du geste scriptural

• rupture de l’illusion romanesque

NB. : métalepse = interférence entre le niveau de la narration et celui de la diégèse =

interventions de l’auteur dans la fiction

« Je suis débarrassé de tous mes héros et puisque, pour la première fois, je dispose d’un

certain loisir, je m’en vais le mettre à profit pour écrire ma préface. »

« J’ai laissé mon père gisant au travers du lit, mon oncle Toby assis dans le vieux fauteuil à

franges et j’ai promis de les retrouver dans une demi-heure, or trente-cinq minutes sont déjà

passées. »

« Je donnerai volontiers une couronne à celui qui m’aidera par son savoir-faire à sortir de

leur escalier et à mettre au lit mon père et mon oncle. »

- Transgression

• court-circuit entre l’univers représenté et la

représentation • exhibition de l’artifice

• prise de conscience du lecteur

NB : Dialogue avec le lecteur

« Posez le livre et je vous accorde une demi-journée pour deviner les causes probables d’une

telle attitude. » (I, 10)

« Ma sœur se soucie peu, dit mon oncle Toby, de voir un homme la ****. […] Supprimez-les

Page 24: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

24

et écrivez « tâtez » et c’est une grossièreté. Biffez « tâter » et mettez à la place « forcer dans

ses retranchements », c’est une métaphore. » (II, 7)

« Pour en avoir une idée juste, faites-vous apporter, je vous prie, une plume et de l’encre.

Voici du papier à portée de votre main. Asseyez-vous, monsieur, et tracez un portrait à votre

guise: qu’il se rapproche autant que vous le pourrez des traits de votre maîtresse, qu’il diffère

autant que votre conscience vous le permettra des traits de votre femme – peu m’en chaut –

ne songez qu’à vous satisfaire. » (VI, 38)

« […] quiconque voudra me prendre la plume des mains et poursuivre le récit à ma place

sera le bienvenu » (IX, 24)

3. Postérité

Diderot, petits romantiques, XXIe siècle

Conclusions :

- Sujet = genèse du roman lui-même

- Mise en perspective critique du genre

- Exhibition des procédés

- Interventions de l’auteur (métalepses)

- Dénonciation de l’écart entre fiction et le réel (auquel elle renvoie par convention)

- présence d’un lecteur implicite constamment interpellé

- Matérialité du livre

Page 25: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

25

Focus : Jean-Jacques Rousseau – Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761)

I. Contexte

1. Philosophie des Lumières, philosophie complexe qui a une incidence

2. Rousseau :

a) Ecrit 1 seul roman, des traités sur la musique, la botanique, la

philosophie b) Discours sur les sciences et les arts :

- Littérature et théâtre = dangers (gd lecteur de romans mais

partage mépris de son siècle pr ceux-ci)

cf. péritexte du Narcisse : « La littérature corrompt les peuples restés proches de la

simplicité primitive mais elle est nécessaire quand ils sont déjà corrompus, car elle permet

d’éviter le pire » // « Il faut des spectacles aux grandes villes et des romans aux peuples

corrompus » dans la Nouvelle Héloïse

c) Regard sur l’homme : homme bon au naturel et corrompu par la société

3. Révolution du roman…

a) Genèse du livre :

- En exil à l’Hermitage de Mme d’Epinay (entouré d’un lac, d’une

campagne), suite à une crise de paranoïa (il rompt ses liens ac Voltaire, rompt ac l’écriture) et

à des tracas domestiques, il se réfugie au « pays des chimères », dans son intériorité

« Ivre d’amour sans objet »

- D’abord lettres éparses puis ~ plan organisateur, obsédé par ses

personnages. Plan àpd un dénouement moral salutaire

- Le philosophe et le moraliste corrigeront le romancier.

« J’imaginai deux amies, plutôt que deux amis, parce que si l’exemple est plus rare, il est

aussi plus aimable. […] Je donnai à l’une des deux un amant dont l’autre fût la tendre amie

[...]. Épris de mes charmants modèles, je m’identifiais avec l’amant et l’ami autant qu’il

m’était possible ». (J.J. Rousseau, Confessions, Livre IX)

Page 26: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

26

b) Rencontre avec Sophie d’Houdetot

- Sophie // Julie, son personnage dont il est amoureux

identifie sa fiction au réel

« Au plus fort de mes rêveries, j’eus une visite de madame d’Houdetot. […] Cette visite eut

un peu l’air d’un début de roman »

« Je vis ma Julie en Mme d’Houdetot »

- Commencé comme une compensation aux frustrations de

l’existence >< L’œuvre se gonfle et se nourrit de l’existence vécue

II. Julie ou la Nouvelle Héloïse (roman qu’il garde pour lui dans un premier

temps)

« Il faut des spectacles dans les grandes villes, et des romans aux peuples corrompus. J’ai

vu les mœurs de mon temps et j’ai publié ces lettres »

1. Titre : Nouvelle Héloïse suppose une ancienne Héloïse Héloïse et

Abélard XIe siècle // Julie et Saint-Preux

a) Annonce le genre : amour éternel et contrarié ramené au XVIIIe

siècle - Roman sur jeune femme (vierge) et son éducation

2. Résumé

a) Julie aime Saint-Preux, mais elle finit par accepter de se marier

avec M de Wolmar, qui est au courant de la situation (cf Princesse de Clèves)

b) Saint-Preux désespéré part pdt 4 ans pr l’oublier

c) A son retour, invité par mari de Julie dans leur domaine

- Domaine = microsociété idéale, famille heureuse

- Sentiment amoureux jms renouvelé

d) Julie meurt et avoue qu’elle n’a jms cessé d’aimer Saint-Preux

(équilibre n’était qu’apparent)

3. Intertextualité :

a) L’Astrée (cadre pour l’image du domaine)

b) Les Lettres portugaises

c) La Princesse de Clèves

d) Télémaque

e) Romans de Prévost et de Marivaux

f) Richardson ?

- Richardson : « des hommes communs et des événements

rares » - >< Rousseau: âmes hors du commun et peu

d’événements + pas d’homme méchant + pas de complexité car objectif moral qui colle à

l’intention 1ère sincère + femme transcende

4. But : moral mais sent contradiction

Pourquoi la peinture des passions dans son livre serait-elle moins pernicieuse qu’au

théâtre ?

« Ce livre n’est point fait pour circuler dans le monde, et convient à très peu de lecteurs. »

« Jamais fille chaste n’a lu de romans. […] Celle qui, malgré ce titre, en osera lire une

seule page est une fille perdue ; mais qu’elle n’impute point sa perte à ce livre, le mal était

fait d’avance. Puisqu’elle a commencé, qu’elle achève de lire : elle n’a plus rien à

Page 27: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

27

risquer. » (Jean-Jacques Rousseau, préface à La Nouvelle Héloïse)

« Mon grand embarras était la honte de me démentir ainsi moi-même si nettement et si

hautement. Après les principes sévères que je venais d'établir avec tant de fracas, après les

maximes austères que j'avais si fortement prêchées, après tant d'invectives mordantes

contre les livres efféminés qui respiraient l'amour et la mollesse, pouvait-on rien imaginer

de plus inattendu, de plus choquant que de me voir tout d'un coup m'inscrire de ma propre

main parmi les auteurs de ces livres, que j'avais si durement censurés? Je sentais cette

inconséquence dans toute sa force, je me la reprochais, j'en rougissais, je m'en dépitais:

mais tout cela ne put suffire pour me ramener à la raison. Subjugué complètement, il fallut

me soumettre à tout risque, et me résoudre à braver le qu'en dira-t-on; sauf à délibérer

dans la suite si je me résoudrais à montrer mon ouvrage ou non car je ne supposais pas

encore que j'en vinsse à le publier. » (J.-J. Rousseau, Confessions, Livre IX)

a) Mais : roman didactique

« Les êtres parfaits ne sont pas dans la nature, et leurs leçons ne sont pas assez près de

nous. Mais qu'une jeune personne, née avec un cœur aussi tendre qu'honnête, se laisse

vaincre à l'amour étant fille, et retrouve étant femme des forces pour le vaincre à son tour

et redevenir vertueuse: quiconque vous dira que ce tableau dans sa totalité est scandaleux

et n'est pas utile, est un menteur et un hypocrite; ne l'écoutez pas. » (J.-J. Rousseau,

Confessions, Livre IX)

5. But : donner au romanesque une dignité nouvelle

a) Roman épistolaire :

- Ressources de la polyphonie

b) Personnages peu communs, pfts >< société corrompue

- Julie = pfte

« Adoucir leur haine réciproque en détruisant leurs préjugés, et […] montrer à chaque

parti le mérite et la vertu dans l’autre ».(J.-J. Rousseau, Confessions, Livre IX)

- Athée vertueux mais être du manque : Wolmar il est

moins pft mais sincère et ramené à la foi par la mort de Julie

NB : le roman n’est ni dévot, ni athée (Rousseau : religion naturelle) concorde et paix

publique - Saint-Preux : pas parfait, l’amant qui a des limites,

comme Rousseau

6. But : montrer que la passion régénérée conduit à la Vertu et à

l’ordre a) L’Amour, une totalité: sens et sentiments

Union corps/âme mais l’âme transcende les désirs du

corps. B) Obsession de la précarité des choses (v. infra) : fuite du tmps,

temporalité du récit car 2 parties complémentaires :

- Roman de la passion (retenue par les Romantiques)

- Passion régénérée transcende chez les Wolmar

cf. Lettre XVIII de la IIIe partie de Julie à Saint-Preux

• Julie veut d’abord rester la maîtresse de son

amant, même si elle épouse Wolmar (banal au XVIIIe)

• >< Elle comprend que l’amour vrai ne peut se

passer de Vertu: Saint-Preux ne pourrait pas l’aimer adultère

« Tout est changé entre nous ; il faut nécessairement que votre cœur change. Julie de

Page 28: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

28

Wolmar n’est plus votre ancienne Julie ; la révolution de vos sentiments pour elle est

inévitable, et il ne vous reste que le choix de faire honneur de ce changement au vice ou à

la vertu. J’ai dans la mémoire un passage d’un auteur que vous ne récuserez

pas : L’amour, dit-il, est privé de son plus grand charme quand l’honnêteté l’abandonne.

Pour en sentir tout le prix, il faut que le cœur s’y complaise, et qu’il nous élève en élevant

l’objet aimé. Otez l’idée de la perfection, vous ôtez l’enthousiasme ; ôtez l’estime, et

l’amour n’est plus rien. » (J.-J. Rousseau, La Nouvelle Héloïse, III, 18)

Retour aux vraies valeurs, jusque là occultées par la passion

Pas de droit au Bonheur sans retour à la Vertu

Désormais, Saint-Preux ne peut plus être que « l’amant de son âme » :

« Oui, mon bon et digne ami, pour nous aimer toujours il faut renoncer l’un à l’autre.

Oublions tout le reste, et soyez l’amant de mon âme. Cette idée est si douce qu’elle console

de tout. »

= charnière entre les 2 parties : passions apologie du mariage

Le souvenir fige et idéalise >< La vie modifie les êtres qui, pourtant, croient demeurer

semblables à eux-mêmes

C’est du souvenir de leur amour que Julie et Saint-Preux sont amoureux!

TROUVAILLE DE ROUSSEAU: éviter la mièvrerie du happy end dans l’utopie de Clarens

- Quand le rêve paraît se réaliser, Julie meurt

- Le bonheur stable est inaccessible à l’homme dans la contingence, il ne

peut le trouver qu’auprès de Dieu:

« Mon bonheur […], monté par degré était au comble, il ne pouvait plus que déchoir […]

Un état permanent est-il fait pour l’homme? Non, quand on a tout acquis, il faut tout

perdre; ne fût-ce que le plaisir de la possession, qui s’use par elle. […] je fus heureuse, je

le suis, je vais l’être: mon bonheur est fixé, je l’arrache à la fortune; il n’a plus de bornes

que l’éternité. » (NH., VI, Lettre 11, de M. de Wolmar)

« Vous m’avez crue guérie, et j’ai cru l’être. Rendons grâces à celui qui fit durer cette

erreur autant qu’elle était utile : qui sait si, me voyant si près de l’abîme, la tête ne m’eût

point tourné ? Oui, j’eus beau vouloir étouffer le premier sentiment qui m’a fait vivre, il

s’est concentré dans mon cœur. Il s’y réveille au moment qu’il n’est plus à craindre ; il me

soutient quand mes forces m’abandonnent ; il me ranime quand je me meurs. Mon ami, je

fais cet aveu sans honte ; ce sentiment resté malgré moi fut involontaire ; il n’a rien coûté

à mon innocence ; tout ce qui dépend de ma volonté fut pour mon devoir : si le cœur qui

n’en dépend pas fut pour vous, ce fut mon tourment et non pas mon crime. J’ai fait ce que

j’ai dû faire ; la vertu me reste sans tache, et l’amour m’est resté sans remords. J’ose

m’honorer du passé ; mais qui m’eût pu répondre de l’avenir ? Un jour de plus peut-être,

et j’étais coupable ! » (N.H., VI, lettre 12, de Julie)

Conclusions :

- ≠ seulement l’histoire d’un amour, MAIS

- l’ histoire du devenir, du développement des êtres et des consciences

ROMAN DE FORMATION ET ITINERAIRE DES ÂMES BIEN NEES.

Page 29: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

29

III. Les Souffrances du jeune Werther, Johann Wolfgang von Goethe (1774)

I. « fleur bleue »

1. « Die blaue Blume », expression de Novalis (1772‐1801) dans Heinrich von

Ofterdingen

2. symbole de l’amour absolu, de l’idéal, de la poésie

3. importance du bleu chez les romantiques

II. l’« effet Werther » = un phénomène de psychologie sociale (expression < David

Phillips, sociologue américain, en 1974)

1. idée : médiatisation d'un suicide > contagion > vague de suicides

2. La « wertheromanie » → un phénomène littéraire et sociologique

→ cf. effets jugés dévastateurs de la lecture / d’un certain type de lecture (identificatrice et

compassionnelle)

III. « Je l’aime, elle ne m’aime pas » = canevas producteur en littérature

1. Wilhelm : « Tu aimes Charlotte : ou bien tu as quelque espoir, et alors tu agis ;

ou bien tu n'en as aucun, et alors tu renonces. » = voix de la raison: ou bien, ou bien

a) Werther ‐> 3e possibilité : « je n'ai aucun espoir, mais tout de même...»

→ amoureux inaccessible à la raison → renoncer = mourir

IV. Contexte

1. Le pre‐romantisme allemand 1775‐1785

a) « romantique » :

- initialement : « ce qui est comme un roman » → sens péjoratif

(// « romanesque »)

- XVIIIe s. < Rousseau ‐> perception du paysage > sentiments,

mélancolie (dans Rêveries d’un promeneur solitaire)

- XIXe s. (an.1820) ‐> mouvement littéraire novateur, opposé au

classicisme

→ ! le mouvement en question ne naît pas en France, mais en Allemagne et en Angleterre

b) Situation politique

- Allemagne ≠ nation unifiée, à l’époque > mosaïque de petits

États (vs. France) - situation politique bouchée dans cette société, la bourgeoisie n’a

pas l’espoir d’une possibilité de changement

> le désir de révolte s’exprime sur un autre plan : dans le domaine

esthétique et littéraire ≡ « compensation » ; intériorisation du désir de changement : idéalisme

/ révolution intérieure

> apparition d’un mouvement répondant à ce sentiment de révolte : le

Sturm und Drang

c) Sturm un Drang : pas une école littéraire structurée mais annonce le

romantisme - « tempête et élan » / « orage et passion » < titre d’une pièce de

théâtre de Friedrich Maximilian von Klinger (1752‐1831)

- courant de sensibilité nouveau (pre‐romantisme), auquel Goethe

s’affilie - Johann Wolfgang von Goethe (1749‐1832) : devient le phare du

mouvement → s’était déjà fait connaitre avec Les Souffrances du jeune Werther (1774)

d) 1800 le mouvement se structure > romantisme d’Iena (Schlegel,

Novalis, Tieck, Schelling)

→ idees‐forces de ce pre‐romantisme allemand :

- exaltation du sentiment de la nature

→ sentiment du sublime : l’homme, face aux paysages

grandioses, ressent sa petitesse

→ paysage « état d’âme » : nature confidente ou consolatrice /

Page 30: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

30

exaltant les sentiments ; paysage où se projettent les émotions du personnage

cf. réconfort recherché par Werther dans la nature, lettre du 15 août

- le culte des antiquités nationales (Caspar David Friedrich,

L’abbaye dans une forêt de chênes) (1809‐1810)

→ volonté de se retremper aux sources du génie national (><

modèles classiques) // courant gothique, en Angleterre

- L’expression de la sensibilité→ dette envers Rousseau

→ expression de la mélancolie : Empfindsamkeit (« âge de la

sensibilité »)et sentiment de souffrance et de désespoir face à l’indifférence du monde

(Weltschmerz) < impossibilité d’y réaliser ses désirs et ses rêves les plus profonds

→ sentiment d’inadéquation entre l’individu et le monde

→ passion amoureuse

• exaltation de l’affect contre la raison (aspect

dévastateur de la passion) • remise en cause des préceptes moraux, des

préjugés et des institutions sociales cf. passion : au‐dessus du mariage

- Originalité et génie >< règles, conventions, traditions

« Elle seule [la nature] est infiniment riche, elle seule forme le grand artiste. On peut dire à

l’avantage des règles bien des choses, à peu près ce que l’on peut dire aussi à la louange de

la société bourgeoise. En se conformant aux règles, l’homme ne produira jamais rien

d’insipide et de mauvais, tout comme celui qui se laisse modeler par les lois sociales et les

bienséances ne deviendra jamais un insupportable voisin, ni un remarquable coquin ; par

contre, quoi qu’on en dise, toute règle détruira le sentiment vrai de la nature et son

expression vraie. » (26 mai)

• >< tradition classique d’origine française ><

hégémonie littéraire de la France • nouvelles sources d’inspiration, clairement

explicitées dans Werther (sorte de manifeste du préromantisme)

cf. poème Fingal, présenté comme l’oeuvre d’un certain Ossian (« poète irlandais du IIIe

siècle ») → supercherie : en réalité, c’est une oeuvre du XVIIIe s., composée par James

McPherson en 1761.

« Ossian a supplanté Homère dans mon cœur. Quel monde que celui où me transporte ce

poète sublime ! Errer par la lande, entouré du grondement de la tempête, qui parmi les

brumes vaporeuses emporte les esprits des ancêtres à la clarté crépusculaire de la lune ! »

(12 oct.) → lectures de Werther : Homère >> Ossian→ lecture d’Ossian : rôle stratégique

dans le roman

→ met en avant un nouveau modèle de poésie sauvage, authentique

- les genres littéraires

• théâtre et poésie surtout

• mais roman également < souci de décloisonnement entre

les genres < remise en question de la hiérarchie entre les genres, héritée du classicisme

→ Le roman romantique :

mise en avant de la sensibilité et de la subjectivité

forme intime, à la 1ère personne

place donnée à la passion (excès)

place donnée à la nature

2. L’auteur

a) intérêt pour Johann Gottfried Herder (1744‐1803), promoteur de la

poésie populaire

b) Goetz von Berlichingen (1773), pièce de théâtre qui le porte sur le

devant de la scène littéraire

Page 31: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

31

c) Les Souffrances du jeune Werther (Die Leiden des jungen Werthers),

1774 (revu en 1787)

d) Weimar = capitale d’une principauté allemande → Goethe y est invité

pour assumer certaines fonctions politiques → quitte brusquement la ville, pour l’Italie →

retour vers les sources classiques ; nouvelle inspiration

>> Werther ≠ oeuvre représentative de l’ensemble de la production de Goethe

e) L’apres‐Werther :

- Bildungsroman cf. Les Années d’apprentissage de Wilhelm

Meister (1794‐1796) → histoire d’un Werther qui aurait réussi à surmonter la crise.

V. Le texte

1. Werther, anti‐Saint‐Preux ? → dette envers Rousseau (intertextualité

implicite)

a) sur le plan de la forme (lettres)

b) sur le plan du contenu (un amour impossible)

2. L’intertextualité :→ processus de transfert de matériaux textuels à l’intérieur

de l’ensemble des discours littéraires→ renvoi d’un texte à un autre par voie de citations,

d’allusions, de références plus ou moins explicites

3. le contenu

a) dimension autobiographique cf. Goethe = un amoureux déçu (passion

pour Charlotte Buff, promise à Kestner)

- Charlotte Buff ‐> Lotte

- Johann Christian Kestner ‐> Albert

b) dimension historique cf. suicide de Karl Wilhelm Jerusalem (1772) <

dépit amoureux → a emprunté son arme à Kestner

= lecture romantique (oeuvre = auteur) : on cherche dans l’oeuvre des matériaux liés à la vie

et la sensibilité de l’auteur (cf. film Goethe !)

4. Résumé

a) Printemps ‐> temps heureux

b) Orage ‐> rencontre avec Charlotte

c) passion < affinité élective Cf. Les affinités électives (Die

Wahlverwandschaften, 1809) → lien chimique qui s’établit entre deux personnes ; passion

amoureuse placée au‐dessus de la raison, du devoir, des ambitions matérielles

d) Albert = obstacle

e) Éloignement ‐> échec

f) Automne ‐>déchéance

g) Hiver ‐> suicide

→ intertexte rousseauiste

• « Triangle amoureux » :

‐ Werther= un original en butte au préjugé nobiliaire (cf. Saint‐Preux) ‐ Charlotte = la fée d’une petite collectivité patriarcale (cf. Julie,

Clarens) ‐ Albert = un mari aimable (cf. Wolmar)

• sensibilité débordante

• exaltation de la nature

• forme (lettre‐confidence)

→ différences et dépassement (en particulier par rapport au second volet du roman de

Rousseau) :

• ≠ amour partagé (Charlotte ne cède pas)

• ≠ passion sublimée, dépassée par un idéal moral supérieur

→ Werther refuse de renoncer

Page 32: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

32

→ ≠ 2e volet de Julie

5. la forme → réappropriation de la forme épistolaire

a) 2 niveaux de narration:

- = « l’éditeur », qui a recueilli « le matériau » = procédé du

manuscrit retrouvé

- = Werther

b) forme monodique ! (sauf à la fin : le pseudo‐éditeur des lettres prend le

relais > récit à la 3e pers.) ↔ amour sans réponse ; impression de monologue // journal

c) Impact sur le lecteur → longueur réduite

→ augmentation de l’intensité (< lecture continue et concentrée)

→ traitement monodique (< restriction du point de vue) > impact accru

→ nouvelle présentation de la subjectivité

→ accent mis sur l’action intérieure

→ lecteur émotionnellement impliqué < lecture compassionnelle

6. L’effet Werther : werthérisme et werthériades → fièvre de lecture /

phénomène éditorial→ phénomène sociologique

a) modèle pour la jeunesse, phénomène de mode (on copie détails,

vêtements, engouement pour la valse, etc.), impact sur la vie sociale et culturelle

→ un livre adulé

< propose un nouveau modèle et répond à un désir de changement

< exprime des sentiments que la littérature n’avait pas encore répercutés jusqu’alors :

- amour profond de la nature

- mélancolie

- passion se heurtant aux dures lois de la réalité

- conscience d’une destinée manquée

→ nouveau type de héros ‐> prototype

b) un livre détesté (par le clergé en particulier)

- immoralité

- incitation au suicide

- livre dangereux ‐> censure

→ fortune critique

• Mme de Staël, De l’influence des passions sur le bonheur des

individus et des nations (1796)

• Napoléon se targuait de l’avoir lu 7 fois

• Mary Shelley, Frankenstein (1818/1831) : le monstre lit

Werther

c) le « werthérisme »= intertextualité implicite (textes qui présentent une

figure du type Werther comme expression d’une souffrance typique de l’époque : le « mal du

siècle ») - René (1802) de Francois‐René de Chateaubriand (1768‐1848)

- Oberman (1804) d’Etienne Pivert de Senancour (1770‐1846)

- Les Dernières Lettres de Jacopo Ortis (Le ultime lettere di

Jacopo Ortis, 1798‐1802) d’Ugo Foscolo (1778‐1827)

d) les « werthériades » = imitations déclarées de l’oeuvre, souvent de

l’ordre de la parodie ou du pastiche, de la caricature (détournement formel ou thématique)

= intertextualité explicite

- Friedrich Nicolai, Les Joies du jeune Werther (1775) : Werther

épouse Lotte, a de nombreux enfants

- William James, The Letters of Charlotte, During her Connexion

with Werter (1786) : Werther vu du point de vue de Charlotte

Page 33: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

33

- Pierre Perrin, Werthérie (1791) ‐> en anglais The Female

Werther (1792)

- Johann Peter Hasenclever, La sentimentale (1846) - caricature

e) Le grand succès d’un petit livre :

→ Goethe, très clairvoyant : « L’effet de ce petit livre fut grand, monstrueux même, mais

surtout parce qu’il est arrivé au bon moment » (Dichtung und Wahrheit)

- expression des aspirations, passions insatisfaites et les

souffrances imaginaires (ou réelles) à propres à la jeunesse d’alors

Cf. Jakob Michael Reinhold Lenz, Lettres sur la moralité des Souffrances du jeune Werther

(1775) : « le mérite de Werther réside précisément dans le fait qu’il nous fait connaître des

passions et des sentiments que chacun ressent obscurément en soi, mais sur lesquels il ne

saurait mettre un nom. »

→ moment ↔ développement d’un sentiment diffus, le « mal du

siècle»: • sentiment vague de malaise partagé par la jeunesse de

l’époque • sentiment de souffrance moderne

• rébellion et mélancolie

= sentiment d’insatisfaction des jeunes gens d’alors, dans un monde qui ne permet plus

l’héroïsme

- Héros dans un monde sans héros

• changement de société

• Rêves héroïques sans perspectives

• Désespoir, mélancolie, tentation du suicide

• Extrait : il espère que l’amour va combler le vide

Le succès de Werther se perpétue à travers le temps : cf. Massenet, Werther (1892) : relit

l’oeuvre, l’adapte à la scène lyrique ; cf. Thomas Mann, Lotte à Weimar (1939) : petit roman

où l’auteur imagine que 40 ans plus tard, Lotte se rend à Weimar et y rencontre Goethe

• cf. Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux 1977 : essai sur le

sentiment amoureux, développé àl’appui de nombreuses lectures, parmi lesquelles Werther

« Charlotte est bien fade ; c’est le piètre personnage d’une mise en scène forte,

tourmentée, flamboyante, montée par le sujet Werther […] on dirait une grosse pigeonne,

immobile, tassée dans ses plumes, autour de laquelle tourne un mâle un peu fou. »

Je la suivis du regard et je vis la coiffure de Lotte se pencher hors de la portière ; elle se

retourna pour voir qui ? moi ? – Ah ! cher ami ! Voilà l’incertitude où je flotte, et voici ma

consolation : c’est peut-être pour me voir qu’elle s’est retournée ! Peut-être ! » (8 juillet)

« Non, je ne me trompe point ! Je lis dans ses yeux noirs un véritable intérêt pour moi et

pour mon sort. Oui, je le sens, et je puis en cela me fier à mon cœur, je sens – oh ! m’est-il

permis, m’est-il possible d’exprimer le ciel en ces mots ? – qu’elle m’aime ! » (13 juillet)

« Ah ! dans toutes mes veines quel frisson, quand mon doigt par mégarde touche le sien,

quand nos pieds se rencontrent sous la table ! » (16 juillet)

« Il m’en a coûté beaucoup de me résoudre à quitter le simple frac bleu que je portais

lorsque j’ai dansé avec Lotte pour la première fois, mais il avait fini par être entièrement

passé. Aussi m’en suis-je fait faire un autre exactement semblable au premier avec col et

revers et en outre de nouveau un gilet et des culottes jaunes. » (6 sept.)

Page 34: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

34

Focus : Les liaisons dangereuses – Choderlos de Laclos

I. Contexte : XVIIIe siècle finissant

1. Roman acquiert ses lettres de nobless

2. Laclos : militaire de carrière

3. Roman

a) Sous-titre sur frontispice + extrait de la préface à la Nouvelle

Héloïse de Rousseau

b) 2 gds thèmes :

- Roman sensible/sentimental cf Rousseau

- Roman libertin mondain

• initié par Claude Prosfer de Crébillon fils

4. Cannevas archétypal libertin : victoire sur le front // victoire amoureuse

a) Le narrateur est un homme, à l’automne de son existence, qui

raconte son apprentissage amoureux et sa carrière galante (≈ Bildungsroman : roman de

formation, roman initiatique)

b) La narrateur est initié très jeune à l’amour par une femme

experte, une initiatrice c) Le narrateur a un mentor, être sans scrupules ou morale,

son guide : le roué d) Récit = catalogue impressionnant de victimes

Page 35: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

35

consentantes ou non

e) Fait une fin : retourne à un mariage vertueux et exemplaire

Laclos hérite de ce modèle et devient le dernier gd libertin avt la Rév fr. Il est redevable

au roman-liste, mais s’en démarque en utilisant la polyphonie qui provoque un

dédoublement des points de vue

5. Modèle changé par Laclos :

a) Polyphonie épistolaire renouvelle le genre

- Déplacement de la focalisation

b) Mme de Merteuil : double féminin du roué

c) Il abandonne le récit de l’apprentissage du jeune homme pour

raconter la lutte à mort entre 2 personnes anciennement complices (le Vicomte Valmont et

Mme de Merteuil)

II. L’auteur

1. Pas destiné à la littérature + homme d’1 seul roman (à côté de traités

militaires et d’éducation)

a) Armée + importante car appartient à une récente noblesse

- Rêve de gloires mil, de campagnes étrangères // pas de

gds conflits vie ennuyeuse de petit officier de garnison

roman = vertu compensatoire p/r réalité

2. Mariage d’amour : Laclos n’est donc pas Valmont : pas de projection

autobiographique

3. Succès sur le modèle du succès de la Nouvelle Héloïse de Rousseau

a) roman libertin mondain : Egarements du cœur et de l’esprit de

Crébillon transcendé niveau référentiel et sémantique

b) succès scandale : le dénigrement attire

III. Le roman

1. Caractère référentiel et péritextes

a) Péritexte important : « ou lettres recueillies dans une société et

publiées pour instruction de quelques autres »

- Manuscrit trouvé authenticité

- But : instruire les lecteurs

cf. Extrait de la NH de Rousseau : dans son sillage

didactique : inscription dans une tradition romanesque

NB : le nom de Laclos n’est pas totalement écrit : brouillage autour de la figure de

l’auteur, entretenu par un jeu de démultiplication des instances narratives et retard de

l’incipit. Laclos reste silencieux, il y a seulement un avertissement de l’éditeur et une

préface du rédacteur

b) Avertissement de l’éditeur

« Nous croyons devoir prévenir le public, que, malgré le titre de cet ouvrage, et ce qu’en

dit le rédacteur dans sa préface, nous ne garantissons pas l’authenticité de ce recueil, et

que nous avons même de fortes raisons de penser que ce n’est qu’un roman. »

c) >< Préface du rédacteur

- Dévalorisation du texte

- Déni de paternité : il n’est pas l’auteur, seulement

Page 36: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

36

l’organisateur de la correspondance qui lui a été confiée

« Chargé de la. mettre en ordre par les personnes à qui elle était parvenue -et que je

savais dans l’intention de la publier, je n’ai demandé, pour prix de mes soins, que la

permission d’élaguer tout ce qui me paraîtrait inutile ; et j’ai tâché de ne conserver en

effet que les lettres qui m’ont paru nécessaires, soit à l’intelligence des événements, soit

au développement des caractères. »

2. Caractéristiques :

a) Topos du manuscrit trouvé

b) Rôle de l’*

c) Réflexions sur le style: ≠ l’œuvre d’un écrivain

d) Réflexions sur la vraisemblance et la vérité

e) Réflexions sur l’utilité du livre: « Le mérite d’un ouvrage se

compose de son utilité ou de son agrément » // esthétique du placere et docere

- But = morale ; dévoiler la face cachée du vice (jeu de

dupes hypocrite : faux)

f) Polyphonie: « variété des styles »

g) « qui va plaire à peu » + « mauvais exemple » : curiosité du

lecteur

Roman à clefs !! Id cachées ? révélation ? crainte succès

// témoignage mensonger de Stendhal

3. La forme et le propos

a) Roman polyphonique et polysémique

b) Roman libertin mondain: types des personnages (jusque dans

onomastique cf Valmont)

- Le séducteur, le roué: jouissance plus cérébrale que

physique - L’initiatrice, la libertine

- Le jeune homme inexpérimenté

- Les conquêtes, les victimes: vertueuse inaccessible,

l’ingénue amoureuse

ici, individualités propres + que types, transcende le modèle

- roués complices deviennent rivaux lutte à mort

c) Héritages

- Richardson : rapport /e/ Valmont et Lovelace

- Rousseau : polyphonie

d) Code de la lettre

- Ressources de l’épistolaire: le danger de la liaison passe

par le danger d’écrire - La lettre: arme de séduction ET point de rupture

- Se réapproprie le genre épistolaire

- Exploite la polyphonie: confronte différents point de vue

« Vous vous souvenez qu’on faisait épier mes démarches. En bien ! j’ai voulu que ce

moyen scandaleux tournât à l’édification publique, et voici ce que j’ai fait. J’ai chargé

mon confident de me trouver, dans les environs, quelque malheureux qui eût besoin de

secours. Cette commission n’était pas difficile à remplir. Hier après-midi, il me rendit

compte qu’on devait saisir aujourd’hui, dans la matinée, les meubles d’une famille entière

Page 37: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

37

qui ne pouvait payer la taille. Je m’assurai qu’il n’y eût dans cette maison aucune femme

ou fille dont l’âge et la figure pussent rendre mon action suspecte ; et, quand je fus bien

informé, je déclarai à souper mon projet d’aller à la chasse le lendemain. […] Au point

du jour je me lève et je pars. A peine à cinquante pas du château, j’aperçois mon espion

qui me suit. […] Cependant j’arrive au village ; je vois de la rumeur ; je m’avance ;

j’interroge ; on me raconte le fait. Je fais venir le collecteur ; et, cédant à ma généreuse

compassion, je paie noblement cinquante-six livres, pour lesquelles on réduisait cinq

personnes à la paille et au désespoir. Après cette action si simple, vous n’imaginez pas

quel chœur de bénédictions retentit autour de moi de la part des assistants ! Quelles

larmes de reconnaissance coulaient des yeux du vieux chef de cette famille, et

embellissaient cette figure de patriarche, qu’un moment auparavant l’empreinte farouche

du désespoir rendait vraiment hideuse ! […] J’avouerai ma faiblesse ; mes yeux se sont

mouillés de larmes, et j’ai senti en moi un mouvement involontaire, mais délicieux. Je

serais tenté de croire qu’il y a vraiment du plaisir à faire du bien et qu’après tout ce que

nous appelons les gens vertueux, n’ont pas tant de mérite qu’on se plaît à nous le dire.

Quoi qu’il en soit, j’ai trouvé juste de leur payer pour mon compte le plaisir qu’ils

venaient de me faire. J’avais pris dix louis sur moi ; je les leur ai donnés. Ici ont

recommencé les remerciements, mais ils n’avaient plus ce même degré de pathétique : le

nécessaire avait produit le grand, le véritable effet ; le reste n’était qu’une simple

expression de reconnaissance et d’étonnement pour des dons superflus. »

« Vous serez sans doute bien aise, Madame, de connaître un trait de M. de Valmont, qui

contraste beaucoup, ce me semble, avec tous ceux sous lesquels on vous l’a représenté. Il

est si pénible de penser désavantageusement de qui que se soit, si fâcheux de ne trouver

que des vices chez ceux qui auraient toutes les qualités nécessaires pour faire aimer la

vertu ! Enfin vous aimez tant à user d’indulgence, que c’est vous obliger que de vous

donner des motifs de revenir sur un jugement rigoureux. M. de Valmont me paraît fondé à

espérer cette faveur, je dirais presque cette justice de votre part, et voici sur quoi je le

pense. Il a fait ce matin une de ces courses qui pouvaient faire supposer quelque projet de

sa part dans les environs, comme l’idée vous en était venue ; idée que je m’accuse d’avoir

saisie peut-être avec trop de vivacité. Heureusement pour lui, et surtout heureusement

pour nous, puisque cela nous sauve d’être injustes, un de mes gens devait aller du même

côté que lui; et c’est par là que ma curiosité répréhensible, mais heureuse, a été satisfaite.

Il nous a rapporté que M. de Valmont, ayant trouvé au village de… une malheureuse

famille dont on vendait les meubles, faute d’avoir pu payer les impositions, s’était

empressé non seulement d’acquitter sur le champ la dette de ces pauvres gens, mais même

leur avait donné une somme d’argent assez considérable. Mon domestique a été témoin de

cette vertueuse action ; et il m’a rapporté de plus que les paysans, causant entre eux et

avec lui, avaient dit qu’un domestique qu’ils ont désigné, et que le mien croit être celui de

M. de Valmont, avait pris hier des informations sur ceux des habitants du village qui

pouvaient avoir besoin de secours. Si cela est ainsi, ce n’est même plus seulement une

compassion passagère, et que l’occasion détermine : c’est le projet formé de faire du

bien ; c’est la sollicitude de la bienfaisance ; c’est la plus belle vertu des plus belles

âmes ; mais, soit hasard ou projet, c’est toujours une action honnête et louable, et dont le

Page 38: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

38

seul récit m’a attendrie jusqu’aux larmes. J’ajouterai de plus, et toujours par justice, que

lorsque je lui ai parlé de cette action, de laquelle il ne disait mot, il a commencé par s’en

défendre, et a eu l’air d’y mettre si peu de valeur, lorsqu’il en est convenu, que sa

modestie en doublait le mérite. »

- Statut de la lettre : convaincre, raconter, tromper, séduire,

… Perversion de l’authenticité : hypocrisie généralisée, on ne peut croire

personne

« Ce n’est pas de n’avoir pas profité du moment que je vous reproche. D’une part, je ne

vois pas clairement qu’il fût venu ; de l’autre, je sais assez que, quoi qu’on en dise, une

occasion manquée se retrouve, tandis qu’on ne revient jamais d’une démarche

précipitée.Mais la véritable école est de vous être laissé aller à écrire. Je vous défie de

prévoir à présent où ceci peut vous mener. […] Quand vos belles phrases produiraient

une ivresse assez forte pour décider cette femme, vous flattez-vous qu’elle soit assez

longue pour que la réflexion n’ait pas le temps d’en empêcher l’aveu ? Songez donc au

temps qu’il faut pour écrire une lettre, à celui qui se passe avant qu’on la remette ; et

voyez si, surtout une femme à principes comme votre Dévote, peut vouloir si longtemps ce

qu’elle tâche de ne vouloir jamais. Cette marche peut réussir avec des enfants, qui, quand

ils écrivent : je vous aime, ne savent pas qu’ils disent : je me rends. Mais la vertu

raisonneuse de Mme de Tourvel me paraît fort bien connaître la valeur des termes. Aussi,

malgré l’avantage que vous aviez pris sur elle dans votre conversation, elle vous bat dans

sa lettre. […] De plus, une remarque que je m’étonne que vous n’ayez pas faite, c’est qu’il

n’y a rien de si difficile en amour, que d’écrire ce qu’on ne sent pas. Je dis encore d’une

façon vraisemblable : ce n’est pas qu’on ne se serve des mêmes mots, mais on ne les

arrange pas de même, ou plutôt on les arrange, et cela suffit. Relisez votre lettre : il y

règne un ordre qui vous décèle à chaque phrase. Je veux croire que votre Présidente est

assez peu formée pour ne s’en pas apercevoir ; mais qu’importe ? l’effet n’en est pas

moins manqué. C’est le défaut des romans ; l’auteur se bat les flancs pour s’échauffer, et

le lecteur reste froid. Héloïse est le seul qu’on en puisse excepter ; et malgré le talent de

l’auteur, cette observation m’a toujours fait croire que le fonds en était vrai. […] Croyez-

moi, vicomte : on vous demande de ne plus écrire ; profitez-en pour réparer votre faute, et

attendez l’occasion de parler. […]Je vous renvoie vos deux lettres, et si vous êtes prudent,

ce seront les dernières jusqu’après l’heureux moment. »

4. Subversion du code social

a) Laclos, produit de son temps

- Critique de l’éducation des filles (Des Femmes et de leur

éducation, 1783) >< futilités du monde ET aux préjugés des couvent

b) Mme de Merteuil inverse les rôles : pas de discours féministe,

agit comme un homme en son propre nom (permis car elle est veuve)

c) Merteuil et Valmont :

- Valmont: entre son modèle littéraire et son amour sincère

pour la Présidente

- Merteuil: entre le modèle masculin du libertinage et sa

Page 39: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

39

conscience proprement féminine

• Refus d’être une victime passive

• Volonté de renverser le système

Dérange la partition traditionnelle des fonctions

sexuées antagonisme entre les sexes: exprimé en termes

sociaux

« Que vos craintes me causent de pitié ! Combien elles me prouvent ma supériorité sur

vous ! Et vous voulez m’enseigner, me conduire ! Ah ! mon pauvre Valmont, quelle

distance il y a encore de vous à moi ! Non, tout l’orgueil de votre sexe ne suffirait pas

pour remplir l’intervalle qui nous sépare. Parce que vous ne pourriez exécuter mes

projets, vous les jugez impossibles ! Etre orgueilleux et faible, il te sied bien de vouloir

calculer mes moyens et juger de mes ressources ! Au vrai, Vicomte, vos conseils m’ont

donné de l’humeur, et je ne puis vous le cacher. »

« Et qu’avez-vous donc fait, que je n’aie surpassé mille fois ? Vous avez séduit, perdu

même beaucoup de femmes : mais quelles difficultés avez-vous eues à vaincre ? quels

obstacles à surmonter ? où est là le mérite qui soit véritablement à vous ? Une belle

figure, pur effet du hasard ; des grâces, que l’usage donne presque toujours ; de l’esprit à

la vérité, mais auquel du jargon suppléerait au besoin ; une impudence assez louable,

mais peut-être uniquement due à la facilité de vos premiers succès ; si je ne me trompe,

voilà tous vos moyens : car pour la célébrité que vous avez pu acquérir, vous n’exigerez

pas, je crois, que je compte pour beaucoup l’art de faire naître ou de saisir l’occasion

d’un scandale. »

« Je puis dire que je suis mon ouvrage »:

Tirer parti du silence et de l’inaction imposé aux filles:

observer et réfléchir

Apprendre à feindre et à dissimuler

Ne jamais abandonner la vigilance

S’instruire grâce à la lecture

« Je les fortifiai par le secours de la lecture ; mais ne croyez pas qu’elle fût toute du genre

que vous supposez. J’étudiai nos mœurs dans les romans ; nos opinions dans les

philosophes ; je cherchai même dans les moralistes les plus sévères ce qu’ils exigeaient de

nous, et je m’assurai ainsi de ce qu’on pouvait faire, de ce qu’on devait penser, et de ce

qu’il fallait paraître. » Art du masque

- Déclaration de guerre

« Mais de prétendre que je me donne tant de soins pour n’en pas retirer de fruits ;

qu’après m’être autant élevée au-dessus des autres femmes par mes travaux pénibles, je

consente à ramper comme elles dans ma marche, entre l’imprudence & la timidité ; que

surtout je puisse redouter un homme au point de ne plus voir mon salut que dans la fuite ?

Non, Vicomte, jamais. Il faut vaincre ou périr. »

En fin de compte, l’amour est un grain de sable dans l’engrenage et Merteuil est perdue

par ses lettres.

Page 40: Grands courants de la littérature - cerclehistoire.be©rature_Cours.pdf · Grands courants de la littérature Titre : Introduction : le thème du cours ... Investissement des discours

40