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avec installation rapide d'un coma avec convulsions. L'enfant, trans- fere en soins intensifs, a developpe une insuffisance respiratoire et, mal- gre I'intubation et la ventilation mecanique, il est decede 5 jours apres son admission. Or, 12 jours avant que cet enfant ne soit hos- pitalise, sa soeur, &gee de 9 ans avait ete hospitalisee pour une diar- rhee aqueuse avec 16thargie. Elle est rapidement devenue coma- teuse et est decedee le lendemain de son hospitalisation. Les recherches virologiques dans le LCR (herpes, enterovirus, dengue, encephalite japonaise) etaient negatives. Cependant, les cultures cellulaires (Vero, B HK-21) inoculees avec le LCR et le serum du jeune gar(~on ont presente un effet cytopathogene non speci- fique. Des recherches plus pous- sees ont permis d'isoler un virus de la grippe A qui s'est revele un virus de la grippe aviaire (H5N1). Les autres prelevements de cet enfant, 6tudies retrospectivement, ont demontr6 la presence du virus dans le LCR, le serum et les prele- vements pharynges et rectaux. Les charges virales etaient de 85 000 copies/mL dans le serum, 64000 copies dans le LCR, 1B0 000 copies dans le preleve- ment de gorge et 98 000 copies dans le prelevement rectal. Les pre- levements de la fillette n'etaient plus disponibles pour la recherche du virus aviaire. Les investigations epidemiolo- giques n'ont pas permis de retrou- ver I'origine de la contamination. En particulier, les enfants n'ont pas et6 en contact avec des volailles malades. Aucun membre de leur entourage n'a developp6 la mala- die. Dans les deux cas, le tableau clinique a fait porter un diagnostic d'infection gastro-intestinale et la cause du deces a et6 rapportee & une encephalite aigue. Ce tableau clinique est courant dans cette region du monde; les signes res- piratoires etaient absents chez la fillette et ils ne sont apparus qu'en fin d'evolution chez le gar?on. Le virus de la grippe aviaire pourrait donc etre responsable de tableaux cliniques beaucoup plus diversifies que ce qui etait admis jusqu'& pre- sent. Ceci implique que la sur- veillance clinique de la grippe aviaire chez I'homme devrait prendre en compte des deces res- tes inexpliques et divers tableaux cliniques caracterises par leur severite. Cette observation met en evidence la presence du virus dans le sang, le systeme nerveux central et le tube digestif, contrai- rement aux virus de la grippe humaine, qui restent Iocalises au niveau de I'arbre respiratoire. La dis- semination du virus aviaire dans tout I'organisme pourrait etre & I'ori- gine de sa tres grande pathogeni- cite. De plus, la presence du virus & titre eleve dans le pr~levement rectal d'un patient diarrheique peut aussi laisser redouter une possible transmission interhumaine par voie fecale. Decidement, le virus de la grippe aviaire n'a pas fini de nous inquie- ter ! De Jong M.D. et aL, N. EngL J. Med. 352 (16/02/05) 686-691 Grippe aviaire : un danger sous-estim ? !1 Une epidemie de grippe aviaire, appelee communement la grippe du poulet (appellation inexacte : les canards sont aussi touches - NDLR), sevit depuis plus d'un an en Asie, due au virus grippal H5N1, qui est hautement virulent chez les volatiles. Soixante~neufcas humains ont ete rapportes au Cambodge, en Tha'llande et au Vietnam. IIs proviendraient dans la grande majorite d'infections contractees directement par les patients au contact de volailles infectees. Quarante-six patients sent decedes & ce jour des suites de I'infection, ce qui porte le taux de mortalite & pres de 66 °/0. Le virus HSN1, objet d'une intense surveillance, ne laisse pas d'in- quieter les instances sanitaires des pays concernes et I'ensemble des experts de I'OMS. On redoute en en effet que ce virus acquiere, par mutation ou par recombinaison avec un virus grippal humain, la capacite de s'adapter & I'homme. Cette adaptation pourrait alors conduire & I'apparition d'un virus tres virulent, capable de se repandre rapidement par trans- mission inter-humaine. En somme, le scenario redoute aujourd'hui est celui d'une catastrophe sanitaire de I'ampleur de celle que le monde a connu Iors de la grande pandemie de grippe des annees 1918, la terrible grippe espagnole. Autre probleme : jusqu'& recem- ment, les autorites sanitaires consi- deraient que les signes cliniques de rinfection & virus H5N1 chez rhomme sont principalement d'ordre respiratoire. Cette opinion pourrait etre modifiee tres pro- chainement en reponse & la recente publication d'un cas alarmant, celui de ce gar?onnet sud-vietnamien de 4 ans, hospitalise dans un tableau clinique associant diarrhee et ence- phalite aigu~, mais aucune atteinte pulmonaire, et decede peu apres son admission. Le diagnostic viro- Iogique a revele qu'il etait en fait infecte par un virus H5N1, isole dans le LCR, les selles, la gorge et le serum. Cette etude tres corn- plate suggere que les signes cli- niques de I'infection & H5N21 pourraient etre plus divers que ceux que I'on connaissait jusqu'alors. Ces observations incitent ~.penser que le nombre de cas humains a pu etre sous-estime et qu'il faut rapi- dement redefinir les criteres qui permettent d'identifier et d'isoler les porteurs du virus. De Eong M.D. et aL, N. Engl. J. Med. 352 (16/02/05) 686-691 Revue Fran?aise des Laboratoires, avri12005, N ° 372 15

Grippe aviaire : un danger sous-estimé ?

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avec installation rapide d'un coma avec convulsions. L'enfant, trans- fere en soins intensifs, a developpe une insuffisance respiratoire et, mal- gre I'intubation et la ventilation mecanique, il est decede 5 jours apres son admission. Or, 12 jours avant que cet enfant ne soit hos- pitalise, sa soeur, &gee de 9 ans avait ete hospitalisee pour une diar- rhee aqueuse avec 16thargie. Elle est rapidement devenue coma- teuse et est decedee le lendemain de son hospitalisation. Les recherches virologiques dans le LCR (herpes, enterovirus, dengue, encephalite japonaise) etaient negatives. Cependant, les cultures cellulaires (Vero, B HK-21) inoculees avec le LCR et le serum du jeune gar(~on ont presente un effet cytopathogene non speci- fique. Des recherches plus pous- sees ont permis d'isoler un virus de la grippe A qui s'est revele un virus de la grippe aviaire (H5N1). Les autres prelevements de cet enfant, 6tudies retrospectivement, ont demontr6 la presence du virus dans le LCR, le serum et les prele- vements pharynges et rectaux. Les charges virales etaient de 85 000 copies/mL dans le serum, 64000 copies dans le LCR, 1 B0 000 copies dans le preleve- ment de gorge et 98 000 copies dans le prelevement rectal. Les pre- levements de la fillette n'etaient plus disponibles pour la recherche du virus aviaire. Les investigations epidemiolo- giques n'ont pas permis de retrou- ver I'origine de la contamination. En particulier, les enfants n'ont pas et6 en contact avec des volailles malades. Aucun membre de leur entourage n'a developp6 la mala- die. Dans les deux cas, le tableau clinique a fait porter un diagnostic d'infection gastro-intestinale et la cause du deces a et6 rapportee & une encephalite aigue. Ce tableau clinique est courant dans cette region du monde; les signes res- piratoires etaient absents chez la fillette et ils ne sont apparus qu'en fin d'evolution chez le gar?on. Le virus de la grippe aviaire pourrait donc etre responsable de tableaux cliniques beaucoup plus diversifies que ce qui etait admis jusqu'& pre- sent. Ceci implique que la sur- veillance clinique de la grippe aviaire chez I'homme devrait prendre en compte des deces res-

tes inexpliques et divers tableaux cliniques caracterises par leur severite. Cette observation met en evidence la presence du virus dans le sang, le systeme nerveux central et le tube digestif, contrai- rement aux virus de la grippe humaine, qui restent Iocalises au niveau de I'arbre respiratoire. La dis- semination du virus aviaire dans tout I'organisme pourrait etre & I'ori- gine de sa tres grande pathogeni- cite. De plus, la presence du virus & titre eleve dans le pr~levement rectal d'un patient diarrheique peut aussi laisser redouter une possible transmission interhumaine par voie fecale. Decidement, le virus de la grippe aviaire n'a pas fini de nous inquie- ter !

De Jong M.D. et aL, N. EngL J. Med. 352 (16/02/05)

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Grippe aviaire : un danger sous-estim ? !1 Une epidemie de grippe aviaire, appelee communement la grippe

du poulet (appellation inexacte : les canards sont aussi touches - NDLR), sevit depuis plus d'un an en Asie, due au virus grippal H5N1, qui est hautement virulent chez les volatiles. Soixante~neuf cas humains ont ete rapportes au Cambodge, en Tha'llande et au Vietnam. IIs proviendraient dans la grande majorite d'infections contractees directement par les patients au contact de volailles infectees. Quarante-six patients sent decedes & ce jour des suites de I'infection, ce qui porte le taux de mortalite & pres de 66 °/0. Le virus HSN1, objet d'une intense surveillance, ne laisse pas d'in- quieter les instances sanitaires des pays concernes et I'ensemble des experts de I'OMS. On redoute en en effet que ce virus acquiere, par mutation ou par recombinaison avec un virus grippal humain, la capacite de s'adapter & I'homme. Cette adaptation pourrait alors conduire & I'apparition d'un virus tres virulent, capable de se repandre rapidement par trans- mission inter-humaine. En somme, le scenario redoute aujourd'hui est celui d'une catastrophe sanitaire de I'ampleur de celle que le monde a connu Iors de la grande pandemie

de grippe des annees 1918, la terrible grippe espagnole. Autre probleme : jusqu'& recem- ment, les autorites sanitaires consi- deraient que les signes cliniques de rinfection & virus H5N1 chez rhomme sont principalement d'ordre respiratoire. Cette opinion pourrait etre modifiee tres pro- chainement en reponse & la recente publication d'un cas alarmant, celui de ce gar?onnet sud-vietnamien de 4 ans, hospitalise dans un tableau clinique associant diarrhee et ence- phalite aigu~, mais aucune atteinte pulmonaire, et decede peu apres son admission. Le diagnostic viro- Iogique a revele qu'il etait en fait infecte par un virus H5N1, isole dans le LCR, les selles, la gorge et le serum. Cette etude tres corn- plate suggere que les signes cli- niques de I'infection & H5N21 pourraient etre plus divers que ceux que I'on connaissait jusqu'alors. Ces observations incitent ~. penser que le nombre de cas humains a pu etre sous-estime et qu'il faut rapi- dement redefinir les criteres qui permettent d'identifier et d'isoler les porteurs du virus.

De Eong M.D. et aL, N. Engl. J. Med. 352 (16/02/05)

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